L'araignée dévoile son visage
Ce ne fut pas les gouttes de pluie, ni la forte odeur d'urine et de tabac qui extirpa Abby de son sommeil, mais ce fut une désagréable sensation d'être épiée qui la réveilla lentement.
- Nos deux invitées sont donc réveillées, fit remarquer une voix féminine.
Abby cligna lentement des yeux. Et tandis que sa vision se précisait, elle discerna rapidement qu'elle était assise sur un sol en métal humide, le dos contre une poutre du même matériau. Elle bougea discrètement les épaules et comprit qu'elle était enchainée.
- Vous êtes qui ?
Abby tourna la tête vers Liza qui se trouvait à quelque centimètre d'elle et qui braquait un regard acéré en direction de leur interlocutrice. Curieuse, Abby se tourna et découvrit leurs ennemis.
Ils étaient au nombre de quatre, deux hommes au physique impressionnant et à la mine patibulaire qu'Abby pouvait sans problème identifier comme de simple mastodonte dont la tâche était de les effrayer et deux femmes. Une assise dans un fauteuil avec de nombreux trous où s'échappait de la mousse et la deuxième se tenait à ses côtés et semblait les examiner avec minutie.
- Disons des gens qui n'aiment pas être dérangés par de vulgaires sous-fifres qui ne connaissent pas leur place dans le monde, siffla la jeune femme assise dans le fauteuil.
Elle passa une main aux ongles recouverts de vernis blanc dans ses long cheveux noir, quand elle leur adressa un long regard, Abby nota que ses yeux étaient verts. Elle se redressa alors, exhibant une longue robe noire et fluide. Abby vit alors un dessin derrière elle qui indiquait leur identité. Celui d'une araignée noire.
- C'est vous, l'araignée ?
- Aurais-je affaire à quelqu'un d'intelligente ? Vanna la jeune femme avec un sourire sarcastique.
Mais Liza se tourna vers la seconde femme dont le physique était beaucoup plus banal et qui passait presque inaperçu.
- Tu pourrais faire quelque chose ! Elle tue des personnes innocente ! Cracha Liza dans l'espoir de la faire réagir.
Mais l'inconnue ne daigna pas bouger, faisant réagir celle au cheveux noir. Celle-ci claqua des doigts et l'un des molosses s'approcha de la violette pour lui décrocher un violent coup de poing à la pommette, sonnant temporairement la marine.
- Liza !
- Ferme-la si tu ne veux pas subir le même sort, siffla la jeune femme.
- Mais vous êtes qui enfin ?!
La noiraude laissa un sourire euphorique naitre sur ses lèvres charnues.
- Vous connaissez mon surnom mais vous ignorez mon nom ? Je suis Sienna Kergarel, septième enfant du Don Kergarel.
Les deux marines écarquillèrent les yeux.
- Impossible ! La famille Kergarel a été décimé par l'araignée il y a dix ans, ordonnant le massacre d'une centaine de personne en l'espace d'une nuit !
- Et ? En quoi ma présentation est incompatible ? Demanda-t-elle simplement en levant un sourcil.
Les deux marines se lancèrent un regard surpris tandis que Liza répliqua dans un souffle :
- Comment vous avez pu faire assassiner votre propre famille ?
- Au même titre que mon très cher père avait des projets peu glorieux qui m'étaient destinés.
Ayant sans doute l'habitude de raconter son passée, Sienna Kergarel saisit une lime a ongle tendu par un de ses hommes de mains et conta :
- Je suis la dernière-née d'une famille de six frères, tous souhaitaient la faveur de mon père afin de lui succéder au trône de Don. Malheureusement, étant née femme, il n'y avait qu'un seul avenir qui m'attendait, celui de grossir les rangs des prostituées de la ville.
Voyant les regards choqués des jeunes femmes, Sienna l'arraignée soupira et reprit l'air de rien :
- Vous vous attendiez à un traitement de faveur ? Mon père n'était qu'un alcoolique violent envers ma propre mère. Comprenant alors le destin funeste qui m'attendait, je n'avais pas d'autre choix que le prendre en main. C'est ainsi que je rassemblais ma propre troupe et faisais tuer chacun de mes frères, ma technique préférée était de les empoisonner de manière insoupçonnée durant leur dernier banquet et de faire massacrer la totalité des hommes les plus fidèles du Don, sous les yeux de mon vieux père avant de lui trancher la gorge. Sous les yeux de ma mère, il va de soi.
Elle marqua une pause pour admirer sa manucure et reprit en soufflant sur ses ongles :
- Mais je savais qu'il restait sans doute des hommes fidèles alors j'ai aussi fait massacrer la moitié de la ville. C'est comme ça que l'on fait plier des esprits.
- Vous êtes malade ! Ragea Liza en se débattant violemment faisant résonner ses chaines.
Sienna leva les yeux au ciel et lança un coup de d'œil à son molosse. Ce dernier octroya un violent coup de pied dans le ventre de la violette qui cessa de gigoter. Sienna reprit :
- Malade ? Je n'emploierai pas ce terme, je dirais plutôt ivre d'ambition.
Elle se leva de son siège et dépassa l'autre jeune femme qui s'était mis en retrait pour observer la situation, Abby put découvrir en même temps que le mur portait un autre tag, celui d'un visage au sourire barré, celui du roi de la pègre.
- Joker, souffla Abby.
- Exactement et je compte bien le destituer de son trône !
Liza et Abby se jetèrent un regard apeuré car cette femme prévoyait de s'en prendre au chef de la pègre dans le nouveau monde, un homme qu'il ne fallait jamais sous-estimer car selon les rumeurs, il était profondément démoniaque.
- Aujourd'hui, ce n'est que cette pauvre ville mais demain, je serais celle qui gouvernera le monde de l'ombre ! Les gens ont tendance à se méfier des belles femmes mais peu des femmes au physique ingrat ou banal. Voilà comment je compte me hisser dans les hautes sphères du monde.
Devant l'ambition démesuré de la jeune femme, Abby ne put s'empêcher de demander :
- Pourquoi nous raconter tout ça ?
- Parce que je compte vous tuer, répliqua-t-elle simplement.
- Tu dois agir.
Abby sentit la voix de l'esprit devenir plus présente mais la brune garda son calme alors que les deux molosses s'avançaient vers Liza d'un air menaçant.
- Elle n'hésitera pas à mettre ses menaces à exécution...
L'un d'eux attrapa Abby par la gorge et la souleva brusquement, brisant ses chaines. Elle se fit violemment plaquer au sol, la faisant cracher une gerbe de salive.
- Abby ! AGIS TOUT DE SUITE !
Elle sentit son corps être parcouru de spasme avec la bête se débattre, elle voulut entamer des exercices pour se calmer mais le poing du molosse s'abattit avec violence sur son nez, le brisant par la même occasion. Elle se sentit perdre connaissance, relâchant son attention pendant quelque seconde tandis que les protections étaient en train de retenir la bête qui voulut en profiter pour s'échapper au contrôle.
- Je ne te laisserais jamais sortir, crachat-elle entre ses dents.
Le molosse projeta la jeune marine contre un mur sous les yeux des deux jeunes femmes qui observaient le passage à tabac avec satisfaction. Abby tenta de se trainer pour saisir quelque chose comme arme, mais on lui saisit la cheville, se faisant ramener rapidement à son adversaire qui abattit son pied avec violence sur son dos, lui arrachant un hurlement de douleur.
- Tu ne pourras pas battre ces deux brutes sans mon aide, Abby.
- J'ai déjà dit que je ne te laisserais pas sortir ! Beugla-t-elle entre ses dents à la surprise des deux spectatrices.
Abby tenta de se protéger ses points vitaux tandis que le molosse la battait sans répit, elle commença à cracher une gerbe de sang en sentant le coup de pied rencontrer une de ses côtes. Alors que la bête s'était tû pendant de longue seconde, il renchérit simplement :
- Tu es donc prête à laisser ton amie se faire massacrer ?
Abby s'immobilisa soudainement. Elle battit des paupières pour faire partir le brouillard dans sa vision et vit le corps inerte de Liza encaisser les coups sans broncher. Abby ignorait si son amie était encore en vie à ce moment.
Elle se sentit vidée de tout son être tandis que son paysage mental se dessinait sous ses yeux. Autrefois, à un champ de coquelicot, c'était lentement en train de prendre feu, signe qu'elle perdait progressivement le contrôle. La bête lui fit face.
- Libère moi et je leur ferais payer, susurra-il.
Abby sentit sa gorge se serrer et sa respiration devenir rauque alors qu'elle prenait conscience de la gravité de son geste mais la brune sut qu'elle n'avait pas le choix malgré tout ce que sa famille lui avait transmis. Elle n'avait pas le choix que le libérer, cette chose dont elle craignait avant tout la puissance.
D'un geste hésitant, elle toucha l'une des chaines qui fondit progressivement sous ses yeux apeurés avant de voir la bête de plusieurs mètres de haut lui faire face avec un sourire terrifiant qui laissait entrevoir des crocs acérés comme des rasoirs. Il planta son regard carmin dans celui de son hôte et déclara d'une voix sombre :
- C'est l'heure de la fête.
De retour dans la réalité, le corps d'Abby fut saisi de spasmes violent faisant stopper le molosse de surprise, elle braqua un regard en direction de Liza qui put reprendre connaissance quand les deux molosses étaient trop occupés à observer le corps d'Abby. Sous le regard curieux de Liza. Abby l'implora d'une voix désolée :
- Cours.
Elle hurla soudainement de douleur tandis qu'une déchirure lui traversait le corps de part en part et que ses os se brisaient dans un bruit sonore qui fit reculer le colosse.
- Qu'est ce qui lui arrive ?! hurla Sienna.
Mais Liza fut incapable de prononcer le moindre mot en voyant son amie se transformer dos à elle.
Le bas de son corps fut très vite remplacé par celui d'un bovidé tandis que la partie supérieure fut recouvert de poil, au bas de son dos apparut une queue de bovin. Au niveau de ses omoplates, une paire d'aile noire membraneuse s'ouvrit pour battre l'air. Ses bras développèrent plus de muscle et ses ongles furent remplacés par des griffes tranchant dont Liza pouvait sans problème deviner la dangerosité des attaques.
L'inconnue poussa un puissant souffle tandis qu'il se tourna vers Liza qui vit alors des immenses cornes noires prendre place au niveau des tempes, longue d'une vingtaine de centimètre.
Il planta ses yeux carmin sur l'assemblée avant de regarder ses mains.
- J'ai réussi...
Puis, il planta son regard rouge de menace sur les quelques personnes présentes et déclara dans un sourire arrogant :
- Que la fête commence.
D'un coup rapide, il envoya voler les deux molosses contre les murs, surprenant le reste des femmes pendant que Liza prit conscience que cette chose n'était pas son amie.
- Sienna ! Attention !
Liza se jeta au sol, esquivant de peu un autre coup de la bête qui, après avoir tenté de les tuer, finit par filer dans les ruelles de la ville.
- Depuis quand la Marine a accès à des bêtes de foire !? Cracha Sienna
Mais Liza ne l'écouta pas et se jeta à la poursuite de son amie, afin de poursuivre ce qu'elle pensait à tort être son amie.
- Abby ! Arrête !
Mais la bête avait bien décider de rasait la ville. Elle n'hésita aucun moment à détruire tout ce qui passait à sa portée, laissant des corps déchiquetés sur son passage. Liza se stoppa pour aider des habitants à sortir des décombres.
- Allez-vous mettre à l'abris ! FUYEZ LA VILLE ! Beugla-t-elle à l'attention des habitants.
Liza ignorait ce qu'elle pouvait faire. Affronter la bête ? Elle ne connaissait même pas son point faible ! La tuer ? Non, ça reviendrait à tuer son amie. Faire évacuer la ville ? Tôt ou tard la bête se dirigerait vers les beaux quartiers où se trouvait la base et là, elle allait droit vers un bain de sang.
Soudain, des coups de feu se firent entendre, stoppant la bête dans sa folle course. Celui-ci grogna devant l'attaque tandis que Liza reconnut le tireur, c'était son camarade promotion, Leo Aponte qui pointa sa carabine en direction du monstre. Leo vit l'ennemi avancer dans sa direction, le forçant à reculer tout en rechargeant son arme à feu avant de sauter pour esquiver le puissant coup de poing de la bête qui tentait de stopper son attaque, ou de le tuer tout simplement.
Leo trouva alors refuge dans une impasse tandis que la bête préféra poursuivre sa route, massacrant à tour de bras tous ceux qui s'opposait à lui.
- Leo !
Le marine abaissa sa carabine pour laisser Liza le rejoindre rapidement.
- Liza ! Qu'est-ce que tu fais ici ?! Et qu'est-ce que c'est que cette chose ?! Renchérit-il.
- Tu vas pas me croire, mais je croie que cette chose c'est Abby.
- Abby ?!
Il lança un regard surprit à la bête qui continuait sa route sans craindre pour sa vie.
- Alors la rumeur était vraie.
- Quelle rumeur ?
- Tu ne connais vraiment rien au sujet des Atherton ?
Liza voulut répondre mais des hurlements déchirants la stoppa, Leo vérifia ses munitions.
- Mais la priorité reste qu'il faut arrêter cette chose par tous les moyens
- Comment ?! Elle est déchainée et Abby ne semble pas réagir !
- Alors il reste à l'abattre, termina Léo.
- Il voulut sortir de l'impasse mais Liza l'en empêcha.
- Je t'interdis de lui faire du mal.
- Alors trouve une solution parce que si cette chose quitte la basse ville, nos supérieurs n'auront pas la même considération que toi et l'abattront rapidement.
La violette serra les poings, comprenant l'urgence de la situation. Elle laissa son regard parcourir les nombreux bâtiments détruits et au néon éteint. Elle eut une idée en lisant une enseigne à présent sur le sol.
- L'anesthésie.
- Pardon ?
Son regard illuminé plongea dans celui de son camarade.
- Il y a une pharmacie ! Si tu trouves de quoi faire des fléchettes anesthésiantes on peut la stopper !
- Mais je n'ai aucune connaissance en médecine ! Rétorqua Léo.
- Alors débrouille toi pour en faire, moi je vais tenter de retenir cette chose !
Elle le planta sur place pour courir derrière de la bête déchainée en tentant de trouver un plan en chemin.
Du côté du paysage mental, Abby s'éveilla doucement encore sonnée mais alors qu'elle voulut bouger, elle sentit ses mouvements être entravés, comme retenue par quelque chose. Ce qui la fit revenir rapidement à la réalité fut le fait de voir que le paysage mental, autrefois constitué de fleur de coquelicot, n'était à présent qu'une caverne humide.
- Impossible !
Elle braqua son regard alarmé sur l'esprit qui avait pris possession de son corps et qui détruisait tout autour de lui.
- Laisse-moi sortir ! Misaphris !
L'esprit qui portait bel et bien un nom, celui de Misaphris, se tourna vers son hôte et déclara ;
- J'ai l'impression d'avoir répété cette phrase des centaines de fois à ta famille.
- Tu ne peux pas massacrer tout le monde ! Tu étais un fier guerrier d'Alabasta, pas un vulgaire tueur !
- Pas un simple guerrier, Abbygaël, j'étais un être qui ne souhaitait que vengeance et guerre, lui corrigea-t-il.
Comprenant que le guerrier détruirait tout ce qui se trouvait sur son chemin sur une simple de notion de guerre, Abby réalisa son erreur et se désola d'avoir commis une telle erreur. Le désespoir aurait pu l'accabler quand une voix atteignit le paysage mental.
- Hey ! Gros balourd !
Abby releva la tête en reconnaissant la voix de Liza qui semblait bien déterminée.
- Viens te battre contre quelqu'un qui a des tripes !
Ton amie est décidément bien surprenante à s'opposant contre quelqu'un qu'elle n'a aucune chance de triompher.
Comprenant qu'elle aussi elle devait faire quelque chose de son côté, Abby tenta de se débattre mais ce fut inutile car les chaines habituées à retenir quelque chose de plus robuste n'étaient pas prêts à céder. Elle se mit à réfléchir. Comment reprendre le dessus et enfermer quelque chose qui s'était libérée ?
Elle releva la tête et comprit en étudiant les alentours que tout n'était qu'une question de volonté.
Alors Abby se mit rapidement en tailleur et ferma les yeux, elle fit abstraction de la voix de Liza et canalisa son esprit. Sa respiration se calma et projeta l'image mentale d'un champ entier de coquelicot. Petit à petit, elle sentit les chaines devenir moins lourdes et comprit qu'en reprenant le contrôle et en repeignant son paysage mental, elle pourrait bloquer les gestes de Misaphris.
De l'autre côté de la barrière, dans le monde réel, Liza parvint à retenir l'incroyable bête sauvage qui faisait tout pour la nuire. Mais la marine était aussi combattive et tenta d'administrer de faible coup en guise de réponse quand soudain quelque chose d'inhabituel se produisit.
La bête s'immobilisa soudainement et plongea son regard dans celui de Liza, un regard que la violette pouvait qualifier d'humain.
- Arrête-moi, je t'en supplie, prononça la bête d'une voix étranglée.
Liza se stoppa car surprise par la voix.
Soudain, des coups de feu résonnèrent et les balles percutèrent avec violence le dos de la bête qui grogna. Elle voulut entamer un mouvement en direction de Léo la carabine était fumante pour le faire payer mais elle s'écroula sous son poids dans un bruit sourd, surprenant Liza qui ne bougea toujours pas malgré les plaies profondes et les jambes douloureuse.
Sous les effets des balles anesthésiantes, Abby reprit peu à peu forme humaine alors qu'on pouvait entendre au loin la horde de marine se précipiter vers le lieu.
- Je les ai appelés avant de vous rejoindre.
Liza posa ses mains sur ses hanches.
- On va avoir des problèmes, j'parie ?
- Oui et pas que des petits.
- C'est pas comme si j'avais pas l'habitude à force.
Liza sut à ce moment, en voyant le soleil se lever, que la journée allait longue. Trèèès longue.
