Je me rappellerai toujours de cet été. Il serait impossible de l'oublier. Il est marqué en moi comme du fer rouge.
L'été était radieux et contrastait terriblement avec mon humeur. Mon père était mort à Azkaban, ma mère venait de mourir, et Arianna... Arianna... Abelforth ne cessait de me pourchasser pour assumer mes « devoirs familiaux ». J'étais à peine sortie de l'école, auréolé de succès et de grandes choses m'attendaient. Ou du moins, je les désirais ardemment tant je m'étais ennuyé parmi mes pairs dans lesquels je n'y voyais aucun égaux. Et me voilà de retour au village d'enfance, contraint d'abandonner mes rêves de grandeur, pour m'occuper d'une sœur instable et d'un frère presque illettré à la fâcheuse tendance à jeter des crottes de chèvres sur les gens. Ma famille était un poids qui m'empêchait d'être la personne que je devais être, puissante, sage, éblouissante.
Je trouvais toutes sortes d'excuses pour sortir de cette maison glacée. Un jour, notre voisine, madame Bathilda Tourdesac m'attrapa alors que j'essayais de sortir fortuitement de la maison. Elle enserrait mon bras avec vigueur, les yeux plein de compassion.
" Un garçon de votre âge, tellement de responsabilité... Et votre sœur, Arian... "
Je lui jetai un regard éloquent, la défendant de finir cette phrase, de s'intéresser un tant soit peu d'Arianna. C'était le tabou familial. Elle sembla se reprendre néanmoins. J'étais très mal à l'aise avec cette manière de cacher ma sœur, mais je savais confusément qu'il ne pouvait pas y être autrement et que c'était pour le plus grand bien.
" Mon neveu Gellert est en visite chez moi. Il doit avoir sensiblement votre âge. Cela vous ferait peut-être du bien de côtoyer quelqu'un d'autre... "
Son regard se porta vers la maison à nouveau, comme attiré par l'aura de mystère qui planait autour du lieu.
" Je vais vous suivre " déclarais-je d'une voix sonore et Bathilda me regarda d'un air étrange avant de secouer la tête et reprendre ses esprits.
" Oui, oui, bien sûr, venez. Il doit être dans le jardin. Il déteste être enfermé ".
Elle me traîna sur plusieurs mètres alors que je tournais la tête pour voir la maison s'éloigner peu à peu. Pour moi, c'était juste l'occasion de tuer quelques heures avant de rentrer et de devoir assumer ce qui – je refusais de l'admettre à cet âge – me dépassait totalement.
La maison de Bathilda ressemblait à toutes les autres de Godric's Hollow, un des rares villages où cohabitaient étroitement Moldus et sorciers, dans le plus grand secret malgré les différences flagrantes entre les deux types d'habitants. Un sortilège de confusion ou de désillusion réglaient bien des problèmes. Construite de manière biscornue, la maison semblait tenir debout que par magie. La main toujours serrée sur mon bras, la vieille dame m'emmena dans le jardin qui se cachait derrière la maison tortueuse. Un jeune homme blond, aux cheveux bouclés, était assis de dos, les jambes croisées. Il faisait voler de petits papiers ensorcelés pour ressembler à des oiseaux. Ces derniers tournoyaient autour de lui, avec délicatesse. J'appréciais aussitôt la finesse de la magie de Gellert. Sentant une présence, sans se retourner, un papier fila comme un oiseau de proie vers moi et à quelques centimètres, il écarta ses pauvres ailes qui s'enflammèrent à la façon d'un phénix avant de disparaître. Il savait déjà qui j'étais et je me sentais conquis, pas le moins du monde intimidé tant j'avais confiance en ma magie.
" Voyons Gellert, ce n'est pas une manière d'accueillir quelqu'un " le réprimenda Bathilda, décontenancée par le phénix mourant à ses pieds.
Les oiseaux de papier se consumèrent et les cendres tombèrent au sol pour se mêler à la pelouse. Un bon sorcier sait reconnaître un sort correctement ajusté et lancé. Un excellent sorcier peut saisir la nature profonde de la magie d'autrui et en connaître une partie de son essence. Celle de Gellert était aérienne, poétique et puissante mais aussi, quelque part bien enfouie, torturée et ambitieuse, exigeante. Gellert se leva et se tourna vers nous. Je fus saisi par la disparité de ses yeux, qui ressemblait quelque part à sa magie : un œil blanc, froid et l'autre chocolat et profondément chaud. Il se tenait droit, un peu sur la défensive, mais aussi intrigué. L'apparition brève du phénix n'était pas un choix aléatoire, il savait qui j'étais et, à fortiori, qui était ma famille. Le cœur battant, j'espérai qu'il ne connaissait pas la manie d' Abelforth de jeter des crottes de chèvre aux gens. Instantanément, je voulais me faire bien voir, je voulais lui plaire et je voulais l'intriguer comme il m'intriguait. Sans même connaître le son de sa voix, je ressentais des choses que je n'avais jamais ressenties. Un tiraillement sourd au niveau du cœur.
" Un bonjour serait-il en trop ? " insista Bathilda. " Je t'ai parlé de lui, c'est Albus. Il a fini sa scolarité à Poudlard. Il s'occupe de sa famille mais c'est un garçon brillant, très brillant. Les professeurs ne tarissaient pas en éloge. "
" Ah, bon. " répondit laconiquement Gellert.
Mais ce faux désintérêt avait allumé une lumière dans son regard si déstabilisant. Je ne savais pas quel œil regarder, les deux m'envoutaient et le son de sa voix était comme du miel pour mon pauvre cœur qui battait à grands coups mouillés. Bathilda semblait mal à l'aise devant le silence des deux jeunes hommes et se sentait obligée de finir les présentations.
" Gellert vient de Durmstrang. C'est mon petit neveu, il est venu car eh bien... disons qu'il a eu quelques soucis là-bas. Ça va lui faire du bien l'air de la campagne et je ne doute pas que deux jeunes sorciers aussi talentueux l'un que l'autre devraient bien s'entendre. "
Sur ceux-ci, elle me lâcha brusquement et s'en alla dans sa maison d'un pas un peu trop précipité.
Nous restâmes un long moment à nous juger. Je le devinais plus jeune et ainsi, au début du moins, je me sentais en sécurité par la supériorité de mon âge. Pourtant, je sentais déjà que quelque chose en Gellert était profondément différent de toutes les personnes que j'avais connu jusque là. En fait, il me faisait terriblement penser à moi.
" Durmstrang alors ? Tu es en quelle année ? " finis-je par demander devant le silence buté du jeune homme qui me détaillait très attentivement du regard.
Mon cœur se gonflait de joie en voyant que je l'intéressais autant.
" J'étais en sixième année. On va dire que j'ai déplu au directeur et... "
D'un geste lasse, il indiquait son indifférence pour ce renvoi que je devinais. Son accent était chantant, roulant légèrement les r comme des cailloux dévalant une pente douce. Je devinais néanmoins qu'il s'efforçait d'effacer son accent. Son ton chaud le rendait presque hypnotisant. Je devinais qu'il était quelqu'un à qui il était difficile de dire non et qu'il pouvait convaincre n'importe qui de ce qu'il voulait selon son bon plaisir.
" De toute façon, les professeurs sont des abrutis. Tu dois le savoir toi aussi. On n'a pas besoin d'eux pour apprendre. Et encore moins pour apprendre ce qui est vraiment important. "
Je sentais qu'il me testait, moi qui avait fini ma scolarité couronnée de succès et lui, celui qui s'était fait renvoyer de son école comme un paria.
" Être autodidacte est la meilleure chose pour apprendre " affirmais-je en souriant.
J'essayais de ne pas être condescendant, mais notre différence d'âge me donnait en quelque sorte une avance confortable.
" Tu crois que je ne sais que faire voler des oiseaux de papier, pas vrai ? " demanda Gellert d'un ton provocateur.
J'haussais les épaules, plus pour l'encourager à me montrer tant la curiosité me dévorait. Sa baguette tomba de sa main comme si elle avait toujours été dans sa manche. Sans dire un mot, il la leva, ajusta son geste comme un chef d'orchestre et un mur de flamme bleue s'éleva autour de nous deux. Je ne sentais pas leur chaleur mais je ne doutais pas de leur puissance. Je portais une main pour mieux sentir et il m'attrapa soudainement le bras. Je le regardais, son œil blanc luisait d'un éclat bleu profondément troublant.
" Personne ne peut franchir ce mur de flamme, ni toi, ni personne d'autre à l'extérieur. Je pourrais te faire tout ce que je veux »"annonça t il en fanfaronnant.
Je savais désormais que Gellert n'était pas seulement un jeune homme troublant, mais aussi un puissant sorcier dans lequel je trouvais enfin un égal. Je souris, la baguette prête, et j'attrapais aussi son bras pour lui montrer ce dont j'étais capable. C'était comme plonger dans une eau glacée sans être mouillée, la respiration coupée, nous nous lâchâmes et il observa les lieux. C'était une copie conforme de l'endroit que nous avions quitté. On retrouvait le jardin de Bathilda, et même les flammes bleues. Mais tout était d'une couleur fanée, comme dans une vieille photographie. Les formes étaient présentes, mais floues, comme prêtes à dispaître. Peu sûr de moi, n'ayant jamais été confronté à une telle situation mais confiant en ma magie, je franchis le mur de flamme sans dommage. Gellert me regarda alors avec un regard vif plein de ce qui ressemblait à de l'admiration.
" Où sommes-nous ? " demanda-t-il simplement.
" Je l'appelle le monde miroir. C'est une copie, mais j'y amène seulement qui je veux. Pour les autres, nous avons disparu. Ici, ta magie est plus faible, dis-je en désignant les flammes, mais nous pourrions encore nous faire du mal. Si tu oublies que je reste le maître de ces lieux. " ajoutais-je en souriant.
Je savais que j'avais maintenant la pleine et entière concentration de Gellert, et je me réjouissais d'avoir quelqu'un qui puisse apprécier pleinement ce que j'étais capable de faire depuis si longtemps. Et que je n'osais pas montrer aux autres.
D'un coup de baguette nous étions à nouveau dans le monde réel. Le mur de flamme avait disparu sans que je sache si c'était de la volonté de Gellert ou l'effet de mon sort. Bathilda nous regardait l'air féroce.
" Mais qu'est ce que vous faites ? D'abord un mur de flamme puis vous disparaissez ? "
Nous haussâmes les épaules, désireux tous les deux de garder ce moment entre nous. Secret.
" Rentre Gellert, c'est l'heure du repas. "
Sans un mot, il me jeta un regard éloquant signifiant que nous allions bientôt nous revoir.
La nuit, dans mon lit, je ne cessais de penser à Gellert. Je sentais encore sa poigne sur mon bras, son accroche puissante et rassurante. Je voyais son regard bigarré qui me fixait avec admiration ou provocation et qui me troublait sensiblement. Je n'avais jamais ressenti d'attirance pour quiconque avant Gellert. Les amourettes de mes camardes me laissaient froid, jusqu'à ce que je me demande ce qui clochait chez moi pour que je ne m'intéresse à personne. J'avais toujours repoussé les demandes par manque d'intérêt. Mais là, avec Gellert, quelque chose avait brûlé en moi. Il m'intriguait, il m'attirait. Je voulais plaire et je voulais qu'il s'intéresse à moi. A tout prix.
Les jours suivants, nous nous retrouvâmes avec Gellert dans le parc à l'abri des regards. Si ses yeux et ses quelques gestes prouvaient le début d'une affection, il faisait comme si rien n'était et s'intéressait qu'à la magie. Je lui montrais alors tous les sorts que je connaissais, les plus puissants que j'aurais du garder pour moi, mais je souhaitais tellement l'impressionner que je ne mesurais pas le risque que je prenais. Notre relation ressemblait à celle de maître à disciple, il ne se risquait plus à me montrer de sort aussi important que celui des flammes bleues. Sa réserve m'intriguait mais lorsque j'essayais de le pousser, il se butait et demandait plus de sorts de ma part. Désemparé, j'obéissais et j'aurais dû me douter que je courais à ma perte. Il me testait, dirigeait la relation comme il le souhaitait et j'obéissais, avide de contact et... d'amour.
J'étais piégé, et j'ai commencé à le comprendre après une énième rebuffade de sa part, plus agressive. Gellert avait sentit mon désarroi devant cet échange qui était uniquement à sens unique. Alors il me rassura à sa façon, de celle que j'attendais depuis si longtemps. Il attrapa mon bras qu'il venait de repousser et on se rapprocha, torse contre torse. Nos respirations étaient amples, avides, et je ne savais plus où commençait mon désir et où commençait le sien. Si c'était juste une mascarade pour étouffer mon mécontentement, Gellert avait bien compris comment si prendre avec moi. Les yeux dans les yeux, capté encore par ce regard bigarré, je me sentais mourir dans sa poigne. Il n'avait même pas à faire autre chose pour m'avoir en son pouvoir, il le savait, je le sentais. Mais son regard glissa vers mes lèvres et il se mordit doucement les siennes. Sa poigne se referma dans mon dos, laissant des brûlures sous son contact. Puis, brusquement, il plaqua sa bouche contre la mienne. C'était la première fois que j'embrassais quelqu'un. J'étais étonnée de la douceur de ses lèvres et des émotions, de sensations qui se pressaient en moi et annihilaient tous ce qui n'étaient pas Gellert. Il avait plus d'expérience, je le savais et il entrouvrit la bouche. Sa langue alla taquiner la mienne et j'ouvris les lèvres. Du feu solide s'empara de moi, jusqu'à se liquéfier dans mes veines. Sans plus aucune retenue, j'attrapais sa tête et approfondissais le baiser. Gellert se laissa faire, avec fougue, mais comme s'il acceptait de me laisser le contrôle pour que je baisse ma garde. Incroyablement, je sentis ma magie résonner en moi, rugissante, brûlant mes veines et me déchirait pour sortir. Gellert était le jeune homme qui me ramenait à la vie. Que dis-je, qui m'a amené à la vie. Obnubilé par l'irruption de ma magie, je devinais malgré tout, difficilement, l'apparition de la sienne avec tout autant de force que la mienne. Comme si elles aussi essayaient de se mêler l'une à l'autre.
Après ce baiser passionné, Gellert me repoussa brusquement. Il me regardait comme s'il ne m'avait jamais vu. Il avait senti ma magie m'échapper, et j'avais senti la sienne faire de même. Je portais une main à ma bouche, comme pour garder la saveur de la sienne. Il était essoufflé, inquiet, traqué.
" Gellert, je... c'était... " essayais-je de dire pour le rassurer.
J'étais le plus âgé, il me semblait que je devais l'apaiser, même si paradoxalement il était celui qui avait le plus d'expérience. Gellert leva la main pour me faire taire. Il semblait qu'il voulait dire quelque chose, mais les mots de ne venaient pas. Son regard fou me regardait comme une chose curieuse et impossible. Ce déchaînement de magie ne devait pas être normal quand deux sorciers s'embrassent.
" C'était extraordinaire. Mais... tu sais que nous sommes plus que normal alors peut-être... "
Gellert leva la main encore une fois. Les lacets de sa tunique ample étaient défaits, on pouvait apercevoir un morceau de tatouage, chose très rare chez les sorciers. On aurait dit un triangle. Attiré comme un aimant, j'allais pour repousser la toile et découvrir le tatouage en son entier, mais Gellert me repoussa agressivement et je tomba à terre. Il avait sorti sa baguette. Il avait l'air plus calme maintenant, reprenant son rôle de meneur. Il ajusta sa chemise d'un geste leste.
" Ne me touche pas Albus. Pas maintenant... " ajouta-t-il un ton plus bas, la voix rauque vibrant d'impatience. Il ne m'aida pas à me relever et je restai à terre, comme si j'attendais son accord pour me lever. Sans un mot, il se retourna et quitta le parc.
Je ne pris pas la peine de transplaner pour rentrer chez moi. J'avais besoin de marcher un peu pour comprendre ce qui venait de se passer. Mon premier baiser, si intense puis le rejet de Gellert. Je me demandais ce qui l'avait autant effrayé. Ce déchainement de magie était certes extraordinaire, mais pour moi, il était surtout merveilleux. Ma magie s'accordait avec celle de Gellert d'une manière si forte que je compris à quel point j'étais tombé amoureux de ce jeune homme. Je ne pouvais plus ignorer également que je le connaissais à peine. Il avait toujours filtré les informations. Je repensais à tous les sorts que je lui avais montrés, gardant tout de même quelques cartes pour le bluffer à des moments clefs. Malgré tout, je ne connaissais que son nom et qu'il avait été renvoyé de Durmstrang. Je connaissais la réputation de cette école, plus orientée vers une magie plus sombre. Gellert s'était-il intéressé de trop près à une magie trop dangereuse ? Cela pouvait expliquer l'expulsion. Aussitôt mon cœur partagé fit une embardée glacée. Je prenais conscience de mon amour indicible et de la négligence qui en découlait. Son avide besoin de connaître des sorts, les plus puissants, les plus anciens, les plus dangereux... Je nourrissais un être puissant sans savoir ce qu'il comptait faire de tout ce savoir. Voulait-il l'empiler, comme moi, par amour du savoir et par curiosité des limites du possible, ou pour quelque chose de plus sombre ? Je suais à grosses gouttes, effaré, et mes pas changèrent de direction pour aller vers la maison de Bathilda Tourdesac. Tout à mes pensées affolées, je me retrouvais sur le perron rapidement. Oubliant toute politesse, je frappais à grands coups sur la porte en criant le nom de Gellert. Ce fut Bathilda qui m'ouvrit, en robe de chambre.
" Albus, pourquoi ce raffut ? Il est arrivé quelque chose de grave? "
Je la repoussais vivement et entra dans la maison plongée dans la nuit.
" Gellert, Gellert ! Montre toi ! " criais-je sans tenir compte des protestations de Bathilda derrière moi.
Puis, en haut d'un escalier tortueux, un visage avança dans le rayon d'un clair de lune. Son œil blanc flamboyait de mille feux.
" Laisse, tatie. Viens Albus. "
Sa voix grave, basse, me fit vibrer, morcellant mes doutes. Je ne sus ce que faisait Bathilda, mais je montais rejoindre Gellert. Sur le pallier, il me tendit la main. Elle était incroyablement forte et douce. Il me tira dans une pièce et ferma la porte. La chambre était spartiate, un lit, une bibliothèque et un bureau. Des monceaux de parchemin étaient répandus un peu partout et je crus distinguer les explications d'un sort que je lui avais enseigné hier sur une feuille volante. Je me tournais après cet examen. Je me doutais de ne pas être plus renseigné sur Gellert en me trouvant dans sa chambre. Même ce lieu qui est censé si intime ne pouvait cacher les secrets qu'il conservait. Il se tenait dos à moi, appuyé sur la porte, comme fatigué.
" Gellert, il faut qu'on parle... Tout ce que je t'apprends, tu sais que c'est dangereux ? Il...on...nous avons des responsabilités sur ce que l'on est capable de faire et je...je ne te connais pas, je ne sais pas ce que tu comptes faire... Ce que tu peux faire... Je ne peux plus continuer à t'aider ainsi... "
Dire tout cela me déchirait le cœur, mais je savais que c'était essentiel. Gellert se retourna lentement, et me capta à nouveau par son regard si intense. Il semblait détendu, pas du tout inquiet par mon désir d'arrêter les leçons.
" Je savais que ça arriverait. " dit-il simplement tout en s'asseyant sur le lit étroit.
" Tu comprends alors... " commençais-je.
" J'ai été renvoyé de Durmstrang car j'ai fait des expériences... La magie simple, si académique, ne m'interesse pas. J'en ai fait le tour depuis longtemps. Et je sais que toi aussi. Par contre, il y a tant de choses à apprendre du côté oculte... Des sorts oubliés, des sorts à inventer... Experlliamus ne m'excite plus depuis la première année. Alors j'ai essayé d'apprendre... Un jour...cela a été trop loin et des élèves ont été mis en danger. J'ai été renvoyé et me voici ici. Je veux comprendre, Albus, je veux tout apprendre et saisir entièrement la magie avec un grand M. Tu peux me comprendre ? "
Tout en débitant sa diatribe, il s'était levé et dangereusement rapproché de moi. Sa présence m'empêchait de réfléchir correctement. Le souffle court, d'un doigt, Gellert fit glisser ma tête vers la sienne.
" Je veux tout savoir ".
Et il m'embrassa avec une fougue bien plus forte que celle du premier baiser. Sa langue possédait ma bouche, me possédait tout entier, et je m'enflammais comme ma magie chantait dans mes veines. Sa poigne contre moi était torride, ses mains cherchant à passer sous ma chemise, à l'arracher, juste pour sentir ma peau. Il y avait une chose que je ne lui avais pas encore montrer. Sans ma baguette, sans un mot, nos vêtements s'arrachèrent de nos corps. Il recula un instant, me regardant, l'ai ébloui. J'étais soudainement gêné d'être nu comme cela et je cherchais à me cacher. Il m'attrapa la main d'un geste vif.
" Non, surtout pas. Ne te cache jamais, tu es trop merveilleux pour te cacher. Montre moi. Montre moi tout. "
Il relâcha son étreinte et je me découvris. J'étais déjà en érection et un coup d'oeil timide vers le corps de Gellert me fit comprendre que lui aussi. Il voyait combien j'étais gêné, je n'avais jamais été aussi intime avec quelqu'un, je ne savais que faire. J'osais à peine regarder son corps de peur d''être impudique. Gellert sembla le comprendre et écarta les bras pour me montrer son corps nu, glabre, le grand tatouage d'une forme étrange et surtout, son pénis fièrement tendu. Je ne désirais alors plus qu'une chose et écoutant mon désir, je l'aggripais vers moi, collant nos peau, l'embrassant plus profondément encore, savourant l'adrénaline, le plaisir et le chant de la magie qui me poussait à vouloir ne faire qu'un avec Gellert. Il me poussa sur le lit me retourna sur le dos en couvrant ma colonne cervicale de baisers brûlant. Incapable de réfléchir, je gémissais sans aucune honte. La préparation fut tendre, presque amoureuse, soucieuse de mon bien-être et je n'étais plus que soupir et plaisir. Lorsqu'il me pénétra, la douleur était étouffée par le rugissement de la magie, comme si elle n'attendait que cette union profonde. J'étais trop inexpérimenté pour ne voir autre chose que mon plaisir, mais je savais confusément que Gellert savourait également le déchainement de ma magie. La jouissance fut si forte que je croyais que j'allais mourir là maintenant, dans les bras de Gellert. Et cela aurait été une belle mort.
Plus tard, blottit dans les bras de Gellert, je caressais la pommette de son œil si étrangement blanc. Il ferma les yeux de contentement comme un chat que l'on caresse.
" Pourquoi... ? "
" Ne pose pas de questions dont tu ne veux pas avoir les réponses Albus " répondit simplement Gellert d'un soupir.
" Et ça ? "
Je montrais son étrange tatouage qui ornait sa clavicule gauche. C'était un triangle avec en son centre un cercle et un trait. Je caressais avec tendresse, suivant les traits pour les mémoriser. Finalement, Gellert se redressa et m'embrassa doucement.
" Tu sais, ce qu'il y a entre nous est vraiment exceptionnel. Je n'ai jamais connu ça, et ce déferlement… tu es vraiment une surprise inattendue. Albus...Tu es l'être le plus magnifique et exceptionnel qui existe en ce monde. "
Mon cœur se brisa dans ma poitrine tant j'étais heureux. Gellert montra son tatouage et me sourit d'un air canaille.
" Tu ne connais pas ça n'est-ce pas ? Cela devrait t'intéresser. Sais-tu ce que sont les Reliques de la Mort ? "
Il m'embrassa langoureusement, glissant ses mains sur mon corps encore fiévreux. Cela a été la dernière fois où j'ai douté des intentions de Gellert Grindelwald.
Sans même y penser, je m'abandonnais à lui comme un jeune adolescent qui vit ses premiers émois. Je faisais taire mes soupçons sur la nature réelle de Gellert pour… de l'amour. Et pour cela, je le savais avec honte, j'étais capable de faire tout ce qu'il désirait. Gellert recula légèrement et caressa d'un doigt mes cheveux en bataille.
"Je ne pensais pas pouvoir faire taire le grand Albus Dumbledore !" rit-il en continuant de caresser mes cheveux.
Piqué, je lui souris malgré tout car c'était de bonne guerre. Et surtout, je ne voulais pas le froisser.
"Tu parles des Reliques du contes de Beedle le Barde ?" demandais-je avec méfiance, attendant la blague.
Gellert s'allongea sur le lit en croisant les mains derrière sa tête. Il gardait le sourire, un sourire de suffisance qui m'hérissait sans que je puisse intervenir. J'attendais qu'il parle.
"Oui, celles-là mêmes."
"Mais c'est un conte pour enfant Gellert, dis-je en riant, tu croyais me berner avec ça ?"
Gellert gardait le silence ce qui étrangla mon rire dans un gargouilli honteux.
"Tu es sérieux ?"
Il ne répondit pas et se contenta de me regarder, comme un professeur qui attendait patiemment que son élève un peu lent comprenne l'évidence qui est sous ses yeux.
"Il était une fois trois frères qui voyagaient au crépuscule, le long d'une route tortueuse et solitaire. C'est bien de ce conte dont tu me parles ?"
"Tu connais tes classiques." répondit-il en riant.
"C'était mon conte préféré quand j'étais petit… murmurais-je, en détournant le regard. Mais qu'est-ce qui te fait croire que ce conte parle de quelque chose de réel ? Si c'était le cas, on aurait depuis longtemps retrouvé la Baguette de Sureau, la Pierre de Résurrection et la Cape d'Invisibilité."
L'oeil blanc de Gellert envoyait des éclairs de mécontentement tandis que celui chocolat me regardait avec tendresse.
"Personne n'était aussi puissant que nous, voilà tout. Mais si tu sais ce que tu cherches, tu trouves le nom d'Ignotus Peverell."
Je me tus un instant, fouillant son regard dans l'attente d'une blague qui ne venait pas.
"Ignotus Peverell, ça te dit quelque chose ?" demanda-t-il devant mon silence.
"Il y a sa tombe dans le cimetière du village" dis-je lentement, ne voyant pas où il voulait en venir.
"Tu ne te rappelles pas qu'il y a ce symbole sur sa tombe ?" ajouta- t il en montrant son tatouage. La Cape d'Invisibilité - il suivit d'un doigt le triangle - la Pierre de Résurrection - il montra le cercle - et enfin, le plus important la Baguette de Sureau." Deux doigts suivirent le trait longiligne qui réunissait le tout.
"C'est pour ça que je suis ici, il fallait bien commencer quelque part et c'était la seule piste que j'avais sur les Reliques de la Mort."
"Je croyais que tu étais là à cause de ton renvoi de Durmstrang."
"C'est ce que croit ma famille. C'était assez simple de manœuvrer à vrai dire, je suis presque déçu que ça n'ait pas été plus difficile. Qui pourtant pouvait penser que je désirais me rendre chez ma vieille tante à moitié sénile ? Mais ils ont tout gobé."
Je ne doutais pas un instant des talents de Gellert pour manipuler son entourage et faire croire que l'idée de venir à Godric's Hollow venait d'eux alors qu'il avait tout mijoté.
"Mais pourquoi penses-tu que ce Peverell serait impliqué dans les Reliques de la Mort ?"
Cela me paraissait fou comme conversation et j'avais l'impression que Gellert allait à un moment s'esclaffer et se moquer de moi. Mais il restait terriblement sérieux.
"De longues recherches dans des bouquins poussiéreux. Et cela m'a donné raison puisqu'il y avait ce symbole sur sa tombe, dit-il en montrant son tatouage. Je pense qu'il a été lié à la Cape d'Invisibilité."
Je haussais les épaules, ne voyant pas l'intérêt de faire des kilomètres, s'isoler dans un village tel que celui-ci, tout cela pour une cape. J'étais capable, malgré mon jeune âge de l'époque, de faire un sort de Désillusion plus puissant que n'importe quel cape.
"Je suis d'accord avec toi, concéda-t-il, la baguette est bien plus intéressante. Mais il fallait bien commencer par quelque chose."
Il caressait tendrement ma cuisse tout en parlant, m'embrouillant les idées. Je mourrais d'envie de me jeter sur lui, de l'embrasser et d'oublier toute cette histoire sans queue ni tête de reliques. Mais j'étais prêt à tout pour lui plaire, et s'il fallait pour ça prendre pour vrai un conte, j'en étais bien capable. Il dut le lire dans mes yeux et interrompit sa caresse. Gellert m'attrapa le visage et planta son regard étrange dans le mien, me coupant le souffle.
"Tu ne comprends pas Albus. Celui qui possède les trois reliques, peu importe qu'elles soient intéressantes ou pas, devient maître de la Mort. Tu comprends ? Maître de la Mort. Nous pourrions vivre pour toujours, puissants et mettre de l'ordre dans le monde sans limite. Nous sommes déjà les plus puissants, mais nous ne serions plus limités par cette chose ridicule que l'on nomme durée de vie."
Il me relâcha et m'embrassa doucement comme pour avaler mes répliques. Puis, il me regarda avec attention, attendant de voir ce que j'allais répondre.
Il est difficile de compter toutes les occasions - elles étaient si nombreuses ! - où j'aurais pu deviner ce qu'allait devenir Gellert. Ce à quoi j'allais contribuer. J'ai fermé les yeux porté par l'amour et le désir, l'arrogance et la naïveté. La trouvaille d'un pair, d'un égal pour un jeune homme si isolé. Je refusais de voir le danger. J'acceptais ses diversions avec plaisir, je les attendais même avec impatience. J'aurais pu y mettre fin. J'aurais pu arrêter Gellert, le raisonner même. Mais il jouait un jeu où il était le chef d'orchestre et j'étais plus qu'heureux d'être la marionnette.
Mon coeur battait fort dans ma poitrine comme s'il devinait qu'il se jouait ici une chose importante. Je savais au regard de Gellert que si je refusais de le suivre, il m'abandonnerait ici à mon triste sort. Je repensais sans cesse au conte des trois frères, y trouvant de plus en plus de la vérité plus forte que la fiction. Peut-être que ma crainte de le voir partir alimentait de tout bois le passage de la fiction au réel. Mais la seule chose qui importe c'est que j'ai été assez fou pour sourire, hocher de la tête et lui dire que j'étais prêt à partir en quête avec lui.
Les jours suivants, nous passâmes des heures plongés dans des livres allant du plus grotesques aux plus sombres au point de me demander si nous avions le droit de posséder tels écrits. Mes questions sur ce sujet, mes doutes, je les passais en silence. Je ne goûtais qu'au plaisir de la présence de Gellert. Sérieux dans ses lectures, il était capable de s'arrêter pour me regarder intensément avant de m'embrasser, avec un air toujours surpris. Je me réjouissais de ces instants. Je comprenais qu'il n'avait pas prévu ce qui arrivait entre nous, qu'il luttait parfois dans son arrogance, mais qu'il finissait toujours par céder. Je restais patient puis émerveillé de tant d'attention. Au fond, c'est quelque chose de très banal qui s'est passé entre Gellert et moi. Quelque chose de tout à fait ordinaire pour deux êtres exceptionnels. C'est bien plus tard finalement que j'ai compris que cet amour, l'amour était la plus grande force qui existait en ce monde. Pour ces battements de cœur affolés, cette loyauté à toutes épreuves, les rires, la complicité... Mais aussi pour cette effroyable douleur, abominable, qui ronge le cœur de remords et de regrets... J'ai connu tout cela avec Gellert, d'une force d'autant plus insoutenable que nous étions si différents des autres par notre puissance et part notre quête insensée. L'amour que je lui portait faisait que j'étais prêt à tout pour lui. J'en négligeais ma famille, oubliait Arianna et évitait autant que possible Abelforth. Je me piquais parfois d'humour, alors que je me cachais de lui sous un sort de Désillusion que la Cape me demanderait moins d'effort. Gellert ne pensait qu'à cette Baguette, plus puissante qu'aucune autre. Bien sûr, elle m'intéressait aussi mais je pensais souvent à la Pierre de Résurrection en me disant qu'elle ferait revenir mes parents, me permettant alors de me libérer réellement de la charge de chef de famille. Je m'égarai parfois en ce sens, Gellert me ramenait toujours vers la Baguette. Il me galvanisait de discours dont nous étions les héros. Maître de la mort…
"N'as tu jamais rêvé de puissance ? Qu'on te reconnaisse pour ce que tu es, un sorcier extraordinaire ? Les autres devraient t'écouter et apprendre de toi. Ta famille t'empêche d'accéder aux grandeurs qui t'appartiennent. Et les autres, les Moldus, cracha-t-il sans se cacher, ils ne savent rien, ils ne peuvent rien. Ils se croient puissants grâce à leur technologie, "comme maître et possesseur de la nature". Mais ils ne sont rien par rapport à ce que les sorciers peuvent faire, rien par rapport à nous deux."
Il agrippa mon visage de ses deux mains et plaqua son front fiévreux contre le mien. Les yeux dans les yeux, je voyais dans son regard un avenir radieux pour nous deux, enfin reconnus pour ce que nous sommes.
Un moldu célèbre a écrit : "Telle est la faiblesse de notre raison, elle ne sert le plus souvent qu'à justifier nos croyances.". J'étais faible, je me laissais bercer par cet idéal que dessinait Gellert, où il nous laissait la plus belle part, celle que je croyais mériter. L'attrait du pouvoir. Je négligeais totalement ma famille sous les injonctions déguisées de Gellert et nous imaginions cet idéal : le monde sorcier et Moldu, réuni, les sorciers au grand jour. Nous ne serions plus contraints de vivre cachés. Du haut de notre puissance, nous gouvernerions un monde où les Moldus seraient ramenés à la juste place, dirigés par les sorciers bien plus éclairés. Nous étions les plus forts, nous nous pensions sages. Parfois, je me dis que Gellert n'utilisait le terme de sagesse que pour me rassurer car il sentait qu'il me donnait meilleure conscience, faisait taire mes scrupules.
Cette quête insensée nous menait à passer des heures ensemble à étudier. Mais aussi, lorsque la tension sexuelle était si intense que je ne pouvais plus me concentrer sur la lecture, je me jetais sur lui comme un affamé. Je ne me rassasiais jamais de lui. De ses yeux, ses soupirs qu'il retenait, son sourire en coin et la peau de son corps, si douce et si chaude. Son esprit vif et acéré, l'union de nos deux magies en dehors du commun. Parfois, alors que je lisais, c'était lui qui m'attrapait la nuque pour inicier un baiser qui menait systématiquement au lit. Ces moments étaient un pur bonheur pour moi, où je me sentais choisi, et l'amour avec lui était toujours plus exigeant et brutal. Comme s'il s'était retenu trop longtemps et que tout cela devait s'évacuer à travers des rapports sexuels fous et hallucinants. Il me faisait sentir des choses dont je n'avais même pas soupçonner l'existence. La quête des Reliques de la Mort n'était, au fond, surtout un prétexte pour passer du temps avec lui. Car ce n'était pas que physique. Lorsque j'étais enfermé dans ma chambre, seul, tentant d'ignorer mon frère et ma sœur, je lui écrivais sans cesse des parchemins pour alimenter notre folie de renverser l'ordre mondial. Gellert me répondait avec zèle, rebondissant sur mes propos pour les approuver ou les corriger. Nos hiboux voletaient sans cesse entre ma maison et celle de Bathilda. Je finissais même par croire ce que j'écrivais, lui donnait des idées qu'il n'avait pas eu. Et qu'il n'aurait pas dû avoir. Cet échange intellectuel différait de tous ceux que j'entretenais avec les grands du monde magique. Celui-ci n'était ni guindé, ni faussement modeste. Je pouvais me montrer tel que je l'étais. Gellert faisait ressortir de moi des choses que j'enterrais au plus profond de mon être pour apparaître comme un jeune homme affable, intelligent mais humble, discret et respectueux. Gellert me poussait à m'affirmer, à exiger du monde qu'il reconnaisse et s'incline devant ma puissance.
Je me plaisais à dire haut et fort que l'on ne vit qu'une fois, qu'il fallait saisir l'instant présent avant qu'il se fane. Je me proclamais héraut de la sagesse, celui qui voit avec lucidité le monde qui l'entoure. Or, j'étais comme les autres, voire plus ignorant. En caressant du bout de doigt cette vérité brûlante, je me délectais de l'apparence et j'oubliais le fond. Le jour n'était pas saisi, je ne savourais pas le présent. Je ne pensais qu'à paraître aussi intelligent que je l'étais. Gellert m'a ramené brutalement dans le réel. L'autre est ainsi, surtout l'autre que l'on aime. Il fait irruption dans notre petit cocon construit de songe. Il bouleverse tout sur son passage et nous force à ouvrir les yeux. Pour moi qui avait toujours vécu dans l'obscurité, cela avait été tellement éblouissant que c'était comme entrer dans un nouveau monde, plus chaud, plus lumineux, plus vibrant. Gellert m'a appris à savourer un sourire, une main posée délicatement sur une épaule. Un regard parfois fuyant, parfois brutal, ou encore passionné. Tout était à la fois plus léger et intense. Comme si chaque seconde de qui passait avait une importance capitale sur ma vie. Chaque battement de cœur me rapprochait plus de la Mort, de la fin, et il s'agissait de vivre à fond. Cette peur de la mort était nouvelle pour moi. Je n'y avais jamais vraiment pensé, ou avec dédain, avant Gellert. Je ne sais pas si c'était la bêtise de l'adolescence ou l'arrogance de la puissance. C'était devenu une véritable obsession. Je ne voulais pas que mon monde s'effondre, que je m'effondre et que je ne puisse plus savourer… la présence de Gellert. Il avait su faire naître en moi cette peur pour arriver à sa fin ultime : les Reliques de la Mort. Je ne sais pas s'il avait prévu à quel point tout cela était sérieux pour moi. Et c'est avec mon sérieux, ma puissance, ma peur au ventre et le sourire de Gellert que je me lançais à corps perdu dans la quête des Reliques de la Mort. Devenir maître de la Mort, la mater, la dominer et survivre était une telle obsession que je ne prenais pas garde au comportement autoritaire, agressif et discriminant de Gellert. Le nouvel ordre mondial qu'il prônait et que je suivais m'apparaissait comme une conséquence logique de notre puissance démultipliée. Si nous devenions Maître de la Mort, alors nous étions au-dessus des autres sorciers. De ce fait, les Moldus devenaient une sous race menaçante que nous devions mettre au pas. Pour vivre libre, au grand jour, sans guerre constante, il fallait que les Moldus soient matés. Notre sagesse ne pouvait que les éclairer. Cela revenait souvent dans mes lettres, souvent dans mes mots : nous devions penser au plus grand bien. Cela apaisait mes scrupules. La formule plaisait à Gellert, il la reprenait sans cesse, la disant lentement comme pour savourer chaque mot. Je ne me doutais pas à cet instant que la phrase qui calmait ma conscience deviendrait le mantra qui poussa tant de sorciers à se jeter à corps perdu dans la montée de pouvoir de Gellert.
Le pacte de sang était son idée. Peut-être commençait-il à se demander si je ne revenais pas à la raison et me méfierais de lui voire m'opposer. J'aimerais dire que c'était le cas, que j'avais des soupçons, mais c'était faux. J'étais bien incapable de le trahir. J'étais si épris, si capturé, que j'étais prêt à tout juste pour le voir, l'entendre soupirer, me serrer dans ses bras et l'embrasser. Lier nos sangs était pour moi la preuve ultime de mon amour, pour lui, c'était afin me neutraliser. Il me savait assez puissant pour l'entraver dans sa quête, et c'était quelque chose qu'il refusait qu'il arrive. Une autre lecture était possible, qui me rassurait parfois lors de mes nuits sans sommeil et désespérément seul. Nous lier par le sang m'empêchait d'intervenir directement contre lui, mais lui interdisait la même chose. Cela était peut être une manière tordue de montrer de l'affection en m'empêchant de risquer de tomber sous ses coups.
Vint alors le jour où tout allait s'effondrer. Je l'ignorais encore. J'ai bien eu le temps d'imaginer ce que j'aurais pu faire si j'avais su ce qui allait se passer. Tout ce que j'aurais pu faire autrement. J'aurais demandé pardon à Abelforth, je lui aurais promis de m'améliorer. J'aurais serrer fort Arianna et je l'aurais rassuré en caressant ses cheveux. J'aurais pu faire tant choses. J'ai tant rêvé de pouvoir réécrire l'histoire. Mais il est impossible de défaire ce qui s'est passé. Je devais absolument payer par ma solitude, ma douleur, mes regrets et mes remords. Jusqu'à la fin et bien plus encore.
C'est au crépuscule que Gellert frappa à notre porte alors que je m'apprêtais à chercher quoi lui écrire car je ne supportais pas d'être séparé de lui. Abelforth lui avait ouvert et Gellert m'avait rejoint dans ma chambre. J'étais un peu gêné qu'il y entre. Il n'était jamais venu car je ne voulais pas qu'il voit mon frère et ma soeur, que je baisse dans son estime. Mais Gellert n'avait que faire de ses détails. Il s'était précipité vers moi et m'embrassait avec un enthousiasme inconnu. Il était surexcité, s'arrêtait pour rire de joie, puis m'embrassait à nouveau, le sourire aux lèvres. Surpris et dans l'incompréhension, je savourais néanmoins cette bonne humeur si rare chez Gellert.
"Ça y est, ça y est Albus, j'ai trouvé, disait il en m'embrassant, on a réussi !"
"Attends attends Gellert, de quoi tu parles ?"
Il me lâcha pour me regarder dans les yeux. Il attrapa ma nuque et je plongeais dans son regard bigarré si envoûtant.
"J'ai trouvé la baguette."
Je restais silencieux, ahuri. Toute cette histoire était pour moi à la fois une affabulation grotesque et une vérité douloureuse. Je ne savais plus comment réagir face à cette irruption du réel dans ma construction bancale. Le visage de Gellert devint plus sérieux, son sourire se fanant pour prendre cette moue méprisante qu'il avait souvent.
"Quoi, tu n'es pas heureux ?"
"Si bien sûr que si, dis je avec prudence. Mais comment peux tu être…"
"Sûr ? Tu n'as plus confiance en moi ? Ou alors ça ne t'intéresse plus ?"
Il mettait déjà de la distance entre nous en reculant de quelques pas. Je me rapprochais aussitôt tant cela était insupportable pour moi. Je lui pris la main.
"Pardon Gellert ça m'a surpris. Dis moi ce que tu as découvert."
Rassuré, le sourire revint sur ses lèvres et il commença à parler très vite d'un livre qui mentionnait une personne qu'il avait contactée et qui avait confirmé ses doutes sur une baguette différente des autres chez un fabricant. La piste semblait prometteuse disait-il. Nous ne pouvions plus rien apprendre ici, cela ne servait à rien de rester. Rien ne nous retenait. J'entendais tous ces mots et je crois que je ne me suis jamais senti aussi perdu qu'à cet instant. Gellert me proposait de partir avec lui pour continuer notre quête qui nous mènerait au pouvoir absolu. Il voulait que je l'accompagne et c'était pour moi une preuve d'amour tout aussi absolue. Mais malgré tout je pensais à Abelforth et Arianna, je ne pouvais pas les laisser… Gellert sembla sentir mes doutes et il m'embrassa langoureusement. Comme toujours, cela m'absorbait totalement et j'oubliais le monde autour de nous. Il me serrait fort contre lui, je sentais son érection derrière le pantalon en toile. Il respirait bruyamment, m'embrassait et me griffait jusqu'au sang comme pour me marquer. Il me deshabillait de manière désordonnée et je tentais de lui arracher sa chemise. A demi nu, il me retourna et me poussa contre un mur. Sa langue traça un chemin brûlant sur ma nuque. Ses mains caressaient tout mon corps et je ne pouvais plus retenir mes gémissements. Gellert était étrangement empressé et passionné, lui qui restait toujours sur la retenue. Je découvrais une autre manière de faire l'amour avec lui, bouleversante, émouvante. Une de ses mains alla tendrement se poser sur mon sexe déjà tendu pour le caresser avec vigueur. L'autre se fraya un chemin entre mes fesses. Il me mordillait la nuque pour me distraire. Finalement, il me lâcha un instant alors que j'étais suant et gémissant, tremblant contre le mur, attendant avec impatience ce qui allait se passer. Il me pénétra avec douceur, ses mains maintenant les miennes contre le mur. Puis ses mouvements accélèrent jusqu'à une cadence très soutenue. Je heurtais le mur à chaque poussée, mais je me tendais vers lui à chaque fois. Cela avait toujours été brutal avec Gellert mais cette fois-ci, je sentais en lui une crainte indicible. Nos magies se mêlant avec chaleur, je percevais un peu de l'état d'esprit de Gellert, même si j'avais beaucoup de mal à le saisir tant j'étais envahi par le plaisir. Il avait peur, c'était tout ce que je savais et cela était nouveau. Sa façon de me faire l'amour, avec force, rage, espoir et désespoir était nouvelle. Je n'arrivais pas à m'y pencher. Je jouis avec tant de force que j'ai cru mourir de plaisir. Gellert me suivit dans un râle tremblant. Je n'ai pu croiser son regard un seul instant pendant ce moment pourtant si intime et intense. Mais je savais au fond de moi que cela aurait été trop pour Gellert. Ce fut la dernière fois que je faisais l'amour avec Gellert Grindelwald. Et je crois, maintenant, qu'il le savait lui aussi. Il avait toujours eu des impressions des événements juste avant qu'ils arrivent. Il ne pouvait pas ignorer ce qui allait se passer. Et il n'a rien fait pour l'empêcher.
Une fois remis de nos émotions, nous nous rabillâmes sans nous regarder. Je le désirais, mais je sentais que je devais m'en abstenir. Laisser son intimité à Gellert. Finalement, il m'attrapa par la main et je me tournais vers lui. Il était calme, déterminé. Doux.
"Veux-tu venir avec moi ?" demanda-t-il d'une voix blanche, simplement, sans précision.
Sans hésiter, je hochais la tête avec vigueur et l'embrassa longuement. Je partais. Je laissais tout derrière moi et je partais. Il sourit et me regarda assembler mes affaires. Il ne disait rien et je ne réfléchissais pas à ce que je faisais. Il fallait le faire, c'était tout. Je n'avais pas le choix. Je devais partir. Je ne pouvais pas vivre sans Gellert.
Nous descendions dans le séjour. Abelforth nous attendait, assis sur un tabouret, la baguette serrée dans ses mains tremblantes. Je sus alors qu'il nous avait entendu et qu'il savait ce qu'il se passait. Gellert recula de quelques pas. Mon frère leva enfin les yeux et planta son regard sur moi. Il était dur, froid, tremblant. Je lâchais mon sac comme un automate, pressentant ce qui allait se passer et courant dans cette direction.
" Tu ne peux pas partir, marmonna alors Abelforth, Arianna a besoin de toi."
" Tu peux t'en occuper."
La honte me monta à la gorge et je regardais aussitôt Gellert pour me donner le courage. Il était adossé contre un mur, un sourire amusé aux lèvres.
" Cet homme est dangereux Albus. Pourquoi tu refuses de le voir ? Regarde le, oui, regarde le ! Il te demande de quitter ta famille pour une quête insensée ! Tu es prêt à tout abandonner pour lui ?" s'écria mon frère.
" Tout abandonner ? répliqua Gellert en riant, voyons, tu veux dire cette maison délabrée, ta soeur incapable de se servir de la magie et toi ? Toi et tes chèvres ? Sais-tu au moins lire ? Sais-tu te servir de ce ridicule petit bâton que tu tiens entre tes doigts tremblants ?"
J'étais interloqué. Je n'avais jamais entendu Gellert parler ainsi. Ou plutôt j'avais toujours refusé de le voir. J'avais l'impression de le découvrir sous un nouveau jour, comme si le masque se levait. Il était toujours l'homme que j'aimais, mais il était à la fois un autre, un étranger nocif. Abelforth se leva et dressa sa baguette.
" Une chèvre vaut bien mieux que toi, connard, s'écria-t-il. Tu ne me fais pas peur !"
Tout se passa alors très vite. Un éclair jaillit de sa baguette et Gellert le para sans difficulté. Je tirai la mienne par reflexe, incapable de réagir. Gellert lança un sort de ma propre composition et mon frère s'envola pour s'écraser contre un mur. Il tomba à terre, n'arrivant qu'à se mettre à genoux. Gellert s'avança vers lui d'un pas presque dansant. Il donna un coup de pied à Abelforth, qui retomba à terre en grognant de douleur. Ma main se serra autour de ma baguette.
" Tu n'es qu'un moucheron qu'il convient d'écraser, tu es une honte pour le monde des sorciers ! cracha Gellert. Endoloris !"
Mon frère se tordit de douleur en essayant sans y réussir à retenir ses cris. Quelque chose se brisa en moi à cet instant. Je relevai la tête et brandit ma baguette vers Gellert.
" Arrête." demandais-je.
Il se tourna vers moi, un sourire ignoble aux lèvres.
"Ça te gêne ? Tu sais qu'il faudra le faire pour arriver à nos fins. Et plus qu'une fois. Tu croyais quoi ? Que le grand Albus Dumbledore pouvait garder les mains propres avec de tels projets ?"
" Arrête." répétais-je, la voix faible.
" C'est eux ou moi. " dit-il en intensifiant le sort et les cris d'Abelforth furent insoutenables.
" Je te le demande une dernière fois, arrête."
Le rire de Grindelwald était affreux derrière les cris de douleur. Je lançais alors un sort pour le désarmer mais il n'eut que pour effet d'arrêter le sortilège de torture. Il me regardait comme il ne l'avait jamais fait. J'étais un ennemi. Et je comprenais que pour moi, il était un danger pour ma famille. Gellert lança un sort que je parais de justesse. Un sort destiné à me faire mal. Je n'avais plus le choix désormais. Je répliquais avec un sort brutal et Gellert le para avec un air de plus en plus déterminé. Les sorts s'enchainèrent alors, devant de plus en plus violents devant notre frustration d'échouer. Les meubles explosaient, la poussière se soulevait et cachait la vue, des éclairs rouge, bleu, fusaient produisant de plus en plus de dégât. Les sorts se heurtaient produisant des étincelles brûlantes. Nous étions de force égale, la victoire ou la défaite semblaient impossible. Je sais maintenant que nous ne voulions pas vraiment gagner et y mettre fin. C'était notre dernier moment ensemble, même s'il se passait dans la violence et l'agressivité. Abelforth vint alors me prêter main forte, la défense de Gellert trembla un peu. Et l'impensable se produisit. Nous l'avions tous oublié. Pourtant, elle était là, à nous regarder. Terrifiée. Elle tenta d'intervenir, de faire quelque chose. Dans un moment atrocement ralentit, nous vîmes les sorts la toucher sans pouvoir intervenir, un cri coincé dans la gorge. Arianna tomba au sol et le silence tomba avec elle. Abelforth se précipita vers elle en hurlant. Il la caressait, sanglotait, lui murmurait de se réveiller. J'étais ahuri, incapable de réaliser ce qui venait de se passer. Interloqué. Gellert rangea sa baguette et épousseta ses vêtements. Il passa devant mon frère et ma sœur sans un regard. Il s'arrêta devant moi. Ses yeux me détaillaient attentivement. Il savait qu'il me quittait. La gorge serrée et un coût métallique sur la langue, je le regardais également. Une dernière fois, me disais-je, une dernière fois. Après je paierai mes erreurs. Juste une dernière fois. Sans un mot, Gellert se détourna et quitta la maison. Je restai seul avec ma soeur morte et mon frère qui la serrait dans ses bras. Je prenais alors la mesure de toute l'horreur de la situation.
L'enterrement d'Arianna s'était fait en petit comité. Surtout par des curieux invétérés et oubliant toute compassion devant le deuil. Les Dumbledores étaient une chose curieuse, un mystère, une énigme. Ils se sentaient puissants, importants, de pouvoir assister en premier lieu à cet enterrement. Seule Bathilda pleurait en silence, essuyant ses larmes d'un mouchoir. Je savais sa peine sincère. Non pas pour Arianna, qu'elle n'avait jamais vu. Mais pour Abelforth et moi.
J'étais comme un automate, le visage impassible, incapable de réagir. Je voyais les choses se passer sans que je puisse y intervenir. C'était trop tôt, trop douloureux, trop impensable. Trop. Mon frère ne quittait pas le cercueil, recroquevillé et tremblant. Il marmonnait des choses incompréhensibles. Je savais que j'aurais dû les rejoindre. Je le savais. Mais je ne pouvais pas. Peu à peu, comme un horrible monstre, la culpabilité devenait étouffante. Je n'avais pas le droit de les rejoindre. Finalement, Abelforth fut éloigné d'une main ferme. Il se cramponait à l'homme qui le repoussait. Je me disais que j'aurais dû être comme lui. Pourquoi n'était-ce pas le cas ? Je restais froid, incapable de réagir. Mon frère tourna alors les yeux vers moi. Ce que j'y lu me glaça. Il me reprochait la mort d'Arianna. Et il avait raison. Je restais immobile. J'attendais. Abelforth s'élança et son poing frappa mon nez avec violence. Il hurlait des mots que je ne comprenais pas. Je restais au sol, sentant mon sang couler sur mon visage et mes vêtements. Pourtant, la punition ne me paraissait pas assez sévère.
La suite… Tout le monde la connait. Je suis retourné à Poudlard en tant que professeur.
J'étais un jeune homme enjoué, espiègle, doté d'une grande confiance en moi et en ma magie. J'essayais de faire preuve de bienveillance dans ma supériorité aux autres. Et Gellert a tout détruit. Après lui, j'étais assez intelligent pour feindre mon caractère d'avant jusqu'à y croire moi même. Mais au final j'étais toujours rattrapé par la seule véritable réalité : j'étais seul, amer, désespéré. Mais je savais que cela était ma pénitence. Une punition sévère mais juste pour les atrocités que j'ai encouragées par faiblesse. Quelque part en moi, quelque chose était vide et triste. Éteignez le soleil, éteignez les étoiles. Laissez-moi dans l'ombre la plus parfaite. Mais malgré tout, il fallait continuer à vivre. Le terrible effort que je fournissais, et que j'ai toujours fourni jusqu'ici, me coûtait énormément. Mais le masque tenait bon derrière les larmes et le regard hagard. Je m'interdisais de penser à Gellert. Il fallait bien continuer.
Plus tard, le miroir du Risèd fut apporté à Poudlard pour le conserver. J'ai attendu longtemps avant de m'y confronter. J'étais à la fois terrorisé et impatient de voir ce qu'il allait me révéler.
Le miroir du Risèd montre le désir le plus profond, caché, qui sous tend notre être et vers quoi toutes nos actions portent d'une manière aveugle. Finalement j'ai arraché la bâche qui cachait le miroir. Quand je regardais dans ce miroir, je voyais d'abord ma famille réunie, heureuse. Un désir somme toute tout à fait honorable. Mais lorsque le miroir creusait dans ce qu'il y avait de plus profond, de sombre en moi, ce que je refusais d'accepter, apparaissait alors Gellert. Je le voyais comme l'adolescent que j'avais aimé plus que tout et aussi en cet adulte que j'avais continué d'aimer malgré moi, malgré toute l'horreur, la guerre et les morts. Peu importait ce que Gellert avait fait. Peu importait ce qu'il ferait. Il restait le seul et unique amour de ma vie. Je passais régulièrement voir le miroir lorsque, la nuit, la solitude et la culpabilité étaient si fortes que je tremblais. Le voir m'apaisait. Il ne pouvait y avoir de culpabilité avec un reflet. Cela était juste une petite pause dans mon tourment.
Pendant des décennies de silence, Grindelwald ne fit pas parler de lui. Puis la rumeur commença à enfler lentement. Je me réfugiais devant le miroir, demandant à cette image glacée ce que je devais faire. Puis, il était devenu impossible d'ignorer Grindelwald. Il faisait toutes les unes par ses crimes atroces. Les adeptes qui le rejoingnaient étaient de plus en plus nombreux. L'avenir devenait alors incertain. Dangereux. Je suis resté aussi longtemps que je pouvais à l'écart du combat contre Grindelwald. Je ne savais pas si j'étais capable de l'affronter, ou tout simplement de le revoir. Le pacte de sang était une bonne excuse pour que je reste englué dans mes remords et ma mélancolie. J'avais participé à la folle ascension de Gellert. J'ai cependant dû m'y résoudre, malgré les hurlements de mon cœur. Je ne pouvais plus rester à l'écart. J'avais compris que si je voulais me racheter, faire quelque chose de bien, je devais étouffer mon amour et me battre contre le seul être au monde que j'avais aimé. Après la rupture du pacte de sang, au premier combat, nous n'avions pu, ni lui, ni moi, nous résoudre à nous affronter réellement. Nous nous étions laissé partir.
Je n'ai vécu qu'un seul autre moment dans ma vie aussi difficile pour moi. Me battre contre Gellert, l'affronter… avec cette fois-ci le devoir d'en finir… Je l'aimais pourtant encore, et plus que tout. C'est sans doute pourquoi, à l'issue de la bataille finale, il a été enfermé et non mort. Le tuer était impensable. J'aurais préféré mourir à sa place. Mais je pouvais l'empêcher de nuir.
Quand j'ai battu Grindelwald, tout le monde a pensé que c'était parce que j'étais le plus puissant. J'ai toujours gardé jalousement ce secret. Pour dire vrai, j'ai gagné parce qu'il se battait pour le pouvoir et moi par amour.
Je me pensais libéré après ce combat. Que cela allait tuer mes sentiments et me permettre de me mettre à vivre. Mais l'amour, la culpabilité, les remords, les regrets m'ont rongé jusqu'à la fin. J'étais incapable de ne plus aimer Gellert, malgré tout ce qui s'était passé. J'étais le fautif, le coupable, le naïf qui s'était fait avoir en beauté malgré tous ses mensonges de sagesse et de puissance qui me rassurait. Il fallait payer. J'ai eu tout loisir de repenser et analyser ce qui s'était passé entre Gellert et moi. Un œil extérieur dirait qu'il s'était joué de moi du début à la fin. Mais, je le sais au plus profond de mon cœur, ce qui avait été un jeu au début pour Gellert était devenu très sérieux. On pourrait même dire qu'il s'était fait prendre dans son jeu, happé comme moi dans les tourbillons des émotions. Après tout ce que nous avons vécu, je ne pouvais pas douter des sentiments de Gellert. Nous nous aimions, passionnément, entièrement, inconditionnellement, jusqu'à la fin. Même s'il avait toujours refusé de s'épancher en termes qu'il jugeait si triviaux.
La vie est passée. Avec son lot de souffrance à ajouter au fardeau que je portais encore. Je savais que je devais me méfier du pouvoir, qu'il me corrompait. J'ai formé des centaines de sorciers. Je faisais le bien autour de moi. J'ai protégé l'élu. J'ai commis des erreurs. Mais je voulais faire le bien. Gellert m'a toujours accompagné dans mon coeur pendant toutes ses années. Je n'ai jamais essayé d'aller le voir en prison. C'était trop dangereux. Et je ne pouvais pas me permettre de ressentir ce bonheur. J'avais fait trop de mal pour le mériter. Puis, la fin, inévitable, espérant de tout coeur que mes tourments prennent fin.
Une question me hante toujours : du haut de sa prison à Nurmengard où je l'avais enfermé, a-t-on pris la peine de prévenir Gellert que je suis mort ?
