Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si !

Couple : Harry/Draco.

Rating : M (avec le le temps...).

Kikou tout le monde !

Lys : Hello :-)

Merci à tous de me laisser des reviews, elles me font toujours aussi plaisir !

Lys : Sauf que ça lui met la pression, maintenant…

Bah je veux décevoir personne (et vais me faire trucider par olorin84… XD)

Lys : Bon, bah à part ça, voici la suite de Papillon ! Nous espérons que ça vous plaira toujours autant !

Sinon, petit rappel : voici l'adresse de mon blog où vous pouvez poser des questions si vous en avez envie ! http: // didi-gemini . skyrock . com / 2 . html (retirez les espaces autour des points et des barres)

Bonne lecture !


Chapitre 20

Draco se réveilla assez tôt le lendemain matin. Pendant ce qui lui sembla des heures, il regarda le visage de Harry, qui dormait profondément entre ses bras. Il n'avait pas bougé, durant la nuit, restant blotti contre lui, s'accrochant à sa chemise comme s'il avait peur qu'il ne s'envole.

Et alors que le jeune homme se reposait de la dure soirée de la veille, Draco réfléchissait à toutes ces révélations. Jamais il n'aurait pensé que Harry ait pu vivre un tel calvaire. Cela expliquait beaucoup de choses et Draco comprenait parfaitement la réaction d'Isaline quand il avait commencé à courtiser Harry. Elle ne voulait pas revivre la même chose.

On ne rencontrait pas ce genre de fou tous les jours. Ou, du moins, il était difficile de tomber deux fois sur le même genre de personnes. Mais ils en avaient assez bavé, ils préféraient prévenir plutôt que guérir. Draco le comprenait très bien.

Il pensait à Cédric. A ce qu'il avait osé faire à Harry. Il l'aimait et il le détestait en même temps, car Harry symbolisait son péché, son attrait pour les hommes, et Cédric éprouvait trop de sentiments pour laisser celui qu'il aimait s'en aller. Il le frappait souvent, une réaction peu étonnante pour un jeune homme frustré, blessé par la vie et dans son orgueil. C'était un diable déguisé en ange qui avait ravi le cœur de Harry.

Draco était tout simplement dégoûté que Harry ait autant aimer Cédric, assez pour supporter son attitude. Certes, pour avoir passé sept ans de sa vie chez les Dursley, il s'était fait aux coups et garder le silence ne lui était pas étranger. Draco pouvait imaginer la peine d'Isaline quand elle avait découvert le pot aux roses, et sa souffrance quand Harry avait disparu. La peur qu'il lui arrive quelque chose, qu'on lui fasse du mal… Sirius et Nymph', et Luna aussi, avaient dû souffrir tout autant, mais Isaline était comme une mère, et on lui avait pris son enfant.

Ruminant ainsi ses pensées, Draco remarqua à peine le réveil de Harry, qui gigota dans ses bras. Il ne prit vraiment conscience de sa présence que lorsque ses yeux verts s'ouvrirent, donnant un peu de couleur à son visage pâle et blessé. L'un de ses yeux était entouré d'un cocard qui mettrait du temps à guérir.

« Bonjour, fit-il timidement.

- Bonjour. Tu fais peur, tu sais ?

- A ce point-là ?

- Oui. Tu as mal quelque part ?

- Non, ça va. »

Draco l'embrassa délicatement pour ne pas trop appuyer sur sa lèvre blessée et Harry accueillit ce baiser avec délice. Il sentait les bras de Draco tout autour de lui, qui l'étreignaient, et cela lui réchauffait autant le corps que son cœur.

« Harry ? A propos d'hier…

- Tu as encore envie d'en parler ?

- J'ai quelques questions à te poser, encore. Tu voudrais bien y répondre ? Lui demanda Draco d'un ton calme.

- Bien sûr.

- Mis à part ça, tu as d'autres choses à me cacher ? Si c'est le cas et que tu ne m'en parles pas maintenant, je vais mal le prendre, crois-moi.

- Non, j'ai plus rien à te cacher, lui dit Harry avec hésitation. Vas-y, pose tes questions.

- Je peux attendre encore un peu…

- Non, vas-y. Ce sera fait. Mais tu devras peut-être affronter une nouvelle crise de larmes. »

Draco leva les yeux au ciel d'un air exaspéré alors que Harry souriait timidement. Le blond se pencha vers son oreille et lui chuchota qu'il ne le jugeait pas, mais qu'il voulait juste savoir d'autres petites choses. Soulagé, le tatoueur acquiesça et le laissa poser ses questions.

Ils parlèrent longtemps dans le lit. D'abord, Draco voulut savoir ce que Cédric pensait de ses tatouages. Autant commencer en douceur, pensait-il… Harry lui dit qu'il n'avait jamais été contre ça. Ils s'étaient séparés peu de temps avant ses dix-huit et Isaline avait tatoué ses ailes sur son dos avant son anniversaire, histoire de prendre un peu d'avance car c'était assez long, et elle ne voulait vraiment pas se louper. Quand il… avait été kidnappé… Cédric était tombé sous le charme de ce tatouage et l'appelait « Mon ange ». Mais ça faisait flipper le concerné… Harry n'éprouvait plus de sentiments pour Cédric, il ne ressentait que du dégoût à son égard, et de la peur.

Draco lui demanda ensuite pourquoi personne ne l'avait entendu. Enfin, Harry avait sans doute crié pour se faire entendre… Harry lui expliqua que Cédric possédait l'appartement juste en-dessous, donc il pouvait bien gueuler, il n'y aurait que lui pour l'entendre. Et quant à ces deux amis, ils se chargeaient de le faire taire quand il faisait trop de bruit. Draco lui demanda si Marcus faisait partie de l'affaire, mais Harry secoua la tête : il était au courant de tout, mais il n'avait jamais participé. Il avait défendu Cédric, avait essayé de le sortir de là, mais il n'avait jamais eu le moindre contact avec Harry.

« Le sortir de là ?

- Cédric est allé en prison. »

L'affaire avait fait grand bruit. Cédric Diggory, le mec parfait et sans histoire, avait kidnappé son petit ami secret et l'avait tabassé dans une petite chambre pendant un mois. Les médias raffolaient de ce genre d'histoire… Et encore, le père de Cédric avait essayé d'étouffer l'affaire, mais le jeune homme fut jugé et envoyé en prison. De nombreuses petites amies sortirent de nulle part et déclarèrent que ce type était fou, qu'il leur avait déjà fait du mal. Harry en avait conclu qu'il sortait avec plusieurs filles à la fois, les officielles avec lesquelles il était clean, et les autres qu'il traitait comme il avait traité Harry.

« C'est à cause de lui que vous êtes venu à Paris ? »

Harry ne supportait plus la vie là-bas. Quand il put enfin quitter l'hôpital, il refusa de sortir de la maison, et c'était tout juste s'il quittait sa chambre. Isaline était aux petits soins, elle lui apportait à manger dans sa chambre, lui parlait de tout et de rien. Luna venait souvent et lui faisait des câlins. Nymph' le prenait dans ses bras, aussi, mais pas souvent : quand elle le voyait, elle avait souvent envie de pleurer et elle ne voulait pas qu'il la voie comme ça. Quant à Sirius, il s'en voulait beaucoup, et il ne savait pas comment aider Harry.

Ce dernier ne mangeait plus. Pas faim. Il se laissait mourir dans sa chambre, en pensant à cet endroit où il avait passé un mois. Il était même devenu parano, réagissait à n'importe quel bruit, même quand ce n'était qu'Isaline qui venait lui dire « Bonne nuit ». Au final, elle dormit dans son lit pour l'apaiser.

Mais rien ne semblait arranger son état. Il lui murmurait, au creux de l'oreille : tatoue-moi un papillon. Sur le cœur. Il voulait un papillon sur lui, il voulait être un papillon.

Sauter par la fenêtre.

Et ne pas s'écraser en bas.

Sirius ne voulait pas. Nymph' non plus. Il fallait qu'il oublie, qu'il tire un trait sur le passé. Mais Harry était un enfant, et il demandait sans cesse à Isaline de le tatouer. Et, un soir, elle l'emmena dans la boutique, lui retira son haut de pyjama, et lui tatoua ce papillon sur le cœur, tout en lui murmurant qu'ils allaient partir. Qu'ils allaient à Paris, pour un nouveau départ. Qu'elle avait vendu la boutique, qu'ils iraient dans une autre.

Ils allaient voir la Tour Eiffel. L'Arc de Triomphe. Manger des macarons à La Durée. Dépenser leur argent aux Halles. Visiter le Louvre…

Ils allaient quitter Londres, pour qu'il oublie cette partie de sa vie. Pour qu'il se remette debout et qu'il revoie la lumière du soleil, sans craindre le regard des autres.

« J'ai pleuré, tu sais. J'étais heureux de m'en aller, et à la fois, malheureux parce qu'on quittait tout ce qu'on connaissait. Isaline faisait ça pour moi. Pour que j'aille mieux. C'était tout ce qui comptait, pour elle. Elle a tout quitté, pour moi. Et Sirius et Nymph' nous ont suivis. »

Ce ne fut pas facile, à Paris. Harry mit un temps fou à se remettre. A Londres, on lui avait recommandé un psychiatre qui lui avait donné des médicaments à prendre, antidépresseurs en tout genre. Harry refusa d'avaler un seul de ces comprimés et il ne disait jamais rien au docteur. Il préféra parler de tout ça à sa propre famille et guérir par lui-même, au lieu de se droguer avec ces choses-là. Une fois à Paris, il commença à remonter la pente, à faire face à cette dépression qui détruisait sa vie. Théo l'avait connu à cette époque, quand il revenait à la vie. C'était plus facile en France, parce que personne ne savait qui il était. Harry était heureux.

« Une autre chose m'intrigue… Cho. C'est quoi, le problème avec elle ? »

Il savait qu'elle était sortie avec Cédric en même temps que Harry. Elle était son « officielle ». Harry soupira et lui expliqua que Marcus la détestait parce qu'elle était sortie un bon bout de temps avec Cédric, mais c'était Harry qu'il haïssait au plus haut point. Bref, quand Cho quitta Cédric, elle dériva et voulut tout plaquer, mais Olivier, qui était lui aussi ami avec Cédric, l'avait remise dans le droit chemin. Il s'était d'ailleurs sérieusement brouillé avec Cédric et ne l'avait plus jamais revu. Harry lui raconta aussi quelle avait été la réaction de Cho quand elle l'avait trouvé à l'hôpital, et que par la suite, elle avait toujours été là pour l'aider. Il aimait Harry, comme un ami. Il avait rendu Cédric heureux, malgré toutes les conneries qu'il avait faites. Elle avait donc décidé de l'aider.

« Marcus voulait la blesser, parce qu'elle est mon amie. Y'a jamais rien eu entre moi et Cho.

- Et Olivier ? Il avait l'air… je ne sais pas, énervé après Isaline… »

Harry eut un sourire malicieux mais il grimaça : sa lèvre picotait.

« Triangle amoureux. Enfin, carré amoureux, plutôt, mais je crois pas que ça existe.

- Explique, lui demanda Draco, qui avait du mal à suivre.

- Marcus était amoureux de Cédric qui m'aimait. Et Olivier a toujours eu un faible pour Marcus.

- Comment on peut avoir un faible pour un mec pareil ? Attends une minute… Olivier est hétéro !

- Hm… moui, mais il a toujours été attiré par Marcus. C'est Cho qui me l'a dit. Marcus a jamais voulu de lui, donc il se console comme il peut. On peut pas tout avoir, comme il dit, et il va pas se priver d'amour parce qu'un mec ne veut pas lui.

- Typiquement Olivier, ça… »

Harry eut un sourire amusé : c'était tout à fait ça. Olivier avait toujours eu un penchant pour Marcus Flint, bien que peu de personnes soient au courant. Cependant, comme il savait parfaitement que ses espoirs étaient vains, il vivait normalement sa petite vie et sortait avec qui il en avait envie. Pourquoi se compliquer l'existence ?

Draco lui posa encore quelques petites questions et craignit jusqu'au bout que Harry ne se sente blessé et se remette à pleurer comme la veille. Draco avait été plutôt choqué de le voir dans un tel état de vulnérabilité, et en même temps tellement agressif… Mais le jeune homme, même si sa voix changea légèrement par moments, demeura calme et lui répondit sans lui faire la moindre cachotterie, blotti dans ses bras, son visage tout près du sien. Il ne semblait plus capable de lui cacher quoi que ce soit : il en savait trop pour qu'il essaie de lui mentir.

Leur conversation se termina par un baiser. Draco posa ses lèvres sur la bouche de Harry, chastement, puis lui offrit un baiser empli d'amour, tentant de lui faire passer tous ses sentiments dans cet échange. Harry se sentit fondre contre lui, caressant ses cheveux blonds du bout des doigts. Puis, Draco se retira, le regardant avec des yeux brillants désir, ce qui les fit sourire tous les deux : il ne perdait pas le Nord, celui-là…

« Je t'aime. »

Draco se sentit bêtement ému par cette déclaration, et il se pencha à nouveau pour l'embrasser, ses émotions de la veille refaisant surface. Il voulait le protéger, le rassurer. Lui montrer que, lui, il l'aimait. Et lui faire oublier ce que ce connard lui avait fait subir…

OoO

Il entra dans la cuisine. Elle était en train de préparer le petit-déjeuner, faisant griller du pain et chauffer du lait dans une casserole.

« Isaline ?

- Oui ?

- Si un jour je lui faisais du mal, je veux que tu prennes ta casserole et que tu me défonces la tête avec.

- Je prends note, beau blond. »

Puis il s'assit, sans un mot de plus, en attendant que son petit ami revienne de sa douche.

OoO

Une seule personne téléphona, ce jour-là. Ce fut Cho. Elle demanda simplement à Harry s'il allait bien et s'il avait tout raconté à Draco. Il répondit deux fois oui. Puis, elle raccrocha, et s'empressa de faire passer le message aux autres.

La veille, une fois Draco monté à l'étage, Sirius avait résumé l'affaire aux autres qui avaient ouverts de grands yeux de surprise et de tristesse. Seul Théo avait semblé moins étonné puisqu'il connaissait les grosses lignes de l'histoire. Harry la lui avait racontée, mais il n'avait jamais fait le rapprochement avec sa mauvaise humeur de janvier et il ne se doutait pas que Cédric était un pourri pareil. Il y avait des choses que Harry avait omis de lui raconter. Cependant, personne ne lui en voulait, ni ne le jugeait.

Harry n'avait appelé personne. Il ne voulait voir personne, ayant trop honte pour laisser quelqu'un voir son visage ou entendre sa voix. Il avait même demandé à Draco de rentrer chez lui, mais Harry ne l'avait pas choisi pour rien : le blond était aussi têtu que lui. Il avait donc passé la journée avec lui. Ils ne firent pas grand-chose, discutant un peu, regardant la télévision. Partageant tout simplement un moment tous les deux. Harry fut quand même content que Draco soit avec lui.

Le blond dut tout de même s'en aller, en fin d'après-midi. Alors qu'il allait quitter la chambre pour rentrer chez lui, il se ravisa et se tourna vers Harry. Ce dernier l'interrogea du regard, se demandant ce qu'il lui voulait encore. Une question ?

« Je voudrais te demander quelque chose. Mais… je comprendrais si tu refusais.

- Vas-y, dis-moi, l'encouragea Harry.

- Je voudrais voir une photo de lui. »

Il crut voir Harry pâlir. Draco voulut lui dire que ce n'était pas grave, qu'il pouvait oublier, mais le tatoueur hocha légèrement la tête et lui fit signe de l'attendre dans la chambre. Il revint quelques minutes plus tard avec un tout petit album qui lui fit penser à ceux qu'on donnait aux enfants pour garder les quelques photos qu'ils avaient faites eux-mêmes. Harry lui dit que c'était les seules photos qu'il avait, il les gardait sans trop savoir pourquoi, mais il ne les regardait jamais. Elles restaient dans le placard, tout en haut, avec les autres albums.

Draco ouvrit le petit album au hasard. Et tomba sur une photo de Cédric Diggory. Avec Harry.

Il était beau gosse. Indéniablement. Les cheveux mordorés, les yeux noisette. Un visage viril, le sourire charmeur et les yeux pénétrants. Des vêtements simples mais élégants, classe, qui laissaient entrevoir son mode de vie aisé. Un air d'ange. Le genre d'air qui attirait les filles. Le petit ami parfait. L'idéal masculin.

Il y avait des hommes, comme ça. D'un simple coup d'œil, on se disait que c'était le petit ami idéal, et seuls les plus niais se laissaient avoir par son charme. Draco détestait ces anges qui cachaient leur queue fourchue, bourrés de pensées pures alors que leurs véritables pensées étaient teintées de rouge et de noir.

Au moment-même où Draco vit le visage de Cédric Diggory, il comprit pourquoi Harry était tombé amoureux de lui. Le blond pouvait imaginer sa détresse et le désir de Harry de tout arranger. Et il comprit, aussi, pourquoi Cédric était tombé sous le charme de Harry Potter.

Il était beau, lui aussi. Un charme différent. Des cheveux noirs ébouriffés, comme au saut du lit, avec des mèches écarlates perdues dans ce nid d'oiseaux. Des yeux verts brillants de malice. Un sourire contagieux, un air canaille. Des vêtements négligés qui lui donnaient des airs de gamins. Un beau gosse. Au charme naturel. Pas créé ou entretenu. Le genre de personne qui attire le regard, mais pas le désir. Le genre d'homme réel qu'on ne peut idéaliser. Tellement vrai, tellement nature…

Draco était dégoûté. De ce type. De lui-même. Il fronçait les sourcils et des doutes l'assaillaient. Pourtant, ce n'était pas son genre de douter de lui, de son propre charme… mais il en venait à se demander pourquoi Harry était sorti avec lui. Certes, il avait vécu des merdes pas possibles avec Cédric, certes, c'était du passé… mais Harry l'avait aimé, et pourquoi s'était-il entiché d'un homme comme lui ? Cédric était plus charmeur que lui, Draco le trouvait bien plus beau… et il y avait sans doute des choses tendres chez lui, qui avaient retenues Harry…

Il sentit le bras du brun se glisser autour du sien alors que sa tête se posait tout contre son épaule. Il regardait la photo, lui aussi, prise un jour de fête. Ils étaient amis sur cette photo, amoureux hors de l'objectif. Il avait envie de fermer l'album, mais Draco le regardait. Autant le laisser faire. Après tout, c'était Harry qui le lui avait donné…

« Tu l'aimes encore ? »

Harry hoqueta de surprise. Surpris, il chercha le regard de Draco, mais ce dernier avait les yeux rivés sur la photo glissée dans la page pacifiée. Leur sourire, à tous les deux, leurs yeux qui pétillaient… la jalousie dans son corps, la colère, la haine…

« Draco ?

- Tu l'aimes encore ?

- Je t'ai déjà répondu, un jour.

- Je m'en fous. Réponds-moi. »

Il voulait savoir. Savoir si Harry éprouvait encore quelque chose pour cet homme aujourd'hui en prison, s'il reviendrait vers Cédric si ce dernier se mettait à genoux devant lui le jour où il sortirait de prison et lui ferait les plus belles promesses du monde. Il voulait savoir s'il devait craindre le jour où Cédric Diggory sortirait de prison.

« Regarde-moi. »

Draco lâcha la photo des yeux et les tourna vers Harry qui lui fit un sourire. Le genre de sourire qu'il voulait garder pour lui, enfermer dans une boite, dans la crainte que quelqu'un d'autre ne le possède à sa place…

« Je ne veux pas que tu doutes de moi. Alors je vais te le dire maintenant : je ne ressens plus rien pour lui. Si demain il revenait, je ne retournerais pas vers lui. Même s'il a changé. Et tu sais pourquoi ?

- Non. Mais tu vas me le dire.

- Parce que j'aime beaucoup, beaucoup… beaucoup plus que lui. »

Et il ponctua sa phrase d'un léger baiser sur ses lèvres. Quand il rouvrit les yeux, qu'il avait fermé l'espace d'un instant, il put voir le soulagement sur le visage de Draco. Mais un léger doute subsistait. A lui de l'effacer, avec le temps…

OoO

« Aie ! Tu m'as fait mal !!

- Mets tes chaussures et ton manteau, on s'en va.

- Tu m'as fait mal… »

Boudeur, Sirius se leva, voulant éviter de prendre un nouveau coup de dictionnaire sur la tête. Il grommela qu'on perdait des neurones quand on se prenait des coups sur la tête. Alors, Severus s'excusa : vu ce qui lui restait de neurones dans la tête, mieux valait qu'il évite de détruire les derniers survivants. Vexé, Sirius leva un nez hautain et partit mettre ses chaussures en se maudissant d'avoir épousé un toubib.

Enfin, « épousé »… C'était vite dit. Ils ne s'étaient évidemment pas mariés, cela n'était pas autorisé en France, mais cela n'avait pas empêché Sirius de faire sa demande en mariage à Severus. Ce dernier avait cru que son compagnon était bourré mais il se dit qu'il fallait plus qu'une ou deux flûtes de champagnes à Sirius pour être ivre. Et puis, son regard empli de doutes, sa voix hésitante et son corps tremblant d'angoisse laissait penser qu'il était parfaitement lucide. Ce jour-là, Severus avait levé les yeux au ciel en se disant que ce crétin lui aurait vraiment tout fait, en matière de niaiseries… ce qui ne l'empêcha pas d'accepter sa demande et se pacser quelques temps plus tard.

C'était d'ailleurs suite à cela qu'ils avaient décidé d'acheter une maison. Il y avait eu une petite fête pour cet évènement. Severus avait craint ce moment, en se disant que son compagnon allait se monter insupportable. Pourtant, ce ne fut pas le cas. Sirius ne but quasiment rien et se montra attentionné envers son compagnon, sans être dégoulinant de bons sentiments. Il avait fait de gros efforts sur lui-même pour se tenir à carreau et Severus avait beaucoup apprécié. Même s'il répugnait à en parler, il avait aimé cette journée.

De façon niaise et sentimentale, Sirius appelait leur nouvelle maison « cadeau de mariage ». Severus se disait plutôt qu'ils l'avaient achetée parce qu'ils en avaient les moyens et Sirius avait besoin d'un peu plus d'espace qu'un petit appartement, même s'il avait su s'en accommoder. D'autre part, il n'avait pas eu le choix : ce logement appartenait à Severus et Sirius ne pouvait que s'adapter à cet endroit, car c'était là que vivait l'homme qu'il aimait.

Quand ils avaient signé le contrat pour l'achat de la maison, Severus avait décidé de garder son appartement et de le louer. Maintenant, ils avaient emménagé dans leur nouvelle maison, pas très grande mais bien assez pour eux deux. Severus pouvait se féliciter d'avoir choisi Sirius : il avait beau être écrivain, c'était un bricoleur qui ne s'avouait pas vaincu, et ce n'était pas une armoire récalcitrante ou une latte de parquet qui allait l'embêter longtemps. Severus devait donc peindre, ce qui était long et ennuyeux, mais il préférait largement faire mumuse avec un pinceau plutôt que de se battre en duel avec du carrelage, des tuyaux ou encore des meubles.

Severus rejoignit son compagnon dans l'entrée. Il boudait toujours mais le professeur l'ignora et enfila ses chaussures, puis son manteau. Ils entrèrent dans le garage et Severus monta sur le siège conducteur tandis que Sirius s'asseyait à côté de lui. Pendant quelques minutes, le silence demeura dans le véhicule. Severus se demandait combien de temps Sirius allait tenir sans rien dire et il compta à peu près trois minutes.

« On va où ?

- Si tu arrêtes de bouder, je te le dis.

- Je boude pas.

- Menteur. »

Sirius haussa les épaules et regarda par la fenêtre. A nouveau, le silence. Puis, Sirius mit la radio, changea l'onde, et il s'arrêta sur la voix de Christophe Willem, Berlin. Le verdict tomba, implacable.

« Quelle merde. Change-moi ça.

- Sev' ! Un peu de respect à la variété française ! Protesta Sirius d'un air outré.

- Qui peut écouter des imbécilités pareilles ?

- Ryry.

- Il retombe dans mon estime, soupira Severus en se disant que ce gosse était irrattrapable.

- Tu sais, il arrive qu'on écoute des chansons débiles qui nous restent dans la tête justement parce qu'elles sont débiles. Tu te rappelles, la petite voisine du dessous avec Lorie ?

- M'en parle pas… »

Severus avait vécu un véritable calvaire : le couple de retraités vivant au-dessus de chez eux avaient gardé leur petite fille pendant les grandes vacances de l'été dernier et ils avaient eu droit à tous les albums de Lorie en boucle pendant trois semaines. Enfin sûrement plus, mais Severus était devenu fou et avait exigé qu'ils partent en vacances ou il allait faire un malheur. Entendre toute la sainte journée « J'ai besoin d'amooooour ! Des bisous, des câlins, j'en veux tous les jours ! J'suis comme ça ! », « Positive attitude ! » et « Ça y est c'est le week-end ! Vive les super week-ends ! C'est comme ça qu'on les aime ! Faire le plein d'énergie, c'est comme ça… ». Stop !

« D'accord, j'ai suivi le principe…

- Il m'a dit qu'il avait vu le clip, Willem lui fait penser à une sauterelle quand il manche dans l'église… ou à une chouette, avec ses lunettes. J'ai toujours aimé les comparaisons de Harry…

- Il sait de qui tenir.

- Sev' ! »

Sirius avait essayé de faire écrire son filleul, étant écrivain lui-même, mais jamais Harry n'avait montré la moindre attirance pour l'écriture, alors qu'il lisait régulièrement des livres et il avait une plume agréable et de l'imagination. Mais ça ne l'avait jamais attiré, au plus grand dam de son parrain.

L'ambiance s'était détendue dans la voiture. Sirius avait arrêté de bouder et Severus sentait la tension de son corps se relâcher : mine de rien, il n'aimait pas quand son compagnon faisait la tête et gardait la bouche fermée… Un Sirius qui ne cause pas est un Sirius malade… un peu comme un chien qui se met dans un coin et n'en bouge plus…

D'ailleurs, en parlant de chien…

« Bref… Sirius !

- Bah quoi ?

- Je dois déjà supporter ta musique à la maison, alors laisse cette radio tranquille !

- Mais c'est Guns'n'Roses… »

Sale clébard… songea-t-il alors que Sirius lui faisait ses yeux de chien battu. Un vrai gosse, celui-là…

« Eteins ou je ne te dis pas où on va.

- Chantage ! »

Mais Sirius éteignit la musique. Severus savait parfaitement qu'il ne l'écoutait qu'à moitié quand il y avait de la musique, que ce soit dans la voiture où chez eux.

« Alors ??

- On va chercher ton cadeau de Noël.

- Qui est ??

- Ce que tu n'arrêtes pas de me demander depuis l'été dernier. »

Sirius ouvrit de grands yeux, ébahi. Tiens, pensa Severus, ça faisait longtemps qu'il ne lui avait pas coupé le sifflet, Sirius ne semblait pas en croire ses oreilles. Il n'avait plus cet air de gamin sur le visage, il était plutôt sérieux.

« Tu plaisantes, là ?

- Pas du tout. Mais je te préviens : hors de question que je sorte après cinq heures du soir ou avant huit heures du matin, tu peux toujours courir.

- Hey !! On va avoir un chien !!! »

Sans même penser au fait que Severus était en train de conduire, Sirius se jeta au cou de son compagnon et lui fit un gros bisou sur la joue. Severus n'eut même pas le cœur de protester, même lorsque Sirius remit la radio, Welcome to the jungle à fond dans la bagnole…

OoO

« Ryry ! Mon amour, prunelle de mes yeux, soleil de mes nuits ! Ça urge !! Ryry !!!

- Oui, je sors ! »

Harry sortit de la salle de bain alors que sa tante s'y précipitait comme la misère sur le monde. A croire que c'était un coup monté ! Alors qu'elle se retenait depuis un temps infini, au moment même où elle décida de se rendre enfin aux toilettes, Nymph' s'y jeta comme si elle avait le feu aux fesses, car elle avait ses « ragnagnas » et elle pissait du sang, et Harry était tranquillement monté à l'étage. Mais ils pouvaient pas attendre deux minutes, mince ?!

Le tatoueur leva les yeux au ciel : il n'avait peut-être pas ses règles, lui, mais il avait bien le droit d'aller aux toilettes, non mais oh ! Il était encore chez lui, non ? Ah, c'était ça de vivre avec des femmes… Par moments, il était bien content de ne pas en être une, même s'il aurait bien voulu être capable d'enfanter. Quel paradoxe… mais il pensait que chaque homosexuel avait déjà désiré cela une fois dans sa vie…

Le téléphone sonna. Étonné, Harry descendit les escaliers et arriva dans l'entrée. Il décrocha en se demandant qui pouvait bien l'appeler à une heure pareille.

« Allô ?

- C'est Olivier. Tu vas bien ?

- Oui, ça va. Et toi ?

- Mouais. »

Olivier lui dit que Cho lui faisait la tête, que ça commençait à le gonfler de voir ses fringues traîner un peu partout et la vaisselle s'accumuler dans l'évier, sans oublier tous les yaourts Taillefine qui envahissaient le frigidaire et le poisson pané dans le congélateur.

« Elle te met au régime ? Demanda Harry, sans trop y croire.

- Nan, elle fait la gueule. Elle sait que j'aime pas le poisson pané ni les Taillefine. En plus, franchement, voir ses strings ou sa petite lingerie traîner sur le canapé, ça me plait pas des masses… Quant à la vaisselle…

- Achète un lave-vaisselle, t'en as les moyens.

- Tu rigoles ou quoi ? Se récria Olivier. Si j'en achète un, elle trouvera quelque chose de pire pour me pourrir la vie et, franchement, j'ai pas envie de savoir ce qu'elle a en réserve…

- Mais pourquoi elle te fait la tête ?

- Tu vas me faire la tête si je te le dis.

- C'est pas moi qui laisse traîner mes sous-vêtements sur ton canapé.

- De toute façon, vu ce que je découvre, je crois que tu pourrais pas faire pire. »

Harry n'avait même pas envie de savoir ce qu'Olivier découvrait sur son canapé. Et lui-même n'avait pas envie d'y penser.

« Bref. En fait… bah j'ai vu Marcus. »

Silence. Harry ferma les yeux et inspira profondément.

« Tu me connais, Harry. Tu sais… je voulais pas y aller, mais… comme on dit, le cœur a des raisons que la raison ignore…

- Et que s'est-il passé ? Demanda-t-il d'une voix neutre.

- Rien. »

Olivier était allé le voir dans sa chambre d'hôtel. Il lui avait dit qu'il avait été con. Que Cédric avait fait du mal à Harry, qu'il en avait assez bavé comme ça. Que Marcus avait fait une connerie, qu'il était bien avancé avec un visage pareil. Harry n'y était pas allé de main morte.

« Et puis… je lui dis que ça servait à rien qu'il espère. Je suis désolé de te dire ça, mais Cédric est un manipulateur. Il manipule Marcus. Je pense pas qu'il se doutait de sa réaction, mais… tu vois ce que je veux dire…

- Oui.

- Donc… bah… je lui ai dit qu'il devrait laisser tomber, c'était sans espoir. Et je lui ai dit aussi que ma porte était toujours ouverte.

- Et qu'est-ce qu'il t'a répondu ?

- Rien. »

Ça aurait pu être pire. Il aurait pu lui mettre un coup dans la figure, l'insulter. Marcus ne l'avait jamais fait, mais bon, il était imprévisible. Mais Marcus n'avait rien dit. Rien fait. Il avait simplement hoché la tête, sans un mot de plus.

« Donc c'est pour ça que Cho me fait la tête. Je la comprends. Mais…

- Olivier ?

- Ouais ?

- Vis ta vie. Ça me regarde pas. Et je vais pas arrêter de te fréquenter à cause de tes sentiments.

- T'es un mec bien, tu sais ça ? »

Harry eut un léger sourire. Il entendit un soupir de soulagement dans le combiné. Olivier tenait à lui, c'était un de ses amis, et il ne voulait pas le perdre, à cause de ces fichus sentiments qu'il n'arrivait à contrôler.

« Je vais te laisser. Cho va pas tarder à rentrer, faut que j'aille faire des courses.

- Excuse-moi, mais je ne vois pas le rapport.

- Bah elle a promis de faire à manger ce soir. Mon petit doigt me dit que j'aurais droit à du poisson pané. Pas envie de mourir d'intoxication alimentaire, je suis trop jeune. »

Et il raccrocha. Harry se dit qu'il se demandait comment ses copines pouvaient tolérer qu'il raccroche ainsi au nez. Espérons que Marcus ne soit pas très à cheval sur le « bisou » à la fin de l'appel, où ça irait mal pour Olivier… Enfin, encore fallait-il que Marcus laisse tomber Cédric, et ce n'était pas gagné.

Il revint dans la boutique et Nymph' ne tarda pas à venir, énervée. Elle se laissa tomber sur sa chaise et grommela qu'elle en avait marre de « ses règles à la con ». Harry haussa les épaules et répliqua qu'elle était une femme, que c'était normal, et qu'elle avait pu monde Teddy.

« Mais c'est gonflant d'avoir ses règles… Les seules fois où t'es tranquille, c'est quand t'es enceinte. Et encore, faut que tu supportes ton ventre énorme, la fatigue et ton humeur changeante, donc je sais pas si c'est mieux que les règles. On est quand même pas gâtées, nous les femmes… »

Harry haussa à nouveau les épaules et lui dit avec le plus grand sérieux que c'était très difficile d'être un homme aussi. Outrée, Nymph' se leva et lui sauta dessus alors que le tatoueur éclatait de rire. Elle se mit à protester, le poursuivant dans toute la boutique et Harry riait aux éclats. Isaline entra alors. Elle fut inquiète. Harry, passait encore, même si c'était limite. Mais Nymph' n'avait plus l'âge de courir dans la boutique après Harry parce qu'elle n'était pas contente…

Enfants en bas âge…

« Bon, mes chéris, un peu de calme ! Mr Barbe noire va pas tarder à arriver, prépare-toi, Harry.

- Ah bon ? S'étonna Nymph', en tenant Harry par le cou. C'est Harry qui s'en occupe ?

- Il a perdu au poker, hier. »

Nymph' ricana alors que Harry poussait un soupir à fendre l'âme : ils avaient bataillé ferme avant que Harry ne perde la partie, ce qui le dégoutait un peu. Enfin, il n'avait pas vraiment le choix. Il s'installa donc sur un siège et écouta les deux femmes discuter. Elles parlèrent de Sirius qui était enchanté par son cadeau de Noël, à savoir un jeune labrador noir et femelle. La seule chose qui lui avait déplu, c'était que son cher et tendre avait refusé la plupart des noms qu'il lui avait proposé pour le chien : Pépette, Poupoune … jusqu'à ce qu'il accepte le doux nom de Saphira. Severus n'avait même pas envie de savoir d'où sortait ce nom, mais c'était le plus correct parmi tous ceux que son amant lui avait proposés. Il saurait plus tard que cela avait un rapport avec le dragon dans le film Eragon.

Enfin, maintenant, Severus n'avait plus à supporter les sous-entendus de Sirius qui attendait toujours son cadeau de Noël. Isaline avait entendu dire que la jeune chienne avait rapidement su s'accommoder de la nouvelle maison et de ses propriétaires, même de Severus, dont elle n'avait pas peur. Même quand il la grondait. Ce n'était pas une chauve-souris qui allait la faire flipper, loin de là !

La clochette tinta et Mr Barbe noire entra dans la boutique. Harry le salua avec chaleur, puis lui dit qu'il allait s'occuper de lui-même de son nouveau tatouage. Etonné, le client ne put qu'acquiescer dans Harry lui montra le dessin final du tatouage désiré. Satisfait, l'homme retira ses deux pulls et son tee-shirt. Le self-control de Harry fut mis à rude épreuve quand la douce odeur de transpiration atteignit ses narines. Il se mordilla légèrement la lèvre en se rappelant que c'était justement ses aisselles qu'il tatouait : une jambe de femme portant un bas et une chaussure à talon rouge partant de son aisselle et se poursuivant sur son flanc, et exactement la même jambe sur son bras. Ainsi, quand il levait le bras, les deux jambes s'écartaient, reliées par une touffe de poils… comme si on voyait la fille par-dessous…

Allez, courage, Ryry…

OoO

Une petite fenêtre venait d'apparaître au coin de l'écran. Aussitôt, en voyant l'image du petit lapin blanc, Blaise cliqua dessus et une fenêtre plus grande s'ouvrit alors. Il lut le pseudo : Luna - L'imagination est plus importante que le savoir (Einstein).

Aussitôt, il se mit à discuter avec elle. Tranquillement, naturellement. Leur conversation dura une bonne vingtaine de minutes avant qu'elle ne se déconnecte en lui disant qu'elle devait s'en aller faire une course. Blaise fut un peu déçu qu'elle s'en aille aussi vite, mais il ne voulait pas jouer les mecs collants, donc il ne protesta pas et attendit patiemment qu'elle revienne.

Il se sentait idiot. Vraiment. Il avait déjà fait pas mal de conneries à cause des filles, assez du moins pour que Draco s'en mêle et utilise ses quelques relations. Cela l'avait toujours fait frémir : Draco était un mec tranquille, mais il connaissait des gens, de part ses parents surtout, et il savait qui appeler quand il avait un problème, ce qu'il faisait rarement. Il avait toujours su se débrouiller sans l'aide de qui que ce soit, en ce qui le concernait, d'un point de vue études ou personnel.

Blaise n'était pas comme ça. Bon, il n'avait jamais eu de professeur particulier ou d'aides diverses pour ses études, mais côté sentiments, il n'avait jamais été très bon pour les gérer. La plupart du temps, il sortait avec des filles sont la poitrine était plus grosse que leur quotient intellectuel, ce qui n'était pas difficile à gérer. Il lui arrivait de tomber sous le charme de femmes plus âgées, mûres. Son record était de dix ans son aînée mais cela n'avait pas duré longtemps : elle ne voyait que par lui et était prête à quitter son mari. Blaise avait dix-neuf et aucune envie de se trimbaler une future trentenaire. Même si elle était plutôt canon…

Il lui était aussi arrivé de sortir avec des filles intelligentes ou farfelues. Il ne savait pas vraiment ce qui clochait, avec lui, car ses relations ne duraient jamais longtemps. Parfois, elles étaient bien plus longues que celles de Draco, mais parfois, bien plus courtes. Eternel insatisfait ? Peut-être… Mais il en doutait. Quand c'étaient des relations sans amour, Blaise jetait rapidement l'éponge : ce n'était que du sexe. Quand les sentiments s'en mêlaient, l'étudiant devenait un passionné qui avait besoin de réponses en retour, de confiance et de complicité. Mais ça ne marchait jamais vraiment. On se moquait de lui, on le manipulait, ou alors on le trompait.

Blaise avait beau se méfier, il tombait toujours dans le panneau : être amoureux le rendait trop confiant, et personne ne semblait prêt à être sincère avec lui, un métis, riche, en cinquième année de médecine. Ou alors il choisissait mal ses copines. Il en venait à se demander si ses déboires amoureux n'avaient pas renforcé la crainte de Draco, qui avait toujours eu peur de tomber amoureux, jusqu'à ce qu'il rencontre Harry et accepte ses sentiments en espérant qu'ils soient réciproques.

Pourtant, aujourd'hui, c'était différent. Luna était différente, et sur bien des points de vue, que ce soit ses tenues ou ses paroles. Pourtant, Blaise se sentait attiré par elle, indéniablement. Il ne pouvait l'expliquer : Luna n'avait strictement rien à voir avec toutes les femmes qu'il avait fréquentées.

Luna était plate comme une planche à pain, ses cheveux étaient mal entretenus et trop longs. Quant à ses vêtements, ils étaient trop colorés, sortis d'il ne savait où, jurant parfois entre eux. Sans oublier ses bijoux bizarres… Bref, c'était une fille étrange. Normalement, il aurait dû la voir comme une gamine, une petite sœur, un peu comme Hermione ou Millicent.

Mais non. Luna, avec ses yeux dans le vague, sa voix douce, ses nargoles et ses ronflacks cornus, avait éveillé son intérêt. Elle était jolie, mais il se demandait si c'était vraiment ça qui l'intéressait. Quoique… Luna était vraiment mignonne, elle lui faisait penser à une petite fille… mais il y avait son caractère, aussi, ses airs rêveurs et sa lucidité aussi soudaine qu'impressionnante, son léger sourire, sa façon de s'étonner… plein de petites choses qui amenaient Blaise à se traiter de crétin. Franchement, pourquoi était-il aussi perturbé par Luna ? Ce n'était qu'un petit coup de folie, juste un attrait éphémère pour une fille qu'il connaissait à peine et plutôt originale.

Sauf que ça ne lui suffisait pas pour se remettre les idées en place, loin de là. Il n'arrêtait pas de penser à elle, au point qu'il avait arrêté de draguer une jolie infirmière célibataire de l'hôpital, qui se montrait d'ailleurs vexée par le peu d'intérêt qu'il lui accordait à présent. Tous les soirs, il attendait qu'elle se connecte sur Internet et il se faisait violence pour ne pas lui parler à chaque fois. Mais quel idiot il faisait…

Vas-y franco si tu veux l'avoir, lui avait dit Draco, mais Blaise ne voulait pas jouer au mec pressé. C'était rare qu'il agisse de cette façon, mais Luna était spécial et il était hors de question qu'il la drague comme il le faisait d'habitude. D'ailleurs, il n'était même pas sûr qu'elle comprenne son manège, s'il le faisait…

Blaise en venait à comprendre pourquoi Draco avait été aussi perturbé quand il draguait Harry. Il n'était pas comme les autres, il acceptait autre chose chez lui, à savoir son côté naturel et non le côté dragueur et froid qu'il affichait constamment. Harry avait décidé d'aimer le vrai Draco et ne pas laisser son masque prendre le dessus. Pour Blaise, c'était différent, mais il en venait aux mêmes soucis : il était attiré par Luna, il voulait la séduire, mais il ne savait pas comment s'y prendre. Faire un faux pas l'inquiétait, il désirait réellement connaître la jeune fille, mais comme faire…

Luna se reconnecta. Blaise soupira tout en cliquant sur la petite fenêtre. Il avait l'impression d'être un adolescent boutonneux en manque d'amour…

OoO

Il faisait froid. Très froid. Il avait mis un manteau épais, une écharpe autour de son cou et des gants pour protéger ses mains. Mais Marcus avait à peine senti les effets de cette baisse de la température, perdu qu'il était dans ses pensées, et fatigué par ce long voyage qu'il venait d'accomplir.

Marcus Flint avait réfléchi. Beaucoup.

Evidemment, ses amis s'étaient jetés sur lui comme la misère sur le monde pour savoir d'où venaient ces coups sur son visage. Harry ne l'avait pas loupé. Il savait se défende, ce salaud. D'un autre côté, lui non plus n'y était pas allé de main morte. On avait exigé des explications, Marcus n'en avait pas donné.

Il ne voulait pas. Ce serait mettre Harry et lui-même dans une situation compromettante. Et ça ne regardait personne, de toute façon.

Depuis qu'il était rentré à Londres, ses méninges fonctionnaient à toute allure. Marcus pensait à Harry, Cho et Olivier.

Marcus n'aimait pas Harry. Il ne l'avait jamais aimé. Enfin, quand Cédric lui avait avoué qu'il sortait avec lui, Marcus l'avait haï. Il avait haï Harry, si mignon, bien foutu, qui savait combler Cédric. Sauf sexuellement. Mais il avait rendu Cédric heureux, Harry avait su le comprendre et supporter ses humeurs. Cédric l'aimait comme un fou. Et Marcus, lui, devait regarder son ami en aimer un autre.

Avec Cho, c'était différent. Comme toutes les autres filles, d'ailleurs. Cédric ne l'aimait pas, elle n'était que sa couverture, il couchait avec elle pour la forme. Marcus supportait ses aventures car il savait que Cédric était homosexuel et que tout ça n'était que du pipeau. Mais avec Harry, c'était différent, car Cédric l'aimait à la folie.

Même s'il ne le lui montrait jamais. Même s'il ne lui faisait jamais de cadeaux et acceptait mal les siens. Même s'il frappait Harry…

Marcus poussa un soupir et laissa sa tête aller contre la vitre. Il entendait le ronronnement du wagon qui passait sur les rails du chemin de fer. Il ferma les yeux. Et revit le visage blessé de Harry, ses yeux verts qui brillaient dans la nuit, ses poings serrés.

Oui, il savait qu'il se faisait frapper. Il le savait, tout ça. Il aurait dû essayer de stopper Cédric. Il aurait dû lui dire qu'il s'aventurait sur une pente glissante et qu'il allait tomber…

La vérité, même s'il refusait de l'admettre, c'était qu'il avait essayé de protéger Harry. Un peu. Pas beaucoup. Mais il avait essayé de calmer Cédric. Marcus n'aimait pas Harry, à cause de tout ce qu'il représentait, mais… Cédric n'avait pas à le traiter comme ça. On ne frappe pas les gens qu'on aime. La niaiserie de ce type dégoûtait Marcus, mais elle apportait du baume au cœur de Cédric.

Alors pourquoi tu lui fais du mal ?

Un jour, alors qu'il trainaillait dans l'hôpital où on prenait soin de Harry, il avait entendu Isaline dire à Sirius que Cédric avait quelque chose de pourri en lui. Marcus avait eu envie de la frapper. Mais il n'avait pas pu. Il n'avait rien à faire ici, de toute façon. Pourtant, il avait besoin d'être là, d'écouter les médecins et les infirmières lui dire que Harry allait bien. Même si les entendre dire que tout était dans le mental, qu'on allait le confier à un psychiatre, le rassurait, cela le blessait aussi.

Malgré lui, il ressentait de la culpabilité. Cédric lui avait demandé de l'aider. Depuis que Harry l'avait quitté, il dépérissait, et il voulait le récupérer à tout prix. Rien ne semblait pouvoir le faire céder, même la menace planant sur la tête de sa tutrice. Alors Cédric l'avait kidnappé, avec deux amis à lui. Marcus avait refusé.

Il n'aurait pas dû. Plus de quatre ans que Cédric avait perdu sa liberté, enfermé pendant son jugement et après dans une prison. Quatre ans que Marcus culpabilisait : il aurait dû convaincre Cédric de ne pas enlever Harry ou convaincre ce dernier de revenir vers lui. Ou alors il aurait dû accepter. Et sortir Harry de ce merdier. Ce qui lui était arrivé l'avait profondément blessé, et dans le fond, le jeune homme n'avait rien fait de mal. Marcus aurait dû agir, au lieu de laisser faire. Et c'était pour cela qu'il avait traîné dans l'hôpital : il voulait être sûr que Harry bien. Même si son départ dû à sa dépression indiquait clairement le contraire…

Régulièrement, Marcus allait voir Cédric en prison, comme c'était le cas ce jour-là. Et, tout aussi régulièrement, Cédric envoyait des lettres à Harry. Mais il n'avait jamais de réponse. Il était persuadé que cette vieille gouine d'Isaline l'empêchait de lire ses lettres. Cédric était proche de libération, c'était du moins ce qu'il croyait, mais il n'avait pu résister à la dépression qui le torturait depuis des mois, alors il avait essayé de se donner la mort.

Marcus avait été d'abord inquiet : Cédric avait voulu se tuer. Puis, il s'était énervé, parce que l'autre ne voulait pas expliquer son geste. Enfin, la colère, la rage, la fureur s'étaient emparées de tout son être quand Cédric lui avoua la raison de son geste. Pas de réflexion. Allons faire payer Harry. On réfléchira après…

Cédric te manipule. Il se fout de ta gueule. Tu le sais, Marcus. Il passe toujours pour un saint, pour la victime. Sauf que ce n'est pas le cas. Harry ne voulait plus entendre parler de lui et tu le tabasses à cause de ça. Ouvre un peu les yeux, Marcus. Cédric n'en a rien à foutre de toi.

C'était ce qu'Olivier lui avait dit. Dans une petite chambre d'hôtel où Marcus avait balancé ses affaires avant de courir chez Harry. Il se rappelait de ses yeux noisette, son visage sérieux et son corps musclé assis nonchalamment sur le lit. Ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu. Oh, il l'avait déjà aperçu. Mais il ne lui avait pas parlé depuis longtemps.

Marcus savait qu'Olivier était attiré par lui. Il le savait, depuis longtemps. Il n'avait jamais joué avec ses sentiments, Olivier étant assez discret, et il avait toujours su accepter son rejet sans s'en montrer vexé ou blessé. Pourtant, Marcus le fuyait sans cesse. Il n'était pas beau, il le savait parfaitement, que ce soit ses dents jaunies par la cigarette, ses cheveux ma coupés ou même son visage. Alors, pourquoi Olivier continuait-il à éprouver des sentiments pour lui ? Pourquoi, après toutes ces années ? Qu'est-ce qui l'attirait, chez lui…

C'était sans doute ça qui le perturbait le plus, dans cette histoire. Ce n'était pas Harry, qu'il avait traité de tous les noms, ni Isaline qui lui en avait collé une, ou encore Cho avec ses accusations, quand il avait quitté la maison. C'était Olivier qui lui torturait l'esprit…

Marcus avait réfléchi. Tellement réfléchi qu'il était parti sur un coup de tête. Une fois encore. Mais il se souvenait des paroles d'Oliver : si tu as besoin de moi, je suis là. Marcus n'avait rien répondu, alors qu'il savait parfaitement qu'Olivier lui proposait, une fois encore, qu'ils essaient de sortir ensemble. Marcus avait été trop troublé pour dire quoique ce soit : Cédric avait toujours nié ses sentiments et s'était servi de lui, alors qu'Olivier était toujours aussi sincère. C'était le seul qui restait honnête avec lui : pourquoi s'emmerderait-il avec un mec sans charme alors qu'il avait toutes les gonzesses à ses pieds ?

Parce qu'il était amoureux. Point à la ligne.

Et c'était pour cela qu'il avait fait tout ce chemin. Oh, cette visite était prévue, il ne pouvait débarquer à l'improviste, mais Marcus avait hésité à venir, avant de se décider à faire le voyage. Il s'était rendu à la prison, avait été emmené dans la salle des visites, où se trouvait Cédric, content de le revoir. Il semblait fatigué, le teint un peu maladif. Il souriait. Comme toujours.

Bouffon.

T'es qu'un bouffon.

Marcus n'était pas resté longtemps. Dix minutes. Peut-être vingt. Qu'en savait-il ? Il savait juste que, lors de ce laps de temps, il avait vu le visage de Cédric se décomposer, perdre son sourire et écarquiller les yeux, comme s'il se trouvait au bord du gouffre.

Dans le fond, c'était le cas. Marcus était le seul à venir le voir, en prison, donnant ainsi de ses nouvelles à ses amis. Il y avait aussi ses parents, mais Cédric n'en avait rien à faire d'eux. Et, devant lui, bien installé sur sa chaise, Marcus lui avait enfoncé un couteau dans le dos.

Il ne viendrait plus, désormais. Il n'en pouvait plus, de tout ça. Il renonçait à ses sentiments pour lui, il en avait marre de soutenir un type comme lui, qui n'en avait rien à faire de ce qu'il ressentait.

Je me suis battu avec Harry. C'était de sa faute. Il aurait dû lire tes lettres, essayer de comprendre… Je me suis battu contre sa tutrice, Isaline. Je me suis ensuite disputé avec lui. J'ai revu Olivier, aussi.

C'est terminé, Cédric.

Il avait essayé de protester, pourtant. De lui dire qu'il était foutu, sans lui, qu'il était son seul soutien. Marcus avait souri d'un air ironique : la seule chose qui comptait, pour lui, c'était Harry. Il n'en avait rien à faire de ses amis, de Marcus, qui lui était pourtant resté fidèle.

Maintenant, il en avait marre. Marre de faire des conneries, marre d'être inquiet, en colère, empli de haine…

Il avait juste envie de se reposer. Et de vivre. Oui, il abandonnait Cédric. Tant pis. Il le méritait. Sinon, d'autres viendraient le voir, Marcus ne serait pas le seul.

Un soupir s'échappa de ses lèvres et il ouvrit les yeux. Il fouilla dans sa poche et attrapa son portable, qu'il fit tourner entre ses doigts.

Il se sentit ridicule. Cela ne l'empêcha pas de chercher le numéro d'Olivier dans son répertoire et de l'appeler.

OoO

Draco fouilla dans ses poches et fronça les sourcils : ses clés de voiture avaient disparu. Etonné, il fourra ses mains dans les poches de son manteau et même dans la poche intérieure, mais sans résultat. Il poussa un soupir : il avait dû les oublier là-haut. Il retira donc ses chaussures et monta à l'étage en se disant qu'il allait être en retard.

Le jeune homme entra dans sa chambre et vit ses clés sur son bureau. Il les attrapa à la volée, puis s'apprêta à descendre les escaliers, mais sa mère le retint.

« Draco ? Tu peux venir, s'il te plait ? »

L'étudiant se demanda ce que sa mère lui voulait encore tout en se retenant de pousser un soupir fataliste. Il entra dans la chambre de ses parents tranquillement et adressa un sourire charmant à sa mère, alors qu'il n'avait qu'une hâte : monter dans sa voiture.

« Oui, Maman ?

- Dis-moi, mon chéri… Tu es pris, après-demain ? Je vais au théâtre. »

Draco hésita quelques secondes, en se demandant si, en effet, il était pris à cette date. Ce qui était le cas.

« Désolé, Maman, mais Harry m'a invité chez lui pour le week-end…

- Pardon ? Fit-elle, incrédule. Tu vas passer tout le week-end chez lui ?

- Oui. Il m'en a parlé hier, j'ai oublié de t'avertir.

- Mais… et tes cours ? Tes élèves ? Et ton travail ?

- Maman… A Noël, je n'ai pas passé vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec lui et ça ne l'a pas ennuyé. »

Draco avait prévenu Harry : il avait des cours à donner et un peu de travail personnel, donc il ne serait pas là samedi, ou du moins pendant une partie de la journée, avant de se rappeler d'un détail important…

« Et de toute façon, il travaille dans la boutique.

- Pourquoi tu passes le week-end chez eux, alors ? »

Chez eux. Chez Harry et Isaline.

« Maman, il y a un problème ? Demanda-t-il doucement tout en connaissant déjà la réponse.

- Je n'aime pas quand tu vas là-bas.

- Et moi, j'aime aller là-bas. »

Narcissa le savait, son fils aimait aller là-bas, parce qu'il y avait Harry, et aussi parce qu'il s'entendait très bien avec Isaline Anderson. Elle détestait cette femme, surtout depuis qu'elle savait que Draco sortait avec Harry. Elle se méfiait beaucoup de lui, même si elle tolérait leur relation, mais elle avait du mal à comprendre comment Draco pouvait apprécier Isaline Anderson.

En réalité, elle était jalouse. Isaline Anderson l'avait attendue au commissariat, elle l'avait aidé dans sa relation avec Harry en mettant ses préjugés de côté, elle avait accueilli son fils chez elle pendant deux semaines… elle l'avait convié à leur réveillon de Noël, lui avait même offert un cadeau…

Draco avait passé deux semaines en compagnie d'Isaline Anderson et de Nymphadora. Et cela aussi énervait Narcissa : elle n'avait jamais revu sa nièce depuis qu'il avait été décidé qu'Isaline aurait sa garde et elle ne savait même pas à quoi elle ressemblait ni ce qu'elle était devenue. Draco, lui, le savait. Nymphadora détestait sa tante mais appréciait son cousin.

A croire que tous étaient contre elle…

« Maman, tu devrais t'ouvrir un peu.

- Je n'aime pas Isaline Anderson.

- Elle non plus ne t'aime pas. Elle me l'a encore dit hier.

- Et tu tolères ça ?! S'écria-t-elle, furibonde.

- Comme elle l'a si bien dit, je ne suis pas concerné par cette histoire. Si tu as un problème avec elle, va lui parler. Tout ce que je peux te dire, c'est qu'elle ne m'a jamais dit du mal de toi. Ce qui n'est pas ton cas. »

Narcissa se mordilla la lèvre. A croire qu'elle faisait tout de travers, et cette femme faisait toujours mieux qu'elle… Elle se souvint de ce que lui avait dit Lucius, un jour : ne dis pas de mal des autres derrière leur dos, ça pourrait se retourner contre toi. Et c'était parfaitement le cas à présent. Isaline n'avait pas été plus intelligente, juste moins bête.

« Je te laisse, je sors avec Harry. Bonne soirée, Maman. »

Et il l'embrassa sur la joue, avant de la quitter.

OoO

Appuyée contre sa fenêtre, elle regarda Harry monter dans la voiture sur le siège passager. Puis, Draco monta à son tour, derrière le volant. Le véhicule vrombit, de la fumée grisâtre s'échappa du pot d'échappement. Puis, tranquillement, la voiture quitta la rue et disparut dans la nuit.

Isaline resta postée encore quelques minutes devant sa fenêtre avant de fermer ses rideaux. Elle était d'humeur morose, ce soir. Elle ne savait pas vraiment pourquoi. Coup de blues. Pas agréable.

Ce jour-là, son ex était passé à la boutique et elle n'avait pas trouvé mieux que de se cacher dans sa chambre pendant que Nymph' le jetait dehors. Pas envie de le voir. De l'affronter. Même pas envie de lui faire comprendre sa façon de penser. Elle voulait juste qu'on la laisse tranquille.

Ça faisait déjà quelques jours qu'elle était comme ça, et si elle était franche avec elle-même, elle avouerait que c'était depuis la visite de Marcus.

Isaline regarda sa main. Elle se rappelait parfaitement du moment où son poing s'était abattu sur le visage de Marcus, la violence avec laquelle elle s'était battue, la haine dans ses yeux noirs. Le désespoir, aussi. Il la détestait. Elle aussi. Il avait eu besoin de frapper sur quelqu'un. Isaline était un adversaire à sa taille…

Il y avait eu tant de révélations depuis ce jour-là… Isaline ne se sentait pas bien, pensant sans cesse à ce qui s'était passé là-bas, à Londres. A ce mois horrible qu'elle avait passé.

La tatoueuse s'allongea sur son lit et ferma les yeux, se replongeant malgré elle dans ses souvenirs. Elle se rappelait encore du corps blessé de Harry, de la colère et de ce sentiment de trahison qui s'était glissé dans son cœur comme un poison, paralysant son esprit, à présent focalisé sur tout ce que Harry avait osé lui cacher.

Elle avait essayé de le protéger. Mais seule, elle n'y arrivait pas. Nymph' disait qu'elle exagérait, que ce n'était pas grand-chose, Harry refusait de lui montrer ses coups, se réfugiant sous ses pulls trop grands. Sirius disait la même chose, occupé qu'il était avec son amant.

Et puis… un jour, elle craqua. Elle défonça Cédric. Pour ce qu'il avait fait à Harry. Quand les flics vinrent la chercher, elle sentit la terreur s'insinuer en elle. Ses mains tremblaient, sa gorge se serrait. Elle allait quitter la maison. Être jugée. Et Harry serait seul.

Pourtant, elle n'avait rien fait de mal. Isaline voulait juste le protéger, le défendre… faire peur à Cédric, l'éloigner, pour qu'il ne revienne plus jamais. Non, ce n'était pas la bonne solution. Il ne fallait pas céder à la violence, son père le lui avait répété tant de fois… et elle l'avait répété tant de fois à Harry…

Isaline vécut très mal ce moment de sa vie. Elle avait une impression de déjà-vu, quand elle affrontait les Black pour avoir la garde de Nymph'. Elle était une criminelle. On la regardait comme une criminelle, comme une salope, à cause de ses vêtements, ses tatouages, ses cheveux… C'était comme si elle était redevenue une adolescente. Elle avait fait une bêtise. Elle aurait pas dû.

Mais c'était pas sa faute…

Le pire, pensa-t-elle, ce fut quand Harry vint la voir et lui parla du chantage de Cédric. Son cœur avait battu si fort dans sa poitrine que ça lui avait fait mal. Elle avait pris ses mains, fort, pour lui faire jurer de ne pas céder. Elle refusait. Elle en mourrait s'il se vendait pour sa libération. Isaline savait bien que le père de Cédric avait du pouvoir, vu sa position. Mais elle ne voulait. Putain, elle ne voulait pas…

Et puis… un jour… Sirius était venu.

Harry a été enlevé par Cédric.

Isaline avait senti son visage pâlir et elle avait éclaté en sanglots. Ça lui arrivait jamais, pourtant. Elle ne pleurait qu'après-coup. Jamais sur le moment. Mais les larmes dévalaient ses joues sans qu'elle ne puisse les retenir, elle criait.

On me l'a pris. Il me l'a pris. Il m'a pris mon bébé…

Elle avait essayé de sortir, frappant les flics qui tentaient de la calmer. Isaline fut libéré quelques jours plus tard : elle ne mangeait plus, ne dormait plus. Son état se dégradait. Mais, surtout, Sirius suppliait l'inspecteur de la relâcher, elle n'avait fait ça que pour faire céder le harcèlement. Et cet homme, comprenant parfaitement la situation, l'avait laissée partir. De toute façon… le père de Cédric ne pouvait maintenir la plainte, vu la situation de son fils.

Isaline vécut très mal ce mois. Elle paya un détective, chercha Harry par elle-même. Elle rejetait Sirius, son aide, en lui hurlant qu'il n'avait rien voulu voir, il pouvait toujours aller se faire foutre avec son mec, il n'y avait que ça qui comptait pour lui. Il n'avait pu que bafouiller des excuses qu'Isaline ignorait. Elle ne voulait pas voir le désespoir dans ses yeux, l'inquiétude sur son visage et entendre le remord dans sa voix… Elle ne voulait pas voir Nymph' non plus.

Elle n'avait rien vu non plus, elle. Ou, plutôt, elle faisait comme si de rien n'était. Harry le lui demandait. Quand Isaline avait tout découvert, tout le monde pensait qu'elle exagérait. Harry cachait son corps, aussi. Bastons de gamins. Harry se battait des fois, il n'avait pas toujours des amis potables. Arrête un peu, Maman poule. Il est grand. Laisse-le tranquille…

Un mois abominable. La seule chose qui pouvait la rassurer un minimum, c'était qu'on savait qui était le coupable. Cédric avait été con d'enlever Harry juste devant la boutique, devant le nez de Nymph' et de deux clients, sans oublier la pharmacienne. Elle rejetait en bloc toutes les autres hypothèses émises par l'inspecteur : non, Harry n'avait pas fugué avec lui, ce n'était pas une mise en scène.

Harry l'aimait. C'était sa maman. Pourquoi il aurait fait ça ? Pourquoi il aurait demandé à Cédric de porter plainte, de l'enfoncer, elle ? Pourquoi…

Mais le doute pénétrait en elle, Isaline ne supportait pas l'idée que Harry n'ait été qu'un acteur dans toute cette histoire, jouant son rôle à la perfection. Ce n'était pas vrai, il ne lui aurait jamais fait ça. Pas son Harry. Son bébé. Son enfant. À elle.

Vous êtes tous des menteurs…

Des larmes perlèrent au coin de ses yeux. Quel mois avait-elle passé… Des nuits aussi pourries que les journées interminables…

Harry avait été kidnappé le deux août. La police parvint à localiser Cédric, qui fut reconnu dans une boulangerie malgré ses lunettes et son bonnet, le trente-et-un. Harry était enfermé dans une toute petite chambre en haut d'un immeuble, Cédric possédait l'appartement du dessous. La police ne le savait pas : la transaction s'était faite sous un autre nom, par un moyen qu'on eut du mal à comprendre. Le séquestré fut envoyé à l'hôpital, où Isaline se précipita. Quand elle vit Harry dans son lit, elle ne pensa même pas aux médecins, aux infirmières, aux blessures sur son visage et à sa mauvaise mine. La seule chose qu'elle était capable de faire, c'était de le serrer très fort dans ses bras, de caresser ses cheveux, de lui dire qu'elle l'aimait et qu'elle était désolée.

De quoi ? Qu'importe. Elle était désolée.

Elle se rappelait encore des mains hésitantes de Harry dans son dos, de son corps secoué par ses petits sanglots, de ses larmes dans son cou.

Harry sortit assez tard de l'hôpital. Il était faible, maigre et fragile, d'un point de vue psychologique. On lui avait conseillé des psychologues et des médicaments. Il refusa de prendre ces drogues et parler à une personne étrangère à son univers ne lui fut d'aucune utilité. Il préféra se confier à Isaline, Sirius, Nymph' et Luna. Mais il se referma beaucoup sur lui-même. On aurait dit un enfant : errant dans la maison sans rien faire, cherchant une occupation. Toujours à exiger la même chose.

Tatoue-moi un papillon, Tata.

Un papillon sur le cœur.

Pourquoi, mon chéri ?

Parce que je veux être un papillon.

Pour m'envoler et ne pas tomber en bas…

Et elle le lui avait tatoué, son papillon. Ce papillon qu'il avait vu à la fenêtre, bleu, qui voletait devant la vitre. Elle l'avait fait en espérant que cela ferait taire ses envies de suicide.

Car c'en était une. S'enfuir par la fenêtre et ne pas tomber en bas. Si elle avait été ouverte, il l'aurait sûrement fait. Et peut-être en avait-il encore l'envie.

Il devait quitter Londres. Echapper à ces gens qu'il connaissait ou qui le connaissait. Il devait faire table rase, aller de l'avant. Alors elle avait tout vendu pour s'en aller à Paris.

Tant pis si ça faisait mal. Tant pis si elle quittait son pays, sa ville natale. Tant pis si elle était loin de la tombe de son père et de ses amis défunts.

Tant pis si elle devait tout quitter.

Le principal, c'était qu'il aille mieux. Qu'il sorte de sa chambre, qu'il revienne dans la boutique et qu'il se balade dans la rue. Au lieu de se cacher dans son lit ou entrer dans un tribunal.

Soudain, un truc se mit à lui lécher le visage. Isaline ouvrit les yeux et vit Liloute qui semblait vouloir jouer. La tatoueuse eut un léger sourire. Elle lui caressa la tête, le dos. Toute cette histoire lui donnait le cafard.

« Allez viens, on va manger. »

Même si elle n'avait pas vraiment faim. Harry non plus ne mangeait rien, ces derniers jours. Elle l'avait remarqué mais ne lui avait rien dit. Draco n'avait pas réagi de la même façon : quand il était arrivé, Harry sortait de la douche, une serviette autour des hanches, et son petit ami avait moyennement apprécié cette subite perte de poids. Ils s'étaient d'ailleurs disputés : Harry n'avait pas faim en ce moment mais ce n'était pas grave, alors que Draco protestait en lui disant qu'il ne mangeait plus rien, ce n'était pas possible autrement pour avoir maigri à ce point-là ! Isaline ne savait pas vraiment comme s'était terminée la dispute, elle les avait juste entendus se prendre la tête. Puis ils étaient sortis pour aller dîner. Draco allait sûrement faire en sorte qu'il se nourrisse bien.

Isaline se leva de son lit. Liloute, toute joyeuse, sauta par terre et lui tourna autour. La tatoueuse éteignit la lumière et avança vaguement dans le couloir, plongée dans ses pensées. Dans l'escalier, elle ne vit pas Liloute lui tourner autour, se déplaçant juste devant elle. Quand son pied la toucha, Liloute poussa un cri de peur ou de douleur. Isaline n'aurait su le dire, car elle aussi cria quand elle perdit l'équilibre et tomba dans les escaliers, la tête en avant, dégringolant sans aucune grâce.

D'abord, elle eut mal. Ses bras, ses mains, mais surtout sa jambe. Elle sentait le parquet du sol sous elle et une ou deux marches sous sa jambe. En grimaçant, alors que Liloute s'agitait autour d'elle, Isaline bougea sa jambe qui lui fit un mal de chien.

« Putain de merde… pensa-t-elle. Je crois que j'ai la jambe cassée… »

Elle ne se sentait pas capable de se lever et dut se rendre à l'évidence quand une nausée par possible la prit à la gorge. Elle voulut appeler Nymph' ou Sirius, qui seraient à la maison en moins de deux. Mais sa main fouilla dans sa poche et elle composa le 18. Elle était lasse et ne voulait pas les déranger. C'était con à dire, elle était blessée. Mais elle ne voulait pourrir la soirée de personne.

Plusieurs minutes plus tard, les pompiers arrivèrent. Ils furent surpris de la voir seule, assise contre le mur, sa jambe blessée allongée devant elle. Isaline tenait sa chienne dans ses bras, les larmes aux yeux, en voulant la consoler. Un gentil pompier lui demanda si elle était seule et elle acquiesça, puis il voulut savoir si elle avait très mal, alors que ses collègues constataient que sa jambe était belle et bien brisée. Isaline sécha ses larmes lui répondit que ça allait. C'était les nerfs, la gerbe et sa jambe blessée qui faisaient monter des larmes à ses yeux.

OoO

Isaline regardait sa jambe. On venait de lui faire des radios, un médecin devait venir pour lui mettre son plâtre. Elle se sentait toujours vaseuse. Elle avait envie de fermer les yeux, se dire que tout cela n'était qu'un mauvais rêve et s'endormir. Mais ça ne marchait pas comme ça, malheureusement. A chaque fois qu'elle l'avait fait, la situation restait la même. Elle aurait bien voulu être une petite fille, comme ça, les adultes auraient tout géré à sa place…

« Mlle Isaline Anderson ? »

Isaline retomba sur terre. Le médecin venait d'arriver. C'était un homme plutôt bien bâti avec des cheveux bruns et des yeux mordoré. Il avait un visage carré et il était séduisant. Du moins, habituellement, car ses yeux étaient soulignés de cernes, tout son visage semblait crispé par la tension ou l'énervement et il avait l'air fatigué.

« Oui, c'est moi.

- Dr Petit. »

Simple et concis. Il ne semblait pas prêt à faire davantage d'efforts, lui serrer la main paraissait suffisant. Isaline écouta ce qu'il lui raconta, à propos de sa jambe, puis elle tourna la tête sur le côté quand il s'occupa de sa jambe. Il leva le nez vers elle en voyant ses tatouages sur son autre jambe indemne mais elle semblait dans ses pensées et elle le laissa faire sans protester.

Pourtant, elle baissa à nouveau les yeux vers lui. Il avait vraiment l'air fatigué. Sans doute pas autant qu'elle mais bon, il n'était pas beau à voir. Il dut sentir son regard sur lui car il leva la tête pour la regarder d'un air peu avenant.

« Un problème ?

- Non. »

Elle n'était même pas outrée par son langage peu courtois. Le médecin en fut étonné, même s'il n'en montra rien.

« Vous n'avez pas l'air dans votre assiette.

- Et alors ? On est dans un hôpital, je vous signale.

- Je sais. Mais vous n'avez pas l'air d'aller bien, insista-t-elle tout en inspectant son visage fatigué.

- Pour le moment, c'est vous qui n'allez pas bien, je vous signale, répliqua-t-il en montrant sa jambe.

- Pas faux. »

Alors elle tourna la tête sur le côté, les yeux dans le vague. Le médecin ne cacha pas sa surprise et il s'en voulut pour son comportement. Elle n'était pas comme les autres patientes avec de telles blessures : elle ne pleurait pas, ne se plaignait pas. Au contraire, elle restait calme et posée, même si elle ne se sentait pas bien. Elle attendait son tour. Il finirait par arriver. Et il y avait des cas plus graves, ici.

« Désolé.

- C'est rien. Votre boulot est pas facile.

- Non… Comment vous vous êtes fait ça ? Demanda-t-il, l'air de rien.

- J'ai trébuché sur ma chienne. Elle doit se demander ce qui lui arrive, les pompiers l'ont mise dans le salon.

- La pauvre… Quelqu'un vous attend ?

- Non. J'ai appelé les pompiers et ils sont venus. Je ne voulais déranger personne. »

Le médecin était de plus en plus surpris par le comportement de sa patiente. Il n'y avait pas de panique en elle. Bon, ce n'était qu'une jambe cassée, il y avait bien plus grave comme accident, mais tout de même… elle était là parce qu'il fallait qu'elle soit là, et elle repartirait d'ici avec le même sentiment d'obligation, de logique. C'était étrange… et apaisant.

« C'est courageux de votre part, remarqua le Dr Petit.

- Je trouve ça plutôt lâche. Quand on me verra demain avec ma jambe dans le plâtre, je vais me faire disputer parce que je n'aurais appelé personne. Ça va pas être triste… »

L'homme eut un léger sourire amusé. Il imaginait les gens se ramener chez cette femme et la découvrir avec son plâtre. Mais, soudain, son sourire disparut. Il lâcha la jambe des yeux et leva la tête vers sa patiente.

« Vous vivez seule ?

- Mon neveu a un rencard et ma chienne m'attend dans le salon. »

Elle lui fit un petit sourire ironique. Le médecin la trouva belle. Malgré les tatouages qu'il avait aperçus sur son autre jambe, étant donné qu'elle portait une longue jupe, elle était plutôt jolie. Belle, même. Elle devait frôler la quarantaine d'année, il lui donnait trente-sept, trente-huit ans, pas plus. Sans aller jusqu'à la reluquer, il la trouvait bien faite et elle avait un joli minois. Mais elle vivait seule. Avec son neveu.

« Vous êtes une jolie femme, pourtant.

- Si vous le dites. Mais il y a des choses qui ne plaisent pas beaucoup. »

Elle lui montra son autre jambe, où il y avait des tatouages.

« Je suis tatoueuse. Et j'ai assez de goût pour ne pas m'embarrasser d'un homme tatoué des pieds à la tête. Et vous ? Vous êtes marié ? »

La question était posée avec de la simple curiosité. Pas de désir malsain, juste comme ça. Pour discuter. Il aurait même pu ne pas répondre.

« J'ai un fils et je suis divorcé.

- S'il est aussi beau que son père, ça va y aller, les copines. »

Il aurait pu ne pas répondre, oui. Mais c'était agréable de discuter avec cette femme. Il n'y avait pas de sous-entendu dans sa voix, de désir de séduction dans ses yeux. Juste… un côté amical. Il existait des gens comme ça, avec lesquels on pouvait discuter sans se méfier du double sens possible de leurs phrases.

« Pour le moment, je ne suis pas inquiet, il n'a que treize ans.

- Ah. Alors c'est l'âge bête. »

Le médecin eut un léger sourire. Très léger. Tout petit. Les coins de sa bouche à peine levés. Oui, c'était l'âge bête. L'adolescence.

« Vous n'avez vraiment pas l'air d'aller bien.

- Je ne vais pas bien, soupira le Dr Petit. Mais je ne vais mas m'ennuyer avec mes histoires…

- Allez, racontez-moi votre vie. Ça fait toujours du bien de causer et moi j'ai tout mon temps. En plus, on se reverra plus. »

Le docteur la regarda. Elle était un peu pâle, peut-être vaseuse. Il hésita. C'était vrai, il ne la reverrait plus, et il ne se sentait vraiment pas bien. Il soupira.

Et il lui déballa sa vie.

OoO

Isaline se laissa aller contre un mur. Sa jambe était prise dans un plâtre, ce qui faisait assez ridicule avec sa jupe. Elle tenait maladroitement ses béquilles, mais elle se disait pour se consoler qu'elle aurait un mois pour s'y faire. Drôle de consolation, ça…

Elle avait discuté longtemps avec le médecin. Elle l'avait écouté raconter ses soucis, sans le juger. Sa voix l'endormait, l'apaisait. Elle avait eu, l'espace de quelques instants, l'impression de ne pas être seule, dans ce petit coin de l'hôpital avec sa jambe brisée. Et elle savait que ce toubib avait pensé la même chose.

Isaline avait l'habitude d'écouter les gens, dans la boutique, mais c'était aussi sa nature : aider les autres avant de s'aider elle-même. Au début, le Dr Petit avait hésité à lui parler, dévoilant les grandes lignes de ses problèmes de famille, mais au fil des minutes, alors qu'il mettait son plâtre en place, il se faisait plus précis, plus passionné, le regard un peu humide et la gorge serrée. Parfois, Isaline se disait qu'elle aurait dû être un psy.

Elle regarda sa jambe lourde avec un plâtre en résine. Le médecin lui avait dit qu'elle avait eu de la chance, elle ne s'était pas brisée la cheville. C'était pourtant ce que les pompiers avaient soupçonné, en plus de sa jambe cassée, mais le destin avait fait que seul son tibia soit touché. Isaline se disait que, cheville ou tibia, elle ne pourrait pas marcher sur ses deux jambes pendant un bon moment. Vu son état, elle n'était pas prête à penser aux avantages ou inconvénients entres les deux fractures, Draco lui ferait un résumé plus tard.

La tatoueuse poussa un soupir à fendre l'âme. Rien qu'à l'idée de rentrer chez elle, Isaline se sentait épuisée. Par bonheur, un pompier avait pensé à attraper une chaussure en envisageant son retour et elle avait son portable dans la poche. Il ne lui restait plus qu'à appeler quelqu'un. Mais elle ne voulait embêter personne, il était tard.

« Vous avez appelé quelqu'un ? »

Tiens, revoilà son toubib. Il s'était changé, il portait à présent un bon pull bien chaud et un jean, son manteau pendu à son bras et son sac dans l'autre main. Il semblait aller un peu mieux. Au moins un qui rentrerait l'esprit tranquille… elle avait sa bonne action de la journée.

« Non. Mais j'ai pas de sous, va falloir que j'appelle quelqu'un.

- Si vous voulez, je vous ramène, lui proposa le médecin.

- Vous embêtez pas avec ça.

- Je vous ai embêté avec mes problèmes existentiels, je vous dois bien ça. »

Il lui fit un petit sourire. Isaline se dit qu'il était bien gentil et elle accepta, puis elle lui donna son adresse, en lui décrivant à peu près le coin. Le médecin voyait où cela se situait.

« Allons-y. Doucement avec les béquilles, vous allez tomber !

- Le sol est plat, ça va. Je vais moins rigoler à la maison. »

Le trajet pour aller jusqu'au parking n'était pas bien long, mais le médecin était terrifié : sa patiente sautillait maladroitement sur ses béquilles et tellement vite qu'elle manqua plusieurs fois de se casser la figure. En voilà, une aventurière… Il eut beau lui dire qu'elle aurait l'air maline avec un autre plâtre sur l'autre jambe si jamais elle tombait, la tatoueuse continua d'avancer à la même allure.

Le médecin l'aider à monter dans la voiture, puis il posa ses béquilles sur les sièges à l'arrière. Il démarra et sortit du parking, s'engageant sur la route, à la recherche du quartier de sa patiente.

« Merci de me ramener, Docteur. Vous êtes gentil.

- Appelez-moi Rémi. C'est à moi de vous remercier. J'ai dû vous ennuyer avec ma vie…

- J'ai l'habitude d'écouter les gens. Et j'imagine que ça ne doit pas être facile tous les jours. »

Cela faisait trois ans qu'il était divorcé. Sa femme le trompait avec un professeur du collège où elle enseignait. Il avait réussi à conserver la garde de son fils, mais ses relations avec son ex-femme ne faisaient que se détériorer et son fils, avec les années, vivait de plus en plus mal ces disputes continuelles entre ses parents. Sa femme s'en prenait à lui pour atteindre son ex-époux, notamment, et elle faisait tout pour lui pourrir la vie. Avec son travail, son fils qui faisait des siennes et son ex-femme, il avait de quoi être démoralisé.

« En plus, je peux comprendre ce que vous vivez. Tournez à gauche.

- Ah oui ? Vous aussi, vous avez pourri la vie de votre ex-mari ?

- Ne plaisantez pas : quand je veux emmerder quelqu'un, croyez moi qu'il le sent passer, dit-elle sur le ton de la rigolade, alors qu'il n'y avait rien de plus vrai. Plus sérieusement, ma mère faisait des misères à mon père, donc je peux comprendre. C'est jamais facile pour un père, ni même pour le gosse. »

A nouveau, ils parlaient de lui, de sa situation familiale qu'il avait du mal à gérer. Rémi aurait voulu parler d'elle, plutôt, au lieu de se focaliser sur ses histoires, mais cette femme avait une façon de parler et de voir les choses qui l'apaisait. Il aimait parler avec elle. C'était étrange, il ne la connaissait même pas depuis une heure, et pourtant, c'était si facile de lui raconter ses ennuis…

Le chemin ne fut pas bien long. Le médecin se gara devant la porte de la maison. Il allait ouvrir la porte quand, soudain, Isaline lui tendit une petite carte qu'elle venait de sortir de sa poche. Il la prit entre deux doigts et vit que c'était une carte de visite de son magasin. Il l'interrogea du regard et elle haussa les épaules.

« J'en ai toujours sur moi. Si vous avez besoin de parler, vous pouvez m'appeler. C'est pas bien de garder tout pour soi, car le jour où ça explose, c'est trop tard. Croyez-en mon expérience. Cela dit, vous pouvez la déchirer ou la jeter à la poubelle, je ne serai pas vexée. Vous pouvez même le faire devant moi. »

Le médecin ne répondit pas, Isaline ouvrait déjà la porte pour sortir. Il se leva à son tour et fit le tour de la voiture pour récupérer les béquilles et aider Isaline à les placer dans ses mains. Puis elle lui serra la main, en équilibre précaire, le remercia et lui souhaita une bonne nuit.

Rémi Petit la regarda rentrer chez elle. Il entendit les aboiements d'un chien, puis sa patiente referma la porte derrière elle et disparut dans la maison. Il se rassit derrière le volant et regarda la petite carte de visite qu'il avait posée sur son tableau de bord. Le nom de la boutique, avec l'adresse, l'e-mail et le numéro de téléphone, le tout sur un fond rouge et jaune.

Au lieu de la déchirer ou de la réduire en boule pour la jeter, il la glissa dans son portefeuille, sans trop savoir pourquoi.

OoO

Draco se gara juste devant la porte du garage. Il coupa le contact et regarda Harry qui éteignait la radio. Il s'était mis à chanter Berlin de Christophe Willem et l'étudiant trouvait les goûts musicaux de son petit ami assez douteux.

« Tu as passé une bonne soirée ?

- Oui, sauf que j'ai trop mangé, répondit Harry en mettant ses mains sur son ventre.

- Tu n'as qu'à bien te nourrir. »

Harry leva les yeux au ciel : Draco n'était pas prêt de le lâcher avec ça. Oui, il était vrai qu'il s'était plus ou moins arrêté de manger depuis qu'il s'était battu avec Marcus, toute cette histoire lui coupait l'appétit. De toute façon, personne ne remarquait vraiment sa perte de poids, hormis Isaline. Et encore, il fallait qu'elle le voit nu pour le remarquer, vu les fringues qu'il portait. Elle voyait bien qu'il ne mangeait plus autant, mais elle ne disait jamais rien. Le problème, c'était que, maintenant, il avait Draco et il remarquait parfaitement quand son copain maigrissait, ce qui ne lui plaisait pas du tout. Harry avait oublié ce léger détail…

« Promis, je vais faire attention.

- Tu as intérêt. »

Après un petit soupir exaspéré, Harry se pencha vers Draco pour l'embrasser. Le blond entoura ses épaules de son bras alors que les mains du brun se posaient sur sa nuque, effleurant ses joues puis terminant leur course dans ses cheveux. Ils échangèrent un baiser des plus sensuels, avant que Harry ne s'écarte, à bout de souffle. Il planta un dernier baiser sur les lèvres de Draco avant de sortir de la voiture. Le blond ne redémarra que lorsque son petit ami rentra chez lui.

A peine Harry mit-il un pied dans la maison que l'odeur âcre du vomi le prit à la gorge. Il fronça le nez et l'inquiétude accéléra le rythme de son cœur. Il alluma la lumière et fut stupéfait en voyant le tapis près de l'escalier recouvert de vomi.

« Tata ? »

Où était-elle ? Personne ne répondait. Inquiet, il entra dans la cuisine, puis prit le tapis, le roula en boule et le posa sur la table de la cuisine.

« Tata ? T'es là ? »

Il entendit le petit bruit des pattes de Liloute sur le parquet. Elle se jeta dans ses jambes et lui fit la fête pour son retour. Harry la prit dans ses bras et poussa la porte du salon, entrouverte, où la télé était allumée, le volume baissé. Et la surprise le paralysa tout entier.

Isaline était allongée sur le canapé, les oreillers rassemblés sous sa tête. Des béquilles étaient posées par terre, juste à côté du canapé, mais ce qui choqua le plus Harry, c'était le plâtre en résine bleue allongé sur le cuir brun. Il posa Liloute par terre et se précipita vers sa tante qu'il secoua doucement.

« Tata ? Tata, réveille-toi ! »

Pourquoi avait-elle ce plâtre ? Qu'est-ce qu'elle faisait dans le salon, comme ça, encore habillée et endormie, la télé allumée ? Que s'était-il passé pendant son absence ?

Isaline se réveilla et se frotta les yeux en demandant quelle heure il était. Puis, elle avisa le visage très inquiet de Harry, éclairé par l'écran de la télévision.

« Tata, qu'est-ce qui s'est passé ?

- Tombée dans les escaliers, résuma-t-elle d'une voix endormie. Tu peux laver le tapis ? Pas pu me baisser…

- Qui t'a emmené à l'hôpital ? Nymph', Sirius ? Ils n'auraient pas pu laver ce tapis ? Tu aurais dû m'appeler !

- Personne. Appelé les pompiers, ils sont venus et un médecin m'a ramenée. Voulais déranger personne.

- Idiote… »

Isaline voulut se redresser et Harry l'aida à s'asseoir. Il la serra dans ses bras en lui reprochant de ne pas l'avoir appelé. Ils seraient venus, lui et Draco… Mais Isaline ne l'écoutait pas vraiment, elle voulait qu'il l'aide à monter là-haut. Elle avait envie de dormir. Alors Harry, toujours aussi inquiet, l'aida à monter les marches des escaliers, puis à atteindre sa chambre, et enfin à la déshabiller. Il la laverait le lendemain.

OoO

« Isaline Anderson !! Vous êtes une irresponsable !!

- Tu aurais pu nous appeler, merde !! J'en reviens pas !!

- Reviens ici tout de suite !! »

Voici un inconvénient de la jambe cassée : on ne pouvait pas fuir tranquillement sans que personne ne vienne vous emmerder. A peine tenta-t-elle de quitter le salon que les deux zouaves lui sautèrent dessus et l'emmenèrent de force sur le canapé.

Harry avait appelé Sirius et Nymph' dans la matinée pour les avertir qu'Isaline s'était cassée la jambe. Autant dire qu'ils s'étaient précipités chez elle pour l'engueuler parce qu'elle ne les avait même pas appelés. Severus était venu, lui aussi, mais il ne se montrait pas aussi énervé que les autres, juste agacé. La pauvre avait décidé de ne plus essayer de se justifier : ça ne faisait qu'empirer les choses.

Le téléphone sonna. Harry s'échappa donc du salon où Isaline se faisait sermonner comme une petite fille. Harry décrocha, tout en écoutant son parrain se plaindre.

« Allô ?

- C'est moi.

- Dray ! Il est tôt, pourquoi tu m'appelles ?

- Je te dérange ? Demanda Draco, l'air agacé.

- Pas vraiment, non.

- On dirait, pourtant.

- Désolé, mais ça gueule, dans le salon, et j'ai pas passé une bonne nuit.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? S'interrogea le blond, radouci.

- Bah Isaline est tombée dans les escaliers hier, elle s'est cassée la jambe et elle a appelé personne.

- Pardon ?!

- Elle a appelé les pompiers elle-même et c'est un médecin qui l'a ramenée. Elle ne voulait déranger personne, qu'elle dit. Ça m'énerve, elle était pas bien et elle n'a même pas appelé ! La première chose qu'elle m'a dit quand je l'ai réveillée, c'est de nettoyer le tapis où elle avait vomi parce qu'elle ne pouvait pas le faire…

- Engueule-là de ma part. »

Mais Isaline était en train de se faire passer un savon et Harry ne doutait pas une seconde qu'elle avait déjà fermé ses oreilles et qu'elle hochait la tête comme un automate le temps que la tempête passe. Harry demanda à Draco pourquoi il l'appelait, ce dernier lui dit qu'il avait été invité à la fête d'anniversaire d'un mec, Cormac McLaggen.

« Et tu veux que je vienne ?

- Evidemment. Et ne proteste pas ! Tu es mon petit ami, tu assumes !

- Okay… y'aura encore des ex à toi, là-bas ? »

Draco réfléchit quelques minutes avant de répondre non. Sauf peut-être Astoria. Ah si, il y aurait sûrement Tracey, étant donné que Daphné serait présente. C'était rare quand elle n'était pas invitée à une fête, celle-là…

« Et Seamus ?

- Nan. Cormac peut pas le voir, je n'ai jamais trop compris pourquoi. Je crois que son ex copine a flashé sur lui et elle l'a quitté. Il n'a pas digéré.

- Mais Seamus sortait avec toi, non ?

- Pas à ce moment-là, répliqua Draco. Enfin, j'en suis pas sûr. Cormac est assez spécial. En fait, je ne l'aime pas du tout. Il est raciste en plus. Blaise n'a pas été invité. Tu ne verras jamais un Noir ou un arabe dans ses fêtes.

- Draco, j'ai pas envie de venir.

- Tu crois que j'ai le choix ? Son père connait le mien, je suis obligé d'y aller.

- Il supporte les homos ?

- Plus ou moins. De toute façon, s'il te manque de respect, on s'en va.

- Charmante soirée en perspective… Soupira Harry.

- Autre chose. Il faut absolument que tu parles à Ron, il doit venir lui aussi à cette fête.

- Pardon ?! »

Draco lui expliqua que Cormac avait toujours eu des vues sur Hermione et qu'il la draguait à chaque fois qu'il en avait l'occasion. Bien sûr, elle avait été invitée à son anniversaire et elle allait s'y rendre. Le problème était que Ron refusait de l'accompagner et elle n'osait pas lui avouer que c'était parce que ce crétin lui faisait régulièrement du rentre-dedans.

« Alors fais en sorte qu'il accepte. La soirée aura lieu samedi soir prochain. Autre chose…

- Encore ?

- Harry !!

- Oh, ça va…

- Je veux et j'exige que tu fasses de gros efforts sur ta tenue.

- Draco ! Je ne vais pas mettre cinq cents euros sur moi, tu rêves ou quoi ?! S'écria Harry, énervé.

- Harry, je ne veux pas me disputer avec toi. Je t'aime, tu le sais, et je t'accepte tel que tu es. Cependant, Cormac n'invite que des personnes… disons importantes, riches, branchées, enfin, tu vois le genre. Je ne veux pas recevoir de remarques déplaisantes, déjà que je n'y vais pas de bons cœurs, ce n'est pas pour supporter leurs sous-entendus. Donc je veux que tu fasses vraiment des efforts vestimentaires, je crois même que c'est moi qui vais t'habiller. Après cette fête, tu pourras mettre n'importe quoi, et si ça peut te consoler, je porterai moi-même les fringues les plus informes de ta garde-robe.

- Tu ferais ça pour moi ??

- Tu me suis ou tu refuses ?

- Je te suis, évidemment, soupira Harry, qui ne se voyait pas refuser. J'imagine que je dois convaincre Ron de faire de gros efforts aussi ?

- Hm… oui, il vaut mieux. Cormac est bien foutu, Ron doit avoir la classe et aussi de la réparti.

- Je vais faire ce que je peux… Mais au fait, t'es où, là ?

- Devant ma fac, je repends les cours dans quelques minutes. Je te laisse, à demain.

- Oui, à demain. »

Draco raccrocha, laissant Harry avait un peu d'appréhension. Il gardait un mauvais souvenir de la fête d'anniversaire de Daphné. Enfin, dans le fond, ça s'était plutôt bien passé étant donné que Draco avait dansé avec lui et ne l'avait pas quitté d'une semelle, mais cet univers était complètement différent du sien et Harry ne s'y sentait pas du tout à l'aise. En même temps, il se sentait bêtement content que Draco veuille qu'il vienne avec lui, ça lui faisait plaisir.

Harry revint dans le salon où Nymph' et Sirius avaient cessé de s'énerver. Le calme d'Isaline avait eu raison de leur colère.

OoO

La boutique venait d'être fermée. Harry rangeait le matériel tandis que Nymph' lavait par terre. La journée n'avait pas été évidente, étant donné qu'il avait fallu reporter les quelques rendez-vous d'Isaline. Elle avait protesté en disant qu'elle était capable de travailler malgré sa jambe dans le plâtre, mais Nymph' l'avait rembarrée. La pauvre martyrisée s'était réfugiée dans sa chambre où elle s'ennuyait ferme. Au final, elle kidnappa Teddy et regarda des dessins animés avec lui. Vive Blanche-neige et Pokémon

Ainsi, Harry et Nymph' avaient bossé ensemble toute la journée. Ça faisait bizarre, mais bon, la situation allait durer un bon moment.

« Ryry ? Tu peux t'occuper des piercings, aussi ?

- Je te fais ça. »

Après une quinzaine de minutes, les deux tatoueurs fermèrent définitivement la boutique, propre et prête pour le lendemain. Tous deux allèrent dans la cuisine où Harry réchauffa un peu de café. Nymph' regarda la pendule : Remus devait être rentré, à l'heure qu'il était.

« Nymph' ?

- Hm ?

- J'ai un service à te demander, dit Harry d'un air hésitant.

- Oui, qu'est-ce que tu veux ?

- Je dois faire une prise de sang demain, vers midi. Tu pourras m'accompagner ?

- Qu'est-ce qui t'arrive ? T'es malade ? »

Harry rougit et lui répondit en bafouillant. Bon, il était un peu tard pour s'inquiéter et ils en avaient conscience tous les deux, mais Draco était obsédé par cette histoire de prise de sang et il voulait que tous les deux en fasse une, afin d'être certain qu'ils étaient clean. Nulle besoin de préciser à Nymph' que Draco ne voulait pas utiliser de capote pour leur première fois et encore moins qu'ils en étaient déjà au stade du tripotage, le sourire hilare de la tatoueuse lui faisait bien comprendre qu'elle avait saisi l'affaire.

« T'aurais pas pu t'inquiéter avant ?

- Bah je lui ai dit que ça servait à rien, je suis puceau et il l'a jamais fait sans capote. Mais il s'obstine.

- Avoue plutôt que tu flippes, répliqua Nymph' avec un sourire sadique.

- Oui, et alors ? J'ai toujours eu un peur des piqûres !

- Pour un tatoueur, c'est quand même comique…

- C'est pas pareil, on te retire du sang ! Bref, tu peux m'accompagner, s'il te plait ?

- Pas de soucis, mon cœur ! »

Il n'y avait qu'à elle qu'il pouvait demander ça. Harry n'avait jamais aimé les piqûres. Enfin, faire des vaccins ne l'avait jamais terrifié, il était tatoueur quand même, mais c'était le cas pour les prises de sang, étant donné qu'il avait du mal à gérer sa peur du sang. Il était tatoueur, certes, mais voir son flux de vie dans des tubes, ça lui donnait un mal de cœur terrible. La dernière fois qu'il avait fait une prise de sang, il avait carrément dû s'asseoir par terre ou sinon il s'évanouissait.

Harry ne voulait pas déranger ses amis avec ça, donc il devait se tourner vers sa famille. Ce n'était même pas la peine de demander à Sirius, il n'avait jamais supporté l'odeur des médicaments qui flottait dans ce genre d'endroit et une goutte de sang suffisait pour le rendre malade. Severus avait été troublé quand, un jour, Sirius se coupa le doigt avec sa clé, faisant perler une goute de sang. Son parrain avait passé une ou deux heures allongé sur le canapé avec un gant sur le front.

Bref, donc, Sirius était direct rayé de sa liste. Il y avait Isaline, qui n'était pas en état de l'aider si jamais Harry faisait un malaise. Donc, il ne restait plus que Nymph'. Les prises de sang ne lui faisaient ni chaud ni froid, ce n'était pas des aiguilles qui allaient la rendre malade. Et puis quoi encore ?

« Vers midi, c'est ça ?

- Ouais. Juste avant qu'on mange. Je vais rien avaler après, mais bon…

- Et le beau blond a fait sa prise de sang ?

- Il y va cet après-midi. Il m'a dit que Blaise l'emmenait en voiture. »

Les piqûres et le sang ne lui faisaient pas peur non plus. Heureusement, il voulait être médecin. Cependant, prendre la voiture après une prise de sang n'était guère recommandé, donc Blaise l'accompagnait.

« Et tu lui as dit que tu avais peur des prises de sang ?

- Nan, je serais passé pour une mauviette ! »

Nymph' éclata de rire alors que Harry bougonnait. En voilà une autre qui se moquait de lui…

OoO

« Ça y est c'est le week-end ! Vive les super week-ends ! C'est comme ça qu'on les aime ! Faire le plein d'énergie, c'est comme ça !

- Blaise, dis-moi ce que je fous ici…

- Je me posais la même question. »

Si c'était pas malheureux de chanter du Lorie à vingt-deux ans… Draco semblait à deux doigts d'étrangler Lavande, il n'en pouvait plus de cette gourde qui chantait à tue-tête, heureuse que les cours soient terminés. Draco résistait à l'envie de lui dire que, vue ses résultats, elle ne devrait pas trop se réjouir : à son niveau, on passait le week-end à réviser et non à faire la fête ou du shopping. Sauf qu'il préférait éviter les disputes, car après tout, il ne verrait pas leurs sales têtes pendant quelques jours.

Il n'était pas le seul à être exaspéré par les couinements de Lavande. A côté de lui, Seamus et Blaise se retenaient de se boucher les oreilles. Les autres la regardaient avec un mélange d'exaspération et de pitié. Mais ils éclatèrent de rire quand ils sortirent de la fac et qu'elle cria qu'il faisait un froid de canard. Draco se dit qu'il n'était pas normal de porter des vêtements aussi courts en janvier, mais à nouveau, il garda sa remarque pour lui.

« On va prendre un café ? Proposa Zacharias.

- Sans moi, Harry vient me chercher.

- Il va mieux ? Lui demanda Seamus.

- Plus ou moins. »

Côté physique, ça commençait à guérir, mais il avait toujours une tête de voyou qui venait de se chauffer avec une racaille. Et côté moral, Draco ne savait pas trop. Il espérait que Harry se soit remis à manger. Même si Draco faisait attention à ce qu'il avalait pour garder son tour de taille parfait, il ne se privait jamais de manger et il refusait que Harry cesse de se nourrir à cause de tout ça.

Zacharias, Lavande, Terry et sa copine les quittèrent pour aller prendre un café ensemble. Dean voulut suivre Seamus qui lui jeta un regard peu avenant, l'ai de dire : « Du balai ! ». Dean s'en alla donc, blessé, laissant Seamus avec Draco et Blaise.

« Et moi qui croyais que tu allais te remettre avec lui…

- Tu rêves, Blaise. C'est qu'un pauvre con. »

Draco écoutait à peine Seamus énumérer les différents défauts de son ex petit ami, cherchant Harry du regard. Et quand il l'aperçut, il sentit son cœur battre plus vite.

Il faisait vraiment froid et Harry s'était, pour une fois, habillé en conséquence. Il portait un manteau marron foncé assez épais et chaud, ainsi qu'un jean un peu large et des baskets. Les mains enfoncées dans ses poches, il avait le visage à demi caché par une longue écharpe à larges rayures rouges et jaunes qui lui enserrait le cou, un long bout tombant sur son torse. Il était tout simplement adorable et Draco n'arrivait pas à se départir de cette pensée niaise à souhait…

Quand il arriva devant lui, Draco poussa un soupir et lui dit qu'il s'était enfin décidé à porter quelque chose de chaud au lieu de son éternelle veste en cuir. Harry lui tira la langue et lui fit un léger sourire avant de se pencher et de l'embrasser légèrement sur les lèvres. Puis, il serra la main de Blaise et celle de Seamus.

Il avait toujours des marques de coups sur son visage et sa lèvre blessée commençait à cicatriser. Blaise n'en revenait toujours pas de toute cette histoire, car malgré son enfance peut joyeuse, Harry lui avait toujours semblé être un type sans histoire, un mec comme les autres. Sauf que ce n'était pas le cas. Blaise se refusait de le prendre en pitié, ce n'était pas ce que Harry voulait, loin de là, mais il ne pouvait s'empêcher de compatir.

Quant à Seamus, c'était une autre affaire. Lui non plus n'en revenait pas, de tout ça. Il connaissait très peu Harry, et à présent, il se faisait une image bien différente du jeune homme, et pas en mal. D'ailleurs, il comprenait de plus en plus qu'il s'était fait une mauvaise image de lui, au début, car Harry était loin d'être un bouffon qui sautait sur tout ce qui bougeait. En fait, il était monté dans son estime, et pas qu'un peu. Beaucoup, même.

« Mais tu t'es coupé les cheveux ! S'exclama Harry, semblant enfin remarquer la nouvelle coupe de Draco.

- Oui, ils étaient trop longs.

- Dommage, ça t'allait bien… Dit Harry d'un air un peu déçu.

- Contrairement à certains, les piques ne me vont pas. »

Harry leva les yeux au ciel. Ses joues étaient délicatement rosées à cause du froid, son nez un peu rougi, et malgré les restes de ses blessures, Harry était vraiment mignon avec sa grosse écharpe à rayures rouges et jaunes. Seamus le trouva beau et il se sentit troublé de penser une telle chose du petit ami de son ex. Mais Harry était tout simplement irrésistible…

« Bon, on va y aller, il fait trop froid.

- Elle est sympa, ton écharpe, remarqua Blaise avec un sourire.

- C'est Nymph' qui me l'a faite quand elle était enceinte de Teddy. J'en ai une verte et grise, aussi. Ça tient chaud, mine de rien… »

Quand elle avait un ventre gros comme une montgolfière, Nymph' s'était lancée dans le tricot parce qu'elle n'avait rien à faire de ses dix doigts. Elle avait tricoté des écharpes pour tout le monde, au gré de ses humeurs. Elle avait fait des écharpes rouges et jaune pour Sirius, Harry, Remus et Isaline, puis elle avait décidé d'en offrir une verte et grise à Severus, parce qu'elle avait plus de rouge et de jaune, et elle en avait faite une à Harry aussi, pour finir ses pelotes. Remus avait été un peu étonnée de la voir tricoter une écharpe jaune et noire pour elle, mais bon, il n'allait pas remettre en question les goûts de sa femme…

Bref. Harry dit « au revoir » à Blaise et Seamus, puis il mit son casque et monta sur sa moto, rapidement suivi par Draco qui s'installa derrière lui. Harry démarra et partit en direction de la maison.

OoO

Non.

« Harry ? »

Non. Même pas en rêve…

« Harry… »

Tu peux toujours courir.

« Bon, Harry, soit tu vas dans cette cabine et tu essaies ce pantalon, soit je t'y emmène moi-même.

- Même pas peur. »

Harry sursauta quand Draco posa une main sur ses fesses et le poussa discrètement contre l'étagère où étaient posés les pantalons. Ecarlate, Harry le foudroya du regard : c'est bon, il a compris le message.

« On est dans un magasin, Dray !

- Et alors ? Je leur donne ma carte bleue et ils me laisseront te bécoter à ma guise.

- Sale riche !

- En cabine !

- Draco, ce pantalon coûte les yeux de la tête, je refuse de porter ce truc-là. »

Draco leva les yeux au ciel. C'était bien la première fois qu'on lui posait de pareilles difficultés : Harry refusait qu'il lui achète un pantalon qui coûtait assez cher pour qu'une personne de son rang ne s'en achète qu'un, voire deux par an, ainsi que le haut qui allait avec. D'habitude, soit on sautait sur l'occasion, soit on faisait un peu de résistance pour la forme. Mais Harry était une personne unique en son genre…

« Harry, on ne va pas commencer à se disputer ici. Va essayer ce pantalon, s'il te plait.

- Je ne veux pas.

- Qu'est-ce que tu peux être têtu…

- Moi aussi je t'aime. »

Comment le forcer à aller dans la cabine sans qu'il ne crie au scandale… excellente question… il aurait dû emmener Isaline, car même avec sa jambe dans le plâtre, elle avait un esprit de persuasion bien plus aiguisé que le sien… ou, du moins, il fonctionnait bien sur Harry…

« Ecoute, Harry. Voilà ce qu'on va faire. Tu vas fermer ta bouche et essayer un pantalon. On l'achète, avec un ou deux hauts. Tu les gardes au fond de ton placard et tu ne les ressors que quand on doit sortir.

- Mais je vais avoir l'air de quoi, là-dedans ?

- D'un mec branché, canon, qui sait profiter de la carte bleue de son petit ami. Allez, en cabine. »

Draco tendit le pantalon à Harry qui poussa un soupir à fendre l'âme. Le brun prit quand même le pantalon et partit vers les cabines pendant que Draco fouillait les rayons à la recherche d'un ou deux hauts qui iraient parfaitement à son petit ami. Il n'était pas un adepte du shopping, mais il voyait Harry porter tellement de vêtements plus ou moins potables qu'il avait bien envie de l'embellir.

Quand il vint dans vers les cabines, il chercha Harry des yeux. Il l'appela mais personne ne lui répondit. Trois cabines seulement étaient utilisées. Il soupira et le menaça de l'appeler sur son portable. Son petit tira alors le rideau en lui disant que, de toute façon, il ne l'avait pas sur lui. Draco allait répliquer mais il eut le souffle coupé en voyant le tatoueur avec ce pantalon qui lui allait à merveille, mettant en valeur ses fesses et ses jambes. Harry rougit alors que le regard appréciateur de Draco voyageait sur son corps.

« Il te va à ravir.

- Si tu le dis.

- Essaie ça aussi. »

Draco lui tendit quelques hauts. Harry bougonna qu'il n'était pas sa mère et, pour tout réponse, Draco ferma les rideaux et attendit qu'il enfile ce qu'il lui avait donné. De mauvaise grâce, Harry se changea et rouvrit le rideau. Il détourna la tête alors que Draco l'inspectait de la tête aux pieds, en partant de cette simple chemise au pantalon à pinces. Ça lui allait à ravir, surtout que Harry était plutôt bien foutu…

« Ça me va pas…

- Tu plaisantes ? Viens par là. »

Draco le tira hors de la cabine et le mit devant les miroirs afin que Harry puisse s'admirer, mais le brun était trop gêné pour se regarder dans la glace : il ne se sentait pas vraiment à l'aise dans ces vêtements, il ne se trouvait pas particulièrement séduisant là-dedans, ça le moulait trop.

Ce n'était pas l'avis des clients et du personnel qui regardaient Harry avec intérêt. Draco eut à peine le temps de regarder sa montre qu'une employée arriva à fond de calle et complimenta Harry sur sa tenue qui lui allait à ravir. Elle ne mit à blablater et Harry ne savait pas quoi faire, peu habitué à ce qu'on lui cire les pompes, surtout que ce n'était pas lui qui avait le porte-monnaie. Acerbe, Draco envoya l'employée bouler à l'autre bout du magasin. Harry lui lança un regard énervé, Draco haussa les épaules et lui montra la cabine. Non mais oh ! On ne tripote pas son petit ami de la sorte, merde !

Harry en ressortit avec son vieux jean trop grand, ses baskets et son manteau bien chaud. Ils allèrent payer, puis ils ressortirent de la boutique. Draco lança un regard noir à l'employée qui semblait vouloir se fondre dans le mur.

« On va acheter des chaussures, aussi ? Demanda Harry quand ils furent dans la voiture.

- Tu en veux ?

- Non, mais si on y va, je veux me préparer psychologiquement.

- Espèce d'idiot… Soupira Draco d'un air fataliste. Tu sais, tu devrais mettre ce genre de vêtements plus souvent.

- Pas besoin de ça pour te séduire. »

Draco éclata de rire, ce qui fit sourire Harry. Le blond lui ébouriffa les cheveux tendrement tout en le traitant à nouveau d'idiot.

OoO

Ce fut un péplum. Draco se doutait qu'Isaline pouvait être chiante quand elle le voulait, mais certainement pas à ce point-là.

D'après Nymph', Isaline était chiante au possible quand elle était malade. Une vraie gamine, qui se plaignait de ses « atchoums » et de ses crises de toux. Mais alors quand elle était sérieusement malade ou alors handicapée, elle était tout simplement invivable.

« Tu exagères, lui avait-il dit.

- Tu verras, ce soir, tu rigoleras moins. »

Et, en effet, il avait vu. Isaline n'arrêtait pas de jouer les aventurières en essayant de monter ou descendre les escaliers seule. Elle avait décidée d'emmener elle-même Liloute dehors pour sa promenade du soir et leur avait fait un cirque pas possible parce qu'elle voulait cuisiner. Harry décida donc de commander chez un traiteur japonais quelques plats et, soudain, Isaline eut envie de tarte aux pommes.

« Mais elle a des envies de femme enceinte, celle-là… »

Pour ses paroles malheureuses, Draco faillit se prendre une cuillère en bois en pleine tête. Par chance, elle ne savait pas viser.

Le pire fut certainement quand il fallut se coucher. Harry avait repoussé l'épreuve de la douche, mais il ne put y manquer. Et ce fut un véritable calvaire : envelopper le plâtre avec un sac, mettre du scotch, déshabiller Isaline, la mettre dans la baignoire, la ressortir et l'aider à se rhabiller, et cela en supportant ses chouineries. La patronne sûre d'elle et froide que Draco avait d'abord connu était bien loin, à présent...

Ainsi, Harry passa sa soirée à batailler avec sa tante qui faisait des siennes, comme une gamine. Draco voulut l'aider mais il comprit bien vite que c'était inutile : elle ne l'écoutait absolument pas et ne prenait en considération que les propos de Harry, et encore, ça dépendait desquels. Draco s'installa donc dans le lit de Harry en attendant que ce dernier ait fini de coucher sa tante. Quand il en eut terminé avec sa patiente, il s'écroula à côté de Draco en traitant son adorable tutrice de « gamine exaspérante sans aucune maturité ». Le blond pouffa : quelle famille de dingues…

« Isaline m'a dit que Sirius s'était cassé la jambe, quand il avait dix-sept ans. Comme il en avait marre de rester enfermé chez mon père, il s'enfuyait chez Tata, qui le menaçait de le renvoyer d'où il venait s'il n'arrêtait pas de faire le bébé. Il parait qu'il a tellement eu peur qu'il a arrêté ses caprices.

- Ça ne devait pas être évident, pour lui, d'être rejeté par toute sa famille…

- C'est vrai, avoua Harry. Il n'avait de contacts avec personne. C'est seulement quand il est sorti de prison qu'il a renoué avec son frère.

- Je viens d'y penser. Sirius n'avait pas l'air si mal-à-l'aise que ça, à l'enterrement. »

Draco aurait pensé qu'il aurait été davantage perturbé par cette confrontation avec sa famille, alors qu'il avait plus ou moins gardé le sourire. Harry lui expliqua alors Regulus était là, car même si c'était son petit frère, il sait parfaitement que son cadet gérait la situation et il ne se trouverait pas confronté à sa mère ou à d'autres personnes de la famille de façon directe.

« Et il y avait Tata, aussi. Tu sais, il ne lui faut pas grand-chose pour être rassuré.

- Isaline lui suffit ? Demanda Draco d'un air étonné.

- Ouais.

- Vous n'avez de contacts qu'avec Oncle Regulus ?

- La famille a renié Sirius. Ceux qui ne l'ont pas fait se désintéressent de lui. Il ne reste que Regulus, et ça nous suffit.

- Tu les voyais souvent ?

- Régulièrement, oui, acquiesça Harry tout en se glissant dans le lit. Je m'entendais bien avec Adonia. Enfin, je l'appelle toujours, mais on ne se voit plus. J'avais moins d'affinités avec Alphard. Il était un peu trop froid, coincé et fier de sa carte bleue. »

Draco était allongé dans le lit, pensif. Harry tripotait son téléphone portable pour vérifier ses textos, puis il l'éteignit.

« Je peux te poser une question sans que tu te moques de moi ?

- Dis toujours.

- Alphard, il ne serait pas homosexuel ? »

Harry posa son portable sur la table de chevet et haussa un sourcil étonné.

« Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- La façon dont il m'a parlé de toi, répondit Draco d'un air soupçonneux.

- Il est hétéro. Mais si tu veux mon avis, c'est un homo refoulé. Pour répondre à ta question…

- J'ai rien demandé.

- Tu le penses si fort que je t'entends ! Répliqua Harry avec un sourire taquin. Bref, pour répondre à ta question, oui, il a été attiré par moi à une époque.

- Il t'a demandé de sortir avec lui ?! S'écria Draco, halluciné.

- Oui. Remarque, on dirait pas, comme ça, mais on a le même âge. A quelques mois près. »

Alphard n'en avait pas l'air, mais il avait vingt-et-un ans, tout comme Harry, mais tout en lui le rendait plus vieux, que ce soit ses manières, sa façon de parler ou sa tenue. Draco avait un an de plus que lui, mais il n'était pas aussi renfermé que son cousin, il avait même l'impression d'être plus jeune que lui.

« Je devais avoir seize ans, à l'époque. Début du lycée. Mais j'ai refusé.

- Pourquoi ? Il n'est pas laid.

- Pour pas mal de raisons. »

Certes, Alphard n'était pas laid, mais Harry n'aimait pas vraiment son caractère, tellement attaché à sa notoriété, fier de son statut et dépensier comme pas deux. Il s'était assagi avec l'âge. De plus, Harry savait pertinemment qu'ils se verraient cachette, Alphard n'assumait pas du tout son attirance pour les hommes. Certes, Harry avait vécu la même situation avec Cédric, mais avec la famille qu'Alphard avait, ce n'était même pas la peine de penser à un quelconque avenir. De plus, même s'ils n'avaient pas grandi ensemble, Harry avait souvent traîné dans la maison de Regulus et il ne voyait ni Alphard, ni Adonia comme des prétendants potentiels, loin de là.

« Et, surtout, je n'étais pas amoureux.

- Tu n'étais pas amoureux de moi non plus, quand on est sorti ensemble.

- Tu essais de me faire dire quoi, là ?

- Rien. »

Harry se pencha vers lui avec un sourire : Draco était tout simplement jaloux. Ça se voyait sur ses traits et dans ses yeux.

« Alphard n'a jamais abandonné, si ?

- On va dire qu'il a espéré longtemps. Personnellement, je préfère les blonds.

- J'ai déjà un point d'avance, dit Draco avec un léger sourire, tout en passant ses doigts sur les lèvres joliment dessinées de Harry. Et les autres sont au courant pour…

- Non. Enfin, je suis sûr que Regulus et Adonia s'en doutent. Sirius et Isaline aussi. »

Harry s'allongea dans son lit et se blottit contre Draco, qui l'entoura machinalement de ses bras. Harry glissa ses doigts dans les cheveux de Draco et les trouva plus courts. Ils étaient à la même taille que le jour où ils s'étaient rencontrés. Il n'avait pas remarqué que ses cheveux avaient autant poussés, atteignant presque ses épaules. Mais Draco avait décidé de les couper et Harry trouvait ça dommage.

« Ils sont si courts que ça ?

- Je les préférais un peu plus longs. Enfin, tu es toujours aussi beau, ça me rappelle au tout début…

- Quand je te draguais et que ça ne te plaisait pas ?

- Quelque chose comme ça. »

Draco s'empara tendrement de ses lèvres. Il passa une main dans les cheveux noirs et épais de Harry, l'autre glissait dans son dos, sur une hanche, puis vers ses fesses. Harry trembla et releva légèrement la jambe, sentit l'excitation de Draco contre sa cuisse. Il avait déjà fermé les yeux, et quand il sentit les lèvres de Draco abandonner les siennes pour se diriger vers son cou, Harry ne put que se laisser aller à ses caresses…

OoO

Journée de merde. Première d'une longue série.

Isaline en avait pour un bon mois avec ce fichu plâtre et n'en pouvait déjà plus. Qu'est-ce qu'elle détestait être malade ou handicapée… Certes, ça ne durait qu'un mois, pour certains c'était pour toute la vie, mais elle avait tellement l'impression d'être inutile que ça la rendait capricieuse comme jamais. Elle n'était vraiment bonne à rien…

La seule chose qu'elle pouvait faire, c'était lire, regarder la télévision avec Teddy et répondre au téléphone. Elle l'avait gardé toute la journée à côté d'elle pour répondre aux appels, mais ça l'avait vite gonflé, donc elle s'était à nouveau mise à regarder Pokémon avec Teddy qui comprenait plus ou moins ce qui se racontait… Pokémon, go…

Maintenant, elle était dans son lit, et elle s'ennuyait ferme. Elle tripotait le pendentif que Harry lui avait offert pour ses quarante ans, un cœur doré où étaient gravé I love you. Un cadeau tout simple qui l'avait émue au plus haut point ce jour-là et qu'elle ne retirait jamais. Elle aurait bien pu dormir si elle avait été fatiguée, et si elle avait pu dormir sur le ventre. Pas évident avec ce maudit plâtre. Elle en avait déjà marre.

Soudain, le téléphone sonna. Elle sursauta et attrapa le combiné posé sur la table de chevet, puis décrocha. Qui pouvait bien l'appeler à une heure pareille ?

« Allô ?

- Isaline Anderson ? C'est Remi Petit à l'appareil. Je suis vraiment désolé de vous déranger à une heure pareille…

- C'est pas grave, ne vous inquiétez pas. »

Elle lui aurait hurlé dessus pendant une heure de l'avoir dérangée ainsi à une heure pareille si elle n'avait pas passé une journée aussi pitoyable à cause de ce fichu plâtre. Enfin un peu de compagnie, ça n'allait pas lui faire de mal…

« Je sais qu'il est tard, mais…

- Pour être franche avec vous, j'ai passé ma journée à ne rien faire et je me suis ennuyée comme un rat crevé. Un peu de causette ne me fera pas de mal.

- Vous n'avez rien fait ?

- Si, j'ai regardé Pokémon avec mon filleul.

- Grand moment de solitude, hein ?

- Je ne vous le fait pas dire. »

La conversation dura près d'une heure. Quand ils se rendirent compte qu'ils avaient discuté tout ce temps, ils en furent aussi surpris l'un que l'autre.

Isaline comprit rapidement que le docteur n'allait pas bien du tout, il semblait même être d'une humeur noire. Il lui parla à nouveau de ses problèmes de famille. Enfin, Isaline lui tira les vers du nez car, même si le docteur s'était décidé à l'appeler après maintes hésitations, il semblait regretter de l'avoir dérangée et de l'appeler pour des motifs pareils… mais il se laissa rapidement aller.

A nouveau Remi Petit retrouvait cette étrange complicité qu'il avait découverte avec sa patiente. Il se sentait bien, il se savait écouté, même si elle n'était pas vraiment en mesure de le comprendre. Il n'avait jamais aimé se confier à qui que ce soit, et peut-être le faisait-il avec cette femme parce qu'il ne la connaissait pas, et qu'il ne la reverrait sans doute plus.

Et aussi… c'était une femme. Mais il n'y avait pas de sous-entendus avec elle, pas de paroles déplacées ou de questions trop intimes. Il discutait avec quelqu'un, voilà tout, et il aimait la façon dont cette inconnue parvenait à engager une discussion et à la maintenir dans le temps. Il se sentait vraiment à l'aise, et bientôt, les nuages sombres au-dessus de sa tête s'effacèrent peu à peu. Elle lui avait remonté le moral.

Il lui demanda si elle allait bien, si ce n'était pas trop difficile avec son plâtre. Isaline se mit alors à se plaindre de façon tellement comique que le médecin éclata de rire. Son neveu devait avoir la vie dure, il le plaignit même, mais sa patiente lui dit que lui n'était pas mieux quand il était malade, il était même pire, car il avait une sainte horreur des médicaments. Quand il était gosse, elle devait le plaquer sur le lit pour lui mettre du produit dans le nez.

« Je vais vous laisser, il est tard.

- D'accord. Hésitez pas à me rappeler, je suis à votre écoute. Faut que j'attende un mois avant de pouvoir retirer ce plâtre…

- Aucun problème. Merci de votre écoute.

- Y'a pas de quoi !

- Repose-vous et à bientôt.

- A plus ! »

Et il raccrocha. Toute contente d'avoir eu un peu de papotage, Isaline posa le combiné du téléphone sur sa table de chevet. Puis, elle éteignit la lumière et ferma les yeux. Elle se demanda bien comment ce type avait pu se retrouver célibataire, il n'avait pas l'air particulièrement méchant. Enfin, il lui semblait assez honnête, dans sa façon de parler, et de toute façon, il ne gagnait absolument rien à parler de sa vie à une inconnue dont il avait soigné la jambe.

Bah, la vie était ainsi… on ne pouvait rien y faire.

OoO

L'aiguille traversa l'arcade sourcilière et la jeune fille grimaça.

« Ça va ? Tu survis ?

- Ouais… »

Nymph' enfila la boucle et énuméra les différentes précautions pour s'occuper de son tout nouveau piercing, et cela d'une voix douce. Sa cliente, âgée d'environ dix-huit ans, hochait la tête en signe d'accord, pressée de montrer son nouveau piercing à ses copines. Nymph' la reconduisit dans la boutique et la fit payer. La jeune fille sortit son portefeuille et lui tendit quelques billets. Enfin, elle s'en alla, toute contente.

La tatoueuse regarda l'heure : un client devait passer dans peu de temps pour poursuivre la fresque qu'il avait sur le bras. En attendant son arrivée, elle prit une chaise et s'assit près de Harry et Ron qui discutaient, tandis que le brun tatouait une cliente sur le dos qui semblait somnoler, allongée sur le ventre sur le siège dont on avait abaissé le dossier.

Cela faisait bien un quart d'heure que Harry essayait de convaincre Ron d'aller à cette fête organisée par ce gosse de riche. Le rouquin refusait de s'y rendre : il ne supportait pas ces gens-là, il savait qu'on le regarderait de travers et il n'avait pas du tout envie de passer une soirée à s'emmerder dans un coin, lui, pauvre mécano à côté de tous ces gens qui n'avaient qu'à claquer des doigts pour qu'on leur apporte ce qu'ils voulaient sur un plateau d'argent. Il ne comprenait même pas que Hermione s'y rende. Si ça ne tenait qu'à lui, il l'en empêcherait, mais il refusait de lui interdire quelque chose, elle avait sa liberté.

« Mais moi non plus, je ne veux pas y aller ! Répliquait Harry. Draco veut que je vienne, il a besoin de moi, alors je fais un effort. Ron, si tu veux que Hermione se fasse draguer par ce Cormac, c'est ton problème, mais ne viens pas te plaindre quand tu auras perdu ta copine !

- Mais je veux pas y aller, Harry !

- Oh, et puis fais ce que tu veux, c'est pas mon problème ! »

Et Harry se concentra sur son travail, oubliant son ami qui voulut lui exposer à nouveau ses arguments, mais le tatoueur l'ignora carrément. Ron était encore plus têtu que lui. Enfin, s'il avait été dans sa situation, il n'aurait même pas réfléchi et il aurait pris sur lui. C'était d'ailleurs pour ça qu'il accompagnait Draco : il ne voulait pas que quelqu'un le drague alors qu'il n'était pas là.

Dans son coin, Nymph' ricanait : Ron était vraiment un âne : bête et têtu. A sa place, elle aussi aurait accompagné Hermione au lieu de la laisser se faire draguer par elle ne savait qui. Enfin, d'un autre côté, Hermione aurait dû tout simplement faire preuve d'autorité et lui imposer cette sortie. Ils étaient ensemble, mince !

Le client arriva : Mr Grille-pain, comme elle l'appelait, à cause de son tout nouveau tatouage. Elle le fit s'installer, Harry toujours enfermé dans un silence buté.

Ron était partagé. A la fois, il ne voulait pas laisser Hermione aller seule là-bas, mais en même temps, son orgueil lui disait de rester chez lui au lieu d'aller s'humilier avec tous ces gens issus d'un autre univers. Il ne comprenait pas que Harry accepte d'aller dans ce genre d'endroit. Il y était déjà allé une fois et il lui avait dit qu'il n'avait pas aimé l'ambiance, et là, ça risquait d'être pire encore. Ron ne savait pas quoi choisir : Hermione ou son orgueil. En tout cas, il espérait que les marques sur le visage de son ami aient disparu dans la semaine.

« Ça me soule… Si j'y vais, tu arrêtes de me faire la tête ? »

Harry ne répondit pas, les yeux rivés sur le dessin qu'il traçait avec son appareil.

« Je prends ça pour un oui. »

Harry eut alors un léger sourire et il lui dit qu'il avait fortement intérêt à bien s'habiller. Ron soupira en lui disant qu'il s'en doutait. Il ne lui restait plus qu'à faire les boutiques…

OoO

Une fois encore, Isaline leva la tête vers la chaine hi-fi. Vingt heures cinq. Elle poussa un soupir et rejeta sa tête en arrière. Elle entendit Harry dans le couloir. Il faisait les cents pas, allant et venant dans la maison en attendant que les minutes passent. Il était inquiet.

En partant le matin pour donner ses cours, Draco leur avait dit qu'il risquait de rentrer tard. Isaline avait hoché la tête : aucun problème. Mais, à présent, elle se demandait si le blond n'avait pas un sens tout particulier du « tard ».

Ça faisait bien une heure qu'elle entendait Harry faire les cents pas dans la maison et elle-même attendait. Il refusait de manger tant qu'il n'était pas rentré et Isaline n'avait pas très faim. D'habitude, Draco ne rentrait jamais très tard, et comme il n'avait pas appelé, Isaline s'inquiétait pour le jeune homme. Harry se faisait un sang d'encre.

Soudain, le brun entra dans le salon et se laissa tomber à côté de sa tante. Il paraissait tourmenté, se demandant ce que Draco pouvait bien faire dehors à une heure pareille, lui qui ne rentrait jamais très tard de ses rendez-vous quand il vivait chez eux pendant les fêtes. Il avait essayé de l'appeler, mais la messagerie se mettait en route automatiquement : son portable était éteint.

« Mais qu'est-ce qu'il fabrique…

- Va savoir. Mais c'est vrai que ça devient inquiétant. Tu n'arrives toujours pas à l'avoir ?

- Non. Son portable est éteint.

- No stress, Ryry ! »

Mais il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet et énervé après Draco qui mettait un temps fou à rentrer. Et son état d'anxiété ne fit qu'empirer au fil des minutes. Il se tripotait les doigts, se retenant de se lever pour parcourir la maison en long et en large. Draco avait intérêt à avoir une bonne raison d'être rentré aussi tard, surtout qu'il lui avait promis qu'il serait là pour le dîner.

Vingt heures quarante-deux. La porte d'entrée s'ouvrit, tranquillement. Naturellement.

Harry sauta sur ses pieds et se rua dans l'entrée. Il faillit sauter au cou de Draco quand il le vit, mais il ne savait pas si ce serait pour l'embrasser de soulagement ou si c'était pour l'étrangler. Donc autant s'abstenir.

« Je peux savoir où tu étais ? »

La colère était difficilement contenue dans sa voix et il fusillait Draco du regard. Le blond retira ses chaussures sans lui accorder le moindre regard et Harry sentit la colère monter en lui, même s'il tentait tant bien que mal de se contrôler.

« Je te parle, Draco !

- Je sais, j'ai entendu, soupira-t-il. J'ai eu un petit imprévu, désolé de rentrer si tard.

- Et c'était quoi, cet imprévu ?

- Cela ne te regarde pas.

- Draco ! Tu rentres tard, je me suis inquiété !

- A ce que je sache, nous ne sommes pas mariés, trancha-t-il d'un ton sec. Donc, je n'ai pas à me justifier. »

En fait, il aurait dû lui sauter au cou, pour l'étrangler. Blessé et énervé, Harry fit volte face et monta dans sa chambre sans un mot de plus, claquant la porte derrière lui. Agacé, Draco haussa les épaules, alors qu'Isaline arrivait dans l'entrée, perchée sur ses béquilles. Il s'attendit à recevoir une réflexion de sa part, mais elle se contenta de lui demander s'il avait mangé.

« Oui, j'ai mangé. »

Il vit les sourcils d'Isaline se froncer et une lueur étrange briller dans ses yeux. Elle se pinça légèrement la lèvre, comme si elle se retenait de dire quelque chose. Mais, finalement, ses paroles partirent, claquant dans l'air.

« Nous, on t'a attendu. »

Draco se cacha pas sa surprise.

« Mais pourquoi ? Il ne fallait pas m'attendre, il…

- Quand on dit quelque chose, on le fait. Tu as dit que tu serais là pour le dîner, alors on t'a attendu. Je te souhaite une bonne nuit. »

Et à son tour, elle disparut de l'entrée, allant dans la chambre d'amis pour aller dormir. Draco se retrouva comme un idiot dans le couloir, seul. Il tourna la tête vers la porte de la cuisine, ouverte, laissant apparaître l'obscurité qui y régnait. Draco poussa un soupir : il avait fait une bêtise. Mais il pensait que tous les deux ne l'attendraient pas, qu'ils mangeraient sans lui. Ça se produisait toujours comme ça, chez lui, il ne voyait pas pourquoi ce serait différent ici… Il sentit le remord lui serrer le cœur.

Draco prit son sac et monta à l'étage, silencieux et éclairé par un plafonnier. Après une légère hésitation, il toqua à la porte puis entra dans la chambre de Harry. Il le vit dans le lit, la couette sur lui. Draco posa son sac près de la porte et prit son pyjama. Il revint quelques minutes plus tard, changé. Il éteignit la lumière du couloir, ferma la porte de la chambre, puis s'avança à tâtons jusqu'au lit.

Sentant la tendresse de la couette sous ses doigts, Draco l'attrapa et la poussa sur le côté, puis il entra dans le lit, et la rabattit sur lui. Il toucha l'épaule de Harry et la secoua doucement, pour qu'il se tourne vers lui, mais il ne rencontra qu'une résistance buté.

« Harry ? Harry, je sais que tu es réveillé. »

C'était certain, il le sentait. Mais Harry refusait de se retourner et de lui répondre. Il l'avait vexé, blessé peut-être. Draco s'en voulait un peu, mais il ne pensait pas qu'il s'inquiéterait autant. Ça lui rappelait des réactions similaires chez ses ex, quand il rentrait tard sans prévenir. Son portable était généralement éteint quand il travaillait. Mais Harry était trop important pour lui pour qu'il lui tourne le dos sans lui expliquer ce qui s'était passé.

« J'ai rencontré une vieille connaissance. Vincent. On a discuté, et puis on a dîné. »

Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas vu Vincent Crabbe. Quand il l'avait rencontré, il s'était alors arrêté. Ils avaient commencé à discuter, et puis Vincent l'invita à manger un morceau. Draco ne put qu'accepter, histoire de savoir un peu ce qu'il devenait, sans penser à rallumer son portable. Ça aurait pu être un dîner agréable si Vincent ne s'était pas mis à lui chauffer les oreilles avec sa connerie : il lui raconta ses frasques, son boulot actuel comme dealer… sous-entendu, bien sûr, mais Draco n'était pas assez bête pour ne pas comprendre.

« Je n'ai pas rallumé mon portable. Je ne pensais pas que tu serais inquiet. »

Draco passa sa main dans les cheveux noirs de Harry. Toujours pas de réaction. Draco sentit l'agacement pointer son nez, l'attitude de Harry lui semblait exagérée.

« Je me suis disputé avec lui, c'est pour ça que j'étais de mauvaise humeur. »

Mais Harry ne parlait toujours pas. À croire qu'il dormait. Mais ce n'était pas le cas, il le savait. Harry était réveillé et il l'écoutait, voulant sans doute l'entendre se répandre en excuses pour son comportement. C'était toujours pareil, avec lui. Toujours lui qui s'excusait, toujours lui le fautif… à croire que Harry était parfait…

« Je suis désolé, si c'est ce que tu veux entendre, fit-il, agacé. Désolé de ne pas t'avoir prévenu que je rentrais tard. Vous m'avez attendu, je m'en excuse. Là, tu es content ? »

La pire des réponses était le silence. Et Harry avait décidé de l'adopter. Les yeux fermés, plissés comme pour se retenir de les rouvrir, Harry serrait les poings en lui demandant secrètement de se taire. Non, ce n'était pas ce qu'il voulait entendre. Il avait juste envie de dormir, qu'on le laisse tranquille. Ça irait mieux le lendemain. Entendre Draco s'énerver ne lui plaisait pas du tout, au contraire.

« Réponds-moi, au moins ! C'est bien toi qui voulais savoir où j'étais, non ?! »

Mais ça ne servait à rien de s'énerver : Harry gardait la bouche fermée, l'ignorant superbement. Draco serrait les poings. Cette fois-ci, c'était la colère qui bouillonnait en lui : l'attitude de Harry l'exaspérait au plus haut point. Il n'allait quand même pas se mettre à genoux !

« Oh, et puis boude ! Tu me gonfles, Harry ! »

Et il rabattit la couette sur lui, tout en lui tournant le dos. Qu'il boude, tiens. Il lui prenait la tête avec ses manières de gamin…

OoO

Il n'arrivait pas à dormir. Il avait beau essayer, fermant les yeux, pensant à d'autres choses, Draco n'arrivait pas à dormir.

La colère était tombée. Il ne restait plus qu'un sentiment étrange, entre le remord et l'inquiétude. Il ne se sentait pas bien, comme en manque.

Il ne ressentait jamais ça, d'habitude. Avant, quand il s'engueulait avec ses copines ou ses copains avant d'aller se coucher, il ne ressentait jamais aucune culpabilité. Il parvenait à dormir, en se disant que tout irait bien le lendemain matin.

Mais pas ce soir. Pas alors qu'il sentait le dos de Harry si près du sien, son corps qui réchauffait le lit, sa respiration calme et légère…

Draco n'était pas bien. Il ressentait un manque. Il était inquiet. Mal-à-l'aise. Comme s'il avait oublié quelque chose. Un peu comme un enfant dont on aurait retiré la tétine pour la première fois : il lui manquait son objet de bien-être, quelque chose qui lui permettait de se sentir bien.

Et puis, Draco ne put plus en supporter davantage. Il se retourna et chercha presque frénétiquement Harry avec ses mains. Quand il toucha son épaule, il voulut le retourner, l'attirer à lui. Il avait besoin de le tenir, de le sentir contre lui. Il ne voulait pas de ce fossé entre eux, cette limite dans le lit. De cette frontière, si froide sous les draps…

Il sentit l'épaule bouger. Harry se retournait. Vers lui. De façon précipitée, presque douloureuse, Draco l'attira contre lui, tirant sur son épaule pour qu'il avance plus vite. Harry se blottit contre lui alors que le blond le serrait fort dans ses bras, faisant taire cette étrange angoisse qui lui étreignait le cœur. Il sentit la main de Harry se poser sur sa hanche, puis remonter le long de son dos. Leurs jambes s'emmêlèrent. Il entendit le brun pousser un léger soupir, protégé qu'il était par les bras de Draco qui ne le lâcherait pour rien au monde.

Draco put s'endormir, maintenant qu'il avait celui qu'il aimait contre lui, et non dans son dos, séparé par une dispute qui n'avait pas lieu d'être.

OoO

Ce fut le réveil qui le réveilla. Harry avait oublié de l'éteindre. Draco s'étira alors, montant presque sur le brun pour atteindre l'appareil et l'arrêter. Harry gémit et enfoui son visage dans son cou, comme s'il essayait de s'enfouir à nouveau dans le sommeil. Draco eut un léger sourire et il le serra contre son cœur, comme pour le protéger.

Il savait pourtant que Harry se réveillait. Il ne pourrait rattraper le sommeil, il ne lui restait plus qu'à attendre que ses pensées s'éclaircissent. Draco était prêt à attendre le temps qu'il faudrait, il se sentait bien avec Harry au creux de ses bras. Il se souvenait de cette étrange angoisse qui l'avait pris, dans la nuit, et qui l'avait forcé à attirer Harry contre lui. Il préférait ne pas penser à ça : leur dispute s'était envolée, elle n'existait plus que dans un passé lointain.

« Saleté de réveil… gémit Harry en s'écartant un peu de Draco, boudeur.

- C'est toi qui ne l'as pas éteint, répliqua Draco en mettant une de ses mèches sombres derrière son oreille.

- J'y aurais pensé si tu ne m'avais pas contrarié. »

Draco sentit quelque chose en lui se serrer, alors que Harry mettait sa main devant sa bouche pour bailler sans lui exposer ses amygdales. Le blond sentait que Harry ne lui en voulait plus, mais il y avait quelque chose dans sa façon de parler qui faisait culpabiliser Draco.

« Tu m'en veux encore pour hier ?

- Non.

- Menteur. »

Harry haussa les épaules : tant pis s'il ne le croyait pas. Il se tourna pour voir l'heure et poussa un soupir exaspéré. Mais Draco le tira par le bras et Harry l'interrogea du regard.

« Je ne comprends pas pourquoi tu t'es inquiété comme ça.

- Il aurait pu t'arriver n'importe quoi. Un accident de voiture, une mauvaise rencontre, j'en sais rien, moi ! Tu as dit que tu serais là pour le dîner et ton portable était éteint.

- Vous auriez pu manger sans moi…

- Ça se passe comme ça chez toi, peut-être, mais ici, c'est différent, répliqua Harry sur un ton agacé. Enfin, c'est pas grave, je vais pas en faire tout un plat. Je suis désolé pour hier.

- D'habitude, c'est toujours moi qui m'excuse, ça change…

- C'est pas moi qui suis en tord. »

Pas faux, pensa Draco, alors que Harry passait un doigt léger sur ses clavicules. Le blond lui promit qu'il appellerait la prochaine fois, mais Harry haussa les épaules en lui disant qu'il saurait à quoi s'en tenir, maintenant. Ne voulant pas s'appesantir là-dessus, Harry lui demanda néanmoins quel était cet ami qu'il avait rentré.

« Si ce n'est pas trop indiscret.

- Je n'ai rien à te cacher.

- On n'est pas marié, tu n'es pas obligé de me répondre. »

Aie. Ça faisait mal, ça. Draco n'aimait pas le regard de son petit ami posé vaguement sur cette clavicule qu'il effleurait du bout des doigts, comme si sa question le désintéressait.

« Une vieille connaissance, dont je n'ai pas eu de nouvelles depuis longtemps. Il m'a invité à dîner, j'ai accepté. Mais la conversation a vite dérivé. C'est pour ça que j'étais énervé, quand je suis rentré.

- Je sais. Tu l'as dit, hier. Il te parlait de quoi ?

- De ses affaires douteuses. Ça m'a mis en colère, il me proposait de me joindre à lui, de consommer ses drogues. Rien de bien important, un peu d'herbe, des joints. »

Il était déjà fatigué, l'énervement et sa dispute avec Harry lui avait juste donné envie de se coucher. Et aussi essayer de se réconcilier avec le brun, ce qui n'avait pas vraiment marché.

Soudain, Harry ferma les yeux. Il passa un bras autour de sa taille, sa main se faufilant dans son dos, puis il se blottit contre Draco, son visage caché contre son torse. Les paupières du blond s'abaissèrent à leur tour et il le serra contre lui, une de ses mains dans ses cheveux noirs. Il y eut un petit silence, pendant lequel tous deux savouraient la tendresse de ce moment, cette réconciliation en douceur.

« Un jour, tu m'as dit que tu n'aimais pas vraiment les câlins, dit Harry soudainement. Je t'en fais beaucoup, pourtant.

- Ce sont les tiens, donc ça ne me dérange pas.

- Même si c'est niais ? »

Pour toute réponse, Draco l'embrassa dans les cheveux. Harry leva un peu le visage et leurs lèvres se rencontrèrent chastement. Puis, il revint se nicher contre son amant, somnolant un petit peu.

OoO

Ils passèrent la matinée à ne rien faire. A part manger. Enfin, c'était surtout Harry qui mangeait, n'ayant rien avalé la veille. Isaline aussi avait faim : elle était partie se coucher juste après le retour de Draco, déjà parce qu'elle était énervée, et surtout parce qu'il n'y avait rien à la télé et elle n'était pas d'humeur à rester longtemps devant le poste comme une imbécile.

Draco proposa à Harry de sortir un peu, histoire de prendre l'air au lieu de rester enfermé chez lui, mais son petit ami ne semblait pas vraiment d'humeur à se balader dans le froid. Le blond décida donc de ne pas bouger non plus : si c'était pour se les geler dehors et s'ennuyer, autant qu'ils restent au chaud. Harry accueillit cette perspective avec plaisir : passer la journée tranquillement à la maison avec Draco lui convenait tout à fait.

Ils discutèrent beaucoup. Ils parlèrent des prises de sang. Draco ricana quand Harry lui avoua sa peur du sang, ou du moins quand il se trouvait dans les petits récipients des seringues. Nymph' l'avait accompagné et elle l'avait ramené chez lui en voiture. Pour Draco, au contraire, cela n'avait pas été difficile, les piqûres ne lui faisaient ni chaud ni froid.

Au début, Draco avait pensé que Harry refuserait cette prise de sang, même s'ils n'étaient pas allés jusqu'au bout, ils avaient quand même eu de sérieux attouchements. De plus, Draco s'était toujours protégé et Harry était vierge. Il était un peu tard pour s'inquiéter, mais Draco voulait absolument cette prise de sang, pour être certain qu'ils pourraient « le » faire sans utiliser de capote. Lui qui y était fidèle, il ne voulait pas utiliser ça pour sa première fois avec Harry. Par bonheur, le tatoueur n'avait pas vraiment fait de difficultés, même si ça ne l'emballait pas des masses.

Ensuite, ils discutèrent de Blaise et Luna. L'étudiant n'arrêtait pas de parler d'elle à Draco qui en venait presque à regretter la venue de l'anglaise à Paris. Apparemment, ils avaient une relation virtuelle des plus palpitantes, du moins pour Blaise, et ce dernier semblait être encore plus accro à la jeune fille. Si c'était possible… Harry trouvait Luna un peu bizarre, car elle se connectait un peu plus souvent et elle lui avait bien dit qu'elle parlait à Blaise régulièrement. Qu'il était gentil. Attentionné.

« Complètement accro, oui. Je ne l'ai jamais vu comme ça.

- C'est bon signe, non ? »

Draco estimait que oui, mais il ne savait pas si Blaise aurait le courage d'aller jusqu'au bout, il avait bien trop de doute, et le comportement de Luna n'arrangeait en rien l'affaire.

Ils en vinrent, pour une raison qu'ils ignoraient, à parler de Sirius et Severus. Les travaux dans leur maison avançaient à grand pas, Harry les aidait tous les jours après le travail et il y allait le lundi aussi. Le papier peint n'était pas encore fini mais les peintures étaient faites. Il restait encore la moquette et du parquet à poser, ainsi que du linoléum.

De plus, ils vivaient de sacrées histoires avec leur nouvelle pensionnaire, Saphira. Le labrador noir s'était bien adapté à sa vie dans la maison, chouchoutée par Sirius qui passait ses journées à la maison, entre les travaux et l'avancée de son nouveau roman. Elle passait son temps avec lui et il la mettait dehors quand elle avait besoin de s'ébattre. Elle ne serait pas malheureuse chez lui.

Cela dit, avec Severus, c'était un peu différent. Il était assez strict, il était hors de question que le chiot dorme sur leur lit ou qu'elle monte sur le canapé. Quand elle faisait ses besoins dans la maison, il lui mettait le nez carrément dedans. Cela la répugnait tellement qu'elle commençait à ne plus faire chez eux, attendant les sorties pour se soulager. Néanmoins, il semblait s'habituer à cette nouvelle présence, car même s'il était sévère avec la jeune chienne, Severus n'était pas aussi avare que ça en caresses et Saphira se mettait avec plaisir à ses pieds pour dormir, le suivant partout dans la maison quand il préparait le repas ou faisait du ménage. Au téléphone, Sirius lui avait dit qu'on dirait le bébé caneton suivant Maman canne, et vu le cri qu'il avait poussé ensuite, il s'était très certainement pris un coup sur la tête de la part de son cher et tendre…

« Quel couple étrange…

- Le cœur a des raisons que la raison ignore, énonça Harry d'un air philosophe. Enfin, je trouve qu'ils vont bien ensemble. On s'y fait, en fait. »

Harry n'avait pas trouvé de meilleur mot : on s'y faisait.

Ils passèrent donc la journée à ne rien faire. Draco trouvait ça reposant. Enfin, il n'aurait jamais eu l'idée de passer la journée à se tourner les pouces si Harry n'avait pas été là, car là était tout le charme de cette journée : il avait Harry dans ses bras, ce qui changeait grandement les choses. Enfin, le plus souvent, Draco était allongé sur le lit et Harry lui caressait les cheveux, ce qui avait pour effet de le détendre grandement.

Au bout d'un moment, Harry alluma l'ordinateur, pour voir s'il n'avait pas de messages et Cho se mit à lui parler activement sur MSN. S'ennuyant un peu, Draco fouilla parmi les DVD qui traînaient dans la chambre de Harry et trouva un coffret de Dr House. Draco regardait peu la télévision, il ne connaissait cette série que de nom. Il prit alors un DVD et le mit en route. Il se retrouva rapidement emporté par l'épisode et il chercha activement quelle était la maladie coupable. Harry fut rapidement déconnecté de sa conversation avec Cho et, au final, il se mit Hors Ligne pour ensuite s'installer dans le dos de Draco et regarder avec lui.

Draco n'avait jamais aimé passer ses journées à ne rien faire, jugeant cela comme une perte de temps. Les rares fois où cela se produisait, c'était quand il partait en vacances avec Blaise ou quand il passait du temps avec ses copines ou copains. Sauf que cela le lassait vite, il avait besoin de faire quelque chose, lire, étudier, se déplacer… besoin de s'activer un minimum, que ce soit ses jambes ou ses méninges. Il n'y avait que Blaise qui parvenait à chasser son ennui dans ce genre de moment. Seamus aussi, quand ils avaient été ensemble.

Avec Harry, c'était différent. Comme tout, d'ailleurs. Mais Draco aimait vraiment passer du temps, comme ça, avec son petit ami. Il commençait à comprendre ce que ressentaient les autres quand ils passaient leurs journées avec leurs petits amis, garçons ou filles, des week-ends entiers à ne rien faire, sauf profiter de la présence de l'autre. Sérieusement, Draco avait certainement mieux à faire que de regarder une série américaine, calé contre le torse de Harry et entre ses jambes. Sauf que, précisément, c'était ce que Draco aimait et ne voulait absolument pas quitter : la présence de son petit ami derrière et contre lui, sa main dans ses cheveux, son souffle contre sa joue et son autre main sur sa taille. Et Draco touchait machinalement le tissu de son jean, sans penser à ses études ou à d'autres choses s'y rapportant. C'était agréable. Ça changeait. Et il avait l'impression que son stress disparaissait, l'espace de quelques heures.

Vers quatre heures et demie, Liloute manifesta son envie de sortir et Harry se leva donc pour la promener. Draco éteignit le DVD pour l'accompagner, comme il l'avait déjà fait après manger et dans la matinée. Ils descendirent au rendez-de-chaussée, où ils mirent leurs chaussures et leur manteau. Ils entendaient Isaline dans le salon en train de parler au téléphone. Ça ne pouvait être que cela, car elle n'avait pas pour habitude de parler seule et elle aimait bien avoir son téléphone avec elle, le laissant charger la nuit.

Alors que Harry enfilait le harnais à Liloute, Draco sortit ses gants en cuir de sa poche, se préparant psychologiquement à affronter le froid à l'extérieur.

« Qu'est-ce qu'il fait froid, aujourd'hui…

- On est en hiver, Dray.

- Je sais, mais il fait vraiment froid. J'aurais dû prendre un manteau plus chaud. »

Harry se leva et tendit la laisse à Draco qui haussa un sourcil. Il vit Harry monter les escaliers quatre à quatre puis redescendre avec une écharpe longue et à larges rayures vertes et grises dans les mains. Le brun la lui enfila sans écouter les protestations de son petit ami, nouant l'écharpe autour de son cou.

« Je n'aime pas les écharpes !

- Tu verras, ça va te tenir chaud.

- La laine, ça gratte.

- Arrête de te plaindre… »

Acerbe, Draco lui répliqua que Harry, lui, ne l'écoutait pas quand il lui disait de s'habiller plus chaudement. Harry haussa les épaules et répliqua que, s'il retirait l'écharpe, il lui ferait du boudin. Avec un sourire en coin, le blond lui dit que ce ne serait pas une nouveauté. Harry ne prit même pas la peine de répondre. Néanmoins, Draco ne retira pas l'écharpe.

Ils sortirent de la maison : il faisait froid et pas très beau. Liloute portait un petit manteau pour chien mais elle n'avait pas chaud, cela se voyait à sa façon de se déplacer. L'un près de l'autre, les deux hommes marchèrent tranquillement dans la rue jusqu'à un petit parc où des enfants traînaient habituellement, mais pour des raisons évidentes, l'endroit était vide.

Le silence régnait dans le parc. Harry jetait de fréquents coups d'œil à Draco, qui semblait plongé dans ses pensées. Il le trouvait vraiment beau, avec son teint pâle, ses cheveux blonds et ses yeux bleu gris. L'écharpe épaisse et colorée enroulée autour de son cou lui allait plutôt bien. Harry ne put s'empêcher de rougir, sans vraiment savoir pourquoi.

« Dray ?

- Hm ?

- A quoi tu penses ? »

Il ne lui répondit pas tout de suite, encore dans ses pensées, la tête dans les nuages.

« Pas grand-chose. Juste que… j'ai l'impression de changer.

- De changer ? Répéta Harry, sans vraiment comprendre.

- Enfin, dans le fond, je n'ai pas changé. Mais… il y a des petites choses… »

Il avait toute l'attention de Harry. Draco poussa un soupir, un petit nuage de vapeur s'échappant de ses lèvres, avant de se lancer.

Il s'en rendait compte de plus en plus. Enfin, c'était plutôt sa mère qui avait remarqué les changements. Un jour, il l'avait emmenée quelque part, il ne savait plus exactement où, dans une boutique sûrement. Elle lui avait fait remarquer qu'il conduisait plus doucement que d'habitude. Draco avait ralenti sa conduite depuis qu'il fréquentait Harry et sa mère lui avait dit que c'était une bonne chose. Et Draco avait réfléchi, en se disant que, en effet, des choses avaient changé chez lui.

C'était surtout son comportement, en fait. Avec les autres et avec Harry. Il n'avait pas besoin de rentrer dans les détails concernant sa relation avec Harry, il agissait complètement différemment avec lui, supportant mal leurs disputes et son absence prolongée. Il bouleversait ses habitudes : appeler pour prévenir qu'il rentrerait tard, regarder une série américaine à demi allongé sur lui entre ses cuisses, l'embrasser ou le serrer dans ses bras à n'importe quel moment… il y avait une réelle complicité entre eux, ils se comprenaient plus ou moins mais ils arrivaient à se mettre d'accord.

Draco aimait Harry et passer du temps avec lui était tout simplement du bonheur. Un bonheur simple, certes, mais il ne se sentait pas forcé de le voir, ce n'était jamais quelque chose d'ennuyant, de barbant. C'était naturel de le voir, de passer du temps avec lui. Même leurs disputes lui semblaient normales, ça arrivait à n'importe quel couple.

A cause de ce rapprochement, Draco voyait ses relations avec les autres d'un autre œil. Blaise restait le crétin incorrigible dont il ne pourrait se passer, mais le blond accordait de moins en moins d'importance à ses autres connaissances, aux invitations qu'ils lui faisaient et à ce que les autres pensaient de lui. Tout cela l'indifférait, encore plus qu'avant… Et puis même, mis à part ça, il y avait d'autres choses qu'il voyait d'un autre œil. Il avait passé deux semaines chez Harry et Isaline, il avait moins cette vision de la facilité… un regard différent sur l'argent, il pouvait se payer des choses que Harry n'oserait même pas penser à acquérir… des choses comme ça…

« Et ça t'ennuie, d'avoir changé ?

- Non, pas vraiment. Mais ça me fait bizarre. Et de toute façon, tu ne peux pas avoir d'influence négative sur moi.

- J'espère que non. »

Harry lui fit un sourire et lui prit le bras. Draco le repoussa doucement pour lui prendre la main et la mettre dans sa poche, pour qu'il n'ait pas froid. Ils continuèrent leur promenade tranquillement, l'un contre l'autre, jusqu'à ce qu'il fasse trop froid pour qu'il reste plus longtemps à l'extérieur.

OoO

Harry était assis sur son lit, regardant Draco rassembler ses affaires. Il n'était pas loin d'être dix-neuf heures et il devait rentrer chez lui. Ça lui faisait bizarre de le voir à nouveau farfouiller dans sa chambre pour être sûr de n'avoir rien oublié. Une étrange impression de déjà-vu.

Cela ne le rendait pas spécialement heureux de le voir partir, mais en même temps, il avait passé un bon week-end avec lui. Certes, il ne l'avait pas vraiment vu samedi et ils s'étaient disputés le soir même. Dans le fond, ce n'était pas bien grave : ils s'étaient réconciliés rapidement. Ce n'était pas important.

« Je crois que je n'ai rien oublié.

- Au pire, je te rapporterai ce qui te manque. »

D'un autre côté, Draco n'avait pas amené grand-chose, sa trousse de toilette et de quoi se changer. Il y avait tout le confort chez Harry et, ayant passé déjà deux semaines chez lui, il ne répugnait plus à utiliser un savon qui n'était pas le sien ou leurs serviettes. Enfin, il avait pour habitude de n'utiliser que ses affaires, mais au bout de quelques jours, lors des fêtes, Draco avait laissé tomber cette règle qu'il avait toujours appliquée.

Draco posa son sac près de la porte et revint vers son petit ami. Il n'était pas encore l'heure de partir, il lui restait quelques minutes.

« Je pensais à quelque chose… Tu auras des vacances, en février ?

- Je peux en poser. Il me semble que Nymph' part la troisième semaine…

- Tu peux te libérer la deuxième semaine ?

- Pourquoi ? Tu veux qu'on parte quelque part ? »

Les yeux verts de Harry pétillaient, comme ceux d'un gosse à qui on promettait une sortie à Disneyland. Draco eut un sourire en coin qui fit rougir furieusement son petit ami.

« Tu as tout compris. Ça a l'air de te faire plaisir.

- Bah oui… »

On dirait vraiment un enfant, pensa Draco. Un rien lui faisait plaisir… En même temps, Draco aussi était content que Harry puisse se libérer. Il n'aimait pas vraiment voyager avec ses ex, il n'était parti qu'une seule fois avec Seamus le temps d'un week-end à Madrid, mais il avait eu du mal à tenir son petit ami qui voulait aller partout à la fois, ce qui avait tendance à épuiser Draco.

« Et tu voudrais aller où ?

- A Londres. »

Il vit son sourire se figer. Harry lui jeta un regard incertain, comme s'il n'était pas sûr d'avoir bien entendu, ou s'il voulait être certain que Draco était sérieux. Ce qui était le cas.

« Je sais que tu ne peux plus mettre les pieds à Londres, Harry, et je sais aussi pourquoi. Mais j'ai envie d'aller là-bas avec toi. »

Harry baissa les yeux et sembla réfléchir. Draco passa son bras autour de ses épaules, en un geste réconfortant, mais le brun restait perdu dans ses pensées. C'était peut-être trop rapide, trop soudain…

« Sinon, on peut aller autre part. Je ne sais, tu as une idée ? Dit-il d'une voix douce.

- Non. On va à Londres.

- Laisse tomber, je n'aurais pas dû te le proposer. Tu ne m'avais pas dit que tu aurais voulu aller en Italie ?

- Draco, il va bien falloir que j'aille à Londres un jour, soupira Harry d'un air las. J'ai jamais le courage, mais… je vais essayer. Et puis, j'ai envie d'aller voir mes parents. »

Draco réalisa alors que, en effet, ça faisait quatre ans que Harry vivait en France, et donc quatre ans qu'il n'était pas allé fleurir la tombe de ses parents décédés. C'était bien long…

« Je te propose qu'on achète les billets et, si vraiment tu ne veux pas y aller, on changera de destination. Ça te va ? »

Harry acquiesça d'un hochement de tête : c'était parfait. Il avait donc deux semaines pour se préparer. Draco lui dit qu'il s'occuperait de tout, que ce soit le trajet mais aussi l'hôtel. De suite, Harry l'arrêta : il avait un appartement vide à Londres où Isaline, Remus et Nymph' se rendaient quand ils allaient à Londres, ne pouvant accepter l'hospitalité de Regulus qui parvenait tout de même à avoir son frère chez lui. Ils iraient là-bas, faire les poussières ne prendrait pas bien longtemps.

Draco haussa un sourcil, plutôt étonné par la proposition. Il savait que Harry possédait des logements, de part son héritage, mais il ne savait pas qu'il en avait de libres, surtout qu'il n'allait jamais à Londres.

« Tu as beaucoup d'appartements vides, comme ça ?

- Non, je… »

Soudain, les joues de Harry s'embrasèrent. Gêné, il y posa ses mains et baissa les yeux, semblant se rendre compte d'un détail très compromettant. Draco se pencha vers lui, cherchant son regard, mais Harry gardait la tête baissée.

« Harry ? Un problème ? »

A mi-voix, il lui avoua que c'était dans cet appartement que ses parents vivaient avant leur mort. C'était pour ça qu'il l'avait gardé, sans le louer à personne, même s'il n'y avait jamais vraiment vécu. Draco sentit un sentiment étrange lui étreindre le cœur : il était à la fois surpris mais aussi touché que Harry accepte de l'emmener dans un endroit pareil. Car bien que Harry soit gêné, il n'avait, de toute évidence, aucune envie de changer de lieu de vacances…

Draco regarda sa montre : il devait partir où il ne serait pas à l'heure pour le dîner. Oui, il avait loupé le dîner de la veille chez Isaline, mais il devait absolument être chez lui pour souper car, sinon, sa mère lui ferait un cirque pas possible, en accusant Isaline de tous les maux possibles et inimaginables…

« Je dois y aller.

- D'accord. »

Draco planta un baiser sur ses lèvres, puis se leva pour récupérer son sac. Harry le suivit dans l'entrée afin de lui dire « au revoir ». Même Isaline leva ses royales fesses du canapé, où elle commençait à moisir à force de regarder des merdes à la télé. Draco mit ses pompes, enfila son manteau, puis monta dans voiture et rentra chez lui.

OoO

« Y'a qu'un cheveu sur la tête à Matthieu…

- Tata, tais-toi…

- Il n'y a qu'une dent, il n'y a qu'une dent…

- T'as pas d'autre chanson en tête ?

- J'ai bien envie de regarder Secret Story. Dommage, ça passe plus… Tu crois que je pourrais postuler ?

- Et pour quel secret ?

- Hm… tatoueuse ? Attireuse d'emmerdes ?

- T'as aucun style, surtout avec ta jambe dans le plâtre. »

Isaline grommela quelque chose d'incompréhensible et Harry crut qu'il allait enfin avoir la paix, mais c'était mal connaître sa tante, qui avait passé la journée devant la télé à ne rien faire et qui était en manque de papotages…

« Mon Ryry d'amour ? Fit-elle d'une voix innocente et douce. Tu pourras me rendre un tout petit service ?

- Dis toujours.

- Tu pourras aller à la Fnac et m'acheter la dernière saison de Lost ?

- T'as même pas regardé la saison 3… Soupira Harry, exaspéré.

- Pas grave ! Sérieux, je m'ennuie comme un rat crevé. Je vais regarder tous les Lost, j'ai un mois pour comprendre toutes les subtilités de l'histoire ! »

Ouais, vu comme ça…

Harry prit deux assiettes et deux verres, puis il les posa sur la table. Isaline suivait ses gestes des yeux en pensant déjà à sa journée du lendemain, qui serait ennuyante au possible. Sirius lui avait proposé de venir, même si lui et Harry faisaient des travaux, mais elle n'avait pas envie de rester dans son coin à attendre que le temps passe, regardant les minutes défiler et les garçons s'activer. Elle préférait encore regarder Lost et ses ours polaires…

« Au fait, tu discutais avec qui, quand on est allé promener Liloute ?

- Avec le toubib.

- Le toubib ? Fit Harry d'un air étonné.

- Je t'avais pas raconté ?? »

Harry secoua la tête : non, elle ne lui avait pas parlé d'un médecin. En tout cas, pas dernièrement. Il y avait bien le Dr Gobe-Planche, sa gynécologue, une femme aigre et vieille fille. Isaline ne l'aimait pas vraiment mais bon, comme elle disait, elle n'était pas loin de la ménopause. Vu comme ça… Ah, et il y avait aussi le charmant Dr Gellert Grindelwald, un vieil homme encore très séduisant qui terrorisait Harry avec ses sous-entendus, ses remarques, ses yeux scrutateurs et son sourire en coin, ironique. Un bel homme, certes. Mais assez flippant. Harry en était venu à changer de médecin, préférant le Dr Pomfresh. Isaline, par contre, adorait Grindelwald, il la faisait rire. Harry avait toujours eu du mal avec l'humour noir…

« C'est l'homme qui m'a soigné, à l'hôpital. »

Elle lui raconta ce qui s'y était passé, qu'il l'avait ramenée à ma maison et qu'elle lui avait laissé une carte du magasin qui traînait sur elle. Elle venait d'en recevoir et elle en avait laissé quelques unes dans sa poche de manteau. Elle pensait qu'il ne la rappellerait pas, mais quelques jours plus tard, elle recevait son appel. Il avait besoin de parler avec quelqu'un et il semblait apprécier sa conversation. Aussi, il ne la reverrait sans doute plus, donc… et il l'avait appelée à nouveau dans l'après-midi. Pas pour lui parler de ses problèmes, mais plutôt pour prendre de ses nouvelles, ce qui avait fait très plaisir à la tatoueuse.

Harry remuait les pommes de terre dans la casserole avec un léger sourire aux lèvres. Isaline savait très bien interpréter ce sourire, et une fois qu'elle eut terminé sa petite histoire, elle ne put s'empêcher de rougir, tout en tripotant le pendentif qu'il lui avait offert.

« Tu t'imagines des choses, Ryry.

- Il était beau, au moins ?

- Plutôt, oui. Et assez gentil. Mais c'est pas de mon âge, ça…

- Tata, tu n'es pas aussi vieille ! S'exclama Harry. Tu viens d'avoir quarante ans, et tu ne les fais pas d'ailleurs.

- Que je les fasse ou non, n'empêche que j'ai quarante piges, Ryry. Je vais pas me faire des films avec un toubib que je ne reverrai plus.

- J'ai l'impression d'entendre Luna…

- Sauf que Luna, elle a l'âge d'être ma fille. »

Harry ne répondit même pas. Il savait que c'était perdu d'avance : Isaline était complexée par son âge et ne croyait plus en l'amour. La vie avait fait qu'elle se retrouve célibataire à quarante ans, il ne lui restait plus qu'à assumer et vivre comme ça. Elle n'avait même pas envie de se chercher quelqu'un, alors qu'il y avait des sites de rencontres et tout un tas d'activités qui pourraient lui permettre de trouver son âme-sœur. Elle estimait que, si elle devait finir ses jours avec quelqu'un cela se ferait naturellement et non pas par l'intermédiaire d'un clavier et d'un écran.

Elle avait rencontré ce médecin lors d'une soirée et il l'avait rappelée. Il le ferait peut-être encore une ou deux fois. Et puis, il arrêterait. Il l'oublierait. Et il avait tout à fait raison.

OoO

Trois jours passèrent. Trois longues journées qui parurent interminables pour Draco et Harry.

D'un côté, Draco recevait les appels de Hermione, peu enjouée à l'idée de se rendre à cette fête d'anniversaire, bien que soulagée à l'idée que Ron ait finalement accepté de venir avec elle. Cormac ne serait peut-être pas content mais bon, c'était ça ou rien. Si vraiment il ne voulait que Ron rentre avec elle, alors Hermione s'en irait, tout simplement.

Draco n'était pas du tout enjoué à l'idée de se rendre à cette fête et Blaise ne faisait rien pour arranger son humeur. Il n'était évidemment pas convié. Cormac justifierait cela par un manque d'affinités, Draco qualifierait plutôt cela de racisme. Il n'était pourtant pas le genre de personne à avoir ce mot à la bouche, oubliant souvent que Blaise était métis, mais le blond connaissait parfaitement les convictions de cet abruti. C'était même un miracle qu'il accepte Draco à sa fête, étant donné qu'il sortait avec un homme. Blaise appelait ce miracle « Papa Malfoy » et il n'avait pas tout à fait tord…

De plus, Draco avait un sacré devoir à faire. Il avait donc fait une sorte de pause avec Harry, préférant se consacrer totalement à son travail et de pouvoir le voir ensuite. Il avait craint que Harry se vexe, mais le jeune homme n'avait montré aucun signe d'énervement ou d'exaspération, au contraire, il l'avait encouragé. Même si ça lui pesait un peu de ne pas le voir ni de l'appeler. Draco ne voulait pas être distrait par quoi que ce soit et le tatoueur acceptait son choix.

Ainsi, de l'autre côté, Harry s'ennuyait ferme. Il était allé au cinéma avec Ron et Théo voir un film de guerre où jouait Brad Pitt. Il avait passé une bonne soirée, entre Ron qui lui parlait de Hermione, de la fête à venir et de son chat bizarre, et Théo qui se plaignait de Seamus, de Dean qui appelait souvent à la maison et de son boulot au marché. Résultat, il avait passé une bonne soirée qui lui avait un peu fait oublier Draco et son silence de ces derniers jours.

Harry n'était pas malheureux, il n'avait aucune raison de l'être, mais Draco lui manquait. Ça faisait adolescent en manque d'amour, mais il avait besoin de discuter ne serait-ce que cinq minutes avec Draco, par MSN ou par téléphone tous les jours. Il n'aurait jamais pensé être aussi accro à lui, mais il s'était habitué à le voir régulièrement et il savait pertinemment que Draco en avait tout en autant besoin que lui.

Ainsi, quand l'étudiant débarqua chez lui à six heures et demie, sans prévenir, Harry ne fut nullement surpris. Ils ne devaient se voir que le lendemain, mais il semblerait que Draco ne soit pas capable d'attendre un jour de plus, ce qui ne pouvait que ravir le tatoueur. Il resta donc avec lui jusqu'à la fermeture du magasin. Ils allèrent promener Liloute ensemble et le blond resta dîner avec eux. De quoi recharger un peu les batteries.

OoO

Après une longue hésitation, il prit le combiné dans sa main. Il prit son portefeuille et sortit la carte de visite de la boutique de tatouage, glissée derrière sa carte bleue. Il composa le numéro et attendit, le cœur battant à la chamade.

On décrocha au bout de la troisième sonnerie.

« Allô ? »

Une voix d'homme. Sûrement son neveu qui vivait avec elle.

« Bonsoir, excusez-moi de vous déranger si tard. Isaline Anderson est ici ?

- Oui, ne quittez pas. »

Isaline Anderson. Un nom et un prénom qui résonnaient sans cesse dans son esprit. Il n'avait jamais entendu ce prénom auparavant, et c'était peut-être pour ça qu'il le retenait aussi bien.

« Allô ?

- Isaline Anderson ? C'est Rémi.

- Salut Docteur ! Ça va bien ?

- Très bien, et vous ?

- Ça fait plaisir à entendre. Moi, je m'en sors. »

Elle lui raconta qu'elle s'était mise à regarder la série Lost, qu'elle aimait bien le vieux chauve et le gros bonhomme, mais la nana et ses deux chéris lui tapaient sur le système. Rémi ne pouvait s'empêcher de rire : elle n'avait apparemment retenu aucun nom…

« Et vous, ça va votre famille ? Plus de soucis ?

- Il y en aura toujours, mais ça s'arrange. En fait, je vous appelle pour vous remercier de m'avoir remonté le moral. Ça vous dirait qu'on dîne ensemble, un soir ? »

Elle marqua un petit silence avant de répondre.

« Je vais vous faire honte avec mon pantalon trop grand et mon plâtre énorme…

- Vous exagérez. Ça me ferait plaisir. Mais je ne serais pas vexé si vous refusez…

- Refuser qu'on me paie le repas ? Vous rigolez ! »

Rémi ne put s'empêcher de sourire à cette réplique.

« Vous voulez aller dans un endroit précis ?

- N'importe où sauf dans un restaurant de fruits de mers.

- D'accord. Vous êtes libre, vendredi ?

- Je suis libre pendant un mois.

- Dans ce cas, je passerai chez vous vendredi vers six heures et demie. »

Isaline accepta, cela lui convenait à merveille.

OoO

Harry regarda l'heure : cinq heures. Son rendez-vous arrivait dans une quinzaine de minutes, il avait le temps de promener Liloute.

La petite chienne était dans son panier. Etant donné qu'elle traînait toujours dans la boutique pour ne pas rester seule, Isaline avait acheté un panier qu'elle avait mis dans un coin et Liloute s'y allongeait. C'était toujours mieux que de dormir par terre, et l'animal avait besoin d'être avec quelqu'un, d'où sa présence constante dans la boutique. Parfois, elle allait voir sa maîtresse dans le salon, comme pour lui tenir compagnie, mais il fallait croire qu'elle aimait entendre le bruit des conversations car elle ne quittait pas souvent son panier dans la boutique.

Harry se leva donc et se pencha pour prendre la petite chienne dans ses bras. Quand elle le vit, Liloute se mit de suite sur le ventre pour se faire câliner. Avec un sourire, Harry la prit dans ses bras et lui gratouilla le ventre tout en sortant de la boutique.

« Je vais la promener, à tout de suite !

- Okay, Ryry ! »

Le tatoueur déposa son léger fardeau par terre. Il mit ses Converse jaunes, et tendit le bras pour attraper le harnais. Alors qu'il l'enfilait autour de Liloute, Isaline sortit du salon.

« Tu devrais mettre une écharpe, il doit faire un froid de chien dehors.

- Justement, en parlant d'écharpe, tu ne sais pas où est celle verte et grise ? Demanda Harry en se levant. Je voulais la mettre ce matin.

- Bah la dernière fois que je l'ai vue, c'est Draco qui l'avait autour du cou. Tu te rappelles, mercredi ? Vous l'avez promenée ensemble.

- Tu crois qu'il l'a embarquée ? S'étonna Harry.

- Tu lui demanderas demain soir. Bon, je vais aux toilettes, moi. »

La seule chose qui était bien, c'était qu'elle pouvait aller aux toilettes toute seule. Encore heureux, déjà que c'était Harry qui la lavait… C'était frustrant de ne plus être autonome, Isaline se promit de faire un plus gros don cette année pour les handicapés. La seule chose qu'elle pouvait faire toute seule, c'était aller aux toilettes, Harry ne la laissant pas cuisiner…

Il partit avec Liloute et revint une dizaine de minutes plus tard. Isaline l'entendit revenir et la petite chienne courut dans le salon, toute heureuse d'être rentrée. Isaline la prit sur ses genoux et regarda l'heure : cinq heures douze.

En fait, elle était stressée. Elle sortait ce soir-là avec le toubib qui l'avait soignée. Bon, en soit, ce n'était pas quelque chose d'angoissant, elle ne s'imaginait rien et c'était une bonne soirée en perspective. Pourtant, Isaline ne pouvait s'empêcher de se demander comment ça allait se passer, étonnée que le médecin ait voulu l'inviter à dîner, ce qui était néanmoins plutôt gentil de sa part. Elle avait beau essayer de se détendre, ce n'était pas gagné…

Et Harry ne faisait rien pour alléger son stress : il n'arrêtait pas de lui dire qu'il était certain que ce toubib avait des idées derrière la tête. Nymph' disait qu'il se faisait des idées et il en était de même pour Sirius, mais Isaline ne se sentait pas vraiment soutenue, en fait : elle savait très bien que ces deux-là voyaient ce médecin come un possible prétendant qui osait poser ses yeux immondes sur leur maman. C'était pareil à chaque fois, qu'importe ses copains : seul Harry semblait posséder assez de maturité pour accepter ce nouveau mec dans leur vie, ce qui n'était pas le cas de son grand frère et de sa grande sœur qui refusaient de voir leur maman s'en aller avec un autre type. Hallucinant, quand on pensait que Harry avait vingt-et-un ans, Nymph' presque trente et Sirius quarante-et-un.

Allez, courage, Isaline…

OoO

Le rendez-vous était fixé à six heures trente, mais il était arrivé en avance. Il ne savait pas vraiment comme ça se faisait : Rémi connaissait à peine le chemin et il était parti un peu en retard de chez lui. C'était peut-être le stress qui faisait battre son cœur qui lui avait donné des ailes…

Il avait invité Isaline à dîner dans le simple but de la remercier, et aussi pour la distraire un peu. Certes, il la connaissait à peine, ils ne s'étaient parlés que trois ou quatre fois, mais Rémi aimait discuter avec cette inconnue et il pouvait bien la remercier : il avait l'impression que le poids qui pesait sur ses épaules s'était allégé. Isaline Anderson avait une façon réaliste et simple de voir les choses et Rémi, qui en avait assez de toutes ces disputes incessantes avec son ex-femme et son fils, avait décidé d'adopter son point de vue. Juste pour essayer. Et le résultat n'était pas si mauvais que ça…

Ainsi, Rémi attendait dans sa voiture qu'Isaline Anderson se montre. Dîner avec elle lui changerait un peu les idées et il avait bien envie d'en savoir un peu plus sur cette femme. Pour être tout à fait franc, elle l'intriguait. Il la revoyait encore à l'hôpital, calme et fatiguée, attendant son tour sans pleurer ou gémir. Elle était là parce qu'il fallait qu'elle soit là. Il voulait revoir son visage, se demandant comment elle vivait ce handicap temporaire.

Rémi Petit regarda l'heure sur le tableau de bord : dix-huit heures trente. Bon, il pouvait maintenant sortir de la voiture, ce qu'il fit rapidement. Il la verrouilla puis se dirigea vers la porte d'entrée et sonna. Quelques secondes plus tard, une clé tourna dans le verrou et la porte s'ouvrit.

Un jeune homme d'une vingtaine d'années se tenait dans l'encadrement de la porte. Il portait un vieux pantalon et un pull chaud mais un peu trop grand pour lui. Il avait un beau visage éclairé par des yeux verts intenses, des cheveux noirs parsemés de mèches pourpres et ses oreilles étaient percées. Un beau gars.

« Bonjour, je suis Rémi. Je viens chercher Isaline. »

Ses lèvres s'étirèrent en un léger sourire, alors que Rémi s'étonnait d'avoir une telle familiarité avec cette femme qu'il connaissait à peine. En même temps, l'appeler par son nom aurait fait bizarre…

« Je suis Harry, son neveu, dit-il en lui serrant la main. Je vais la chercher. Entrez, je vous en prie. »

Remi ne se fit pas prier, vu le froid qu'il faisait dehors. Il resta dans l'entrée alors que Harry disparaissait dans une pièce du couloir situé à sa droite. Rémi fut étonné par la politesse de ce jeune homme, son propre fils était loin d'être aussi distingué. Rémi se traita d'idiot : évidemment, il avait des préjugés sur les tatoueurs, il avait toujours regardé ces gens-là d'un œil méfiant et les rares tatoueurs qu'il avait rencontrés lui avaient fait mauvaise impression. Ce qui n'était pas du tout le cas d'Isaline et de ce jeune homme. Elle lui avait dit que son neveu travaillait avec elle.

Elle ne tarda pas à arriver. Ses cheveux bruns et blonds, un savant mélange de mèches, étaient négligemment rassemblés derrière sa nuque par une élastique. Elle portait un pull sombre et chaud ainsi qu'un pantalon très large, sans douteretenu par une ceinture, qui recouvrait totalement son plâtre. Isaline Anderson n'était pas spécialement élégante, loin de là même, mais Rémi la trouva très bien, vu son état.

« Bonsoir, Docteur. Désolée, je suis pas en élégante ce soir, j'ai mon plâtre et il fait trop froid.

- Aucun problème. »

Elle voulut retirer sa béquille pour lui serrer la main mais le jeune homme l'en empêcha : elle allait tomber ! Et Rémi lui dit de ne pas lâcher une béquille comme ça, si elle tombait à nouveau, elle serait dans de beaux draps…

« Ecoute un peu le Docteur… Soupira le tatoueur.

- J'ai l'âge d'être ta mère, je te signale, alors je sais ce que je peux faire ou non.

- L'âge n'est pas synonyme de maturité. »

Pour toute réponse, Isaline leva les yeux au ciel. Elle sautilla jusqu'à la porte d'entrée et Harry l'aida à mettre son manteau et enfila une chaussure à son pied non-blessé. Rémi les regarda faire avec une impression étrange : il lui semblait voir un fils qui s'occupait de sa mère, dans la douceur de ses gestes et dans son regard bienveillant. Et aussi dans ce baiser que le jeune homme déposa dans ses cheveux. Ils étaient vraiment beaux, tous les deux…

Enfin, ils sortirent de la maison. Rémi emmena Isaline près de la voiture et l'aida à s'installer dans le siège passager. Il déposa ses béquilles sur les sièges arrières, puis s'assit devant le volant et démarra la voiture.

Le chemin ne fut guère long. Rémi emmena sa patiente dans un restaurant assez discret qu'il aimait bien. Elle sembla le trouver à son goût. Elle sautilla jusqu'à la table que leur présenta un serveur et s'assit sur une chaise en soupirant.

Rémi passa une agréable soirée. Meilleure qu'il ne l'aurait pensée. Tout au long du repas, il découvrit Isaline Anderson, une femme étrange et assez intrigante. Il savait qu'elle était tatoueuse et ses préjugés ne pouvaient que lui sauter aux yeux, mais en un quart d'heure, Isaline détruisit tous les clichés qu'il avait des tatoueurs. En tout cas, elle se démarqua du lot.

Isaline ne parlait pas comme une racaille, utilisant un vocabulaire vulgaire ou incompréhensible pour lui. Elle avait de la conversation, Rémi pouvait lui parler de beaucoup de choses et elle avait une façon d'avouer son ignorance toute à fait charmante. Ce n'était pas le genre de personne qui se la racontait, elle assumait quand elle ne savait pas quelque chose et il ne ressentait pas d'hypocrisie en elle, ni de désir de séduction. Rémi pouvait lui parler de son célibat et de son fils sans craindre de remarque déplacée, elle vivait quasiment la même chose avec Harry.

Tout au long de la soirée, Rémi découvrit donc cette femme naturelle qui savait discuter et rire de tout. Si elle ne lui avait pas dit qu'elle était tatoueuse, il ne l'aurait jamais deviné. Il voyait bien qu'elle était intelligente, qu'elle avait de la réflexion, dans sa façon de lui parler ou d'argumenter. Peut-être avait-il trop de préjugés sur ce métier, mais ce qu'il découvrait en cette femme pourtant inconnue lui plaisait.

Il aimait la façon dont elle parlait de choses tellement vraies qu'il n'aurait jamais osé en parler à son entourage. Concernant les enfants, les temps qui changeaient, la vie seul, les rencontres sans lendemain… Les questions qu'on se posait quand les enfants grandissaient, quand leurs exigences changeaient, quand on approchait de la quarantaine… le genre de bêtises dont il ne parlait même pas avec sa femme, quand ils étaient encore ensemble.

« Enfin, vous n'êtes pas aussi vieille que ça. Vous avez quoi ? Trente-sept ans ? »

Elle eut un petit rire. Amusé. Ou ironique. Allez savoir…

« Je viens de fêter mes quarante ans. »

Sa tête devait vraiment être hilarante pour qu'elle rie come ça. Quarante ans. Elle ne les faisait pas. Ses yeux n'étaient pas ternes, ils pétillaient encore, et les petites rides qui apparaissaient sur son visage ne laissait pas entrevoir ce cap qu'elle venait pourtant de passer. A ses yeux, cette femme n'avait pas quarante ans. Ou, du moins, pas mentalement. Elle était plus jeune, plus vive. Elle était plus âgée que son ex-femme, pourtant, mais aux yeux du médecin, elle était dix fois plus jeune.

Et plus belle, aussi…

Ce qui l'étonnait grandement. Certes, il la connaissait très peu, mais le médecin se demandait de plus en plus comment elle avait pu finir seule. Il ne pouvait évidemment pas poser la question : cela ne le regardait pas et c'était impoli. Pourtant, il avait du mal à saisir.

Oh, ce n'était pas une femme parfaite, ni d'un point de vue physique ou moral. Elle avait des cheveux bruns parsemés de mèches blondes, encadrant son visage à peine maquillé. Elle avait un look d'un autre âge, qu'on avait entre vingt et trente ans, voire plus, mais pas quand on en avait quarante. Ses oreilles étaient percées de multiples fois, elle était sûrement tatouée de partout comme il avait pu le voir auparavant sur sa jambe. C'était une femme comme les autres.

Mais il la trouvait jolie. Avec ses yeux clairs et son visage souriant, elle était vraiment jolie. Quant à son caractère, il n'était pas vraiment mauvais, bien que ses crises de nerfs devaient être mémorables.

Autant être franc. Isaline Anderson était le genre de femmes qu'on voyait casée avec un mec et des gosses. Pas célibataire, avec son chien et son neveu. Le genre de maman canaille que le regard des autres indifférait.

Il resta sur cette pensée jusqu'à ce qu'il l'eut ramenée chez elle. Il avait passé une très bonne soirée en sa compagnie, Rémi se sentait détendu et prêt à reprendre le travail le lendemain. Isaline semblait avoir la pêche elle aussi, elle se mit même à chantonner dans la voiture. Elle ne s'arrêta que quand ils furent arrivés à la boutique. Quand Rémi fut garé, elle se mit à fouiller dans son sac à main à la recherche de ses clés.

« Mince, où je les ai mises…

- Harry n'est pas chez vous ?

- Non, au ciné avec une chinoise folle dingue. »

Résignée, elle se mit à sortir ses affaires de son sac qui semblait contenir toute sa baraque… Elle en sortit son portefeuille, un porte-clés en forme de chien, une petite voiture, sa bombe lacrymogène…

« Vous avez ça sur vous ?!

- Bah oui, répondit-elle avec évidence. J'ai la jambe cassée, je pourrais pas me défendre si on m'agresse. »

Puis elle trouva enfin ses clés. Elle fourra alors tout son petit bazar dans son sac à main et Rémi sortit pour récupérer ses béquilles et l'aider à se lever. Isaline l'embrassa sur les deux joues avant de lui souhaiter une bonne soirée et sortir du véhicule. Rémi la regarda sautiller jusqu'à sa porte, l'ouvrir puis disparaître dans sa maison, avec une sensation étrange au creux de l'estomac.

Etrange… mais agréable.


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !