Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si!

Couple : Harry / Draco.

Rating : M.

Bonsoir à tous !

Lys : Bonsoir ! Et oui, nous sommes toujours en vie !

Mais très fatiguées… Tout d'abord je voudrais m'excuser pour autant de retard mais j'étais fatiguée ces derniers temps, beaucoup de travail à la faculté et j'ai eu du mal à allier fiction et études, donc j'ai mis beaucoup de temps à écrire ce chapitre qui, j'espère, vous plaira. Le prochain chapitre mettra tout autant de temps à arriver étant donné que mes partiels arrivent à grands pas.

Lys : Nous sommes donc désolées pour le manque de régularité de cette fiction…

… Mais il se trouve que j'ai une vie à côté et voilà… Cela dit je ne vous oublie pas, loin de là, je pense à vous bien sûr.

Lys : Ainsi, voici ce nouveau chapitre tout chaud qui, nous l'espérons, répondra à vos attentes :). Je vous avertis cependant qu'il y a des passages qui n'ont pas été corrigés par mes beta, pour diverses raisons, mais qui le seront quand ma beta reviendra (c'est complexe cette histoire Oo).

Oui un peu XD. Donc, je remercie, pour ce chapitre, Lily Joke qui en a corrigé une bonne partie et Havirnyrce Vince qui en a corrigé une bonne partie aussi (merci de m'avoir sorti de la mouiiiiiise encore une fois XD). Je remercie aussi soizic qui a intérêt à écrire pour le concours de manyfic sinon la fiction va mal se terminer (vous voilà prévenus ! XD), Lady Rose qui me menace tout le temps (mais c'est pour la bonne cause), Drakky qui m'encourage aussi (même si elle n'est pas arrivée jusque là XD), Gevoel qui m'a fait un dessin, Jojo Aquarius qui lit toujours ma fic en avant première et enfin Enais66 qui me soutient encore et encore ^^.

Lys : Je crois qu'on a tout fait… Ah non, il y a aussi Olorin qui est en train de fonder le club « Théo et Seamus en force ! » auquel nous pensons beaucoup pour ses gentils messages de menaces, parmi tant d'autres…

Heu… D'ailleurs, en parlant de menace, je vais pas tarder à en recevoir, moi Oo.

Lys : … Genre dépôt de plainte ? XD

Ouais, voilà… T__T Sinon merci à tous de me laisser des reviews et ce depuis le début (Cléo McPhee, Talie Black… Tout tout plein de gens qui sont toujours là qui me font chaud au cœur à chaque fois qu'ils laissent des messages T__T et dont j'ai du mal à me souvenir parce qu'il esy 23h mais qui me font toujours très plaisir par leurs petites attentions T__T) et merci à ceux qui m'ont fait des dessins (qui seront sur mon blog dans la semaine, je m'en occupe !).

Bonne lecture !


Chapitre 27

La vie avait repris son cours, d'une certaine manière. Pour Harry, c'était comme s'il avait ralenti de façon terrible, voire même irréversible.

Revenue de l'hôpital, Isaline s'était effondrée sur son lit. Puis, elle s'était lavée et était descendue dans le salon où Harry regardait la télé. Ils dînèrent devant la télévision, regardant une merde qui passait par là, puis ils allèrent se coucher. Chacun dans leur lit. Harry ne trouva pas le sommeil et, une heure après s'être couché, il entendit des pas dans le couloir et la porte de sa chambre s'ouvrir. Puis, une couette qui se soulève et un corps chaud se blottir contre lui. il avait refermé ses bras sur sa tante, qui n'avait pas dormi de la nuit.

Le lendemain, Sirius arriva chez eux. Remus était allé le chercher à l'hôpital, lui proposant de venir vivre chez eux. Il se doutait que les choses ne seraient pas faciles entre lui et Severus, d'où sa proposition. Sirius avait accepté, ne sachant où aller. N'importe où, sauf chez lui. Il ne voulait pas voir Severus, ni cette maison. Il avait l'impression que quelque chose s'était brisé, en lui, et il n'était pas prêt à revoir son compagnon.

Il avait trop d'impact sur lui, trop d'influence. Et c'était mauvais, ça. C'était mauvais, parce qu'il suffisait d'un mot pour que Sirius veuille mettre fin à ses jours. Il ne voulait même pas savoir si Severus l'avait vraiment trompé ou quitté. En claquant la porte, même si c'était par pure colère, cela signifiait que c'était terminé. Que Severus en avait eu marre de lui, de son comportement, de son caractère. Et Sirius, qui avait mal, ne voulait pas penser à tout cela…

Ainsi, en sortant de l'hôpital, Sirius voulut voir Isaline. Pour lui demander pardon, encore une fois. Il s'en voulait comme jamais. Il en avait eu, pourtant, des occasions de maudire son existence. Mais là, c'était pire encore. Sous les effets de l'alcool, en l'entendant dire qu'elle était chez les parents de Rémi et qu'elle ne pouvait pas venir, il s'était senti abandonné. Comme si elle le remplaçait par un autre. L'alcool avait toujours eu des effets négatifs sur lui et il en était venu à tenter la Mort. Ce qui le blessait le plus, ce qui entraînait un remord sans nom et une honte inimaginable, c'était le fait qu'elle l'ait trouvé. Qu'elle l'ait vu dans cette baignoire pleine de sang, les veines ouvertes. Qu'elle ait essayé de le réanimer, de le réveiller… Et que, quelques heures plus tard, elle se retrouve au commissariat, pour y passer la nuit…

Ce n'était pas la prison. Même pas un avant-goût. Mais en l'imaginant derrière des barreaux, Sirius avait paniqué et piqué une formidable crise d'hystérie.

Elle ne méritait pas ça. Elle ne méritait pas de se retrouver derrière des barreaux alors qu'elle lui avait encore sauvé la vie. Elle ne méritait pas cette souffrance, cette peur, cette angoisse…

Il avait longtemps pleuré, dans son lit, se maudissant de la faire souffrir ainsi. Elle, et Harry, qui lui avait donné de son sang pour qu'il puisse survivre. Et Nymph' et Remus, aussi, l'une ayant passé des heures au commissariat en son rongeant les sangs et l'autre traînant dans l'hôpital pour savoir comment il allait. A se demander pourquoi ils étaient toujours là pour lui, pourquoi ils étaient toujours présents dans sa vie, au lieu de le rejeter, de lui cracher à la figure qu'ils en avaient assez de son comportement.

Chez Isaline, c'était Harry qui lui avait ouvert, le teint un peu pâle et des cernes sous les yeux. Aussitôt qu'il le vit, Harry lui sauta au cou et le serra fort dans ses bras, éclatant aussitôt en sanglots. Sirius tenta maladroitement de le calmer, lui chuchotant à l'oreille qu'il ne devrait pas être dans un état pareil à cause d'une ordure comme lui. Mais son filleul lui murmurait à l'oreille qu'il l'aimait, qu'il avait eu peur, que la vie ne serait pas pareille s'il n'était plus là… Que de mots d'amour qui firent monter les larmes aux yeux de l'écrivain, alors que dans ses bras fatigués, le corps du jeune homme tremblait, secoué par les sanglots.

Il repensa à l'enfant qu'il avait connu, ce gosse de dix ans qui souriait de toutes ses dents, son cartable sur le dos, quand il venait le chercher à l'école. A ce bébé qu'il avait tenu dans ses bras à sa naissance, ému comme jamais. A cet adolescent qui grattaient les cordes de sa guitare, ses yeux verts pétillants de malice.

Et à ce grand garçon qui avait failli perdre un père et un grand frère à la fois, un personnage central de sa vie.

Quand Harry fut calmé et qu'il eut séché ses larmes, Sirius entra avec Remus. Alors Isaline apparut, dans un peignoir trop grand, rose saumon. Elle paraissait encore plus fatiguée que Harry, n'ayant pas fermé l'œil de la nuit. Sans écouter un seul mot de Sirius, elle s'avança vers lui en tendant les bras comme une enfant quémandeuse de câlins. Elle l'avait pris dans ses bras et l'avait serré comme un nounours, avec douceur et tendresse.

Puis, elle lui avait glissé quelques mots à l'oreille.

« Tu pues le médicament. Va prendre une douche. »

Puis, elle était repartie dans le salon, où elle somnolait devant la télévision. Ébranlé, Sirius avait lancé un regard à Remus qui lui avait fait un léger sourire, et il avait argumenté : c'était vrai qu'il sentait mauvais.

Au final, Sirius était venu vivre chez eux. Cela faisait trois jours qu'il avait tenté de se suicider et il avait du mal à s'en remettre. Il ne passait pas une nuit en dehors du lit d'Isaline, où ils dormaient l'un contre l'autre. Harry savait qu'elle voulait qu'il soit là parce qu'elle avait peur qu'il fasse une bêtise autre part. Elle voulait le surveiller, être sûre qu'il aille bien, prendre soin de lui, pour qu'il ne refasse plus jamais ça…

Elle ne voulait plus jamais revivre ce genre de scène, plus jamais de sa vie. Elle ne voulait plus jamais revivre le moment où son cœur s'arrêtait de battre, quelques secondes à peine, avant que le plafond ne s'écroule sur sa tête et que ses jambes aient du mal à tenir droites. Plus jamais elle ne voulait voir de sang sur la céramique blanche d'une baignoire ni sur les poignets ouverts d'une personne. Plus jamais. De la vie.

Alors elle le voulait avec elle, même si elle savait qu'il ne courrait aucun danger chez Remus et Nymph'. Elle voulait le tenir dans ses bras et lui faire comprendre qu'elle lui en voulait à mort, qu'elle irait le chercher en Enfer si jamais il recommençait et qu'elle ne se louperait pas pour lui faire payer une bonne fois pour toutes les misères qu'il lui avait faites, mais qu'elle l'aimait malgré tout. Parce que c'était Sirius, son sale cabot à elle, son écrivain et son beau brun à elle.

L'amour, ça ne se contrôle pas. Et elle avait vécu trop de choses pour supporter son absence. Les reproches viendraient plus tard, d'abord il fallait le rassurer. Et se rassurer, aussi…

OoO

Le tatouage sur lequel il travaillait était somme toute assez banal : des cerises sur un mollet. Pourtant, il se sentait fatiguée. En effet, ils avaient enchaîné les rendez-vous, vu que la boutique avait été fermée le lendemain de la tentative de suicide de Sirius. Les clients s'étaient montrés tolérants mais il avait quand même bien fallu caser quelques heures pour eux dans leurs journées, ce qui n'était guère évident. Leurs pauses se trouvaient donc réduites, surtout qu'Isaline ne travaillait pas. Elle se sentait épuisée émotionnellement et n'avait pas envie de travailler, hormis quand il fallait faire des piercings : cela avait le mérite d'être assez rapide.

Dans le fond, Isaline ne s'était toujours pas remise de ce qu'elle avait vécu cette nuit-là et elle ne voulait voir personne. Ou plutôt elle ne voulait pas que quelqu'un la voie dans son état. C'était pour cette raison qu'elle avait ordonné à Harry et Nymph' de ne pas laisser Rémi entrer avant au moins une semaine.

Il était passé, pourtant. Plus d'une fois. Il répétait à Harry et Nymph' qu'il voulait voir Isaline, ne serait-ce que deux minutes. Mais ils étaient obligés de lui fermer la porte au nez, d'un air désolé. Isaline ne voulait personne chez elle, tant qu'elle n'était pas remise. Théo, Ron, Cho passèrent les uns après les autres, mais Harry dut secouer la tête : elle ne voulait pas.

Pourtant, Théo insista, très inquiet pour tous les deux. Même s'il passait son temps à taquiner Isaline, qui en faisait de même, c'était une femme importante pour lui, d'un point de vu sentimental. Elle avait été là pour lui faire la conduite accompagnée, elle était au garde-à-vous à chacun de ses anniversaires… Des petites attentions, toutes bêtes, aussi, qui lui allaient droit au cœur. Mais il ne put la voir, ni elle ni Sirius, qui était encore plus casanier qu'elle. Il aurait pourtant voulu lui parler, prendre de ses nouvelles, tout comme Molly et Arthur Weasley qui insistèrent lourdement pour les voir et les deux employés eurent un mal fou à les faire partir.

Toutes ces attentions, tous ces coups de téléphone, mails et textos étaient de bonnes intentions et les deux tatoueurs savaient que leurs malades étaient touchés par de telles pensées pour eux, mais cela les motivait encore moins à sortir.

Harry supportait mal cette situation. Tous les deux ne se lâchaient pas et faisaient peu de choses de leurs journées. Sirius n'allait pas bien, c'était visible, et ce pour tout un tas de raisons que Harry connaissait parfaitement. Quant à Isaline, elle était sur le qui-vive continuellement, incapable de se détendre vraiment, même quand elle dormait. Harry les voyait peu, faisant tourner la boutique et enchaînant les rendez-vous. Il se doutait que cela durerait bien une semaine, ou plutôt deux, voire même trois. Même si Isaline se remettait à travailler, pas sûr qu'elle soit motivée pour se charger des papiers.

Par chance, le week-end commencerait le soir-même. Il avait envie de se reposer et de se changer les idées. Lui aussi était affecté par tout ça, par cette soirée et cette nuit horribles qu'il avait passées. D'ailleurs, ses amis l'avaient bien enguirlandé pendant des heures parce qu'il n'avait appelé personne, en particulier Théo. Harry était toujours là quand il avait besoin de quelque chose, que ce soit un besoin de faire une pause et donc de dormir chez lui ou un simple problème de fuite d'eau. Et le fait qu'il ne l'ait même pas contacté le mettait dans une colère pas possible : non seulement il l'avait engueulé au téléphone, mais aussi de face et par Facebook… Au point que tout le monde se demanda pourquoi deux aussi bons amis se disputaient…

Bref. Harry s'était fait disputer par tout le monde, sauf Draco qui resta relativement silencieux par rapport à ça. Oh, il l'appelait tous les soirs, pour savoir comment il allait, lui et les deux autres, mais il ne faisait jamais référence à cette nuit qu'il avait passé seul. L'entendre lui faisait du bien, il lui changeait les idées à lui parler d'autre chose que de tatouages ou autres. D'ailleurs, il aurait bien voulu le voir, mais ce soir, il avait plus envie de dormir qu'autre chose.

Il termina le tatouage de cerise, assez simple, puis fit payer la cliente. Il était sept heures du soir, c'était la dernière personne qu'ils attendaient. Nymph' était en train de nettoyer le sol de la boutique et, une fois que Harry eut emmené la caisse dans la cave, où beaucoup de choses dans la boutique étaient rangées, comme l'encre ou les piercings, il remonta pour ranger les machines dans l'arrière-boutique, alors qu'Isaline préparait le dîner, en peignoir, Sirius près d'elle en train de lire un bouquin sur la table de la cuisine. Alors qu'il entrait dans l'arrière-boutique, il entendit des voix derrière la porte qu'il allait pousser. Il stoppa son geste, entendit la voix de Nymph', puis une autre plus masculine. Un léger sourire apparut sur ses lèvres et il ouvrit la porte.

De suite, ses yeux se posèrent sur Draco, son sac de cours sur l'épaule et les mains dans les poches. Quand il arriva, le blond lui fit un sourire séducteur et Harry eu comme un flash back : cela lui rappelait les premières fois où Draco avait franchi les portes vitrées de la boutique, sûr de lui et séducteur, dans le but de le conquérir. Sauf qu'il n'avait plus vraiment besoin de ça…

« Tiens Harry, ce client voulait te voir, mais il n'a pas pris rendez-vous, lui dit Nymph' avec un sourire.

- Et qu'est-ce que ce client voudrait ?

- Savoir si l'actuel gérant de cette boutique pourrait m'accorder un rendez-vous. »

Alors qu'il disait ces mots, Harry se rapprocha de lui et glissa ses bras autour de sa taille alors que le blond posait sa main sur sa nuque pour ensuite l'embrasser tendrement sur les lèvres. Puis, ils se séparèrent et Draco posa une main sur une de ses hanches, l'autre toujours dans ses cheveux.

« Tu es libre ce soir ?

- Je suis fatigué, répondit Harry, comme pour lui dire qu'il ne serait pas spécialement de bonne compagnie.

- On ne va pas faire tout Paris. Déjà dîner. Puis un ciné si tu en as envie. Sinon, je te ramène. »

Harry hocha la tête : cette proposition lui allait. Il l'embrassa une dernière fois avant de sortir de la boutique pour prendre son manteau. Quand il revint, lui et Draco aidèrent Nymph' à ranger la boutique, puis il sortit avec son petit ami. Il avait garé sa voiture juste devant l'entrée de la boutique, Harry s'assit sur le siège passager avec un léger soupir. Draco le rejoignit, s'installant derrière le volant, puis il démarra.

Il y eut un long silence, pas vraiment pesant, mais qui mettait Draco un peu mal-à-l'aise. Harry ne parlait pas, il regardait droit devant lui, le visage perdu, fatigué.

« Tu peux allumer la musique, si tu veux, proposa Draco en ralentissant.

- Oh non. J'ai trop entendu de bruit, aujourd'hui.

- Tu as vraiment l'air fatigué, remarqua-t-il tout en s'arrêtant à un feu.

- J'ai mal aux yeux, surtout. Et un peu à la tête. »

Harry retira ses lunettes et se massa les yeux, puis le front. Il lui faisait penser à un enfant, mais avec un visage plus adulte.

« Et puis je ne dors pas bien.

- Tu veux dormir chez moi, ce soir ?

- Non, c'est bon. T'es gentil. »

Harry lui fit un léger sourire. Le genre de sourire qui rappelait à Draco pourquoi il avait craqué pour lui. Pourquoi il avait autant été séduit par cet homme, si différent de lui d'un point de vue social ou financier, mais aussi concernant le caractère.

Ces récentes disputes leur avaient fait du mal, c'était vrai. Draco avait demandé une pause, afin de se remettre les idées en place et de se venger, d'une certaine façon. Mais il n'avait pas tenu et, quand il essaya de se rattraper, ce fut Harry qui demanda une pause, afin qu'ils réfléchissent vraiment. Mais aucun des deux ne tint.

Cependant, cela leur avait quand même servi de leçon. Alors qu'il le voyait ainsi dans sa voiture, un léger sourire aux lèvres et détendu, Draco se rappelait pourquoi il avait été charmé par ce tatoueur, pourquoi il avait ressenti un coup de foudre pareil pour lui. Et, tout en conduisant, il se disait que, si tout était à refaire, il ne changerait rien. Les disputes étaient un signe de mésentente, mais il y en avait dans tous les couples, et elles montraient qu'il y avait des problèmes à résoudre, des avis différents, une communication.

Et, dans le fond, il préférait se disputer avec Harry pour mieux le redécouvrir ensuite, lever la voix pour que tout s'arrange et comprendre ce qui lui avait vraiment plu chez lui, plutôt que laisser le temps faire les choses, les atténuer, puis détruire l'amour qui les liait.

Ça faisait du bien de retrouver leur complicité. Sa présence près de lui le détendait, lui faisait oublier la semaine qu'il venait de passer. Même le silence de la voiture lui paraissait agréable, à présent. Harry se reposait à côté de lui, les yeux à demi fermés.

Ils ne tardèrent pas à arriver dans un restaurant italien. La soirée fut agréable. Harry semblait fatigué, mais il souriait tout en lui parlant, riait parfois, passait un regard perdu sur les cartes, ne sachant quoi prendre, avant de jouer avec sa cuillère en attendant le dessert : deux boules de glace, qu'il mangeait comme un gamin. Quand le serveur apporta les desserts, Harry se jeta sur sa crème glacée.

« Tu n'es vraiment pas croyable, toi…

- Mange ta tarte aux pommes et laisse-moi tranquille, répliqua Harry, l'air vexé.

- Tu m'as manqué. »

Harry, sa cuillère argentée dans la bouche, leva ses yeux vert émeraude vers lui et le regarda intensément. Comme si, parce son simple regard, il lui répondait.

Toi aussi, tu m'as manqué.

Lentement, Draco prit la main libre de Harry et la porta à ses lèvres, ignorant les regards peut-être posés sur eux, baisant le dos de sa main légèrement. A peine un effleurement.

Ce geste alluma un feu dans le corps du tatoueur qui rougit, alors que son cœur cognait dans sa poitrine. Puis Draco lui jeta un regard de braise. Incendiaire. Celui d'un félin, qui aurait enfin trouvé sa proie.

Harry répondit à son regard. Plus passif. Avec une pointe de défi.

A cet instant-là, il sut qu'il ne rentrerait pas chez lui ce soir-là. Mais seulement le lendemain matin…

OoO

Encore une fois, le médecin passa chez eux. Nymph' et Remus étaient là : dans la nuit, Sirius avait fait une crise de nerfs et s'était enfilé une bouteille d'alcool, avant d'être arrêté par Isaline qui lui mit une baffe retentissante, ce qui le calma trop peu. Harry, réveillé par tout ce grabuge, se leva et vit sa tante et son parrain se disputer. Voyant cette bouteille traîner sur la table basse, un verre cassé sur le sol et ces deux personnes crier l'une sur l'autre, il se mit en colère et se disputa violemment avec son parrain. Ivre, ce dernier laissa passer des paroles qui dépassaient sa pensée. Il blessa donc son filleul qui s'enferma dans sa chambre jusqu'au lendemain à midi. Ce n'est qu'à ce moment-là que Harry voulut bien ouvrir sa porte à Sirius qui s'excusa, les genoux à terre.

En bas, Isaline préparait le déjeuner en compagnie de Nymph' et Remus qui avaient été alertés par la tatoueuse, qui ne savait plus quoi faire pour calmer Sirius et convaincre Harry d'ouvrir sa porte. Remus lui fit la réflexion que Harry était le portrait craché de sa tutrice : il était persuadé que le jeune homme avait autant tardé juste pour faire culpabiliser son parrain. Isaline avait préféré ne pas répondre.

Enfin bref. Rémi passa à nouveau ce jour-là, dans l'après-midi. Étant dans une tenue peu présentable, à savoir un vieux jogging et un pull trop grand, Isaline demanda à Nymph' d'aller voir qui c'était, mais de ne laisser entrer personne. La tatoueuse alla alors ouvrir, et découvrit à nouveau Rémi Petit sur le pas de la porte. Il lui sortit le discours habituel, les mêmes inquiétudes et le même désir de la voir, le même besoin de lui parler. Ne pouvant plus supporter son visage inquiet, ses yeux emplis de remords, Nymph' finit par fermer la porte pour converser avec lui dehors, de façon à ne pas être entendue.

Ainsi, postée sur le perron, Nymph' écouta le médecin lui dire qu'il s'en voulait terriblement d'avoir retenu Isaline, et son fils aussi. Il lui avait dit des choses blessantes, dans la vaine tentative de la faire rester, et le résultat était que son meilleur ami avait tenté la Mort. Il avait du mal à dormir, à rester concentrer sur son travail, ne sachant comment Isaline allait. Elle devait lui en vouloir à mort, c'était certain. Et il voulait essayer de se faire pardonner, lui faire comprendre qu'il voulait l'aider… qu'il était désolé…

Alors la tatoueuse soupira et lui fit un léger sourire.

« Rémi, arrêtez de vous prendre la tête avec tout ça. Isaline va bien. Enfin, elle a du mal à s'en remettre, mais elle va remonter la pente. Tout ce dont elle a besoin, c'est qu'on la laisse tranquille.

- Elle m'en veut et je…

- Isaline ne vous en veut pas. »

Rémi ne sut comment réagir à ces mots, alors que le sourire de Nymph' demeurait sur ses lèvres, aussi doux que son regard.

« Elle n'est pas comme ça, vous savez. Elle ne vous en veut pas, ni à votre fils, Allan. Ce n'est pas de votre faute, tout ça. »

Si, c'était de sa faute. C'était de sa faute si cet homme était passé à l'acte. Un homme avait failli mourir à cause de lui…

« Vous ne connaissez pas Sirius. C'est quelqu'un de bien, vous savez. Quelqu'un qui a beaucoup souffert dans sa vie, et qu'Isaline a toujours soutenu. Il ne peut pas vivre sans elle et il s'inquiète toujours quand elle fréquente quelqu'un. Vous n'êtes pas le premier qu'il teste, vous savez.

- Je…

- Votre réaction était normale et Isaline ne vous en veut pas du tout. Ni elle, ni personne. Elle est au-delà de ça.

- Pourtant, au commissariat… »

Elle avait repoussé sa main. Sans un regard pour lui, le visage fermé, cerné, elle avait repoussa la main tendre qui voulait toucher son épaule, avant de quitter le commissariat, le corps raide et tendu. Cette image l'avait bouleversé, celui d'une femme blessée qui, malgré tout, parvenait à avancer, à rester droite, malgré le choc.

« Vous savez, Remi, fit Nymph' tout en se frictionnant les épaules, Isaline se fiche pas mal des apparences. Avoir la jambe dans le plâtre ou se montrer à moitié nue devant nous ne lui pose aucun problème. Mais… Se montrer complètement décomposée, fatiguée, à deux doigts de s'écrouler, ça, c'est pas possible. Alors que c'est normal comme réaction, aussi, c'est normal qu'elle ne soit pas bien après ce qu'elle a vécu. Mais non. Elle ne veut pas se montrer dans un tel état. Ne croyez pas qu'on la voit beaucoup, elle passe son temps avec Sirius qui est dans le même état qu'elle, Harry les voit juste aux repas. Elle a toujours besoin de se montrer forte et en bonne santé. »

Avoir la jambe cassée, c'était quelque chose qui pouvait arriver et on ne pouvait pas faire grand-chose contre ça. Mais être dans un tel état de faiblesse la forçait à rester calfeutrée chez elle à attendre que ça passe, à attendre d'être enfin présentable.

« D'autres personnes sont venues lui rendre visite, mais elle ne veut voir personne. Et c'est pour ça qu'elle vous a repoussé : elle avait honte que le voyez dans un état pareil. Attendez qu'elle reprenne du poil de la bête et elle vous ouvrira sa porte avec plaisir.

- Ca ne me dérange pas de la voir faible, je veux l'aider, protesta Rémi. On ne peut pas la laisser comme ça, à se cacher chez elle. Ce n'est pas en attendant que…

- On n'a pas le choix. »

Le visage de Nymph' semblait s'être un peu assombri, surtout son regard, baissé vers un point invisible au sol.

« Elle ne veut pas, donc on ne fait pas. Vous savez… Isaline, c'est un peu comme notre maman. »

Elle leva le visage vers le médecin, ses yeux noisette rencontrant les siens. Il pouvait y voir une sorte de tendresse, pas dirigée vers lui, mais vers cette femme qui devait somnoler sur le canapé devant sa télévision.

« Moi… J'ai pas eu une belle vie. Enfin, j'ai vécu une période… très difficile. Où j'ai été seule, et personne ne m'aidait. J'ai fait des bêtises, et par chance, un homme a bien voulu de moi. Il a bien voulu m'épouser et me donner un enfant. Je suis heureuse, maintenant, mais c'est uniquement grâce à Isaline. Elle m'a donné un toit, de quoi manger, m'habiller… Un travail, et un honneur. Elle m'a tout donné. Et Harry… C'est son fils. C'est un orphelin, qui lui a donné beaucoup de soucis, mais qu'elle aime à la folie. Et Sirius… C'est encore autre chose. Mais quelque chose de fort les lie, tous les deux. Le même amour que vous devez éprouver pour votre sœur. »

Rémi ne sut pas quoi dire. Il comprenait de plus en plus qu'Isaline était une femme spéciale, qui savait rire et sourire, avec une mentalité qui lui permettait d'être complice avec un adolescent comme Allan, mais qui avait assez vécu, aussi, pour pouvoir discuter de problèmes graves, pour pouvoir gérer des situations où la panique était la seule voie envisageable.

« Revenez dans quelques jours. Et dites à votre fils de ne pas se prendre la tête. »

Rémi hocha la tête : il attendrait un peu. Au fond de lui-même, il était soulagé, même s'il ne l'aurait pas avoué ouvertement. Il embrassa les joues de Nymph' et s'en alla, après l'avoir remerciée.

OoO

La maison était vide. Et il avait l'impression que lui-même était vide.

Pourtant, la vie l'avait amené à toujours être seul, à aimer le silence et la tranquillité, cette intimité qu'il ne partageait avec personne. C'était ainsi, Severus Rogue était un homme solitaire qui n'avait besoin de personne. C'était sans doute parce que la vie n'avait pas toujours été tendre avec lui et qu'il avait été trop déçu pour envisager d'emprunter ce chemin basique, à savoir une vie harmonieuse en couple.

Ce chemin banal, il ne l'avait pris que lorsque Sirius se présenta à lui, un sale cabot qui envahissait son quotidien de façon plus ou moins agréable. un sale gamin qui lui avait pourri la vie, mais dont Severus était tombé secrètement amoureux. C'était peut-être à cause de cet amour manqué qu'il devint aussi solitaire, accordant peu de confiance aux hommes. Jusqu'à le retrouver. Jusqu'à découvrir l'homme aimant, attentionné et vivant qui se cachait derrière cette image de séducteur.

Dans le fond, Severus Rogue n'avait aimé qu'un seul homme dans sa vie, et il l'avait épousé. Enfin, pacsé, on disait. Mais la bague qu'il portait au doigt, cette maison qu'ils avaient achetée, c'était comme s'ils s'étaient mariés. Et malgré leurs disputes, leurs mésententes, Severus était fier d'avoir épousé Sirius, qui lui apportait chaque jour du bonheur.

Son orgueil les avait pourtant amenés à se séparer. Car telle était la situation actuelle : ils étaient séparés. Pas officiellement, pas pour longtemps. Mais ils ne vivaient plus ensemble. Sirius était parti chez Isaline, qui devait prendre soin de lui tout en essayant de se guérir elle-même, et Severus ne savait pas du tout quand est-ce qu'il reviendrait.

Il n'était jamais allé le voir. Il aurait pu. Mais le professeur préférait attendre un peu. Non pas qu'il ne voulait pas le voir, loin de là, mais il préférait lui laisser un peu de temps. La colère, la souffrance et la déception, voilà ce que Sirius devait ressentir en ce moment-même. Alors Severus attendait le moment où il pourrait enfin le voir.

Juste le voir. Regarder son visage, toucher ses joues, scruter ses yeux, pour être certain qu'il allait bien. Regarder ses poignets, aussi, ses poignets tailladés par des lames de rasoirs. Lui demander pardon, lui jurer qu'il ne recommencerait plus. Qu'il prendrait soin de lui, qu'il ne lui ferait plus jamais de mal…

S'il était honnête avec lui-même, Severus avouerait qu'il souffrait lui aussi. Il avait perdu tout goût à la vie, ses cours se déroulaient dans une ambiance tendue, il était exécrable autant avec ses élèves qu'avec ses collègues. Il avait même rembarré le jeune Draco Malfoy, qui ne sembla pas s'en formaliser. Il devait comprendre. En fait, Sirius lui manquait, à un point qu'il n'aurait jamais imaginé. Il avait besoin de lui, de sa présence, de sa voix, de son rire… Tout lui manquait. il y avait des pièces non terminées dans la maison, quelques meubles à monter… son ordinateur dans le bureau, où son roman stagnait… ses photos… leurs photos, où ils étaient tous les deux, si différents et ensemble pourtant…

Un soir, alors qu'il était déprimé, il prit toutes les bouteilles d'alcool rangées dans le meuble du salon et les avait jetées à la poubelle, se régalant du bruit du verre brisé qui s'entrechoque. Puis, il était monté et avait pris un roman au hasard parmi ceux que Sirius avait écrits et n'avait pu s'empêcher de verser une petite larme quand il lut le premier qu'il avait écrit en français, sorti quelques mois après leur mise en couple : c'était leur histoire. Il avait l'impression d'entendre Sirius quand il lisait ces mots, quand certaines de ses expressions lui sautaient aux yeux, quand il lui déclarait ses sentiments avec fougue… l'accident de voiture, leur premier rendez-vous, sa demande en mariage…

Severus se souvenait encore de la première fois où il avait tenu le livre : il avait haussé un sourcil et avait demandé bien gentiment à son compagnon qui était « cet homme disgracieux avec le nez de travers ». Sirius était devenu rouge pivoine et avait balbutié quelque chose d'incompréhensible. Rogue n'avait pas pris ça pour lui, car même si son nez n'était pas de travers, il n'était pas spécialement gracieux. Et il fallait dire que la vision transformée que Sirius avait de lui dans le livre était assez troublante… et il ricana quand il lut « le petit neveu binoclard » et « la folle-dingue aux cheveux fuchsia ».

Des souvenirs, tout ça… que des souvenirs… souvenir d'une vie où il était heureux et où il avait tout gâché. Il se sentait responsable de ce suicide, de la frénésie de ces mains qui cherchaient de quoi se trancher les poignets. Tout ça, c'était de sa faute, et c'était aussi pour cette raison qu'il restait chez lui à se lamenter : jamais il n'oserait regarder Sirius, l'homme qu'il aimait, dans les yeux après ce qu'il avait fait. Et comment réagirait Sirius, aussi ? Il avait besoin de réfléchir. Et qu'adviendrait-il, au bout de ses réflexions ? Demanderait-il une pause ? Severus n'en savait rien.

Et il avait peur. Peur que le seul homme qui avait su remuer quelque chose en lui le quitte. Car alors, sa vie aurait encore moins de sens qu'avant leur véritable rencontre…

OoO

« C'est vrai ?

- Oui, il l'a décidé aujourd'hui.

- Ça devrait lui faire du bien.

- Je sais pas… Tu sais, il a du mal à parler aux psychiatres, et généralement, il arrête au bout de deux ou trois séances…

- Peut-être qu'il fera un effort cette fois-ci. Il a quand même voulu se suicider et ça a chamboulé sa vie…

- Je sais… J'espère que ça va aller mieux.

- Harry, je ne sais vraiment pas quoi te dire…

- Rien que le fait de te parler me soulage. J'ose pas trop parler de ça à Draco, je lui ai bien assez pris la tête avec tout ça.

- Hey, en temps que petit ami, il doit être là pour te soutenir, vieux !

- Ron, à chaque fois que l'un de nous deux doit se faire consoler, ça tombe toujours sur moi. Je ne le console jamais, moi…

- Normal, c'est un type sans histoire. Il a pas de parrain qui sort de prison ni d'ex petit ami violent.

- Pas faux… D'ailleurs, en parlant de ça, comment ça va avec Hermione ?

- C'est de la folie ! Elle passe me voir presque tous les jours, elle est aux petits soins ! J'ai trop honte avec mon plâtre mais bon, au moins elle vient me voir et elle voit plus son ex. Il parait qu'il est rentré au pays.

- Alors, elle t'a trompé ?

- Lâche-moi la grappe avec ça, crétin ! Non elle ne m'a pas trompé ! Et arrête de rire, je t'entends !

- Et ta sœur, elle est toujours avec son mec ?

- Nan, ils ont cassé. Ça t'étonne ?

- Pas du tout.

- Je te laisse, Neville a fait sauter les plombs avec la machine à laver. A plus !

- A plus. »

OoO

Cela devait bien faire deux semaines qu'il n'avait pas vu Harry, et depuis que leur rendez-vous s'était conclu par un rejet du brun, Seamus ne se sentait pas très bien.

Oh, il s'en était remis. Ce n'était pas comme si Harry lui avait donné un quelconque espoir, dans le fond. Mais ça faisait toujours un peu mal car il éprouvait toujours des sentiments pour le brun, il avait toujours envie de le voir et même de l'embrasser. Mais il savait que ça tournerait très mal s'il retournait à la boutique, même si c'était juste pour lui dire bonjour. Et puis, il vivait actuellement un moment assez difficile avec la tentative de suicide de son parrain…

Seamus avait su accepter la situation, même si oublier Harry lui demanderait plus de temps, mais cela aurait pu être plus long que deux semaines si Théo n'avait pas été là. Car contrairement à ce qu'il aurait pu penser, Théo fut toujours présent pour lui, l'écoutant quand il avait vraiment besoin de parler, même s'il devait faire semblant par moments. Néanmoins, il était toujours là et le savoir près de lui le rassurait : il n'était pas seul. Surtout que Théo se montrait moins taquin que d'habitude, acceptant que Seamus se blottisse contre lui, même si ce dernier récoltait maints gémissements et plaintes d'un dégout non dissimulé. Avant qu'une main maladroite ne passe dans ses cheveux, apaisant le jeune homme tourmenté.

Il commençait donc doucement à s'en remettre mais il ne se sentait pas bien pour autant. Il se doutait qu'il avait dû faire de nombreux dommage dans le couple de Harry et Draco, et maintenant qu'il avait compris qu'il n'aurait jamais le brun, il regrettait son comportement. Jamais il n'aurait toléré qu'un élément extérieur à son couple vienne briser leur harmonie, donc la réaction de Draco à son encontre était compréhensible. Néanmoins, il aurait voulu lui demander pardon, s'excuser pour son comportement. Car Harry lui manquait, cette proximité qu'il avait eue avec lui, lui manquait.

Pendant ces deux semaines, Seamus avait bien réfléchi. Il s'était demandé ce qui lui plaisait vraiment chez Harry, hormis son physique, et il en avait conclu que, mis à part cela, il avait aimé chez lui ce côté ouvert et sympathique qui générait des amitiés. Seamus avait des copains, des petits copains, mais pas d'amis. Hormis Théo, qu'il considérait vraiment comme un ami. Et c'était cela qui lui manquait : cette proximité avec Harry, cette faculté qu'il avait de se lier d'amitié facilement, à plus ou moins long terme. Et maintenant qu'il l'avait définitivement perdu, l'irlandais se rendait compte du vide que cela créait en lui : Draco ne lui parlait plus ni ne le regardait, Blaise en faisait de même, et Seamus n'avait plus aucun contact avec Harry et son entourage. Il se retrouvait seul, comme un con.

Il ne restait plus que Théo. Oh, il y avait bien les gens de la fac, Dean était toujours sur son dos, mais Seamus ne voulait plus entendre parler de lui. Un soir, fatigué et mélancolique, Seamus avait accepté sa proposition et ils étaient allés dîner. Cela s'était terminé dans le lit de Dean, Seamus à moitié ivre. Le lendemain, dégoûté parce qu'il avait fait, il se calfeutra chez lui sans se rendre en cours, et il éclata en sanglots que Théo rentra de sa journée de travail. L'étudiant le traita de sale pédale en manque de cul, d'homme facile, qui s'envoyait en l'air avec le premier venu. Blessé et encore plus dégouté, Seamus s'enferma dans sa chambre toute la nuit, maudissant Théo et son manque de tolérance.

Le lendemain, Seamus se rendit en cours et évita Dean, puis il alla travailler, gardant les enfants dont il avait la charge tous les jours de la semaine hormis le lundi et le week-end. Il aurait préféré ne pas y aller mais il ne pouvait y échapper, cette mère de famille avait besoin de lui. Une fois son travail achevé, Seamus rentra chez lui et s'attendit à recevoir les remontrances ou du moins le regard froid de Théo, ou pire encore, son indifférence. Il ne lui en voulait même pas pour ce qu'il lui avait dit, car dans le fond, il n'avait pas tout à fait tord. Mais au contraire, Théo se montra attentionné envers lui. Il l'emmena dîner dans une pizzeria du coin, puis ils allèrent au cinéma regarder le film du moment. Pendant la projection, Seamus posa sa tête contre l'épaule de Théo qui lui caressa les cheveux. L'irlandais se sentit alors requinqué et soutenu.

C'était cela qu'il aimait chez Théo : sa franchise et sa maladresse quand il s'agissait de consoler les gens. Mais cela avait quelque chose d'attendrissant, Seamus ne se formalisait même plus de ses gémissements de dégoût quand il le calait contre lui. Car, si vraiment Théo ne supportait pas son contact, il l'aurait repoussé de façon bien plus violente. Mais Théo l'acceptait de plus en plus, c'en devenait même troublant. Surtout pour Seamus.

Pour lui, Théo incarnait l'image même du mec intouchable. Jamais Seamus ne pourrait être troublé par un garçon pareil, déjà par son caractère, mais aussi par son comportement à son égard. C'était comme tenter de draguer Blaise Zabini, en pire, car Théo se braquait et se montrait particulièrement désagréable, pour ne pas dire vulgaire. Et pourtant…

Et pourtant Seamus ne pouvait s'empêcher d'être troublé par son attitude. L'irlandais passait outre son physique, somme toute assez banal mais loin d'être désagréable, c'était plutôt ses gestes, sa façon de lui ébouriffer les cheveux, de lui parler avec franchise sans prendre de gants… Et puis Théo était proche de lui, il lui racontait des choses, lui parlait de son père, de sa mère décédée… Il y avait vraiment quelque chose de fort entre eux. De l'amitié. Et Seamus souhaitait que cela ne disparaisse jamais…

C'était à cela qu'il pensait, installé dans le canapé, en train de regarder la télévision, armé de la télécommande. Il zappait et resta sur une émission de TF1, La ferme célébrité. Il n'avait pas très faim et Théo rentrerait bientôt, donc il lui préparerait quelque chose de rapide si son ventre criait famine. A moins qu'il n'ait mangé dehors, ce qui était possible. L'irlandais s'allongea donc et put admirer un parfait exemple de la connerie humaine. Il était tellement abasourdi par toutes les bêtises que sortait Mickael Vendetta, l'un des candidats, qu'il continua à regarder, en se disant qu'il faudrait le payer pour adresser la parole à ce soi-disant « bo gosse ». Et il se demanda aussi quelles filles pouvaient être attirées par ce concentré d'égocentrisme, de narcissisme et d'hypocrisie.

Il était tellement passionné par ce qu'il regardait qu'il entendit à peine la porte d'entrée s'ouvrir. Ce fut seulement quand il entendit la voix de Théo qu'il réalisa qu'il était rentré. Le sourire aux lèvres, Seamus s'arracha à sa contemplation du poste de télévision pour traîner ses jolies fesses jusqu'à l'entrée. Et il resta là, statufié.

Théo était en train de retirer ses pompes et son manteau, et près de lui, se tenait une jeune femme brune qu'il ne connaissait pas, portant une jupe s'arrêtant aux genoux et des collants, ainsi qu'une veste ouverte sur son décolleté.

« Salut Seam', fit Théo en se redressant.

- Salut…

- Je te présente Veronica, ma petite amie. Vero, je te présente Seamus, mon colocataire.

- Seamus ? Quel nom bizarre, fit-elle avec un sourire charmant. Enchantée. »

Elle lui fit la bise et Seamus répondit, comme dans un état second. Il la regarda retirer son manteau et le tendre à Théo qui l'accrocha. Puis, elle lui dit qu'elle avait besoin de s'absenter quelques minutes, et elle entra dans le logement, sûrement pour aller aux toilettes. Quand il entendit la porte se refermer sur elle, Seamus ne put empêcher ces mots sortir de sa bouche.

« Mais c'est quoi, cette greluche ? »

Théo haussa un sourcil avant de les froncer, l'air mécontent.

« T'as un problème ?

- Théo, tu me déçois, là. Je pensais que tu avais de meilleurs goûts que ça.

- Toi aussi, tu me déçois. Je pensais que tu avais de meilleurs goûts en matière d'homme, car quand on voit Dean, on ne peut pas dire que ce soit un canon. »

Un point pour lui. Agacé, Théo alla dans la cuisine, sûrement pour préparer le repas. Seamus ne bougea pas. Une terrible jalousie monta dans son cœur et elle fut plus douloureuse encore quand Veronica revint dans l'entrée et chercha Théo, se faufilant contre lui. Le bras protecteur qu'il passa autour de sa taille et son baiser dans ses cheveux furent comme une aiguille plantée dans le cœur de Seamus. Ce dernier partit dans sa chambre et s'y enferma. Sans trop savoir pourquoi, le voir avec cette greluche le mettait dans une rage folle…

OoO

« Honnêtement, je ne vois pas ce que tu lui trouves.

- Mais qu'est-ce que je t'ai demandé ce que tu trouvais à ton mec, moi, quand t'es sorti avec ?

- A qui tu parles ?

- Dray, lâche-moi…

- C'est qui Dray ? Oh ! Ton mec ! Passe-le-moi ! Passe-le-moi !

- Roseline, je t'en prie…

- Mais passe-le moi ! Il est trop beau, je veux au moins lui parler deux minutes !

- Les plus beaux ne sont pas toujours les plus intelligents…

- C'est sûr, quand on te regarde…

- Bon, tu passeras le bonjour à ton père de notre part.

- Non, raccroche paaaas !

- A plus, bisous. »

Harry reposa le combiné sur le support et poussa un soupir à fendre l'âme. Avoir cette gamine au téléphone l'épuisait à chaque fois, et pourtant, cela n'arrivait pas si souvent, étant donné qu'elle parvenait à chopper Isaline à chaque fois qu'elle appelait pour prendre des nouvelles.

Draco, posté dans son dos, ses mains sur ses hanches, se demanda qui pouvait bien être cette Roseline. Il avait beau chercher, il ne voyait pas du tout qui pouvait être cette jeune fille, que Harry devait connaître assez bien pour lui avoir montré une de ses photos…

« Elle est épuisante…

- Qui est Roseline ? »

Harry tourna la tête, l'air étonné.

« Je ne t'ai jamais parlé d'elle ?

- Non, il ne me semble pas.

- C'est la demi-sœur de Tata. »

Draco eut l'air clairement surpris.

« Isaline a une sœur ?

- Une demi-sœur. Si tu me lâches, je te raconte tout. »

Draco le laissa de mauvaise grâce mais il voulait savoir toute l'histoire, donc il suivit Harry jusqu'à sa chambre. Son petit-ami lui raconta alors que la mère d'Isaline avait divorcé d'avec son mari sous la pression de sa fille, puis elle s'en était allée sans jamais donner de nouvelles. Jusqu'au jour où une gamine de douze ou treize ans, fatiguée et au bord du malaise, vint sonner à sa porte et lui demanda si elle était bien Isaline Anderson. Il s'avéra que la jeune fille n'avait pas mangé depuis deux jours, à moins que les quelques chips qu'elle grignota ici et là puissent compter pour un repas. Et une fois que l'adolescente fut rassasiée et confortablement installée dans le canapé, ils apprirent qu'elle était la demi-sœur d'Isaline.

Cette nouvelle ne fit ni chaud ni froid à la tatoueuse, qui dit à l'adolescente, appelée Roseline, qu'elle n'avait plus aucun contact avec sa mère, et que pour elle, c'était comme si elle n'avait jamais fait partie de sa vie. Ainsi, elle ne considérait pas cette gamine comme faisant partie de sa famille. Et Roseline eut beau gueuler qu'elle était sa demi-sœur et qu'elle devait l'aider, Isaline n'abdiqua pas : cette fille était une parfaite inconnue pour elle.

Pourtant, Isaline la laissa vivre chez elle le temps de la convaincre de contacter ses parents. Son père et sa mère divorçaient, l'un ruiné par l'autre qui exigeait la garde de sa fille et une pension alimentaire astronomique. Elle parvint à calmer l'adolescente rebelle qui réclamait sans cesse de l'attention, se faisant tripoter les cheveux par Nymph', jouant à la console avec Harry, chantant avec Sirius ou se réfugiant dans les bras d'Isaline dès que cette dernière posait les fesses quelque part.

Finalement, Isaline finit par s'adoucir et accepter cette enfant près d'elle, cette enfant née d'une autre union, de celle d'une femme qu'elle détestait et d'un homme inconnu. Une enfant qui avait douze ou treize ans, alors qu'elle avait un peu plus de trente-cinq ans. Née parce que sa mère voulait une bague et un certificat de mariage. Qui manquait d'amour autant qu'Isaline elle-même en avait manqué, ou peut-être plus même, puisqu'elle était allée jusqu'à traverser la Grande-Bretagne pour trouver une femme qu'elle ne connaissait pas et qui avait l'âge d'être sa mère. Et qui à présent se blottissait contre elle, comme si elle le faisait depuis des années.

Quelques temps plus tard, Roseline dut rentrer chez elle. La petite famille la regarda partir, le cœur gros, et Isaline fut d'humeur noire pendant une bonne semaine. Sa mère et le père de Roseline divorcèrent et l'adolescente resta avec ce dernier. Elle ne manqua pas d'appeler régulièrement sa demi-sœur et de passer quelques semaines, pendant les vacances, avec elle. Le seul souci était que son père voyageait beaucoup, et elle était actuellement au Brésil, ce qui réduisait grandement ses chances de venir les voir…

« J'en reviens pas, fit Draco alors que son petit ami supprimait les textos de son téléphone portable. Isaline a une demi-sœur qui a… quoi… vingt ans de différence avec elle ?

- Un peu plus. En même temps, sa mère l'a eu quand elle avait à peu près quarante ans, ça va vite, et elle a eu Tata très jeune.

- C'est étonnant qu'Isaline ait repoussé Roseline…

- Elle savait que sa mère viendrait la voir un jour ou l'autre, le coupa Harry en posant son téléphone. Et Tata ne peut pas la voir. Et puis… c'est vrai que Roseline était une étrangère pour elle. Mais tu connais Tata, elle tombe facilement amoureuse, et elle s'inquiète rapidement si Roseline ne l'appelle pas au moins deux fois dans le mois.

- Et elle ressemble à quoi cette fille ? »

Harry s'assit devant son ordinateur, dont il bougea la souris pour interrompre l'état de veille de l'engin, tandis que le blond se levait pour se poster derrière lui. Il rentra son mot de passe et alors apparurent les raccourcis du bureau ainsi que le fond d'écran, soulignés en bas par la barre de tâches. Quand il vit la photographie sur l'écran, Draco esquissa un léger sourire et se pencha vers le cou de Harry. Il embrassa la peau fine tandis que le brun rougissait : il avait choisi une photo d'eux deux, assis dans un canapé, à l'anniversaire de Ron et Théo.

« C'est cliché, tu sais ? Souffla Draco à l'oreille de Harry, ce qui le fit frissonner.

- J'y peux rien si tu es beau dessus… »

Les lèvres de Draco dérivèrent à nouveau sur son cou, effleurant sa peau. Harry cliqua pour ouvrir le dossier des photos, mais il abandonna, les mains de Draco ayant commencé à masser ses épaules.

« Tu es en manque d'amour, toi…

- C'est mal ?

- Tu veux rester dormir, ce soir ?

- Toi aussi tu es en manque d'amour…

- En manque de toi. »

Nuance…

Harry chercha une photo de Roseline tandis que son petit ami enlaçait son cou avec ses bras, posant sa tête contre la sienne. Finalement, il ouvrit un fichier et une image apparut. A droite se trouvait Isaline, vêtue d'un pull bleu roi, ses cheveux blonds et bruns nattés sur son épaule. Et à ses côtés se trouvait une adolescente aux cheveux châtains. Elle ressemblait beaucoup à son aînée, à se demander si elles n'étaient pas mères et filles. Le même sourire, les mêmes yeux rieurs, la même forme du visage… Harry fit défiler d'autres photos, où on pouvait voir la jeune fille tenir la main d'Isaline, leurs doigts enlacés, ou perchée sur le dos de Harry, hilare, ou encore en train de manger une glace avec Teddy sur les genoux.

« On voit l'air de famille.

- Roseline est un peu plus délurée que Tata. Elle est adorable comme gamine. Alors, tu restes dormir ?

- Si tu m'accompagnes demain matin chez moi pour prendre mes affaires de cours et si tu m'emmènes ensuite à la fac… »

Soudain, Harry tourna la tête vers lui et l'embrassa. Tendrement, Draco répondit à son baiser, plongeant sa langue dans sa bouche quand le brun entrouvrit les lèvres, l'invitant à un baiser bien moins chaste…

OoO

Cela faisait un bon bout de temps qu'il traînait chez Isaline, et au fur et à mesure des jours, il s'était remis de sa tentative de suicide. Oh, tout n'était pas réglé évidemment : Sirius faisait des cauchemars, il continuait à dormir dans le lit d'Isaline qui le tenait dans ses bras comme un nounours, et son moral n'était guère joyeux. Cela dit, il sentait qu'il remontait doucement la pente. Il commençait à faire autre chose que feignanter dans le canapé. Il s'était remis à écrire, aussi. Des choses tristes. Très tristes mêmes. Qui l'avaient fait pleurer par moments. Mais qui avaient le don de le soulager.

Aussi, Sirius commençait à reparler à Harry et Nymph'. Avant, il se cachait, les fuyant autant que possible, mais de plus en plus, il éprouvait le besoin de les voir, de leur parler. Et ne pas s'enfermer dans le salon pour éviter de dires des bêtises et de les blesser sans le vouloir. La veille, Draco était resté dormir et sa présence fut comme une bouffée d'air frais dans la maison. A croire qu'elle revivait. Ses taquineries auprès de Harry et les rougeurs de ce dernier sur ses joues parvinrent à faire rire Sirius et sourire Isaline, qui elle aussi reprenait du poil de la bête. Elle sortait de son antre pour faire des piercings, mais jamais les tatouages, remettant toujours à plus tard ses rendez-vous qui s'accumulaient et finissaient pas être repris par ses deux employés.

Deux employés qui semblaient revivre, eux aussi. L'ambiance s'améliorait, Nymph' semblait aller mieux. Elle avait été très inquiète pour Isaline, son état laissant à désirer, et aussi pour Sirius, qui se sentait mal dans sa peau. Remus aussi semblait soulagé, passant tous les jours prendre de leurs nouvelles, surtout de Sirius, le serrant fréquemment dans ses bras et ayant de longues discussions avec lui. C'était d'ailleurs lui qui l'avaient convaincu à se rendre chez un psychologue.

Ah, le psychologue… songea Sirius en se servant un verre de sirop de fraise. Il commençait déjà à en avoir marre. Pourtant, il s'était fixé l'objectif d'y aller régulièrement et de s'ouvrir à cette personne extérieure à son environnement. Isaline aussi avait pris rendez-vous, afin de se débarrasser de tout ce qu'elle avait sur le cœur, conseillée par Remus. Mais elle avait déjà abandonné. Malgré les arguments de sa famille, elle ne mit pas les pieds plus d'une fois chez le psychologue, affirmant que ça ne la soulageait pas.

Pourtant Remus, la voix de la sagesse, lui avait expliqué qu'il fallait y aller souvent pour que cela fasse réellement effet et ne pas y aller une fois seulement, cela ne servait absolument à rien. Alors Isaline avait utilisé un argument en béton : ayant du mal à dormir, elle avait pris les drogues que ce psychologue lui avait données pour qu'elle se sente mieux et elle s'était sentit encore plus mal que d'habitude. Remus avait tenté de lui faire comprendre qu'elle n'était pas obligée de prendre des antidépresseurs si elle jugeait que cela ne servait à rien, la tatoueuse répliqua qu'elle vivait comme ça depuis des années et raconter sa vie à un bonhomme sorti tout droit de la fac ne lui procurerait pas plus de bien-être, elle préférait encore jouer au dada avec son filleul.

Sachant pertinemment qu'il n'obtiendrait rien de plus de cette forte tête, Remus s'attaqua à Sirius qui se retrouva obligé de se rendre chez sa psychologue, une certaine Hestia Jones, qui lui recommanda aussi des antidépresseurs que Sirius prit deux fois avant de tout jeter à la poubelle : il était déjà alcoolique, il n'allait pas non plus sombrer là-dedans. Et il voulait être fort. Se prouver qu'il était fort. Même si quelque chose était détraqué en lui.

Cela dit, ces séances chez la psychologue ne lui firent pas tellement de bien. Il y allait quand même, pour se donner bonne conscience, à reculons. Isaline l'emmenait dans sa voiture le plus souvent, ou alors Harry avec sa moto. Il espérait aller mieux après. Même s'il pensait qu'il était trop tard. Et que tout ça était inutile…

On sonna à la porte. Étonné, Sirius se demanda qui pouvait sonner à cette heure-ci, vu que la boutique était ouverte. Il avait entendu quelques minutes auparavant le bruit caractéristique d'un piercing douloureux, certainement l'œuvre de Nymph', Harry s'étant spécialisé dernièrement dans les tatouages, ne touchant que peu aux pistolets.

Sirius posa son verre et sortit de la cuisine. Tout en marchant dans l'entrée, il se regarda rapidement et se trouva une allure vraiment débraillée : il portait un jogging bleu foncé, un pull noir et il était pieds nus. Il savait qu'il avait maigri, aussi. Rien de bien joli…

L'écrivain ouvrit la porte d'entrée et tomba sur le médecin Rémi Petit. Ce dernier lui fit un léger sourire et lui dit « bonjour ». Gêné, Sirius lui rendit la pareille, ne sachant que dire à cet homme qu'il avait toujours rejeté par égoïsme et peur, ne sachant s'il l'écarterait d'Isaline ou s'il lui ferait du mal, comme les autres types qu'elle avait fréquentés dans sa vie.

« Vous allez bien ?

- On fait aller… Mais entrez, entrez ! »

Remi entra donc tandis que Sirius refermait la porte derrière lui.

« Isaline est en train de faire une sieste, elle m'a dit de la réveiller à quatre heures. Vous voulez un café en attendant ? »

Rémi regarda sa montre, voyant qu'il lui faudrait attendre une demi-heure, et il accepta volontiers. Il retira ses chaussures et son manteau avant de suivre l'écrivain dans la cuisine, où ce dernier prépara du café dans la cafetière Senseo offerte à Noël, un appareil qu'Isaline utilisait peu, préférant son café à elle tandis que Nymph' aimait le goût noisette de certaines dosettes. Enfin, Sirius posa les tasses sur la table et s'assit.

« Vous avez l'air d'aller mieux.

- On fait aller. Disons que j'ai été mieux, dans ma vie.

- Vous êtes allé voir un psychologue ?

- Oui. Mais je ne me sens pas spécialement mieux. »

Et il était vrai qu'il avait l'air fatigué, songea Rémi en le regardant se masser le front. C'était étrange de le voir ainsi, habillé avec moins d'élégance, le visage un peu amaigri, ses cheveux d'un noir ébène à peine noués par un élastique. Et c'était tout aussi étrange de lui parler avec tant de facilité, à cet homme qui se montrait si hypocritement enjoué en sa présence, le sourire éclatant et le regard pénétrant…

« Je sais que ça va prendre plus de temps, mais ce n'est pas la première fois que j'essaies d'aller voir un psy'. Ça ne marche jamais.

- Qu'est-ce qui vous a poussé à faire ça ? »

C'était indiscret. Terriblement indiscret. Et si Sirius lui avait dit que cela ne le regardait pas avec agressivité, Rémi n'aurait pas réagi, car ce qui s'était passé ce soir-là ne le regardait aucunement, et il se sentait toujours aussi coupable d'avoir retenu Isaline au lieu de l'avoir laissée partir.

Pourtant, Sirius leva les yeux et le regarda pensivement, sans se sentir attaqué ou mal. Il eut un sourire triste et baissa les yeux vers sa tasse qu'il faisait rouler dans ses mains, faisant un peu de bruit avec la table au contact de la céramique.

« J'étais mal dans ma peau. Ce n'est pas la première fois. la raison est assez stupide : je soupçonnais mon compagnon de me tromper et j'avais bu. On s'est disputé et il est parti a après avoir laissé entendre que c'était effectivement le cas. Alors j'ai appelé Isaline. »

Un appel au secours. La seule personne qu'il pouvait appeler, qui gardait don téléphone portable systématiquement sur elle et allumé.

« Au téléphone, elle m'a dit qu'elle ne pouvait pas venir, parce qu'elle était chez vos parents. ça peut vous paraître absurde, mais je me suis senti abandonné. Je pensais qu'elle ne viendrait vraiment pas. alors je… voilà, quoi. »

Ses yeux brillaient étrangement, comme s'il allait pleurer. Sauf que Sirius avait appris à contenir ses larmes, à ne pas les laisser couler sur ses joues. Il en avait trop versées, beaucoup trop…

« Mais… Fit Rémi sans comprendre. C'était peut-être faux, cette réaction…

- … était trop excessive, je l'admets. Quand j'y pense aujourd'hui, je le regrette à un point que vous ne pouvez même pas vous imaginer. Imposer une telle chose à Isaline, à Harry, ma famille… mais surtout à elle… »

Pourquoi lui racontait-il ça ? Pourquoi lui montrait-il son visage si triste, pourquoi lui dévoilait-il cette histoire ? Parce que Rémi comptait beaucoup pour Isaline, parce qu'il était encore là à essayer de l'aider sans pouvoir l'atteindre, parce qu'il avait un regard doux, tolérant, qui tentait de comprendre sans parvenir à saisir tout l'histoire.

Sirius leva les yeux vers lui et le regarda franchement, un léger sourire aux lèvres.

« Vous n'avez pas choisi la plus facile. En soi, Isaline n'est spécialement embêtante, bien au contraire. C'est plutôt sa famille.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ? S'étonna Rémi, en buvant une gorgée de café.

- Vous savez, Rémi… Isaline n'a pas de famille. Sa mère vit à Londres et Isaline l'a rayée de sa vie, et son père est mort il y a longtemps. Alors, elle s'est constituée une famille avec des bras-cassés. Il y a d'abord eu Harry, le fils de mon meilleur ami, puis Nymph'…

- Justement, je me posais une question, le coupa Rémi, les sourcils froncés. Pourquoi vous n'avez pas récupéré Harry, si vous êtes son parrain ? Pourquoi vous l'avez laissé chez des gens qui ne l'aimaient pas, pour ensuite vivre avec Isaline ? »

Question bête. Qu'il n'avait jamais osé poser à la tatoueuse, qui dormait à l'étage. De façon soudaine, Rémi vit avec stupeur le visage de Sirius pâlir et prendre un air mélancolique. Son regard se teinta de tristesse et, aussitôt, le médecin s'en voulu d'avoir posé une telle question à un homme qui venait de tenter de mettre fin à ses jours.

« Excusez-moi, Sirius, oubliez ma question…

- Mon meilleur ami est mort quand Harry avait un an dans un accident de voiture. »

Il allait se promener en ville, avec sa femme et son fils. Sirius les avait regardé partir, étant passé chez eux leur rapporter une grande assiette que Lily avait emmenée chez lui, la dernière fois, avec un gros gâteau dessus. James était élégant, il voulait offrir le restaurant à son épouse, qui avait enfilé une robe à fleurs pour l'occasion, tenant son fils dans ses bras, un petit garçon avec une salopette en jean.

Elle portait une robe à fleurs. Une robe jaune pâle, avec des fleurs roses et violettes. Ses cheveux roux cascadaient dans son dos. Roux. Presque rouges. Comme le sang qui tacha le tissu, qui se rependit dans sa chevelure, quand…

« Quelqu'un avait trafiqué le véhicule, et ils moururent tous les deux. Le destin voulut que Harry survive, avec une simple cicatrice à la tête. »

James si beau dans ses vêtements simples mais élégants qui mettaient son corps en valeur, et sa femme belle comme le jour qui riait avec le petit Harry dans ses bras Un couple, qui d'un instant à l'autre, passa de vie à trépas… laissant un bébé geindre sur la banquette arrière, du sang sur le visage, les corps désarticulés de ses parents immobiles à l'avant, parmi les éclats de verre…

« Vous pouvez pas savoir ce que ça fait de savoir que votre meilleur ami et sa femme, les personnes que vous considérez comme votre frère et votre sœur, plus que ça même, disparaissent du jour au lendemain. Même pas… en l'espace de quelques heures. »

Le sol qui s'ouvre sous ses pieds, le plafond qui s'effondre sur sa tête… Son corps qui tombe par terre, ses jambes ne pouvant le soutenir, son âme qui hurle comme un loup à la lune toute la souffrance qui étreint son cœur… L'envie de sauter par la fenêtre, de courir partout, de se pincer jusqu'au sang pour être sûr que ce n'est pas un rêve… Les larmes qui coulent sur ses joues, ses mains qui tremblent…

Et les cercueils… Cercueils en bois, qui s'avancent tranquillement le long des allées du cimetière… Sa crise d'hystérie quand il veut ouvrir ces boites pour être sûr que ce ne sont pas eux qui sont dedans, pour prouver que tout cela n'est qu'un cauchemar, et des mains qui lui tiennent les épaules, qui le retiennent…

Un cauchemar… un mauvais rêve qui va se terminer bientôt…

« Les enquêteurs ont cherché le coupable. J'étais le meurtrier parfait : sur le testament, mes amis avaient marqué que, en temps que parrain, j'aurais la garde de leur fils, que j'étais chargé de m'occuper de leurs biens, et dans le cas échéant, ce serait à Isaline ou un autre ami de la famille de le faire. D'une certaine façon, moi qui n'avait plus rien, j'héritais de tout.

- Ne me dites pas que…

- J'ai passé sept ans de ma vie en prison pour un crime que je n'avais pas commis. »

Les policiers qui viennent le chercher chez lui, les menottes autour de ses poignets, son incompréhension… Harry qui pleurniche dans son parc… Et les tribunaux, la prison… le visage d'Isaline, ses yeux humides et ses mains chaudes dans les siennes… la fatigue sur les traits de Remus, le rouge dans ses yeux, ses lèvres qui tremblent et ses mains qui serrent les siennes à les briser…

Les pleurs de Sirius, sa colère, sa souffrance, son désespoir… Arraché à l'enfant miraculé, à tout ce qui lui restait, encore dans le deuil de ses amis disparus… et personne qui ne l'entend, qui le comprend… tous qui le regardent comme un meurtrier, comme un salopard…

Sept années de vide. Comme s'il avait été dans le coma. Sept années où il était mort, et dont il était sorti détruit…

Près de lui, Rémi l'écoutait, cachant avec mal sa stupeur et cette pitié qui lui étreignait le cœur. Il comprenait beaucoup de choses, maintenant…

« Quand je suis sorti… Isaline et Remus sont venus me chercher, puis il est rentré à Paris, il avait de gros soucis à régler. Isaline m'a emmené chez elle. J'avais l'impression de revivre, et en même temps, j'étais terrifié. La ville, les gens, la voiture… L'idée que j'allais revoir Harry… Tout ça, ça me faisait peur, vous ne pouvez même pas vous imaginer. »

Sirius se souviendrait toujours du moment où il était entré dans la maison, et qu'une petite voix fluette demandait, du haut des escaliers : « Tata, t'es rentrée ? ». Il se rappellerait toujours de l'enfant maigre aux cheveux noirs ébouriffés, les yeux verts pétillants, qui dévalait ces escaliers, du haut de ses neuf ans.

Il avait tant pleuré, ce jour-là. Sirius l'avait saisi au vol et l'avait serré fort dans ses bras, touchant le corps frêle, ses cheveux, embrassant sa tête, son front, ses joues, des larmes dévalant ses joues sans qu'il ne puisse les retenir. Et ses jambes sous lui l'avaient lâché, il était tombé à genoux, tenant l'enfant dans ses bras, murmurant son nom comme une litanie…

« C'était l'un des plus beaux jours de ma vie. Quand j'ai eu Harry dans mes bras… J'avais l'impression de revivre, et en même temps… Les jours qui ont passé ont été catastrophiques, pour pas mal de raisons, mais notamment parce que j'ai sombré dans l'alcoolisme. Et je n'ai jamais arrêté de boire. Oh, je ne suis pas bourré du matin au soir, à peine un ou deux verres de vin par jour, mais j'ai continué à avoir cet automatisme de me servir de l'alcool pour oublier ou pallier mes soucis, comme je l'ai fait il y a quelques semaines. J'en ai fait voir des vertes et des pas mûres à Isaline, croyez-moi. Elle n'a pas eu de chance avec moi. Mais elle a toujours été là. Elle ne m'a jamais abandonné. »

Jamais. Alors qu'elle aurait dû lui claquer la porte du nez, l'insulter, le secouer jusqu'à ce qu'il se résonne et cesse de faire des bêtises.

« C'est une brave fille. Elle en fait plus pour les autres que pour elle-même, et c'est pour ça qu'elle est seule : elle nous a toujours privilégié. Surtout Harry. Pendant des années, elle a vécu à travers lui. C'est comme son fils, vous savez. »

Sirius leva ses yeux humides de chien battu vers le médecin. Il avait le visage si doux, si tendre…

« Pour ça que je me méfiais de vous, j'avais peur que vous lui fassiez du mal. On l'aime, cette femme, parce qu'elle est toujours là pour nous. J'ai fait une grosse connerie, et elle est toujours là. Essayez de la rendre heureuse, Rémi. Nous, on n'y arrive pas.

- Vous la rendez heureuse, ça se voit…

- Oui, mais c'est différent. Et elle en a vu de toutes les couleurs, croyez-moi. Je ne suis pas quelqu'un de bien.

- Je suis persuadé que si, répliqua Rémi avec franchise. Elle ne vous aurait pas aidé, sinon. Vous avez un lourd passé… Je ne dirais pas que c'est normal d'avoir ce genre de comportement, mais… ça s'explique. Et ce n'est pas comme si vous ne le regrettiez pas. Vous ne jouez pas de ça.

- Non, c'est certain… »

Ils parlèrent encore, pendant ce qu'il leur sembla être des heures. Rémi était en train de découvrir qui était Sirius Black, cet homme qu'Isaline chérissait comme un frère, qu'elle avait vu aux portes de la mort et qu'elle avait sauvé avant de se retrouver accusée de tentative d'assassinat, masquée en suicide. Il découvrit un autre homme, qui n'avait rien de personnel contre Rémi, qui savait se montre autrement qu'hypocrite. Un homme intéressant, qui avait de la culture et de la répartie, de l'humour aussi… quelque chose d'attachant, de complice…

Plus ils parlaient, et plus Rémi avait l'impression de voir le visage de Sirius s'illuminer. Ses yeux noirs pétillaient, sa bouche s'ourlait en un beau sourire et il semblait moins fatigué et mélancolique, mais au contraire plus vivant. Discrètement, Rémi regardait ses poignets et il aperçut un morceau de bande blanche qui devait masquer ses cicatrices. Sirius touchait nerveusement ses poignets, une sorte de tic. Qui finirait bien par disparaître.

Puis Sirius avisa l'heure et dit à Rémi qu'il pouvait monter réveiller Isaline. Le médecin protesta vivement, les rouges écarlates : elle n'apprécierait sûrement pas qu'il monte la réveiller, déjà qu'elle ne voulait pas le voir… Mais l'écrivain réplique que, au contraire, elle resterait cloitrée dans sa chambre si elle savait qu'il était là. Rémi se laissa donc convaincre par Sirius et monta à l'étage, empli d'appréhension. Tout était silencieux, il n'entendait que vaguement le bruit émit par la boutique au rez-de-chaussée. Le médecin passa la porte que Sirius lui avait indiqué et entra dans la chambre, désireux de voir celle dont il était tombé amoureux.

Et elle dormait dans son lit, recouverte d'une couette épaisse, le visage paisible, assombri par les rideaux tirés sur les fenêtres. Rémi s'avança à pas de velours jusqu'au lit où il s'assit doucement, pour ne pas faire de bruit, puis il secoua doucement l'épaule d'Isaline pour la réveiller. Alors que la tatoueuse remuait dans ses draps, l'homme caressa ses cheveux tendrement.

Isaline se réveilla et ouvrit les yeux. La première chose qu'elle vit, ce fut le visage anxieux de Rémi, qui esquissa un léger sourire. Elle préféra ne pas se demander ce qu'il faisait là, il lui avait manqué, et elle repoussa cet élan de lucidité qui lui disait qu'il ne devait pas la voir dans cet état-là, enveloppé dans un peignoir à même son lit, le visage encore un peu fatigué. Le médecin se pencha vers elle pour l'embrasser sur le front et la tatoueuse posa ses mains sur ses épaules pour l'attirer contre elle et le serrer dans ses bras dans une tendre étreinte, à laquelle Rémi Petit répondit avec plaisir.

Il lui murmura à l'oreille qu'il était désolé. Elle lui répondit qu'il lui avait manqué. Et il s'embrassèrent, comme pour clore la discussion.

OoO

« Espèce de salaud.

- Moi, un salaud ?

- T'aurais pas pu attendre que je me réveille ? Il pouvait bien attendre deux minutes…

- Oh, ne me dis pas que ça ne t'a pas plu, je ne te croirais pas.

- C'est pas une raison…

- Elle rougit ! Harry, apporte l'appareil photo, elle rougit !

- Sirius, espèce de sale clébard… »

OoO

Assis devant son ordinateur à pianoter sur son clavier, Blaise entendit à peine sa mère l'appeler, concentré qu'il était sur son travail. Il avait un devoir à faire et avait pris l'habitude de tout rendre dactylographié, car c'était plus lisible et plus simple à corriger qu'un nombre incalculable de copies manuscrites. Il y avait d'autres avantages bien sûr, mais c'était notamment pour cela qu'il faisait ses devoirs ainsi, tout comme Draco d'ailleurs.

Ainsi, Blaise écrivait à toute allure, ses doigts volants sur les touches noires de son clavier, alors que ses yeux suivaient les lignes noires de petites lettres sans vraiment faire attention à ce qui l'entourait. Il fallut que sa mère toque à la porte pour qu'il sorte de son petit nuage et lui grogne d'entrer.

« Blaise, je te dérange ? »

Pour une fois qu'il était bien concentré et à fond dans son travail, il fallait que sa mère vienne le déranger. Et elle avait cette sale manie dernièrement à venir de plus en plus le voir pour des motifs plus ou moins futiles. Il tourna la tête vers elle et l'interrogea du regard, les doigts presque tremblants tant il ne voulait pas perdre le fil de son travail.

« Une certaine Luna est au téléphone, en bas. »

Aussitôt, toute sa motivation et son ardeur au travail s'effondrèrent. Sans un mot de plus, il ferma son fichier Word et sortit de sa chambre sans un regard de plus pour sa mère qui souriait d'amusement. Blaise dévala les escaliers et arriva dans le salon. Il prit le combiné du téléphone posé à côté du support et le porta à son oreille.

« Allo ?

- Bonjour Blaise. Je te dérange ?

- Non, pas du tout. »

Comment pourrait-elle le déranger ? Cela lui faisait tellement de bien de l'entendre… Il lui demanda pourquoi elle avait appelé directement chez lui, elle n'avait pas vraiment cette habitude, et elle répondit que son téléphone portable était éteint. Blaise se dit qu'il n'avait pas dû l'entendre vibrer ou alors il était effectivement éteint.

« Tu vas bien ?

- Des nargoles se baladent autour de ma tête et mon papa est poursuivi pas un troll. Mais sinon ça va.

- Prends quelque chose et ça va passer. Qu'est-ce qui est arrivé à ton père ? Il a un problème ?

- Problèmes d'argent je crois. Je vais peut-être déménager.

- Pardon ? »

Luna lui expliqua dans son langage à elle qu'elle n'avait pas les moyens de payer le loyer de cet appartement et que, si son père avait des problèmes d'argent, elle devrait s'en aller et se trouver un studio où elle vivrait seule et qu'elle pourrait louer avec son petit salaire. Harry lui avait proposé son aide, il louait un studio à une jeune étudiante qui lui paraissait assez clean, Isaline l'ayant rencontrée, et elle pourrait peut-être accepter une collocation.

« Enfin, ce n'est pas pour maintenant, je te le dirai.

- Loony, tu ne veux pas venir à Paris ? Ce serait tellement plus simple, tu sais…

- Mais j'ai mon travail ici et mon école, je ne peux pas m'en aller.

- Ton travail, on peut en trouver un autre ici, tu parles assez bien le français. Et…

- Je ne peux pas, Blaise. J'ai pas de sous. Il me faudrait une corne de ronflack cornu pour pouvoir payer un loyer à Paris, et je n'ai même pas une mornille dans mon porte-monnaie. Tout juste de qui acheter un sachet de pâtes.

- Luna, je t'assure qu'on peut trouver un arrangement…

- Harry va m'aider, ne t'inquiète pas. »

Qu'il ne s'inquiète pas… Elle était gentille, elle, mais comment pouvait-il rester serein ? Il avait besoin de la voir. Il avait besoin de la savoir près de lui, de pouvoir la rencontrer sans avoir besoin de planifier cela des semaines à l'avance, il avait besoin de temps pour la séduire, la faire rêver et lui montrer autre chose qu'un étudiant en médecine qui avait même besoin de bosser le week-end…

Il avait besoin de la tenir dans ses bras plus que deux jours, aller la chercher à son travail, l'emmener dîner, l'accompagner dans les boutiques… ou simplement rester sur son lit à ne rien faire, somnolant à demi, tandis qu'elle griffonnait sur un calepin à toute allure…

« J'ai besoin de te voir davantage qu'une fois toutes les deux semaines, Loony. Je vais pas tenir des années comme ça, moi… »

Soudain, il réalisa la portée de ses paroles.

« Ne m'attends pas, alors, répliqua-t-elle. Tu n'as rien à gagner avec moi.

- C'est pas ce que je voulais dire…

- Je vais te laisser, je dois préparer à manger…

- Non Luna ! S'écria Blaise. Tu ne raccroches pas ! Écoute, tu sais que je tiens à toi et que je t'aime, mais j'ai besoin de te voir davantage. Essaie de comprendre, je ne te dis pas que je vais te laisser tomber, loin de là, je veux juste que tu comprennes que j'ai besoin de t'avoir près de moi, pour tout un tas de raisons…

- Mais je ne peux pas m'en aller. Papa a besoin de moi. Et qui va arroser les fleurs des parents de Harry ? Et celles de ma maman ? Et puis, le journal a besoin de moi, je… »

Blaise l'écoutait parler. Elle n'était pas prête à quitter son pays, ses repères. Ici, à Paris, tout était différent. Il comprit soudainement qu'elle ne voulait pas s'en aller à cause de ces changements, et notamment parce qu'ils sortaient ensemble. Luna avait du mal à s'y faire, elle était toute timide dans ses bras, quand il l'embrassait tendrement sur les lèvres ou quand il lui tenait la main dans la rue. Blaise avait la sensation qu'elle pensait ne pas le mériter, qu'elle devait rêver, et qu'il la quitterait un jour au l'autre. Tant de dénigrement et de timidité aurait pu lasser Blaise, s'il n'était pas irrémédiablement amoureux de cette fille un peu étrange qui parvenait à le faire rêver, par sa douceur, sa timidité et sa grande lucidité par moments qui le laissait pantois.

« Luna, la coupa-t-il soudainement. Je t'aime et tu le sais. J'attendrai le temps qu'il faudra, pour toutes sortes de choses, mais ce qu'il faut que tu comprennes, c'est que j'ai besoin de t'avoir près de moi.

- Moi aussi, j'ai besoin… fit-elle d'une voix timide.

- Alors réfléchis. D'accord Loony ?

- Oui… »

Blaise lui parla encore un peu, la rassurant de sa voix grave, l'imaginant assise par terre, dos contre le mur et ses jambes repliées contre sa poitrine, tenant le téléphone près de son oreilles, ses cheveux décoiffés et le visage rêveur.

Il avait envie de l'embrasser. De la tenir contre lui. Il enviait Draco et Harry, le fait qu'ils puissent se voir aussi souvent sans rien programmer, de façon naturelle, alors que lui devait acheter sans cesse des billets de train pour aller à Londres. Et pourtant, il n'en voulait pas à sa petite amie. Mais il espérait qu'elle ferait le bon choix…

OoO

Le cours venait de se terminer et les étudiants, dans un brouhaha inconvenant, étaient en train de ranger leurs affaires, s'apprêtant à fuir l'amphithéâtre. Severus les regardait se précipiter sur leurs cahiers et leurs trousses pour les balancer dans leurs sacs et ensuite quitter précipitamment cette salle de torture. Il fallait dire qu'il n'avait pas été très tendre ce jour-là, rendant des devoirs d'une qualité souvent médiocre, et encore, il avait fait des efforts dans la notation afin de ne pas trop les défavoriser. Seul un petit nombre d'élève parvenait à atteindre la moyenne, et quelques uns étaient proches de l'excellence. Draco Malfoy et Blaise Zabini faisaient partie de cette dernière partie.

Il était dix-huit heures. La plupart des étudiants prendraient le métro pour rentrer chez eux, ou alors ils iraient travailler à McDonald's. D'autres encore traîneraient aux alentours de la fac, ou iraient boire un coup dans un bar. Peut-être que certains étudieraient, après deux heures de transport, ou alors ils iraient se coucher. Voilà à quoi pensait Severus Rogue tout en rangeant ses propres affaires sans grande motivation.

Il ne voulait pas rentrer chez lui. Tout simplement. Parce que chez lui, il retrouverait la solitude de sa maison. Il promènerait Saphira, leur labrador noir, puis se calerait dans le canapé. Peut-être corrigerait-il quelques copies, ou alors peut-être préparerait-il ses cours pour les jours à venir. Ou alors il prendrait un livre pour lire un peu.

Soirée morne en solitaire, qui lui rappelait toutes ces années qu'il avait passées à se morfondre comme un idiot.

Le matin, n'ayant pas cours, il était allé chez Isaline pour voir Sirius. La patronne travaillait dans la boutique et c'était son compagnon qui lui avait ouvert. Quand il l'avait vu, le visage moins pâle et tiré qu'à l'hôpital, debout devant lui, Severus eut l'envie de lui sauter au cou comme une gamine de seize ans. Il eut envie de le serrer contre lui et de l'embrasser. Mais il se retint. Et, debout dans le couloir, il lui demanda pardon.

Pardon pour son comportement. Pour tout ce qui s'était passé. Pardon de l'avoir poussé à une telle extrémité.

Il lui dit qu'il l'aimait, aussi. Qu'il lui manquait. Qu'il ferait tout pour se faire pardonner, pour le retrouver à nouveau. L'aider, le soigner, combattre encore et encore ses démons avec lui…

Sirius l'avait écouté, puis il avait répondu. Il ne lui en voulait pas. Ce n'était pas la faute de Severus, tout ça, mais de la sienne. Donc, il devait faire un travail sur lui-même et réfléchir à tout ça. Pour cela, il avait besoin de temps. De plus de temps…

A ces mots, le professeur eut peur : il comprit que, s'il ne convainquait pas Sirius de rentrer à la maison, il ne le ferait jamais. Il remettrait tout en question et il le laisserait tomber, d'une façon ou d'une autre. Alors Severus avait tenté de le prendre dans ses bras, mais au moment même où ses mains touchèrent les épaules de l'écrivain, Sirius le repoussa de façon violente.

Et ce geste le blessa. Et alors qu'il rangeait ses affaires dans son cartable, Severus avait la gorge serrée à la pensée de ce geste instinctif. Il entendait presque Sirius bafouiller, lui dire qu'il avait encore besoin de temps, pour réfléchir, mais qu'il reviendrait. Il rentrerait à la maison.

Mais il lui fallait plus de temps. Un tout petit peu plus…

Alors Severus Rogue était rentré chez lui, l'âme en peine. Être aussi déprimé ne lui ressemblait pas, loin de là, mais toute cette histoire chamboulait sa vie et ses émotions. Il sentait qu'il était en train de perdre l'homme qu'il aimait pour une bête histoire d'orgueil qui avait vite dégénérée.

Sirius lui manquait. Sirius et sa joie de vivre, sa voix grave et forte qui résonnait dans la maison, sa main dans ses cheveux, son sourire éblouissant et niais, son corps qui se blottissait contre lui dans le lit… Son café du matin, les croissants qu'il allait parfois acheter, ses discussions stupides sur les mecs de la salle de sport…

L'homme qu'il avait épousé. Un homme blessé qui passait son temps à se faire du mal. Et qui avait tenté la Mort un soir de mars.

Il avait failli le perdre. Et chaque jour, il se rendait un peu plus compte des conséquences de cet acte irrationnel…

OoO

La nuit était tombée sur Londres. A travers la fenêtre, il pouvait voir la rue mal éclairée par les lampadaires, qui diffusaient une lumière froide. Posé contre le mur, le regard perdu dans cette vision sombre et peu chaleureuse, Marcus avait la tête ailleurs, sourd à la musique qui emplissait pourtant désagréablement ses oreilles. L'homme tenait un verre de whisky dans la main, qu'il portait de temps à autre à ses lèvres, de façon absente. A croire qu'il était sur une autre planète…

Marcus pensait à beaucoup de choses. Et notamment à Cédric Diggory. Sa libération était pour bientôt. Harry avait reçu un courrier le lui annonçant, mais il s'était bien gardé de le dire à qui que ce soit. Olivier le savait, il faisait partie de la minorité de personnes à être au courant. Olivier était même persuadé qu'il était le seul à qui Harry en avait parlé. Il avait essayé de savoir si Cho était au courant : elle était bavarde mais n'aurait parlé de Cédric à personne, sauf à Olivier, et ce dernier n'avait pas la sensation qu'elle était au courant. Tant mieux, d'ailleurs. Mieux valait qu'elle ne le sache pas.

Quelques jours auparavant, Marcus était allé rendre visite à Cédric. Ce dernier ne parut pas enchanté de le voit. D'ailleurs, il ne lui dit rien, gardant la bouche close alors que son ami tentait de savoir si, oui ou non, il irait en France malgré l'interdiction des autorités : il ne devait plus s'approcher de Harry Potter. Qui ne dit rien consent, dit le proverbe.

Mais peut-être avait-il tord. Peut-être que Cédric, une fois sorti, penserait à autre chose qu'à Harry. Déjà, il devrait se reconstruire, après ces quelques années passées en prison. Nul doute qu'il serait suivi par des médecins, son père en prendrait bien soin et le cacherait du mieux possible. Le temps qu'il se refasse une nouvelle vie et qu'il oublie ce jeune homme qui l'avait poussé à la folie.

Récemment, Marcus avait rencontré Amos Diggory, le père de Cédric. Le vieil homme était venu à la banque où Marcus travaillait et lui avait demandé de s'occuper de son fils quand il sortirait de prison, d'être là pour lui, comme il l'avait toujours été jusqu'à présent. Un peu gêné, Marcus avait répliqué que s'était fini, tout ça. Qu'il en avait assez de jouer à la nounou, de passer pour un con et de subir tout ça… Amos s'était énervé, ne comprenant pas la réaction de l'ami de son fils unique. Alors, de but en blanc, Marcus lui dit qu'il avait aimé Cédric et que ce dernier n'en avait rien à faire de lui, qu'il se servait de lui depuis longtemps, et que toute cette histoire avait bien assez durée. Donc il avait mis fin à sa relation avec Cédric, ce qui ne fut pas sans mal, et il avait décidé de vivre sa propre vie.

Autant dire qu'Amos Diggory fut énervé, voire même furieux contre Marcus. Dans le fond, il n'avait toujours pas digéré le fait que son fils soit une pédale, et encore moins qu'il ait fait tout cela pour avoir un petit tatoueur de merde. Un petit merdeux qui ne méritait même pas que son fils le touche et qui aurait dû baiser ses chaussures au lieu de lui tourner le dos, pour avoir osé lui accorder un peu d'attention. Son fils Cédric aimait Harry Potter, il l'aimait à la folie. Il avait fait du mal à ce garçon, et ce garçon l'avait détruit.

La jalousie. La folie. La prison. La solitude…

Comment son fils, si beau, si parfait, avait-il pu devenir aussi cinglé pour un homme ? Une ordure pareille ? C'était incompréhensible pour le père, et encore plus pour la mère. Mais le fait était qu'ils devaient aider leur fils et ils feraient tout pour le remettre dans le droit chemin. Et Marcus devait les y aider. Sauf que ce dernier en avait marre d'être pris pour un abruti, de cacher ce qu'il ressentait, et il avait, ce jour-là, définitivement coupé les ponts avec la famille Diggory.

La vie avait fait que, le jour suivant, Olivier Dubois arrivait à Londres pour l'anniversaire d'un ami commun. Il en avait vaguement parlé à Marcus. Ne sachant s'il pourrait venir chez lui, Olivier avait décidé de prendre un taxi pour aller à l'hôtel. Quand il appela le brun pour lui dire qu'il était dans la capitale, Marcus lui ordonna de venir directement chez lui, sans même réfléchir. Olivier lui obéit.

Et ce soir, ils étaient venus tous les deux à l'anniversaire de cet ami, qui se déhanchait sur la piste improvisée au milieu du salon de la maison de ses parents. Personne n'avait soupçonné quoi que ce soit entre eux, car personne ne savait qu'Olivier avait des sentiments pour Marcus, et personne ne pourrait imaginer que ce denier pourrait s'être mis en couple avec le joueur de football. Et pourtant…

« Marcus ? »

Il ne bougea pas, ayant reconnu la voix d'Olivier. Pourtant, quand le joueur se mit près de lui, regardant dehors, un verre dans la main, Marcus fit l'effort de tourner la tête, ennuyé d'être ainsi perturbé dans ses pensées.

« Viens danser, au lieu de rester dans ton coin.

- J'aime pas danser.

- Parfois, je me demande pourquoi les gens t'invitent, tu n'es pas du tout festif. »

Parce qu'il savait mettre de l'ambiance autre part que dans des fêtes où il fallait danser, dans des restaurants ou des soirées tranquilles en petit comité. Et, au point où il en était, c'était aussi à se demander pourquoi Olivier l'avait choisi alors qu'il était si peu jovial.

« Arrête de te prendre la tête avec toute cette histoire. Cédric ne va pas se risquer à venir en France, c'est stupide. Il va sortir de taule et y retourner est la dernière chose qu'il souhaite. S'il va à Paris, ça va très mal se passer, même s'il n'a pas de mauvaises intentions, et il le sait. Ne t'embête pas avec ça… »

Marcus poussa un soupir, repoussant des idées plus sombres sur Cédric. Il ne voulait plus penser à lui, il avait tiré un trait sur les vains espoirs qu'il avait misés sur lui…

« Viens, on rentre.

- Pardon ?

- On rentre. S'il te plait. »

Marcus jeta un regard franc à Olivier dont les sourcils se froncèrent d'indécision. Le gâteau était déjà passé, les cadeaux avaient été offerts, mais la fête venait tout juste de commencer. Olivier jeta un regard circulaire sur la salle avant de revenir vers Marcus, qui attendait une réponse. Puis, le joueur de foot le quitta pour aller voir celui qui fêtait son anniversaire.

Dix minutes plus tard, ils étaient dans un taxi. Puis, ils arrivèrent dans l'appartement de Marcus, plongé dans le noir. Une fois changés, ils se couchèrent dans le lit. Et…

Le reste est une autre histoire…

OoO

Assise en tailleur sur son lit, Isaline regardait le manège de Sirius d'un air dubitatif. Bien qu'elle s'abstint de tout commentaire, ses yeux parlaient pour elle, et Sirius les sentait posés sur son dos, ses mains ou son visage selon les mouvements qu'il faisait. Finalement, exaspéré, il se tourna vers elle et cala ses mains sur ses hanches, la regardant d'un air exaspéré. Elle le regarda d'un air innocent, attendant la suite.

« Arrête de me regarder faire et va faire une tarte aux pommes.

- Envie de tarte aux fraises.

- Tu serais pas enceinte, toi ?

- Par la volonté du Saint-Esprit ? Fit-elle en haussant un sourcil.

- Je sais que tu n'approuves pas…

- Mais alors pas du tout. »

Sirius soupira. Il savait que ce n'était pas spécialement une bonne idée, mais c'était ce dont il avait envie. Personne dans cette maison n'approuvait, hormis Remus qui n'avait pas vraiment d'avis, jugeant que cela ne lui ferait pas spécialement de mal, voire même plutôt du bien, tandis qu'Isaline pensait qu'il valait mieux éviter d'y aller. Tout comme Harry, d'ailleurs, Nymph' restant neutre.

« Moi je dis que ça va gueuler.

- Tu crois ? Fit Sirius, hésitant.

- Tu ne le connais pas encore ? Quand il va te voir débarquer, il va sauter de joie, et après il va faire une belle tête d'enterrement. Surtout que ça va sûrement me retomber dessus. De toute façon, ça me retombe toujours dessus…

- Isaline…

- Bah quoi, c'est vrai… Je l'entends déjà gueuler : « mais pourquoi tu m'as pas prévenu » ? Imita-t-elle en grimaçant.

- J'ai besoin de voir mon frère. De changer un peu d'air…

- Fais ce que tu veux Sirius, mais je sais pas si ça va vraiment t'aider. Surtout qu'il va t'en vouloir de ne pas l'avoir prévenu.

- On verra bien… »

Sirius ferma sa valise, emportant le peu d'affaires que Remus était allé chercher chez lui après son accident. Isaline le regardait faire, ne sachant comment la situation allait être vécue par Regulus. Dernièrement, il s'était disputé avec son fils Alphard. Ce dernier, impliqué dans une histoire d'adultère, avait subi les remontrances de son père quand il apprit la liaison cachée de son aîné. Cela dériva vers quelque de plus sérieux encore : Regulus lui dit qu'il savait pertinemment qu'Alphard était homosexuel et que toute cette histoire n'était faite que pour ennuyer l'handicapé. Outré par de telles accusations, Alphard avait répliqué, hurlant qu'il n'était pas une pédale, et son père, irrité par le ton de sa voix, riposta avec plus de hargne. Cette histoire se conclu par une hostilité presque palpable entre le père et le fils, et Adonia eut beau tenter d'apaiser les choses, rien n'y fit.

Sirius et Isaline entendirent maintes fois Regulus parler ainsi de son fils qui l'exaspérait au plus haut point, et l'écrivain savait qu'une telle mésentente avec le jeune homme blessait beaucoup son frère. Car malgré les défauts de son fils, Regulus l'aimait autant sa fille. Sa femme était morte depuis longtemps, une femme sans grande importance qu'il avait épousé afin de s'opposer un peu à sa famille et qui lui avait donné deux beaux enfants qu'il chérissait, même s'il ne le montrait pas toujours.

Et aujourd'hui encore, il souffrait de cette situation, sans compter que la famille l'attaquait, le jugeant responsable d'un tel comportement de la part de son vénérable fils. Ainsi, pour ne pas créer de nouvelles préoccupations dans l'esprit de son petit frère, Sirius ne lui avait pas parlé de sa tentative de suicide, et Isaline jugeait que c'était à lui de le faire et non pas à elle. Et il était évident que Severus n'en parlerait pas… Ce dernier ne faisait que lui dire que Sirius n'était pas là à chaque fois qu'il appelait et qu'il valait mieux le contacter sur son téléphone portable. Évidemment, Regulus soupçonnait quelque chose, mais pas une tentative de suicide…

Cela faisait quelques jours que Sirius éprouvait le besoin de s'aérer l'esprit, et pour cela, il avait choisi d'aller voir son frère qui lui manquait et d'essayer d'apaiser un peu les choses entre cette tête de mule et son fils entêté. Évidemment, il lui faudrait parler de sa tentative de suicide, et autant dire que Regulus, en plus de s'inquiéter, lui en voudrait terriblement de lui avoir caché quelque chose d'aussi important. Mais bon, l'écrivain était prêt à supporter la colère de son frère.

« Je ne vais pas trop te manquer ? Demanda Sirius à Isaline avec un sourire taquin.

- Un peu. J'aurais plus de bouillotte dans mon lit.

- Tu en as une à disposition… »

Les joues d'Isaline rougirent et elle baissa les yeux, ce qui fit rire l'écrivain. En effet, depuis que Rémi était venu la voir, écoutant les explications de Sirius et venant la réveiller dans son lit, le médecin se montrait très attentionné envers elle. Il avait enfin réussi à l'atteindre, d'une certaine façon. Ainsi, il passa cette journée-là à s'occuper d'elle, ce qui la toucha au plus profond d'elle-même. Quand il partit, elle était toute retournée et demeura sur son petit nuage toute la soirée, ce dont Harry et Sirius se moquait gentiment. Elle était tellement rêveuse qu'elle ne réagissait pas à leurs petites moqueries et sous-entendus.

Le lendemain, Rémi revenait avec son fils Allan qui lui sauta dessus comme la misère sur le monde, parlant tellement vite qu'elle dut attendre qu'il ait terminé pour avoir un petit résumé. En somme, il s'excusait pour son comportement immature, ce à quoi elle répondit par une main passée dans ses cheveux pour les ébouriffer un peu et un joli sourire.

« Moui, si tu le dis…

- Fais pas ta chochotte, je t'ai connue plus téméraire.

- Je n'ai jamais fréquenté d'homme divorcé aussi gentil que lui avec un enfant à charge, répliqua-t-elle. Et je ne suis plus toute jeune. Donc côté témérité…

- A mon avis, tu devrais te bouger les fesses. Des hommes comme ça, on n'en rencontre pas tous les quatre matins.

- C'est toi qui me dis ça…

- Je l'ai testé et il m'a convaincu ! Fit Sirius en leva sa valise et la posant près de la porte.

- Tu crois que si je lui proposais un week-end à Rome, ça lui plairait ?

- Tu as des billets ? S'étonna l'écrivain, s'asseyant près d'elle.

- Une de mes clientes peut me faire des prix, comme je lui avais dit que j'aimerais bien y aller un jour…

- Voilà l'avantage de ton boulot : t'as que des bons plans… Soupira Sirius d'un air fataliste.

- C'est vrai que des fois, c'est plutôt pas mal ! Ria Isaline.

- Invite-le. Tu n'as rien à perdre. »

Elle hocha la tête d'un air pensif, hésitant à lui faire la proposition. A la fois, elle avait envie de prendre des vacances, n'ayant pu en caser depuis Noël. Elle n'appelait pas ces journées passées à ne rien faire avec Sirius des vacances… Et en même temps, elle voulait découvrir Rémi dans un autre environnement. Elle était tentée de prendre un billet pour Allan, mais pas sûr qu'il soit d'accord de voyager avec son père et la petite amie de ce dernier…

« Bon, ça va être l'heure, dit soudain Sirius en regardant sa montre. On y va ?

- C'est parti… »

OoO

« Franchement, tu es retombé dans mon estime.

- Toi, tu fais des loopings. Un coup tu montes, un coup du descends… Les montagnes russes, quoi.

- Comment tu peux sortir avec une fille pareille ?

- Mais je t'en pose des questions, moi ? »

Seamus, les bras croisés sur la table et sa tête posée dessus, regardait Théo préparer à manger avec une mine boudeuse. L'étudiant était en train d'éplucher des pommes de terre, les coupant ensuite en petits morceaux pour les mettre dans une poêle. Seamus le regardait faire, ses mains longues et fines maniant le couteau ou l'éplucheur avec facilité, comme s'il avait fait ça toute sa vie.

Il aimait bien regarder Théo cuisiner. Il ne faisait pas toujours de la bonne cuisine, réchauffant des pâtes ou balançant un sachet de riz dans une casserole remplie d'eau, mais il arrivait qu'il veuille faire un vrai repas et Seamus se régalait à chaque fois. C'était même étonnant qu'il sache aussi bien cuisiner, vu son origine social : il avait été invité à la fête d'anniversaire de Daphné Greengrass et son père était un fameux businessman. Ainsi, quand ce dernier mourrait, Théo serait très riche. Et pourtant il était là, dans cette cuisine, à éplucher les patates qu'il vendait sur un marché…

« Qu'est-ce que tu lui trouves, à cette fille ? Lui demanda Seamus.

- T'es pédé, tu peux pas comprendre, rétorqua Théo, fatigué.

- Elle est moche.

- Parce que Dean était beau, peut-être ? »

Certes, ce n'était pas le plus beau mec avec lequel il était sorti, mais Dean Thomas avait quelques petites choses qui faisaient indéniablement pencher la balance : son sexe et sa carte bleue.

« Elle est cruche.

- Tu ne la connais pas.

- Elle…

- Bon Seamus, tu commences à me faire chier là, donc soit tu restes là et tu te tais, soit tu t'en vas et tu me fous la paix. Je sors avec elle, point barre, je ne vois pas en quoi ça te regarde ! »

Seamus non plus ne voyait pas, mais le fait était que ça le soulait. Cette fille n'était pas spécialement belle. Elle ne portait que des pantalons, peu féminine, ses cheveux noués en queue de cheval et le visage non maquillé. Une fille banale, en somme, qui avait un gros cul, selon Seamus. En somme, elle n'avait rien pour plaire, elle lui faisait plus penser à un garçon manqué qu'à la féminité incarnée. Et elle n'allait pas du tout avec Théo, mais alors pas du tout…

Et puis même, quelque chose le gênait. Voir Théo aussi proche de cette fille, Veronica, le perturbait. De temps à autres, elle venait chez eux et il l'enlaçait dans le canapé, la tenant contre lui, et parfois il l'embrassait. Pas assez selon elle, Seamus l'entendait parfois geindre parce qu'il ne lui montrait pas assez son affection. L'irlandais avait envie de l'envoyer bouler…

Et il avait envie d'être à sa place, aussi…

Seamus n'avait jamais connu Théo avec quelqu'un, c'était la première fois qu'il le voyait en couple, et si le jeune homme n'était pas très démonstratif, il savait faire preuve d'une grande tendresse. Il l'avait vu, de temps en temps, à sa façon de déposer un baiser dans les cheveux bruns de la jeune fille, enlacer sa taille ou prendre sa main… le genre de geste que Seamus aimait recevoir et qui lui manquaient.

A la fois, il était gêné d'envier cette fille dans sa relation avec Théo, et en même temps, il était en manque d'amour. S'il était honnête, il avouerait qu'il aurait voulu être à sa place et se faire câliner par les grandes mains froides et un peu abîmées de Théo, comme il l'avait déjà fait quand Seamus était malheureux. Et justement, Seamus était toujours mal dans sa peau. Il cherchait de l'affection, un petit ami, et en même temps, il ne parvenait pas à franchir le pas. Un garçon le draguait à la faculté et l'irlandais n'osait pas se montrer intéressé, après sa mésaventure avec Dean et tout cet embrouillement né de son attirance pour Harry.

D'ailleurs, ce dernier lui manquait toujours autant. Mais d'une façon différente. Seamus avait réfléchi et avait compris que tout cela n'était qu'un coup de cœur, parmi tant d'autres, et que ce n'était pas vraiment de l'amour qu'il ressentait pour Harry. Il pensait que c'était plus un désir d'être proche de lui, de recevoir cette affection qu'il donnait aussi librement. Un peu comme avec Théo en ce moment-même : envie d'être proche de lui, envie d'un contact. Pour oublier qu'il était seul, sans vrais amis, juste bon à ouvrir les jambes…

« Au fait, c'est bientôt ton anniversaire non ? Dit Théo pour couper court au silence pesant.

- Moui.

- Tu vas le fêter chez tes parents ?

- Non, ils partent Irlande. Mon oncle se remarie. Et moi comme j'ai cours, bah je peux pas y aller… »

Seamus eut l'air un peu triste de ne pas fêter son anniversaire avec ses parents. il n'avait pas d'amis pour le fêter, s'étant brouiller avec Harry et Draco, et donc avec les autres gens qu'il connaissait, et pas de petit ami non plus. L'an dernier, il avait fêté ses vingt-et-un ans avec Draco. ils avaient dîné au restaurant, puis il l'avait emmené au théâtre. Seamus adorait le théâtre…

« Soit pas triste…

- Je ne suis pas triste. »

Mais son visage le montrait bien. Théo tira une chaise et s'assit dessus, puis il leva le visage de son colocataire pour qu'il le regarde.

« Ca te dirait qu'on prépare quelque chose pour tes vingt-deux ans ?

- Nan ça sert à rien, répondit Seamus. J'ai personne à inviter.

- Si. Harry m'a promis qu'il viendrait.

- Harry ? »

Surexité, Seamus se redressa, les yeux pétillants, mais Théo lui fit signe avec ses mains de se calmer.

« On fait un truc à une condition : tu ne fais pas de conneries. Pas de sous-entendus, drague ou je ne sais quoi…

- Promis ! Je ne ferai rien… Mais il veut vraiment me voir ?

- Disons qu'il t'aime bien, répondit lentement Théo, et qu'il voudrait apaiser tout ça. Donc il est d'accord pour venir.

- Mais Draco est d'accord ? S'étonna l'irlandais.

- Oui. Pas sûr qu'il vienne, mais il est d'accord. »

Théo préféra ne pas préciser que, après un long débat entre les deux amoureux, Draco avait accepté de laisser Harry aller à l'anniversaire de Seamus à condition que Théo les surveille étroitement. Ce dernier avait accepté de mauvaise grâce, peu désireux de devoir garder les yeux sur son meilleur ami et son colocataire, mais après tout, c'était l'anniversaire de Seamus, donc il pouvait faire un effort.

Théo lui expliqua entre autres qu'il pensait faire ça dans un restaurant, peut-être celui des parents de Cho, et inviter des amis de la faculté. Seamus l'écoutait avec le sourire, heureux qu'il organise quelque chose pour lui, et que Harry vienne pour ses vingt-deux ans.

OoO

Le salon était calme, sans bruit. C'était tout juste si on entendait le bruit du vent qui soufflait à l'extérieur. Vêtu d'un peignoir épais et bordeaux, ses pieds emmitouflés dans des chaussons, Sirius sortit de sa chambre et traversa le couloir avant de descendre les escaliers.

Tout le monde était couché, ou presque. Mr Kreattur était parti se coucher, Sirius lui ayant assuré qu'il s'occuperait de son frère, ce qu'il avait fait avant d'aller lui-même se changer, l'installant sur le canapé du salon devant la télévision. Quant à Margaret, elle était aussi allée se coucher, non sans réticence. Sirius les trouvait un peu trop proche, elle et son frère, mais il préférait ne pas se faire de fausses idées, bien que ce soit très bizarre que Regulus garde une domestique aussi longtemps.

Enfin, s'il préférait ne pas penser à ça, c'était parce que, même si Margaret ne pouvait entendre ses pensées, il ne voulait pas l'offenser. Il était arrivé en fin d'après-midi et avait pris Regulus dans le salon, en tête à tête, pour lui expliquer ce qui lui était arrivé. Ce qu'il avait fait, pourquoi, et où il se retrouvait à présent. Autant dire que son petit frère fut furieux quand il apprit que son aîné avait tenté la Mort et qu'il ne lui avait rien dit. S'il n'était pas aussi embrouillé dans son histoire avec Severus, il n'en aurait même jamais entendu parler ! Dans une colère noire, remonté comme jamais, Sirius crut bien que son frère allait se lever et attenter un meurtre sans préméditation. Par chance, Margaret fut là pour temporiser les choses et Regulus finit par se calmer, difficilement certes, mais se calmer tout de même. Au final, comme un enfant pris en faute, Sirius lui parla de tout ce qu'il ressentait, ses doutes, ses remords, sa fatigue…

Parler avec son frère lui fit du bien. Comme Isaline, il était à son écoute, mais il le remettait à sa place aussi, le traitant de tous les noms. On a pas idée de se foutre en l'air comme ça, alors qu'on a tout pour être heureux ! Un neveu adorable qui le considérait comme son père, des amis fidèles et toujours présents pour lui, un filleul de trois ou quatre ans qui ne comprendrait pas pourquoi Tonton Sirius était parti… Il avait une jolie maison, une carrière dans le roman, un compagnon certes réservé et spécial, mais qui avait accepté sa demande en mariage…

A ces mots, Sirius, pour la première fois depuis des années, lui répliqua qu'il avait été en prison. Et qu'il ne s'en était jamais remis. Parce qu'on ne se remettait pas de ce qu'il avait vécu. Peut-être que s'il avait été suivi, tout serait allé mieux, mais le fait était qu'il buvait régulièrement, le plus souvent un ou deux verres de vin, et qu'il lui arrivait de descendre une bouteille pour une broutille. Parce que c'était comme ça. Parce qu'il avait eu mal, et même s'il était heureux, même s'il avait une famille aimante, il y avait quelque chose de brisé en lui, une blessure qu'il ne parvenait pas à guérir, sans cesse irritée par l'alcool et l'angoisse.

Sirius Black avait quarante ans. Presque quarante-et-un. Il avait perdu l'envie de combattre ses démons : il les avait acceptés, maintenant. La seule chose qu'il ne parvenait pas à accepter, ni même à se pardonner, c'était la souffrance qu'il créait autour de lui. Et il parla de cela à son frère, à celui qui ne l'avait pas découvert dans une baignoire avec les poignets ouverts, qui n'avait pas été traîné dans un commissariat pour tentative de meurtre.

Suite à cette longue conversation, ils avaient dîné, en tête à tête encore une fois. En effet, Alphard avait quitté la maison pour quelques jours et Adonia passait plusieurs jours dans la famille de son fiancé. A présent, Sirius rejoignait le salon, la tête vide et le visage serein. Cela lui avait fait du bien de parler avec son frère, il se sentait presque prêt à rentrer à Paris. Severus lui manquait plus que jamais : avoir un avis extérieur à tout cela lui avait remis les idées en place, et outre son amour pour Severus, ce qui le motivait à rentrer, c'était qu'il était l'homme de sa vie, avec lequel il avait construit quelque chose.

Quand Sirius arriva dans le salon, il y trouva son jeune frère, en robe de chambre et les pieds emmitouflés dans des chaussons épais. Pendant un instant, il le revit nu dans la baignoire, après qu'il l'eut déposé. Sirius s'était agenouillé près de la baignoire, les bras croisés sur le rebord, tandis que son frère se lavait. Se moquant gentiment de lui, il se fit maintes fois arroser par Regulus, au point que ce dernier finisse par diriger le jet d'eau dans sa direction, excédé qu'il était.

Puis, Sirius l'avait pris dans ses bras et l'avait mis en pyjama. De façon naturelle, mouillé qu'il était, il avait retiré son pull, dévoilant son tee-shirt sombre et trempé dessous. Et ses bandages, aussi…

Alors les rires avaient disparu de la pièce, laissant place à une atmosphère tendue. Regulus, lentement, avait pris un de ses poignets entre ses mains pour en défaire les bandages, et étaient apparues dessous les lignes rougies. Sirius, debout devant lui, se sentait mis à nu. Il tremblait presque, le regard sombre de son petit frère posé sur les blessures qu'il s'était lui-même infligé. Puis, Regulus leva les yeux vers lui, des yeux troublés, et il avait levé les bras. Alors Sirius s'était assis près de lui, sur le rebord de la baignoire, et il l'avait pris dans ses bras. Regulus n'avait pas sangloté, mais il avait quand même pleuré. Car il suffisait que d'une lame de rasoir pour qu'une vie s'en aille comme un souffle de vent…

A présent, Regulus était assis dans son canapé, calmé et soulagé, très certainement. Il fit un léger sourire à son aîné alors qu'il entrait dans la pièce et venait s'asseoir près de lui dans le canapé. La télévision, rangée dans un grand meuble d'aspect ancien, était allumée et diffusait un film d'action.

« Qu'est-ce que tu regardes ?

- Rien d'intéressant. Tu repars demain, finalement ?

- Oui. Je vais rentrer chez moi. »

Regulus hocha la tête. La visite de son frère avait été très brève et il le regrettait. Cependant, il préférait le savoir chez lui auprès de son compagnon plutôt qu'ici, à ruminer ses pensées.

« Tu as intérêt à revenir vite, par contre !

- Je vais essayer, dit Sirius en souriant. Une fois que… nous serons réconciliés. Ça va prendre un peu de temps… mais je sens qu'on va redémarrer sur de meilleures bases. J'ai tellement tourné tout ça dans ma tête… J'ai fait du mal à beaucoup de gens, mais je suis en vie, et je veux me faire pardonner. Pour Severus, surtout.

- Tu as raison, prends ton temps. Et si tu as le moindre problème, tu sais que tu peux venir chez moi. Laisse Isaline un peu tranquille…

- Regulus…

- Je sais… Soupira ce dernier. Si tu ne l'appelais pas, elle t'en voudrait à mort, c'est dans sa nature. Mais bon… Elle s'est trouvée quelqu'un et elle essaie de construire quelque chose avec cette personne. Alors laisse-la un peu respirer et vient me voir.

- Justement, en parlant de « construire quelque chose avec quelqu'un », fit Sirius avec un sourire malicieux. Il n'y aurait pas anguille sous roche par hasard ? »

L'écrivain éclata de rire quand les joues de son frère prirent une délicate couleur rosée. Regulus lui donna un bon coup dans les côtes et son aîné geignit de douleur.

« Tu m'as fait mal…

- Arrête avec tes sous-entendus…

- Avoue que t'aime bien Margaret. Je serai heureux de l'avoir pour belle-sœur.

- Tu es sérieux ? »

Surpris. Sirius fut surpris. Il haussa un sourcil, le regard rivé sur son frère. Il pouvait presque l'imaginer des années auparavant, quand il n'était encore qu'un jeune adolescent et qu'il lui demandait des conseils en amour parce qu'une fille lui plaisait bien dans sa classe. A présent, ils étaient bien plus vieux, Regulus avait été marié, il avait eu des maîtresses, il était père de famille et ses jambes ne pouvaient plus le soutenir. Mais quand il le regardait ainsi, le visage un peu incertain, il avait l'impression de revoir ce gamin dont il s'était gentiment moqué, autrefois…

« Bien sûr. »

Regulus lui fit un léger sourire et, tendrement, Sirius passa un bras autour de ses épaules pour l'attirer contre lui. Qu'est-ce que ça pourrait faire, dans le fond ? Qu'il tombe amoureux d'une domestique, un peu ronde et qui n'avait pas sa langue dans sa poche, un peu trop jeune pour lui. Elle avait à peine la trentaine… Mais qu'est-ce que ça pouvait faire ?

Qu'il soit heureux. C'était… Tout ce qui comptait.

OoO

S'il y avait bien une chose qu'il détestait, c'était l'inactivité. Enfin, en temps normal, il aimait bien ça : rester dans un même lieu, poireauter dans son canapé devant la télé… ne rien faire, quoi. Mais avec un bras cassé, c'était nettement moins amusant : il y avait pas mal de choses qu'il ne pouvait pas faire seul et, honnêtement, se balader seul dans Paris pendant que ses potes étaient en train de bosser, ça n'avait rien d'amusant. Regarder des séries télé, c'était bien, mais pas pendant des heures, et encore moins avec la présence de sa mère qui venait quasiment tous les jours savoir comment il allait.

Cela lui rappela Hermione en vacances. Étant en faculté, elle n'a pas les mêmes vacances que les autres, et encore moins celles de Ron, donc ce n'était pas parce qu'elle était libre qu'ils pouvaient forcément se voir davantage, même si le rouquin aurait aimé. Cela dit, en ce moment, il la voyait vraiment beaucoup, au moins une fois tous les deux jours. Elle se sentait coupable pour son accident et Ron ne manquait pas de la faire culpabiliser, histoire de ne pas moisir tout seul chez lui à ne rien faire.

Installé dans son canapé, morose, Ron se demandait bien ce qu'il allait pouvoir faire de ses dix doigts. Il était en arrêt maladie, ne pouvait évidemment pas travailler dans cet état-là au garage automobile, et il en avait pour encore un mois. Il ne s'était pas loupé, mais comme le lui avait dit son médecin, mieux valait qu'il se casse le bras plutôt que la nuque, des côtes ou il ne savait quoi d'autre, et Ron était tout à fait d'accord avec lui : entre deux maux, il préférait le moindre.

Son téléphone portable était posé sur la table basse, des fois que quelqu'un l'appel, ce qui se faisait de plus en plus rare. Harry était le seul qui l'appelait encore régulièrement pour savoir s'il allait bien et s'il n'avait besoin de rien. La plupart du temps, Ron lui répondait qu'il survivait, mais à d'autres moments, il ne pouvait retenir des cris de détresse et son ami accourrait, dans la mesure du possible, chez lui pour le soutenir dans sa dure épreuve : rester chez lui à ne rien faire.

En plus, il ne pouvait même pas jouer à la Playstation © ni à la Game Boy ©. Difficile avec le bras en bandoulière… Et Ron n'aimait pas lire, il ne lui restait pas grand chose à faire de ses journées. Il avait piqué les saisons de Lost à Isaline et Desesperate Housewives à sa sœur, mais ni l'une ni l'autre série ne parvenait à attirer une minute de son attention… Oui, Ron était intenable, et il en avait conscience… La pauvre…

On sonna à la porte. Ron, mou comme un chamallow, haussa un sourcil puis se leva quand le deuxième coup sonna. Qui pouvait bien venir le voir à une heure pareille, un jour pareil, mis à part le facteur ou la voisine d'en face qui voulait tout le temps du sucre ? Le rouquin alla jusqu'à l'entrée, regarda par le petit trou dans la porte, puis l'ouvrit. Il fit un léger sourire à sa petite amie qui se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue, les mains encombrées de quelque chose enveloppé dans un sac plastique qu'elle tenait bien à plat.

« Bonjour Ron, tu vas bien ?

- Mouais. Et toi ?

- Oui, j'ai pu venir plus tôt aujourd'hui, le professeur est malade. Maman t'a fait un gâteau ! »

Ah si, on pouvait faire un truc quand on avait un bras cassé : manger. Et Ron commençait à s'inquiéter de son tour de taille, à force de manger des chips et des pâtes à longueur de journée jusqu'à plus faim.

Ron lui dit de remercier sa mère pour lui, c'était une gentille attention de sa part, et il regarda Hermione disparaître dans la cuisine pour déposer son présent, puis revenir pour retirer ses chaussures et son manteau. Ils allèrent dans le salon, où Ron l'écouta parler de sa passionnante journée, de ses travaux actuels, de son Master qu'elle n'aurait jamais à la fin de l'année, des partiels qui se rapprochaient dangereusement, de ses révisions interminables, de…

Finalement, Ron passa un bras autour de ses épaules et l'embrassa, histoire d'arrêter d'entendre des absurdités. Bien sûr qu'elle allait avoir son Master à la fin de l'année, c'était d'une évidence à couper le souffle, elle ne faisait que se stresser pour rien, comme à chaque fois. Cela dit, il n'allait pas lui dire qu'elle le soulait avec ses histoire de révisions qui duraient depuis qu'il l'avait rencontrée, car elle se vexerait sûrement et il n'avait pas envie qu'elle arrête de venir le voir aussi souvent.

Ron avait besoin de la voir, en ce moment. Certes, Viktor Krum avait quitté la France, repartant chez lui en Bulgarie, mais il avait besoin de la savoir près de lui et non avec ce type. Le rouquin avait eu son accident à cause d'un manque de vigilance, dû à toute cette histoire qui lui était monté à la tête, persuadé qu'il était que Hermione aimait encore son ex-petit ami.

La jeune fille, après coup, lui avait avoué être troublée par cet homme qu'elle avait aimée, d'où son besoin de le voir, mais elle avait rapidement réaliser que ce trouble ne la mènerait à rien, car elle n'avait pas besoin d'un étudiant intelligent qui serait là pour la protéger de toute atteinte, mais d'un garçon avec lequel elle pourrait se prendre la tête sans grandes conséquences, qui pourrait la taquiner gentiment, la faire rire et l'écouter en la remettant à sa place de temps en temps. Elle cherchait une sorte de contraire, qui lui ferait voir autre chose que les bibliothèques, en qui elle pourrait avoir conscience et qui l'aimerait pour ce qu'elle était. Viktor Krum n'était pas un mauvais garçon, mais il était trop possessif, un peu machiste, bien que tendre et amoureux. Hermione se sentait bien plus libre et aimée à la fois avec Ronald qui ne semblait s'inquiéter de rien.

A présent, tout s'était arrangé, mais Hermione se sentait terriblement coupable, sachant qu'elle était à l'origine de cet accident, alors que Ron lui répétait que ce n'était pas grave. Bon, il la faisait culpabiliser gentiment, il aimait être chouchouté, mais jamais il ne lui avait dit que tout ça, c'était à cause d'elle. Et ça aurait pu être bien pire. Certes, la voiture était sérieusement amochée. Mais bon… C'était quoi, une voiture, comparée à une vie ?

« Je t'embête avec mes histoires, n'est-ce pas ? Fit la jeune fille en boudant.

- Bah je sais que tu vas avoir ton Master, donc bon… C'est comme Harry qui me dit qu'il arrivera jamais à faire le portrait de Marilyn Manson, je le crois pas non plus.

- Mais quelle idée de se faire tatouer ça…

- Hermione, un peu d'ouverture d'esprit, tu veux ? »

L'étudiante poussa un soupire alors que Ron pouffait. Elle n'avait rien contre les tatouages, Ron en avait un et cela ne la dérangeait pas, pas plus que Harry qui ne correspondait pas au cliché qu'elle se faisait des tatoueurs. Cela dit, il y avait des choses qu'elle ne pouvait comprendre : quand son petit ami lui racontait les choses que Harry lui avait lui-même racontées, elle se demandait bien s'il ne se moquait pas d'elle, vu les tatouages que le brun pratiquait.

Elle était d'accord que chacun faisait ce qu'il voulait de sa peau, après tout, nous n'avions qu'une vie. Mais il y avait des limites. Un jour, elle avait rencontré Parvati Patil, qui draguait autrefois Ron. C'était une fille typée, sûrement d'origine indienne, et elle portait ce jour-là un décolté outrageusement plongeant, révélant une Betty Boop qu'elle s'était fait tatouer sur un de ses seins. Autant dire que Hermione douta de l'intérêt d'un tel tatouage…

« Tu as envie de bouger, aujourd'hui ? Lui demanda soudainement Hermione.

- Non, pas vraiment. Pourquoi ? Tu veux aller quelque part ?

- Mes chaussures sont abîmées, j'aimerais m'en acheter des nouvelles…

- Allez viens on y va, je te les offre. »

Hermione eut beau secouer la tête, lui assurant qu'elle avait de l'argent pour se les payer, Ron fit la sourde oreille. Il pouvait bien lui faire plaisir de temps en temps, et ce n'était pas comme s'il était accro au shopping, non plus…

OoO

Ils ne parvinrent pas tout de suite à trouver le lit, dans la semi-pénombre de la pièce. Draco n'aimait pas le noir, il avait donc laissé la lampe de chevet allumée avant d'aller se doucher avec Harry. C'était la seule source de lumière dans la chambre, la seule qui leur permettait de se guider dans la pièce. Mais leurs yeux voyaient à peine le contour des meubles, le tracé des murs, tant ils étaient empressés de se toucher.

Leurs corps enlacés, leurs bouches fusionnant, ils se déplacèrent un peu dans la chambre avant qu'Harry ne se cogne contre le bureau large et bien rangé de Draco, positionné contre un mur. Draco, l'embrassant passionnément, le poussa contre la table et Harry s'y assit de façon presque automatique, le corps échauffé par les bras et les baisers de son amant. Aussitôt assis, il enroula ses jambes autour de la taille de Draco, ses mollets contre ses fesses, l'attirant à lui, collant leurs corps plus encore, tandis que les mains du blond passaient sous le peignoir qu'il portait et que sa bouche dévorait ses lèvres, suçant sa langue avant de la caresser suavement.

Draco avait envie de lui. Depuis qu'il l'avait vu dans la boutique, avec un jean taille basse et un tee-shirt noir d'Indochine moulant quelque peu son torse, le désir que Harry créait en lui s'était attisé. Et alors que le brun se lavait près de lui dans la douche aux portes de verre opaque, il s'était senti incroyablement excité et il avait à peine attendu que son petit ami ait enfilé un peignoir pour lui sauter dessus sans ménagement, lui montrant à quel point il voulait lui faire l'amour. Et ce n'était pas Harry qui allait s'en plaindre…

Au contraire, il répondait activement à ses caresses. Draco caressa ses cuisses, puis ses fesses, les malaxant dans ses mains. Elles étaient fermes et rondes, musclées même, un régal pour le toucher et très certainement pour les yeux. Il glissa un doigt taquin dans la raie de ses fesses, le sentit frissonner, et redoubla d'ardeur dans ce baiser erratique et interminable, où leurs langues, leurs souffles, leur salive se mêlaient sans la moindre gêne, perdus qu'ils étaient dans la recherche de plus de contact.

Draco sentait Harry tout autour de lui, ses jambes autour de sa taille, ses bras enserrant son cou et ses mains caressant ses cheveux qui avaient un peu poussé, partant de la nuque pour la masser un peu, avant de remonter et ébouriffer ses mèches blondes. Et il y avait ce baiser aussi, la tendresse de Harry, sa bouche chaude et accueillante qui répondait à ses étreintes…

Enhardi, Draco dénoua la ceinture du peignoir et le fit glisser sur les épaules de son amant qui poussa un léger gémissement, plus un soupir. Le blond mit fin à leur baiser, le souffle court, et déposa ses lèvres au creux que formait son cou et son épaule, l'effleurant doucement de son souffle et de sa bouche. Il sentit Harry appuyer son front contre son épaule, alors que Draco remontait ses mains le long de celles du brun, caressant sa peau, sentant les muscles dessous, imaginant les tribales sur l'une des épaules, puis il toucha son dos, sentant presque les ailes qui y figuraient, et enfin effleura son torse, le papillon qui battait des ailes sur son cœur emballé…

Le simple fait de sentir son cœur battre si fort dans sa poitrine, sous ce papillon tatoué sur son torse, suffisait à l'exciter, car il mesurait l'ardeur de son amant et ses émotions aux battements de son cœur. Il sentait son désir s'échauffer, son membre se durcir douloureusement, tant il avait envie de lui faire l'amour, d'être en lui et de l'entendre soupirer contre son corps, l'entendre gémir et le sentir frissonner au contact de leurs peaux… Et Draco savait que Harry ressentait exactement la même chose, le bout de son membre touchant son propre ventre.

Depuis que Harry était venu chez lui pour dîner, Draco ne pensait qu'à ça : le prendre. Même quand ses parents étaient là, assis autour de la table, Draco avait eu envie de l'emmener dans sa chambre et de le faire sien. Faire de lui sa propre chair, un homme comblé et alangui sous lui…

Cet homme qu'il désirait tant, qui soupirait contre lui, ses jambes nouées autour de sa taille en un geste sensuel et diablement existant. Et son peignoir ouvert, qui laissait tout voir, aussi bien son torse bien dessiné que son ventre et son sexe dressé entre ses cuisses… Une invitation à la luxure et cet idiot n'en avait même pas conscience… Tant de beauté, tant de sensualité rassemblées en un seul homme et Draco était le seul à avoir pu toucher cet être plein de charme… C'était bien au-delà de l'acte en lui-même, c'était l'amour qui les unissait plus que le sexe, c'était cela qui était magique et incroyable…

« J'ai envie… de te faire l'amour… soupira Draco contre son cou, ses mains touchant ses fesses avant de remonter lentement vers son dos, alors que les mains de son amant dénouaient sa ceinture.

- Qu'est-ce que… tu attends ? Fit le brun, la ceinture défaite.

- Sur le bureau ? Comme des sauvages ? » Dit Draco en ricanant légèrement.

La position ne lui déplairait pas, loin de là, car c'était excitant de faire l'amour à Harry dans cette position. Et puis son propre peignoir était ouvert et Harry se collait à lui de façon un peu trop intime, cherchant son contact, et s'il n'arrêtait pas de se rapprocher de lui, de faire toucher leurs membres, le chauffant comme jamais, Draco lui ferait subir les dernier outrages sur la table même…

« Non, sur le lit… Fais-moi l'amour, Draco… »

Cette façon qu'il avait de prononcer son nom… Si tendre…

Draco s'écarta un peu du bureau et entraîna Harry. Le brun descendit de celui-ci et se laissa guider vers le lit, mais il ne s'y allongea pas : Draco lui retirait son peignoir, le faisant glisser sur le sol alors que le sien tombait à son tour. Aussitôt, le blond attira son amant près de lui, collant intimement leurs corps : leurs sexes étaient l'un contre l'autre, les bras de Harry autour de ses hanches et ceux de Draco dans son dos. Le brun caressait son dos, touchait ses omoplates avant de descendre bien plus bas pour toucher ses fesses. à croire que leurs corps étaient faits pour être dans cette position, l'un contre l'autre, cuisse contre cuisse et torse contre torse, leur peau moite se touchant, leurs bras se mouvant et leurs mains caressant leurs épidermes sensibles et frissonnants.

Ce fut un long moment de caresses, de tendresses, qui ne sembla jamais finir. Harry agonisait presque entre ses bras, sa tête contre son épaule et leurs lèvres soudées. Il sentait la langue de Draco fureter dans sa bouche, caresser sa langue, taquiner ses joues, son palais, avant de la câliner à nouveau, et ses mains touchaient ses cheveux, les ébouriffaient encore davantage, puis massait sa nuque et redescendaient sur ses épaules, imaginant les ailes tatouées sur sa peau claire. Tout n'était que caresses, sans érotisme, l'amour tout simplement…

Puis Draco le coucha sur le lit, prenant grand soin de lui. Harry le regarda au-dessus de lui, ses yeux bleus brillants de mille feux comme des pierres précieuses, beau comme le jour, le visage un peu moite mais tellement expressif, tellement masculin en cet instant… Et ses lèvres roses, un peu gonflées par tant de baisers… Etait-il possible d'être aussi excité à la simple vue d'un visage qu'il pouvait admirer tous les jours, pourtant ? Il fallait croire que oui… Et quand Harry ferma les yeux un court instant, tentant de se reprendre bien que son esprit soit embrouillé, il sentit le corps de Draco s'allonger sur le sien, le faisant trembler violement. Et ce fut reparti pour un long moment de caresses, juste des caresses… qui avait quelque chose de savoureux.

Ils n'avaient jamais fait l'amour de cette façon. Oh certes, Harry était un homme assez câlin et Draco se montrait toujours tendre, amoureux, attentif et patient… Ce n'était pas juste l'acte en lui-même, qui pouvait être parfois presque violent tant Draco était passionné et en manque, mais il y avait toujours de longs moments de caresses. Mais jamais aussi longs que ce soir-là, jamais aussi longs et sans connotation sexuelle. Ils ne s'étaient même pas touchés intimement, alors que tous les deux le désiraient ardemment…

Faire durer le plaisir pour mieux le savourer ensuite…

Ce ne fut que lorsqu'ils attinrent la limite que Draco consentit à bouger un peu. Et à ce moment-là, Harry le fit basculer sur le côté. Draco se laissa faire, un peu surpris, et ferma les yeux, les dents serrées quand il comprit ce que son amant allait faire, et quand il sentit sa bouche merveilleuse sur son torse descendre toujours plus bas, il faillit gémir d'anticipation mais il se retint. Mais ce fut bien pire quand Harry se mit à honorer son sexe dur et chaud, à lécher la peau fine et fragile du membre dressé, sucer le gland rougi… Les vagues de plaisir desserrèrent ses dents mais pas ses mains crispées sur les draps, et si des gémissements indécents s'échappèrent de ses lèvres, ses doigts restèrent accrochés aux draps, résistant à l'attrait des cheveux noirs corbeau de son tendre amant. Draco avait l'impression de se liquéfier tant c'était bon, tant le plaisir apporté par cette caresse si intime était puissant.

Draco faillit jouir, mais il repoussa Harry et l'attira contre lui, emprisonnant sa bouche qui avait déjà gouté les prémices de sa jouissance. Ils s'embrassèrent longuement, puis Draco prit son visage entre ses mains pour l'écarter. Pendant quelques secondes, il regarda son beau visage, ses yeux verts brillants, sa bouche rouge entrouverte… Timidement, Draco posa un doigt sur ses lèvres, en une invitation ouverte et Harry l'accueillit dans sa bouche, avec un autre. Alors à son tour, il posa un doigt sur les lèvres de Draco qui lécha deux doigts, et ce, en regardant son amant en faire de même, leurs regards se croisant. Le blond sentait la langue de Harry tourner autour de ses phalanges, les humectant, et il n'était même pas gêné d'en faire de même.

Enfin, Draco retira ses doigts et les dirigea vers l'arrière-train de Harry, sans jamais quitter ses yeux du regard, et chercha son intimité, où il glissa un doigt, puis un second. Alors le brun sortit ses propres phalanges de la bouche chaude et humide de Draco et, quelques secondes après, ils vinrent rejoindre celles du blond. Un blond qui était prêt à craquer devant l'érotisme de la chose, devant le visage de Harry, ses yeux troublés à demi-clos, ses lèvres rouges et entrouvertes, et leurs doigts qui se caressaient dans l'intimité du tatoueur…

Ne pouvant attendre davantage, au bord de la jouissance, Draco retira ses doigts et Harry en fit de même. Le blond le fit tourner, l'allongeant sur le dos au lieu de l'avoir sur lui, et lentement, il le pénétra. Il regarda le visage de Harry se brouiller, ses traits se crisper et ses yeux se fermer, alors qu'une sorte de soulagement se peignait peu à peu sur sa figure. Le soulagement de le sentir en lui, et ce avec peu de douleur. Harry rouvrit les yeux, alors que Draco ne bougeait pas, et lui donna son accord par un léger mouvement de tête.

Et ils firent l'amour. Doucement, tendrement. Les gestes, les mouvements et les caresses de Draco étaient lentes, beaucoup trop lentes, presque frustrantes, mais terriblement doux. Harry avait presque envie de pleurer tant son amoureux était câlin avec lui, gardant un rythme lent et régulier, les menant aux limites. Des limites qu'ils finirent par franchir, allant de plus en plus vite. Mais ils tentaient de garder un peu de contrôle, toujours plus longtemps.

C'était un peu comme si c'était la première fois qu'ils faisaient l'amour, la première fois qu'ils s'unissaient. Et, d'une certaine manière, c'était la première fois qu'ils se montraient aussi tendres et amoureux lors d'un ébat, et cela avait quelque chose de grisant, de perturbant, de jouissif.

Le rythme de Draco finit par devenir moins régulier, plus passionné, voire même désespéré, tant la recherche du plaisir et de la libération était forte. Harry s'accrochait à ses épaules, y plantait ses ongles, poussant des gémissements qui ressemblaient à des sanglots tant c'était bon d'être aimé ainsi, alors que Draco chuchotait de sa voix rauque des « je t'aime » à son amoureux, allant toujours plus vite, s'enfonçant en lui avant de sortir et revenir encore, toujours plus loin, effleurant une partie secrète de lui et Ô combien sensible de son être.

Et la libération, ce moment si particulier ou plus rien ne semblait exister, où le corps entier se tendait avant de se relâcher, où des étoiles brillaient dans leurs yeux. Un moment où il atteignait le septième ciel, un moment d'absence…

Avant de retomber l'un sur l'autre, épuisés, haletants… apaisés. L'un la tête enfouie dans le cou de l'autre, l'un blond l'autre brun… Plus de nom à la bouche, juste des murmures… Deux corps unis, une seule chair à présent au repos… Couvés par Morphée, qui étendait ses draps sur eux, les emmenant aux pays des rêves…

OoO

La clé tourna dans la serrure. Allan leva à peine les yeux de la télévision quand il entendit son père entrer dans l'appartement, les mains prises par les manettes de la Wii © et les yeux rivés sur l'écran de la télévision où Mario se baladait sur des planètes aux formes étranges.

Dans l'entrée, Rémi retirait ses chaussures et son manteau en soupirant. Puis, il prit sa mallette et entra dans le salon où son fils jouait à la console.

« On ne dit plus bonjour à son père, maintenant ?

- Attends papa, faut pas que je me loupe… »

Le médecin leva les yeux au ciel avec un léger sourire sur les lèvres. Il s'avança dans la pièce et attendit patiemment que son fils en ait terminé avec son trajet à dos d'une raie, s'il ne se trompait, et quand Allan eut poussé un cri de victoire, il put enfin avoir son « bonjour ». Depuis qu'il avait reçu cette console à son anniversaire, l'adolescent passait des après-midi dessus à s'amuser. C'était la première fois qu'il avait une console de jeu, hormis l'antique Game Boy © qu'il avait reçue quand il était en primaire avec les jeux qui allaient avec. Ségolène et Rémi n'avaient pas jugé utile qu'il ait une Playstation en primaire et le couple avait divorcé quand Allan avait à peine onze ans, et Ségolène refusait de partager les frais d'une console. De toute façon, elle refusait de partager de nombreux frais, hormis ceux de l'école. Isaline avait rapidement résolu le problème : elle allait payer.

Honnêtement, Rémi pensait qu'Allan ferait encore moins d'efforts à l'école à cause de la Wii ©, mais au contraire, il s'était amélioré. Avant l'accident de Sirius, Isaline venait de temps à temps chez eux, et depuis qu'elle s'était rouverte à Rémi, Allan avait tendance à aller chez elle tous les après-midi : son bus ne passait pas très loin de la boutique. Son père venait ensuite le chercher. En attendant, il faisait ses devoirs, et quand il avait du mal à comprendre, tout le monde s'y mettait pour l'aider, surtout Draco qui lui donnait des cours fréquemment, sans oublier qu'on ne parlait à l'adolescent qu'en anglais pour qu'il s'améliore.

Deux fois par semaine, Draco passait chez eux. Rémi était en général toujours là pour accueillir l'étudiant, qu'il pensait assez froid et cynique, et qui donc aurait du mal à se faire entendre par son fils assez rebelle, mais au contraire, Draco s'était montré incroyablement pédagogue et calme avec l'adolescent, lui parlant dans une langue qu'il comprenait et ne laissant aucune lacune de côté. Il en résultait de bons progrès dans les notes d'Allan en mathématiques, physique et sciences naturelles.

Autant dire que Rémi était impressionné car lui aussi avait donné des cours en plus de ses études et jamais il n'avait réussi à vraiment expliquer les choses à Allan sans le braquer. Il avait écouté Draco lui parler et le blond n'était pas toujours tendre, lui disant clairement que ses notes étaient pourries et qu'il allait devoir bosser dur pour remonter tout ça, ce qui n'avait pas empêché Allan d'avoir dix-sept à son dernier contrôle, suivant les conseils et les enseignements de l'étudiant.

Pour le remercier de son travail, Rémi voulait le payer mais Draco refusait obstinément le moindre billet de sa part, répliquant à chaque fois que c'était un service qu'il rendait à Isaline. Et il lui glissa aussi que, même si un jour le couple s'embrouillait, il continuerait à aider Allan car il n'était pas bête comme garçon, c'était son âge qui était bête. Rémi avait souri en entendant ces mots. Il avait aussi beaucoup discuté avec l'étudiant autour d'un bon café et il avait découvert un jeune homme très intelligent, peu vantard, avec un certain humour mais qui demeurait assez sérieux. Il trouvait étonnant qu'il puisse sortir avec Harry, qui lui paraissait bien plus ouvert et joyeux, mais bon… Draco et lui étaient un peu dans le même bain : deux médecins qui se retrouvaient avec des tatoueurs… Mieux valait ne pas chercher à comprendre…

Enfin, le fait était que tout semblait prêt à s'arranger. Allan travaillait bien, Isaline se remettait doucement de la tentative de suicide de Sirius et elle lui avait dit que ce dernier comptait rentrer chez lui le soir-même, après un court séjour chez son frère.

Tout en allant dans sa chambre pour y déposer sa mallette, Rémi songea que toute cette histoire avait épuisé la famille mais celle-ci semblait plutôt bien s'en remettre, même s'il faudrait plus de temps pour qu'ils soignent réellement leurs blessures. Rémi pensait régulièrement à Sirius et à toutes ces révélations qu'il lui avait faites à propos de son histoire. Cela expliquait beaucoup de choses et le médecin était touché que l'écrivain se soit ouvert à lui au lieu de demeurer dans des cachotteries, comme l'avait fait Isaline : elle n'avait pas voulu expliquer l'attitude de Sirius pour éviter de parler de la prison, et dans le fond, il pouvait la comprendre.

D'ailleurs, en parlant d'Isaline… Il était passé la voir avant de rentrer, juste pour la voir quelques minutes, et elle lui avait proposé un week-end à deux à Rome. D'abord surpris, il avait été attendri par sa bouille nerveuse, ses doigts qu'elle tordait et l'anxiété dans son regard. Et dire que cette femme était capable de garder la tête froide pendant des moments extrêmes et qu'elle flippait pour si peu…

Quand il avait compris ce que signifiait cette proposition, à savoir un week-end de vacances pour juste tous les deux, son cœur battit à la chamade et, comme un gamin, il hocha la tête en signe d'acquiescement. Elle lui avait alors sauté au cou, soulagée. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas pris de vacances et lui-même n'était pas parti depuis un bout de temps. Depuis l'été dernier, en fait… Rémi avait réussi à placer quelques jours de congés pour le week-end, on les lui avait accordés vu qu'il avait tendance à faire des heures supplémentaires. Et quand la secrétaire avait compris que c'était pour un voyage avec quelqu'un… elle n'avait pas fait la difficile, loin de là…

Maintenant, il fallait annoncer cela à Allan. Rémi le laisserait chez ses grands-parents ou chez sa mère. Il avait été tenté de demander à Isaline s'ils pouvaient emmener Allan avec eux puis il s'était giflé : c'était une virée en amoureux, pas une colonie de vacances… Ce qu'elle voulait, c'était un voyage romantique, pas avec son fils en plus…

Rémi alla dans le salon où son fils jouait toujours. Il s'assit près de lui et lui demanda s'il pouvait arrêter de jouer deux minutes, il voulait lui parler. Un peu étonné, Allan mit son jeu sur pause et se tourna vers son père qui semblait un peu embarrassé.

« Qu'est-ce qui se passe ? Y'a un problème ?

- Pas exactement… Autant y aller franchement, Isaline voudrait qu'on parte en week-end à Rome, tous les deux. Ce serait pour ce week-end, juste après l'anniversaire de Suzy. »

A sa plus grande horreur, il vit le visage de son fils se peindre de déception. Allan baissa les yeux et se mordilla les lèvres et Rémi ne sut quoi dire. Il ne savait pas comment réagir avec Allan : l'adolescent acceptait qu'ils s'embrassent et qu'ils se tiennent la main, mais pas qu'ils partent en week-end.

« Allan ? Fit Rémi en passant une main dans les cheveux de son fils. Ça ne va pas ? Tu n'es pas d'accord ?

- Vous allez juste partir tous les deux ?

- Eh bien, oui… Elle me l'a proposé, elle peut avoir des billets moins chers… Allan, dis-moi ce qui t'arrive… Tu sais que tu peux tout me dire.

- Vous y allez que tous les deux… Je peux pas venir ? Vous voulez pas de moi, c'est ça ? Vous voulez pas que je vous gêne ? »

Un ange passa. Puis Rémi éclata de rire, nerveusement.

« Papa ! Cria Allan, vexé.

- Pardon.

- Pourquoi tu rigoles ?

- Je sais pas, c'est nerveux. Je m'attendais à autre chose.

- Bah quoi ? Vous partez tous les deux en amoureux et vous me laissez ici ! Vous voulez pas de moi, pas vrai ? Je vais vous gêner dans votre virée en amoureux…

- Disons que… J'ai pensé à t'emmener mais… Isaline ne me l'a pas proposé, avoua Rémi. Appelle-la et parles-en avec elle. »

Allan hésita deux secondes avant de se ruer vers le téléphone. Rémi soupira en se disant qu'il avait eu son fils assez jeune et qu'il ne faisait pas partie des parents qui pouvaient partir en vacances sans leurs enfants, et encore moins quand ils n'en avaient qu'un seul. Même si cela les empêcheraient d'être totalement libres, Rémi ne pouvait s'empêcher de vouloir son fils avec lui.

Allan regarda la petite carte de la boutique accrochée près du téléphone, qui datait de la première rencontre entre Rémi et Isaline, et composa le numéro. Il entendit son père se lever du canapé et, quand il se retourna, il le vit partir dans la cuisine, sûrement pour préparer le repas. Allan écouta les tonalités, espérant tomber directement sur Isaline. Cela le gênait beaucoup qu'ils partent sans lui, lui aussi avait envie d'aller en Italie ! Ce n'était même pas parce que c'était un voyage entre son père et sa… belle-mère ? … mais plutôt parce qu'on le laissait seul ici, à Paris, sûrement chez ses grands-parents ou chez sa mère… Pas envie de se taper un week-end merdique alors que son père allait s'amuser dans un autre pays plus chaud…

Quelqu'un lui répondit et Allan reconnut la voix de Harry. Après lui avoir dit bonjour, il lui baragouina en anglais qu'il voulait parler à Isaline et, quelques secondes plus tard, elle prit le téléphone.

« Allô Allan ? Tu vas bien mon chéri ? Fit-elle joyeusement.

- Heu ouais… Dis, papa m'a dit que vous partez en Italie ce week-end.

- Oui, et… ?

- J'peux pas venir avec vous ? Demanda-t-il dans détours. Je veux pas rester ici comme un con alors que vous vous amusez là-bas ! Je suis jamais allé en Italie en plus !

- Je…

- Les voyages scolaires au collège, c'est l'an prochain ! Ajouta-t-il.

- Hey…

- Allez s'te plait Isaline, j'veux venir avec vous !

- Je ne pensais pas que tu voudrais venir, Allan, dit la tatoueuse quand elle put en placer une. Ça me ferait vraiment plaisir que tu viennes toi aussi, je n'osais pas le proposer. Je te prends un billet à toi aussi alors ? »

Un air de pur bonheur apparut sur le visage du gamin qui acquiesça vivement à l'idée de partir en Italie. Isaline rigola quand l'adolescent lui demanda des détails, impatient de se retrouver déjà à Rome, lui qui n'était jamais parti à l'étranger. Puis, par mauvaise conscience, Allan lui demanda si ça ne la dérangeait vraiment pas qu'il vienne et elle lui répondit que, au contraire, ce serait un plaisir de faire ce voyage avec lui.

Isaline ne tarda pas à raccrocher, elle avait une tarte aux pommes sur le feu.

OoO

« Tu viens boire un verre avec nous ?

- Non, je dois rentrer.

- Allez, Severus… Tu es seul ce soir, alors viens… »

Mais le professeur secoua la tête à ses collègues qui allaient sûrement dîner ensemble ce soir-là. C'était une habitude que certains professeurs relativement âgés avaient prise, quand ils finissaient tard, car leurs enfants étaient grands ou parce qu'ils n'en avaient pas, tout simplement. Et Severus faisait partie de ces hommes-là : il avait la quarantaine, et il n'avait pas d'enfants à charge, ce qui lui permettait de rentrer plus tard le soir, à condition que son compagnon soit prévenu.

Sauf que Sirius n'était plus chez eux, et que c'était à cause de ce genre de sortie, en partie, que leurs disputes avaient débuté.

Ses collègues savaient qu'il était homosexuel et qu'il vivait depuis plusieurs années avec un homme, qu'ils connaissaient assez peu, cependant. Ils ne retenaient de lui qu'un type jovial qui savait mettre de l'ambiance. Un type qui avait tenté de mettre fin à ses jours… Ils l'avaient compris suite à quelques mots évasifs que Severus prononça pour justifier ses quelques jours d'absence et son humeur noire. Cette femme qui lui faisait de l'œil tenta de se rapprocher de lui, mais la peine et la culpabilité de Severus était si grande qu'il la rejeta en bloc, fuyant presque le moindre contact avec ses collègues.

Et ce soir encore, alors qu'ils lui proposaient de se changer les idées, Severus ne pouvait pas aller avec eux. Ce n'était pas dans ses habitudes de se mêler ainsi à la population et il ne l'avait fait ces derniers temps que dans un pur esprit de contradiction. Et ce soir, il avait encore moins envie que les autres de dîner autre part que chez lui. Ainsi, Severus prit sa voiture pour rentrer chez lui, sachant déjà que sa soirée serait peu joyeuse. Il savait que Sirius était parti chez Regulus, Harry le lui avait dit par téléphone le matin-même, pour lui souhaiter un bon anniversaire.

Car aujourd'hui, il avait quarante-deux ans. Nous étions le Lundi douze Avril, et il fêtait sa quarante-deuxième année. Seul. Bêtement, il avait pensé qu'Isaline organiserait quelque chose, comme chaque année, mais elle n'avait fait que passer et l'embrasser sur les deux joues pour lui souhaiter un bon anniversaire, sans évoquer le moindre gâteau, et Severus ne la voyait pas organiser une fête surprise chez lui, loin de là, elle était plutôt du genre à faire la fête chez elle. C'était stupide de sa part, lui qui ne fêtait que rarement ses anniversaires, mais il avait prit l'habitude de souffler ses bougies depuis que Sirius était entré dans sa vie. Et il avait espéré que… qu'il y aurait quelque chose. Même un simple repas.

Quelque chose…

Morose, les mains sur le volant de sa voiture, Severus roulait en direction de son foyer, prévoyant déjà de promener Saphira puis de se réchauffer un reste de pâtes avant d'aller se coucher. Peut-être corrigerait-il quelques copies… Et devant ses yeux, défilaient des images de la ville plongée dans la nuit, illuminée par les lumières orangées des lampadaires.

Le professeur n'avait vraiment pas envie de rentrer chez lui. Vraiment pas…

Severus ne tarda pas à arriver dans son quartier. Il roula doucement et aperçut sa maison. Donc les fenêtres étaient éclairées. Stupéfait, le cœur battant soudain à la chamade, il accéléra jusqu'à chez lui, ouvrit le portail, rangea le véhicule dans le garage, puis rentra dans la maison par une porte qui y menait directement sans avoir à ressortir.

Le couloir était éteint mais de la lumière provenait du salon et de la cuisine. Il retira ses chaussures, posa son manteau sur un meuble et entra dans la cuisine.

A croire que le temps s'était arrêté. Severus ne parvenait même pas à en croire ses yeux, tant la vision lui paraissait irréelle. Et pourtant, Sirius était bien là, un tablier autour de la taille, en train de faire cuire quelque chose, remuant une casserole avec une cuillère en bois, secouant légèrement la tête au rythme de Si l'on s'aimait, si des Enfoirés.

Pendant ce qui lui parut être une éternité, Severus regarda cet homme qu'il aimait, même s'il ne le lui montrait pas assez. Il regarda son corps qui lui parut avoir maigri, ce jean qui moulait ses jambes et son torse musclé caché par un pull blanc, ce qui contrastait avec la couleur de son pantalon. Il était pieds nus et ses cheveux noirs corbeau à peine noués par un élastique un peu lâche.

Il était beau. Si différent de l'homme qu'il avait vu allongé dans un lit d'hôpital, les poignets bandés et le teint affreusement pâle. A se demander ce qu'il pouvait bien aimer chez un vieux grincheux comme lui au nez disgracieux.

Soudainement, Sirius sembla émerger de son monde et remarqua la présence de Severus. L'écrivain lui fit un grand sourire, lumineux, dévoilant ses dents blanches et alignées, laissant tomber sa cuillère en bois dans la casserole.

« Bon anniversaire, Sev' ! »

A grandes enjambées, Sirius s'avança vers son homme et le prit dans ses bras, enlaçant ses épaules. Sortant de sa torpeur, Severus posa ses mains sur le dos de son compagnon et lui rendit maladroitement la douce étreinte que l'écrivain exerçait sur lui.

Sirius savait qu'il n'était pas prêt à tout refaire comme avant, ni même à partager le même lit que lui, ayant besoin d'encore un peu de temps avant que tout redevienne comme autrefois. Mais c'était l'anniversaire de l'homme qu'il aimait, et il ne pouvait pas se comporter comme un étranger. Ne pas le toucher alors qu'il lui avait tant manqué…

Surtout quand il sentait ses mains crispées dans son dos, ses doigts accrochés à sa chemise, ses bras qui le serrait fort. Un peu comme pour se convaincre qu'il était bien là, dans ses bras…

« J'ai encore besoin de temps… Chuchota Sirius à son oreille. Mais je suis rentré… »

Contre lui, Severus ne prononça pas un mot. Il avait la gorge nouée et il avait l'impression que s'il faisait le moindre mouvement, même avec ses lèvres, il éclaterait en sanglots. Tout était crispé en lui, tout son corps se tendait pour retenir l'émotion qui le submergeait.

Pourquoi était-il aussi émotif ? Parce qu'il lui avait manqué ? Parce qu'il avait failli le perdre à tout jamais ? Parce qu'il avait cru qu'il ne reviendrait plus jamais à la maison ?

Et il était là, à le tenir dans ses bras, son odeur parvenant à ses narines, ses cheveux caressant son front, ses mains sur son dos… et sa voix au creux de son oreille, juste quelques secondes…

Ils ne parlaient pas. Ne se demandaient pas pardon, ou ne tentaient pas de s'expliquer. Pour le moment, ils n'avaient rien à se dire, et tout ce qu'ils auraient pu vouloir exprimer se ressentait dans leur étreinte. Tel que le manque. Le besoin de l'autre. L'inutilité de la fuite, car ils étaient faits pour être ensemble, même si ça faisait mal parfois…

Severus tenta de se reprendre, submergé par les émotions, et après avoir pris une inspiration, il s'écarta de Sirius et prit son visage entre ses mains, regardant sa figure. Un visage qu'il avait haï étant adolescent, qu'il avait méprisé en temps qu'homme, qu'il avait aimé en temps qu'amant. Un visage qu'il avait vu passer par toutes les teintes, par toutes les expressions, de la joie la plus sincère à la pâleur de la mort. Il caressait ses joues de ses pouces, regardant ses yeux soulignés encore de légères cernes, sa bouche, ses traits un peu relaxés…

Et de son côté, Sirius aussi le regardait. Cet homme qu'il aimait. Pas spécialement très beau, avec un nez peu gracieux dont il s'était souvent moqué étant jeune. Des cheveux noirs coupés aux épaules, un air strict, des yeux sombres comme des cavernes. Mais du charme se dégageait de sa personne, malgré tout. Un charme indéniable qui attirait le regard et le désir, une sorte d'impassibilité qui donnait envie de voir au-delà des apparences. Une carapace à briser, un visage à déchiffrer…

A aimer…

Severus vit le visage de Sirius se brouiller, des dents mordiller sa lèvre inférieure et ses yeux s'embuer de larmes. Alors le professeur attira son visage à lui et l'embrassa sur le front. Conservant la limite que Sirius voulait garder entre eux, l'effleurant. Puis il l'attira contre lui, dans ses bras, alors que des larmes dévalaient les joues de cet homme indécis qui nageait entre deux eaux, entre l'envie d'être au plus près de Severus et en même temps, il éprouvait le besoin de distance, rester un peu à l'écart de lui, pour que ça aille mieux après, pour qu'ils ne refassent pas les mêmes erreurs…

Un peu plus tard, ils s'installeraient à table, partageant ensemble le repas que Sirius avait préparé, dans une ambiance agréable, presque ordinaire. Comme si rien ne s'était passé. Puis Sirius irait chercher dans le réfrigérateur une boite en carton contenant deux tartelettes au citron, avec sur l'une un quatre, et sur l'autre un deux. Une pâtisserie piquante et acide comme un sarcasme, mais doux et craquant sur le dessus. Un peu comme lui. Ensuite, il lui offrirait son cadeau, une montre qui remplacerait celle que Severus avait cassé avant leur dispute. Et enfin, malgré les limites qu'il s'était imposé, Sirius déposerait un léger baiser sur les lèvres de son compagnon, tout en lui souhaitant un bon anniversaire, avant d'aller se coucher chacun dans leur chambre, sans aucune rancune.

Mais pour le moment, Sirius fermait les yeux, tentant de retenir ses larmes, alors qu'il retrouvait la chaleur si chère et précieuse de l'homme qu'il aimait, son parfum, son être, tout simplement…

OoO

La fin de la semaine arriva rapidement. On ne fêta pas l'anniversaire de Severus, étant donné que Remus avait proposé de le fêter en même temps que celui de Sirius qui se passait la semaine suivante. Cela sonnerait comme une sorte de réconciliation entre tout le monde et les deux concernés avaient accepté.

Peu à peu, Sirius reprenait ses marques dans la maison, mais c'était bien difficile : il faisait sans cesse des cauchemars et il avait les idées sombres. Parfois, il criait la nuit, et Severus se levait de leur lit commun pour foncer dans la chambre d'amis pour le prendre dans ses bras et le rassurer. Ils dormaient alors ensemble et Severus s'en allait le matin pour se préparer au travail, tandis que son compagnon restait couché.

Ils ne s'étaient pas embrassés sur la bouche depuis l'anniversaire, Sirius demeurant quelque peu distant et Severus le laissant faire, subissant cette attitude qu'il espérait de courte durée. En effet, il avait du mal à supporter le comportement de Sirius, qui était si démonstratif et envahissant d'habitude, se réduire à quelques rires, sourires, de courtes étreintes et des baisers qu'il déposait parfois sur sa joue. Ce qui l'avait parfois agacé autrefois lui manquait terriblement, mais le professeur refusait de l'avouer. Il préférait attendre, car malgré tout, cette situation avait des conséquences positives.

Déjà, il y avait un petit quelque chose de différent entre eux qui amenait les deux hommes à tenter de se reconquérir mutuellement. C'était un bien grand mot, mais les faits étaient là : Sirius faisait des efforts, s'attelant sérieusement au ménage, aux finitions de la maison et aux repas à préparer, tandis que Severus gardait son humeur de chien pour lui, rentrait bien à l'heure sans trop tarder et se montrait particulièrement attentionné envers Sirius. Il y avait une envie mutuelle de se retrouver… et Sirius n'avait pas retouché à une seule goutte d'alcool. Il avait été tenté pourtant, mais il avait secoué la tête en soupirant : il avait fait assez de bêtises. Et contrairement à ce qu'auraient voulu Remus et Severus, il cessa d'aller chez le psychiatre. Il trouvait cela inutile.

Ainsi, les choses s'arrangeait doucement, et dans le fond, cela plaisait aux deux concernés qui préféraient faire les choses comme il le fallait, même si cela prendrait du temps. Sirius était rentré à la maison et rien n'aurait pu davantage rassurer Severus.

Du côté du reste de la famille, tout allait aussi pour le mieux. Autant dire que savoir le couple à nouveau réuni soulageait grandement Remus et Isaline : tous deux savaient que la meilleure thérapie de Sirius était d'être auprès de l'homme qu'il aimait, car malgré la grosse connerie qu'il avait faite, ses sentiments pour Severus était trop forts et il avait besoin d'être auprès de lui pour comprendre, se pardonner et avancer à nouveau. Harry était tout autant rassuré, bien évidemment un Sirius qui n'est pas chez eux est un Sirius en bonne santé. Et autant dire que le jeune homme n'en pouvait plus de voir son parrain et sa tante déprimer. Nymph' éprouvait les mêmes sentiments que Harry : tout semblait se remettre en ordre, même s'il faudrait un peu plus de temps. Elle savait que, la nuit, Isaline se glissait dans le lit de Harry à cause d'un cauchemar, le brun le lui faisait comprendre, et il y avait des traumatismes qui étaient difficiles à évacuer, voire même impossible à oublier…

Une autre chose positive se profilait à l'horizon : le voyage d'Isaline. Elle avait acheté les billets et loué deux chambres d'hôtel. Allan était impatient de partir et, même s'ils tentaient de le cacher, les deux adultes étaient tout aussi fébriles à l'idée de s'envoler loin de Paris. Harry et Nymph' n'attendaient que ce moment, le jour où le trio prendrait l'avion, car les choses entre Isaline et Rémi allaient peut-être évoluer. Tous deux avaient parié, Harry persuadé qu'il y aurait des galipettes dans la chambre d'hôtel et Nymph' maintint que jamais Isaline ne se laisserait aller après si peu de temps. Draco, qui assistait au débat, refusa de les départager, répliquant que les affaires de cœur d'Isaline ne le regardaient aucunement. Et ça ne regardait pas plus Harry et Nymph'… Le perdant de leur pari serait obligé de s'occuper du prochain tatouage « érotique » commandé par un client…

En attendant le week-end, d'autres évènements avaient lieu. Tout d'abord, l'anniversaire de Seamus qui tomba un mercredi. Théo parvint à rassembler quelques amis communs, tels que Zacharias Smith ou Terry Boot. Ils furent une quinzaine en tout. Ron vint, ainsi que Hermione et Millicent. Seamus fut touché qu'ils soient là : ils se connaissaient et avaient déjà rigolé ensemble à l'occasion de certaines soirées mais il n'aurait jamais pensé qu'ils acceptent de venir et qu'en plus ils lui fassent un cadeau.

Harry fut bien sûr au rendez-vous, comme prévu, et surprise, Draco et Blaise furent aussi présents. En voyant le blond et le black sur le pas de sa porte, Théo craignit que cela jette un froid dans le salon quand ils entreraient, mais au contraire, tout le monde les accueillit comme si c'était normal qu'ils soient là. Car personne n'était au courant pour les tensions entre Draco, Harry et Seamus, sauf Ron, et ce dernier ferma sa bouche. Seamus salua les deux invités surprises avec une certaine crainte, surtout Draco, redoutant un coup bas, et tout au long de la soirée, jusqu'à ce que l'alcool fasse ses effets, l'irlandais eut peur du scandale.

Un scandale qui n'eut jamais lieu. Draco eut un comportement exemplaire, un vrai gentleman. Oh, il n'adressa que très peu la parole à Seamus, restant avec d'autres invités, tels que Blaise, Millicent, Ron et Hermione, fuyant les boulets comme Terry Boot. Harry et Théo mirent l'ambiance, accompagnés d'hommes que Draco ne connaissait pas ou peu. La soirée commença vraiment quand les deux amis dansèrent ensemble, au milieu du salon, s'attirant les sifflements : Harry tentait de charmer Théo qui jouait le jeu, repoussant gentiment le brun quand il se rapprochait trop de lui. Sauf que Seamus se glissa dans son dos et il fut pris en sandwich entre deux tapettes. Les rires pleuvaient sur eux et Théo eut du mal à s'extirper des deux hommes, qui ne dansèrent jamais ensemble, même si Seamus aurait bien voulu.

En somme, la soirée fut assez tranquille et joyeuse. Tout le monde participa, même Draco fit un effort et dansa avec Harry, ne manquant pas de déposer de légers baisers dans son cou, en une douce provocation, qui n'eut heureusement aucun effet. Draco sentait des regards posés sur eux, celui de Seamus tout particulièrement, mais ce dernier n'eut aucun geste déplacé, ce qui permit à Draco de tenir pour le reste de la soirée. Il était venu simplement pour être certain que l'histoire avec Seamus était belle et bien terminée, et c'était le cas.

Il y eut le moment du gâteau où deux pâtisseries furent posées sur la table, une forêt noire et une tarte aux pommes. Seamus souffla ses bougies et, tandis que Théo et un autre garçon s'occupait de couper des parts relativement égales, les invités offrirent leurs cadeaux à l'irlandais. Draco, Blaise et Harry s'étaient mis ensemble pour offrir une belle veste en cuir des plus couteuses au jeune homme qui resta scotché. Il remercia les trois personnes, remarquant à peine les yeux verts de Harry posés sur les vêtements qui avait suscité de longs débats, vu qu'il ne comprenait pas comment on pouvait payer aussi cher dans une simple veste, ce à quoi les deux héritiers avaient répondu par un regard levé au plafond d'exaspération.

La soirée s'était terminée tranquillement, chacun était rentré chez soi assez tard. Draco et Blaise avaient dormi chez Harry, l'un dans la chambre d'amis et l'autre dans le lit du tatoueur qui, pour une raison qui lui échappait encore, avait passé une nuit bien agitée avec un étudiant empli d'hormones.

Deux jours plus tard, Harry était convié à l'anniversaire de la petite sœur de Rémi, Suzy, avec Isaline. Tous deux se mirent donc sur leur trente-et-un, l'une portant une longue robe bleu marine avec des collants sombres pour masquer un peu les tatouages sur ses jambes, alors que Harry avait choisi un jean simple et un pull assez près du corps. Ils arrivèrent avec un peu de retard chez les parents de Rémi qui les accueillirent avec beaucoup de gentillesse. D'ailleurs, tout le monde fut très gentil avec Isaline, n'ayant pas oublié la soirée horrible qu'elle avait vécue il y avait si peu de temps.

La famille découvrit Harry, le neveu, presque le fils d'Isaline et dont Allan parlait tant et non en mal. Ce charmant jeune homme conquit d'abord les adultes, par sa façon de parler, de rire et de parler de tout, la mine toujours joyeuse. A un moment donné, les adolescents l'emmenèrent à l'étage où il gratta la vieille guitare de leur grand-père, après l'avoir accordée, puis il redescendit pour le repas que les jeunes quittèrent à un moment donné, et malgré leurs demandes, le tatoueur resta avec les adultes.

Et ces derniers furent attendris par la relation entre Isaline et Harry. Il y avait des petits gestes qui pourraient paraître étrange au premier abord, cette manie que la tatoueuse avait de toucher le genou ou la main de son neveu quand elle lui parlait, ou encore son bras, ou même ses cheveux noir corbeau qu'elle ébouriffait. Harry ne disait rien quand elle le touchait de cette manière, comme une mère câlinerait son jeune enfant. En fait, il avait des gestes réciproques, car lui aussi lui prenait la main par moment, de façon tellement naturelle que s'en était troublant. Et leurs sourires… Une complicité mère et fils vraiment belle…

A un moment donné, le beau-frère de Rémi, Manuel, mit de la musique, tentant d'attirer sa famille au milieu du salon. Ce fut Harry qui se leva, tirant sa tante par la main, qui mit l'ambiance en faisant virevolter Isaline dans ses bras. Belle comme le jour dans sa robe bleue, ses cheveux nattés dans son dos, dansant gracieusement perchée sur ses petites chaussures à talons, Isaline s'amusait dans les bras de son neveu. Manuel lui vola sa partenaire et alors Harry tendit les bras à Suzy qui rougit, lui assurant qu'elle ne savait pas danser, mais le tatoueur haussa les épaules, un beau sourire aux lèvres, et l'emmena au milieu du salon sous le regard stupéfait de ses parents et beaux-parents, puis des adolescents qui descendirent en entendant de la musique au rez-de-chaussée.

Ainsi, au milieu du salon, Manuel fit danser sa future belle-sœur et Harry joua tranquillement avec une Suzy maladroite qui s'amusa. Manuel récupéra son épouse qui avait miraculeusement quitté son siège. Alors Isaline, abandonnée, partit chercher Rémi qui secoua énergiquement la tête avant de se laisser convaincre. Il ne savait pas aligner deux pas mais il se laissa guider par la femme qu'il aimait et, étrangement, il ne se sentit pas si ridicule que ça alors qu'il faisait tourner Isaline sur elle-même, sa robe effleurant ses jambes dans le mouvement.

Pendant ce temps, les grands-parents s'étaient levés danser à leur tour, sur un rythme un peu trop techno pour eux mais qui les mettait pourtant à l'aise, peu gênés par le regard des autres qui s'amusaient bien. Les adolescents se prirent aussi au jeu, Allan invita sa cousine Kimiko à danser tandis que ses deux autres cousins, Mathias et Noah filmaient ou prenaient des photos des adultes qui se ridiculisaient un peu…

Harry, se retrouvant, se chercha une partenaire et vit, assis sur une chaise, seule, la mère d'Allan, Ségolène. Elle regardait les autres avec dédain mais envie aussi, voulant sûrement se mêler à la foule mais elle était trop coincée pour oser se lever. Alors le tatoueur alla vers elle et vit de la crainte dans son regard quand il tendit les mains vers elle. Et la femme eut beau lui dire qu'elle ne savait pas danser, elle ne put lui échapper. Alors Ségolène dansa avec Harry, encore plus maladroitement que Suzy, un peu gauche et coincée, mais elle finit par se détendre, Harry la faisant tourner et un peu rire. Ses yeux finirent par perdre ce côté terne qui assombrissait son visage, les faisant pétiller. Elle parut rajeunir de vingt ans, en l'espace de quelques secondes…

Quand il la sentit bien dans sa peau, Harry chercha Allan du regard et, quand l'adolescent fut près de lui, il le prit par l'épaule et lui dit quelques mots : « Tiens, fais danser un peu ta mère. »

Ces mots semblèrent bloquer Ségolène et Allan, tous deux à la fois surpris et gênés. Le tatoueur prit Kimiko par les mains et entreprit de la faire danser, alors la mère et le fils se tournèrent l'un vers l'autre pour exercer une danse peu mouvementée qui gagna en passion au fil des minutes, au point qu'ils finirent par rire tous les deux, gauches au possible mais le sourire aux lèvres…

Cette soirée-là fut donc toute aussi agréable que la première que Harry avait passée. Quand la famille fut épuisée, ils se rassirent autour de la table tandis qu'Isaline et Manuel sautillaient jusqu'à la cuisine pour apporter le gâteau, à savoir une montagne de choux à la crème que Harry dut découper, ayant perdu à la courte-paille, certain de s'être fait couillonner. Puis vint le traditionnel échange de cadeaux. Après un bon café, chacun partit de son côté : Isaline et Harry appelèrent un taxi pour rentrer et Remi et Allan prirent la voiture.

Le lendemain matin, très tôt, le trio embarqua dans un avion direction l'Italie. Assise sur son siège passager, Isaline pouvait presque voir Remus et Harry, dans l'aéroport, secouer des mouchoirs en lui souhaitant bonne chance…

OoO

Dans sa chambre, il avait allumé la chaîne hi-fi. Il avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas posé les doigts sur les boutons de l'appareil, pianoté sur les signes qui lui permettait d'entendre un son plus doux que celui qu'il subissait chaque jour.

Pendant un long moment, il avait cherché parmi tous ses disques celui qui lui remonterait un peu le moral, qui mettrait de la couleur dans ses yeux et dans son cœur. Dans le fond, il ne se sentait pas très bien et cela lui ferait du bien d'écouter un peu de musique.

La chambre était à demi plongée dans le noir. En fait, il faisait nuit, et seule la petite lampe posée près de son lit lui permettait de s'éclairer, ou plutôt de distinguer ce qui se trouvait tout autour de lui, car l'ampoule n'était pas très forte et la lumière peu puissante. Mais cette légère lumière avait quelque chose d'apaisant et, dans le fond, le jeune homme n'avait jamais eu peur du noir.

Son doigt glissa sur les tranches des pochettes de CD alignées devant lui, ses yeux lisant un à un le nom du chanteur et les titres des albums. C'était presque avec tendresse qu'il effleurait ces boites qu'il avait tant de fois ouvertes pour écouter de la musique, son corps bougeant légèrement au rythme plus ou moins fort de la mélodie. La musique l'avait tant apaisé autrefois… Un léger sourire effleura ses lèvres alors que son regard se faisait rêveur, repensant à tous ces moments passés dans cette chambre…

Son doigt s'arrêta sur un album de Natasha St-Pier, De l'amour, le mieux. Son regard s'assombrit soudainement. Il repensa à cet album, qu'on lui avait offert un jour. Une chanson écoutée à la radio, une chanson française… Il se souvenait de ce visage qui l'écoutait en souriant légèrement, comprenant les paroles et les murmurant, bougeant les lèvres… Il se souvenait aussi de la traduction que l'autre lui avait faite, ce visage tant aimé…

De cet album qu'il lui avait offert, comme ça, sur un coup de tête… Dont il n'avait pas voulu, parce qu'il n'aimait pas vraiment cette chanteuse et il trouvait ce cadeau tout simplement ridicule… Il se souvint encore de ces yeux verts qui s'assombrissaient alors qu'il disait ces mots, toute l'innocence de ce visage blessée par de telles paroles…

Mécaniquement, le jeune homme prit la pochette, l'ouvrit, et prit le CD, tout en allant vers la chaîne hi-fi allumée. Il glissa le CD à l'intérieur et appuya sur lecture. La musique se mit en route.

« Comme tout le monde, j'ai mes défauts… »

Et son cœur aussi…

« J'ai pas toujours les mots qu'il faut… »

Il n'avait jamais su les avoir. Car tout ce qu'il disait, ça faisait mal. Il avait essayé de changer, pourtant. Etre plus gentil. Mais il n'y arrivait pas, car dans le fond, il n'était pas aussi gentil ni aussi parfait qu'il semblait l'être aux yeux de tous. Même pour lui, pour celui qu'il aimait, il n'avait pas su…

« Mais si tu lis entre les lignes… Tu trouveras dans mes chansons tout ce que je n'ai pas su te dire… »

Mais il avait compris, pourtant. Cet homme qu'il avait aimé, le seul qu'il ait réussi à chérir dans sa courte vie, il avait réussi à le comprendre. A voir au-delà de cette image qu'il donnait de lui, de ce masque qu'il collait en permanence sur son visage. Il l'avait aimé, l'avait protégé, compris… Il avait su lire autre chose en lui, voir sa véritable personne. Et il était tombé amoureux de son vrai lui, pas de ce type qui renversait les cœurs. Aimer son âme. Ses rares sourires. Frissonner à quelques mots d'amour.

Si sincère, si beau, si pur…

« Il y a des fautes d'impression… Des « Je t'aime » un peu brouillon… »

Combien de fois lui avait-il dit ces mots ? Combien de fois lui avait-il dévoilé son cœur, lui avait-il crié qu'il l'aimait ? Si peu… Toujours en cachette… Dans le noir, là où il se sentait si bien, là où il n'avait peur de rien… Là où personne ne pourrait l'entendre…

« Malgré mes accords malhabiles… Tu trouveras dans mes chansons tout ce que j'ai pas osé te dire… »

Des mots à peine bredouillés, à peine soufflés, que l'autre seul aurait pu entendre, prendre dans son cœur et les y graver. Pas de beaux discours, de chansons, de grandes déclarations. Seuls quelques mots chuchotés à l'oreille, ou hurlés quand il sentait que l'autre s'en allait. Quand celui qu'il aimait le quittait, partait loin de lui… Car il était allé trop loin…

« Tu trouveras… Mes blessures et mes faiblesses… Celles que je n'avoue qu'à demi-mot… »

Les dents du jeune homme se serrèrent, tout comme ses poings. Il avait l'impression de s'entendre, d'entendre sa propre voix chanter cette chanson. Sauf qu'il était seul dans cette chambre, à penser à toutes ces souffrances qu'il avait révélées à la seule personne en qui il avait vraiment confiance, tous ces troubles qu'il avait en lui, ces contradictions, ces paradoxes… Ces contraintes qui lui avaient pourri la vie, qui lui avaient fait voir l'Enfer…

Il lui avait tout dit… Il lui avait dit quand il souffrait, pourquoi… Tout ce dont il ne parlait à personne, car personne ne devait savoir, il les lui disait… Il le lui montrait, même… Quelques larmes le long de ses joues, et…

Ses mains sur son cou…

« Mes faux pas, mes maladresses… Et de l'amour plus qu'il n'en faut… »

Le jeune homme baissa la tête, les yeux clos et ses poings toujours serrés. Il le revoyait, souriant, assis sur son lit à le regarder se déplacer dans la chambre, chantant doucement en bougeant la tête. Il le revoyait pleurant sous lui, ses mains crispées sur ses propres poignets, le suppliant d'arrêter.

Un animal blessé. Un chat qui ronronnait sur son lit et qui gémissait sous son poids, subissant les coups, les tâches bleutées qui apparaissaient sur son corps. Un chiot qui le suivait fidèlement, qui aurait tout fait pour lui, qui le sauvait chaque jour de la noyade, et qui couinait quand il avait trop mal.

La peur dans ses yeux… les larmes qui en débordaient… Ses cheveux noirs étalés sur le tapis, ses ongles enfoncés dans sa peau…

« J'ai tellement peur que tu me laisses… »

Un animal blessé qui fuyait avant de revenir, qui reviendrait toujours parce que l'amour, c'est plus fort que tout. Et il le regardait à chaque fois faire quelques pas vers lui, l'air de rien, exaspéré par son comportement, et secrètement soulagé de le savoir à nouveau près de lui. Et il n'avait jamais eu peur de le perdre… Sauf quand tout devint trop sérieux, quand l'autre se refusa à lui, quand il ne voulut pas lui donner son corps… Quand il le quitta, blessé comme jamais, au corps et à l'âme, quand sa salope de tante lui cassa la gueule…

Tellement peur de le perdre… De ne plus jamais l'avoir auprès de lui, ne plus jamais le sentir dans ses bras, l'embrasser, entendre sa voix chanter au son de la chaîne hi-fi, le regarder rire et sourire, ses yeux pétillants de joie, ses mains caressant ses cheveux… Tellement peur d'être à nouveau seul, comme un con… Sans lui…

« Sache que si j'en fais toujours trop… »

Tellement peur de se retrouver sans rien, sans cet amour sincère et sans tâche qu'on lui avait offert, sans cette attention et cette tendresse dont il était dépendant… Sans cet homme si beau qu'il aimait passionnément et dont il ne pourrait jamais se passer…

« C'est pour qu'un peu tu me restes… »

Son corps était recroquevillé sur lui-même. Ses pieds étaient bien à plat sur la moquette… Cette moquette où ils avaient roulé ensemble, ses lèvres parcourant le cou de l'autre qui riait aux éclats… Ses poings se crispaient sur ses genoux… Ces mêmes poings qui avaient été abattus sur le corps de l'autre… Ses dents étaient serrées, sa tête baissée… Ses fesses posées sur le lit, ce lit où ils avaient passé tant de moments…

« Tu me restes… »

Soudain, il sauta sur ses pieds, se levant, et prit la chaîne hi-fi qu'il balança par terre avec une rage sans nom.

Pourquoi écouter la suite ? La suite de ce disque qu'il lui avait offert, le sourire aux lèvres… Ce disque sur lequel il chantait, en français…

Car les paroles de la suite étaient fausses…

Jamais il ne le laisserait à un autre…

Jamais…

Il avait passé quatre ans en taule. A cause de cette salope de blondasse qui avait réussi à le retrouver, à cause de tous ces flics, à cause de toutes ces idées qu'on avait mis dans la tête de Harry… Tout ça, c'était de leur faute…

Harry était à lui. Harry l'aimait. Et il ne l'avait pas oublié, Cédric en était certain…


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !