Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si!
Couple : Harry / Draco.
Rating : M.
Salut les jeunes !
Lys : Coucou :).
Aujourd'hui, nous sommes le 20 juin 2010 ! Et comme certains le savent, c'est le jour de mon anniversaire !
Lys : En effet, Didi Gemini fête aujourd'hui ses 19 ans ! Elle devient vieille Oo.
… Merci.
Lys : Je t'en prie :).
Donc, pour l'occasion, j'ai décidé de poster non pas un, mais deux chapitres !
Lys : Un chapitre de Papillon et un autre d'Existence, pour ceux qui lisent cette histoire !
C'est mon anniversaire et c'est moi qui fais les cadeaux… Non mais je te jure, ou va le monde…
Lys : XD Nous dédions ces deux chapitres tout spécialement aux pauvres lycéens qui passent leur bac actuellement.
Pour info, j'ai obtenu ma première année en licence d'histoire !
Lys : … Nan mais on s'en fout, on parle pas de toi mais des bacheliers è.é !
… T_T
Lys : Et nous dédions aussi ce chapitre à Talie Black, toujours au rendez-vous, qui a pensé à l'anniversaire de l'auteur et lui a souhaité en avance :3.
Exact ! :D
Lys : Et une dernière chose...
Merci à TOUS pour toutes vos reviews ! J'ai atteint la barre des 800 ! Merci à tous !
Bonne lecture !
Chapitre 29
Assis près du comptoir, où se trouvait l'agenda de la boutique, un pot à crayon et une calculette, Sirius discutait tranquillement avec Isaline qui zieutait sur les rendez-vous à venir, les tatouages à pratiquer et les piercings à faire. Elle-même attendait un client qui voulait se faire tatouer un panda sur le bidon en train de manger de l'eucalyptus. Dans l'arrière-boutique, Nymph' était en train de faire deux rangées de sept piercings dans le dos d'une jeune fille, de façon à ce que, une fois les bijoux remplacés par des anneaux, elle puisse y faire passer un ruban pour créer un effet de lacement de corset.
Quant à Harry, il était penché sur le bras d'un homme d'une trentaine d'années qui avait décidé de se faire tatouer Gaston Lagaffe sur son épaule, en compagnie de son chat et de sa mouette. Harry avait passé un certain temps à dessiner le personnage, à l'aide d'une image agrandie, qu'il refit plusieurs fois en brouillon tant il avait du mal. Lui qui était capable de faire le portait de Johnny Halliday sans trop de mal, il galérait sur un bête dessin de bande dessinée… En même temps, il était souvent demandé, Johnny Halliday…
Sirius jetait de fréquents coups d'œil à son filleul. Il avait pris de bonnes couleurs et il semblait moins morose que quand il avait quitté Paris. Sirius était venu déjeuner et, accessoirement, voir les photos de vacances, et il n'avait pas été déçu : Harry et Draco ensemble, Théo et Ron pourchassant Seamus sur la plage, Blaise portant Luna sur son dos, Hermione lisant un bouquin, assise en indienne, ou encore Millicent apportant un énorme plat de pâtes à la bolognaise avec Cho en arrière-plan qui brandissait victorieusement une cuillère en bois.
Mais aussi les Seamus et Hermione claquant des dents sur la plage, enveloppés dans des serviettes éponges, Théo à moitié nu dans sa douche, Blaise et Millicent chantant avec des balais en guise de micro, Ron dormant la bouche grande ouverte et Luna tenant une chenille, trouvé allez savoir où, au dessus de ses lèvres largement écartées, ou encore Harry plaquant un Draco peut coopératif sur le lit, Seamus alors allongé sur le tatoueur et Cho lui faisant l'honneur de l'écraser à son tour avec son magnifique corps de déesse grecque moulé dans une jupe en cuir et un tee-shirt trop petit. Autant dire que Sirius fut plié de rire en voyant la tête du pauvre Draco, qui était naïvement sorti de la salle de bain en serviette dans le but de prendre les affaires qu'il avait oubliées… Harry lui avait dit que, si Blaise ne prenait pas la photo, il aurait sauté sur eux lui aussi…
Son filleul avait donc passé de bonnes vacances, ce qui était une bonne chose. Sirius se doutait que tout se passerait pour le mieux, si on omettait ce voyage où il avait passé son temps à dormir pour éviter de faire une crise d'hystérie. Cela avait changé les idées de Harry qui avait sans doute oublié, l'espace de quelques jours, le fait que Cédric était en liberté. Sirius avait d'ailleurs fait quelques rondes et il n'avait jamais aperçu le jeune homme dans le quartier. Il savait qu'il ne serait pas difficile pour lui de trouver leur adresse et il était soulagé de savoir qu'il n'était pas dans le coin.
Isaline aussi avait fait des rondes, paranoïaque qu'elle était, même si elle lui avait promis de rester sagement chez elle si Sirius s'en occupait. Elle semblait pourtant apaisée elle aussi, plus sereine, comme si elle espérait que Cédric ne viendrait pas. Qu'il les laisserait tranquille. Qu'il laisserait enfin Harry tranquille, maintenant qu'il avait échappé à ses fantômes…
Et puis, Sirius ne voulait plus jamais revivre ces moments d'angoisse qui avait bousculé sa vie et celle de sa famille de ce gamin qu'il considérait comme son fils même s'il ne pourrait jamais remplacer son père. Il venait de fêter ses quarante-et-un ans avec Severus, une belle fête avait été organisée pour eux et ce fut une soirée agréable, pleine de rires. Si cet équilibre que chacun semblait avoir trouvé s'effondrait… Pas sûr qu'ils parviennent à s'en relever…
Mais peut-être que Sirius se faisait des idées, et qu'au pire, Cédric se contenterait de contrarier Harry, sans plus jamais le toucher. Peut-être se faisait-il des idées.
Il l'espérait.
De tout son cœur…
OoO
Nous étions samedi. Une journée assez remplie, en somme, vu que les clients avaient tendance à venir à la boutique le week-end. Enfin, sauf le dimanche, où la boutique était fermée, bien que des clients aient conseillé à Isaline de l'ouvrir. Mais cette dernière avait répliqué que, si elle ouvrait le dernier jour de la semaine, elle bosserait six jours sur sept, et elle estimait avoir assez de travail. Et les clients ne semblaient pas comprendre que, même si elle n'était pas dans la boutique, son esprit était tourné vers le travail malgré tout. Et tout le monde parvenait très bien à s'accommoder des horaires, alors pourquoi changer toute l'organisation…
Cependant, bien qu'il y ait généralement plus de monde le samedi que les autres jours de la semaine, Isaline était parvenue à caser tous ses rendez-vous le matin et en début d'après-midi, de façon à être libre une bonne partie de la journée, et accessoirement de la soirée. En effet, Allan en avait marre de sa coupe de cheveux et il avait menacé son père de se les couper n'importe comment si jamais il ne lui payait pas le coiffeur. Rémi, travaillant, ne pouvait pas l'accompagner, donc il avait presque supplié Isaline de l'emmener. La tatoueuse avait haussé un sourcil : c'était un grand garçon, il pouvait très bien aller au coiffeur tout seul comme un grand. Enfin, c'était ce qu'elle pensait avant que son petit ami ne s'explique : la dernière fois qu'il avait laissé Allan aller seul au coiffeur, il s'était ramené à la maison avec une coupe bizarre et des mèches rouges. Rémi l'avait alors emmené chez un autre coiffeur pour raser tout ça…
Isaline accepta donc d'accompagner Allan et elle promit à Rémi qu'il ressortirait de là avec une coiffure potable, et elle lui jura aussi que, non, elle n'avait jamais donné son accord pour que Nymph' et Harry se fassent des mèches ou des couleurs de cheveux aussi peu naturelles mais elle avait dû abdiquer… suite à cela, il avait été prévu qu'ils dînent tous les trois.
Etant donné qu'ils travaillaient seuls une bonne partie de l'après-midi, Harry et Nymph' avaient décidé de se faire petit dîner en tête-à-tête : Remus était convié à un repas rassemblant plusieurs collègues, auquel la tatoueuse ne voulait pas participer. Autant elle aimait Remus, sa façon de lui parler de son métier, à savoir professeur de droit, elle ne pouvait pas supporter plus de quelques minutes ses collègues qui partaient dans des discussions poussées et d'un ennui abyssale. Elle faisait bonne figure mais elle s'ennuyait à mourir et Remus en avait bien conscience, donc il ne la forçait jamais à l'accompagner. Et, de toute façon, il fallait bien garder leur fils.
Donc, quand il fut l'heure de fermer la boutique, ils s'empressèrent de tout nettoyer, Harry laissant Nymph' terminer pendant qu'il regardait ce qui restait dans le réfrigérateur. Il avait envie d'escalopes à la crème fraîche mais il manquait du riz, constata-t-il en regardant dans les placards. Harry appela sa collègue dans le couloir et lui dit qu'il courrait acheter du riz à la supérette, il revenait tout de suite.
Il alla donc à la supérette du coin, à peine quelques minutes à pied. Les yeux dans le vague, Harry regardait droit devant lui en pensant à sa journée routinière. Il ne tarda pas à arriver à la supérette, la lumière illuminant les vitres et le trottoir alentour. Harry avait toujours trouvé ce genre d'endroit assez glauque quand la nuit était tombée, ou quand elle était sur le point d'assombrir toute la ville.
La tatoueur entra dans l'établissement, salua la caissière, puis parcourut les rayons à la recherche d'un paquet de riz. Il prit un carton dans la main et s'interrogea, se demandant s'il devait prendre en sachet ou non. Il savait le faire, mais une fois sur deux seulement, ayant la mauvaise habitude de le laisser cuire trop longtemps.
« Bonsoir, Harry. »
Le tatoueur sursauta et se retourna. Un léger sourire sur le visage, ses yeux bruns brillants de malice, sa présence ici semblait tout simplement irréelle.
« Comment vas-tu ?
- On fait aller. C'est quoi cette voix ?
- J'ai pris froid, fit Neville en soupirant. Je ne sais pas, peut-être le temps qui s'est un peu refroidi…
- Tu ne devais pas être parti en week-end avec Hannah ? Ron m'avait dit…
- Oh si, mais elle a eu un empêchement. Raison familiale. Qu'est-ce que tu fais ici aussi tard ?
- Tata n'est pas là ce soir, je dois préparer un dîner en amoureux avec Nymph', lui répondit malicieusement Harry en lui montrant son paquet de riz. Et toi ? Ron est à court de Cornichon ?
- Nan, d'olives. C'est sa nouvelle lubie, ajouté le colocataire du rouquin comme si cela expliquait tout. Et ce soir, c'est soirée de l'horreur, et tu sais bien que Ron ne regarde jamais de films d'horreur sans olives. »
Harry hocha la tête : il n'aimait pas particulièrement ce genre de films mais il en avait déjà regardé avec Ron et Neville, et à chaque fois, Ron avalait un bocal de cornichon ou d'olives. Au lieu de grignoter des chips, il laissait transparaître son angoisse par l'engloutissement de ces malheureuses petites choses vertes. A tous les coups, ayant tellement mangé de cornichons quand il avait son plâtre, 'il avait décidé de varier un peu les plaisirs.
Ils allèrent ensemble à la caisse et payèrent, sortant de son apathie la vieille caissière. Caissière qui semblait être à son poste depuis sa naissance et que tout le monde connaissait. Puis, ils se quittèrent devant les portes vitrées, chacun allant de son côté. A grandes enjambées, Harry rejoignit la boutique, son ventre criant famine et imaginant que Nymph' avait presque terminé.
« Bonsoir, Harry. »
Il sursauta.
Se retourna.
Et lâcha tout ce qu'il avait dans les mains.
OoO
La porte d'entrée claqua. Alertée par le bruit, Nymph' posa tout ce qu'elle tenait dans les mains et alla dans l'entrée, allumant le couloir. Et la vision qu'elle eut lui glaça le sang.
Harry était appuyé contre la porte, qu'il avait verrouillée, le temps qu'elle arrive dans le couloir. Ses jambes tremblaient, à croire que sans la porte dans son dos, elles ne pourraient pas le soutenir. A vrai dire, tout son corps tremblait. Il avait la tête baissée, mais elle parvenait à voir ses traits, et les larmes qui coulaient le long de ses joues.
Elle se précipita vers lui alors qu'il tombait par terre. Elle écarta ses genoux, qui se repliaient instinctivement contre lui, se mit entre, et prit son visage entre ses mains. Son visage pâle, ses yeux hagards et terrifiés, sa bouche laissant passer un souffle haché… et ses joues humides…
Pas besoin qu'il lève les yeux vers elle. Pas besoin qu'il parle.
Il était revenu.
Il l'avait vu.
Dehors.
Dans toute sa splendeur.
Il n'avait pas changé, dans le fond. Quatre ans avaient passé, mais il était toujours le même. Toujours aussi beau, le visage agréable, le sourire léger et charmeur, et ses yeux brun clair, envoutants, qui semblait lire dans l'âme comme dans un livre ouvert. Il avait toujours ses cheveux brun mordoré bien coiffés, et des vêtements à la fois simples et élégants qui le mettaient en valeur.
Quatre ans étaient passés. Il avait maigri. Sûrement. Il avait changé. Sûrement. Il avait des cernes. Sûrement. Mais dans le fond, c'était toujours le même, avec le même regard, le même sourire, le même charisme qui avait attiré les yeux et le cœur de Harry Potter. Et le voir dans la nuit, comme un fantôme, sorti des tréfonds de sa mémoire, lui avait porté un coup au cœur qu'il n'aurait jamais imaginé.
Il avait alors tout oublié. Tout lâché. Et courut jusqu'à chez lui, avec l'image de Draco dans sa tête, et la voix de Cédric lui criant de s'arrêter dans les oreilles…
Teddy sortit du salon. Il ne comprit pas quand il vit son parrain serrer fort sa maman dans ses bras, ses mains crispées sur son pull et ses jambes emmêlées aux siennes. Il ne comprit pas quand il l'entendit pleurer, la tête cacher dans le cou et les cheveux fuchsia de sa maman. L'enfant se mit à pleurer et à gémir, porté par l'angoisse, la peur et la tristesse qui flottait dans la petite entrée de cette maison.
Mais Nymph' ne se tourna pas vers lui, sourde à ses pleurs.
Elle écoutait la voix de Harry.
Sa voix humide.
Qui la suppliait de ne rien dire à Isaline.
OoO
Les secrets étaient toujours des choses lourdes à porter. Nymph' en avait fait l'expérience plus d'une fois. Elle n'avait jamais su mentir. Un vrai menteur n'éprouve aucun remord et sait poursuivre ses mensonges sans se perdre. Ce n'était pas le cas de Nymph'. Elle savait garder les secrets, même si elle avait du mal. Mais elle n'avait jamais su mentir, car elle ne parvenait pas à garder l'esprit tranquille…
Elle se souvenait encore de l'époque où Harry sortait avec Cédric. A l'époque, c'était un adolescent, presque un adulte, assez normal, qui découvrait les joies du flirt, des baisers et des caresses. C'était du moins ce qu'elle pensait, jusqu'à ce qu'un soir, alors qu'Isaline était sortie avec Sirius, elle l'avait découvert dans la salle de bain en train de regarder ses bleus.
Je suis tombé dans les escaliers.
Ah bon ?
Oui.
Son regard était apeuré… Nymph' étaient rentrée dans la salle de bain parce qu'elle avait oublié la montre que son petit ami lui avait offerte un mois auparavant. En fait, elle la cherchait, et après avoir fouillé partout, elle en avait conclue qu'elle ne pouvait se trouver que dans la salle de bain.
Au final, elle n'y était pas. A la place, il y avait les bleus de Harry. Harry, qui la regardait avec ses yeux vert émeraude, ses yeux de chien battu.
Battu. Frappé. Maltraité.
Petit chien qui voulait faire plaisir à son maître.
Et qui se retrouvait puni.
Cette vision lui avait fait mal au de-là des mots. Nymph' aimait Harry, même si elle ne le lui montrait pas souvent. Elle l'aimait comme on aimait un frère. C'était un gamin qu'elle avait connu il y avait longtemps et qui, d'une certaine façon, avait grandi avec elle. Elle l'avait vu grandir, elle l'avait emmené à l'école, puis dans des virées dans Londres avec la voiture d'Isaline, une fois son permis acquis. Ils avaient mangé des glaces, grignoté des frites, passé des heures au cinéma, révisé des dictées oubliées tard le soir en priant pour qu'Isaline ne les découvre pas…
Des heures de complicité que Nymph' ne pourrait jamais oublier. Tous ces CD sur lesquels elle avait dansé sous les rires clairs de Harry, tous ces jeux vidéos où ils s'étaient excités comme des gosses, tous ces coquillages ramassés sur la plage…
Tout ça…
Et tous ces bleus sur sa peau…
Elle avait fermé les yeux et fermé la porte. Elle avait essayé d'oublier. Mais elle l'avait revu torse nu, en entrant dans sa chambre, parce qu'Isaline avait besoin de lui, en bas.
Ils ont voulu m'apprendre le rugby.
Ah bon ?
Oui.
A nouveau, elle avait fermé la porte, pour qu'il puisse enfiler quelque chose avant de descendre. Nymph' l'avait caché. Elle n'avait rien dit à Isaline, alors qu'elle aurait dû. Pourquoi ne l'avait-elle pas fait ? Ce n'était pas normal, ces blessures…
Peut-être qu'elle se voilait la face. Ce devait être sûrement ça. Elle ne voulait pas s'avouer la vérité : Harry avait des problèmes. Non, Harry se faisait frapper. Par qui ? Une seule personne aurait pu lui faire du mal. Une seule, car qui aurait pu le battre ? Qui aurait pu lever la main sur lui ?
Cédric Diggory.
Gentil Cédric Diggory, si parfait, si charmant, si… vomitif. Tellement beau, tellement doux… Il était venu voir Harry à la boutique. Quelques fois. Souvent. Isaline le regardait d'un mauvais œil, mais le laissait faire : il n'y avait rien de mal à ce qu'il vienne voir Harry, ils sortaient ensemble, après tout. Et Nymph' ne disait rien non plus, pensant la même chose.
Jusqu'aux bleus. Cette couleur violacée sur la peau de Harry. Elle baissait les yeux à chaque fois que Cédric était là, sinon elle savait qu'elle hurlerait. Et ce n'était pas ce que Harry voulait. Il souriait quand Cédric venait. Ils se comportaient comme de simples amis, mais il souriait, avec sa bouche et ses yeux. Alors il valait mieux baisser la tête et fermer sa gueule. Ou sinon, Harry serait triste…
Je me suis battu avec un voyou qui m'a insulté.
Ah bon ?
Oui.
Croire à ses mensonges. Ses mensonges de gamins que personne n'aurait jamais cru, car ils étaient trop gros et dis sans grande conviction.
Nymphadora aurait dû parler, pourtant. Elle aurait dû dire. Faire comprendre. Arranger une situation pour qu'Isaline découvre le pot aux roses. Elle aurait dû le faire, au lieu de regarder Harry rentrer, maussade, triste, malheureux, un doigt posé sur ses lèvres.
Chut. Le dis pas à Tata. Elle serait triste.
Et puis, Isaline découvrit tout. Elle ne pleura pas devant Harry. Mais derrière. Dans sa chambre, où elle couchait seule depuis trop longtemps. Elle pleura longtemps, le nez enfoui dans son oreiller, parce qu'elle n'avait rien vu.
Pas vu les bleus. Les tâches violacées. Les doigts posés sur ses lèvres.
Les chut. Les mensonges. Les excuses.
Les secrets.
Et Nymph', accroupie près de sa porte, l'écouta pleurer, en se retenant de verser des larmes aussi. Parce que c'était sa faute, non ? Sa faute si elle lui avait tout caché, si elle ne lui avait rien dit, si elle avait cru naïvement aux mensonges de Harry… Elle ne voulait pas qu'il lui en veuille, en pensait que tout s'arrangerait, qu'il finirait par tout avouer…
Et Isaline pleura. Dans le noir. Toute seule.
Et Isaline frappa. Dans une rue. Seule à seul.
Et Isaline hurla. Dans le commissariat. A nouveau seule.
Souvent, Nymphadora aurait voulu fermer les yeux et faire comme si tout cela n'avait jamais existé. Mais elle les garda ouverts. Elle ne ferma pas la porte, comme elle l'avait fait trop souvent.
Pardon.
Elle l'ouvrit bien en grand et accueilli tous les reproches, toutes ces visions de tristesse et d'angoisse… tout ce qu'elle méritait.
Pardon.
Et elle angoissa, plus encore qu'Isaline, restant dans la boutique à travailler, comme d'habitude, alors que sa patronne cherchait son enfant partout dans Londres, sans jamais se reposer. Pendant un mois, Nymph' travailla comme une machine, dessinant de choses immondes sur des feuilles avant de les reproduire sur le corps d'hommes et de femmes qui s'enchaînaient comme des gorgées d'eau dans son gosier. Rester là à faire comme si tout allait bien, à travailler encore et encore, en espérant de tout son cœur que Harry aille bien.
Pardon…
Nymphadora ne pleura pas une fois pendant le mois où Harry fut séquestré. Ce ne fut que quand la police le retrouva qu'elle explosa en sanglots, ne devenant plus qu'une loque gémissante dans son lit.
Dans le fond, elle ne se pardonna jamais ces mensonges, ces secrets qu'elle avait gardés trop longtemps. Quand elle rencontra Remus Lupin, qu'elle en tomba amoureuse et qu'il lui fit des avances, elle lui raconta de suite son histoire. Il manifesta d'abord une certaine réserve avant de l'inviter à dîner et lui offrir le premier vrai baiser de sa vie. Sa franchise avait payé.
Mais ce ne serait pas le cas ce soir. Pas alors que Harry buvait un chocolat chaud dans le canapé, les yeux encore rouges d'avoir tant pleuré.
Nymph' mentirait. Encore une fois.
Chut. Le dis pas à Tata. Elle serait triste.
D'accord.
OoO
Pianotant sur son portable, Théo était en train de calculer mentalement combien de temps il leur restait avant que leur stand soit envahi par des cerises. Il y avait déjà des fraises, les fameuses gariguettes, dont les clients ne semblaient pas se lasser.
Pour le moment, il était en pause. Ils étaient plusieurs à travailler sur ce grand stand assez imposant. Cela formait comme une sorte de couloir, les fruits étant présentés de chaque côté de ce couloir où les clients se déplaçaient à leur guise et choisissaient eux-mêmes leurs fruits avant de passer à la caisse, que Théo ne tarderait pas à reprendre, une fois sa pause terminée.
Voulant plus d'indépendance, quand il était plus jeune, Théo venait tous les matins très tôt dans ce marché, à quelques minutes de métro de chez lui, et à force de le voir traîner dans le coin à chercher un job, le patron de ce stand de fruits et légumes l'avait pris pour décharger son camion et installer le stand, puis l'avait payé une fois son travail achevé. Chaque dimanche, Théo revenait, même s'il avait du mal à soulever les lourds cageots et à se faire à l'organisation des fruits, auxquels il ne connaissait pas grande chose. Mais le patron et ses quelques employés purent voir que c'était un jeune homme de bonne volonté qui avait envie de travailler. Il l'embaucha donc.
Les années étaient passées, et à présent, Théodore avait vingt-trois ans. Il connaissait le stand comme sa poche, savait reconnaître les fruits, les déguster, les palper… Il savait cuisiner les légumes qu'il vendait, donnant des idées aux clients… Il savait vendre, installer, décharger, conduire le camion pour livrer… Malgré son jeune âge, il était l'un des employés les plus importants de son patron qui avait une confiance absolue en lui, le laissant se balader avec de gros billets dans les poches pour qu'ils ne restent pas dans les caisses sans penser qu'il pourrait le voler. Quatre ans qu'il bossait avec lui, quatre ans qu'il supportait les températures basses, les levées la nuit, les livraisons sur le verglas, et jamais aucune crasse.
Théo gagnait assez bien sa vie, entre ce travail et ses cours à domicile, et il savait que le jour où il arrêterait le marché, cela ferait un choc aussi bien pour ses collègues que pour lui-même. C'était une famille qui dirigeait l'entreprise, Théo en faisait presque partie, bossant pour eux deux jours par semaine et avec des absences assez peu nombreuses. Le poulet acheté à la rôtisserie ambulante dépiauté par la femme du patron, les lancés de radis, les radiateurs pour éviter que la salade gèle, les tomates écrasées par terre, les tranches de pastèques avalées en moins de deux… Tout un tas de choses auxquelles Théo finirait par renoncer, avec soulagement d'un côté, et avec regrets de l'autre. Et ses collègues le regretteraient aussi, il le savait bien : ils ne se séparaient pas d'un vendeur, mais d'un responsable qui connaissait son boulot.
Cependant, tant qu'il n'aurait pas son vrai métier, ni son cabinet, Théo ne pouvait pas quitter ce travail, qui avait l'avantage de ne lui prendre que le week-end, et il avait certaines responsabilités qui lui permettaient un salaire plus élevé. Son patron lui avait même proposé de lui prêter de l'argent pour l'aider à payer son cabinet, s'il en avait besoin, mais Théo lui disait à chaque fois qu'il n'était pas encore là. L'étudiant savait aussi que cette famille était fière de compter parmi ses rangs un futur médecin, même s'il était pour le moment cantonné à vendre des patates et des poivrons.
Enfin, les beaux jours arrivaient, le travail était plus agréable et Théo avait la joie de se lever le matin avec un relatif soleil derrière sa vitre. Bientôt, les matinées plongées dans le noir seraient bien loin…
Perdu dans ses pensées, Théo fut limite secoué par le fils du patron qui l'appelait depuis deux bonnes minutes : sa pause était terminée, il devait reprendre la caisse : la petite jeune avait du mal avec les prix, c'était une catastrophe, même après un mois de boulot. Théo leva les yeux au ciel et reprit son poste, virant la jeune fille de son siège et sourit à la vieille dame qui lui tendait son sachet de pêches, les yeux brillants d'envie.
Les clients défilèrent les uns après les autres, puis le fils du patron revint voir Théo et l'emmena avec lui, laissant une collègue à sa place. Il était l'heure de commencer à remballer, la plupart des employés sortaient les cageots, comptaient la remballe, et ils avaient besoin que Théo aille récupérer le camion. Le jeune homme revint donc de longues minutes plus tard à bord de son bolide et aida ses collègues à tout ranger, montant et baissant le haillon en appuyant sur les boutons noirs à l'intérieur de l'espace où toutes les marchandises étaient entassées. Puis, il monta à l'avant dans la cabine, le fils du patron et une collègue avec lui. Il déposa cette dernière près de chez elle puis rejoignit le dépôt, où son travail se poursuivit. Enfin, il put récupérer sa voiture et rentrer chez lui.
La tête en vrac, le corps tendu et les mains gelées, Théo passa la porte de son appartement avec un soulagement non feint. Sans même chercher à saluer Seamus, il fonça dans la salle de bain pour se détendre sous la douche, se décrassant de cette journée fatigante, où il avait dû subir le mécontentement de certains clients et la mauvaise humeur du placier qui courrait partout comme un fou.
Une fois lavé, Théo sortit de la salle de bain, enveloppé dans un peignoir, et chercha Seamus, qu'il trouva dans sa chambre en train de discuter sur Facebook. Théo posa une main franche sur son épaule en le saluant, l'irlandais posa sa main sur la sienne en réponse, les yeux fixés sur l'écran de son ordinateur. Théo se pencha et comprit tout de suite ce qui se passait. Il poussa un soupir à fendre l'âme, retira sa main, et se tira de la chambre.
« Théo, si t'es pas content, c'est pareil.
- Va te faire voir.
- J'en ai bien envie, mais il est un peu loin.
- Pédale ! »
Seamus fit une moue exaspérée tout en levant les yeux au ciel : okay, il draguait sur MSN un homme qu'il avait vu à peine quelques heures dans une station balnéaire au bord de la mer, et alors ? Ce mec lui plaisait, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu de copain et qu'il ne s'était pas défoulé dans une bonne partie de jambes en l'air. Ce type, Fabien, semblait très charmant et il lui proposait déjà de venir le voir à Paris pour quelques jours, étant donné que Seamus semblait peu enclin à aller à Clermont-Ferrand seul.
Etrangement, Théo avait du mal à digérer le fait que Seamus entretienne ce genre de relation avec un type rencontré en vacances et qui habitait à des kilomètres de chez lui. En fait, Théo avait du mal avec les relations homosexuelles tout court. Depuis que Seamus était célibataire, ou du moins depuis qu'il était en mauvais termes avec Dean Thomas, Théo semblait s'être calmé avec ses insultes, mais il recommençait à en balancer à tout va. L'irlandais le connaissait assez pour ne pas s'en formaliser, mais ça devenait quand même lassant. Il faisait ce qu'il avait envie de ses fesses, merde ! Et puis il avait envie de faire l'amour, il n'y avait rien de mal à ça…
Néanmoins, Seamus se leva et retrouva son colocataire dans le salon, étalé sur le canapé, la télévision allumée. Seamus s'assit sur la table basse et le regarda quelques instants avant de parler, voyant bien que Théo boudait.
« Y'a quelque chose qui ne va pas, Théo ? Lui demanda doucement Seamus. T'es en manque d'amour ou quoi ?
- Les résultats des partiels.
- Oh, je suis sûr que tout s'est bien passé ! Mais je maintiens que tu es en manque d'amour toi ! Toujours pas réconcilié avec ton ex ?
- Oh, elle me saoule, soupira Théo en se passant une main sur le visage. Comme quoi je me serais comporté comme un salaud.
- En même temps, vous n'êtes pas restés ensemble très longtemps et vous avez…
- Ouais je sais Seamus, mais j'ai toujours été franc avec elle, j'y peux rien si elle a cru à autre chose. Et puis je vois même pas pourquoi tu en parles, tu l'aimais pas. »
C'était vrai, Seamus ne supportait pas cette greluche, mais bon, il fallait le reconnaître, Théo allait plutôt bien avec elle. Et les gestes tendres qu'il avait à son encontre le faisait rêver, tellement ils étaient rares mais sincères… Il rêvait d'un mec comme ça, et en même temps, il ne pourrait pas supporter de sortir avec quelqu'un sans sa dose de bisous et de câlins par jour. C'était un peu pour ça que ça avait capoté avec Draco : pas assez démonstratif. Dean l'était beaucoup, par contre…
« Allez, va retrouver ton prétendant. Mais il est hors de question qu'il vienne ici, c'est pas un hôtel !
- Espèce d'homophobe à la con, je disais rien quand tu t'envoyais en l'air avec ta copine !
- Parce que tu comptes vraiment coucher avec lui ? Fit Théo, sidéré.
- Et si j'en ai envie, hein ? Je fais ce que je veux ! Répliqua Seamus, les joues rouges.
- Madre de dios… Soupira l'étudiant en faisant le signe de croix, ce qui fit glousser Seamus.
- Non, pas dans l'immédiat, se reprit l'irlandais. Il ira à l'hôtel, c'est certain, je le connais à peine. »
Théo l'écoutait à peine, le regardant sans le voir, une main posée sur son front. Il semblait vraiment fatigué, même si Seamus l'avait déjà vu plus épuisé en hiver, quand le froid s'emparait de ses membres et les engourdissait pour le reste de la journée.
« Tu devrais faire une sieste.
- J'ai un cours dans une heure, à peu près.
- Théo… Soupira Seamus.
- Bon, une petite alors. »
L'irlandais se leva et revint avec une couverture qu'il posa sur son colocataire, qui ferma les yeux, la tête posée sur un oreiller du canapé. Seamus éteignit la télévision et lui promit de le réveiller dans une bonne demi-heure, histoire qu'il se repose un peu, ou du moins qu'il ferme les yeux…
OoO
Il n'osait plus sortir. Ron lui avait proposé un cinéma, Cho une balade dans le Marais, mais Harry refusait de décoller de chez lui. Il était parvenu à décliner leurs invitations de façon naturelle, sans que cela paraisse suspect, alors qu'au fond de lui, il tremblait littéralement de peur.
Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti ce genre de chose : le secret inavoué et la honte qui en découlait. Isaline était rentrée à la maison, fraîche et pimpante, sans se douter une seule seconde que son neveu était nerveux au possible. De même, Sirius était passé à la maison, pour « mettre de l'ambiance », disait-il, et il n'avait rien vu non plus.
Parfois, Harry était étonné par sa capacité à mentir aux gens qui l'entouraient, à leur cacher ce qu'il ressentait, derrière son sourire enjôleur et ses yeux malicieux. A Nymph' aussi, il aurait pu tout cacher, si elle n'avait pas été là quand il était rentré.
Nymph'. Sa grande sœur. A qui il ne montrait pas toujours son amour profond mais pour qui il ressentait une tendresse inébranlable. Elle était et serait toujours quelqu'un d'important dans sa vie, quelqu'un à qui il avait fait du mal indirectement. Elle avait fermé les yeux sur ce que Cédric lui faisait, parce qu'il lui avait demandé. Le déni avait bloqué ses yeux et sa gorge : jamais elle n'avait dit quoi que ce soit à Isaline, et Harry savait parfaitement que sa tutrice avait très mal pris toutes ces cachotteries, et que, d'une certaine manière, elle avait moins confiance en Nymph', se méfiait davantage d'elle quand Harry n'allait pas bien.
Mais c'était un secret. Harry ne voulait pas qu'elle le sache. Il préférait se calmer, affronter ses peurs, l'affronter lui, et qu'elle ne sache rien…
Mais il ne savait pas combien de temps il mettrait avant d'aller voir Cédric. A la vue de son visage, tous ses souvenirs lui étaient revenus à l'esprit et une peur irrationnelle s'était emparée de son corps. Il savait très bien que rien de mauvais ne pouvait lui arriver.
Et pourtant…
Pourtant, il avait peur…
OoO
Cela allait bien faire une semaine qu'il n'avait pas vu Harry, et honnêtement, il lui manquait beaucoup. Draco avait pourtant l'habitude de beaucoup travailler et faire passer ses études avant tout : jamais il ne programmerait une soirée en tête-à-tête s'il savait qu'il devait réviser ou travailler à la bibliothèque. Harry allait dans son sens, même s'il l'appelait quasiment tous les soirs, à moins qu'ils n'aient discuté quelques minutes sur MSN. C'était comme des petits rituels. Des habitudes. Presque un besoin.
Et là, quasiment rien. Oh, certes, ils se parlaient tous les soirs, de vive voix ou avec leur clavier d'ordinateur, mais Draco sentait que quelque chose n'allait pas. Harry semblait moins bavard que d'habitude, ce qui était assez étonnant venant de lui. Draco savait parfaitement que, quand il était lancé, il pouvait lui parler de tout et de n'importe quoi et le blond avait besoin d'entendre sa voix au moins dix minutes dans la journée ou lire ses messages sur MSN, tellement typiques de son petit ami qu'il pouvait presque l'entendre dire ces mots.
Draco ne savait pas si c'était parce qu'il révisait trop, sans grand contact avec le monde extérieur, ou si c'était tout simplement de la paranoïa, mais le fait était que ça le turlupinait.
Pendant ses révisions, Blaise était venu chez lui afin qu'ils révisent ensemble, et Théo les avait rejoint un jour à la Bibliothèque Nationale de France. Ils avaient bien travaillé ce jour-là, Draco était assez confiant bien qu'il ressente quand même un certain stress, Blaise tentait de calmer son angoisse et Théo l'affichait clairement. Pour un élève aussi bon que lui, c'était étonnant qu'il se prenne autant la tête. Draco et Blaise l'admiraient : Théo avait un bon niveau et il travaillait beaucoup, il parvenait donc à allier études et job. Son souci était qu'il craignait de redoubler et donc de refaire une année. Il se battait déjà comme un beau diable pour tenir debout avec tout ce qu'il faisait, ce n'était pas pour recommencer une deuxième fois son année.
De façon subtile, Draco lui avait demandé s'il avait vu Harry et Théo ne semblait pas être sorti avec lui depuis leurs vacances tous ensembles. Et il ne semblait pas savoir si Harry était sorti avec Ron ou qui que ce soit d'autres. En soi, cela ne voulait rien dire, mais depuis le temps, Draco avait compris que toutes les sorties que chacun faisait finissait par se savoir. Il suffisait que Ron sorte au ciné avec Harry et son colocataire pour que tous leurs amis le sachent, et cela le plus naturellement du monde. Il n'était donc pas bien difficile pour Draco de savoir si Harry était sorti avec quelqu'un pendant ces quelques jours. Un mail à Cho et il savait tout, ou presque.
Draco n'aimait pas ce genre de pratique, à savoir surveiller son petit ami, mais il sentait que quelque chose n'allait pas chez Harry. Ce dernier lui avait pourtant promis qu'il lui parlerait, si ça n'allait pas. Mais il lui avait promis, et apparemment, Harry était un bon comédien, capable de berner une femme comme Isaline. En même temps, elle s'était faite avoir une fois, elle saurait comment réagir à présent…
Oh, peut-être que c'était juste un coup de blues, pas grand-chose, ou alors Draco se faisait des idées, pensa-t-il en tripotant son stylo. Assis devant son ordinateur, il avait Blaise et Hermione en communication, mais il suivait les conversations de manière assez absente, plongé dans ses pensées. Il avait envie de voir Harry, et en même temps, il ne pouvait pas vraiment se le permettre à une heure pareille : débarquer chez lui à six heures du soir ne serait pas très correct, même si Isaline le laisserait entrer chez elle sans discuter. Ça ne se faisait pas.
Il se dit vaguement qu'il tenterait peut-être une visite le lendemain, si sa mère ne le réquisitionnait pas encore une fois pour faire les boutiques avec elle, comme ce fut le cas ce jour-là. Elle se rendait à un gala et elle avait besoin d'une robe pour cette occasion, mais elle était aussi invitée à un mariage, donc elle devait se trouver une autre robe, et ayant omis ce fait, nul doute que Draco devrait encore faire les boutiques avec sa tendre génitrice pour trouver une tenue idéale pour la cérémonie. Sans compter qu'il était lui aussi convié…
D'ailleurs, en parlant de cérémonie, Draco songea qu'il ne devrait pas tarder à se trouver une tenue pour le mariage d'Adonia, la fille de Regulus, qui aurait lieu cet été. Cela se ferait en petit comité, sans grande cérémonie réunissant cinq cent personnes. Néanmoins, il faudrait faire honneur à sa cousine et être bien habillé. Pendant un instant, il imagina Harry Potter vêtu d'un smoking, élégant et séduisant au possible, ses cheveux éternellement indisciplinés et un nœud papillon autour du cou. Belle vision…
Draco secoua la tête : ce n'était pas le moment de fantasmer tout seul dans son coin. Il revint donc sur terre et vit que Blaise, las de lancer des wizz à tout va, s'était mis à écrire des bêtises en espérant attirer l'attention de son meilleur ami, à coups de « Draco is so sexyyyy ! (8) ». Blaise avait horreur de parler aux murs, pensa Draco avec un léger sourire.
OoO
Il était dehors. Harry n'avait qu'à se pencher un peu pour le voir dehors. Il était monté à l'étage pour chercher quelque chose et il l'avait vu, de l'autre côté de la rue. Pas devant la boutique. C'était stupide : Isaline était en bas, il devait s'en douter, et nul doute qu'elle rentrerait dans une colère noire si jamais elle le voyait. Donc il restait de l'autre côté.
Leurs regards s'étaient croisés, l'espace d'un instant. Cédric ne portait pas de lunettes de soleil, ou quoi que ce soit qui aurait pu masquer son visage. Tout juste une casquette sur sa tête, histoire de changer de look. Harry n'avait pas eu le temps de voir ce qu'il portait qu'il détournait déjà la tête, reculant dans la chambre, le cœur battant si fort qu'il aurait pu sortir de sa poitrine, complètement emballé. Le souffle court, le brun s'était assis sur le lit, la gorge serrée, sans oser redescendre avant d'être calmé. Isaline verrait de suite son trouble, et cela irait mal.
La tête dans les mains, Harry reprit son calme. Il était terrorisé. Pourtant, il ne risquait rien. Dans l'optique même où Cédric parviendrait à le chopper au coin d'une rue, rien ne pourrait se passer : toucher Harry lui amènerait de gros problèmes, son objectif n'était donc pas de s'approcher de lui pour lui faire du mal. Le tatoueur ne cessait de se dire la même chose encore et encore, mais cela ne le rassurait en rien. Il ne parvenait pas à prendre sur lui.
Pourtant, il avait essayé, dans l'intimité de sa chambre. Harry avait beau se dire que ça ne servait à rien de se cacher chez lui, il ne parvenait pas à aller au delà de ses peurs et les affronter en allant voir son ex-petit-ami. Car c'était ce qu'il voulait : le voir, lui parler, et surtout lui demander de le laisser tranquille. Cela n'était pas compliqué, pourtant, mais cela relevait du parcours du combattant pour Harry qui, à la simple vue du visage de Cédric, repensait à ce mois terrible qu'il avait vécu quatre ans auparavant, séquestré dans une chambre de bonne, à regarder le ciel en espérant être libéré ou dormir dans son lit en espérant se réveiller.
Le mieux était d'en parler à Isaline ou Sirius. Ils trouveraient une solution, ils l'accompagneraient… mais Harry n'osait pas, il ne voulait pas, têtu comme une mule. Le jeune homme voulait affronter ses peurs lui-même, mais le courage lui manquait à chaque fois qu'il apercevait la silhouette de cet homme qu'il avait aimé autrefois et qui avait brisé quelque chose en lui. Quelque chose qui s'était peu à peu reconstitué et qui avait véritablement guéri au contact de Draco.
Harry reprit sa respiration et se leva. Il devait voir Cédric. Il le devait. Cela ne pouvait plus durer. Mais comment le voir, comment affronter ça ? Se rongeant un ongle, il se demanda quoi faire. Le mieux était tout simplement de sortir et aller directement le voir, au lieu de remettre sans cesse à demain cette inévitable rencontre. Mais pour cela, il devait sortir de la maison, quitter la boutique, et cela sans qu'Isaline ne se doute de quoi que ce soit. Pire encore, il devrait rentrer calme, sans histoire, de façon à ce qu'elle ne se doute de rien. Il lui faisait des cachotteries, c'était mal.
Et il le savait.
Mais il ne voulait pas l'inquiéter une fois encore. Lui faire du mal une fois encore…
Harry Potter ferma les yeux et prit une grande inspiration. Puis, il sortit de la chambre, puis descendit les escaliers et rejoignit la boutique. Là, Isaline et Nymph' travaillaient chacune de leur côté sur un tatouage. Harry se pencha sur sa tante et lui dit qu'il devait aller à la supérette. Plongée dans son travail, la patronne hocha vaguement la tête, l'écoutant à peine. Alors Harry passa l'arrière-boutique et sortit de la maison par la porte d'entrée, les mains moites et le cœur battant.
Il était là. De l'autre côté de la rue. Casquette sur la tête, blouson et jean abîmé. Rien à voir avec ce qu'il portait autrefois, lui qui était si distingué, si bien habillé. C'était une sorte de déguisement, pour ne pas se faire remarquer. Et, d'une certaine manière, ça marchait.
Leurs regards se croisèrent. L'espace d'un instant, Harry eut l'impression de faire un saut dans le passé, de revenir quatre ans en arrière. A l'époque où il était amoureux, où il acceptait tout sans compter. L'époque où il était heureux, où il acceptait tout, même d'être trompé.
Dans le fond, Cédric Diggory n'avait pas changé. Toujours aussi beau, même s'il avait maigri, ses joues un peu creusées et des cernes soulignant ses yeux mordorés. Mais il avait toujours le même charme, le même attrait. Le même air doux et mystérieux sur son visage de mannequin. C'était toujours l'homme qui l'avait fait rêver, qui lui avait apporté autant de joie que de tristesse. Qui lui avait sourit, qui l'avait frappé, qui l'avait faire rire, qui l'avait menacé.
Le même homme. Même sourire doux, amadoueur. Même yeux pétillants, charmants.
Envie d'ouvrir la porte et la claquer. Effacer cette image qu'il avait devant lui, comme sortie tout droit de ses souvenirs. Envie de se réveiller, comme si tout cela n'était qu'un mauvais rêve.
Mais il était là. Son cauchemar personnifié était là. A Paris. Devant lui.
Avec un sourire d'excuse sur les lèvres.
Avec de la timidité dans les yeux.
Amadoueur.
Séducteur.
Connard sans cœur…
Un peu comme dans un rêve, comme dans ces films américains où tout se passe au ralenti pour insister sur l'intensité de la scène, Harry traverse la route vide de voiture, les yeux rivés sur Cédric, sur cette image survenue de ses lointains souvenirs, qui fait battre son cœur. Douloureusement.
Parce que Cédric représente toute une époque de sa vie où il a été malheureux et mal dans sa peau. Parce qu'il représente tout ce qu'il a fuit, ce pan de sa vie qu'il aurait préféré oublié. Cette époque où il n'osait plus se regarder dans un miroir, où il voyait Isaline lui sourire sans grande conviction, où il la sentait le toucher comme pour se convaincre qu'il était bien là, à la maison.
Cette époque où il lui demandait de le tatouer.
Un papillon.
Pourquoi un papillon ?
Tatoue-moi un papillon, Tata.
Tu le veux comment ?
Bleu. Comme le ciel.
Pourquoi un papillon ?
S'il te plait, Tata. Un papillon bleu.
Ils ne sont pas d'accord.
Un papillon, Tata…
Pourquoi ?
Parce que je veux être un papillon.
Pourquoi ? Il ne t'arrivera plus rien, maintenant. Plus personne ne te fera de mal.
Tata, tatoue-moi un papillon.
Pourquoi ?
Parce que si je saute par la fenêtre, je ne tomberai pas en bas…
OoO
Il avait enfin cessé de le fuir. Cela faisait des jours qu'il l'attendait, dans cette rue, baissant les yeux et fuyant à chaque fois qu'une autre personne que lui passait cette porte. Le plus souvent, c'était Isaline ou Nymph' qui en sortaient, et parfois, Sirius y entrait. Mais Harry ne mettait quasiment plus les pieds dehors, même pour promener le chien. Ou alors trop tôt ou trop tard pour que Cédric puisse le voir et l'intercepter.
C'était ce qu'il désirait le plus au monde, pourtant. Le voir, lui parler, croiser son regard et entendre sa voix. Cela faisait si longtemps qu'il désirait le rencontrer à nouveau. Toutes ces lettres qu'il lui avait envoyées sans jamais recevoir de réponses… Soit Isaline les déchirait, soit Harry ne prenait pas la peine de les ouvrir. Dans les deux cas, Cédric n'avait jamais eu de nouvelles de lui, les rares visites qu'il recevait ne le renseignant jamais sur son ex petit-ami.
Longtemps, Cédric s'en était voulu. Dans le fond, il savait qu'il n'était pas quelqu'un de méchant, mais il était tout simplement désespéré quand Harry mit fin à leur relation, de façon assez brutale. Il ne voulait plus entendre parler de lui, et même quand Isaline fut arrêtée pour coups et blessures, il ne céda pas : c'était bel et bien fini. Comment aurait-il pu faire pour retrouver l'homme qu'il aimait ?
Oui, il lui avait fait du mal. Oui, il l'avait frappé, blessé, aussi bien physiquement que moralement. Oui, il était un piètre petit ami mais la vérité était qu'il aimait Harry plus que tout, qu'il n'était qu'un salaud et qu'il était prêt à changer si Harry voulait bien de lui à nouveau.
Mais non.
Harry ne voulait pas.
Alors Cédric, fou de douleur, fou de rage, l'avait enlevé et enfermé dans une petite chambre. Il espérait le faire céder. Cela ne devait durer que quelques jours, le temps que Harry comprenne à quel point il avait besoin de lui, qu'il l'aimait plus que sa propre vie, et que quelque chose de solide pouvait réellement se construire entre eux.
Cela ne devait durer quelques jours. Le temps que Harry comprenne, abdique. Il était prêt à assumer son homosexualité. La dévoiler au grand jour. Changer. Etre un autre homme.
Mais Harry l'avait repoussé. Ses regards, ses baisers, ses caresses, tout ce qu'il avait désiré autrefois, Harry le repoussait. Il ne voulait plus de tout ça, de tout ce qu'il avait exigé de lui sans jamais l'obtenir. Alors Cédric s'était énervé : mais pourquoi se refusait-il maintenant à lui alors qu'il avait tout ce qu'il pouvait désirer ? Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Alors il l'avait frappé.
Encore.
Et encore.
Il avait essayé de le posséder, de lui faire l'amour de force, mais malgré tout, malgré cette frustration continuelle, Cédric le voulait consentant. Mais Harry ne voulait pas de lui. Il repoussait ses caresses, pleurait quand il allait trop loin, criait quand il lui faisait trop mal…
Coinçait son lit contre la porte pour l'empêcher d'entrer…
Frappait contre la fenêtre pour tenter de s'échapper…
Harry souffrait par sa faute, et il en avait conscience. Mais rien n'aurait pu l'arrêter. Son cœur souffrait, il ne supportait pas de lui faire du mal. Mais l'apaisement qu'il ressentait par moments s'estompait quand il ressentait le rejet de cet homme qu'il aimait, sa peur du contact. Quand il voyait son corps amaigri, ses mains crispées sur les draps.
Longtemps, Cédric Diggory s'en était voulu de faire autant de mal à Harry Potter, et plus d'une fois, il voulut arrêter. Mais il savait qu'il était allé trop loin et tout arrêter ne lui apporterait que des soucis. Résultat, il avait passé plusieurs années en prison, sans savoir ce que l'homme qu'il avait brisé de ses propres mains était devenu.
Pourtant, malgré tout ce temps, l'amour qu'il ressentait pour Harry ne s'était jamais estompé. Il repensait encore à lui, à son sourire, ses yeux verts pétillants de malice, et ce dos magnifique où ses ailes d'ange reposaient. Son cadeau d'anniversaire, de ses dix-huit ans, fait quand ils s'étaient séparés, et achevé quand il l'avait enlevé.
Son Harry, qui marchait à présent vers lui, beau comme le jour, le visage tendu et les yeux anxieux. Quand il fut devant lui, se tordant les doigts, nerveux au possible, Cédric lutta pour ne pas le prendre dans ses bras et le serrer fort contre son cœur. Tant d'années loin de lui, tant d'années à se demander s'il allait bien, s'il l'avait oublié, s'il avait surmonté ce traumatisme, et s'il lui pardonnerait un jour. Tant d'années à se torturer l'esprit et à penser à lui sans cesse.
« Bonjour, Harry.
- Bonjour. »
La même voix, un peu grave. Cédric vivait un rêve. Il avait l'impression que tout ce qui l'entourait était irréel, qu'il allait se réveiller d'un moment à l'autre. Et pourtant, il lui suffisait de tendre la main pour toucher Harry, la manche ou le bord de son pull.
« Tu vas bien ? »
Sa voix était nerveuse, tout comme cette phrase, qui était stupide à souhait. Mais les conversations débutaient toujours de cette façon, non ?
« On fait aller. Et toi ?
- Pareil. »
Cédric sourit un peu plus franchement et il vit avec horreur Harry faire un léger pas en arrière, comme ébloui par cet éclat sur son visage, les yeux toujours anxieux.
Il avait peur de lui. Cette constatation lui vint comme une claque en pleine figure. Il ne le réalisait que maintenant : Harry avait peur de lui. Et cela lui fit plus mal qu'il ne l'aurait pensé.
Mais à quoi d'autre aurait-il pu s'attendre ? Après cette fuite, pouvait-il espéré ne serait-ce qu'un sourire ? Harry avait lâché tout ce qu'il avait dans ses mains, les yeux écarquillés de stupeur, et s'était enfui à toutes jambes sans le moindre regard en arrière. A présent, il affrontait son angoisse et traversait cette rue qui les séparait, mais à contrecœur.
Son sourire se fana, mais Cédric ne put baisser les yeux : il dévorait presque le visage de Harry, qui semblait avoir un peu mûri, mais qui était toujours aussi harmonieux.
« Tu as peur de moi.
- Tu t'attendais à autre chose ?
- Non. Si. Je ne sais pas…
- Qu'est-ce que tu me veux ?
- Isaline sait que je suis ici ?
- Non. Je ne lui ai pas dit. Mais je ne veux pas qu'elle te voit ici. Et moi non plus, je ne veux plus te voir là. »
Sa voix était calme. Tellement calme que s'en était effrayant. Pas de tremblements, juste une voix apaisée, qui ne trahissait pas l'emballement de son cœur qui lui hurlait de rentrer chez lui, loin de ce danger.
Cédric sentit quelque chose en lui se briser.
« Harry…
- S'il te plait, Cédric. Je ne veux pas discuter. Je veux rentrer chez moi et oublier le fait que je t'ai vu ici. Je veux penser…
- S'il te plait, écoute-moi !
- Je veux penser que tout cela n'est qu'un rêve, le fruit de mon imagination, et rien de plus.
- Je suis tellement désolé…
- Cédric…
- Je voudrais tant te parler… Pas dans cette rue, pas dans ces conditions. Te parler vraiment, de ce que je ressens, de ce que j'ai vécu, de toi, de…
- Je ne veux pas parler. »
Voix froide, ton implacable. Un cœur qui ralentit, qui s'apaise, enfin dompté. Un regard moins anxieux, plus sérieux.
Visage indifférent, un peu agacé.
« J'ai refais ma vie, Cédric. Tout ce qui s'est passé avant, c'est du passé. Je veux oublier.
- Moi, je ne peux pas oublier. Je t'ai fait du mal, et je veux m'en excuser, Harry ! Laisse-moi te prouver que mes intentions sont…
- Laisse-moi tranquille… »
Juste un soupir. Des yeux un peu fermés, un peu baissés. Lassitude.
« Laisse-nous tranquille. Ça ne sert à rien. Fait comme Marcus, et tire un trait sur tout ça. Oublie-moi, Cédric. Oublie tout ce qu'on a vécu ensemble, car pour moi, tout cela n'a plus aucune importance. Je ne ressens plus rien pour toi, à part de l'indifférence. J'ai changé de vie, j'en ai créé une autre, et je ne veux pas qu'elle change. Et je veux encore moins que tu en fasses partie. »
Puis Harry se retourna. Il fit un pas, puis un autre. Il pouvait presque sentir la main de Cédric effleurer son épaule, comme s'il voulait le retenir. Il avait l'image de son visage désespéré dans sa tête, ses yeux écarquillés de stupeur, de l'angoisse dans ses prunelles au fur et à mesure qu'il parlait.
Tant pis.
Cédric ne faisait plus partie de sa vie depuis longtemps, il avait tiré un trait dessus le jour où son regard s'était posé sur Draco Malfoy. Car il avait réussi à lui faire oublier cette partie de sa vie hantée par le fantôme de Cédric Diggory, il lui avait fait découvrir une autre version de l'amour entre hommes, il lui avait fait comprendre que cela n'avait rien de mauvais, de sale, de honteux.
Tant pis.
Si ça faisait mal.
Si des larmes coulaient sur les joues de Cédric.
Tant pis.
Il avait refait sa vie.
OoO
Sa montre indiquait clairement qu'il était l'heure de partir, et pourtant Rémi hésitait à s'en aller. Son service était terminé et rien ne le retenait à l'hôpital, à part un collègue qui voulait lui payer le café. En somme, rien qui pourrait réellement le garder à l'hôpital. Et puis, il devait récupérer son fils au collège, étant donné qu'il finissait plus tôt, et ils comptaient passer voir Isaline, en surprise.
C'était ce qui était prévu, mais Rémi n'était guère motivé. Deux jours auparavant, ils avaient eu leur première vraie dispute de couple, et le médecin avait du mal à s'en remettre.
Cela avait démarré sur une discussion relativement banale qui était partie en cacahouète. De façon purement anodine, Isaline avait dit à Rémi que son ex-femme était quand même pas très fute-fute : elle avait quitté Rémi pour un homme un tout petit plus âgé que lui et elle se retrouvait trompée deux ans plus tard comme elle-même avait trompé le médecin, mais avec une jeune femme de vingt-cinq ans. De là avait découlé quelques tensions : Rémi ne voulait pas qu'on critique son ex-femme, il ne voulait même pas en entendre parler, surtout venant d'Isaline.
Ne comprenant pas l'attitude de Rémi, cette dernière avait riposté : elle ne faisait que dire la vérité, son ex n'avait pas gagné grand-chose au change. La conversation avait dérivé sur les anciens compagnons de la tatoueuse, Rémi voulant défendre Ségolène qui avait beaucoup souffert de sa rupture, ce qui l'avait rendue plus aigrie encore qu'auparavant. Le médecin avait rencontré un ex d'Isaline et il avait dit à cette dernière que, elle aussi, elle n'était pas bien fute-fute non plus : elle s'était amourachée d'un homme au point de lui prêter une certaine somme d'argent qu'il ne lui avait jamais rendue.
Autant dire que la patronne prit très mal ce qu'il disait. Le médecin avait une façon de dire les choses qui lui faisait sentir qu'elle n'était qu'une conne qui s'était faite avoir par un homme. Sans oublier que, dans la colère, il avait insinué que, en plus, elle avait essayé d'avoir un enfant de façon clandestine, tant elle était désespérée. La colère et un reste de douleur avait animé Rémi, qui malgré tout, gardait toujours un sentiment de souffrance dans son cœur quand on évoquait l'amant de son ex-femme, qui avait détruit l'équilibre de sa vie et qui l'avait mené à faire une dépression suite à son divorce. Les tensions qu'il vivait à l'hôpital et le franc-parler d'Isaline avaient eu raison de lui et il s'était emporté.
Sans un mot, le regard brûlant de colère et la bouche réduite à une ligne blanche, Isaline avait tourné les talons et s'en était allée. Il avait essayé de la rappeler, Allan aussi. Mais elle ne répondait pas, et quand ils parvenaient à tomber sur une voix humaine, à savoir celle de Harry et Nymph', on leur répondait à tous les deux que la patronne n'était pas là. Mais il n'y avait pas assez de conviction dans leur voix pour que leurs propos tiennent vraiment la route.
Honnêtement, Rémi s'en voulait de son éclat. Ce n'était pas dans ses habitudes de s'énerver de la sorte et tenir de pareils propos. Il y avait déjà eu quelques disputes entre eux, des broutilles, mais jamais d'éclat. Et il y avait deux jours, ils s'étaient embrouillés de façon assez sévère, sur des sujets qui fâchent. Enfin, surtout concernant Isaline. Le médecin savait très bien qu'il ne fallait pas lui parler de la sorte concernant ses ex et son désir d'avoir un enfant, mais il avait voulu défendre Ségolène qui avait souffert de cet échec retentissant, à la fois sur le plan émotionnel, mais aussi familial : elle avait tenté de reconstruire quelque chose avec un autre homme et, au final, ses parents ne manquaient pas de lui faire comprendre à quel point elle avait été stupide.
Cela ne faisait pas si longtemps qu'il connaissait Isaline mais il en avait assez vu pour comprendre comment elle fonctionnait, et il savait parfaitement qu'elle était rancunière. Peut-être lui pardonnerait-elle sur le coup, mais elle mettrait du temps à apaiser ses sentiments tumultueux. Isaline était quelqu'un qui gardait tout dans sa tête et qui prenait sur elle-même pour avancer. Savoir que son pardon ne serait pas réellement accepté par celle qu'il aimait et la culpabilité ne motivaient pas vraiment Rémi à aller la retrouver à sa boutique.
Pourtant, il n'avait guère le choix : il l'avait promis à Allan, et en plus, il avait vraiment envie de la revoir. Cette tension qu'il y avait entre eux pesait sur son esprit, il avait l'habitude d'entendre sa voix au moins une fois dans la journée, le plus souvent au téléphone, et ne plus lui parler ni écouter son rapide débit de paroles et son rire engendrait un manque en lui. Il l'aimait, et son besoin de la voir était plus fort encore qu'aux premiers jours.
Alors Rémi rangea ses affaires et prit sa voiture, allant chercher son fils chez eux. Il le trouva en train de faire ses devoirs de physique devant la télévision, écrivant de façon maladroite des résultats sur son cahier. Les cours de Draco portaient leurs fruits, Allan avait considérablement évolué en mathématiques, mais il y avait certaines choses en physique et chimie qu'il avait du mal à assimiler.
En fait, depuis qu'il fréquentait Isaline, Rémi avait la sensation que son fils unique se sentait mieux dans sa peau. Ce n'était pas seulement grâce à Isaline, elle n'avait fait aucun miracle, mais le fait que son père se soit trouvé quelqu'un et qu'il soit parvenu à créer une sorte d'équilibre dans sa vie avait des répercussions sur Allan. Il appréciait beaucoup Isaline et les cours qu'il prenait avec Draco lui permettait de moins se prendre la tête avec des histoires stupides et de mûrir un peu : ses parents étaient séparés, souvent en désaccord, mais la vie continuait et il pouvait encore lui arriver de jolies choses. Harry en faisait notamment partie.
C'était quelque chose qui lui échappait, d'ailleurs, pensait Rémi tout en conduisant sa voiture. Tout de suite, Allan s'était rapproché de Harry, s'accrochant à lui comme un petit frère exigeant. Il adorait quand Harry passait de temps en temps le chercher au collège en moto ou le baladait dans Paris. Quand ils dînaient tous ensemble, l'adolescent passait son temps auprès du tatoueur qui agissait avec lui avec tolérance et un incroyable calme. Rémi pensait, à juste titre, que Harry était un jeune adulte qui parvenait à comprendre le langage d'Allan et à répondre à ses attentes, sur plusieurs points, comme la musique par exemple.
Le plus étonnant dans cette histoire, c'était que Harry soit homosexuel et que cela ne gêne pas l'adolescent le moins du monde. Allan l'avait assez bien accepté mais Rémi savait, par Isaline, qu'il avait eu une conversation avec le tatoueur qui avait remis les points sur les i, d'une certaine façon : ce n'était pas parce qu'il aimait les hommes qu'il allait sauter sur l'adolescent, et ce n'était pas une maladie. Une fois cela réglé, Allan avait continué à avoir le même comportement qu'à l'accoutumé et, d'après ce qu'il avait compris, il ne se gênait pas à parler de seins et de fesses avec Harry, qui semblait être un bon Dr Love. Il avait de l'expérience dans ce domaine, lui avait-il glissé, las…
Ils ne tardèrent pas à arriver dans la rue. Comme à son habitude, Rémi voulut se garer devant la porte du garage, mais une voiture se trouvait justement à cette place. Pendant un instant, il se demanda qui pouvait bien se trouver là. Enfin, il se retrouvait donc obligé à faire le tour, il se gara donc dans une petite rue et ils allèrent à la boutique.
Enfin… Ils voulurent y aller. Mais quand ils furent en mesure d'apercevoir la vitrine, de l'autre côté de la rue, ils furent les spectateurs d'une scène aussi ahurissante qu'effrayante.
Un homme vêtu d'un sweet-shirt gris perle et une casquette sur la tête se tenait devant la vitrine, les mains dans les poches. Soudain, une furie blonde surgit de la porte vitrée et se jeta presque sur lui, faisant de grands gestes, le visage brouillé par la fureur et les dents serrées. L'homme voulut répliquer, voulant faire face à cette femme qui se trouvait être Isaline, mais sans qu'il ne puisse le voir, le poing de la patronne s'abattit sur sa joue.
Rémi réagit quand il entendit l'homme crier de douleur. Il prit son fils par le bras et le tira, mais le temps qu'il arrive, Isaline avait déjà collé un autre coup de poing à l'inconnu et un coup de genoux dans le ventre. Puis, hors d'elle, elle l'avait pris par le col et lui avait dit, entre ses dents et en anglais, que si jamais il remettait les pieds ici, elle le tuerait. Rémi posa une main ferme sur son épaule, lui ordonnant de le lâcher. Elle le fit, repoussant son amant. Elle lui coula un regard ténébreux, les yeux brillants de colère, avant de se retourner vers l'inconnu à qui elle donna un méchant coup de pied. Il se barra en courant.
En colère, Rémi lui ordonna de lui dire pourquoi elle avait fait ça, pourquoi elle s'en était pris à cet homme de cette manière, le frappant sans ménagement et lui hurlant qu'elle le tuerait si jamais il revenait. Derrière lui, Allan regardait la tatoueuse avec des yeux de merlan fris, bouche bée.
Isaline ignora superbement son amant et rentra dans la boutique, Rémi sur les talons. Nymph' se tordait les mains, le visage apeuré. Isaline hurla.
« Harry Potter ! Viens ici immédiatement, espèce d'enfoiré ! »
Elle serrait les dents, les poings, le corps tendu à l'extrême et le cœur battant à cent à l'heure. Furieux d'être ainsi ignoré, Rémi lui saisit l'épaule mais Isaline le repoussa à nouveau et lui ordonna de se tirer de là.
« Hors de question !
- Va-t-en ! Je veux pas de toi dans mes pattes ! Harry Potter ! Descends immédiatement ! Cria-t-elle en allant vers la porte menant à l'arrière-boutique.
- Isaline, arrête ! Fit Nymph' en la retenant.
- Qu'est-ce que t'as, toi ? »
A l'instant même où le regard noir d'Isaline se posa sur elle, Nymph' regretta de l'avoir retenue. Ses foudres étaient dirigées uniquement sur Harry, qui s'était réfugié à l'étage, sûrement dans sa chambre. A présent, c'était vers elle que la colère était tournée. Plus tard, Nymphadora penserait que ce serait arrivé d'un moment à l'autre, de toute façon. Mais en cet instant, elle se dit qu'elle aurait préféré que ça arrive plus tard.
« T'étais au courant, hein ? Tu le savais ! Tu savais que cet enculé était là ! Tu le savais, hein ? »
Isaline fit deux pas vers elle et, apeurée, Nymph' recula de deux pas, les doigts tordus par la nervosité, son corps un peu recroquevillé en signe de peur et de soumission. Rémi s'interposa, sentant qu'un coup allait venir, mais Isaline ne semblait pas décidée à frapper.
Ou, du moins, pas physiquement.
Car ce n'était pas comme ça qu'on faisait du mal aux gens.
Les mots, les regards… cela faisait bien plus mal.
« Réponds-moi !
- Oui…
- Et tu m'as rien dit ! T'as fait comme l'autre fois, tu m'as tout caché ! Putain ! Vous me faites tous chier, avec vos histoires à la con ! Vous me faites chier, vous me pourrissez la vie, avec vos emmerdes ! Vous entendez ? Vous ne faites que m'apporter des emmerdes ! »
Isaline Anderson ne se contrôlait plus. Elle avait perdu le contrôle d'elle-même, de ses paroles. Elle était hors d'elle, dans un état de rage impressionnant. Au moindre faux pas, Nymph' savait qu'un coup volerait. Et le pire, dans tout cela, c'était qu'il n'y avait pas que de la colère dans ses yeux. Il y avait aussi une sorte de souffrance, de trahison, dans ses yeux brillants et assombris par la rage.
Puis, Isaline regarda Nymph' droit dans les yeux et lui dit que si jamais elle lui refaisait des cachotteries, elle lui referait le portait, au point que même sa mère si elle était encore en vie ne pourrait pas le reconnaître. La tatoueuse blêmit en entendant ces mots.
La patronne leva ensuite les yeux vers le plafond et hurla à Harry, sa voix partant dans les aigus, qu'il n'était qu'un petit con ingrat qui passait sa vie à se foutre dans des emmerdes et que c'était elle qui payait les pots cassés. Rémi voulut la calmer mais elle le repoussa encore une fois, de façon assez violente. Du moins pour lui, car s'il n'avait pas été son amant, il se serait retrouvé dans les armoires.
Une dernière fois, Isaline lui ordonna de s'en aller, sinon elle le jetait elle-même dehors. Non, elle n'avait aucune explication à donner, cette histoire ne le regardait pas. Tant pis s'il faisait la gueule, qu'importe ce qu'il pensait d'elle, tout cela ne le regardait absolument pas, ni lui, ni Allan. Alors qu'il s'en aille et qu'il la laisse régler ses problèmes.
Qu'importe qu'il s'énerve, qu'il la traite de brute, qu'il lui dise qu'elle pouvait risquer gros. Qu'importe qu'il crie, qu'il lui dise qu'elle devrait avoir honte de son comportement, qu'elle n'avait pas à insulter ainsi Nymph' et son neveu.
Qu'importe.
Il n'était pas concerné.
Il ne savait rien.
OoO
Les cris avaient cessé depuis longtemps. Plus personne ne toquait à sa porte. Il n'entendait plus la voix de crécelle d'Isaline, celle plus calme de Sirius, celle timide de Nymph'.
Harry n'entendait plus rien.
Il ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou en pleurer.
Evidemment, on ne pouvait pas s'attendre à autre chose de la part d'Isaline quand elle avait vu Cédric devant la vitrine de la boutique. Harry savait qu'il était là depuis un petit bout de temps, de l'autre côté de la rue, et il ne savait par quelle folie il avait osé venir jusqu'à la vitrine, assez pour que la patronne le voie.
Elle l'avait frappé, violement, tandis que Harry fuyait dans sa chambre. Au moment même où Isaline comprit qui se trouvait devant la vitrine, elle avait tourné la tête vers Harry.
D'abord, un regard suppliant. Pas apeuré, surpris, énervé.
Suppliant.
Dis-moi que t'as pas fait ça…
Et puis furieux.
Tu m'as tout caché.
Le temps qu'elle sorte de la boutique, il était monté dans sa chambre et s'il était enfermé à clé. Puis, il l'avait entendue hurler. Sa voix faisait presque trembler les murs. A croire que tous les objets de la maison écoutaient ce qu'elle racontait.
Elle l'avait insulté, sous l'effet de la colère. C'était sans doute ce qui lui faisait le plus mal. Qu'elle l'ait insulté. Elle ne le faisait jamais, même quand elle était en colère. La fureur avait guidé ses mots, et une sorte de souffrance, aussi.
Harry lui avait tout caché. Il ne lui avait pas dit que Cédric était dans le coin, et pourtant, il savait très bien à quel point sa maman avait souffert de ce long mois loin de lui, où elle n'avait cessé de le chercher tout en se posant mille questions, repoussant sans cesse ses doutes : était-il consentant, s'était-il sauvé avec Cédric Diggory ? Et elle craignait le retour de Cédric pour ça, parce qu'elle était terrifiée à l'idée que tout ce qu'elle avait vécu autrefois se reproduise, qu'on lui prenne son enfant et qu'on lui fasse du mal. Elle avait eu tant de peine à le remettre d'aplomb, abandonnant tout pour qu'il aille mieux, son pays, ses attaches… Elle avait tant fait pour lui…
Et elle ne voulait plus jamais qu'il ait mal, qu'il soit dans cet état de dépression sans fin, qu'il ait peur du noir, des espaces réduits, qu'il cesse de manger, de bouger…
Plus jamais…
Jamais…
Les cris avaient cessés. On avait cessé de taper à sa porte aussi. Un silence de mort régnait dans la maison. Finalement, Harry choisit. Ou, plutôt, son corps fit le choix.
Il pleura.
OoO
Draco appela à nouveau.
« Bonjour, vous êtes bien sur le portable de Harry Potter, je ne suis pas là pour le moment, donc laissez moi un message ou alors rappelez-moi. A plus ! »
Mais, cette fois-ci, il ne laissa pas de message.
OoO
Le réveil sonna. De façon purement automatique, Harry appuya dessus, sa main molle se posant sur l'appareil. Il était réveillé depuis un bon bout de temps, ayant eu du mal à s'endormir à cause des évènements passés la veille, et son sommeil était trop léger pour tenir jusqu'au matin. Il n'était pas sorti de sa chambre depuis qu'Isaline était sortie de la boutique, il n'était pas allé manger, ni rien. Son corps semblait avoir été mis en pause. C'était sans doute à cause de la peur de croiser sa tante dans le couloir.
Pourtant, il devait se résigner. Son corps avait des besoins qu'il ne pouvait plus ignorer, il dut donc se lever, la peur au ventre, et déverrouiller la porte de sa chambre. Le couloir était silencieux, tout comme le rez-de-chaussée. Pas de musique dans la cuisine, ni de bruit de casseroles. Toujours aussi tendu, Harry alla dans la salle de bain et en sortit quelques minutes plus tard avec une serviette autour des hanches. Il s'habilla dans sa chambre, puis retourna dans la salle d'eau pour mettre ses boucles d'oreilles, glissant des anneaux argentés dans les trous. Ses mains tremblaient un peu.
Une fois relativement calmé, Harry descendit au rez-de-chaussée et entra dans la cuisine. Il y trouva sa tante déjà assise à table, enveloppée d'un peignoir couleur pêche qui dévoilait ses cuisses à peine cachée par sa nuisette, les mains sur la tasse portée à ses lèvres. Elle ne leva même pas les yeux vers lui, comme si elle ne l'avait pas entendu descendre ni entrer dans la pièce. Elle ne fit pas plus attention à lui quand sa chaise racla sur le sol et qu'il s'y assit, prenant son bol de chocolat chaud pour le boire, ou quand il se mit à manger ses tartines beurrées.
C'était une sorte de rituel, et ce depuis qu'il était enfant. La première fois qu'il s'était réveillé chez Isaline, le lendemain de son arrivée chez elle, il avait trouvé un bol de chocolat et du pain grillé tartiné de beurre devant sa chaise. Et il avait beau avoir grandi, c'était une habitude qu'avait prise Isaline de lui préparer son petit-déjeuner de la sorte et Harry, parfois avec gêne, se rendait compte qu'il avait l'impression qui lui manquait quelque chose s'il n'avait pas tout cela le matin. A Londres, il n'avait pas toujours eu l'occasion de se préparer ce genre de petit-déjeuner, encore moins au Cap d'Agde, et il avait ressenti ce manque.
C'était une habitude, un rituel. Quelque chose auquel s'accrocher, immuable. Un geste qui lui serra la gorge et piqua ses yeux. Harry dut faire appel à tout son self-control pour ne pas se mettre à pleurer. En soi, c'était stupide de s'émouvoir de la sorte. Et pourtant, il serrait les dents pour tenter de contrôler ses émotions.
Isaline était quelqu'un de profondément gentil qui pensait aux autres avant de penser elle-même, qu'importent ses défauts. Mais il y avait certaines choses qu'elle ne digérait pas : les cachotteries et la trahison. Et elle savait mieux que quiconque comment faire mal : une personne normale aurait boudé en ne lui préparant pas son petit-déjeuner, mais elle, elle le faisait comme si rien ne s'était passé. Et ce sans lui parler ni lui adresser le moindre regard, comme s'il n'était pas avec elle dans cette cuisine, alors qu'elle avait fait chauffer son lait et griller son pain.
Gestes banals, comme des pics enfoncés dans son cœur…
Harry mangea en silence, sans oser parler. Isaline regardait le mur en face d'elle, son bol, ses propres tartines. Une fois qu'il eut terminé, elle se leva et prit la vaisselle pour l'emmener au lavabo. Harry débarrassa la table, puis sortit de la cuisine, se mordillant la lèvre inférieure. Voulant s'aérer un peu la tête, il prit la laisse de Liloute et appela la petite chienne qui se fit un plaisir de le suivre dehors. Quand il revint de la balade, Nymph' était arrivée et ouvrait la boutique avec la patronne.
En silence.
Harry les aida, comme tous les jours. Toujours les mêmes gestes un peu répétitifs, mais toujours dans le silence pesant qui entourait Isaline. Nymph' essaya de lui parler, mais la patronne l'ignorait superbement. Il n'y avait pas de trace de colère sur son visage ni dans ses yeux, juste de l'indifférence, comme si elle était plongée dans ses pensées. Un peu comme Luna. Naturelle, silencieuse, les yeux parfois dans le vague.
Et la bouche close.
Isaline ne prononça ses premiers de la journée qu'avec l'arrivée de son premier client, avec lequel elle se montra aussi joviale qu'à l'accoutumée. Harry et Nymph' voulurent faire bonne figure, mais c'était dur. Ils n'étaient pas comme elle, ils ne parvenaient pas à faire abstraction de tout, de ce silence pesant, du fait qu'elle ne leur avait pas parlé ni ne les avait embrassés. Isaline avait caché sa colère derrière ce masque d'indifférence qui faisait un mal de chien, et Harry et Nymph' s'efforçaient de cacher leur tristesse et leurs remords derrière un sourire factice.
Ils étaient fautifs, dans le fond. Mais l'attitude de celle qu'ils considéraient comme leur mère leur faisait bien trop de mal. Le jeune homme avait agi de cette façon en pensant qu'il pourrait gérer sa colère, si elle devait éclater, mais avec le temps, il avait oublié à quel point il était dépendant des attentions d'Isaline, de son regard, de sa voix, de ses baisers sur ses joues quand il se levait le matin. Et Nymph' avait tant souffert dans sa vie que perdre l'affection de cette femme à peine quelques heures était presque une torture…
A midi, le silence revint dans la boutique. A nouveau, Nymph' voulut engager la conversation, demanda à Isaline d'arrêter de leur faire la tête, en lui disant qu'elle était vraiment désolée de lui avoir tout caché, et que Harry s'en voulait. Mais malgré tout ce que la tatoueuse pouvait dire, Isaline demeurait murée dans son silence, sans les regarder, du moins pas dans les yeux, servant le repas et mangeant son assiette en ouvrant la bouche seulement pour avaler un aliment.
Au final, Nymph' s'énerva, les larmes au bord des yeux. Ce n'était pas grave, tout ça, il ne s'était rien passé ! Oui, Cédric était venu devant la boutique, oui, il avait déjà vu Harry, oui, ils avaient discuté tous les deux. Mais objectivement, rien de mal ne s'était passé, il n'avait pas fait de mal à Harry et toute la violence dont elle avait fait preuve ne rimait à rien. Mais il fallait croire que sa patronne s'était mise de la cire dans les oreilles, car elle ne réagit à aucun mot. Pas même quand Nymph', s'emportant, lui dit que Rémi devait être furieux après elle en voyant son comportement de voyou, se servant de ses poings et gueulant après Harry.
L'après-midi se poursuivit dans une atmosphère encore plus tendue. Harry en venait à se demander s'il n'aurait pas mieux fallu qu'elle pousse une gueulante, ou plutôt s'il n'aurait pas dû lui ouvrir sa porte la veille pour l'écouter l'enguirlander. Au moins, il n'aurait pas à supporter son attitude aussi blessante que vexante, qui aurait pu paraître ridicule si ça ne faisait pas aussi mal.
Le soir, Nymph' quitta la boutique sur les nerfs et sans adresser la parole ni à Isaline ni à Harry. Elle passerait une sale soirée, c'était certain. Quant à Harry, il subit son troisième repas de la journée, mâchant ses aliments qui semblaient être du carton pate ente ses dents, durs à avaler et sans le moindre goût, ses yeux baisés vers son assiette.
Puis, il remonta à l'étage, se lava, se coucha dans son lit et regarda son portable, pour constater qu'il avait reçu dix-huit SMS, dont un de Draco, qui lui demandait pourquoi il ne lui donnait aucune nouvelle. Allongé dans son lit, Harry lui répondit qu'il ne se sentait pas bien et qu'il l'appellerait le lendemain. Il reçut rapidement une réponse : qu'avait-il ? Alors le tatoueur ferma les yeux quelques instants avant de lui renvoyer un message : il lui raconterait tout le lendemain, ça valait mieux. Draco lui envoya un dernier SMS, auquel Harry ne répondit pas, qui lui disait de venir le chercher le lendemain après-midi.
Cela fait, le brun éteignit la lumière et se blottit dans ses couvertures, les yeux grands ouverts dans le noir. Il se sentait fatigué, nerveux et il avait l'impression d'avoir passé sa journée dans le brouillard. Il se rappelait à peine de ce qu'il avait fait. Il dut faire un effort pour se remémorer les tatouages qu'il avait pratiqués : il avait poursuivit une fresque morbide sur le bras d'un motard, tatoué des étoiles les bras d'un jeune homme et, dans l'arrière-boutique, poursuivit le tatouage d'un hamburger sur la fesse droite d'un homme particulièrement velu. En somme, il avait eu une longue journée et bien chargée. Mais ses souvenirs étaient assez vagues, ces quelques heures semblaient avoir duré des années.
Il resta éveillé très tard, tentant de calmer son cœur et cette colère mêlée à la haine qu'il éprouvait pour Cédric Diggory. Il avait tant peur de lui et de ce qui s'était passé des années auparavant, et pourtant, il avait voulu jouer les héros en cachant ses sentiments et en allant le voir. Il le regrettait amèrement quand il constatait à quel point cette journée avait été difficile, à quel point il avait été stupide de voir affronter une peur presque viscérale tout seul, alors qu'il avait une famille et des amis pour l'aider.
Il avait Draco, aussi. Draco qui lui manquait, et qui devait se demander ce qu'il devenait, à ne pas lui donner de nouvelles.
Draco qu'il avait envie de serrer dans ses bras, d'embrasser…
Les larmes perlèrent aux coins de ses yeux clos. Il serra les dents, le corps tendu, tentant en vain de retenir les sanglots qui secouèrent doucement son corps.
Soudain, la porte de sa chambre s'ouvrit et ses yeux s'écarquillèrent de surprise. Il entendit le bruit mou et léger de pieds nus effleurant la moquette de sa chambre. Puis sa couette se soulever et un corps se glisser dans son lit.
Un bras autour de sa taille. Un souffle dans ses cheveux.
Harry se retourna et se blottit contre sa tante qui l'accueillit contre elle, alors que ses sanglots se faisaient plus bruyants. Elle embrassa son front, caressa ses cheveux. Toute la tension semblait s'écouler de lui, à mesure que ses larmes coulaient sur ses joues sans qu'il ne puisse les retenir.
Harry était redevenu un enfant, un petit garçon qui se réfugiait dans les bras de sa maman, savourant la chaleur de son corps, humant l'odeur de son cou et de ses cheveux.
« Tu avais peur.
- Oui.
- Tu aurais dû me le dire.
- Oui.
- Pourquoi tu ne l'as pas fait ?
- Je voulais pas t'inquiéter.
- Tu voulais affronter tes peurs. Mais on efface pas ce genre de traumatisme, Harry. Surtout seul.
- Voulais pas que tu t'énerves…
- Je suis furieuse. Mais je prends sur moi, parce que tu n'es pas bien. »
C'était toujours pareil, de toute façon. Harry serra les dents.
« Tu vas avoir des problèmes…
- C'est lui qui en aura si jamais il remet les pieds ici.
- Rémi…
- On s'en fout de ça. Pour le moment, c'est toi le plus important. Et personne d'autre. »
Harry ferma les yeux.
Il était redevenu un enfant.
Un petit garçon.
Que sa maman venait réconforter…
OoO
Le réveil sonna, et comme la veille, il fut éteint par la main molle et lasse d'une personne déjà réveillée depuis un moment.
En effet, Harry et Isaline étaient réveillés depuis un bon moment et ils avaient discuté, tous les deux. Harry lui avait parlé à cœur ouvert et sa tante l'avait écouté, tentant de le calmer en lui disant que tout irait bien. Pourtant, le jeune homme avait du mal à se calmer, trop inquiet pour ça.
La violence d'Isaline l'inquiétait : elle s'était battue contre Cédric sans le moindre remord, le frappant en le menaçant de le tuer si jamais il s'approchait encore une fois de la boutique. Le voir avait été comme un coup de jus pour elle, la tatoueuse n'avait pu rester le cul sur sa chaise. Isaline avait vécu dans la rue, d'une certaine manière : son père avait d'autres choses à faire que de la surveiller toute la journée et il lui était arrivé dans sa jeunesse de se frotter à des hommes plus costauds qu'elle dans des bagarres de gamins, auxquelles Sirius et James avaient participé, plus ou moins de leur gré. La tatoueuse ne faisait donc pas partie de ces gens qui savaient discuter en serrant les dents ou avec calme, ou encore qui restait dans leur coin à ruminer en silence. Elle était de celles qui réagissaient au quart de tour sans réfléchir, guidée par ses émotions. Avec le temps, elle s'était assagie, mais à ce moment-là, son seul désir avait été de casser ce joli visage de salopard…
Harry n'avait aucun doute sur le fait que Cédric répliquerait, mais sa tante soutenait qu'il n'avait pas une grande marge de manœuvre. Elle parvenait à dormir sur ses deux oreilles sans penser une seule seconde que Cédric oserait porter plainte ou l'attaquer de quelque manière que ce soit. Il n'était pas stupide : le fait qu'il rôde dans le quartier constituait déjà une infraction, et si jamais ça se savait, cela passerait très mal auprès des autorités. Déjà, Isaline était étonnée qu'il ait pu quitter l'Angleterre aussi rapidement et sans que personne ne le retienne, mais elle ne savait évidemment pas s'il était seul ou accompagné.
Cela dit, elle n'était guère inquiète sur ce qu'il pourrait lui faire, à elle, mais par contre, elle était bien moins sereine concernant Harry.
En vérité, Isaline partageait ses inquiétudes concernant lui-même et Draco. Evidemment, Cédric finirait pas découvrir que Harry était en couple et cela passerait sans doute mal, sauf s'il l'avait oublié, mais aucun des deux ne parierait un centime là-dessus. Ils ne savaient pas trop quoi faire : Harry ne pouvait pas sortir seul, il ne s'en sentait tout simplement plus capable, et il n'allait quand même pas arrêter de vivre à cause d'un enfoiré pareil.
Mais avant de penser à cela, il fallait que Harry en parle à Draco. Il ne lui donnait plus de nouvelles depuis quelques temps, le blond devait sérieusement se poser des questions, mais avec ses révisions et les partiels qu'il passait actuellement, c'était évident qu'il avait autre chose à penser. Nous étions jeudi, et le lendemain, Draco n'avait pas d'examens mais un cours, vu que ses partiels se déroulaient sur deux semaines. C'était l'explication qu'il lui avait donné en lui expliquant son emploi du temps la dernière fois qu'il l'avait vu.
Il ne lui restait plus qu'à aller le cueillir à sa faculté et lui raconter tout ça, en demeurant assez calme pour faire face à ses foudres. Nul doute que Draco digérerait difficilement cette nouvelle, surtout que Harry le lui avait caché longtemps. Ce matin, Isaline s'était montrée compréhensive envers lui, mais la journée de la veille avait été horrible pour Harry qui, sans ça, ne lui aurait pas dit tout ce qu'il avait sur le cœur. Avec Draco, ce serait complètement différent, et il le savait.
Ainsi, quelques heures plus tard, Harry se retrouvait dans l'entrée de sa maison, habillé de façon correcte et non débraillée comme d'habitude. Il fut soulagé en ne voyant pas Cédric au pas de sa porte. Néanmoins, le tatoueur fonça vers le garage pour prendre sa moto et rouler jusqu'à la faculté de son petit ami qui lui manquait comme jamais.
Comme souvent, Harry arriva en avance devant l'université, devant laquelle il attendit patiemment, à demi assis sur sa moto. Il toucha sa poche mais il se rendit compte qu'il n'avait pas son portable. Il allait donc attendre dix minutes, si ce n'était plus, sans rien faire de ses dix doigts. Il n'aimait pas vraiment attendre. En fait, Harry n'aimait pas attendre Draco devant sa faculté car il savait qu'il prenait toujours son temps pour sortir et voir tous ces étudiants passer en le regardant lui donnait une étrange sensation au ventre.
Par moments, il se disait qu'il pourrait reprendre ses études et arriver au même niveau que ces étudiants qui rigolaient, révisaient ou allaient boire un café dans le bar du coin. Il n'en ressentait pas du tout la motivation, il aimait son travail et sa vie, mais par moments, il se disait qu'il était passé à côté de quelque chose et que sa vie aurait pu être très différente de ce qu'elle était actuellement.
Néanmoins, s'il avait été étudiant, il n'aurait certainement pas éprouvé autant de plaisir en voyant son petit ami venir vers lui, la démarche lente, presque calculée, tiré à quatre épingles. Il n'aurait pas savouré cette vision de la même manière et leurs rapports auraient été bien différents.
Harry était persuadé qu'il aurait ressenti une sorte de complexe d'infériorité. Il était loin d'être bête mais son niveau s'était toujours situé dans la moyenne, tandis que Draco faisait partie d'une sorte d'élite. S'il avait été étudiant, il était certain qu'à un moment donné il y aurait eu des comparaisons, des remarques du fait que Harry était un élève moyen qui ne travaillait pas avec l'acharnement de son petit ami. Cependant, Harry était tatoueur, il avait peu de diplômes et n'était pas impressionné par le cerveau d'Einstein de son petit ami et ce n'était pas le genre du blond de vouloir l'impressionner avec son intelligence. Les rapports étaient bien différents car, question études, Harry était assez désintéressé, même s'il écoutait toujours Draco d'une oreille attentive.
Quand le blond fut devant lui, Harry déglutit mais parvint à esquisser un petit sourire, auquel Draco ne répondit pas, le scrutant de son regard acéré, cherchant quelque chose dans le visage tendu de Harry. A croire qu'il lisait dans ses yeux et sur ses traits. Il voyait bien que quelque chose n'allait pas, et dans le fond, Harry n'avait pas envie de le contredire : il était là pour tout lui raconter.
« Bonjour, Draco, dit Harry. Tu vas bien ?
- Bonjour, le salua à son tour le blond, suspicieux. Mieux depuis que je te vois. Mais toi, ça n'a pas l'air d'aller.
- Ça fait plusieurs jours que ça ne va pas, avoua le brun en soupirant.
- Mais tu ne m'as rien dit.
- J'en ai parlé à personne.
- Pourquoi ?
- Je ne voulais inquiéter personne, tout simplement.
- J'espère que tu as conscience que je me suis beaucoup inquiété pour toi, Harry Potter, dit Draco d'une voix froide et traînante qui donna des frissons désagréables à Harry. Et que je ne suis pas du tout de bonne humeur.
- Ça se voit, pas la peine de le dire… »
Harry baissa les yeux, coupable. Draco passait ses partiels cette semaine, il avait le nez plongé dans ses cahiers et ses bouquins, à réviser sans relâche des choses qu'il connaissait déjà sur le bout des doigts. Harry ne voulait pas le déranger et Draco était trop pris par ses révisions la semaine précédente pour penser à son petit ami de façon concrète. Autant dire que ce long silence inhabituel avait de quoi le perturber, surtout quand il voyait Harry avouer aussi facilement qu'il lui avait caché quelque chose.
« Où va-t-on ?
- Où tu veux, mais pas chez moi. On peut passer la nuit ensemble ? Demanda Harry de façon naturelle, sachant que ça ne passerait pas comme une lettre à la poste.
- C'est étonnant venant de ta part, ça, fit Draco en haussant un sourcil. Tu es plutôt du genre à m'inviter dormir chez toi. Qu'est-ce qui te tracasse, Harry ? Tu t'es disputé avec ta tante ? »
Si ce n'était que ça… Il aurait préféré une bonne vieille dispute à ce qu'il vivait actuellement…
« Draco, j'ai pas envie d'en parler ici. »
Pendant quelques secondes, ils se jaugèrent du regard. Draco sentait que quelque chose n'allait pas du tout, mais il était d'accord sur le fait que ce n'était pas à quelques pas de sa fac qu'il devait parler des problèmes de Harry avec le principal concerné. Il décida donc de mettre son casque sur sa tête et de monter derrière le tatoueur. Tandis qu'il le faisait, Harry eut un regard amer : ils ne s'étaient même pas embrassés, et Draco n'avait eu aucun geste, aucun regard affectif envers lui. A peine se connaissaient-ils…
Le trajet ne fut guère long. Harry conduisait un peu trop vite et nerveusement. Le contact de Draco, son corps contre son dos le brûlait de façon désagréable. Il avait envie de se poser dans un coin et de lui parler face-à-face, au lieu de rouler, les yeux fixes sur la route, avec son petit ami silencieux contre lui. Draco dut sentir sa nervosité, ou du moins il remarqua que le tatoueur roulait trop vite, car une de ses mains, posée sur sa taille, glissa sur sa cuisse et la caressa doucement.
Calme-toi.
OoO
Le temps s'était quelque peu refroidi. Il faisait un peu plus chaud qu'en Angleterre, qu'il avait quittée un jour où il pleuvait beaucoup, mais ce n'était pas vraiment satisfaisant comme température. Néanmoins, c'était un bon prétexte pour porter un blouson. Avec sa casquette et ses lunettes, il était méconnaissable.
Jamais il n'aurait pensé qu'il s'habillerait de cette façon un jour, mais il n'avait guère le choix s'il voulait passer inaperçu dans le coin. Il portait des lunettes de soleil, même si le ciel n'était pas assez ensoleillé pour cela, mais il n'avait pas non plus le choix : Isaline ne l'avait pas loupé et il préférait qu'on évite de voir les coups qu'il avait reçus au visage.
Cédric Diggory savait qu'il avait été stupide de venir devant la boutique. Il ne connaissait suffisamment cette femme pour savoir qu'elle réagirait au quart de tour et il savait aussi qu'il ne pouvait pas se défendre contre elle. Il savait que le mal qu'il pourrait lui faire lui serait rendu au centuple, à l'aide d'avocats, d'amendes et peut-être encore de prison. Ses connaissances en droit étaient limitées, et après avoir passé tant de temps enfermé, il envisageait le pire.
Si Marcus Flint avait été là, il l'aurait traité de fou. Mais ce salopard l'avait abandonné pour aller fricoter avec Olivier Dubois. Et lui qui pensait que c'était un ami fiable… Il n'aurait pas dû jouer avec ses sentiments. Cédric savait très bien ce que Marcus ressentait pour lui, et quand il l'avait compris, deux stratégies s'offraient à lui pour le garder comme ami : être indifférent ou lui laisser ses illusions. Le jeune homme avait eu peur que son ami se détourne de lui, sachant qu'il n'aurait rien à tirer de Cédric, et à trop jouer avec lui, Marcus avait fini par claquer la porte.
Dommage. Cédric l'aimait bien. C'était quelqu'un de stupide, laid et discret, mais c'était aussi quelqu'un de fidèle et d'entier, qui était prêt à beaucoup de choses pour lui. Et s'il avait été là, Marcus l'aurait traité de fou. Quelle idée de revenir ici, près de la boutique d'Isaline Anderson, alors qu'elle lui avait déjà collé une, le menaçant de façon peu équivoque ?
Cédric ne pouvait pas rester dans sa chambre d'hôtel, avec les autres, et attendre comme un crétin que les jours passent. Il devait voir Harry au plus vite et discuter vraiment avec lui. Il ne voulait pas qu'il ait peur de lui, au contraire, il voulait vraiment le rassurer, lui prouver que sa présence n'avait rien de nuisible dans sa vie, mais pour cela, Cédric devait lui parler, assis sur une chaise et devant une table, buvant ou mangeant quelque chose.
Alors, discrètement, il arriva dans le quartier, à bord d'une voiture de location. Quand il allait passer dan la rue derrière la boutique, où se trouvait la porte d'entrée, une moto noire et verte déboula. Cédric reconnut le véhicule de Harry, même s'il ne l'avait jamais vue en vrai : en faisant des recherches sur lui, il avait appris qu'il possédait une moto comme celle-ci. Alors Cédric, voyant là une chance de pouvoir lui parler en dehors du quartier, le suivit en voiture. Il se demanda pendant un long moment où il allait, le parvenant à le suivre d'assez près pour ne pas le perdre mais pas trop pour éviter de se faire remarquer.
Ils arrivèrent à proximité d'une faculté de sciences. Cédric se gara en retrait, de façon à voir Harry de là où il était sans que lui ne fasse attention à sa voiture, qu'il n'avait de toute façon jamais vue. Harry attendit un bon moment, se triturant les doigts, appuyé sur sa moto. Cédric le trouva incroyablement sexy ainsi, la tête légèrement baissée vers ses mains, ses cheveux ébouriffés comme toujours, parsemés de mèches bordeaux, ses lunettes rondes posées sur son nez.
Puis, quelque chose clocha. Un jeune homme blond s'avançait vers lui. Ils se regardaient. Cédric reconnut l'homme de la voiture qui avait ramenée Harry chez lui, un jour, avec d'autres amis. Ils rentraient de vacances, semblait-il. Quand le blond fut devant Harry, il le regarda de haut, un peu froidement, et Harry semblait culpabiliser de quelque chose. Dans sa voiture, Cédric fronça les sourcils, le cœur battant anormalement vite.
Ils discutèrent quelques minutes, puis le blond mit son casque et monta derrière Harry sur la moto. Quand ce dernier démarra, Cédric le suivit et fut de plus en plus surpris par le chemin qu'ils prenaient, surtout quand il vit les allées bordées de grosses maisons où il y avait peu de circulation. Finalement, ils s'arrêtèrent devant une villa et Harry coupa le moteur. Son ami descendit du véhicule. Cédric, roulant loin d'eux, eut le temps de s'arrêter et de se garer devant une maison. Quand il leva les yeux, après avoir regardé derrière et coupé le contact, il eut une vision d'horreur qui paralysa tout son corps.
Le blond se pencha vers Harry et posa ses lèvres sur les siennes. Et Harry ne le repoussa pas. Au contraire, il sembla répondre au baiser. Il venait de retirer son casque, encore assis sur sa moto, et le blond tenait son propre casque, penché vers lui, habillé de façon classe, beaucoup trop par rapport au tatoueur.
Puis, Harry se leva et passa ses bras autour de la taille du blond, se blottissant contre lui. L'autre l'accueillit, sans grande démonstration de tendresse, mais il referma ses bras sur lui.
Ça faisait mal.
Cédric avait mal.
Il avait envie de pleurer. De frapper. De crier.
Il avait envie de sortir de la voiture, de courir sur le trottoir, de chopper la tête trop parfaite de ce blondinet et de l'écraser contre le béton.
Il avait envie de les séparer, de hurler à Harry qu'il l'aimait, de lui demander pourquoi…
Envie de s'enfuir, de démarrer la voiture, se s'arracher à cette vue…
Pourtant, il resta là, comme un con, à regarder son ex petit ami rentrer sa moto dans la demeure de l'étudiant.
OoO
Quand ils entrèrent dans la propriété de Draco, la nervosité de Harry s'accrut. La tension qu'il ressentait vis-à-vis de Draco s'était apaisée, pas de beaucoup, mais un peu tout de même. Cependant, la perspective de rencontrer les parents de Draco à un moment où, précisément, il fuyait les contraintes les plus minimes, le rendait plus que nerveux. En effet, le destin avait voulu que tous deux soient présents, alors que la plupart du temps, le père de Draco n'était pas là dans l'après-midi, rentrant de ses affaires dans la soirée.
Malgré ces soirées et ces repas qu'il avait partagés avec les parents de l'étudiant, Harry ne parvenait pas à se sentir véritablement à l'aise avec eux, surtout avec Lucius Malfoy, qui n'était pas du tout le genre de personne avec qui il pouvait discuter. Il le faisait pour Draco, parce que c'était important pour lui et pour eux qu'il s'entende bien avec ses parents, mais Harry appréciait peu ce genre de moments. Il savait très bien que Lucius le testait, à sa façon, et le brun répondait de façon assez honnête, le plus possible du moins. Et même s'il se montrait aussi souriant que d'habitude, c'était une façade. Autant il parvenait à s'entendre avec Narcissa, autant il avait du mal avec Lucius…
Néanmoins, il mit tout cela de côté et embrassa les joues de Narcissa et serra franchement la main du père de Draco, avant de tendre sa veste à Mr Dobby et retirer ses chaussures. Lucius demanda à son fis de rester quelques instants, il avait deux-trois choses à lui dire. Harry monta donc les escaliers pour accéder au premier étage, où se trouvait la chambre de Draco. A présent, le brun connaissait bien le chemin.
Quand il entra dans la pièce, Harry sentit un léger frisson parcourir son échine. Il ne parviendrait sans doute jamais à se faire à l'atmosphère froide de la chambre de Draco. Elle était trop pâle, trop bien rangée, ordonnée. Elle manquait de personnalité, pensait-il, et il se demandait vraiment comment Draco pouvait se sentir à l'aise dans un endroit pareil, surtout que ça ne le dérangeait pas le moins du monde de passer de longues heures dans la chambre bordélique de son petit ami. Au contraire, il semblait aimer se glisser sous la couette rabattue rapidement sur le matelas et fouiner dans ses étagères et ses tiroirs.
Mais bon, c'était sa chambre, et d'une certaine façon, ça faisait partie de lui. Et d'eux, aussi, car ils avaient fait l'amour dans ce grand lit froid réchauffé alors par leurs corps en sueur. A cette pensée, Harry ferma les yeux de gêne, les joues un peu rougies. L'amour avec Draco était toujours intense, passionné, et il se découvrait de plus en plus un côté coquin, en accord avec le tempérament de son petit ami. Harry aimait faire l'amour, il oubliait qui il était et il savait surprendre Draco, qui ne disait pas non à ses initiatives, vorace qu'il était. Ainsi, Harry en venait à penser qu'il était heureux de n'avoir jamais eu de relations sexuelles avec un autre que lui.
Tout à ses pensées, Harry parcourut la chambre, calculant mentalement à quelle heure environ il serait chez lui. Il avait envie de passer la nuit avec Draco, juste dormir contre lui, mais pas sûr qu'il soit d'accord vu de quoi ils allaient parler. Et puis Isaline organisait une petite soirée avec Sirius et Severus, qui promettait d'être particulièrement arrosée. Il savait que sa tante voulait se changer les idées : elle n'avait pas de nouvelles de Rémi qui ignorait royalement ses coups de téléphone et ses mails. Elle était parvenue à joindre Allan qui avait tenté de lui passer son père, mais ce dernier refusait de prendre le téléphone.
Harry s'approcha de la fenêtre, tout à ses pensées. Et, soudain, il le vit.
En bas. Le visage levé vers la fenêtre, à demi masqué par des lunettes noires, les mains dans les poches.
Il hurla.
OoO
« Oui, pourquoi pas. Mais je te préviens, il est hors de question que je passe toute la durée de son séjour à…
- Il n'est pas question de ça, Draco, lui répondit Lucius en soupirant. Je voudrais juste que tu te montres cordial avec lui.
- Mais il n'y a aucun problème pour moi, c'est lui qui n'arrête pas de me manquer de respect ! Il n'a jamais accepté ma bisexualité, il ne le fera pas maintenant alors que je fréquente un homme depuis six mois.
- Il faut le comprendre, Draco, tout le monde n'est pas aussi tolérant que moi, répliqua son père d'une voix ferme. J'ai accepté ta sexualité parce que tu es mon fils unique et parce que ton bonheur contribue au mien. Cependant, ton grand-père n'est pas de la même génération que moi et comme tu es homosexuel, tu vas devoir renoncer à la paternité, et ça, c'est difficile à avaler.
- Papa, arrête de le justifier, dit Draco, agacé. A partir du moment où j'ai décidé de devenir médecin, notre relation s'est dégradée. Il aurait voulu que je sois exactement comme toi, et c'est tout le contraire.
- Dans ce cas, évite-le, soupira Lucius en passant une main las sur son front. Ne parle pas de Harry…
- Il le sait, de toute façon.
- N'en parle pas, c'est tout. Fais ce que tu veux de tes journées et de tes soirées, mais je ne veux pas de disputes ici. Mon père va rester à peine trois ou quatre jours ici et je veux qu'il passe un bon séjour, sans hausser le ton contre son petit-fils. Ai-je été clair ?
- Très… »
Un hurlement.
Atténué par les murs épais.
Mais un hurlement quand même.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? » S'écria Narcissa.
Tout le monde avait sursauté. Sans même réfléchir, Draco se rua hors du salon et monta les escaliers quatre à quatre, ses parents sur les talons. Il défonça presque la porte de sa chambre, fermée, et trouva Harry agenouillé près de la fenêtre, la main sur la bouche, les yeux écarquillés d'horreur, des larmes coulant déjà sur ses joues. Il courut près de lui et le prit dans ses bras, tentant de le calmer, mais il tremblait de tous ses membres.
Lucius et son épouse arrivèrent dans la pièce. Ils furent stupéfaits par le tableau qui se dressait devant leurs yeux : un Harry agenouillé par terre, sanglotant, dans les bras de leurs fils, qui tentait apparemment de comprendre ce qui lui arrivait.
Quelques mots furent glissés à son oreille.
« Il est revenu. Il est en bas. »
En entendant ces paroles, Draco redressa la tête, ne sachant s'il devait être surpris, en colère ou inquiet. Il choisit les deux premières options. Serrant les dents, il jeta un regard à son père qui fronçait les sourcils, aussi perdu que sa mère, et lui montra la fenêtre.
« Il y a quelqu'un en bas ? »
A grandes enjambées, Lucius Malfoy se plaça devant la fenêtre.
« Oui, un homme avec un blouson et une casquette sur la tête. Il a des lunettes noires. Qui est-ce ?
- Il me harcèle… »
Leurs yeux tombèrent sur Harry.
« Il traîne devant la boutique… Il s'est battu avec Tata… »
Une image revint à l'esprit de Draco. Il revit Isaline se jeter sur Marcus Flint pour le rouer de coups, son visage reflétant toute la rage qui sommeillait en elle depuis trop longtemps, ses yeux brillants de colère.
Harry semblait incapable de dire un mot de plus. Il pleurait et tremblait toujours, indifférent aux caresses rassurantes de Draco, à qui la nouvelle avait fait l'effet d'un coup à la tête. Il était tout simplement sonné.
Entendant les mots de Harry, Lucius reporta ses yeux sur la fenêtre, ses mains nouées derrière son dos, et scruta la silhouette du jeune homme, jusqu'à ce que ce dernier réalise qu'on était vraiment en train de le mater. Il courut alors jusqu'à sa voiture. Lucius ouvrit alors la fenêtre mais il lui était impossible de voir la plaque d'immatriculation de là où il était. Néanmoins, une fois que la voiture fut hors de sa vue, il referma la fenêtre et quitta la pièce sans un mot, allant réfléchir aux mesures à prendre pour pallier à ce léger souci.
Pendant ce temps-là, Narcissa s'était baissée vers les deux garçons et avait entouré de ses bras les épaules de Harry, lui chuchotant des paroles rassurantes. Peu à peu, il se calma, mais cela prit du temps. Draco comprenait à présent pourquoi il n'avait pas reçu de nouvelles : Harry avait caché à tout le monde que Cédric était ici, en France, à Paris. Il s'était renfermé sur lui-même, sûrement pour affronter ses peurs, sans oser en parler à personne. Et le résultat était là : Isaline avait sorti ses griffes et Draco le tenait à présent tout sanglotant dans ses bras.
OoO
Ils discutèrent longtemps. Ils parlèrent de Cédric, des circonstances, de cette brève discussion qu'ils avaient eu tous les deux. Assis sur le lit de Draco, l'un contre l'autre, ils parlèrent longtemps de ce qui s'était passé, de ce qui était arrivé aujourd'hui, et ce qui arriverait.
Draco se sentait menacé. D'une manière ou d'une autre, il savait qu'il y avait un certain danger autour de lui maintenant que Cédric savait que Harry avait un petit ami. Nul doute qu'il ne tarderait pas à recevoir sa visite, ici ou à sa faculté, et d'une certaine manière, il regrettait que Harry lui ai montré aussi ouvertement le chemin qui menait à la vie de Draco, à travers son lieu d'étude et sa résidence. Et pourtant, c'était ce qu'il y avait de mieux : Cédric ferait sûrement des recherches et comprendrait rapidement qui il était.
Si Draco avait été caissier dans une supérette, employé de banque ou encore électricien, Cédric aurait eu du mal à digérer le fait que Harry se soit amouraché d'un homme de seconde zone, mais dans le fond, le jeune homme ne vivait pas dans le grand luxe. Alors Cédric en aurait conclu que Harry aimait cet homme non pas pour son argent ou autre, mais plutôt pour ce qu'il était réellement. Il aurait été plus difficile de faire concurrence à un homme qui correspondait, d'une certaine manière, au profil du tatoueur.
Mais Draco était un étudiant en quatrième année de médecine, il vivait dans une grande demeure, son compte bancaire était régulièrement renfloué et il était habillé avec classe. En somme, il faisait partie de la même catégorie sociale que Cédric Diggory. Harry avait du mal à être d'accord sur son raisonnement, pourtant Draco était persuadé que l'ex de son petit ami aurait beaucoup de mal à accepter le fait d'avoir une concurrence aussi directe. Qu'est-ce que Draco Malfoy avait de plus que lui ? Que lui avait-il apporté de plus ? Il se sentirait directement attaqué, vu que l'étudiant n'éprouvait aucune honte à embrasser et serrer dans ses bras son petit ami, ce que Cédric était tout simplement incapable de faire. Il serait beaucoup plus jaloux de Draco que si ce dernier avait été un mécanicien sans histoire.
Harry restait persuadé que la situation sociale de Draco n'avait aucune importance, Cédric serait forcément blessé, en colère ou jaloux, voire les trois à la fois. Le blond croyait fermement en sa théorie, et il en avait discuté avec Blaise une fois à la pause déjeuné. Ce dernier allait dans son sens, sans aucune hésitation, mais Harry trouvait cela un peu tiré par les cheveux. Sans se douter que c'était exactement dans cet état d'esprit-là que se trouvait son ex petit ami.
Narcissa ne resta pas avec eux, restant auprès de son mari qui passait des coups de téléphone. Il donnait le signalement de ce type qui harcelait le petit ami de son fils, certain qu'il pourrait s'en prendre à Draco. Lucius ne connaissait pas le nom de ce type jusqu'à ce que sa femme vienne préciser son nom, qui s'était échappé de la bouche de leur fils. Le temps qu'elle arrive, Lucius avait déjà engagé quelques hommes pour surveiller son fils et Harry. C'était peut-être exagéré comme mesure, mais si ce jeune homme avait hurlé à la simple vu de son harceleur, il n'osait imaginer les raisons de ses peurs.
Il ne les comprit que dans la soirée, quand Isaline Anderson et Sirius Black arrivèrent chez eux, la mine sombre, alerté par un appel de Draco. Harry refusait de dormir chez lui, il avait même eu du mal à le convaincre de rester dans sa chambre pour discuter. Le brun s'en voulait d'avoir amené Cédric à Draco, bien que ce soit contre sa volonté, et il ne voulait pas rester dans cette maison. Le blond, plus inquiet qu'énervé contre son copain, avait décidé d'appeler Isaline pour qu'elle vienne le chercher, en précisant que la moto du tatoueur se trouvait dans la résidence.
Ainsi, Isaline et Sirius débarquèrent. Tous deux étaient tourmentés mais essayaient de le cacher du mieux possible. Sans faire de détour, mettant ses sentiments de côté, Lucius leur demanda ce qu'il s'était passé. Il n'avait pas encore eu de nouvelles sur ce type, le détective qu'il avait engagé ne lui avait pas encore donné de rapport. Il apprit donc de la bouche grimaçante de Sirius Black que Cédric Diggory, ex petit ami de Harry, était un homme violent qui l'avait battu pendant des mois avant de le tenir séquestré dans une chambre après que le tatoueur l'eut quitté. Narcissa fut horrifiée par ces mots et demanda plus de détails, mais son cousin secoua la tête : il en avait assez dit comme ça, et c'était douloureux.
Alors Narcissa se détourna de Sirius et, à son tour, mis sa haine de côté et demanda des précisions à Isaline Anderson. Elle aimait beaucoup Harry et elle avait bien vu au fil des mois, l'épanouissement de son fils dans cette relation avec le tatoueur, elle ne voulait surtout pas qu'il arrive le moindre mal au jeune homme. Mais la patronne garda la bouche clause, les yeux baissés sur le sol. On aurait pu croire qu'elle boudait. Elle n'ouvrit la bouche que quand Lucius évoqua les employés qui seraient chargés de surveiller Draco : elle n'avait pas besoin d'eux pour protéger son neveu. Le blond voulut répliquer, mais la patronne fut intraitable : elle n'avait pas besoin de lui.
Quand Harry et Draco apparurent, Narcissa crut voir son regard s'éclairer, mais son visage gardait la même expression, à la fois neutre et tendue. Elle fit tout de même un léger sourire aux deux arrivants et embrassa brièvement la joue de Draco avant de partir en tenant le bras de Harry, aussi silencieuse qu'à son arrivée, avec Sirius sur ses talons.
Quand elle eut disparu, conduisant sa voiture tandis que Sirius chevauchait la moto, Narcissa ne manqua pas de critiquer son manque de maturité : elle pouvait bien essayer de mettre ce qu'elle ressentait de côté, ils n'étaient plus des enfants ! Quand Draco comprit où elle voulut en venir, il soupira et lui dit qu'elle ne faisait pas cette tête parce qu'elle se trouvait chez les Malfoy mais parce qu'elle était terriblement inquiète et réfléchissait à toutes les mesures qu'elle devrait mettre en place pour Harry. Elle ne voulait pas de l'aide des Malfoy, elle ne voulait absolument aucun contact avec eux.
« Mais comment fait-elle pour te supporter, alors ? S'était exclamée sa mère.
- Je ne suis pas vous. Je n'ai rien à voir avec ce qui s'est passé autrefois. »
Le couple le savait bien, mais ils ne parvenaient toujours pas à comprendre comment une femme aussi rancunière pouvait aimer le fils de deux personnes qui avaient failli causer sa perte. Néanmoins, cela ne changea pas les motivations de Lucius qui était bien décidé à faire surveiller son fils et Harry.
Le lendemain, il recevrait un rapport détaillé sur Cédric Diggory. Lui et sa femme le lirait, dans le silence du bureau. Ils verraient les photos de ce que Harry était devenu : un jeune homme maigre aux yeux éteints, allongé dans un lit ou se tenant au bras de sa tante, dans la rue, comme un vieillard qui se reposerait sur une canne. Un jeune homme qui semblait avoir tout le poids du monde sur les épaules et qui refusait de s'en débarrasser, traînant sa peine derrière lui comme un boulet.
Lucius et Narcissa Malfoy protègeraient ce garçon au passé douloureux, que sa tante avait essayé de protéger de toutes ses forces. Ils le feraient pour Draco. Et pour Isaline Anderson, aussi. Car pendant un instant, ils imaginèrent la détresse de cette mère à qui on avait retiré son fils du jour au lendemain.
Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !
