Disclaimer: Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si!

Couple: Harry / Draco.

Evaluation: M.

Bonjour à tous ! ET NON JE NE SUIS PAS MORTE !

Lys : Vous y croyiez plus, hein ? :D

Et oui je suis vivante…

Lys : Après tout ce temps…

Tout d'abord, je voudrais m'excuser pour le temps que j'ai mis à poster ce nouveau chapitre. La raison de ce retard ? Je vais être honnête : la flemme, le découragement, le fait que je n'aimais pas ce que j'écrivais, le manque d'inspiration. Ma vie, aussi, pas si chargée que ça, mais disons que j'ai vécu une période non pas difficile de ma vie mais disons où j'étais pas spécialement bien dans ma peau, donc ça n'a pas arrangé les choses.

Lys : Ca, plus sa vie de tous les jours, avec son travail, ses études… Tout plein de facteurs qui ont ralenti l'écriture de ce chapitre. D'ailleurs, le chapitre qui aurait dû être posté a été coupé en deux, car la suite avait du mal à venir, et nous en avions marre de faire attendre les lecteurs donc nous avons coupé ceci en deux. Ce chapitre devait être assez triste, donc il va traîner en longueur et l'être également au prochain chapitre, non pas pour sombrer dans le mélodramatique, mais simplement parce que l'auteur n'a pas eu le temps de le terminer.

Cela dit, j'espère qu'il vous plaira quand même, tel qu'il est. A présent, je voudrais remercier TOUTES les personnes qui lisent et surtout qui commentent cette fic, que ce soit en bien ou en mal, car ce sont elles qui me font avancer et qui me soutiennent, même indirectement. Je ne peux pas remercier chaque personne qui poste des reviews (petite mention cela dit à amour2mort, qui m'a souhaité un joyeux noël XD et à Pad'chan, pour sa dernière review qui m'a émue é_è). J'ai dépassé la 1000e review. Vous vous rendez compte ? Je n'en reviens toujours pas. C'est hallucinant que cette modeste fic ait dépassé ce stade inespéré. Au tout début, j'attendais, quoi, 100 ou 200 reviews ? Mais 1000 ? C'est énorme x). J'avais sans doute promis un morceau de chapitre ou le chapitre entier à celle qui posterait la 1000e review, mais malheureusement je ne l'ai pas fait, étant donné que le chapitre a été coupé en deux et terminé dans des conditions, disons, particulières… (merci au passage à Gogobook ! Je t'ADORE ! C'est grâce à ELLE que ce chapitre est posté ! Bon, aussi au harcèlement de certains lecteurs, notamment Moji et Johanna… XD) C'est pourquoi, pour me faire pardonner, j'enverrai un morceau du prochain chapitre (qui est BIEN entamé ! Je crois que j'en ai écrit la moitié !) à toutes les personnes qui laisseront un petit mot :-).

Lys : Voilà, je crois que nous n'avons rien oublié… Ah, et une chose : pour les anonymes, pensez à laisser votre adresse, mais laissez des espaces quand vous la transcrivez, car elle ne passe pas sinon quand vous laissez votre review :-)

Oui, je crois que je n'ai rien oublié… AH SI ! (quand même !) Je vais une petite pub pour l'Association Spotlight Events, qui organise une convention sur Harry Potter fin août (cf leur site officiel), dont deux acteurs ont déjà été annoncés, ceux de Viktor Krum et Dudley Dursley. Comme à leur précédente convention, j'y serai, avec quelques copines :-).

Lys : Il y avait eu quelques ratés à la première convention, mais en somme, ça avait été un super week-end, ils font du bon boulot et à des prix relativement correct, par rapport à l'étranger.

Et encore un grand MERCI à ceux qui laissent des reviews et qui me soutiennent et un grand PARDON pour cette si longue attente qui, j'espère, ne se reproduira pas pour la suite (vu que le chapitre suivant est bien entamé !). Je vous embrasse tous et vous dis à bientôt !

Bonne lecture !


Chapitre 32

Il n'était pas allé à l'école maternelle, ce jour-là. Teddy n'avait pas compris pourquoi, et quand il avait demandé à sa mère, cette dernière lui avait dit que la maîtresse n'était pas là.

Le petit garçon n'avait su s'il devait la croire ou non, mais il préféra se taire. Son joli visage était ravagé par les larmes qui avaient coulé toute la nuit sur ses joues, ses yeux rouges étaient gonflés et ses ongles rongés. Son père, quant à lui, n'était plus à la maison. L'enfant s'inquiétait. C'était déjà arrivé une fois : après des cris, son père était parti en claquant la porte et sa mère avait pleuré toute la nuit. Sauf que cette fois-ci, son papa n'avait pas haussé la voix et la porte n'avait pas été rabattue avec violence.

Par moment, sa maman le prenait dans ses bras et le serrait fort contre son cœur. Elle le berçait, lui disait qu'elle l'aimait, qu'il était tout pour elle. Et elle sanglotait, de nouvelles larmes coulant sur ses joues. Et Teddy pleurait aussi, sans avoir pourquoi.

Le téléphone sonna souvent. A chaque fois, Teddy vit sa maman se ruer sur le combiné, décrocher, puis écouter, et enfin dire quelques mots avant de retourner vers le canapé, s'enroulant dans ses bras comme si cela pouvait la protéger.

Il ne comprenait pas. Se blottissant contre sa mère qu'il voulait réconforter, Teddy ne comprenait pas ce qui se passait. Son père rentra tard à la maison, il faisait nuit. Sa maman se jeta dans ses bras, se cachant dedans, comme si elle voulait disparaître. Il la serra fort contre lui avant de la repousser doucement et soulever son fils unique pour le caler contre lui avant d'attirer sa femme à lui.

Son papa était triste. Sa maman avait pleuré toute la journée.

Tata avait appelé, Tonton Sirius aussi.

La peur, l'angoisse, la douleur avait pénétré cette petite famille, en silence, sans rien dire à personne…

OoO

La journée avait été atroce. Olivier n'avait pas dormi de la nuit et il n'avait rien fait de bons à l'entraînement. Il s'était fait engueuler par son entraîneur qui ne comprenait pas pourquoi il était aussi mollasson, courant sans grande conviction et très peu concentré, pour ne pas dire pas du tout. Au final, il dût prendre son joueur à part pour lui dire de se ressaisir.

Olivier aurait pu tout garder pour lui, répliquer qu'il ne se sentait pas très bien mais que ça irait. Il n'avait jamais été du genre à se plaindre, mais plutôt du style à refouler et garder pour lui pour n'inquiéter personne et ne faire éprouver à personne une quelconque pitié à son égard. Pourtant, debout dans les vestiaires devant son entraîneur, il n'avait pas pu garder tout pour lui.

Pas cette fois.

Pas à un moment pareil.

L'entraîneur aurait pu ne pas comprendre s'il n'avait pas vu son joueur au bord des larmes, parlant lentement pour ne pas se laisser aller à ses émotions, les yeux rivés vers le sol. Olivier Dubois n'était pas dans son état normal, traînant depuis tard dans la nuit une angoisse sans nom l'empêchait de rester fixé sur quelque chose plus longtemps que quelques minutes.

Cette vision de ce garçon d'habitude si serein et sérieux dans son travail avait dû remuer l'entraîneur qui lui donna sa journée. De toute façon, il n'était bon à rien. Alors Olivier quitta le stade et rentra chez lui, où il trouva sa colocataire effondrée sur le canapé, regardant d'un œil vague et morne la télévision. Elle avait les yeux rouges, l'un orné d'un beau cocard, son front ceint d'un bandage blanc. Elle ne s'était pas habillée depuis le matin, et si un plateau ne se trouvait pas sur la table basse, Olivier aurait pensé qu'elle n'avait rien mangé non plus. La chinoise avait levé les yeux vers lui quelques secondes, toute petite dans le peignoir trop grand qu'elle avait emprunté du footballer, avant de les reposer sur la télévision.

Ils en étaient au désert quand son téléphone portable vibra dans sa poche. Olivier ne décrocha pas tout de suite : il ne voyait pas Marcus très souvent et il voulait profiter de sa présence, étant donné qu'il rentrait le lendemain à Londres. Plus tard, il regretterait de ne pas avoir répondu avant d'avoir quitté le restaurant, consultant son téléphone comme s'il avait reçu un banal SMS. Ce qui l'alerta, ce fut que l'appel vienne Hermione, qui ne l'appelait jamais. Olivier s'était même demandé un instant comment elle avait pu avoir son numéro. Etonné, il la rappela.

Ce qu'elle lui dit au téléphone lui glaça le sang. A côté de lui, Marcus l'avait regardé sans comprendre, alors qu'Olivier se pétrifiait sur place. Il entendit comme dans un état second Hermione, la voix mouillée, lui raconter que Harry et Ron avaient été agressés en pleine rue : le premier fut emmené par des hommes cagoulés dans une voiture, le second avait été laissé sur le béton, évanoui. Une sorte de panique, d'angoisse, de peur s'était emparé du sportif qui raccrocha et se rua vers sa voiture, traînant Marcus derrière lui. De longues et interminables minutes plus tard, ils furent à l'appartement : Cho était menottée à son lit, gémissant dans le noir, son corps portant la marque de nombreux coups.

La suite se déroula dans le brouillard le plus total. Quand il se réveilla le lendemain matin, Cho callée entre ses bras, Olivier se souvenait à peine de ce qu'il avait fait la veille. Et pourtant, Dieu savait comme il avait roulé pendant la nuit.

D'une, il avait emmené Cho à l'hôpital, laissant Marcus chez eux. Alors qu'un médecin l'auscultait et lui bandait la tête, soignant également ses divers hématomes, le brun l'appela et lui dit que l'ordinateur avait été réinitialisé : il était vide. Olivier ne comprit pas sur le coup, jusqu'à ce que son ami lui dise que, peut-être, Cédric avait tout simplement voulu effacer toutes les photos de l'ordinateur, dans un accès de rage. Alors il l'avait vidé, ni plus ni moins.

Puis, Olivier avait emmené Cho au poste de police pour qu'elle porte plainte, et enfin, il avait ramené sa colocataire dans leur appartement et l'avait laissée à Marcus. Olivier avait roulé jusqu'à l'hôpital où se trouvait Ron. Sa mère et Hermione se trouvaient là, toutes les deux, attendant que le médecin en ait fini avec le jeune homme. Olivier ne resta pas longtemps : les deux femmes lui dirent qu'il était de sale humeur, s'en voulant de ne pas avoir pu protéger son ami, alors il était inutile de rester là. Il allait bien. Enfin… il allait s'en remettre. Physiquement.

Sa dernière visite fut pour Isaline, mais elle n'était pas chez elle. Il allait donc sonner chez Nymph' qui lui ouvrit. Elle était dévastée. La tatoueuse lui raconta qu'Isaline était au poste de police, portant plainte contre Cédric Diggory qui avait sans aucun doute enlevé Harry. Sirius était avec elle. Nymph' lui dit que la patronne était hors d'elle, aussi angoissée que furieuse après cette ordure. Elles avaient entendu du bruit, dehors, et un commerçant qui avait assisté au drame les avait prévenues.

Isaline avait hurlé.

Des larmes avaient débordé de ses yeux.

C'était comme si son âme toute entière avait exprimé la peur, la souffrance et la panique qui s'étaient emparées d'Isaline Anderson.

Et tout s'était enchaîné très vite.

Très… très vite.

Au final, Olivier était rentré chez lui, épuisé, et s'était couché dans son lit avec Cho dans ses bras, alors que Marcus investissait le canapé. Un remord stupide et sans fondement avait empêché le sportif de se plonger dans un sommeil réparateur. Il pensait à Harry. Au Harry qu'il avait quitté peu de temps auparavant, mal dans sa peau, et qui se retrouvait il ne savait où, en compagnie d'un Cédric désespéré et violent.

Pourquoi n'avait-il pas appelé la police ? Pourquoi n'avait-il rien fait avant ? Pourquoi…

A présent, il était de retour chez lui, en plein après-midi. Cho somnolait sur le canapé, vidée de toute énergie, et lui, il se sentait inutile. Olivier alla dans sa chambre, qui était vide. Il se demanda où était passé Marcus et il le trouva dans la chambre de la chinoise : il était en train de manipulé son ordinateur afin de récupérer ce qu'il y avait dessus.

Olivier s'avança vers lui et enlaça ses épaules, enfonçant son nez dans le creux du cou du brun. Marcus se laissa faire, les yeux rivés sur l'écran où il était écrit des lignes et des lignes compliquées sur un fond noir.

« Déjà rentré ?

- Mon entraîneur m'a laissé rentrer. J'étais pas en forme.

- Je comprends.

- Tu as pu récupérer des trucs ?

- Pas tout. Certains trucs, oui.

- Ton train est à quelle heure ?

- Je ne pars pas. »

Olivier haussa un sourcil et se dégagea du cou de son petit ami. Il chercha son regard et, au bout de quelques secondes, Marcus consentit à tourner la tête vers lui.

« J'ai quelques jours encore devant moi et j'ai appelé mon employeur, il m'accorde encore quelques jours. En tout, j'ai une semaine.

- C'est si facile que ça de prendre des jours de repos, dans ta banque ?

- Disons que je fais pas mal d'heures supplémentaires dernièrement. »

Olivier poussa un léger soupir. Au fond de lui, il se sentait un tout petit peu plus rassuré de savoir que Marcus resterait à Paris. Pas seulement pour lui, certes. Mais il resterait ici.

OoO

Le vendeur de Pizza du quartier fut témoin de la scène, où Harry Potter disparut dans une voiture de couleur bleue foncée, assez âgée. Il ne put dire grand-chose, n'ayant été témoin de l'enlèvement que quand il tourna la tête vers l'extérieur, ses yeux se posant sur une voiture partant en trombe, laissant derrière eux un jeune homme roux inconscient.

La police fut appelée, ainsi qu'une ambulance pour le jeune homme. Une fois remis, ce dernier expliqua tout à la police : alors qu'ils comptaient passer la soirée tous les deux, allant d'abord dîner chez les parents d'une amie commune, une voiture se gara près d'eux alors que deux hommes surgissaient, les agressant avec violence. Un troisième arriva et posa un mouchoir contre la bouche de Harry Potter qui s'évanouit. La dernière chose que Ron Weasley vit avant de s'évanouir à son tour fut le corps de son meilleur ami transporté dans la voiture qui disparut dans la nuit.

La nouvelle se rependit dans leur entourage comme une trainée de poudre. Ron, seul chez lui, avec un beau cocard sur l'œil gauche, demeurait affalé sur le canapé ou couché dans son lit. Le fait d'avoir été frappé avait un impact moins fort sur lui que le fait d'avoir été témoin de l'enlèvement de son meilleur ami. Il se rappelait encore de ses yeux levés vers le ciel puis ses paupières s'abaissant lamentablement dessus avant que son corps ne s'effondre, porté par un homme cagoulé.

Tout c'était passé la veille, quasiment vingt-quatre heures après l'enlèvement. Prostré chez lui, indifférent à Neville qui errait comme une ombre dans l'appartement, Ron s'était à peine nourri, ses pensées tournant encore et encore dans son esprit. Au bout d'un moment, il avait même pleuré, se maudissant pour son impuissance.

Harry qui souriait encore, lui disant que la situation allait s'arranger, qu'il avait repris les choses en main… Harry lui disait qu'il n'approcherait plus jamais Cédric, qu'il aimait Draco…

Et le voilà disparu, emmené au fond d'une voiture…

Et Ron pleurait. Il l'imaginait inconscient, allongé sur la banquette comme un pantin. Lui qui détestait la vitesse, qui avait le mal des transports… Emmené par ces salopards qui les avaient frappés pour l'emmener…

Hermione était venue, aussi. Furieux contre lui-même, se détestant au-delà des mots, il l'envoya bouler, lui hurlant dessus pour qu'elle s'en aille et le laisse tranquille. Elle avait insisté, puis elle était enfin partie, ne supportant pas les mots blessants de Ron qui ne voulait voir personne, ni elle, ni sa mère qu'il avait traitée de la même manière.

Plus tard, il le regretterait. Il regretterait d'avoir haussé le ton sur sa mère qui se rongeait les ongles d'angoisse et sur sa petite amie qui s'inquiétait pour Harry, pour Ron, pour Draco. Mais quand il leur présenterait ses excuses, elles se contenteraient de le prendre dans leurs bras : il avait vécu un moment difficile, il avait besoin d'extérioriser, et elles ne pouvaient véritablement l'aider.

Mais pour le moment, Ron ne décolérait pas, prenant toute la faute sur ses propres épaules, pas si solides que ça pourtant, pleurant seul dans son lit quand la douleur qui lui vrillait le cœur devenait trop forte. Harry était son meilleur ami, la personne en qui il avait toujours eu confiance. Certes, ils ne se connaissaient pas depuis si longtemps que cela et le tatoueur ne lui disait pas tout, partageant cette forte amitié avec Théo. Mais Théo, c'était quelqu'un de plus sérieux, chez qui Harry se réfugiait quand il était mal dans sa peau et qu'il avait besoin de parler.

Ron, c'était différent. Ron, c'était le bon copain, celui vers qui il pouvait aller pour se détendre, parce qu'il savait qu'il n'essaierait pas de lui arracher les vers du nez. Ron, c'était un moment de détente à lui tout seul, un ami qui savait le divertir et lui faire voir une autre vision du monde. Le rouquin aurait pu se vexer d'avoir cette tâche presque de bouffon, comme l'avait dit pour se moquer Ginny, mais Ron savait que Harry éprouvait pour lui une amitié sincère qui allait au-delà de la simple camaraderie, des simples sorties au cinéma. Le tatoueur ne lui parlait pas toujours, mais ils partageaient une complicité presque de gamins, quelque chose que le brun n'avait avec personne. C'était une relation qu'ils aimaient tous les deux, aussi profonde que celle qui liait Harry avec Théo.

Le jeune homme se sentait coupable, alors que dans le fond, il savait qu'il n'y était pour rien. Jamais il n'aurait pu se douter de ce qui allait arriver et encore moins défendre Harry contre trois types remontés à bloc. Ron ne parvenait pas encore à encaisser le choc et il mettrait longtemps à le faire, repoussant tous ceux qui voulaient l'aider.

A un moment de la journée, il avait pris son téléphone portable, comme pour affronter ses peurs. Il craignait la réaction d'Isaline et de Draco, leur déception, peut-être même leur colère de n'avoir rien pu faire. Il reçut un SMS des deux et il saurait plus tard qu'ils auraient préféré lui laisser un message vocal, mais ils n'en avaient pas eu la force.

« Ne t'en veux pas, Ronny. Tu n'aurais rien pu faire. Je suis désolée pour ce qui t'es arrivé. J'espère que tu vas bien, remets-toi vite. Je t'embrasse fort. »

« J'espère que ça va. Remets-toi, on a besoin de toi. »

Pas de colère dans ces messages, ni rancœur, ni quoi que ce soit d'autre. Il n'y avait rien, mis à part une tristesse discrète mais profonde. Un besoin d'Isaline de formuler des mots pour lui faire comprendre qu'il n'y était pour rien. Le strict minimum pour Draco qui ne pouvait guère faire plus.

Ron pleura encore. C'était stupide de pleurer, mais l'angoisse, le remord et la douleur se mêlaient en lui. Qu'importe qu'il ait l'air misérable, qu'importe qu'il soit en piteux état et qu'il passe son temps à se lamenter.

Harry avait disparu.

Et personne ne savait où il pouvait bien être.

OoO

Il ne vivait plus. Depuis deux jours, il ne vivait plus. C'était comme si le monde tournait au ralenti, les aiguilles tournant lentement autour du cadran des horloges. Une lenteur sadique, qui étouffait son cœur à vif.

Cela faisait deux jours que Draco errait dans Paris. A bord de sa voiture, les mains crispées sur le volant et ses yeux fixés devant lui, il avait parcouru Paris, le lendemain de l'enlèvement. Il n'aurait jamais pu rester tranquillement chez lui. Jamais. Il avait posé des jours de congé à l'hôpital, par téléphone. Puis, il avait parcourut les routes, regardé les maisons, les immeubles, les trottoirs, sans jamais trouver le visage de celui qu'il aimait, ni le lieu où il aurait pu se trouver.

Le soir, quand il rentra chez lui, vers minuit, sa mère lui cria dessus. Elle s'était fait un sang d'encre, ne parvenant pas à le joindre de la journée. Blaise l'avait informée du kidnapping, la voix angoissée, car il n'arrivait pas à appeler Draco. Son portable était allumé, pourtant. Allumé, des fois que Harry l'appelle, d'on ne savait où… Son père fut plus calme, mais il lui fit part de son inquiétude, et de celle de son entourage. Hermione, Millicent, Blaise avaient appelé à la maison, terrifiés à l'idée qu'il puisse faire une bêtise.

Mais Draco s'en fichait, de tout ça. Il s'en fichait qu'on s'inquiète pour lui, qu'on l'appelle, qu'on sature sa messagerie avec des mots tremblants d'angoisse. Il s'en fichait du monde qui continuait à tourner autour de lui, avec une lenteur affolante certes, mais qui ne semblait pas se rendre compte que ce qui lui tenait lieu de vie était en train de chavirer…

Son monde avait disparu. Son monde, Harry, avait disparu dans la nuit. Un remord dévastateur s'était emparé du corps de Draco, telle une blessure qui s'infectait, brunissant la peau, empoisonnant ses chaires avec du pus. Ce n'était qu'une écorchure, pour le moment, mais avec les jours à venir, cette blessure ne ferait que s'aggraver, le rendant fou de douleur.

Il avait pleuré. Draco avait pleuré, crié même. C'était Blaise qui était venu, le matin, alerté par Théo. Alors que des mots sans queue ni tête s'écoulaient doucement de la bouche sombre de son ami, Draco avait senti le sol se dérober sous ses pieds. Il s'était effondré, tombant à genoux, le corps tendu à l'extrême, alors que des larmes lourdes et salées coulaient le long de ses joues. Le visage de Harry s'était incrusté dans sa rétine, ce visage triste, quand il lui avait demandé de faire un choix, entre lui et Cédric…

Pourquoi avait-il fait ça ? Pourquoi lui avait-il imposé un tel choix ? Pourquoi avait-il baissé sa garde ?

Il pleura. Draco pleura, longtemps, dans les bras de Blaise. Il s'en voulait. Pour tout.

Harry avait disparu, comme ça, dans la nature.

Alors il avait roulé. Encore et encore, dans Paris, désespéré, perdu, toutes ses pensées tournées vers lui. Il l'imaginait, seul dans une chambre, avec ce dégénéré. Une haine innommable grandissait en lui. Quand il pensait à Cédric Diggory, ses yeux devenaient noirs, ses mâchoires se serraient à lui faire mal, et ses mains se cramponnaient au volant, ne désirant que de l'étrangler. Ce monstre, ce salopard… Il lui avait pris Harry, il l'avait emmené avec lui… Il allait le frapper, lui faire du mal, peut-être même aller plus loin que ça… Peut-être lui arracherait-il ce que Harry lui avait toujours refusé, ce qu'il avait accordé au blond…

Il avait failli pleurer, dans la voiture. Ou peut-être l'avait-il fait, sans s'en rendre compte. Sa vue s'était souvent brouillée. Plus tard, il se rendrait compte de la stupidité de son geste, de son inconscience, du fait qu'il aurait pu tuer quelqu'un avec sa conduite hasardeuse, ces sentiments noirs qui crispaient ses membres, son regard qui quittaient souvent la route, partant trop loin du lieu où il se trouvait…

Le lendemain, après une courte nuit de sommeil ponctuée de cauchemar, il erra à nouveau dans la ville, mais à pied. Il marcha sans cesse, les jambes fatiguées, la tête pleine, les pieds douloureux et le ventre vide. Des cernes soulignaient ses yeux, il avait une tête de déterré. Il ne savait pas que des gens le cherchaient, que ses amis s'inquiétaient beaucoup pour lui. Il ne savait pas qu'ils souffraient tous, et qu'en plus d'être inquiet pour Harry, ils l'étaient tout autant pour Draco qui ne donnait plus de signe de vie. Il saurait plus tard qu'Isaline se rongeait les sangs, suppliant presque Sirius de le retrouver. Si jamais on lui faisait du mal, si jamais il se faisait du mal…

Non, il était loin. Très loin de tout ça, de ces gens qui constituaient son univers. Non… Son univers, c'était Harry. Son Harry. Le Harry qui illuminait ses jours, qui lui avait donné une raison de vivre, qui lui avait promis un avenir. Son futur, il l'avait longtemps vu dans un hôpital, parcourant les couloirs blancs, trifouillant des corps blessés ou à moitié morts. Depuis qu'il connaissait le tatoueur, ce futur avait changé. Il était moins blanc, moins terne… Plus coloré, plus lumineux, plus chaleureux…

C'était un avenir à deux, dans une maison… Tous deux ensemble, dans une maison à eux, une vie où ils marcheraient ensemble, côte à côte, se soutenant pendant les moments difficiles…

Le vide s'était ouvert sous ses pieds, quand Blaise lui avait appris la nouvelle. Et le vide l'entourait, à présent, un vide angoissant. Un vide qui le privait d'amour, de baisers, d'yeux verts et de cheveux en bataille. Un vide qui avait été sa vie autrefois, sans saveur et sans odeur, si loin de ce qu'il avait connu entre ses bras…

Comment avait-il pu vivre tant d'années sans lui ? Comment avait-il pu avancer sur le chemin de la vie sans compter les minutes et les heures ?

Comment faisait-il, avant, sans la tendresse de ses mains, la douceur de sa bouche, l'amour dans son regard ?

On le lui avait pris…

Où était-il ? Avait-il mal ? Pleurait-il ? Comme ce soir-là, quand Marcus était venu à Paris, après la tentative de suicide de Cédric ? Etait-il au fond d'un lit, comme un enfant, sanglotant parce qu'il voulait sortir ?

Comme autrefois, au fond de son placard…

Pleurait-il en appelant à l'aide ?

OoO

Nymph' avait ouvert la boutique et avait travaillé toute la matinée. Elle avait appelé les clients qui devaient venir pour se faire tatouer par Isaline et Harry afin d'annuler leur séance. Elle tenta de maîtriser sa voix quand elle leur expliqua la raison de ces annulations. Ce ne fut pas facile, mais elle y arriva.

Il lui fut tout aussi difficile de travailler toute la matinée. Elle se concentra sur son travail, parlant peu. Elle expliqua à ses deux clients du matin que les deux autres tatoueurs n'étaient pas là car l'une était fatiguée, l'autre de repos. Si Nymph' leur avait dit de quoi il en retournait réellement, elle se serait effondrée. Elle parvint donc à tenir toute la matinée en se concentrant sur son travail et en parlant peu, survivant tant bien que mal dans une atmosphère pesante.

Elle déjeuna chez elle. Isaline n'était pas à la maison. Nymph' ne savait pas vraiment où elle était, et préférait ne pas le savoir. En fait, elle préférait ne rien savoir du tout. Sirius lui avait assuré qu'il veillait sur elle, qu'il la suivrait comme son ombre, donc qu'elle ne se fasse pas de souci pour sa patronne et qu'elle aille tenir la boutique.

En ces circonstances, n'importe qui aurait refusé de travailler. Mais pas Nymph'. Nymph', elle était au garde-à-vous. Remus l'avait encouragée à aller travailler, comme tous les jours. Car il savait bien que c'était la seule manière pour elle de supporter sa peur et ses angoisses.

Elle était terrifiée. Terrifiée à l'idée de ce qu'il pourrait arriver à Harry, son petit frère, ce gamin qu'elle avait vu grandir et qu'elle avait embarquée dans ses conneries d'ado' puis de jeune adulte. Elle avait peur pour Draco, qui avait disparu, ne répondant pas sur son portable. Elle avait peur de tout, pour tous…

Et la seule façon d'évacuer tout ça, d'oublier, de passer ses journées sans pleurer dans sa chambre, faire les cents pas et errer dans la maison comme une âme en peine, c'était de travailler. C'était ce qu'elle avait fait la première fois, des années auparavant, et c'était ce qu'elle faisait à nouveau, car se concentrer sur un tatouage lui permettait d'occulter un temps soit peu cette douleur qui lui vrillait le cœur.

Elle n'était à présent plus qu'une machine qui piquait la peau pour y glisser dessous des bulles d'encre, un marteau-piqueur qui tapait encore et encore contre l'épiderme…

Marteau-piqueur, dans sa tête, dans son cœur…

OoO

Elle ne quittait plus sa chambre. Depuis son agression, elle ne bougeait plus de cette petite pièce tapissée de rose qui était à présent son univers. Par moments, elle s'aventurait en dehors des limites de cet espace pour manger, ou se laver, ou aller aux toilettes. Mais une fois cela fait, elle se carapatait dans sa chambre, comme si elle avait peur qu'on lui fasse du mal.

Elle était chez elle, pourtant. Non, en fait, elle n'était plus chez elle. Depuis que cette ordure avait pénétré chez elle, Cho se sentait come une étrangère dans cet appartement, ne se sentant en sécurité que dans sa petite chambre. Et encore.

Cela faisait trois jours qu'elle s'était agressée dans l'entrée de son logement, et depuis trois jours, elle ne vivait plus. Cho n'était pas sortie de l'appartement depuis son retour de l'hôpital, où Olivier l'avait emmenée pour la faire soigner et s'assurer qu'elle n'avait rien. Depuis, la chinoise restait dans son coin, ne s'habillant plus, passant ses journées en peignoir ou en pyjama, grignotant ce qui lui passait sous la main ou ce qu'Olivier ou Marcus lui préparait.

Marcus passait beaucoup de temps chez eux. A une époque, elle aurait été révulsée de le savoir là, mais à présent, elle le voyait plus comme une présence rassurante que comme un être nuisible. Il lui préparait à manger, lui parlait un peu. Il était, avec Olivier, son seul contact avec le monde réel. En effet, elle ne répondait plus au téléphone, son portable demeurait éteint, et elle n'allait plus ni sur MSN, ni sur les forums où elle était inscrite. Quand les gens venaient la voir, Marcus leur demandait de s'en aller : elle ne voulait vraiment voir personne.

Olivier passait peu de temps chez eux. Quand il était là, il cajolait Cho, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Sans être particulièrement réservé, Olivier n'était pas le genre de personne à chercher les contacts physiques, ce qui lui avait posé pas mal de soucis avec ses ex, et avec Cho, il ne changeait pas son comportement. Sauf en ce moment. Mais c'était compréhensible. Son agression, l'enlèvement de Harry, tous ces souvenirs qui remontaient à la surface… Tout cela la mettait dans un état apathique.

Et dans un état de peur peu commun.

Cho n'était pas le genre de personne à avoir peur. Elle faisait des conneries, s'embourbait dans des situations compliquées, mais elle n'avait pas peur. Elle n'avait jamais eu peur, ni des autres, ni de leurs regards. Cédric ne lui avait jamais inspiré de crainte, il était la confiance personnifiée. Jamais elle n'avait douté de lui, malgré la distance et son charme naturel qui attirait inévitablement le cœur des femmes.

Jusqu'à ce jour.

Ce jour où on lui avait dit que le petit ami de Cédric, après un mois de séquestration, avait été emmené à l'hôpital. Elle avait compris alors que ce type n'était pas net. Elle n'avait rien contre l'homosexualité, étant elle-même bisexuelle, elle ne supportait pas l'adultère et la tromperie, mais ce que lui avait fait Cédric, malgré tout, n'était pas un vice. Pas pour elle. Il avait caché sa sexualité derrière des filles. Il n'était pas le seul. Et même si ça faisait mal, c'était… presque banal.

Mais pas ça. Cet enlèvement, ces coups… ce n'était pas normal. Et quand on lui dit ça, au téléphone, Cho comprit que ce type n'était pas net du tout. Qu'elle ne l'avait vraiment jamais compris, que ce jeune homme qu'elle avait haï avait mieux saisi quelle était sa personnalité, et il en payait le prix.

Un prix lourd, difficile à surmonter. Jamais Cho n'oublierait son visage, à l'hôpital, son visage amaigri, blafard, ses yeux verts sans vie, sa peau colorée par les coups. Jamais elle n'oublierait ce mélange de colère et de haine qui l'avait envahie, à ce moment-là, en songeant à ce type qu'elle avait aimé et qui n'était qu'un salopard.

Oui, elle l'avait aimé. Oui, il lui avait fait du mal en la trompant, surtout avec un homme. Oui, elle avait été dégoutée d'être ainsi préférée à un garçon. Oui, elle l'avait haï, ce jeune homme qui lui avait pris son copain…

Non, il n'avait pas le droit.

Pas le droit de lui faire ça.

Ni à lui, ni à qui que ce soit d'autre…

Cho ne sortait plus de chez elle, car elle avait peur. Peur de se retrouver face à face avec Cédric, qui avait si bien caché son jeu. Alors elle restait chez elle, dans sa chambre, toute seule, à penser à Harry. A ce qu'il devait subir.

Son visage blafard… Son corps maigre… La mort qu'il trainait derrière lui…

Ce papillon sur son cœur…

Je veux être un papillon…

OoO

Sirius Black était un homme de quarante-et-un ans. Il était plutôt grand, pas bien épais mais musclé, entretenant son corps sans tomber dans l'excès. C'était une personne au charme indéniable, bien fait de sa personne et au visage des plus agréables. Son beau sourire, ses manières distinguées et sa bonne humeur attiraient la sympathie, voire même plus.

Quand on le rencontrait pour la première fois, rien ne laissait voir qu'il avait mené une vie difficile, que ce soit sa façon de se comporter, ses mots ou encore son visage qui aurait pu être marqué par les années sombres qui avaient constitué une partie de sa vie. Rémi n'avait pas vu la part sombre de cet écrivain torturé, Severus ne l'avait pas perçue avant de voir de ses propres yeux les effets dévastateurs de l'alcool.

Pourtant, derrière son sourire, il cachait un côté sombre que l'alcool révélait, le plongeant dans les abîmes que cachaient son âme. Sirius Black était le genre d'homme qui avait la sensation d'avoir tout vécu, que la vie ne pourrait plus le surprendre, de façon positive ou négative. Il n'était pas de ces désillusionnés qui erraient sur le chemin de leur vie en ne s'émerveillant plus de rien, non, il était de ceux qui avaient acquis une maturité née des difficultés de la vie et l'idée que plus rien ne pourrait leur arriver.

C'était faux.

Evidemment.

Un jour, alors qu'il s'était engueulé avec sa mère, Sirius s'était enfui de chez lui et s'était réfugié chez Isaline. Il devait avoir douze ans, à l'époque. La jeune fille n'était pas chez elle. Allée chercher le pain, ou quelque chose comme ça. Sirius s'était alors retrouvé seul avec le père de son amie, qui préparait le déjeuner. Cet homme l'avait toujours impressionné. Il était très grand, baraqué, voire même gros. Le genre d'homme qui ressemblait à un nounours quand il souriait et à un bulldog quand il fronçait les sourcils. Ses bras étaient recouverts de tatouages, il en avait un dans le cou, aussi. En somme, c'était un homme impressionnant. Au début, il lui faisait vraiment peur et il avait fallu qu'il voie Isaline se jeter dans ses bras chaleureux pour qu'il accorde un regard différent à ce géant.

Ce jour-là, ils discutaient, dans la petite cuisine à côté de la boutique. Et il lui avait dit ces mots : C'est quand on pense toucher le fond qu'on découvre qu'on peut encore creuser un peu. Sirius n'avait pas compris. Rien que le fait de toucher le fond, il n'avait pas compris. Alors creuser encore un peu…

Il avait touché le fond, pourtant. A la mort de son meilleur ami et de son épouse, tout s'était écroulé autour de lui. C'était donc ça, toucher le fond ? Avoir l'impression d'être tombé, là, tout en bas, et d'être incapable de se relever ? Puis il avait été emprisonné, pour leur meurtre. Il avait alors découvert qu'en effet, même quand on pensait que c'était fini, que notre vie auréolée de noirceur perdait tout sens, il était encore possible de s'enfoncer. De creuser. Tomber encore plus bas… Et l'alcool, une fois sorti. L'alcool, la dépression…

Une pelle dans la main, il avait creusé sa tombe…

Isaline avait été un soleil. Un petit soleil qui avait essayé d'apporter un peu de lumière dans sa vie, d'écarter les nuages noirs qui assombrissaient son visage. Elle avait été ses béquilles dans sa rééducation, elle avait été la maman qu'il n'avait jamais eue. Elle avait tout été pour lui. Par moments, il se disait qu'ils auraient pu se mettre en couple, tous les deux, tant ils s'aimaient. Sans doute l'étaient-ils un peu, un couple. Un couple amoureux. Pas comme avec Severus. Comme avec une sœur. Il ne la désirait pas. Il ne désirait que son bonheur. C'était différent.

Et la voir souffrir amplifiait sa propre douleur. Elle aussi, elle vivait avec ce sentiment d'avoir déjà tout vécu. Elle ne pensait pas que Cédric recommencerait. Elle ne pensait pas revivre ce sentiment de perte, d'abandon, de terreur… Et Sirius non plus. Il l'avait craint, mais cette peur ne s'était jamais réellement concrétisée dans son esprit. Cédric avait trop à perdre…

Et il avait recommencé. Ils n'avaient aucune preuve, mais il était évident que c'était lui qui était à l'origine de tout. Qui d'autre aurait pu enlever Harry ? Qui d'autre aurait pu l'agresser, lui et Ron, en pleine rue, pour le foutre dans une bagnole et s'enfuir comme des voleurs ? Il n'y avait que Cédric pour commettre un tel acte. Personne n'était dupe et la police le recherchait activement.

Cela faisait trois jours que son filleul avait été enlevé et Sirius ne vivait plus. Il suivait Isaline comme son ombre, toujours fourré avec elle, la forçant à manger, à boire, à dormir. Elle devait se reposer, mais elle était tellement angoissée, tellement en colère, tellement haineuse que ses nerfs à fleur de peau la maintenant debout et bien éveillée. Elle parcourait Paris avec l'énergie du désespoir, faisant marcher le peu de relations qu'elle avait pour retrouver son garçon, refusant de s'abattre sur son sort. Elle le ferait plus tard, quand les recherches cesseraient d'avancer, quand la police perdrait espoir, quand elle tournerait en rond comme un lion en cage, sans trouver d'issue de secours. Mais pour le moment, elle courait partout, suivie par Sirius, comme un chien, prenant à peine le temps de respirer. Sirius le faisait pour elle.

Ils ne se quittaient pas. Ils dormaient ensemble, mangeaient ensemble, cherchaient ensemble. Il n'avait pas vu Severus depuis trois jours, il lui manquait, mais cette absence n'était rien face au gouffre que Harry avait laissé derrière lui. Sirius refoulait ses angoisses du mieux qu'il pouvait, gardant tout au fond de son cœur. Aussi, il appelait de temps en temps, histoire d'entendre d'autres voix, presque de changer d'air. Il appelait Remus, Nymph', Severus. Il appelait Draco aussi, Ron, Théo. Cho. Histoire de savoir comment ils allaient.

Et se sentir moins seul.

OoO

Car elle se sentait incroyablement seule. D'une certaine manière, elle l'avait toujours été, bien qu'elle ait montré le contraire. De toute façon, Ginny n'était pas du genre à se plaindre. Elle détestait ça, cela la mettait dans une position d'infériorité, et étant benjamine d'une famille de sept enfants, dont elle était la seule fille, elle avait appris à cacher ses faiblesses pour que ses aînés ne jouent pas avec.

Sa famille, ça avait toujours été un peu la loi de la jungle. Il y avait son père, gentil, amusant, mais tellement absent, absorbé par son travail, trop tolérant avec ses enfants, d'une naïveté à faire peur. Il y avait aussi sa mère, douce et aimante, quoiqu'un peu dragon sur les bords. Une mère dont elle avait été proche étant enfant mais dont elle s'était écartée en grandissant, s'éloignant de ce modèle de femme auquel elle ne voulait pas ressembler. Ses parents étaient comme des piliers dans sa vie, des éléments qui ne bougeaient pas, n'évoluaient pas, lui assurant un refuge, constituant la base de son existence.

Puis, il y avait ses frères, trop nombreux, trop différents. Bill, l'aîné, était le genre de grand-frère modèle, grand, fort et terriblement gentil, qui faisait craquer les filles et qui leur avait ramené une femme bien comme il faut, qui lui avait fait de beaux enfants bien comme il faut. Charlie était différent, plus aventureux, plus voyou. Il était proche de son aîné, ils ne se quittaient pas étant enfants, et en grandissant, la distance qui s'était imposée d'elle-même entre eux n'avait pas duré longtemps. Ils étaient proches, soudés. Ils étaient les aînés. Ils faisaient la loi.

Percy était différent. Troisième fils, il était plus sérieux, studieux, ennuyeux que ses deux aînés. Il en avait dans le crâne et il souffrit longtemps de cette famille de rouquins trop vivace, trop pauvre, trop basique pour lui. Ginny n'avait jamais été proche de lui, elle l'avait toujours trouvé trop différent d'eux, pas assez amusant. Il était une sorte d'extra-terrestre, dans leur univers. Il n'avait jamais vraiment été reconnu à sa juste valeur : sa mère avait autant pleuré le jour où il avait été diplômé avocat que le jour où Bill obtint son premier emploi. Elle pensait qu'il s'y était fait. Percy n'aurait jamais vraiment été heureux, sinon.

Fred et Georges étaient nés après lui, de vrais jumeaux aussi roux que leurs aînés mais bien plus terribles. Ces enfants avaient causé beaucoup de soucis à leur mère, leur père se contentant de rigoler, les grondant pour la forme. Ils en avaient fait, des bêtises… Leurs études n'avaient pas été poussées bien loin, ils préféraient courir dehors, faire des farces et créer des inventions plutôt que de faire leurs devoirs et se plier aux lois de la maison. Dans un sens, ces deux garnements avaient attiré la tendresse de leur mère qui les voyait évoluer de façon bancale, mais à deux, toujours à deux, soudés comme jamais.

Les jumeaux étaient des erreurs de la nature. Ginny l'avait toujours pensé. Bien qu'elle éprouve de l'affection pour eux, comme pour ses autres frères, elle ne pouvait s'empêcher de penser que ces deux tornades rousses étaient des erreurs. Des erreurs qui lui avaient pourri la vie étant enfant, qui avaient succédé à Bill et Charlie avec leurs bêtises, qui avaient effacé Percy du champ de vision de leurs parents, qui avaient rendu Ron tellement banal à côté d'eux…

Ron… Le frère dont elle était le plus proche. Né parce que sa mère voulait une fille. Un garçon qui ne servait à rien, qui était né comme ça, et qui avait vécu comme ça. Un garçon qui n'avait pas fait de hautes études, parce que ses aînés en avaient fait, parce qu'il n'était pas aussi intelligent qu'eux, et parce qu'il était découragé. Alors il avait trouvé une formation, il était devenu mécanicien et il avait quitté la maison.

Et puis elle. Petite Ginny, petite fille, petite dernière que sa mère avait chérie, oubliant Ron né un an avant, n'accordant de regard qu'à ce petit espoir qu'elle avait cru vain et aux deux monstres qui lui servaient d'enfants.

Sa famille, c'était la jungle. On s'en sortait, ou on ne s'en sortait pas. Les aînés y étaient parvenus. Pas les autres. Les jumeaux n'étaient pas allés bien loin, s'enfermant dans leur monde de farces et attrapes, par opposition à leurs aînés si intelligents, à leur père trop gentil, leur mère toujours sur leur dos, qui voulait des enfants bien comme il faut. Ron n'avait pas fait d'études, il n'aimait pas, ça, ses frères ne l'aidaient pas, ses parents ne le voyaient pas, il n'avait que ses amis et son envie d'indépendance. Quel choc cela avait fait à sa mère quand il lui avait annoncé qu'il arrêtait l'école, puis qu'il quittait la maison… Ginny savait qu'elle s'en était voulue. Qu'elle avait pleuré, même. Elle savait aussi que les frangins avaient essayé de raisonner Ron.

Il n'en pouvait plus. Il avait beau aimer sa famille, il n'en pouvait plus de tout ça, de n'exister pour personne. Parce qu'il n'était pas l'aîné, parce qu'il n'était pas intelligent, parce qu'il n'était pas une fille. Alors il était parti, tranquillement, sans faire beaucoup de bruit. Il avait ignoré les supplications de sa mère, il avait emménagé avec un de ses amis, Neville. Ron avait eu raison, pensait Ginny. C'était lui qui avait eu raison.

Pas elle. Elle, elle était restée chez ses parents, dans cette maison devenue peu à peu trop grande pour elle. Ginny était une enfant solitaire, qui s'était peu à peu détachée de ses frères, et avec le recul, elle se demandait si elle avait vraiment été liée à eux un jour. Bill ne s'était jamais occupé d'elle, il avait déjà onze ans quand elle était née. Charlie n'avait jamais vraiment été présent non plus, ils avaient simplement été des « grands frères », l'aimant un peu de loin, comme une petite chose fragile, une petite sœur. Percy, n'en parlons pas. Les jumeaux s'étaient fait un plaisir de lui mener la vie dure. Ron… si, lui, il avait été là. Et puis il était parti.

Et puis elle avait dérivé.

Parce que Ginny était une petite fille. Une petite fille qui voulait être une femme, qui faisait des bêtises, qui fricotait, qui avait des rêves… Des rêves qui ne se réalisaient pas. L'un de ses rêves avait été Harry Potter.

Elle en était tombée amoureuse la première fois qu'elle l'avait vu. Il avait dix-huit ans, à l'époque. Assez mince, pas très bien habillé, mais avec un charme fou. Ses cheveux noirs ébouriffés comme au saut du lit partaient dans tous les sens, parsemés de mèches pourpres. Il avait des yeux d'un vert menthe à l'eau, cerclés de lunettes, et il avait un sourire… C'était un beau garçon. Un garçon pour lequel elle avait craqué, mais qui ne l'avait jamais aimée, malgré toutes ses tentatives. Il lui avait préféré un homme. Un homme blond, aristocratique, péteux. Un garçon pas fait pour lui, mais qui le rendait heureux.

Ginny avait pensé créer quelque chose entre eux. Elle avait pensé qu'il était un peu comme elle, pommé, peu sûr de lui, ne sachant quoi faire de sa vie. Oh, il était tatoueur, il avait un travail, mais elle pensait qu'il finirait par se lasser. Il méritait mieux que ça. Il méritait une vie meilleure. Et elle aussi, elle méritait une vie meilleure. Une vie où elle ne s'habillerait pas avec des jupes trop courtes, où elle ferait mieux que de vendre des fringues… où elle cesserait de tomber sur des hommes cons comme des manches à balais qui la rendaient malheureuse…

Ginny voulait du sérieux. Pour une fois, elle voulait du sérieux. Pas la jungle, pas de famille folle, pas de cris, de rires, de délires… Elle voulait une vie. Une vraie vie, avec un homme qu'elle aimerait, et qui l'aimait. Elle aurait voulu une vie avec Harry.

Harry qui était homosexuel.

Harry qui avait disparu.

Harry qui laissait derrière lui l'homme qu'il aimait mourir à petit feu…

OoO

Le monde tournait au ralenti. Autant l'année lui avait paru rapide, pleine de surprise et de renouveau, autant ces trois abominables jours vides de tout sens lui paraissaient insupportables.

Etant donné qu'il n'avait plus cours, Théo travaillait davantage pour son patron, autant qu'il le pouvait, pour faire des économies en vue de leurs prochaines vacances. C'était du moins son but premier, quand il avait demandé à son patron si c'était possible de travailler davantage. A présent, c'était plus une façon d'oublier pendant quelques heures ses angoisses qu'une façon de gagner des sous.

Son meilleur ami avait disparu, comme un oiseau s'envolant dans les cieux, et rien n'indiquait l'endroit où il pourrait se trouver, qu'importe les recherches de la police et les efforts qu'Isaline et Sirius faisaient pour retrouver Harry. Aucune nouvelle de lui n'avait pu être donnée. Cela ne faisait que trois jours, pourtant. Il était évident que la police ne le retrouverait pas en si peu de temps. Mais pour eux, des mois s'étaient écoulés depuis sa disparition.

L'angoisse s'était transformée, elle avait empirée. Dans le cœur de Théo, du moins. Il soupçonnait bien évidemment Cédric, mais il pensait de plus en plus à un simple enlèvement, et à ce qu'il pourrait entraîner. On en voyait beaucoup, à la télévision, des gens qui se faisaient enlevés et qu'on retrouvait des années plus tard, morts ou à jamais blessés par des sévices.

Assis dans son canapé, les yeux posés sur l'écran de sa télévision, Seamus blotti tout contre lui, Théo n'avait qu'à fermer les yeux pour revoir le visage du tatoueur, la première fois qu'il l'avait rencontré. Ils avaient dix-huit et dix-neuf ans. Théodore était un garçon rebelle qui passait son temps à fuir son père. Harry était un jeune homme maigre, aux yeux soulignés de cernes, au sourire bien triste. Un petit oiseau tombé de son nid, qui l'avait regardé avec des yeux éteints.

Comment serait-il quand ils le retrouveraient, s'ils parvenaient à mettre la main sur lui ? Dans quel état allaient-ils le récupérer, ce garçon si plein de vie, qu'on avait déjà détruit une première fois ?

Théo avait peur. Il se sentait inutile au possible, se maudissant de ne rien pouvoir faire pour son ami.

Il allait voir Isaline de temps en temps, même s'il savait que cela ne servait à rien. Cette femme avait toujours été bien avec lui, elle lui avait apporté une affection qu'il n'avait jamais reçue de personne. Il en avait eu des belles-mères, mais jamais aucune n'avait été tendre avec lui comme Isaline l'avait été. Elle était comme un rayon de soleil. Jamais le jeune homme ne pourrait oublier ce qu'elle avait fait pour lui : elle l'avait guidé durant sa conduite accompagnée, lui avait prêté de l'argent pour qu'il passe son permis camion, lui cuisinait chaque année son gâteau d'anniversaire… Elle dansait avec lui aux fêtes, le prenait dans ses bras, le taquinait sans cesse… Oh oui, un rayon de soleil…

Qui était en train de s'éteindre….

Jamais il ne l'avait vue comme ça. Cette femme, qui semblait si forte, s'était complètement effondrée. Il l'avait vue en larmes dans son salon, accrochée au téléphone, mâchant sans grande conviction une assiette de pâtes qu'il lui avait préparée… Elle souffrait, tout autant que Sirius qui la suivait comme son ombre, voire même plus, car quand elle vivait quelque chose, c'était à fond. Que ce soit l'amour, la haine ou la souffrance, elle se donnait entièrement. C'était le désespoir qui la faisait avancer.

Histoire de se rendre un peu utile, Théo faisait appel à ses connaissances, allait voir Ron, Olivier… Cho refusait de voir les autres, et il le comprenait. Elle n'était plus sur Internet, elle ne répondait plus au téléphone. Elle se coupait du monde. Ron aussi, d'une certaine manière. Draco était impossible à joindre, mais Blaise était parvenu à le chopper et il ne le quittait quasiment plus, alors il l'appelait lui, pour avoir quelques nouvelles. Et ce n'était pas fameux…

Sa seule source de réconfort était Seamus. Il se faisait un sang d'encre pour Harry et pour Draco. Quand Théo rentrait chez eux, amorphe, il prenait soin de lui, préparant le repas et le câlinant dans le canapé. Oui, parce qu'ils se câlinaient. Seamus devait sentir son stress et ses angoisses alors il se blottissait contre lui, l'allongeait et lui caressait les cheveux, l'aidant à s'endormir. Théo aurait protesté, à une époque, mais cela lui faisait trop de bien pour qu'il rejette son ami.

Ça lui faisait du bien quand il passait ses mains dans ses cheveux, lui massant la nuque par moments. Quand il se calait contre lui, dans le canapé, lui tenant le bras, sa tête contre son épaule. Quand il essayait de le rassurer, lui disant que Harry devait aller bien, qu'on le retrouverait vite.

Ça lui faisait du bien qu'il soit là, tout simplement.

Et en même temps…

Il aurait dû le repousser. Plus d'une fois, il aurait dû l'envoyer bouler, comme il le faisait d'habitude. Il aurait dû. Mais il n'en avait pas la force. Il n'arrivait plus à lutter. Il était trop mal dans sa peau pour faire face à ces putains de troubles. Il n'était qu'un gros dégueulasse.

Et il le savait. Il était dégoutant. Plus que le fait d'être troublé par quelqu'un du même sexe que lui, c'était le fait que ce soit un de ses amis qui le perturbait. Il avait tant lutté contre ce sentiment, contre cette maudite attirance…

Ses jambes minces et souvent nues sous son peignoir…

Sa voix qui chantait sous la douche…

L'odeur du savon dans ses cheveux et sur sa peau…

Ses yeux rieux et provocants…

Dégoutant…

Mais dépendant. Besoin de lui, de ses bras, d'un peu de tendresse. Besoin de ne pas se sentir seul, de ne pas sombrer dans l'angoisse, dans ces idées noires qui avaient envahies son esprit depuis la disparition de Harry.

Pour une fois, il pouvait se laisser aller.

Pour une fois, il pouvait oublier qu'il était dégoutant de penser à Seamus autrement que comme à un ami, dégoutant d'être troublé par un homme.

Il n'était pas une pédale.

Il n'en serait jamais une.

Car le fait d'être anormal, d'être regardé de travers par les autres, de ne pas aimer comme il le fallait, de vivre dans la crainte que quelqu'un l'apprenne… Il ne le supporterait pas.

Il ne l'avait jamais supporté. Etre seul. Être différent. La solitude lui avait toujours fait peur, car il avait grandi dans la solitude, il avait grandi avec un père absent et trop strict qui lui avait donné une vision du monde et de lui-même qui le pourchassait encore.

Parce qu'être différent ne pouvait qu'apporter la souffrance.

Théodore Nott n'était pas anormal. Il aimait les filles. Il aimait leur faire l'amour, les embrasser, les tenir contre lui. Les hommes le dégoutaient. Ils ne faisaient pas l'amour comme les autres, subissaient les préjugés, changeaient de partenaires comme de chemise, demeuraient toujours instables, insatisfaits… anormales…

Il n'était pas comme eux.

Jamais été comme eux.

Il était normal.

Il l'était…

OoO

Saphira vint se frotter contre ses jambes, lui manifestant de manière peu subtile son envie de manger. Quittant la casserole des yeux, Severus lui jeta un regard agacé. La chienne le regarda de ses grands yeux noirs humides. Ils se jaugèrent du regard, Saphira secoua la queue, puis, de dépit, elle s'assit par terre. Severus fit un léger mouvement de tête, l'air de dire « Bien. », puis retourna à son activité. L'animal couina, il lui lança un autre regard, et elle baissa la tête en la secouant, n'aimant pas être ainsi fixée.

Il était vingt heures trente. Habituellement, Severus ne mangeait pas si tard. Il détestait manger puis se coucher. En général, en fonction de ses cours, il dînait vers dix-neuf heures trente, en compagnie de Sirius, qui préparait de temps en temps le repas. Pas qu'il soit feignant, mais il n'était pas très doué en cuisine, Severus l'était davantage. Il avait vécu seul trop longtemps pour n'être capable que de cuisiner une assiette de pâtes.

Mais depuis quelques jours, Sirius rentraient tard, et ne dînaient jamais avec lui. Depuis que Harry avait disparu, Sirius ne vivait plus, suivant Isaline partout où elle allait, avalant quelque chose de temps en temps pour ne pas s'effondrer. Il rentrait le soir, lui disait quelques mots puis allait se coucher.

Jamais Severus n'avait vu son compagnon aussi triste. Pourtant, il en avait vu de toutes les couleurs, avec lui. Quand il était arrivé à Paris, Severus avait d'abord cru que Sirius n'avait pas changé, restant fondamentalement le même malgré toutes ces années, malgré tout ce qu'il avait vécu. C'était un homme joyeux, gentil, trop bavard et séducteur. Sa vision de cet homme avait flanché quand il avait compris que Sirius, même s'il demeurait, dans le fond, ce grand gamin qu'il avait perdu de vue des années auparavant, avait été profondément marqué par les malheurs qu'il avait connu dans sa vie.

La prison lui avait volé cette confiance en lui qu'il avait toujours arborée, fier et orgueilleux. Elle lui avait aussi volé ses rêves, ses espoirs. Elle avait causé une sorte de trou en lui qu'Isaline avait essayé de combler, avec Harry et Nymph'. Mais il y avait des blessures qui ne guérissaient jamais, et ces sept années de prison, Sirius ne pourraient jamais les oubliées. Plus que le fait d'avoir été emprisonné, c'était la raison pour laquelle il avait été comdamné qui l'avait fait sombrer. Il avait été accusé d'avoir causé la mort de son meilleur ami, cet homme qu'il avait aimé comme jamais, comme on aime un frère, et de sa femme, qu'il avait chérie autant que ce petit garçon qu'ils avaient mis au monde et dont il était le parrain. Loin de ses proches, il avait eu du mal à surmonter le deuil.

Et, aussi… Sirius avait parfaitement conscience que ses deux amis, que Remus et Isaline, auraient autant de mal que lui à faire leur deuil. Remus avait intériorisé, refoulant toutes les souffrances qui malmenaient son âme. Remus n'était pas comme James, Sirius n'avait pas la même complicité avec lui, mais il était une sorte de pilier dans son existence, une force tranquille, qui l'apaisait. Lui aussi il l'aimait, il l'amait sans doute autant qu'il avait aimé James. Comme un frère. Et savoir qu'il allait passer des années avec ce deuil sur le cœur, avec tous ces sentiments refoulés, loin de ses deux meilleurs amis, lui avait fait un mal de chien.

Ce qui lui avait fait mal, aussi, c'était d'avoir laissé Isaline seule. Elle était forte, mais elle était comme Remus, elle allait tout garder pour elle, jusqu'au jour où cela exploserait. Et puis, Sirius lui avait dit aussi, un jour, que la mort de son père était imminente. Et le jour où il serait mort, elle serait définitivement seule. Elle porterait le poids du deuil de James et Lily, elle lutterait pour ne pas pleurer à chaque fois qu'elle irait voir Sirius en prison, et elle continuerait à marcher sur le chemin hasardeux de sa vie. Elle serait malheureuse. Sans doute autant que Remus. Mais d'une façon différente, plus… destructrice. Pour elle-même.

Isaline Anderson ne s'aimait pas. Alors elle aimait les autres.

Ce fut seulement quand Sirius parvint à percer la carapace de Severus que ce dernier appris tout cela. Evidemment, Sirius ne pouvait confier tout ceci à personne. A l'époque, Severus le tolérait dans son champ de vision, dans son appartement, mais ils en étaient simplement au stade où on ne sait pas si on peut aller plus loin ou si on reste simplement ami, pour éviter de tout gâcher. Et Sirius lui avait parlé ça, parce qu'il en avait eu besoin, et peut-être parce qu'il n'espérait plus vraiment que Severus l'aimerait. Ce dernier commençait à connaître toutes ces tares, et même si l'écrivain s'acharnait encore à essayer de le séduire, il y avait une sorte de douce résignation en lui. Cet espèce de flottement, entre l'amitié et une relation plus sérieuse.

Ce flottement avait continué un bout de temps. Il avait continué pendant toute cette période où Severus découvrait ce jeune homme pour lequel il avait eu une réelle attirance, plus jeune. Il découvrait ses défauts, ses vices, comme son alcoolisme. Il avait appris qu'il fallait toujours que Sirius boivent un verre d'alcool au moins le midi et le soir, sinon ce manque le rendait nerveux, mal-à-l'aise, presque… timide, renfermé. Il avait appris qu'il ne fallait pas parler de certains sujets, comme sa famille, et qu'il fallait en privilégier d'autres. Il avait appris à aimer cet homme tourmenté, qui avait parfois des crises de folie noire, qui culpabilisait à la moindre faute et qui pouvait boire sans s'arrêter jusqu'à ce que le sommeil s'abatte sur son âme détruite et imbibée d'alcool.

Finalement… ils s'étaient mis ensemble, sans vraiment s'en rendre compte. Ils formèrent un couple, petit à petit. Un jour, alors qu'ils se baladaient dans Paris, Sirius lui demanda de sortir avec lui. Après un instant d'hésitation, Severus lui avait dit qu'ils formaient déjà un couple, cette évidence lui sautant alors au visage. Ils avaient déjà fait l'amour, plus d'une fois, ils s'appelaient régulièrement, se voyaient souvent. Avec un sourire, son amant lui avait répondu qu'il le savait, mais qu'il voulait rendre ceci plus officiel. Alors Severus avait soupiré, lui avait pris la main et ils avaient continué leur route.

Depuis, ils ne s'étaient plus quitté. Il y avait des disputes, des semi-séparations, plus ou moins longues, mais le fait était qu'ils revenaient toujours l'un vers l'autre. Ils n'étaient pas si vieux que ça, mais ils avaient vécu trop longtemps et avaient des caractères trop bien définis et opposés pour que leur couple ne soit qu'un long fleuve tranquille. Et ils s'y faisaient. C'était comme ça que ça marchait, même si cela faisait mal. Leurs conflits les rapprochaient toujours un peu plus, car à chaque fois, le manque de l'autre faisait éprouver à l'un un sentiment de solitude insupportable et à l'autre un sentiment d'amour incommensurable.

Cela faisait quelques jours que Harry avait été enlevé, et dans un sens, c'était un peu comme si tous deux étaient séparés. Sirius passait trop peu de temps chez eux, et Severus restait dans leur maison quasiment toute la journée, sans sortir, espérant sans le dire que son amant rentre un peu plus tôt, ou qu'il passe dans le journée, et qu'il puisse enfin le voir. Il ne se jugeait pas en droit d'exiger sa présence, son compagnon avait d'autres soucis en tête que dîner en tête à tête avec lui, mais le manque que son absence causait était de plus en plus douloureux. Surtout que Severus savait à quel point Sirius en devenait malade, d'être incapable de retrouver son filleul.

En étant parfaitement honnête, Severus n'avait jamais vraiment aimé les enfants. Quoi qu'on en dise, il aimait enseigner. Mais pas aux gamins. Il ne supportait pas les gamins, qui piaillaient, qui se plaignaient, qui chouinaient pour un oui ou pour un non. Il se savait impressionnant, l'air peu aimable. Il n'était vraiment très peu, même si Sirius ne cessaient de lui répéter le contraire, lui affirmant que ses défauts lui donnaient du charme et qu'il avait une prestance incroyable. Severus n'en pensait pas de même, il avait une vision plus négative de lui-même.

La seule chose qu'il estimait chez lui, c'était sa redoutable intelligence. Il avait donc décidé de finalement s'orienter dans l'enseignement à la faculté. Ce n'était pas facile, mais il aimait ça. Il aimait enseigner à des étudiants qui l'écoutaient, parce que ce n'était pas la montée d'une classe qui se jouaient à leur niveau, mais leur avenir. Il savait parfaitement que tous n'étaient pas attentifs, mais il savait aussi que la plupart l'étaient, et parmi eux, il y avait de bons élèves, le genre d'élèves qui faisaient la fierté des professeurs. Parmi eux, il y avait bien évidemment Draco Malfoy, qui, avant qu'il ne sorte avec Harry, venait régulièrement le voir pour parler avec lui, sans faire attentions aux regards un peu agacés, car c'était un premiers de la classe, ou un peu moqueur, parce que Severus était un professeur, peu aimable et peu séduisant qui plus est.

En sortant avec Sirius, Sevrus avait rencontré Harry et le contact était relativement bien passé, même si le professeur avait tendance à se montrer un peu cynique envers le fils de ce gamin qui lui en avait fait baver pendant des années. Il était jeune, aussi. Il n'avait pas la mentalité d'un étudiant, d'une personne qui venait d'avoir son baccalauréat, parce que Harry avait arrêté l'école tôt, pour un motif que Severus ne se permettait pas de juger, et il avait passé quelques années entre la comptabilité et le travail à la boutique de sa tutrice. En somme, dans son quartier plus ou moins fréquenté, dans un univers d'adulte, il avait acquis le mentalité de la rue, des jeunes presque indépendants financièrement, qui n'avaient pas peur du travail et qui n'avaient pas d'intérêt particulier pour les études.

Severus n'avait jamais vraiment été confronté à ça, et cela avait été un peu difficile pour lui. Harry était totalement indépendant, il n'était pas le genre de gamin à qui on devait tenir la main pour traverser, pas sans cesse avec le nez sur son téléphone, il avait un langage et des vêtements différents… Mais dans le fond, il restait un enfant choyé par sa tante et son parrain.

Un enfant qui avait eu une enfance difficile, dont il s'était échappé, qui avait eu un moment difficile dans son adolescence, dont il s'était relevé… et enfin un traumatisme, qu'il peinait à oublier.

Quand Severus l'avait rencontré, Harry était encore dépressif, à l'époque. Un peu moins que quand il était arrivé à Paris, mais il était encore très maigre, le regard vide et un léger sourire flottant sur son visage, purement mécanique. Il avait des idées noires, et un papillon bleu sur le cœur.

Malgré un certain cynisme, Severus avait éprouvé pour ce garçon une tolérance dont il s'était toujours étonné. Jamais il n'aurait cru un jour accepter ce jeune homme dans son entourage. Il avait fini par apprécier sa compagnie, à répondre moins méchamment que d'habitude à ses pics, dues à ses sautes d'humeur, et à ne pas le rabaisser sans cesse alors que, tout ce dont il avait besoin, c'était qu'on le soutienne. Ce qu'il avait vécu était indescriptible, et Severus en avait conscience. Certes, il percevait sa réaction comme excessive, mais encore une fois, il n'avait jamais vraiment jugé son comportement, car lui-même ne savait pas ce qu'il aurait ressenti si cela lui était arrivé, à dix-huit ans.

Ainsi, petit à petit, Harry était entré dans son univers, de plus en plus souriant au fil des mois. Puis,il y avait eu Teddy, ce petit bébé qu'on lui avait fichu dans les bras et qu'il savait à peine tenir, ce qui faisait rire Nymph'. Il s'y était fait, à ce môme, aussi. Quand Sirius le gardait, il parvenait à supporter ses pleurs, ses rires suraigus, ses hurlements et le silence presque lourd qui régnait dans leur appartement quand le bébé dormait.

Dans un sens… Severus avait intégré ces deux garçons dans son univers pour Sirius. Il aurait pu ne pas faire d'effort, ou mettre plus de temps à s'y faire, mais l'homme s'y était habitué le plus rapidement possible pour son compagnon, parce qu'il savait que c'était important pour lui.

Sirius avait faim d'enfant. Il aimait Harry comme son propre fils, il l'avait chéri autant qu'il avait pu pendant toutes ces années. Quand ils avaient emménagés ensemble, Sirius avait mis plein de cadres dans l'appartement. Tous les jours, Severus fut confronté au visage de son compagnon et de celui de Harru, de Nymph', d'Isaline… mais d'eux, aussi, de tous les deux, et de sa mère, aussi. Sirius aimait les photos. Il aimait les enfants. Et sans doute aurai-il en avoir, lui aussi.

Ils en avaient parlé, un jour. Enfin… quelques fois. Pas longtemps. C'était un sujet sensible, pas à cause de leurs vies et caractère respectifs, mais parce qu'ils étaient tous deux des hommes. Ils allaient sur leurs quarante ans, Severus n'aimait pas les enfants, Sirius les adorait. Le combat serait trop long, trop compliqué. Il y avait d'autres choses qui s'ajoutaient, plus personnelles : Sirius aurait sans doute gagné en stabilité avec un enfant, mais il ne se jugeait pas capable de l'élever correctement, et Severus n'avait jamais vraiment été choyé pendant son enfance, surtout par son père. Tous deux étaient persuadés d'être incapables d'être de bons papas.

Alors le débat était clos.

Mais il demeurait en eux, pourtant. Severus savait que Sirius y pensait, parfois. Il le comprenait à sa façon de regarder les photos, au fait qu'il prenait trop souvent Teddy chez lui, et qu'il chérissait Harry plus qu'aucun parrain ne devait sans doute le faire.

Et l'attitude qu'il adoptait à présent, à pourchasser l'auteur de cet enlèvement, c'était celle d'un père, à qui on a pris son enfant. Plus rien n'existait d'autre, dans son esprit, plus rien. Il n'y avait que Harry…

Que Harry, qui pleurait dans son lit aux draps défaits, les appelant inlassablement…

Severus ferma les yeux.

Le silence régnait dans la maison, vide. Saphira était toujours à ses pieds, attendant, le museau levé vers lui. Il était tout seul dans cette maison trop grande pour lui que Sirius remplissait à lui tout seul de sa présence envahissante.

Sirius lui manquait. Il était son roc, ce qui lui donnait envie d'avancer. Il avait comblé ce vide qu'il avait trainé toutes ces années. Il était le personne que Severus pouvait chérir sans éprouver de honte, sans s'inquiéter du lendemain, sans se demander si le besoin d'enfant, le besoin de liberté, détruirait leur univers.

L'homme posa sa main sur son visage.

Il avait envie de pleurer.

OoO

Aucune nouvelle.

Absolument aucune.

La police pataugeait, ne parvenant pas à localiser Cédric, qu'importent les pistes suivies. Pourtant, Marcus avait donné quelques pistes, il avait menacé certaines connaissances et certaines avaient accepté d'aider les forces de l'ordre. D'autres refusaient de coopérer. D'après Olivier, qui l'avait appelé la veille, Marcus serait rentré finalement à Londres, histoire de faire bouger un peu les choses. Rien ne valait un petit face à face et le craquement peu délicat des articulations de ses poings…

Blaise ne savait plus à quel saint se vouer. De façon purement objective, cela ne faisait pas si longtemps que ça que Harry avait disparu, à peine quatre jours, mais pour eux, cela faisait une éternité. Gardant toujours un œil sur Draco, qui errait dans Paris ou s'enfermait dans sa chambre de désespoir, Blaise avait l'impression de vivre à cent à l'heure, son impuissance lui sautant cruellement aux yeux.

Du côté des Malfoy, l'inquiétude était toute aussi douloureuse que parmi les amis de Harry. Narcissa s'était beaucoup attachée au petit ami de son fils et Lucius, quoi qu'il en dise, appréciait également ce jeune homme qui semblait rafraichir leur demeure, la rajeunir, la rendre plus joyeuse quand il y venait en compagnie de Draco. La mère du blond vivait mal ce moment, se faisant du mouron pour Harry, mais aussi pour son fils qu'elle n'avait jamais vu ainsi. Son état était indescriptible. Elle essayait de le réconforter mais ses paroles étaient vaines.

Quant à son père, il avait une attitude plus réservée. Il ne passait pas son temps à essayer de réconforter son fils. En réalité, il passait peu de temps chez eux, assez pour voir que l'état de Draco se dégradait de jour en jour, mais trop peu pour nouer le moindre contact avec lui. Cela aurait pu être condamnable aux yeux de Blaise s'il ne savait pas que Lucius avait embauché du beau monde pour retrouver le petit ami de son fils.

Alors qu'il ramenait Draco chez lui, Blaise avait été pris à part par le père de son meilleur ami qui lui avait alors glissé qu'il faisait tout pour retrouver Harry, mais il préférait ne pas en parler à son fils, de peur qu'il ne fonde de trop grands espoirs sur lui, qu'il soit déçu et que la faute se reporte sur lui. Non pas que Lucius voulut échapper aux reproches de son fils, car si en effet Harry n'était pas retrouvé, il y en aurait, mais il préférait lui éviter des souffrances inutiles.

Blaise avait été agréable surpris en apprenant que Lucius faisait des recherches de son côté, mais il avait rapidement perdu le sourire quand l'homme avait évoqué de façon sous-entendue qu'ils ne retrouveraient peut-être pas Harry vivant. Refusant de croire cela, Blaise avait voulu répliquer, mais il avait été opposé au visage fermé de Lucius.

Le crime passionnel.

Cette affaire pourrait se terminer ainsi.

C'était aussi pour cela que Lucius ne voulait pas en parler à Draco. Ce serait évoquer les possibles résultats de son enquête, que ce soit la découvert de son corps vivant, blessé ou mort. Et il n'avait pas envie de parler de cela à son fils.

Alors Blaise gardait le silence, s'occupant de son meilleur ami dont la santé se détériorait, en pensant fort à Harry, à cet ami avec lequel il avait passé tant de bons moments, et qui avait disparu comme dans un courant d'air, laissant du désordre, de la souffrance, de la détresse derrière lui.

De son côté, il essayait de rassembler les forces et de chercher Harry, par tous les moyens qu'il possédait, aidé par tous ses amis, du moins ceux qui étaient prêts à retourner Paris pour le retrouver, les autres parcourant le net en diffusant des messages avec la photo de Harry, harcelant les sites Internet, forums et chats. Seamus avait constamment le cul sur son siège, quittant l'appartement seulement pour garder les enfants au retour de l'école, mais une fois rentré chez lui, il se remettait sur l'ordinateur et surfait sur le net. Millicent essayait d'en faire de même, mais elle était moins efficace, de même pour Hermione qui utilisait peu Internet, hormis pour des recherches. Mais tout le monde était mobilisé, à plus ou moins grande échelle.

Tout le monde voulait retrouver Harry, et sauf.

Tout le monde voulait à nouveau le prendre dans leur bras, le serrer fort et le voir à nouveau sourire, ses lunettes rondes sur le bout de son nez et ses cheveux partant dans tous les sens.

Il était donc de leur devoir de le retrouver.

Et vite.

OoO

Pendant un temps, elle avait pensé à déménager. Puis, trop habituée à sa routine, elle avait préféré rester à Londres, dans un endroit qu'elle connaissait. Luna détestait les changements, l'inconnu. Vivre à Paris aurait engendré trop de bouleversement et elle savait qu'elle aurait mis trop de temps à s'habituer à ce changement brutal de vie. Alors, même si Harry n'était plus là, elle était restée à Londres, se donnant la mission de prendre soin de la tombe de ses parents, puisqu'il ne pouvait plus le faire, et de son appartement, celui où ses parents avaient vécu et qu'il se refusait de vendre.

Ainsi, chaque semaine, elle allait dans l'appartement pour nettoyer un peu, afin qu'il soit toujours en bon état, quand Isaline, Sirius et Nymph' montaient à Londres, ou si un jour Harry venait à son tour. Il avait enfin franchi le pas quelques mois auparavant et la jeune fille avait éprouvé un plaisir indescriptible quand Harry l'avait remerciée d'avoir entretenu l'appartement et les tombes de ses parents, qui n'étaient pas abîmées, la mousse n'ayant pas attaqué la pierre. Rendre ces services n'avait pas été désagréable pour Luna qui, d'une façon ou d'une autre, se rapprochait un peu de son meilleur ami en s'occupant de ce qui lui tenait à cœur. Cela lui permettait d'avoir l'esprit un peu tranquille.

Sortir avec Blaise lui avait donné un peu l'envie de déménager. Elle aurait pu le voir plus souvent et cette angoisse de la tromperie n'aurait pas noirci certaines de ses pensées. Luna ne se faisait pas d'illusions : Blaise était un beau jeune homme, sympathique, jovial, sociable, il avait du charisme, de l'humour et un sourire à tomber par terre. Nul doute qu'il devait avoir des prétendantes et elle avait longtemps pensé qu'il se lasserait d'elle, une fille banale, pas très jolie et qui ne correspondait pas à tout ce dont il avait droit.

Pourtant, il était toujours là. Il l'appelait quasiment tous les jours, même s'ils ne parlaient que quelques minutes. Entendre la voix de l'autre leur faisait du bien. Blaise lui disait à chaque fois qu'il l'aimait, même si elle était loin, même si elle n'était pas un canon. Il lui chuchotait des mots d'amour au téléphone, et comme une enfant, Luna se recroquevillait dans son canapé, le combiné collé à l'oreille, les yeux clos, s'abreuvant de ces mots qui lui réchauffaient le cœur, qui lui donnaient la sensation d'être importante, vivante. C'était comme quand Harry l'appelait, qu'il lui disait des mots doux, la câlinant de loin avec sa voix et ses paroles rassurantes.

Elle avait craint de les perdre à cause de la distance, mais ils l'aimaient tous les deux.

La jeune fille avait vraiment songé à déménager, mais encore fallait-il trouver une école de journaliste et une maison d'édition qui accepterait de la prendre. Alors elle avait laissé traîner les démarches, peu courageuse, devant l'ampleur de la tâche.

A présent, allongée sur son lit et les yeux levés vers le plafond, elle regrettait amèrement de ne pas être allée à Paris.

Les yeux clos, elle imagina la petite maison d'Isaline. Luna la vit effondrée dans son canapé, les doigts crispés autour du téléphone, attendant des nouvelles qui ne venaient jamais. La tête pleine, le cœur souffrant de désespoir, elle devait pleurer dans son canapé, recroquevillée sur elle-même comme une enfant, pensant sans cesse à cet enfant qu'elle avait arrachée à une vie miséreuse et qu'elle avait aimé comme son fils. Luna imaginait sa souffrance, se dépression, ses recherches continuelles, cette haine qui empestait de chaque pore de sa peau… Elle voyait cette femme si fière réduite à un être misérable, bouffée par l'inquiétude, ses yeux clairs soulignés de cernes.

De tête, Luna redessina le plan de la maison, les pièces qui constituait ce petit univers hors du monde. Elle revit la boutique aux murs recouverts de motifs de tatouage. La jeune fille pensa à Nymph' qui devait travailler, encore et encore, s'abrutir de travail. La boutique ne tournait plus que grâce à elle, au ralenti, lui offrant une échappatoire. Luna l'imaginait passer ses journées courbée sur ses patients, puis rentrer chez elle le soir, après avoir fermé la boutique. Elle imaginait ses doutes, ses angoisses, toutes ces idées noires qui remontaient alors à la surface. Luna la voyait se réfugier dans les bras de son mari qui la serrait fort contre son cœur, et leur petit Teddy, qui remuait le couteau dans la plaie en leur demandant où était Tonton Harry.

Et Draco… Draco qui l'avait appelé, un soir, complètement perdu. Draco, dont l'univers semblait s'être écroulé. Son univers, c'était Harry. Harry, sa chambre mal rangée, cette petite maison où il se sentait chez lui. Au téléphone, il avait pleuré. Il avait pleuré pour elle, qui gardait les yeux secs, malgré ce qu'elle ressentait. Il lui avait dit qu'il était désolé, qu'il n'avait pas pu le protéger… et Luna lui disait que ce n'était pas de sa faute, que Harry avait joué avec le feu et qu'il s'était brulé les ailes. Au téléphone, à des kilomètres de distance, Luna tenta de rassurer cet homme qui faisait partie intégrante de la vie de son meilleur ami, complètement déboussolé, terrifié. Il était ce qu'elle n'était pas. Il éprouvait ce qu'elle repoussait sans cesse, faisant le vide dans sa tête, chassant tout sentiment négatif de son cœur. Draco pleurait pour elle, angoissait pour elle, sombrait à petit feu pour elle… car si elle se laissait aller, nul doute qu'elle ne parviendrait pas à se relever.

Blaise devait être malheureux, aussi. Il l'appelait tous les soirs, lui racontant l'état de Draco qui détériorait de jour en jour, rongé qu'il était par l'inquiétude. Il n'avait pas réussi à voir Isaline mais Théo lui avait dit que son état était catastrophique. Le blond mangeait peu, parcourant Paris ou restant prostré dans sa chambre, éreinté. Il ne passait pas son temps à pleurnicher, lui disait-il, mais il était pris par les remords et la peur, et l'amour aussi qu'il éprouvait pour Harry. Et ses doutes. Et ses putains de doutes…

Il y avait Théo, aussi. Théo qui l'appelait régulièrement pour lui parler de l'avancée des choses. Luna l'aimait bien, car c'était quelqu'un de sérieux, de posé, qui ne s'encombrait pas de beaux discours. Il lui disait clairement les choses, sans essayer de la rassurer : ils n'avaient aucune piste, pourquoi lui mentir ? Lui donner de faux espoirs ? Parce qu'elle était loin ? Qu'elle reste à sa place. De toute façon, elle ne servait à rien, ici, à Paris. Personne ne servait à rien. Ces mots durs révélaient la frustration du jeune homme qui se sentait terriblement inutile, mais aussi le fait que personne n'était capable de localiser Harry, malgré les moyeux mis en œuvre. Ils ne servaient à rien. Leur ami était en danger et ils étaient bons à rien…

On lui avait dit que Cho allait très mal, aussi. Elle ne quittait plus son appartement, ni même sa chambre, sauf quand elle devait manger, se laver, aller aux toilettes. Sinon elle restait calfeutrée dans cette petite pièce tapissée de rose, créant l'inquiétude chez ses parents, chez ses amis et chez Olivier qui ne savait plus comment la rassurer. Il avait fait changer la serrure, il lui avait fait jurer de ne plus faire entrer personne ici… Murée dans son silence, la chinoise passait des heures sur son ordinateur, attendant que le temps passe, fuyant le monde extérieur, les coups de téléphone, MSN et les différents forums où elle allait habituellement. Quant à son colocataire, sa vie était partagée entre le foot et ses recherches. Il était aidé par Marcus qui faisait jouer ses relations pour essayer de trouver Cédric. En vain.

Luna ouvrit les yeux. Elle avait les mains croisées sur son ventre, ses cheveux blonds auréolant sa tête comme un soleil. Elle pensa à Ron, qui s'était fait frappé. Lui aussi portait le remords sur son dos, comme Cho, des remords qui n'avaient pas lieu d'être mais qui lui pourrissaient l'existence. Hermione lui avait dit qu'il allait mieux mais qu'il s'en voulait toujours autant, bien qu'il commençât peu à peu à accepter le fait qu'il n'aurait de toute façon rien pu faire contre ces hommes bien préparés et bénéficiant d'un effet de surprise. Cependant, il allait mal, et Luna l'avait senti au téléphone. Qui pourrait se sentir bien après une telle agression ? Pas elle. Surtout pas elle…

Et Sirius… Comment devait-il se sentir ? Il l'avait appelée, aussi. Pas longtemps, histoire de prendre de ses nouvelles, et de lui en donner quelques-unes. Il lui avait parlé de l'état lamentable d'Isaline qu'il suivait partout, afin de la surveiller et de prendre soin d'elle, mais elle était ingérable, portée par l'énergie du désespoir, et elle ne vivait plus que pour retrouver Harry. C'était tout juste si elle mangeait. Et c'était tout juste si, lui, mangeait aussi. Il ne vivait plus non plus, toutes ses pensées tournées vers son filleul. Sa voix avait tremblé, à l'autre bout du combiné, et il avait raccroché avant de craquer. Il était au bout du rouleau. Comme tout le monde.

Cela faisait cinq jours que Harry avait disparu, kidnappé par des hommes cagoulés. Quatre jours que son entourage ne vivait plus, les heures passant au ralenti, les jours s'écoulant avec une lenteur sadique. Luna, à des kilomètres de là, ne pouvait assister à tout ça, mais elle le vivait. A travers les coups de téléphone, tous ces sentiments qu'ils lui communiquaient, la terreur de Harry qu'elle ressentait de là où elle était… elle vivait son absence comme eux. Avec la même intensité, plus forte encore à cause de la distance. Elle était comme amplifiée, comme un écho…

Elle ferma à nouveau les yeux. Elle pensa à Harry. Elle le voyait seul, dans une petite chambre, au fond de son lit. Il était allongé, sous les draps, regardant dans le vide, ses lunettes brisées dans un coin de la pièce. Elle pouvait voir sa peau blessée par les coups, sa joue qui avait bleuie. Il était comme une statue, regardant le néant, s'y accrochant pour ne pas tomber…

Et puis des coups, à la porte… Le battant qui grince, qui s'ouvre… Des paupières qui s'abaissent sur des yeux verts, la peur qui s'immisce dans son cœur…

Harry…

OoO

Il y avait ceux qui réussissaient leur vie, ceux qui vivaient, et ceux qui échouaient. Certains avaient de la chance, même dans leurs malheurs, d'autres n'en avait aucune, quoi qu'ils fassent. C'en était presque physique, inéluctable. Il y avait la race des vainqueurs, et celle des vaincus. Entre les deux, il y avait celle des gens normaux, qui se contentaient de ce qu'ils avaient, sans aller dans les excès. Et c'était peut-être ces gens-là, les plus heureux.

Cédric avait toujours fait partie de la race des vainqueurs. Quoi qu'il fasse, c'était toujours une réussite. Il était né dans une famille assez riche, avec un père influant et une mère douce et attentionnée. Fils unique, il n'avait souffert de la rivalité et du partage de l'amour de ses parents. Il avait toujours été au centre de tout, et jamais on ne l'avait privé de rien.

C'était presque un cadre idyllique, le genre de vie que tous rêvaient de mener. Il avait des parents aimants qui lui avaient ouvert toutes les portes, le soutenant dans la voie du sport. Ils n'avaient jamais sapé sa liberté, bien qu'ils lui imposèrent quelques règles, presque pour la forme. En somme, le jeune homme avait vécu une jeunesse dorée, sans soucis mis à part la façon dont il dépenserait son argent et comment il allait se divertir en fin de semaine.

Une vie idéale, avec un avenir idéal. Une jeunesse dorée, une vie d'adulte pleine de réussite. Il était né pour ça, il était né comme ça. Il ne pouvait que réussir.

Mais tout avait basculé, du jour au lendemain. Il n'avait fallu qu'une bête blessure au genou pour que son avenir se retourne, et qu'il s'englue dans la masse des vaincus. La vie, qui avait toujours été si tendre avec lui, s'était soudain retournée contre lui et devait bien en rire. De sportif prometteur, il était passé à l'estropié de service. La pitié, la colère, le sarcasme, voilà ce qu'il avait lu dans tous yeux qui l'admiraient ou le haïssaient autrefois. Il était devenu le dindon de la farce. Un pauvre con qui s'était cru meilleur que les autres, qui se croyait aussi fort qu'un dieu, un dieu du stade, puis il s'était écroulé, revenant dans le monde des mortels, pareil à tous les autres.

Mais son genou qui s'était cassé, c'était comme une fiole qu'on aurait brisé. Les morceaux de verre s'étaient plantés dans sa chaire, lui faisant sentir à chaque mouvement la médiocrité de son existence, et la douleur avait été comme un poison qui s'était diffusé dans son corps, réveillant en lui des pulsions encore inconnues et des sentiments qu'il avait toujours nié.

Il était pédé. Quoi qu'on dise, quoi qu'on regarde, il était pédé. Et cette simple constatation l'avait fait cauchemarder pendant des mois et des mois. Cédric était sorti avec des filles, des femmes, il avait couché avec des adolescentes, baisé des plus vieilles que lui, tenté des jeux un peu étrange… Il avait aimé des êtres d'un sexe différent du sien, il avait essayé de se prouver, comme autre fois, avec plus de force qu'il était normal. Mais ce n'était pas le cas, et quand son regard croisa les yeux verts de Harry Potter, l'évidence le frappa, et son monde, tant chamboulé et sans forme, parut s'ordonner un peu.

Et Cédric savait pertinemment que ça aurait pu être le cas. Harry était un garçon, un tatoueur, mais il aurait pu lui donner cette stabilité qu'il avait perdu le jour où son avenir s'était réduit en morceau, comme son genou. Harry l'aimait, il était prêt à beaucoup de choses pour lui, et malgré tout ce qu'il lui avait fait, il l'avait soutenu, compris, et toujours chéri. Il avait été son pilier, son roc. Il avait été son amoureux, son petit ami. Il avait été tout ce qu'il avait tant désiré, tout ce qu'il rejetait par peur et dégoût, parce qu'il ne voulait pas être différent des autres, parce qu'il crevait d'être normal.

Harry. Son Harry. Harry, qui aurait fait de lui un homme différent. Cédric aurait pu arrêter de le frapper, de le faire souffrir. Il aurait pu cesser de retourner la haine qu'il avait envers lui-même contre Harry, cessé de se battre contre son propre être et aimer, accepter ce jeune homme qui pleurait par terre quand il le frappait trop fort, se recroquevillant sur lui-même, dans une position mécanique…

Comme s'il était habitué, comme s'il en avait déjà vu d'autres…

Sa vie était misérable. Il avait tout vu. C'était du moins la sensation qu'il avait. Il avait connu les joies de la richesse et de la vie de famille, le sexe avec les femmes, l'amour de Harry… Il avait connu les paradoxes et les contradictions, ses poings cognant, frappant, blessant, sa bouche hurlant et jurant… Il avait connu la prison. L'attente. Le désespoir. L'abandon…

Il avait vingt-cinq ans. Et Cédric Diggory avait déjà tout vu, tout vécu, dans sa triste existence.

Même l'alcoolisme. Il s'était pourtant juré de ne jamais sombrer là-dedans. Mais il l'avait fait, pourtant. A cet instant précis, il était assis à une petite table à peine essuyée devant un verre d'alcool, le troisième de la soirée, sa capuche rabattue sur sa tête et ses lunettes lui mangeant le visage. Il buvait quasiment tous les soirs. Parfois il rentrait bourré, et les autres lui prenaient la tête, lui disant qu'il les avait foutu dans une merde pas possible, et que pendant qu'ils se faisaient chier à surveiller l'autre con, lui était en train de se souler la gueule.

Il faisait pitié. C'était peut-être un peu pour ça que Harry l'avait aimé, parce qu'il faisait pitié, et parce qu'il en avait assez qu'on le plaigne. Parce qu'il avait vu clair dans son double jeu, cette sorte d'étrange schizophrénie qui avait sévi à chaque moment de sa vie depuis ce fameux accident. Il sortait avec des filles, mais il aimait les hommes. Il détestait son père et sa mère, mais il les embrassait tous les matins. Marcus le dégoutait mais il le gardait près de lui. Il aimait Harry, et la meilleure façon de le lui montrer avait été de le cogner.

Il était malade. Il refusait de se l'avouer, car nier l'évidence, c'était plus facile, et on pouvait faire comme si ça n'existait pas. Et dans un sens, il ne voulait pas qu'on le plaigne. Il ne le méritait pas. Il le savait.

Cela faisait cinq jours qu'il avait enlevé Harry, en pleine rue. Il entendait des messages à la télévision, sur Internet. Aujourd'hui, Isaline avait parlé à la télé. C'était la première fois. Il était entré dans un magasin d'électroménager parce que leur radio avait lâché, et Cédric aimait bien la radio. Alors qu'il regardait les prix des appareils, il avait entendu deux femmes parler de cette femme qui avait parlé à la télévision, demandant au kidnappeur de son neveu de le lui rendre. Elles la critiquaient, disant que, si elle était si accablée que ça, elle ne passerait pas à la télévision, le visage clean et l'air aussi serein.

En entendant ces mots, Cédric s'était rué dans le premier cybercafé qu'il avait trouvé et avait cherché la vidéo sur le site de la chaîne. Il avait enfoncé la prise de ses écouteurs dans l'unité centrale et avait écouté Isaline parler, tout en la regardant.

Elle était pâle. Atrocement pâle. Ses yeux regardaient droit devant elle et les mots qui sortaient de sa bouche étaient presque mécaniques, comme un message répété à l'infini. Elle n'avait pas parlé longtemps. Mais Cédric en fut bouleversé. Sa voix avait pénétré son âme, cette voix qui entourait Harry, toujours, et ses yeux clairs, qui semblaient le regarder lui, comme si elle pouvait le voir à travers cet écran, avec une sorte de neutralité dans les prunelles.

Personne ne la connaissait. Personne ne pouvait savoir quel genre de femme s'était, à quel point elle souffrait et comment elle avait dû lutter pour se mettre face à cette caméra et énoncer son message, comme un appel au secours.

Elle avait espéré l'atteindre. Elle avait réussi.

Comme toujours.

Et là, à cette table, il entendait encore sa voix lui demander de lui rendre Harry. Comme autrefois, des années auparavant, quand elle lui avait laissé maints messages sur sa boite vocale, le suppliant de ramener Harry, des larmes plein la bouche, hoquetant contre le combiné. Il avait été tenté de le faire, à l'époque. Juste pour qu'elle arrête d'inonder sa boite vocale, pour que ce sentiment de remords qui lui bousillait le cœur cesse de lui faire du mal.

Mais il ne l'avait pas fait. Il voulait Harry. Isaline ne l'aurait pas. Elle le détestait, elle l'avait toujours détesté. Jamais elle ne l'avait aimé. Il savait pourquoi, maintenant. Il s'en doutait un peu, mais elle lui avait dit, dehors, avant qu'il n'ait son rendez-vous avec Harry. Et ces mots lui avaient fait un mal de chien. Et aujourd'hui encore, ils lui faisaient mal.

Car la vérité, c'est qu'il aurait pu faire partie de cette famille. Isaline aurait pu être un substitut de sa mère, Sirius de son père, et Nymph' aurait été la sœur qu'il n'avait jamais eue. Il aurait pu être heureux, intégrer cette famille dont il aurait été un membre à part entière, comme Malfoy. Mais Cédric Diggory ne s'aimait pas, il ne se jugeait pas digne de cela, il n'était pas prêt à renoncer à tout pour Harry. Il n'était pas prêt à accrocher une pancarte autour de son cou avec écrit dessus « Homosexuel ». Il vivait dans une sorte de flou, un monde un peu bancal, où il passait son temps à mentir aux autres. Et il s'était menti à lui-même.

Et il avait fait du mal.

Et il faisait encore du mal.

Alors qu'il était train de boire dans ce bar miteux, Harry devait être dans son lit, tout là-haut. Sans doute ne dormait-il pas. Il ne dormait pas beaucoup. Cédric lui donnait des somnifères, mais il ne pouvait pas le forcer à les prendre. Il ne pouvait plus le forcer à rien….

L'homme ferma les yeux. Bon Dieu que Harry était beau. Il avait grandi, mûri. Il avait gagné ce charme qu'on les jeunes hommes qui ont dépassés la vingtaine, plus tout à fait des gamins, mais encore un peu jeunes dans leur tête. Il avait gagné du muscle. Il avait entendu dire que son petit ami aimait bien ça, un peu de muscle… Et il avait un nouveau tatouage, sur le cœur. Ses ailes étaient magnifiques, Cédric avaient longtemps fantasmé sur elles, en prison, tant elles lui allaient bien. Et ce petit papillon bleu sur son cœur… Il avait un petit quelque chose, un peu mystérieux, qui agitait son cœur comme jamais.

Harry était beau. Désirable. Et il l'aimait, comme un dingue.

Il pensait que les choses changeraient. Il savait que c'était une connerie, mais il avait essayé. Il ne voulait pas le frapper. Non, il ne voulait pas. Il ne voulait pas le faire pleurer non plus, ni le faire crier. Mais il y avait des choses qui ne changeaient pas. Harry lui résistait, comme toujours, alors il sévissait.

Comme toujours.

Cédric serra les dents, ses doigts crispés sur son verre.

Il se souvint soudainement de ce que lui avait dit Isaline, il n'y avait pas si longtemps : Harry avait avancé, et Cédric faisait du sur-place. Et c'était le cas encore aujourd'hui. C'était le cas encore ce soir. Alors Cédric, comme quelques années auparavant, l'avait enlevé en pensant bêtement qu'il cèderait, parce qu'il était fou et amoureux, Harry lui avait craché ces quatre années d'absence au visage.

« Tu peux me violer, prendre mon corps, si tu veux ! Tu peux faire ce que tu veux de moi ! Mais mon cœur appartient à Draco, et ça, tu ne pourras jamais me le prendre, connard ! »

Harry avait avancé, lui. Il avait évolué. Il était tombé amoureux. Il avait couché avec un homme. Le fait que Harry se soit donné à Draco avait été comme une grande baffe dans sa tête. Il avait haï ce blondinet, mais d'une force… Il avait eu tout ce que, lui, n'avait jamais eu. Il avait eu Isaline, sa famille, il avait eu Harry, son cœur, son corps… Il avait tout eu. Alors qu'ils étaient pareils, ils venaient du même milieu… Et c'était un Malfoy, en plus…

Il l'avait haï… Et il s'était haï…

Mais c'était fini, tout ça.

Demain, ce serait fini.

Cédric se prit la tête dans les mains. Il avait mal au crâne, mal au cœur.

Il était malade. Il fallait l'aider.

Mais il ne voulait pas être aidé…

Il ne voulait plus…


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !