Disclaimer: Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si!

Couple: Harry / Draco.

Evaluation: M.

Bonjour à tous et à toutes !

Lys : Et désolée pour ce retard u.u

Oui désolée . Un peu de fan à finir mon chapitre (enfin, juste un bout en plein milieu qui sert à rien mais qui rajouter un peu de longueur… OUI je le trouvais pas assez long, ce chap ! .)

Lys : … Nous ne dirons rien. Bref, merci à Booky pour avoir corrigé ce chapitre (ce qui vous permet entre autres de l'avoir ce soir…). Merci également à Soma (qu'est trop mimi u.u), Cath', Fanfan, Moji, Yuki… Et toutes les autres p'tites nanas qui m'encouragent (ou me harcèlent, au choix) pour que je continue à écrire :D

Oui merci à vous les filles 3


Sectumsempra, mon amour ?

Comme vous le savez peut-être , je suis en train de fonder un fanzine yaoi HPDM avec quelques copines.

Un fanzine est un magazine produit par les fans, comportant par exemple des illustrations ou autres. Notre fanzine sera composé d'OS illustrés ainsi que de quelques rubriques (par exemple des rubriques à propos des acteurs que nous avons rencontrés) et nous le complèterons de goodies, comme des cartes, posters, marques-pages, et autres !

Je vous invite donc à venir nous rejoindre sur notre page facebook ou sur notre forum, pour nous aider à créer notre fanzine ! (cf ma page de profil) Toute aide est la bienvenue, quelle qu'elle soit ! Un site est en cours de création, je vous tiendrai au courant ). Si vous avez des questions, n'hésitez pas.

Je vous informe également que, pour les intéressés, je vends des tomes de ma fic Existence dont le bénéfice reviendra à l'association (et n'ira donc pas dans mes petites poches).

Bon…

Ceci étant dit…

Je fais maintenant ma petite annonce perso ! Dans notre fanzine, je vais écrire un OS INEDIT portant sur le couple Théo/Seamus. En effet, dans cette fic, vous savez que ces deux-là vont finir ensemble, mais leur mise en couple ne sera qu'évoquée (et oui XD). Je vais donc écrire un OS qui traitera de leur mise en couple et qui ne sera publiée que dans notre fanzine :).

Je vous rappelle que le fanzine Sectumsempra, mon amour ? a pour projet de faire imprimer Papillon, en 5 tomes d'environ 200 pages.

Chaque tome couterait entre 7 et 8 euros, tous les bénéfices revenant exclusivement au fanzine bien évidemment.

Pour le moment, nous en sommes à une quarantaine de commandes.

Pour toute information complétementaire, n'hésitez pas à m'envoyer un mp :)


Bonne lecture !


Chapitre 35

D'abord, le silence. Ce silence écrasant qui l'avait éloigné du monde, ce monde qu'il avait quitté, auquel il n'avait jamais appartenu. L'idée qu'il ait souhaité tout ça l'empêchait de lutter contre ce vide qui le rongeait petit à petit.

Puis, la douleur. Douleur sourde, qu'il ne percevait pas totalement, mais qui était bien là, tapie dans un coin, attendant son heure. Elle s'était emparée de lui, brûlant ses chaires, redonnait forme à ce corps disloqué qu'il pensait avoir quitté.

Enfin, le son. Cet espèce de bourdonnement qui parvenait de plus en plus distinctement à ses oreilles, le sortant lentement de sa léthargie, et lui permettant de distinguer à nouveau le monde autour de lui.

Ses sens lui revenaient, tout comme l'idée qu'il était un être de chair et de sang, qu'il avait eu mal, qu'il avait toujours mal en fait, et que sa vie ne s'était pas terminée comme il l'aurait voulu. S'il ne parvenait pas vraiment à distinguer les voix qui gravitaient autour de lui, elles n'en étaient pas moins rassurantes, réconfortantes, et elles le poussaient à accepter l'idée que tout n'était pas fini.

Il ne savait pas vraiment comment il avait pu trouver la force de serrer cette petite main dans la sienne, ni comment il avait été capable d'ouvrir les yeux. Il savait juste qu'il l'avait fait, et que sa vue s'était brouillée par les larmes qui avaient coulé d'elles-mêmes sur ses joues. Il se rappelait les avoir fermés, le cœur serré et la gorgée nouée, et il avait senti ses lèvres sur sa joue, sur son visage.

Il avait enfin entendu sa voix. Sa voix, à lui. Il avait entendu ses mots d'amour, sa souffrance, le bonheur de le voir à nouveau vivant.

Et, les yeux clos, il avait cru à un rêve. Un rêve que son esprit en éveil lui offrait, comme un dernier cadeau, avant qu'il ne quitte définitivement ce monde dans lequel il n'avait plus sa place…

OoO

Isaline fut inconsolable. Elle passa sa journée à pleurer. Personne ne lui en tint rigueur, car pour une fois, ce n'étaient pas des larmes de tristesse mais de soulagement et de joie.

Draco ne fut pas dans un meilleur état le reste de la journée, ni celle du lendemain. Le voir éveillé avait rouvert les vannes et ses yeux ne cessaient de s'humidifier, tant il était soulagé de le savoir réveillé. C'était un peu comme si sa vie, mise en pause, venait de redémarrer, et tout un tas d'émotions se bousculaient en lui. Blaise, qui vint le voir dans l'après-midi, la taquina en le comparant à une femme enceinte, changeant d'humeur sans arrêt. Le blond lui jeta alors un regard noir qui fut récompensé par un gloussement.

C'était comme si un vent d'apaisement s'abattait sur eux, aussi bien sur la famille de Harry que sur ses amis. Draco décrochait enfin le téléphone et parvenait à parler correctement sans céder à la colère ou autre. Luna était venue le voir, alors que Blaise se trouvait encore près de lui. Il avait vu le visage de son meilleur ami se détendre et un joli sourire se former sur les lèvres, alors que ses yeux noirs se posaient sur la jeune fille, qui retrouvait enfin le sourire.

Elle avait des cernes, le teint pâle et semblait avoir maigri. Blaise ne la voyait pas souvent, mais il la connaissait assez pour savoir qu'elle avait perdu du poids, et ses cheveux blonds laissaient voir un laisser aller plus important qu'habituellement. Mais ses yeux bleus pétillaient à nouveau, et elle était aussi étrange que d'habitude. Ce qui était rassurant, en somme. La voir pâle, silencieuse, si cruellement consciente de la situation, lui avait retourné le ventre. Il avait vu la femme qu'elle était, ce qu'il y avait en elle, ce qui était caché aux yeux de tous par ses yeux rêveurs et ses douces paroles.

Il avait vu une Luna qu'il ne connaissait pas. Une Luna qui savait à quoi ressemblait le monde autour d'elle et qui l'affrontait, digérant le fait que son meilleur ami se soit jeté par une fenêtre. La réalité lui était revenue en pleine face et elle avait encaissé le choc, sans chercher à fuir. Et cette Luna-là, en un sens, elle lui avait fait peur, car ce n'était pas celle qu'il connaissait, qu'il voulait protéger. C'était une femme qui n'avait besoin de personne pour être consolée, qui en avait assez vu pour ne pas être dépendante des autres et de leur bienveillance.

La Luna qui était venu chez Draco, avec son pantalon vert foncé et son sweat pêche, ses cheveux noués lâchement derrière sa nuque, c'était celle qu'il connaissait, qui regardait le monde à travers une vitre polie qui en cachait les aspérités. Elle était encore bouleversée, Blaise savait qu'elle était blessée et malheureuse, car le réveil de Harry ne pouvait effacer ce qu'il avait fait, que ce soit dans les mémoires, ou bien dans ses chaires, ses os brisés et sa peau déchirée. Mais il y avait de l'espoir, l'espoir fou que Harry s'en remette, qu'il vive à nouveau, qu'il marche sur ses deux jambes et qu'il regarde vers l'avenir…

Ce n'était pas la préoccupation première de Draco, qui ne pensait qu'au lendemain : il irait à nouveau voir Harry, et il espérait de tout cœur qu'il serait réveillé à ce moment-là. Blaise redoutait que les choses ne soient pas aussi simples qu'elles semblaient l'être pour Draco et, malgré lui, il lui fit quelques sous-entendus, dévoilant ses inquiétudes, mais le blond ne voulait pas y penser. Chaque chose en son temps. D'abord rassurer Harry, puis lui parler des séquelles, et enfin l'aider. Ce ne serait pas facile. Harry n'avait jamais été facile, ni lui, ni leur relation. Elle en pâtirait peut-être. Le tout était de rester près de lui, le rassurer, et lui faire comprendre qu'il ne se retrouverait pas seul.

Car, connaissant le jeune homme, Draco était persuadé que Harry serait horrifié par son état et qu'il s'écarterait de Draco pour qu'il ne subisse pas avec lui les séquelles de sa tentative de suicide. Par dégoût de lui-même, et peut-être par amour, Harry le rejetterait, lui et tout ce bonheur auquel il n'aurait plus droit à cause de sa folie. Il ne penserait pas un seul instant que ce bonheur qu'il pensait avoir gâché pouvait revivre, retrouver un nouveau souffle, que Draco était tombé amoureux de lui, et non pas de son corps, que tout ça n'était qu'un obstacle à franchir. Empêtré dans sa souffrance, Harry ne verrait à tout ça qu'une longue descente en Enfer.

Donc Draco devait se montrer fort, pour eux deux. Donc il devait procéder par étapes, y aller doucement avec Harry, sans se précipiter, pour que le choc soit un peu moins douloureux, même s'il savait que Harry en resterait traumatisé très longtemps. Le blond lui-même, en dépit de sa joie, avait du mal à s'en remettre, et la meilleure thérapie, pour lui, c'était de prendre soin de Harry. Peut-être que cela apaiserait ses angoisses, peut-être que cela finirait par les détruire, à jamais…

Il fallait leur laisser du temps, pour se relever de ce terrible incident. Il leur faudrait beaucoup, beaucoup… beaucoup de temps.

OoO

On toqua à la porte. L'appréhension lui tordit les tripes, à l'idée que quelqu'un entre dans la pièce. Cela ne lui faisait plus rien que les médecins et infirmiers soient là, même Rémi ne lui faisait plus aucun effet. Il les regardait marcher dans la pièce, le toucher, puis s'en aller, sans crainte ou angoisse. Mais c'étaient des gens qu'il ne connaissait pas, qui étaient là pour s'occuper de lui, donc leur regard ne l'atteignait pas, car ils le regardaient comme ils verraient n'importe quel autre patient, sans attention particulière. Mis à part Rémi, mais il était tellement professionnel que ses gestes de sympathie se résumaient à quelques sourires, et Harry lui en était reconnaissant.

Le matin même, Isaline était venue le voir, à nouveau. A peine son regard se posa-t-il sur son visage qu'il se remit à pleurer. Sa tante ne put retenir ses propres larmes et ils pleurèrent tous les deux, jusqu'à ce que la tatoueuse émettre un rire un peu gêné, les trouvant ridicules, faisant sourire légèrement Harry. Ils étaient restés un long moment à se regarder, se tenant la main, sans parler. Un soulagement sans commune mesure avait envahi Harry, qui craignait que ce qu'il avait vu la veille n'ait été qu'un rêve, un fantasme. Il avait craint qu'Isaline soit belle et bien morte, qu'une autre l'ait remplacée, à ce moment-là, ou que tout ceci n'ait été que le fruit d'un rêve.

Mais elle était là, tout près de lui, sa main chaude dans la sienne. Elle le regardait de ses yeux clairs et tendres, sa bouche arquée en un sourire doux. Sa maman était là, tout près de lui, et en dépit de l'angoisse qui lui avait tenaillé l'estomac au moment où elle avait ouvert la porte, le jeune homme avait savouré ce moment, oubliant la souffrance qu'il avait ressentie en apprenant qu'elle était morte dans un accident de voiture.

Comme ses parents.

Elle était morte dans une voiture, comme eux.

On la lui avait arrachée.

Quel crime avait-il commis ? Pourquoi lui faisait-on encore subir cela ? Il s'était posé maintes fois la question, maudissant son existence toute entière. La personne qu'il aimait le plus au monde lui était arrachée, et il n'était même pas là pour la pleurer, et l'enterrer. Il avait souffert le martyr, dans cette petite chambre, l'appelant elle, et Draco. Mais lui, bien qu'il souffrît comme jamais à l'idée qu'il soit mort, il était secondaire. Il le connaissait depuis presque un an, il en était amoureux fou, mais il n'avait pas de place égale par rapport à Isaline dans son cœur. Elle restait sa mère, celle qui l'avait sauvé des Dursley, qui lui avait donné tout l'amour dont il avait manqué, ensoleillant son enfance.

C'était elle qui avait motivé son acte, surtout. Car si Draco lui donnait envie de se jeter par la fenêtre, il n'aurait pas été capable de le faire si jamais il était mort, lui seul, car il serait resté dans l'idée que jamais le blond n'aurait voulu qu'il envoie sa vie en l'air à cause de lui. Draco aurait voulu qu'il vive, même si les choses n'auraient plus jamais été pareilles. Il l'aurait eu dans son cœur toute sa vie, et sans doute n'aurait-il jamais réussi à faire son deuil. Draco avait été son second petit ami, celui qui l'avait réconcilié avec l'amour, son homosexualité et le sexe. Il avait accepté ses sentiments, il n'avait jamais caché leur couple aux yeux de qui que ce soit, et il avait été son premier au lit. Harry l'aimait passionnément, et ce qu'il représentait pour lui, aucun homme ne pourrait jamais l'effacer.

Mais Isaline avait changé la donne. Parce qu'Isaline, elle l'avait choppé dans la rue et l'avait emmené dans sa cuisine pour lui donner des gâteaux. Parce qu'Isaline, elle était devenue folle quand elle avait vu les marques de coups sur le corps. Parce qu'Isaline, elle l'avait emmené chez elle et lui avait donné tout ce qu'un enfant aurait dû recevoir : une maison, de quoi manger, et de l'amour. Elle avait été sa maman pendant toutes ces années, l'avait soutenu dans toutes ses démarches. Elle avait toujours été là, pour elle.

Et lui ? Qu'avait-il été, pour elle ? Un boulet. Un fardeau. L'enfant d'une autre, qu'elle avait pris comme le sien. Un enfant dont ses amants ne voulaient pas. Un adolescent un peu turbulent parfois, qui se battait dehors, et qui avait tout lâché pour devenir tatoueur, incapable de se défaire de sa phobie du lycée. Il l'avait déçu, sans arrêt. Il lui avait menti, quand Cédric le battait. Il n'avait cessé de la décevoir. Il n'avait jamais été là pour elle.

Tout ça, c'était de sa faute.

Et la souffrance qui lui dévorait le cœur, due à ces deux décès, se trouvait renforcée par les idées noires, Harry se maudissant de ne pas avoir été suffisamment là pour elle, regrettant leurs disputes, leurs conflits, tout ce qui les avait séparés ne serait-ce qu'une minute. Et Draco, Draco qu'il avait quitté en mauvais termes, qui lui demandait un choix, qu'il avait fait trop tard…

Il les avait perdus, tous les deux. C'était de sa faute, tout ça.

Alors, quand la fenêtre s'était ouverte à ses yeux, quand il avait réalisé qu'il pouvait s'en aller, il avait sauté.

Pendant un temps infini, il avait flotté dans les airs. Puis, il avait chuté, et s'était écrasé sur le sol.

La souffrance.

Puis le néant.

A présent qu'il se trouvait là, dans ce lit, emplâtré avec elle près de lui, ses idées noires s'envolaient, mais certaines demeuraient, car il savait ce qu'il avait fait et que les séquelles d'un tel acte seraient difficiles à porter. Il savait aussi que c'était une énième connerie, parmi tant d'autres. Mais Isaline avait toujours été là, et quand elle commença enfin à lui parler et qu'elle lui dit d'une voix claire et sans soubresauts que ça s'arrangerait, qu'il avait fait une bêtise mais qu'il n'y était pour rien, il se remit à pleurer, sentant dans ces mots qu'elle lui pardonnait.

Elle avait tout vu, tout vécu. Et elle lui pardonnait. Parce qu'elle savait pourquoi il avait fait ça, parce que ce n'était pas, pour elle, un acte égoïste et sans raison. Parce qu'il était dans une impasse et qu'il en avait cherché l'issue. Elle lui pardonnait, aussi, parce qu'elle l'aimait. Parce que c'était plus important de l'avoir là, vivant, plutôt qu'en bas, mort.

Le regard d'Isaline fut donc moins difficile à affronter, en partie parce qu'il n'avait aucun doute face à l'avenir avec elle. Si les rôles étaient inversés, ce serait lui qui serait près d'elle, à la rassurer et à l'aider du mieux qu'il pouvait. Mais Draco, c'était une autre paire de manches, car la perte d'Isaline s'était faite plus douloureuse encore à l'idée qu'elle ne serait pas, également, là pour l'épauler face à cette terrible épreuve.

Alors, quand on toqua à la porte, le ventre de Harry se noua et tout son corps se crispa. Que ce soit Draco ou un autre, le stress était le même, car la peur du regard était trop forte. Il attendit alors avec appréhension que la personne entre et un étrange mélange d'angoisse et de soulagement le prit aux tripes quand le visage de Draco apparut dans l'encadrement de la porte. Le brun se maudit quand il sentit les larmes lui monter aux yeux, comme cela avait été le cas ce matin-là. Il ne pouvait les contenir, trop heureux de le voir, là, debout non loin de lui, bel et bien vivant. Il avait à nouveau l'impression de rêver, et ce fut encore plus le cas quand son petit ami prit sa main dans la sienne et qu'il l'embrassa tendrement. Lui aussi s'était mis à pleurer, mais il souriait malgré tout, alors Harry se força à sourire aussi, ce qui ressembla plutôt à une grimace. Le blond eut un léger rire.

« Ne te force pas, tu ne ressembles à rien.

- Merci…

- Tu essaies de sourire alors que tu es en train de pleurer.

- Tu y arrives, toi.

- Je n'ai pas aussi mal que toi. »

Ce n'était pas faux, mais Harry savait très bien au fond de son cœur que Draco souffrait, sans doute pas autant que lui, mais que toute cette histoire l'avait profondément touché.

« Ça fait du bien de te voir réveiller. Et de pouvoir te parler.

- Je suis resté trop longtemps endormi…

- Il y a de ça, oui. »

Le regard de Draco s'assombrit. Il ne pleurait plus mais il y avait des traces de larmes sur ses joues. Il avait les yeux rouges et lui parut soudain bien pâle. Un peu amaigri, aussi. A nouveau, Harry sentit son ventre se tordre et la peur monta en lui.

Tout, mais pas ça…

« C'est-à-dire ?

- Quoi ?

- Qu'est-ce qu'il y a d'autre ? Non Draco, ne tourne pas la tête. Dis-moi…

- A quoi bon te le cacher ? Fit Draco en soupirant. J'étais là. »

Il le regarda franchement et le blond vit son visage se tendre et ses yeux s'écarquiller d'horreur. Harry voulut tourner la tête mais la minerve le bloquait, donc il ferma les yeux, serrant les dents pour ne pas pleurer à nouveau. Il entendit la voix de Draco, mais il ne comprit pas ce qu'il lui dit, pris dans un tourbillon de sensations qui l'empêchaient de raisonner.

Draco avait tout vu.

Il l'avait vu sauter.

Quelle horreur…

« Harry ! »

Me brun sursauta et rouvrit ses yeux humides. Draco s'était à moitié assis sur le lit, ses mains posées de chaque côté du matelas. Harry, le dos soutenus par des oreillers, affronta son regard, mais il ne pouvait retenir ses larmes de dégouts envers lui-même de couler sur ses joues.

« Pardon…

- C'est pas grave…

- Si, c'est grave… T'aurais pas dû voir ça… »

Et il éclata en sanglots. Draco ne savait quoi faire… Harry avait lâché sa main pour cacher son visage avec, et il lui était impossible de le prendre dans ses bras. Le visage du brun était tout rouge et sa poitrine s'agitait, sous la force des sanglots. Il gémissait, car cela devait lui faire mal. La seule chose que Draco trouva à faire, le cœur déchiré, ce fut de s'allonger à demi sur lui, calant son visage au creux de son cou, sa bouche tout près de son oreille.

« Je l'ai vu, Harry. Isaline, Sirius et Théo aussi. C'est comme ça, et tu ne peux rien y changer. Je sais que tu es désolé, que tu aurais voulu que les choses soient différentes. Mais tout ça, ce n'est pas de ta faute. Oui, tu as sauté, oui, c'était égoïste, sur bien des points. Mais avons-nous le droit de te juger ? Surtout quand on sait pourquoi tu l'as fait ? Je ne sais pas ce qu'il y dans ton cœur, ni ce qui t'a poussé à sauter. Mais je sais que ça vient de Cédric. Je sais qu'il est responsable de tout ça. Donc j'ai encore moins de raisons de t'en vouloir. »

Il y pensait chaque nuit, chaque jour. Cette vision le hantait encore, et seul des moments passés ensemble pourrait le rassurer, lui prouver que Harry était bien vivant, que tout irait mieux. Et il le lui dit, à l'oreille, qu'il avait peur que ce cauchemar vire à la réalité, qu'il était terrifié à l'idée de se lever le matin et de découvrir qu'en fait il était mort, que ce saut l'avait détruit. Il lui dit aussi que les choses iraient mieux, après, qu'il ne le laisserait pas tomber et qu'ils s'en sortiraient. Qu'il l'aimait, que tout ça n'avait absolument rien changé à ses sentiments, et que leur histoire était loin d'être terminée.

Au creux de son oreille, Draco lui raconta son amour et ses angoisses, que tout ceci avait été une terrible épreuve pour lui, et qu'ils la surmonteraient à deux. Et Harry écouta sa voix mouillée, sa main dans ses cheveux blonds, son cœur se serrant à l'étouffer, en se rendant compte à quel point Draco avait eu mal, et à quel point il l'aimait encore malgré ça…

OoO

« Draco Malfoy ! Ramenez votre royal fessier dans le salon !

- Qu'est-ce qui t'ar…

- Ton linge ! »

Draco sursauta en l'entendant hurler. Puis, il prit ses affaires posées sagement sur son lit et piqua un petit sprint jusqu'au salon, ses affaires plein les bras. Isaline le regarda de haut en bas, puis poussa un soupir.

« C'est pas Dieu possible d'utiliser autant de fringues en si peu de jours ?

- Pas tant que ça…

- Beau blond, si je ne me trompe pas, tu te changes deux fois dans la journée !

- J'ai transpiré toute la journée, j'ai pas envie de garder les mêmes fringues le soir ! Surtout des tenues pareilles !

- Oh toi je vais finir par t'apprendre à repasser !

- Rappelle-toi la dernière fois que tu as voulu m'apprendre !

- Ah ouais c'est vrai, tu t'es brûlé la main… Allez, mets-moi tout ça là. Mais c'est quoi toutes ces chemises ? Ça fait depuis si longtemps que ça que t'es là toi ? »

Draco rit alors qu'Isaline regardait avec désolation ses chemises. Draco lui dit de ne pas se prendre la tête, qu'elle repasse tranquillement sans faire de chichis, mais, outrée, la patronne lui dit qu'il était hors de question qu'elle repasse ça comme une sauvage, elle allait amidonner son col. Le blond insista, ce n'était pas la peine, mais elle ne l'écoutait déjà plus et allait chercher de quoi lui faire de jolis cols. Ne sachant s'il devait être attendri ou embarrassé par son comportement, il retourna dans sa chambre, laissant Isaline à son repassage.

Il fallait dire qu'elle avait laissé les choses s'entasser depuis quelque temps. La veille, elle s'était enfin décidée à faire tourner une machine et à l'étendre afin de faire du repassage. Draco avait récupéré ses affaires, les seules qu'il restait sur le séchoir, Isaline ayant pris les siennes.

Une sorte de routine s'était installée entre eux, même si ça ne faisait pas bien longtemps que Draco vivait chez elle. Cependant, ce n'était pas la première fois qu'il venait dormir dans cette maison, il y avait passé des week-end et même des vacances, il connaissait très bien les lieux et s'y sentait comme chez lui, son corps s'apaisant quand il sentait ses odeurs, quand il entendait ses bruits, quand il touchait les meubles. Le fait que Harry ne soit pas là avait rendu son séjour plus lourd en ces lieux, mais néanmoins, il s'était tout de même senti un peu plus apaisé que chez lui.

Ce n'était pas comme si Isaline était difficile à vivre non plus. Draco avait facilement retrouvé ses marques, utilisant ses serviettes et son savon, mangeant dans sa cuisine, et regardant la télévision le soir dans le salon, bien qu'il ait pris l'habitude de le faire avec Harry dans sa chambre, mais pour des raisons évidentes, il refusait d'y mettre les pieds.

Jusqu'à ce matin.

Ce matin-là, il avait cédé à son envie et était entré dans la chambre de Harry. Sa chambre. Leur chambre. Cet endroit où ils avaient passé tant de temps, où ils se réfugiaient à chaque fois que le blond venait le voir. C'était automatique, comme le feraient des adolescents en quête d'intimité : ils s'enfermaient dans la chambre, s'étendaient sur le lit où s'y asseyait. C'était leur refuge.

Draco connaissait cette pièce par cœur. Il y avait le lit deux places, où ils s'installaient pour regarder la télévision, installée à son opposé, où ils avaient dormi sagement l'un contre l'autre, où ils avaient fait l'amour passionnément. Non loin de là, se trouvait le bureau où s'amoncelait des objets divers, que ce soit des stylos, des crayons, un bloc de pages blanches et même un paquet de gâteaux à moitié vide. Il y avait aussi son ordinateur, auquel Draco n'avait jamais touché, empruntant celui d'Isaline. Il y avait une grande armoire, aussi, avec toutes ses fringues, qu'il empruntait parfois, l'hiver, quand il avait froid. Des étagères étaient fixées au mur, ainsi que des photos mises sous cadre.

Le blond s'était assis sur le lit et en avait touché la couette. Elle était épaisse et chaude. Il avait fermé les yeux un instant, s'imaginant dessous, puis Harry tout contre lui, à demi allongé sur son corps, en une position agréable et naturelle, qu'il avait acquise dès leurs premières nuits ensemble. Il dormait toujours près de lui, même quand il se couchait un peu l'à l'écart, ou dos à lui. Que ce soit sa main, son bras ou sa jambe, Harry se réveillait toujours en le touchant. Et quand Draco ouvrit les yeux, il sentit un pincement au cœur en imaginant Harry avec ses deux plâtres, sa minerve et sa tête bandée coincé dans ce lit, où Draco ne dormirait pas, même s'il en mourrait d'envie. Harry serait sûrement gêné, vu son état, et en plus ils ne pourraient pas dormir l'un contre l'autre, sans compter qu'il avait mal partout et qu'il ne cesserait de le réveiller.

Draco ne ferait rien pour le forcer à l'accepter dans son lit. Il resterait dans celui de la chambre d'ami, bien qu'il ne soit guère confortable, jusqu'à ce que son petit ami retire sa minerve, voire même son plâtre au bras. A moins que le brun ne l'accepte derechef, mais il en doutait. Harry était fier, malgré tout. Sans compter que Draco ne lui avait toujours pas dit qu'il avait quitté la maison de ses parents…

Le blond hésitait à lui en parler. Il ne savait pas à quel moment il pourrait lui en parler, ne sachant pas comment le brun allait réagir. Pas de manière positive, c'était certain, mais Draco ne savait pas s'il serait en colère, simplement énervé ou bien triste et résigné. Isaline pensait qu'il ne serait pas content du tout, surtout que Harry n'était pas beau à voir. Cela ne donnait pas vraiment envie à Draco de lui avouer, loin de là.

Comment lui dire qu'il avait quitté la maison de ses parents sur un coup de tête parce que son père niait ses souffrances et le traitait comme un gamin ? Comment lui expliquer qu'il trainait ce besoin d'indépendance depuis pas mal de temps, surtout depuis qu'ils se connaissaient, et qu'il avait franchi le pas sur un coup de colère ?

Harry était trop amoureux d'Isaline pour envisage une seule seconde de quitter cette maison pour ne plus y revenir sur un coup de tête, et même s'il n'appréciait pas plus que cela ses beaux-parents, il ne pourrait pas accepter facilement que Draco les quitte comme ça, du jour au lendemain, après une dispute. Les parents, c'était très important, même s'il ne s'entendait pas très bien avec eux. En dépit de leurs défauts, ils lui avaient toujours apporté tout ce dont il avait besoin : une belle maison, une vie sans soucis et un avenir prometteur. En soi, s'en aller de cette manière était un manque de respect, une déchirure. Oui, Harry verrait sûrement cela de cette manière…

Isaline avait une autre perception des choses. Un fossé se creusait entre Draco et ses parents, et ce depuis des années, en partie parce que le couple n'avait pas su rester proche de leur fils, n'étant même pas là quand il en avait eu besoin. Même sa mère, moins réservée que son mari, n'avait pas su être présente pour lui à des moments de sa vie où il avait eu besoin de sa mère. Les petites attentions, les petites marques de tendresse ne ponctuaient pas leur relation, et ça, Isaline l'avait rapidement compris. Il lui avait suffi de prendre Draco dans ses bras et de le sentir se tendre contre elle pour comprendre qu'il n'était ni tactile, ni habitué aux contacts physiques.

Le départ de Draco, Isaline ne l'aurait jamais supporté dans sa propre maison, mais elle avait une relation bien différente avec Harry et Nymph'. Quand elle partait en voyage, que ce soit chez la vieille tante d'Isaline ou ailleurs, cette dernière avait toujours gros cœur, se sentant abandonnée les premiers jours avant de s'habituer à son départ, et il en avait toujours été de même avec Harry. Les parents de Draco ne manifestaient plus aucune émotion quand leur fils partait quelque part, et ne prenaient même pas de ses nouvelles. Il y avait un vide entre eux, qu'ils n'avaient pas su combler, et le blond lui avait déjà avoué, à mi-mots, que les rares fois où il avait essayé de le remplir, il n'avait pas trouvé d'écho.

Il y avait eu cette dispute, et Draco était parti. Cela n'étonnait pas Isaline le moins du monde, qui était étonnée que cela ait pris tant de temps. Draco avait toujours été célibataire, dans le fond, enchainant les conquêtes jamais plus de trois mois. Harry était sa première relation vraiment sérieuse, stable et surtout longue. Ils avaient gagné petit à petit une certaine indépendance, des habitudes. Draco passait la majorité de son temps avec Harry chez ce dernier, Isaline s'était longtemps étonné qu'il ne finisse pas par prendre un appartement, puisque manifestement il rechignait à l'emmener chez lui, sans doute pour ne pas subir la présence de ses parents, alors que chez le tatoueur, il pouvait faire sa vie sans qu'on l'ennuie.

C'était donc pour elle quelque chose d'inévitable. Disons simplement que le moment n'était pas vraiment approprié. Un jour, le téléphone fixe avait sonné et Narcissa Malfoy était au bout du fil. La surprise passée, Isaline lui avait demandé ce qu'elle voulait et la mère de Draco lui avait demandé comment allait son fils, et si elle pouvait lui demander de rentrer à la maison. Isaline avait refusé : ce n'était pas à elle de jeter Draco dehors : s'il était venu chez elle, c'était qu'il en avait besoin, et ce n'était certainement pas à elle de s'occuper de ses affaires de famille. Elle s'était un peu embrouillée avec Narcissa mais elle avait fini par lui clouer le bec. Avoir Draco chez elle ne la dérangeait et lui faisait plaisir, mais il était hors de question qu'elle s'immisce dans ses affaires de famille.

Mais tout cela, Draco l'ignorait, elle ne lui en avait pas parlé pour ne pas l'embrouiller. Il savait juste que sa mère essayait de l'appeler tous les jours et qu'il avait cessé de répondre. Elle appelait Blaise, aussi, mais ce dernier avait cessé de parlementer avec elle. Il était las de l'écouter se plaindre et demander sans cesse après lui. Son père, lui, ne l'avait toujours pas appelé, et Draco en venait à se demander s'il ne fuyait pas sa mère parce qu'en fait il attendait un appel de son père.

Qui demeurait silencieux. Et c'était sans doute ce qui faisait le plus de mal à Draco. Il savait qu'il avait dû lui faire du mal, mais il aurait quand même voulu lui parler, mais ce n'était pas à lui de le faire : son père l'enverrait bouler ou bien il l'engueulerait, et dans les deux cas, il passerait pour un con. Non, c'était à son père de l'appeler, et il ne le faisait pas. Pour le punir, certainement. Ou bien parce qu'il lui avait fait trop mal pour qu'il puisse lui pardonner. Il n'avait jamais vraiment été capable d'encadrer le caractère de son père, si réservé, quel que fut son âge. Déjà quand il était enfant, il ne lui montrait que peu sa tendresse paternelle, qui existait malgré tout, même s'il la cachait. Et en grandissant, cela ne s'était pas arrangé, loin de là.

En dépit de cette frontière entre eux, Draco aimait son père, pour tout ce qu'il avait représenté pour lui et pour tout ce qu'il était à l'heure actuelle. Et même s'il savait qu'il l'avait déçu et blessé, il aurait voulu un petit geste de sa part, lui qui n'en faisait jamais aucun, quel que soit le comportement de son fils. Même si cela n'avait été que de la colère ou du mépris, c'était mieux que son indifférence et son silence.

Draco avait pensé à plein de choses, assis sur le lit de Harry. Cela avait été comme une sorte de recueillement, et ça lui avait fait du bien.

OoO

Et il ne se doutait pas que, cette même matinée, son père était allé dans la chambre de son fils, comme pour se recueillir, aussi.

Narcissa se préparait pour un déjeuner chez des amis. Lucius était debout depuis longtemps. Il n'arrivait pas à dormir. En fait, depuis que son fils était parti, il avait beaucoup de mal à fermer les yeux. Pourtant, il avait l'habitude de vivre sans Draco, ce n'était pas comme si c'était la première fois qu'il découchait, ou qu'il partait. Mais le fait que ce soit définitif et que cela se soit passé après une de leur dispute changeait la donne.

Quand il était entré dans la chambre de son fils, Lucius l'avait soudain trouvée bien pâle, bien fade. Il avait l'impression que c'était la première fois qu'il y mettait les pieds, et quand il se demanda à quand remontait la dernière fois qu'il y était entré, il ne parvint pas à s'en souvenir. Cette pièce un peu trop grande, un peu trop claire, un peu trop vide aussi, avait été l'univers de son fils. Un univers trop fade, trop parfait et bien rangé. Une chambre d'étudiant aisé, avec ses meubles couteux, son ordinateur dernier cri et ses étagères bien rangées. Cette chambre était si parfaite qu'on aurait pu croire que Draco y vivait encore.

Mais il y avait tous ses vêtements, encore, sur le lit. Narcissa n'avait pas remis les pieds dans la chambre et refusait que les domestiques y entrent. C'était la première fois depuis son départ que Lucius y remettait les pieds, et cet entassement de vêtements sur la couette et à moitié par terre lui fit plus mal au cœur qu'il ne l'aurait cru.

Draco était parti avec ses biens, laissant ici tout ce qui lui appartenait. Ou plutôt, tout ce qui lui appartenait grâce à son père. Il avait laissé son ordinateur, la grande majorité de ses vêtements, et surtout, la carte bancaire que son père renflouait tous les mois. Il avait renoncé à tout, partant avec ses affaires scolaires et quelques vêtements. Le strict minimum, en somme.

Oui, à bien regarder cette chambre, c'était comme si Draco y vivait encore, quand on voyait tout ce qui restait après son départ. Tout le superflu était demeuré à sa place. Et son fils, qui aurait dû se trouver au milieu de tout ça, s'en était allé.

Lucius s'assit sur le lit de son garçon. La couette était froide sous lui et il eut un frisson. Se mordillant la lèvre, il se prit la tête dans la main. Il se sentait oppressé dans cette chambre, qui n'appartenait plus à personne, et qui n'avait peut-être jamais été à personne. Mais Bon Dieu, quelle vie avait-il offert à son fils ? Une vie où il n'avait aucun souci, sans tâche et sans embêtements. Il avait accepté son homosexualité, son projet d'avenir… Il avait tout accepté, pour lui. Il lui avait tout offert, tout donné. Et il était parti. Parti, en laissant tout ça derrière lui.

Déçu. Vexé. En colère. Et enfin blessé. Blessé, car son fils était parti en laissant là tout ce que ses parents lui avaient offert, sans trop de regrets, apparemment. Et Lucius se demandait s'il n'avait pas loupé quelque chose, si la fierté de son fils qui l'avait poussé à s'en aller et à ne plus revenir n'était pas due à l'éducation qu'il lui avait donnée. Il se rendait compte du vide que Draco engendrait dans cette maison bien trop grande pour eux trois, que son absence chamboulait leur quotidien. Pourtant, son fils passait peu de temps chez eux, mais savoir qu'ils pourraient toujours l'y trouver comblait le manque, qu'ils ne sentaient même plus. Et savoir qu'il ne voudrait pas revenir, car sinon il ne serait pas parti comme ça et sans la carte bancaire de son père, faisait beaucoup de mal à son père.

Pourtant, Lucius n'était pas très émotif, et il avait toujours été froid envers les autres, sauf envers sa femme et son fils, et il se rendait compte avec le recul, du gouffre qui le séparait de son unique enfant, de ce monde entre eux. Que savait-il de lui ? Connaissait-il son plat préféré ? Avait-il déjà rencontré un de ses amis, autre que Blaise ? Avait-il déjà parlé de son stage à l'hôpital, de ce qu'il y vivait ? S'était-il déjà intéressé à son fils, sans que ce dernier ne vienne à lui ?

L'avait-il déjà abordé dans un couloir pour lui demander comment il allait ?

Etait-il déjà entré dans sa chambre pour discuter avec lui ?

Non.

Non, car c'était toujours Draco qui faisait les premiers pas, qui cherchait son regard, et le plus souvent, il ne les trouvait pas. Alors petit à petit, il avait abandonné, et Lucius s'y était fait, sans remarquer les efforts de Draco pour garder un lien entre eux. Car les marques physiques d'affection n'existaient plus depuis longtemps, il ne leur restait que la parole…

Il fallait qu'il « perde » son fils pour comprendre à quel point ils s'étaient éloignés l'un de l'autre. Lucius pensa un instant à Isaline, chez qui il vivait encore. Sans doute avait-elle les réponses à ses questions. Sans doute savait-elle tout ce que lui ne savait pas. Draco l'aimait beaucoup, et sans doute était-ce dû au fait qu'elle le chouchoutait. Il avait trouvé une sorte de seconde mère, qui ne remplaçait pas la sienne, mais qui savait lui faire du bien.

Draco lui manquait. Il ne savait pas ce qu'il pensait, de lui, surtout. Il ne répondait pas à sa mère. Peut-être leur en voulait-il vraiment, surtout à son père. Peut-être ne les aimait-il plus. Lucius se sentait perdu, il perdait pied. Son fils, sa chair, le seul que sa femme ait été capable de mettre au monde, lui paraissait intouchable, inaccessible. C'était un peu comme si on le lui avait enlevé, mais cette fois, Isaline n'y était pour rien.

Lucius avait été tenté de l'appeler. Il se doutait bien que jamais Draco ne ferait le premier pas, par orgueil, mais aussi parce que c'était lui qui était parti. Mais il n'avait pas le courage de le faire. Pour une fois dans sa vie, Lucius Malfoy manquait de courage. Et qu'est-ce qu'il aurait pu lui dire, de toute façon ? Comment dire à son fils unique avec lequel il n'avait quasiment rien en commun qu'il l'aimait ? Que malgré son homosexualité plus que prouvée et son parcours universitaire, il ne l'avait jamais déçu et qu'il était fier de lui ? Comment s'abaisser à lui dire tout cela, alors que cela aurait dû être une évidence, et alors que cela aurait dû le retenir à la maison ?

L'homme leva les yeux vers le bureau et la carte bancaire posée dessus. Comment allait-il faire pour vivre, une fois qu'il quitterait Isaline ? Vivrait-il seul ? Avec quel argent ? En avait-il assez sur son propre compte ? Devrait-il travailler en plus de ses études pour payer son loyer, de quoi manger et de quoi se vêtir ? Lucius replia ses mains sous son menton, un pli soucieux barrant son front. Il lui avait toujours tout donné, lui qui avait toujours tout reçu de son propre père, et l'idée que son fils soit obligé de travailler pour payer son loyer.

Sous une impulsion soudain, Lucius sortit son Iphone© de sa poche, le déverrouilla, puis chercha le numéro d'Isaline, qu'il avait enregistré sans jamais l'utiliser, puis il appela. Il espéra tomber sur son fils, mais ce fut elle qui lui répondit.

« Oui allô ?

- Lucius Malfoy à l'appareil. Draco est-il là ? Demanda-t-il après un silence.

- Nan, il bosse.

- Ah…

- Vous voulez lui laisser un message ?

- Non, c'est…

- Ça lui ferait plaisir, vous savez. »

Lucius ferma les yeux, la gorge soudain nouée.

« J'en doute fort.

- Et moi j'en suis persuadée. Même si vous êtes un pauvre con, vous restez son père.

- Qu'est-ce que je suis censé comprendre, exactement ?

- Qu'il vous aime, même s'il ne le montre pas. Et je pense que vous l'aimez aussi, sinon vous ne seriez pas en train d'appeler chez moi. Pourquoi vous n'avez pas essayé de le contacter avant ?

- Ça ne vous regarde pas.

- Ce qui le regarde me regarde, maintenant. Je vous signale qu'il vit chez moi depuis quelques jours, déjà, et c'est pas lui qui repasse son linge. Pourquoi vous ne l'avez pas appelé ?

- Quand est-ce qu'il rentre ?

- Pourquoi vous ne l'avez pas appelé ?

- Ça ne vous regarde pas !

- Moi, je pense que vous ne savez pas quoi lui dire, à votre fils. Vous n'êtes pas un tendre, Mr Malfoy, ni quelqu'un de charitable. Mais vous aimez votre fils et soudain il vous file entre les doigts. Et vous vous retrouvez comme un con.

- Vous ne me connaissez pas.

- Mais j'ai vu juste, non ? Je connais Draco, depuis le temps. Il m'a déjà parlé de vous, et il y a des choses en vous que je vois en lui.

- Quoi comme choses ? »

Lucius eut la curieuse sensation de tomber dans un piège, et il fonça dedans tête baissée.

« Sa réserve, sa façon de tout garder pour lui et de cacher aux autres ce qu'il ressent par cet espèce de masque qu'il porte continuellement sur le visage en public. Ses manières d'aristocrates et ses pensées politiques. Certaines de ses expressions, sa façon de parler. Des choses qui l'énervent chez vous mais que je vois chez lui.

- Vous avez l'air de bien le connaître.

- Je n'ai pas eu le choix. Je ne connaissais pas assez bien Cédric. Je suis de nature méfiante, et je ne voulais pas qu'il fasse de mal à Harry. Connaître son ennemi pour mieux l'affronter, vous connaissez ?

- Un peu, oui. »

Lucius ne put retenir un sourire.

« Rappelez-le ce midi. Il rentre manger. Il part à une heure voir Harry à l'hôpital, puis il enchaîne les cours à domicile. Ne le loupez pas.

- J'essaierai. »

OoO

Mais il n'appela pas.

Pendant près d'une heure, Isaline attendit son coup de téléphone.

Mais il n'appela pas.

OoO

Millicent avait passé sa soirée de la veille avec Gregory. Depuis que Harry avait été retrouvé, il se faisait très présent, toujours aux petits soins avec elle. Il prenait des jours ou des soirées de congé, ce qu'il avait toujours eu du mal à faire, afin d'être là pour elle.

En soit, elle ne vivait rien de difficile : elle n'était pas directement concernée par l'enlèvement de Harry et sa tentative de suicide, mais le kidnapping de ce jeune homme qui était devenu son ami et son saut de l'ange l'avaient complètement bouleversée. Elle avait du mal à dormir la nuit depuis ce denier épisode, imaginant Harry sauter par la fenêtre et s'écraser par terre. Cette image mentale ne la quittait plus, d'autant plus que Draco avait été aux premières loges.

Millicent en avait parlé avec Hermione, qui vivait quelque chose de semblable. Elle aussi avait cette image mentale, comme toutes deux étaient allées voir le malade dans sa chambre après son réveil, elles avaient pu voir ses plâtres, imaginant dessous les membres blessés, brisés. Cela leur avait donné un nouveau coup au moral. Surtout que, du côté de Hermione, il y avait Ron.

Ron, qui commençait à s'en sortir, mais qui ne parvenait pas à se débarrasser de ses pensées noires, de ses remords et de sa culpabilité. Cependant, son ami était réveillé et c'était la meilleure chose qui puisse arriver. Le mauvais caractère du brun n'avait rien entaché de son enthousiasme, qui était plutôt communicatif. Neville avait un peu retrouvé le sourire, de même pour Théo. Par moment, Ron vivait des moments assez sombres, mais malgré tout, il était plutôt optimiste. Cela irait mieux, avec le temps.

Mais sa culpabilité le rongeait, même s'il refusait d'y penser, et c'était Hermione qui en faisait les frais. Il ne se montrait plus violent ou désagréable, il était au contraire plutôt triste, l'âme en peine. Sa petite amie faisait de son mieux pour l'aider, mais ce n'était pas facile de consoler un homme qui avait vu son meilleur ami se faire kidnapper et qui savait qu'il avait sauté par la fenêtre, ses plâtres le lui rappelant à chacune de ses visites.

Millicent s'efforçait alors de transmettre à son amie un peu de bonne humeur, mais ce n'était pas facile, car elle-même n'allait pas très bien. La vie ne tenait qu'à un fil, un malheur pouvait arriver à n'importe quel moment, et cette constatation la remplissait de peur. Elle avait repensé à cette époque où elle était suivie par un homme et que Harry l'avait secourue. Millicent frôlait la paranoïa, regardant sans arrêt derrière elle quand elle marchait, ne se sentant vraiment en sécurité qu'avec Gregory. Solide et un peu bourru, il était le seul à être capable de soulager ses peurs.

Alors ils se voyaient souvent. C'était lui qui faisait la démarche d'aller la voir, elle ne se permettait pas de le lui demander. Etant parton du restaurant qu'il avait lui-même créé, il ne pouvait pas permettre de prendre plusieurs jours de congés, devant assumer le service. Cela dit, conscient que sa petite amie avait besoin de lui, il faisait cet effort. Pour Draco aussi, il le faisait, même s'il le gardait pour lui : le blond souffrait et se coupait du monde, et au moment où il reviendrait vers ses amis, le cœur plus léger et prêt à continuer à vivre, il s'en voudrait d'avoir autant négligé ses amis, qui passaient aussi une étape difficile.

Luna participait à cet effort-là aussi. Elle allait voir un peu tout le monde pour essayer de les réconforter, même si son cœur, à elle, était ouvert en deux et souffrait le martyr. Elle n'avait parlé à personne de ses souffrances, gardant tout pour elle, comme toujours. Une fois, elle avait plus ou moins avoué qu'elle n'allait pas bien à Blaise, qui de toute façon le voyait très bien, mais elle refusait de s'étendre, pensant qu'il y avait plus malheureux qu'elle. Alors elle allait voit Cho et Ron, passait au marché où Théo travaillait… Avec ses yeux rêveurs et ses conversations étranges, elle parvenait à répandre un peu de bonne humeur et de sourires derrière elle. C'était une façon comme une autre de se guérir elle-même.

Millicent, Hermione et Luna s'étaient vues, également, une après-midi. La petite blonde n'avait rien laissé transparaître de ce qu'elle ressentait, remontant le moral à sa façon aux deux autres filles, qui ne savaient comment se comporter face à la meilleure amie de Harry, qui devait avoir le cœur en lambeaux. Elles essayèrent de lui faire comprendre qu'elles étaient là si Luna avait envie de parler, mais la jeune fille se contentait de leur sourire en leur disant qu'elle allait bien.

Alors que rien n'allait bien. Son monde s'était effondré quand elle avait appris ce que Harry avait fait. Et dans sa chambre, quand elle avait été près du lit, elle s'était contentée de pleurer. Elle avait pleuré pendant de longues minutes, blottie contre le corps tendu mais vivant de Harry, qui avait passé un bras sur ses épaules, sa main dans ses cheveux. Elle avait pleuré comme elle ne l'avait sans doute jamais fait. Ils n'avaient quasiment pas échangé un mot, mis à part quand elle était partie : elle lui avait promis de revenir. Et elle l'avait fait, et elle avait encore pleuré. Un peu moins, et ils avaient un peu discuté, mais elle n'avait pas pu retenir les larmes de couler sur ses joues. Elle s'en voulait pour ça, mais ce n'était pas de sa faute. Elle l'aimait, son Harry. Et elle avait failli le perdre.

Mais ça, elle ne l'avait dit à personne. Pas même à Blaise, qui l'avait pourtant accompagnée à l'hôpital, l'attendant dans le hall. Quand elle était descendue, elle avait les yeux à peine rouge, comme si elle avait versé quelques larmes, mais rien d'extraordinaire. Et ce n'était pas à Millicent et Hermione qu'elle avouerait ce moment de faiblesse. Elle avait trop longtemps gardé ce genre de choses pour elle, il n'était pas question qu'elle se montre faible devant elles. Il y avait comme un mur autour d'elle. Un mur que Blaise commençait à franchir, mais qu'il mettrait du temps à escalader complètement.

Cho n'allait guère mieux. Elle aussi était allée voir Harry à l'hôpital, et elle aussi, même si elle avait essayé de lutter, s'était effondrée en larmes. Elle s'était sentie tellement coupable et tellement abandonnée quand elle avait su ce qui s'était passé… Elle avait l'impression de revenir en arrière, quatre ans auparavant, quand elle était allée voir Harry à l'hôpital pour la première fois, et qu'elle avait découvert ce garçon autrefois bien portant et souriant à moitié mort, le teint pâle, les yeux vagues et le corps amaigri, tellement affaibli par cette épreuve qu'elle s'était demandée s'il parviendrait un jour à se lever de ce lit d'hôpital et de continuer à vivre. Il en avait été de même quand elle était venue lui rendre visite, quand il était encore dans le coma, et quand elle le vit avec les yeux enfin ouverts, elle avait cru voir l'espace d'un instant le jeune adulte qu'il était quatre auparavant, détruit par la torture psychologique de Cédric et ses coups.

Elle savait bien que le mieux n'était pas de pleurer devant lui mais elle n'avait su se contenir, et contrairement à ce à quoi elle s'était attendue, Harry était resté calme et l'avait consolée du mieux qu'il avait pu. Voir Cho pleurer, la voir agir de façon aussi honnête lui avait sans doute fait plus de bien que tous les sourires factices qu'on avait pu lui adresser jusque là. C'était du moins ainsi que Cho voyait les choses, et quand elle avait vu Luna, elle lui avait avoué qu'elle avait bêtement pleuré devant Harry, et la jeune fille lui avait confirmé que cela lui faisait du bien de voir des gens honnêtes. Il était si mal dans sa peau qu'il voyait le mal partout, de l'hypocrisie partout, alors que ses amis ne voulaient que le préserver.

Cela dit, savoir que Harry était vivant et allait s'en sortir n'apaisait pas la chinoise pour autant, qui avait tendance à se réfugier auprès d'Olivier, qui cachait son mal-être du mieux qu'il pouvait. Il devait se montrer fort, même si quelque chose en lui se serrait à chaque fois qu'il pensait à Harry. Il devait soutenir Cho, ce qui était assez compliqué, car lui-même n'avait plus l'aide de Marcus qui était rentré en Angleterre, travail oblige. Il devait également être présent pour tous les autres. Il était une sorte de grand frère qui pansait les blessures.

Des blessures qui mettraient des mois et des mois à cicatriser, pour tout le monde… Il leur faudrait du temps pour s'en remettre, pour accepter l'idée que Harry avait voulu se tuer, et qu'il était vivant, malgré tout. Accepter l'idée que la mort avait caressé son visage, sans l'emporter, lui laissant une seconde chance, qu'ils devaient lui faire saisir…

OoO

La dépression faisait ses premiers pas. Elle avançait doucement, rampant comme un serpent au milieu des herbes folles, longeant son corps comme il monterait à un arbre, et se perchant sur une des branches, attendant son heure. Et on avait beau rassurer Harry, rien ne parvenait à chasser le sombre animal de son esprit, de son être.

Pendant une des visites d'Isaline, un médecin était venu le voir. Ce rendez-vous était prévu, du moins pour la femme et pour le soignant. Harry avait senti l'inquiétude monter en lui en le voyant entrer alors qu'il était déjà en présence de sa tante et ses doigts avaient serré les siens, s'accrochant à sa main comme à une bouée de sauvetage.

Le médecin fit tous les efforts du monde pour ne pas lui balancer cette vérité crue que le jeune homme craignait tant, mais bien que la nouvelle soit dite d'un temps calme et énoncée avec des termes plus doux, connaître l'état actuel de ses membres fut un grand choc pour Harry.

L'état de sa jambe, et de ses articulations, était très grave. Il avait eu de la chance : il n'était pas tombé de haut, mais tout son poids avait été porté dessus et il risquait de ne plus être capable de marcher, du moins avec ses deux jambes, car l'autre allait bien. Il avait un bras cassé, mais pas de quoi en faire un drame. Son dos en avait pris un sacré coup, par contre, et nul doute qu'il allait en souffrir pendant un bon bout de temps, de même pour sa nuque, d'où cette minerve. Quant à sa tête, il n'avait pas de liaisons graves, mais la blessure requérait des points de suture, déjà appliqués évidemment.

En somme, Harry allait vivre, sans véritables handicaps : une chance qu'il ne soit pas paralysé, ou autre. Mais sa jambe était très préoccupante, et il allait mettre beaucoup de temps à s'en remettre. Elle était enfermée dans un plâtre qu'ils ne retireraient pas avant un bon bout de temps, et quand ce serait le cas, il faudrait peut-être opérer à nouveau. Sa cheville était brisée, son genou avait subi l'impact. En somme, il était dans un sale état de ce côté-là. Mais il pouvait s'estimer heureux.

Mais le jeune homme ne s'estimait pas heureux, obnubilé par cette fichue jambe qui ne bougerait sans doute jamais, cet amas de chair et d'os qui l'handicaperait toute sa vie. Elle serait la preuve de son acte, qui le pourchasserait toute sa vie, le vestige de son saut de la mort. Et il avait eu peur. Peur d'un avenir où il trainerait cette jambe comme un boulet, subissant les regards étonnés, dégoutés, curieux ou embarrassés de son entourage, que ce soit ses amis, ou bien son amant. Ou ses amants, si Draco finissait par le quitter. Il faudrait toujours qu'il explique, ce qu'il avait fait, pourquoi il l'avait fait…

Expliquer son dégout de lui-même, la perte de deux êtres chers, la séquestration…

Un fardeau. Voilà ce que serait cette jambe.

Et alors que les larmes dévalaient ses joues, ses nerfs craquant les uns après les autres, Harry pensa à Draco. Il imagina son visage quand il verrait l'état de sa jambe, ses articulations déformées. Il imaginait les doutes, les disputes et finalement la rupture, parce qu'ils ne se supporteraient plus, parce que ce serait trop lourd à porter, parce que ce n'était pas d'un infirme que Draco était tombé amoureux mais d'un jeune homme séduisant qui venait le chercher en moto après les cours et avec lequel il avait fait l'amour passionnément. Tout ça, ce serait fini, car cela mettrait trop de temps à revenir dans l'ordre des choses, tous deux finiraient par craquer.

Leur couple allait en pâtir, et finalement se briser. Pris dans l'angoisse et la peur du lendemain, Harry pleura, refusant de regarder vers un avenir douteux. On ne le regarderait plus jamais pareil. Plus jamais…

Et la dépression s'installa, petit à petit. Cela faisait déjà quelques jours qu'il s'était réveillé et il ne s'était jamais senti aussi mal. Il avait la sensation d'être au fond d'un gouffre, incapable de se hausser hors de ce trou, son corps emprisonné dans la résine et donc incapable de l'en sortir. Il avait pleuré plusieurs fois, sans raison, le cœur rempli d'idées noires et l'esprit tournant au ralenti. Il avait mal partout, il ne pouvait pas bouger. Il était prisonnier.

Draco vint lui rendre visite, comme tous les jours. Il se montrait doux et attentionné, mais Harry n'était pas d'humeur. Ils eurent leur première dispute depuis que le brun s'était réveillé. Il ne pouvait pas se douter, ne serait-ce qu'un seul instant, à quel point ses propos pouvaient faire du mal à Draco. Ce dernier, comme les jours précédents, encaissait sans vraiment répliquer, sans lui dire ce qu'il pensait au fond de lui. Isaline lui avait demandé d'être tolérant, donc il garda tout pour lui. Mais Harry le blessa, remettant en doute sans vraiment le dire son amour pour lui, ainsi que leur relation et tout ce qui en découlait.

Il avait appris quel était son état, et le moins qu'on puisse dire, c'était qu'il le vivait très mal, ce qui était plus que compréhensif. Draco s'était attendu à beaucoup de réactions, mais il ne pensait pas que Harry se montrerait aussi mauvais et méprisant, alors que Draco lui prenait tendrement la main et lui parlait avec calme, lui répondant sans jamais s'énerver, même s'il avait vraiment envie de le remettre à sa place. Harry était mal et il le voyait très bien dans ses yeux. Le brun n'était pas méchant, et il ne l'avait jamais été gratuitement avec lui. Remettre en doute ce qui les unissait n'était pas surprenant, Draco devait simplement encaisser, ne pas s'énerver, même si Harry le cherchait et lui faisait du mal.

Il avait mal. Alors il voulait faire du mal.

Il avait ouvert les yeux. Donc il voulait que Draco les ouvre en grand lui aussi.

Et Harry se comportait comme cela avec tout le monde, que ce soit Théo, Ron, Cho, et même Luna. Qu'importe celui ou celle qui venait lui rendre visite, leurs bons sentiments lui donnaient envie de vomir. Il avait juste envie qu'on le laisse tranquille, qu'on le laisse s'enterrer dans ses idées noires et ses souffrances. Il ne voulait pas qu'on compatisse, parce qu'il avait agi comme un con, parce qu'il avait mal et qu'il porterait le poids de ce coup de folie toute sa vie.

Harry voulait juste qu'on arrête de le regarder. Qu'on arrête de regarder sa jambe, son bras, la minerve autour de son coup et la blessure qu'il avait à la tête.

Il ne voulait plus voir personne.

Il voulait qu'on l'oublie.

Et Seamus vint lui rendre visite.

Seamus, avec ses cheveux bruns, ses yeux marrons et son air timide, un peu comme s'il n'avait rien à faire là. Harry avait envie de le jeter dehors, comme les autres, mais il ne le fit pas, car au fond de lui-même, malgré tout, il avait besoin d'être entouré.

Un sourire embarrassé sur la bouche, Seamus s'était assis sur la chaise près de lui et lui avait demandé comment il allait. Question banale, que Harry n'en pouvait plus d'entendre. Non, il n'allait pas, ça se voyait, non ? Ce qui ne fit pas exploser le brun, ce fut le visage de l'irlandais qui traduisait son embarras, à l'idée de poser une question aussi stupide, alors que manifestement Harry n'allait pas bien du tout. Le tatoueur ne put cependant pas cacher son exaspération.

« Change de sujet Seamus, s'il te plait. J'en ai marre qu'on me demande comment je vais alors que, manifestement, je ne vais pas bien. Parle-moi d'autre chose, s'il te plait.

- J'ai pas grand-chose à te dire, moi… Tu veux que je te parle de mes histoires de cœur ? »

L'irlandais avait lancé ça en rigolant, mais Harry avait esquissé un sourire tout en hochant la tête. Dans un sens, il se fichait pas mal des histoires de cœur de Seamus, mais le jeune homme lui proposait un autre sujet, une conversation loin, très loin de cet hôpital, et Harry savait que cela lui ferait du bien de s'oublier. Alors l'irlandais avait poussé un soupir et s'était lancé.

« Je crois que je suis en train de tomber amoureux.

- Encore ?

- Ce n'est pas pareil… J'ai l'impression… que c'est différent. »

Pendant un long moment, Seamus lui ouvrit son cœur. Il l'avait écouté en silence, sans vraiment parler, alors que son ami lui avouait ce qu'il ressentait pour un homme que Harry ne connaissait pas. Ce dernier ne chercha pas vraiment à savoir qui c'était, car manifestement ce n'était pas quelqu'un de leur entourage. C'était un ami de Seamus qu'il avait revu quelques temps avant la disparition de Harry et qu'il s'était remis à fréquenter. Leur amitié s'était peu à peu transformée en quelque chose de bien plus fort, mais le jeune homme était hétérosexuel.

C'était une sorte de jeu du chat et de la souris : quand l'autre faisait un pas, Seamus en faisait un autre, et le premier reculait d'un bond en arrière. Seamus ne savait plus sur quel pied danser. Tout en lui parlant, l'irlandais regardait ses mains qu'il tortillait. Il ne lui mentait pas, et lui avouait tout cela comme on aurait admit une faute grave. Et Harry l'écoutait, le cœur serré de le voir ainsi perdu et souffrant de cette relation à sens unique et hésitante. Le brun lui avait pris la main, doucement, alors que les larmes naissaient dans les yeux de son ami, qui parvint à se contrôler.

Mais lui parler semblait vraiment lui faire mal, tout en lui faisant du bien, paradoxalement, car il mettait un nom sur ce qu'il ressentait, énonçant à haute voix ce qu'il ressentait, ce que l'autre lui faisait subir, à le fuir sans cesse, sans savoir ce qu'il voulait. Alors que Seamus savait déjà de quoi il avait envie. Oh oui il le savait… Mais pas l'autre.

Pas Théo.

« Tu l'aimes tant que ça, ce gars ? »

Seamus lui jeta un drôle de regard et Harry poussa un soupir à fendre l'âme. Il ferma les yeux, se demandant ce qu'il pourrait bien dire à l'irlandais, qui l'avait regardé d'un air troublé. Sans avouer qu'il était amoureux, mais trahissant ses sentiments d'un simple regard. Il caressa sa main avec son pouce, les doigts de Seamus crispés dans les siens.

Alors Harry l'encouragea à aller le voir, à lui parler, lui dire ce qu'il avait au fond du cœur. D'être égoïste. Seamus ne devait pas souffrir pour deux, alors que ce connard se foutait de sa gueule, jouant avec ses sentiments. Mais l'irlandais paraissait sourd à ses conseils, secouant la tête.

« Je ne sais pas. Je suis perdu.

- C'est la première fois que tu vis ça ?

- Oui. C'était pas pareil, avant. C'étaient des coups de cœur, des objectifs à atteindre. Des mecs riches, qui sortaient, qui m'acceptaient… Il n'est rien de tout ça. Tu sais, quand j'y pense, j'en viens à me dire que ce que j'ai ressenti avec Draco, ce n'était rien de plus qu'un coup de cœur. Ça me parait fade… superficiel. Un peu comme ce que ressentirait une adolescente qui tombe amoureuse pour la première fois et qui ne fait que se laisser guider par ses hormones. »

Seamus marqua une courte pause alors que Harry sentait un sentiment étrange déferler en lui. Une sorte de soulagement mêlé d'une étrange joie, alors que le visage de Draco flottait dans son esprit. Seamus ne l'aimait plus et voyait leur relation comme quelque chose qui avait compté pour lui mais qui n'était pas aussi sérieux qu'il l'avait cru, car l'amour qu'il avait éprouvé pour le blond n'était rien par rapport à ce qu'il ressentait à présent pour son ami, et même si Harry l'avait compris à travers ses mots, l'entendre de sa bouche lui procura une sensation de bien-être, un élan d'amour pour Draco montant soudain dans son cœur, apaisant des souffrances et ravivant des remords, à l'idée de lui avoir dit des mots blessants.

« Désolé de te parler de tout ça. Tu as d'autres soucis en tête…

- Je préfère injurier intérieurement cet abruti qui te fait du mal plutôt qu'à penser à ce putain de plâtre qui m'empêche de te prendre dans mes bras. »

Le tatoueur jeta un regard mauvais à son plâtre puis sourit en voyant Seamus rire. Il se sentait bien, apaisé. Parler avec Seamus et entendre ces derniers mots lui avaient éclaircis la tête. Il avait envie de décrocher le téléphone et d'appeler Draco, sans se douter un seul instant qu'il n'allait pas tarder à entrer à l'hôpital. Mais ce qu'il savait, c'était que quand le blond mettrait les pieds dans cette chambre, il lui demanderait pardon pour son comportement, et lui dirait qu'il l'aimait. Et alors, d'abords surpris, Draco esquisserait un sourire soulagé, et viendrait l'embrasser sur la bouche, ce qu'il n'avait pas osé faire la dernière fois qu'ils s'étaient vus.

Mais pour le moment, ils étaient trop occupés à parler, Harry chassant les nuages noirs au-dessus de sa tête pour motiver Seamus et lui remonter le moral, afin qu'il aille voir son ami. Seamus paraissait hésiter, il lui faudrait encore du temps avant d'en avoir le courage. Mais il paraissait un peu apaisé, soulagé d'en avoir parlé à quelqu'un.

Ils se sentaient mieux, tous les deux, et ils étaient beaux à voir.

OoO

Harry n'allait pas bien. Il le vit au moment même où il entra dans la pièce. Ce n'était pas comme si son état était meilleur les autres jours, mais ce matin, il avait l'air particulièrement exécrable. L'avant-veille, tout s'était plutôt bien passé, Harry était de bonne humeur et c'était grâce à Seamus, qu'il n'avait pas manqué de remercier par SMS, l'irlandais lui répondant qu'il avait pourtant passé son temps à se plaindre. Mais aujourd'hui, un peu comme la veille, le brun avait retrouvé sa tête des mauvais jours.

Pourtant, Draco fit comme si de rien n'était, comme tous les jours d'ailleurs. Mais son attitude fut précisément l'élément déclencheur.

« Comment tu te sens, aujourd'hui ?

- A ton avis ? Tu crois que je vais mieux, depuis hier ?

- Pas spécialement physiquement…

- Parce que tu crois que, mentalement, je pète la forme ? Je suis incapable de bouger, de me laver et d'aller aux toilettes tout seul, et tu veux que je me sente mieux ?

- Harry, ne le prends pas comme ça s'il te plait. Tu préfères que je mette les pieds dans le plat et que je te prenne la tête ?

- Au moins, tu ne ferais pas l'hypocrite devant moi, ça changerait un peu. »

Le sang de Draco s'échauffa mais il ne répondit pas.

« Je ne suis pas hypocrite, Harry. On en a déjà parlé.

- J'ai dit que tu m'écœurais et tu m'as répondu que tu n'avais fait que suivre l'avis des médecins. Ce n'est pas pareil. »

Draco lui jeta un regard sombre. Il commençait à perdre patience. Cela faisait une semaine qu'il endurait tout ça et il commençait sérieusement à perdre patience.

« On m'a demandé de ne rien te dire, j'ai fait ce qu'on m'a demandé.

- Tu aurais pu m'en parler ! Si tu m'aimais vraiment, tu m'en aurais parlé, espèce de lâche !

- C'est moi que tu traites de lâche ? »

Le ton de Draco monta soudain. Il vit les yeux de Harry pétiller. Il avait réagi, il était tombé dans le piège. Le cœur en morceaux, les oreilles blessées par les paroles de celui qu'il aimait, Draco avait réagi. Isaline le lui avait interdit. Mais il ne pouvait plus entendre ça, il ne pouvait plus supporter ce genre de reproche, alors que tout ce qu'il avait voulu, c'était de le préserver…

« J'ai fait ça pour toi, pour que tu n'ais pas à affronter trop tôt les conséquences de tes actes ! C'est peut-être dur à entendre, Harry, mais tu n'as que ce que tu mérites, vu ce que tu as fait, et je voulais t'en préserver ! Tu sous-entends que je ne t'aime pas assez ? N'est-ce pas une preuve d'amour que de…

- Non, ce n'est pas une preuve d'amour ! T'es un lâche, Draco ! C'est de ta bouche que j'aurais dû l'entendre, tout ça, et pas d'un médecin que je ne connais pas et qui ne voit en moi qu'un patient comme les autres, un bout de viande parmi tant d'autres ! C'est toi qui aurais dû m'en parler !

- Arrête avec tes conneries !

- Des conneries ? Je sais que ce que j'ai fait est mal, Draco, j'en subis les conséquences tous les jours, que ce soit cette souffrance perpétuelle dans mon corps ou encore votre sollicitude, vos regards dégoulinants de sympathie et vos attentions qui me donnent envie de vomir ! Tu crois pas que je me sens assez merdique comme ça ?

- C'est toi qui t'enfonce là-dedans, Harry ! Tu vas pas bien, on le sait tous, mais si on fait comme toi à s'apitoyer sur ton sort, ça ne va pas t'aide et tu souffriras encore plus ! Tu crois que c'est facile pour nous de faire comme si tout allait bien alors qu'on te voit souffrir ? »

Les yeux de Harry pétillaient. Il l'avait fait réagir. Draco n'était plus cet homme trop gentil, trop conciliant qui venait le voir tous les jours. Cet homme qu'il ne connaissait pas et dont il n'était pas tombé amoureux. C'était ce garçon avec les yeux remplis de colère et d'amertume, ses traits lissés enfin brouillés qui faisait battre son cœur. Il l'avait fait réagir.

De la mauvaise manière.

Mais comment lui faire comprendre qu'il n'en pouvait plus de ses sourires trop tendres, de ses mains trop loin de lui et de ses regards qui évitaient constamment le reste de son corps ?

« Ne viens plus me voir, si ça te fait si mal que ça ! »

Mais comment lui dire qu'il n'en pouvait plus de voir son visage trop doux qui se baissait légèrement, sourd à toutes les méchancetés qu'il pouvait lui lancer, qu'il ne supportait plus sa présence, qu'il avait envie de pleurer quand il regardait son visage, sans jamais le lâcher, de peur de regarder ailleurs ?

Soudain, Draco se leva, les poings serrés, le visage tendu et les yeux noirs de colère.

« Que je ne vienne plus te voir ? Cria-t-il, comme si ces mots sortaient directement de son cœur. Mais il te manque une case ou quoi ? C'est ça que tu veux, que je reste chez moi comme un con sans jamais venir te voir ? Putain mais tu te rends compte de ce que t'es en train de me dire là, connard ? J'ai mal, abruti, j'ai mal ! Tu crois que tout va bien parce que tu t'es réveillé, parce que t'es vivant ? Tu crois que tout ce que j'ai vécu pendant ton enlèvement s'est envolé du jour au lendemain ? J'ai cru mourir quand il t'a enlevé, quand tu as sauté ! Je t'ai vu sauter par la fenêtre, merde, et t'écraser par terre ! Je te vois toutes les nuits sauter par la fenêtre, et moi, comme un con, en bas à te regarder mourir pour la énième fois ! »

Draco tremblait, sa voix partait dans les aigues. Les larmes brulaient ses yeux, son cœur battait fort dans sa poitrine, alors que Harry le regardait d'un air surpris, ahuri.

« Tu ne penses qu'à toi, qu'à ce que tu ressens, putain ! Mais moi, t'as pensé à moi ? T'as pensé à ce que moi je ressens, à chaque fois que je viens ici, que je subis ta mauvaise humeur et que je te vois dans cet état lamentable, parce que t'as essayé de mourir ? T'as essayé de mourir, putain ! T'as failli t'en aller, pour de bon, loin de moi ! T'as failli me laisser seul !

- Draco, pleure pas… »

Mais c'était trop tard. Les larmes coulaient, et Draco n'arrivait pas à les arrêter. L'expression de Harry avait changé, il avait de la souffrance dans ses yeux, de la peine, son cœur déchiré à le voir ainsi pleurer devant lui. Draco ne pleurait jamais, et le voir aussi plein de douleur et vulnérable lui comprimait le cœur.

« Tu ne veux pas que je pleure ? »

Sa voix était plus basse, mais il était aussi crispé et tendu qu'auparavant.

« Mais tu ne te rends pas compte de ce que tu me fais subir, que ce soit voulu ou non. Il y a des moments où je te déteste de me faire subir tout ça. J'ai vingt-trois ans dans quelques jours, je t'aime comme un dingue et je dois supporter le poids de ta tentative de suicide ! Je dois supporter ton humeur de chien, je vais devoir m'occuper de ton corps et gérer tout ce qui va avec ! Tu ne te rends pas compte de tout ça, tu te réfugies dans ta douleur et tu refuses de relativiser !

- Dans ce cas, barre-toi ! Barre-toi loin de moi, de tous les problèmes que je représente à moi seul et va te trouver un mec plus facile à vivre !

- Je t'interdis de dire ça !

- J'ai la jambe défoncée, Draco, je vais pas bien, et je n'irai pas bien pendant un long, long moment ! Par moments j'ai envie de me lever et de sauter à nouveau, espérant ne pas me louper cette fois-ci, quand je vois dans quelle merde je suis ! Je me déteste, je m'exècre ! Casse-toi, quitte-moi ! Je ne t'en voudrai même pas, je préfère ça plutôt que tu t'enterres avec quelqu'un comme moi, de cassé et même plus capable de regarder vers l'avenir !

- Espèce de connard ! »

Sa voix se brisa. Ce n'était même plus de la colère, qu'il y avait dans ses yeux bleus et sur son visage mouillé par les larmes. C'était de la peine. De la souffrance. Quelque chose qui remuait ses entrailles, les tordant, poussant son cœur au-delà de ses limites, déchirant ses tympans. Il le regardait avec tant d'émotions dans les yeux que Harry eut la sensation qu'il pourrait mourir sous ce regard. Il aurait voulu retirer tout ça, mais c'était trop tard.

« Tu me dégoutes… T'entends, ça ? Tu me dégoutes… Je t'aime comme un fou et tout ce que tu trouves à faire, c'est vouloir casser tout ça… »

Draco ne savait même plus ce qu'il disait. Il avait mal, tellement mal qu'il ne parvenait même plus à le regarder. Car ce corps blessé, brisé, enfermé dans ces plâtres et immobilisé, il l'aimait, pourtant. Il aimait toujours Harry, il le désirait encore, et ce n'était pas ses membres blessés, voire défigurés qui allaient changer ce qu'il ressentait pour lui. Il aimait son être, pas son corps.

Et Harry ne croyait plus en rien.

Et ça faisait mal.

Alors Draco quitta l'hôpital.

Et, quelques minutes plus tard, Harry fit une crise d'hystérie.

OoO

Ce fut Rémi qui lui apprit ce qui s'était passé. Isaline avait décidé de sortir et de profiter du beau temps avec Nymph' et Teddy, qu'elles emmenèrent au parc. Elle avait éteint son téléphone portable et le médecin n'avait pas celui de son employée. Quand elle fut rentrée, Rémi parvint enfin à la joindre et lui annonça que son neveu avait fait une crise. C'était la première depuis qu'il s'était réveillé et il avait tellement surpris les médecins que Rémi l'avait automatiquement appelée.

« Il faut absolument que tu viennes, il n'est pas bien…

- Ça s'est passé à quel moment de la journée ?

- Tôt ce matin. Une infirmière aurait vu Draco dans les couloirs, peu de temps avant la crise. Ça doit être lié, non ?

- Draco a dû péter les plombs. Harry n'est pas très gentil avec lui.

- Harry est malade, Isaline ! S'il veut être médecin, il a intérêt à…

- Harry n'est pas un patient comme les autres, Rémi. C'est l'homme qu'il aime. Ce n'est pas facile à gérer. Moi j'y arrive car ce n'est pas la première fois que je passe mon temps entre ma maison et l'hôpital. Si demain ton fils sautait par la fenêtre et qu'il te faisait tous les reproches du monde parce qu'il n'arrive pas à gérer ses angoisses, je ne sais pas si tu arriverais à rester de marbre. »

Il y eut un silence. Isaline avait touché juste. Le comportement que Draco avait dû avoir ce matin n'était pas étonnant, il fallait bien que ça arrive. Harry avait dû le pousser à bout et elle savait bien que le blond était à fleur de peau depuis l'accident. Il devait être dans sa chambre, à cette heure-ci.

« Tu pourras lui parler ? Harry refuse de manger et il ne parle plus à personne, même pas à moi. Tu pourras passer, aussi ?

- Non, je viendrai demain.

- Isaline ! Il a besoin de toi !

- Harry a fait une crise d'hystérie et je ne pense pas que Draco en soit coupable, Harry a dû le provoquer. Y aller, ce serait lui donner du crédit, or je ne veux pas le consoler. Il doit se reprendre.

- Tu n'es pas un peu dure ?

- Harry n'a jamais haussé le ton avec moi, car il sait très bien que je lui rentre dedans sinon. Si je vais le voir, je sais qu'on va finir par se disputer et je vais l'exploser. Autant lui éviter ça. Rester seul une journée ne lui fera pas de mal.

- Et s'il refuse de manger ce soir ?

- Rémi, tu as des patients plus compliqués que lui à traiter. Qu'il ne mange pas. S'il ne le fait pas, demain je lui rentre dedans. Et ça va barder. Tu peux le lui dire, ça.

- Il va sûrement s'énerver, il va penser que je le traite comme un gamin…

- Il sait très bien comment je suis. Donc tu peux le lui dire. Je vais aller voir Draco.

- Tu es vraiment une femme particulière, tu le sais, ça ?

- C'est pour ça que tu m'aimes, non ? »

Elle aurait presque pu le voir rougir à l'autre bout de la ligne. Isaline se contenta de sourire et lui dit « au revoir ». Puis, elle reposa le combiné sur son socle et alla jusqu'à la chambre du blond, espérant qu'il soit là. Et c'était le cas : il était assis sur son lit, lisant un livre. Il leva les yeux de son ouvrage en la voyant entrer, et elle vit tout de suite qu'il n'allait pas bien. La tête de lit était située près de la fenêtre, le blond était assis en travers, et la lumière du soleil éclairait son visage fatigué. Si elle s'approchait un peu, elle verrait qu'il avait les yeux rouges. Draco esquissa un léger sourire.

« Bonne balade ? C'était qui au téléphone.

- Très bonne. Liloute était enchantée et Teddy aussi. C'était Rémi au téléphone. Apparemment tu te serais engueulé avec Harry. »

Le sourire de Draco tomba et son regard s'assombrit. Qu'avaient-ils bien pu se dire ? Qu'est-ce que Harry avait bien pu faire pour le pousser à bout ?

« C'est lui qui lui en a parlé ?

- Il a fait une crise d'hystérie, après ton départ. »

Draco serra les dents et détourna son regard d'Isaline. Il paraissait tendu, et inquiet, et plein de remords. Elle sentit qu'il était en train de craquer. Il se leva, pour se donner contenance et se tourna vers la fenêtre. Quelque chose tremblait, en lui. Se froissait, se tordait…

« Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

- J'aurais pas dû…

- Draco, qu'est-ce qu'il t'a dit ? »

Il sentit ses deux mains se poser sur ses épaules. Elle n'était pas fâchée, ni même étonnée. Elle voulait juste comprendre. Et lui s'en voulait tellement… Il avait craqué, il l'avait regretté au moment-même où il était sorti de l'hôpital, les yeux humides et le cœur tapant contre sa cage thoracique. Il avait maudit Harry et sa souffrance, Cédric et son sadisme. Et une fois ici, il s'était maudit lui-même pour avoir craqué, pour avoir dit tout ça à Harry, pour ne pas avoir su le protéger et garder tout ça pour lui.

« Tu peux me le dire, Draco. Il t'a provoqué ? Il t'a fait du mal ?

- Il n'aurait pas dû dire ça… »

Isaline soupira en entendant sa voix troublée par le chagrin. Il respirait avec bruit, comme pour se contenir. Elle n'avait jamais vu Draco pleurer et elle préférait ne pas y penser. Elle détestait voir les gens pleurer. Surtout les jeunes, qui devraient plutôt profiter de la vie au lieu de gâcher de précieuses minutes à verser des larmes.

« Qu'est-ce qu'il ta dit ?

- De m'en aller. Que je ne l'aimais pas assez. Que j'avais rien à faire avec lui…

- Draco, Draco, Draco… Ne pleure pas, s'il te plait.

- Il a fait une crise…

- Il fallait s'y attendre. Tu n'y es pour rien. Allez, viens-là. »

Elle le força à se retourner et elle le prit dans ses bras. Elle sentit ceux du blond se refermer avec force autour de sa taille. Il tremblait. Caressant ses cheveux blonds, elle le laissa aller à sa peine, sentant l'émotion remonter en elle. Isaline eut envie de pleurer elle aussi, mais elle serra les dents et consola Draco, le berçant dans ses bras. Petit bout de femme emprisonné dans les bras de ce garçon un peu plus grand qu'elle, petite maman prenant soin d'un petit garçon perdu dans sa souffrance.

« Tu n'as pas à t'en vouloir, Draco. J'ai déjà vécu cette situation, tu sais. Harry te fait culpabiliser et tu te sens comme une merde. Mais malheureusement, il doit en passer par là.

- Tu m'avais… dit…

- Je sais ce que je t'ai dit. Mais je ne peux pas t'en vouloir, parce que je connais Harry, je sais comment il est. Que t'a-t-il reproché ? De ne pas lui avoir tout dit ? C'est ça, hein ? Je m'en doutais, soupira-t-elle en sentant sa tête bouger contre son épaule. Laisse-lui un peu de temps, Draco. J'irai le voir demain et je vais essayer d'arranger les choses. »

Mais ce ne serait pas facile, Isaline s'attendait déjà à le voir renfermé sur lui-même dans un silence buté dont il refuserait de sortir. Elle se doutait qu'il ne mangerait pas ce midi, ni même ce soir. Elle le connaissait, et elle se souvenait encore de ce qu'il faisait après son premier kidnapping.

Ne pas manger.

Boire peu.

Errer comme une âme en peine…

Elle irait demain constater les dégâts. Elle n'avait pas hâte…

OoO

Draco commença son travail à la banque le mardi premier juin. Il n'était pas enchanté, ni même de bonne humeur à vrai dire. Isaline lui avait préparé son café et sa tartine, qu'il avait englouti sans un mot, la mine sombre. Le soir, quand il était rentré, il était d'aussi mauvaise humeur que le matin. Il lui dit à table qu'il avait dû plaquer son sourire commercial sur sa bouche toute la journée, il avait besoin de détendre ses zygomatiques. Isaline avait ri et le blond s'était un peu détendu.

Dans la journée, Isaline était allée voir Harry, et le moins qu'on puisse dire était que son moral était tombé bien bas. Quand elle était entrée, il l'avait regardée puis avait baissé les yeux. Quand elle s'était assise près de lui, il lui avait demandé comment allait Draco. Ni bonjour, ni merde. Juste, « comment va Draco ? ». Que pouvait-elle lui dire, à part qu'il l'avait blessé, qu'il était allé trop loin ? Harry avait pleuré, cachant son visage derrière sa main, qu'elle avait prise entre les siennes.

Ils avaient parlé. Longtemps. Harry lui ouvrait véritablement son cœur pour la première fois. Il lui raconta toutes ses craintes, par rapport à son avenir, au travail, à Draco, à ses amis dont le regard finirait par changer, et peut-être avait-il déjà changé. Il lui dit qu'il regrettait tout ce qu'il avait pu dire au blond, qu'il l'aimait, et qu'il l'aimait tellement qu'il ne supportait plus son ton condescend ni l'idée qu'il puisse s'enterrer avec lui alors qu'il méritait mieux que ça.

Il y avait tant de peurs, d'angoisse et de tristesse en lui que Harry se perdait entre ce qu'il voulait et ce qu'il refusait d'accepter. Isaline l'écoutait en lui tenant la main, ne sachant trop quoi lui dire, car elle aussi souffrait de le voir dans cet état et elle avait tout aussi peur pour son avenir. Etant tatoueur, il pourrait toujours s'en tirer vu qu'il restait assis la plupart du temps, mais il allait être forcé de prendre des séances de kinésithérapeute, il risquait de souffrir de gros problèmes de dos. Il allait être opérer de la jambe aussi. Si jamais Draco partait, il allait souffrir dans ses relations amoureuses, car peut-être qu'il ne parviendrait plus à bouger sa jambe, et si ce n'était pas le cas, elle aurait toujours des problèmes de toute façon et elle deviendrait un poids, quand il devrait se mettre nu, ou quand il devrait marcher longtemps.

Harry allait souffrir longtemps du regard des autres, de l'autre… Il aurait des troubles psychologiques, aussi, vu l'acte qu'il avait commis. Il allait avoir besoin de soutien, et plus particulièrement de Draco, qui représentait son avenir. Un avenir à deux, stable, dont il avait toujours rêvé. Et le pire était que le blond était encore là et c'était Harry qui le rejetait… C'était lui qui était en train de mettre leur relation en danger…

La tatoueuse avait essayé de le rassurer, mais son neveu secouait la tête : Draco devait beaucoup lui en vouloir et il avait raison. Il passait son temps à lui faire du mal, déjà avant l'enlèvement Draco n'allait pas bien à cause de lui. Il était parti dans l'idée que le blond ne le méritait pas et qu'il ne lui pardonnerait pas, alors qu'au fond de lui, Harry ne voulait pas qu'il s'en aille. L'idée d'être réellement abandonné le terrorisait. Comment lutter contre de telles pensées aussi paradoxales ? Comment lutter contre les lois de la raison et les lois du cœur ?

Après sa visite, elle avait erré dans Paris sans but. Elle était fatiguée de tout ça. Tellement qu'elle en venait à ne même plus éprouver ni colère ni haine. Elle était juste vidée de tout. Elle espérait simplement que Cédric devait angoisser autant que Harry dans son lit…

Elle était rentrée et s'était mise un peu au travail, soulageant Nymph' qui gérait la boutique quasiment seule depuis l'enlèvement. Isaline s'occupa d'un tatouage pendant que Nymph' se cantonnait à faire des piercings, ce qui la reposa un peu. La patronne retrouva un peu le sourire et fit en sorte que Draco le retrouve également quand il rentra du travail.

Elle préféra ne pas lui parler de ce que Harry lui avait dit la veille, ni dans la journée même. Elle ne lui demanda pas non plus d'aller le voir. Cela faisait deux jours qu'il n'avait pas mis les pieds à l'hôpital, d'une parce qu'il ne voulait pas voir Harry mais aussi parce qu'il n'en avait pas le temps. Draco craignait les pics de Harry, il ne voulait pas se disputer avec lui à nouveau. C'était donc plus de la peur que de la rancune qu'il nourrissait envers son petit ami. Et Isaline savait qu'il avait du mal à vivre cette séparation plus ou moins forcée.

Elle espérait que les choses s'arrangent un peu le lendemain…

OoO

Car c'était l'anniversaire de Draco. Nous étions le deux juin et il fêtait ses vingt-trois ans. Contrairement à la majorité de ses anniversaires, celui-ci n'avait pas été accueilli avec bonne humeur. Draco s'était levé du mauvais pied : deuxième jour de travail, troisième jour qu'il n'avait pas vu Harry. Aucune fête n'avait été prévue pour fêter son anniversaire, et c'était lui qui l'avait demandé. Blaise avait essayé de lui faire comprendre qu'un anniversaire, c'était important, surtout quand on vivait une pareille épreuve, mais le blond ne voulait pas souffler ses bougies ce soir. Harry n'était pas avec lui et ils étaient en froid. Et ce n'est ni Luna, ni Hermione, ni même Théo qui allaient le faire revenir sur sa décision : pas d'anniversaire ce soir, il voulait qu'on le laisse tranquille.

Draco se doutait bien que les choses n'allaient pas être aussi faciles avec Isaline. Cette dernière allait forcément acheter ou faire un gâteau pour ce soir. Il doutait fortement qu'elle invite des gens, mais elle le fêterait au moins avec lui. C'était une tradition et une obligation, chez elle. Et, quoi qu'il en dise, Draco savait qu'il ne serait pas capable de lui dire non et de s'enfermer dans sa chambre. C'était trop de bonnes intentions, et Isaline souffrait autant et même plus que lui de cette situation. Si cela pouvait lui redonner un peu le sourire, il était prêt à endurer cet anniversaire, le premier depuis sa mise en couple avec Harry, et qu'il passerait sans lui.

Quand il se leva, Draco partit directement dans la salle de bain pour s'habiller. Quand il alla dans la cuisine, son petit-déjeuner était prêt, comme chaque matin, et il accueillit en bougonnant pour la forme l'étreinte d'Isaline qui lui souhaita un bon anniversaire. Elle l'embrassa sur la joue, puis le laissa boire son café et manger sa tartine. Puis, il partit travailler. Quasiment tous les matins, il se disait qu'il aurait bien aimé que sa mère adopte ce genre de comportement, des fois. Mais elle ne savait pas faire marcher une machine à café, et il la voyait mal lui préparer une tartine.

La matinée ne fut pas désagréable. Il travaillait avec d'autres jeunes, quatre en tout. Il y avait un garçon qui se la pétait un peu trop et qui s'était automatiquement rapproché de lui, de même pour une jeune fille tout juste majeure et qui avait l'accent « pétasse ». Il appréciait davantage une jeune Noire camerounaise qui lui parlait de son pays avec humilité et amour, ainsi qu'une autre jeune fille de son âge qui, depuis qu'elle avait découvert qu'il était possible d'avoir de l'eau chaude gratuite, avait carrément ramené sa boite avec du thé, du sucre et une cuillère. A la pause au matin, Draco s'enfuit de sa chaise pour rejoindre ces deux dernières à l'étage du dessus, sans prévenir les deux premiers.

Il avait écouté les messages laissés sur son portable par ses amis, dans un coin de la salle de repos, regardant du coin de l'œil les deux jeunes filles discuter avec animation de leur travail respectif.

« Salut Draco, c'est Blaise ! Bon anniversaire ! Bon je sais pas trop quoi te dire, j'ai jamais su faire de longs discours. J'espère juste que tu passeras une très bonne journée, même si tu bosses. J'aimerais pouvoir te voir et te prendre dans mes bras, comme tu l'as fait à mon anniversaire, mais apparemment tu préfères rester tout seul. J'ai pas envie de faire mon lourdaud, je vais pas te harceler pour te voir, mais est-ce que je peux au moins venir demain soir ? On a vraiment envie de te voir et fêter ton anniversaire, même si c'est juste manger un morceau dans un restaurant. En fait, si, je fais mon lourdaud… Excuse-moi. Tu me manques Dray… Encore bon anniversaire. J'espère que je pourrai te voir, demain… »

Draco senti son cœur se serrer. Il allait l'appeler après pour lui confirmer la sortie.

« Yo, beau blond ! Putain, vingt-trois ans… Ça fait mal au cul hein ? On devient vieux, c'est l'horreur, et le pire, le pire, c'est qu'on a encore deux ans à tirer… Ça te donne pas envie de crever, des fois ? J'en vois pas le bout de ces putains d'études, vivement la fin ! Bon j'espère que tu vas quand même passer une journée relativement sympathique, je pense fort à toi entre mes courgettes et mes tomates, et j'espère qu'on se fera quand même un p'tit restau' pour fêter tes vingt-trois balais ! Surtout que je me suis fait chier pour te trouver un cadeau original, pas question de le garder une éternité chez moi ! Je te dis à plus, bon courage ! »

Puis, il sourit en entendant le message de Théo. Il écouta les suivants : Hermione, Millicent, Luna… Cho, Ron, et même Seamus…

« Coucou Draco, c'est Seamus ! Je te souhaite un très bon anniversaire. J'espère que tu passeras une bonne journée. Tu sais, je suis allé voir Harry hier soir, juste avant de rentrer à la maison. Il ne va pas très bien. Il m'a dit qu'il s'était disputé avec toi. Je sais que c'est ton anniversaire et que tu n'as pas envie de te prendre la tête avec lui, mais tu devrais peut-être aller le voir. C'est parce qu'il ne sera pas là que tu ne veux pas fêter ton anniversaire, non ? Excuse-moi si je t'agace, mais j'ai ça sur le cœur depuis hier. Je te souhaite encore un bon anniversaire, essaie de passer une bonne journée, et à bientôt. »

Draco perdit son sourire à ce moment-là. Seamus le comprenait un peu trop bien, ou était-ce tout simplement parce qu'il était trop sensible, surtout en ce moment, et qu'il devait imaginer les souffrances de Draco. Ce dernier se sentit soudain mal. Il avait envie d'appeler l'hôpital, d'entendre la voix de Harry, même abîmée par la distance. Mais il n'en avait pas la force. Harry savait-il que c'était son anniversaire, aujourd'hui ? S'en rappelait-il ? Comment réagirait-il au téléphone ? Draco préférait ne pas savoir plutôt que de subir cet affreux oubli ou une conversation rapide, bâclée. Il n'avait pas envie de souffrir, aujourd'hui.

Il retourna travailler, montant à l'étage, ses pensées revenant toujours sur Harry. Il mourrait d'envie d'aller le voir, mais encore une fois, il n'avait pas envie d'avoir mal, pas aujourd'hui. Il essaya de penser à autre chose, se disant que ses parents ne l'avaient pas appelé, alors qu'ils le faisaient toujours quand il ne les voyait pas le matin, mais dit qu'ils le feraient peut-être plus tard. Mais sans cesse, il pensait à Harry, encore et encore… Tombez amoureux, qu'ils disent, tombez amoureux…

Le déjeuner était prévu à une heure. Draco avait demandé à commencer plus tôt, ce qui n'était pas vraiment autorisé mais le manque d'effectif lui avait permis de le faire. Il finissait donc plus tôt, mais l'heure du déjeuner restait la même, aux alentours de une heure de l'après-midi, ce qui arrangeait à la fois les employés et les auxiliaires de vacances qui voyaient moins le temps passer l'après-midi. Il déjeuna donc avec les auxiliaires de vacances. Il reprit le travail et il y eut une autre pause dans l'après-midi. Il s'isola dans un coin et écouta les messages qui étaient arrivés entre temps. Il entendit entre autre sa mère, quelques personnes dont il se fichait pas mal. Il sourit en entendant Teddy lui souhaiter son anniversaire, puis Nymph' reprendre le téléphone. Sirius et Severus l'appelèrent aussi.

Et puis… Il y eut lui

« Bonjour, Draco. »

Son cœur parut cesser de battre dans sa poitrine, alors que les larmes lui montaient aux yeux.

« Bon anniversaire. Tu vois, j'ai pas oublié. Comment oublier une date pareille… J'y pense depuis que je suis réveillé, en fait. J'aurais préféré te le souhaiter de vive voix et non pas par téléphone. Mais ça fait trois jours que tu ne viens plus me voir et je sais que tu ne viendras pas ce soir. Pourquoi ? Je préfère ne pas le savoir. Tu en as le droit, vu mon comportement. »

Draco serra les dents et ferma les yeux.

« J'ai hésité à t'appeler. J'ai vu Seamus hier et il m'a convaincu de le faire. Je savais que tu ne répondrais pas, vu que tu travailles, mais j'ai quand même peur de ta réaction. Ecoutes-tu mon message ? Es-tu énervé ? Tu sais… Je m'en veux pour tout ça. Pour ce que je t'ai dit, pour ce que j'ai fait. J'ai honte et je m'en veux. Je peux me sens pas bien. Ce n'est peut-être pas une excuse, ou peut-être que tu la trouves trop facile. Mais j'ai peur de l'avenir, j'ai peur que tu t'enterres avec moi et que tu passes à côté de quelque chose, alors qu'au fond de moi, je suis terrifié à l'idée que tu t'en ailles. Mais ton bonheur est plus important à mes yeux que le reste. »

Sa main passa sur son visage, pour en cacher tout le trouble. Il était face au mur, priant pour que personne ne vienne le déranger…

« Enfin bref… Je me sens perdu. Je ne sais pas vraiment ce que je veux… Mais ce que je sais, c'est que je t'aime, Draco, et que je suis désolé pour tout ce que je te fais subir, depuis que toi et moi nous sommes ensemble. Je vais te laisser… J'espère que tu as passé une bonne journée, que ton travail ne te déplait pas trop, que tu vas passer une très bonne soirée. Ah, et regarde dans mon armoire : derrière mes tee-shirt, il y a ton cadeau d'anniversaire, ouvre-le ce soir. »

Harry marqua une courte hésitation.

« A bientôt. »

Sans doute voulait-il lui envoyer des baisers, mais il s'était rétracté. De toute façon, cette déclaration d'amour, sans doute la plus belle qu'il n'ait jamais entendue, valait tous les baisers du monde.

Draco était ému, et cela faisait bien longtemps qu'il ne l'avait pas été. La voix de Harry et tous ses mots l'avaient complètement retournés. Il avait envie de pleurer de soulagement, toutes ses craintes envolées. Il eut envie de le rappeler, aussi, mais il ne voulait pas lui répondre par téléphone, sans compter qu'il craquerait, à coup sûr. Non, mieux valait passer à l'hôpital après le travail.

Bon Dieu, qu'il avait envie de le voir…

Draco retourna travailler. Il parvint à se contenir devant les autres jeunes, bien qu'il ne puisse décrocher un mot. Puis, le reste de l'après-midi, à moitié dans les nuages, il fit tous les efforts du monde pour ne pas passer son temps à regarder l'heure qu'il lui restait à compter les minutes. Quand il quitta enfin les locaux, il le ressentit comme une véritable libération. Alors que l'ascenseur descendait, Draco appela Isaline, lui demandant de ne pas l'attendre pour manger. Mais elle le prit de court : elle savait que Harry l'avait appelé et elle en concluait qu'il allait le voir. Le blond esquissa un sourire et lui répondit par l'affirmative.

Les locaux de l'établissement ne se trouvaient pas en plein Paris, ce qui lui permettait de prendre la voiture pour venir. Il fit le chemin du retour le plus rapidement possible, fouilla l'armoire de Harry pour attraper son cadeau, choppa au passage le sac contenant un Tupperware© avec deux pâtisseries à l'intérieur qu'Isaline lui tendait et fila jusqu'à l'hôpital en voiture. Il ne mit guère de temps à atteindre l'établissement, il commençait à bien connaître le chemin.

En habitué des lieux, Draco se dirigea directement vers les ascenseurs. Il avait le cœur qui battait fort dans sa poitrine d'anticipation. Il ne savait même pas ce qu'il dirait à Harry une fois devant lui. Il y avait pensé dans la voiture, et même au travail, mais il savait très bien que devant lui, il ne pourrait pas réciter ce à quoi il avait pensé. D'ailleurs, il suffit qu'il soit devant la porte de la chambre pour se sentir stressé, la tête vide et les mains un peu moites.

Draco déglutit, puis toqua à la porte, et entra. Dans son lit, Harry détourna les yeux de l'écran de télévision et se décala légèrement pour voir qui entrait. Ses yeux s'arrondirent de surprise quand il vit le blond, qui pénétra dans la pièce en fermant la porte derrière lui.

« Bonsoir, Harry.

- Bonsoir… »

Le blond s'avança en silence vers le lit, un léger sourire sur le visage. Harry rougit, ne sachant comme réagir. Il ne s'attendait pas à le voir là, même s'il l'avait espéré tout l'après-midi. Il regarda le blond poser un sac en plastique sur la table de chevet.

« Tu as eu mon appel ?

- Je ne serais pas là, sinon.

- Draco, je suis vraiment… »

Mais le blond venait de se pencher vers lui, ses mains posées de chaque côté de son corps. Ses cheveux blonds qui avaient un peu poussé tombaient de chaque côté de son visage, et il souriait. Son sourire s'accentua en voyant Harry rougir encore plus.

« Chut…

- Draco… »

Et il l'embrassa. Ses lèvres se posèrent sur les siennes. La première fois depuis des jours, depuis une éternité. Harry se sentit fondre, alors que le blond s'asseyait sur un coin du lit, s'allongeant à demi sur lui, sa main venant se poser sur sa joue. Le tatoueur sentit sa langue sur ses lèvres, alors il les ouvrit.

C'était un peu comme s'il était en train de revivre, alors que Draco glissait sa langue dans sa bouche, l'embrassant avec une tendresse qu'il avait presque oubliée. Harry sentit les larmes lui monter aux yeux, alors que la bouche affamée de Draco dévorait la sienne, la douceur faisant place à un besoin pressant. Harry gémit quand il voulut tourner la tête, son cou lui faisant soudainement mal, et le baiser s'intensifia encore plus si c'était possible. Sa main vint toucher les cheveux de son amant, descendre vers sa nuque, et revenir les caresser.

C'était comme revivre.

C'était comme si tout revenait à sa place…

Ils se séparèrent à bout de souffle et se regardèrent les yeux dans les yeux.

« Pardon, Draco. Pardon…

- Chut… C'est pas grave…

- Je suis désolé… »

Et il l'embrassa à nouveau, avec plus de tendresse, leurs langues se touchant timidement, sans heurts. Alors qu'il caressait sa joue, il sentit des larmes sur sa peau. Il prit son visage en coupe et effaça les traces humides avec ses pouces, sans cesser de l'embrasser, la main de son petit ami toujours dans ses cheveux. Quand leurs lèvres se quittèrent, Harry grimaça et ferma les yeux un court instant, essayant de se reprendre. Draco lui caressait les joues. Il ne voulait pas le voir pleurer, il l'avait bien assez vu le faire…

« Harry, calme-toi… Je te pardonne, c'est fini… »

Le brun rouvrit des yeux verts et humides. De magnifiques émeraudes sublimées par les larmes qui les recouvraient…

« Je veux pas que tu partes… Reste avec moi… »

Sa main se serra sur son épaule, alors que le blond se blottissait contre lui, son nez tout contre sa joue. Il ferma les yeux, sentant le bras de Harry autour de ses épaules, l'écoutant lui demander de ne pas le quitter. Il sentait son angoisse couler dans ses veines, la peur de l'abandon. Cela lui faisait du bien d'entendre cela, de sentir ses larmes couler sur sa peau. Savoir qu'il était essentiel à sa survie…

« Chut, Harry… C'est fini… Calme-toi. On oublie, d'accord ? »

Un petit « oui » lui répondit. Draco embrassa sa joue, puis à nouveau sa bouche. Enfin, il le regarda et lui fit un sourire. Harry le lui rendit, quoiqu'un peu pauvre, un peu timide.

« Tu m'as manqué, tu sais ?

- Toi aussi. J'ai beau me plaindre de toi, j'aime quand tu viens me voir. Les journées sont longues, ici.

- Tu ne lis pas ?

- J'ai du mal à tourner les pages. Cho m'a dit qu'elle allait m'offrir un livre numérique, elle doit me l'apporter demain. Elle va pirater des romans pour les mettre dessus, elle m'a dit…

- Elle t'a payé le livre, elle ne va pas en plus payer les téléchargements… »

Ils eurent un petit rire complice. Harry bougea un peu la tête et gémit.

« Vivement qu'ils me retirent cette minerve, je n'en peux plus…

- C'est pas pratique, pour t'embrasser.

- Ça c'est clair. Autant je commence à m'habituer à mes plâtres, mais à ça, j'y arrive pas.

- Tu ne vas pas le garder longtemps.

- Bien assez à mon goût. Quand quelqu'un rentre, je suis obligé de bouger tout mon corps, et ça fait mal !

- Estime-toi heureux d'être capable de bouger, Harry…

- Dray, je me plains de mon cou. Pas du reste de mon corps, de mon cou ! »

Il avait retrouvé cet espèce de gamin de vingt-et-un ans dont il était tombé amoureux des mois plus tôt. Avec ses petites mimiques, sa voix au léger accent anglais et ses yeux verts pétillants. C'était comme si un voile s'était levé sur son visage, le rendant plus vivant, presque moins pâle. Il était beau. En dépit de son œil au beurre noir, son bandage sur la tête, sa minerve et ses plâtres, il demeurait beau à ses yeux. C'était toujours le même. Blessé, cassé en morceau, mais c'était toujours la même personne. Le Harry qu'il aimait.

« Y'a quoi dans ton sac ?

- Ta tante m'a préparé mon gâteau d'anniversaire.

- J'espère que j'arriverai à le manger…

- Ne dis pas de bêtise. »

Draco planta un dernier baiser sur sa bouche puis se leva du lit pour sortir le Tupperware© de son sac. Au passage, il sortit son cadeau, enveloppé dans du papier noir aux liserés dorés. Harry braqua ses yeux dessus.

« Pourquoi tu as emmené ton cadeau ici ?

- Peut-être pour l'ouvrir devant toi.

- T'étais pas obligé…

- Ne me dis pas que ça te gêne ? »

Mais la rougeur de ses joues le conforta dans sa pensée. Draco eut un léger rire. Isaline avait mis dans la boite une tarte aux fraises qui ne pouvaient convenir que pour deux personnes et qu'elle avait très certainement fait elle-même. Il y avait également dans le sac deux assiettes en plastique, un couteau et deux cuillères, ainsi qu'une bougie et un briquet. Elle avait décidément pensé à tout. Harry insista pour mettre la bougie lui-même sur le gâteau, que Draco mit dans une des assiettes, et de l'allumer. Il lui chanta d'une voix un peu abîmée le fameux « Happy Birthday » et le regarda souffler la symbolique bougie plantée en plein milieu d'un morceau de fraise.

Le brun regarda son petit ami couper la tarte, des papillons plein le ventre. Le savoir là, tout près de lui, le jour de son anniversaire le remplissait de joie. Il avait tant rêvé ce jour, le premier anniversaire qu'ils fêteraient ensemble… Ce jour était gâché par ses plâtres et son immobilisation, mais Draco était là, amoureux comme au premier jour, semblant se satisfaire de ce petit moment à deux, plutôt qu'une grande fête ou d'un dîner entre amis.

« Tiens, voilà pour toi.

- Merci. Vous aviez prévu quelque chose ce soir ?

- Non. Je ne voulais pas fêter mon anniversaire. »

Draco venait de se servir une part. Harry n'approfondit pas le sujet, comprenant tout de suite pourquoi Draco avait refusé de fêter son anniversaire. Il se sentit cruellement coupable, puis il se dit, à juste titre, que le blond passait sa soirée avec lui, donc il avait un peu de cet anniversaire dont il avait rêvé. Même s'il méritait bien mieux que ça… Un anniversaire avec ses amis, dans une salle de restaurant ou dans un grand salon, plutôt que cette petite chambre d'hôpital, avec son petit ami emprisonné dans ses plâtres et ses idées noires…

« Mais Blaise a organisé une soirée dans un restaurant. Je suppose qu'il a invité du monde. Il m'a demandé de venir au téléphone. Je l'inquiète, et je t'avoue que je n'ai pas vraiment envie de dire non à cette soirée…

- Et tu n'as pas à t'en priver, Draco. Il est hors de question que tu te prives de ta fête d'anniversaire. Déjà que celle que tu passes ce soir laisse à désirer…

- Tu trouves que cette soirée laisse à désirer ?

- C'est pas comme si j'avais voulu que tu passes le soir de tes vingt-trois dans cette chambre d'hôpital.

- Mais tu souhaitais le passer avec moi, non ? Harry, tu penses franchement que si ce n'est pas ce que j'avais voulu, je serais là ? Ça fait trois jours que je ne t'ai pas vu, tu m'as manqué, et je n'ai pas envie de passer cette soirée ailleurs que dans cette chambre avec toi. Alors s'il te plait, ne gâche pas la soirée avec ce genre de pensées. »

Ces paroles lui clouèrent le bec. Harry rougit et plongea le nez dans sa tartelette. Draco émit un léger soupir : s'il s'était retenu, la soirée se serait mal terminée à cause des insinuations de Harry. Il paraissait donner du sien mais il n'allait pas mieux et ses pensées demeuraient toujours aussi sombres.

« Excuse-moi.

- C'est moi. J'ai du mal à…

- On va travailler là-dessus. Tu vas bien finir par reprendre confiance en toi.

- Si tu le dis… C'est moi que tu consoles alors que c'est ton anniversaire ?

- Tu veux que je te dise à quoi je pensais, pour mon anniversaire ? Je voulais passer ma soirée avec toi, que ce soit dans un restaurant ou tout simplement chez toi. Je ne voulais pas faire de fête avec les autres, juste passer du temps avec toi. Et c'est ce que je fais, là, tout de suite. »

La rougeur de ses joues s'accentua, et ce n'était pas la gêne suite à une parole de travers qui colorait sa peau. Malgré lui, il eut un petit sourire, qui réchauffa le cœur du blond. Ce qu'il avait dit était incroyablement niais, mais il n'allait pas passer par trente chemins pour lui faire comprendre que, tout ce qu'il voulait, c'était de passer cette soirée avec lui.

Ils discutèrent un peu, à propos des gens qui l'avaient appelé. Harry rit quand le blond lui dit qu'il n'avait même pas reconnu la voix de certaines personnes, jusqu'à ce qu'elles disent leur nom. Sa mère lui avait téléphoné ce midi, mais pas son père. Harry comprit que quelque chose n'allait pas quand il vit le regard de son petit ami s'assombrir, quand il fit mention de son père.

« Tu t'es disputé avec lui ?

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Qu'il ne m'ait pas appelé ? Il a tendance à le faire le soir, à moins qu'il ait oublié, ça arrive.

- Tu t'es disputé avec lui ? »

Quelque chose l'avait trahi, mais Draco ignorait quoi. Le fait est en tout cas que Harry avait cessé de manger et qu'il le regardait droit dans les yeux, sérieusement. Devait-il lui en parler ? Maintenant ? Et risquer de subir ses foudres, si jamais il refusait de comprendre et s'emportait ? Draco n'était pas prêt à prendre ce risque, pas ce soir, mais son regard, il le connaissait, et il n'admettait aucun refus. Quelque chose n'allait pas, et il voulait savoir quoi.

« Plus ou moins.

- Que s'est-il passé ?

- Si je t'en parle, tu vas t'énerver à coup sûr et je n'ai pas envie de subir ça ce soir.

- Et si je te promets de ne pas m'énerver ?

- Harry, vraiment, je n'ai pas envie d'en parler.

- Dans ce cas, je boude.

- Ah non !

- Alors dis-moi !

- Tu sais que tu me prends la tête, toi ?

- Théo dirait « tu me casses les couilles », mais oui, je le sais. »

Petit sourire angélique, yeux verts canaille, moue attendrissante. Comment résister à ça ? Même s'il savait très bien à quoi il devait s'attendre… Draco se lança, sans réfléchir davantage.

« Je suis parti de chez moi. »

Le sourire de Harry tomba.

« Quelques jours avant que tu te réveilles.

- Pourquoi tu as fait ça ?

- Je n'étais jamais allé voir Isaline jusque là. Je n'en avais pas la force et je n'estimais pas en avoir le droit. Elle était au plus bas. Un peu comme moi… Et quand… quand j'ai vu son état… j'ai décidé de passer quelques temps chez elle, pour l'aider. Et pour m'aider aussi. »

Pas de trace de colère dans ses yeux verts. Son visage était d'un sérieux neutre, comme si aucune émotion n'agitait son cœur, alors qu'en réalité, il ne savait pas s'il devait bouillonner de colère ou bien laisser la souffrance de cet énième déchirement envahir son cœur. Ces deux sentiments étaient assez puissants pour s'annuler.

« Mais quand mes parents ont vu que je préparais une valise, ils ont voulu me retenir. On va dire que je n'ai pas apprécié la réaction de mon père. Pour résumer, il m'a traité comme un gamin, sans prendre en considération que j'avais mal et que je cherchais à soulager mes souffrances. Je pensais, et à juste titre, que passer du temps avec Isaline et dans ta maison me ferait du bien. Je ne sais pas vraiment si j'ai été vexé ou blessé… Blessé, peut-être. Enfin bref, je suis parti.

- Et ils sont venus te chercher ? Lui demanda le brun d'une voix douce.

- Non. Ma mère m'a harcelé au téléphone et elle harcèle Blaise. Je n'ai aucune nouvelle de mon père.

- Tu as essayé de l'appeler ?

- Non, avoua Draco en soupirant. Je suis parti quasiment sans rien, tu sais. Juste mes affaires de cours et quelques fringues. Seulement ce que je m'étais acheté. J'ai laissé la carte bancaire que mon père renfloue tous les mois sur le bureau.

- Draco…

- J'ai répondu à sa provocation. Il m'a traité d'ingrat, parce que je partais avec des affaires qu'il m'avait payées. Si je voulais partir, c'était sans rien. C'est ce que j'ai fait. Ce n'est pas à moi de l'appeler, car c'est moi qui suis parti. J'ai dû le blesser, ou bien le mettre en colère. J'ai pas été capable d'accepter le fait qu'il me traite comme un gamin, comme si ce que je ressentais n'était pas grand-chose, et que mon départ n'était qu'un caprice de plus. Et je ne regrette pas vraiment d'être parti : ils ne me manquent pas vraiment. C'est pas comme si on était très proche, quand je vivais encore chez eux… Et ma mère n'a pas fait le déplacement. »

Un sourire amer se dessina sur le visage. C'était la première fois qu'il évoquait ce fait. Sa mère n'était jamais venue le voir, alors qu'elle en avait eu la possibilité. Si elle était tombée sur Isaline, cette dernière n'aurait pas eu la bêtise de le lui cacher, elle qui l'encourageait tant à reprendre contact avec eux. Au fond de lui, même s'il refusait d'y penser et d'y accorder une quelconque importance, le fait que sa mère ne se soit jamais déplacée pour venir le voir le blessait profondément. Il n'avait pas fui pour qu'on lui coure après. Mais il aurait au moins voulu que sa mère, à défaut de l'avoir au téléphone, cherche à entendre sa voix par un autre moyen.

Il sortit de ses pensées quand la main de Harry prit la sienne. Le brun lui fit un sourire qui se voulait réconfortant. Draco se pencha et embrassa sa main. Cette main d'homme trop froide qu'il avait serrée trop longtemps, et qui à présent était chaude dans la sienne.

« Tu dors dans ma chambre ?

- Non, dans la chambre d'amis.

- Pourquoi ? Lui demanda Harry en haussa les sourcils.

- J'estimais ne pas avoir le droit de dormir dans ta chambre. D'abord parce que tu n'étais pas réveillé, puis… comme ça. Je ne pensais pas en avoir le droit.

- Que tu peux être bête, parfois… Soupira le brun. Ta chambre est la mienne, Draco, tu peux y dormir. Ce sera plus confortable que la chambre d'amis.

- C'est plus ta chambre que la mienne, Harry.

- On y a fait assez de choses pour ce soit la tienne.

- Ne me tente pas, je vais être frustré après. »

Le brun éclata de rire. Il était beau à rire, enfin. Cela lui avait tellement manqué, ses grands éclats de rires…

« Tu risques d'attendre longtemps.

- Je serai patient. Ce n'est pas comme si je n'avais pas attendu près de… trois mois pour enfin te faire l'amour.

- Et je l'ai payé cher, ce soir-là.

- Tout de suite les grands mots… »

Draco fit taire son rire naissant en l'embrassant. Quelques minutes plus tard, après quelques taquineries, le blond se décida enfin à ouvrir son cadeau. Il regarda la petite boite, n'osant pas l'ouvrir. Il savait Harry généreux : la montre qu'il lui avait offert au dernier Noël était très chère, il ne doutait pas une seule seconde que ce qui se trouvait dans cette boite devait couter la peau des fesses.

« Arrête de regarder le paquet et ouvre. Je sais que c'est petit mais…

- Ce qui petit n'est pas forcément moins cher. Tu as encore fait une folie ?

- C'est toi qui dit ça ? Isaline m'a dit de t'acheter une Senseo© et tu la laisserais à la maison pour les fois où tu viens chez nous.

- Et tu lui as fait comprendre que c'était un cadeau pour moi que tu voulais, et pas pour elle ?

- Quelque chose comme ça. »

Draco entreprit d'ouvrir le paquet, essayant d'imaginer ce qu'il pouvait contenir. C'était trop petit pour que ce soit une gourmette, un collier, ou un autre bijou de la sorte. Un pendentif ? Il ne portait que rarement des chaînes. Une bague ? Quelle idée, et en plus Harry ne connaissait pas son tour de doigt.

Il trouva sous le papier cadeau une boite à bijou, et quand l'ouvrit, ses yeux se posèrent avec stupéfaction sur une superbe chevalière en argent où ses initiales étaient apposées, en or. Complètement retourné par un tel cadeau, il sentit une sorte d'émotion lui étreindre le cœur, alors que la chevalière, finement gravée, brillait doucement dans son écrin.

« Tu t'en es rappelé…

- J'ai de la mémoire, parfois. Essaye-la !

- Mon tour de…

- Tu ne te rappelles pas du jour où j'ai fouillé ton tiroir et que j'ai trouvé la boite avec tes bagues ? »

Oh si, il s'en souvenait. Harry cherchait quelque chose et il était tombé sur une boite où Draco avait rangé tous les bijoux qu'il ne mettait plus. Entre autres, il avait enfilé une bague en argent qu'il s'était achetée un jour : à présent, elle ne lui allait plus qu'au petit doigt.

« J'ai piqué une de tes bagues, pour la taille. »

Il s'en était souvenu. Il s'était rappelé de leur conversation où ils avaient évoqué la chevalière de son père. Draco lui avait raconté que, quand il avait seize ans, son père lui avait demandé ce qu'il voulait pour ses dix-sept ans, qu'il fêterait un mois plus tard. Pour plaisanter, Draco lui avait demandé sa chevalière. Lucius avait alors souri et lui avait dit qu'il la lui donnerait s'il avait son bac avec mention très bien. Et quand ce fut le cas, Draco attendit sans y croire que son père la lui offre, mais il semblerait qu'il avait oublié.

Et à présent, une chevalière, certes complètement différente et de moins bonne qualité, reposait dans son écrin. Avec ses initiales, à lui.

Harry était assez surpris par son silence. Il ne savait pas comment l'interpréter : l'avait-il touché ou n'aimait-il pas son cadeau ? Cette bague ne valait rien à côté de la chevalière de son père, que ce soit son prix ou sa valeur sentimentale. Mais Harry avait pensé lui faire plaisir, et il commençait à douter. Jusqu'à ce qu'il remarque que Draco retenait ses larmes, ses yeux brillant étrangement, et qu'il se lève pour écraser ses lèvres contre les siennes. Harry poussa un soupir alors que la main du blond venait se poser contre sa joue, ses lèvres dévorant sa bouche. Le brun sentit les larmes lui monter aux yeux et il faillit les laisser couler quand le blond se recula, ses yeux brillants comme jamais. Il était ému et son visage valait tous les bijoux du monde.

« Merci…

- Je suis content que ça te fasse plaisir. Ça ne vaut pas celle de ton père mais…

- Elle vaut autant que celle de mon père, qu'importe le prix que tu l'as payée. »

Car ce qui avait rendu la chevalière de son père si importante aux yeux du blond, c'était qu'elle lui avait appartenue. Et il en était de même pour celle qui se trouvait dans cet écrin, au creux de sa main.

« Puisque c'est toi qui me l'a offerte.

- Mets-la. »

Il avait la gorge serrée, cela s'entendait à sa voix un peu étranglée. Draco prit alors la chevalière et la regarda sous toutes les coutures. Il la trouvait belle, avec sa forme carrée, lignes tracées dans l'argent, et ses initiales en or plaquées sur le métal, offrant un léger contraste. Il l'enfila à son doigt et elle lui alla parfaitement.

« La taille est parfaite.

- Une chance que j'ai fouillé dans ton tiroir, ce jour-là. Elle te va bien. »

Harry prit sa main et la regarda, la trouvant un tantinet plus virile. Draco avait les mains assez fines, pour un homme, du moins elles l'étaient plus que les siennes, et ses doigts étaient un peu plus longs, aussi. Des mains d'aristocrates, pouvait-on dire. Et la chevalière glissée à son doigt lui donnait un style encore plus aristocratique, si c'était possible.

« J'aime l'argent. Ou l'or blanc.

- Cela va mieux avec la couleur de ta peau. De toute façon, je n'avais pas les moyens de t'offrir une chevalière en or… Pourquoi tu rigoles ?

- Tu y as vraiment pensé ?

- Oui, et je me suis même renseigné ! Mais c'est trop hors de prix pour moi.

- Attends, ne me dis pas que tu es allé voir dans Paris ?

- Mais j'allais pas commander sur Internet, j'avais peur du résultat !

- Harry ! Mais combien elle t'a couté ?

- Ça se dit pas, le prix des cadeaux.

- C'est quoi cet argument ? Combien tu l'as payée ?

- Mais ça ne te regarde pas ! »

Cela ne faisait pas encore un an qu'ils étaient ensemble et Harry se permettait déjà de lui offrir des cadeaux hors de prix… Qu'est-ce qu'il allait lui offrir encore à leur anniversaire, et aux suivants ?

« Harry, je ne veux pas que tu dépenses ton argent comme ça…

- Mais ça me faisait plaisir, et tu avais l'air content, y'a pas deux minutes…

- Qu'est-ce que tu comptes m'offrir pour nos un an ?

- Je voulais qu'on parte en week-end.

- Promets-moi que tu en resteras-là.

- Promis !

- C'est bizarre, je n'ai aucune confiance en toi. »

Harry lui fit un sourire angélique, comme il savait si bien le faire quand il avait quelque chose à se faire pardonner. Il était incorrigible… Et Draco ne parvenait pas à s'énerver contre lui, car il adorait son cadeau, mais il lui en voulait quand même pour dépenser autant. La seule chose qui lui permettait de ne pas vraiment l'engueuler, c'était de savoir que, lui aussi, il avait dépensé beaucoup pour son anniversaire…

« Le principal, c'est que ça te fasse plaisir. Hein Dray ?

- Ne me fais pas ces yeux là. Et oui, ça me fait plaisir, idiot. »

Il l'embrassa à nouveau, des papillons tout plein le vente. C'était un peu comme si son monde, mis sans dessus dessous, se remettait à l'endroit. Chaque chose revenait à sa place. Elles étaient instables, risquant de se casser la figure à chaque instant, mais elles semblaient avoir retrouvé un semblant d'équilibre. Leur relation avait retrouvé un équilibre. Et cette sensation que tout recommençait à prendre forme les apaisa, comme jamais.

OoO

Quand il sortit de l'hôpital, le cœur léger, Draco ralluma son téléphone. Il l'avait éteint pour être tranquille et il constata qu'on l'avait encore appelé. Il y avait un message de sa mère, qui lui souhaitait un bon anniversaire tout en lui demandant, par sous-entendu, de rentrer à la maison.

Et il y avait aussi un message de son père…


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !