Disclaimer: Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si!

Couple: Harry / Draco.

Evaluation: M.

Yo les d'jeuns !

Lys : THE RETOUR !

Et nan, vous rêvez pas ! Je suis de retour ! :D

Lys : Toutes nos excuses pour ces longs mois d'attente… Pas vraiment d'explications à donner, mis à part un manque de motivation et d'inspiration.

J'espère quand même que ce chapitre vous plaira :-)

Lys : Nous vous rappelons que le fanzine Sectumsempra, mon amour ? a tenu un stand à la Paris Manga 2012, à Porte de Versailles, et qu'il sera également présent à la Japan Expo de cet été !

N'hésitez pas à venir nous rendre une petite visite ! :D Le fanzine que nous avons produit avec nos petites mains recèlent quelques info' qui éclaireront la fin de ce chapitre… 8D


Sectumsempra, mon amour ?

Comme vous le savez peut-être , je suis en train de fonder un fanzine yaoi HPDM avec quelques copines.

Un fanzine est un magazine produit par les fans, comportant par exemple des illustrations ou autres. Notre fanzine sera composé d'OS illustrés ainsi que de quelques rubriques (par exemple des rubriques à propos des acteurs que nous avons rencontrés) et nous le complèterons de goodies, comme des cartes, posters, marques-pages, et autres !

Je vous invite donc à venir nous rejoindre sur notre page facebook ou sur notre forum, pour nous aider à créer notre fanzine ! (cf ma page de profil) Toute aide est la bienvenue, quelle qu'elle soit ! Un site est en cours de création, je vous tiendrai au courant ). Si vous avez des questions, n'hésitez pas.

Je vous informe également que, pour les intéressés, je vends des tomes de ma fic Existence dont le bénéfice reviendra à l'association (et n'ira donc pas dans mes petites poches).

Bon…

Ceci étant dit…

Je fais maintenant ma petite annonce perso ! Dans notre fanzine, je vais écrire un OS INEDIT portant sur le couple Théo/Seamus. En effet, dans cette fic, vous savez que ces deux-là vont finir ensemble, mais leur mise en couple ne sera qu'évoquée (et oui XD). Je vais donc écrire un OS qui traitera de leur mise en couple et qui ne sera publiée que dans notre fanzine :).

Je vous rappelle que le fanzine Sectumsempra, mon amour ? a pour projet de faire imprimer Papillon, en 5 tomes d'environ 200 pages.

Chaque tome couterait entre 7 et 8 euros, tous les bénéfices revenant exclusivement au fanzine bien évidemment.

Pour le moment, nous en sommes à une quarantaine de commandes.

Pour toute information complétementaire, n'hésitez pas à m'envoyer un mp :)


Bonne lecture !


Chapitre 36

« Bonsoir, Draco. »

Sa voix était calme, assurée.

« Je te souhaite un très bon anniversaire. Ta mère t'a appelé dans la journée, pour que nous le fêtions tous les trois, mais tu as refusé. Elle ne me l'a pas dit, mais je sais qu'elle s'est disputée avec toi. Elle avait tout préparé, pourtant : la salle à manger était décorée, elle avait acheté ton dessert préféré et ton cadeau se trouvait sur la table basse du salon, où nous aurions dû prendre l'apéritif. Loin de moi l'envie de te donner des remords, car même s'il y a beaucoup de choses en toi que j'ignore, je sais très bien que ce n'était pas ce que toi tu voulais. Tu aurais voulu une soirée tranquille avec Harry, n'est-ce pas ? Tu aurais voulu un dîner en tête-à-tête, et non pas une soirée avec tes parents, qui ne sont auprès de toi, on dirait, qu'aux grandes occasions. »

Il sentit sa gorge se serrer, et ses doigts se crisper sur le téléphone portable.

« Ta mère a eu Blaise au téléphone cet après-midi, et il lui a confirmé que tu ne voulais pas fêter ton anniversaire. Je t'avoue que j'ai été étonné, mais je pense que cela doit être à cause de Harry, n'est-ce pas ? Je ne sais pas, en fait. Je ne sais pas grand-chose de toi, en réalité. Je ne sais pas pourquoi tu as quitté la maison, comment tu vis actuellement, ni même ce que tu ressens. J'ai la sensation que je t'ai jeté dehors, alors que c'est toi qui es parti. Et je m'en veux. Je me sens coupable. »

Il serrait les dents, les yeux clos. Sa main tremblait un peu.

« Je dois te paraître pathétique, n'est-ce pas ? T'appeler ce soir, le jour de ton anniversaire, et parler à ta messagerie, alors que je devrais être devant toi pour te dire toutes ces choses. Mais la vérité c'est que je ne sais pas quoi te dire, quand je suis devant toi. J'ai l'impression qu'un fossé nous sépare, tout en ayant la sensation que je sais tout de toi, alors que le fait est que tu es presque un inconnu, pour moi. Je sais que tu aimes Harry, mais peut-être pas au point de continuer à te battre pour vous deux, alors qu'il déprime et qu'il a deux membres brisés. Je ne savais pas que tu avais des envies d'indépendance, comme Blaise l'a dit à ta mère. Je ne sais rien, de tout ça. Comme tu ne dois rien savoir de ce que je ressens, tous les jours, et particulièrement ce soir. J'ai la sensation que ce fossé entre nous est plus grand que jamais. »

Il pleurait, maintenant. Il n'arrivait plus à retenir ses larmes.

« Tu as vingt-trois ans, aujourd'hui. Et c'est sans doute la première fois que j'ai autant envie de te prendre dans mes bras. Te savoir loin de nous a changé ma vision des choses. C'est un peu comme si tu t'éloignais, de plus en plus, et que tu allais finir par disparaître. Tu es mon fils unique, et je ne veux pas te perdre, car alors je n'aurai plus rien. Tu as beau être homosexuel, donc destiné à ne jamais avoir d'enfants, tu restes mon fils et le bien qui compte le plus pour moi, pour nous. Donc je te demande, ce soir, à travers ce téléphone, de me pardonner pour ne pas t'avoir compris ce jour-là. Je dois te sembler pathétique, mais je sais que si je venais à ta rencontre, je n'aurai pas le courage de te dire tout ça. Je n'ai jamais été doué pour les beaux discours, ni même dans les discours tout court. »

Son père était en train de l'achever, à travers ce téléphone.

« Serais-tu d'accord pour dîner avec moi, samedi soir ? Rappelle-moi quand tu en auras le temps. Encore joyeux anniversaire, Draco. Passe une bonne soirée. »

Et ces derniers mots eurent raison de lui…

OoO

Le téléphone sonna une fois. Deux fois. Trois…

« Allô ? »

Voix mécontente. Ça commençait bien…

« Harry, c'est moi.

- Dray ? »

Toute de suite, sa voix devint plus joyeuse.

« Tu vas bien ?

- Oui, et toi ?

- Une infirmière qui est venu me prendre la tête. Elle devait changer mon bandage et elle m'a dit qu'il allait falloir me raser les cheveux !

- … et ?

- Comment ça, « et » ? C'est tout ce que tu trouves à dire ? »

Pendant un instant, Draco essaya d'imaginer Harry avec des cheveux courts. Il se dit qu'il allait regretter sa chevelure indomptable, qui lui donnait un air presque sauvage.

« Harry, si tu ne les coupes pas, tu vas rester avec un gros trou en plein milieu de ta tête et ce sera pire encore.

- J'adore comment tu me soutiens !

- As-tu vraiment envie de ne ressembler à rien ? Enfin, plus que d'habitude ?

- Draco !

- Tes cheveux vont me manquer, aussi, mais je préfère que tu les ais court plutôt qu'avec un trou en plein milieu. Les cheveux, ça repousse.

- Je suis moche avec les cheveux courts…

- Parce que tu crois que tu es sexy, avec tes plâtres ? Harry, je sais que tu aimes avoir les cheveux longs, mais ça va vite repousser.

- Tu t'en fous, que j'aie les cheveux courts ?

- Harry, que je sache, le fait que tu ais la jambe défoncée et le bras cassé ne m'a pas empêché de venir te voir quasiment tous les jours à l'hôpital et à te faire des déclarations enflammées. Tu crois qu'une nouvelle coupe de cheveux y changera quelque chose ? »

Harry se tut. Draco ne sut s'il l'avait vexé ou autre, et il regretta ses propos, mais la voix timide de Harry soulagea son cœur qui s'était soudain serré.

« Je pensais que c'était la goutte d'eau qui fait déborder le vase…

- Pour toi, oui. Mais s'il fallait te raser entièrement et récupérer ta jambe…

- Mais ça va pas la tête ? »

Sa voix était montée dans les aigues et Draco éclata de rire, ce qui attira le regard suspicieux de ses jeunes collègues de travail, assis loin de lui, du moins assez loin pour ne pas entendre distinctement sa voix.

« T'es taré ! Je suis pas une nana moi ! Mais j'y pense, Seamus s'épilait…

- J'ai jamais adhéré.

- Ah bon ?

- Non. Un homme, ça a des poils. Et ne rigole pas comme une baleine, Harry !

- Donc j'abandonne l'idée de m'épiler, c'est ça ?

- Pose ne serait-ce qu'une seule bande sur la moindre partie de ton corps, et tu vas le sentir passer. »

Et Harry rigolait encore au téléphone. Draco était sorti avec suffisamment d'hommes pour reconnaître que Harry était loin d'avoir une pilosité débordante, il en avait même été plutôt étonné la première fois qu'il l'avait vu en serviette. Il était brun pourtant… et l'imaginer sans aucun poil sur lui, que ce soit son torse, ses jambes ou entre ses cuisses le remplissait d'effroi… Non, jamais Harry ne s'épilerait, il avait eu du mal à accepter les jambes impeccables de Seamus, il n'était pas prêt à assumer un petit ami adepte de l'épilateur une nouvelle fois… Cela dit, ce n'était pas désagréable de l'entendre rire…

« C'est bon, t'as fini ?

- T'es adorable, Draco…

- Parce que je t'interdis de t'épiler ?

- C'est toi qui as lancé le sujet, chéri…

- C'est toi qui t'es plaint de tes cheveux.

- Tu dînes avec les autres, ce soir ?

- Quel beau changement de sujet, Potter…

- Malfoy, cesse donc de faire du mauvais esprit.

- Oui, Blaise vient me chercher ce soir. »

Draco s'en voulait de passer cette soirée sans Harry, mais comme le brun le lui avait déjà dit, il n'avait pas à se priver de vivre à cause de lui, surtout que c'était son anniversaire. D'ailleurs, son petit ami l'encouragea à s'amuser sur un ton jovial et sincère. Sans doute son cœur serait plus allégé s'il savait que Draco profitait quand même un peu de son anniversaire…

« Dis… je peux te parler de quelque chose ?

- Oui, bien sûr. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Mon père m'a appelé, hier. »

Il y eut un court silence au bout du fil. Le cœur de Draco battait à la chamade. Il n'en avait parlé à personne et il avait attendu toute la journée pour appeler Harry, refusant de se cacher dans un coin de la banque pour passer un coup de fil.

« Et ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ? »

Le blond lui résuma l'appel, et quand le tatoueur lui demanda comment il se sentait vis-à-vis de ça, Draco lui avoua à mi-mot qu'il était bouleversé. Il avait l'étrange sensation que c'était la première fois que son père s'ouvrait autant à lui, et le fait qu'il l'ait fait au téléphone ne gâchait en rien le message qu'il avait voulu lui transmettre. Draco ne savait quoi en penser et se sentait angoissé à l'idée de se retrouver face à lui. De l'autre côté du fil, Harry l'écoutait patiemment, comme il le faisait toujours quand le blond avait quelque chose sur le cœur.

« Tu ne l'as pas rappelé, je suppose.

- Tu supposes bien…

- Draco, tu as envie de le voir, non ? Rappelle-le et accepte le rendez-vous. Je sais ce que tu vas me dire : tu as quitté la maison, tu vas te sentir comme un con devant lui, mais si ton père t'a appelé et dit tout ça, c'est que tu lui manques et qu'il a besoin de toi. Je ne pense pas que ton père soit comme ta mère : il ne se fait pas d'illusions et il sait très bien que tu ne rentreras jamais chez vous. Mais ce qu'il doit savoir, c'est qu'il t'aime, et que te perdre ferait un gros trou dans sa vie.

- On a peu de contacts, Harry, comme c'est le cas dans beaucoup de familles…

- Mais c'est ton père, Dray ! Il a toujours tout fait pour que tu ne manques de rien, il a même accepté ton homosexualité. Il a fait plus que tu n'aurais pu espérer… Il m'accepte, aussi, il accepte beaucoup de choses, Draco. Tu l'as déçu et blessé, tu t'es comporté comme un gamin. Vous avez des tords tous les deux, il n'y a pas qu'un seul coupable, et vous le savez tous les deux. Ton père a fait le premier pas pour te récupérer, à toi de faire le second. Tu es son fils, son seul enfant, et je pense qu'il éprouve pour toi assez d'amour pour te pardonner ce que tu as fait. »

Draco l'écouta parler en silence. Ses mots lui réchauffaient le cœur, le soulageait d'un poids. Il était toujours aussi angoissé à l'idée d'appeler son père et de fixer ce rendez-vous, mais il avait la sensation que cela ne pourrait que bien se passer. Pourtant, Harry connaissait peu Lucius et n'avait jamais voulu le connaître, vu ce qu'il avait fait à Isaline, mais il avait suffisamment mangé en sa présence pour être capable de se faire une idée du personnage. Du moins assez pour affirmer que l'homme tenait à son fils unique.

« Je vais l'appeler après le travail.

- Tu as raison. Tu finis à 16h, c'est ça ?

- Tu veux que je passe te voir ? »

Son silence était significatif. Draco ne put s'empêcher de sourire.

« Je passerai juste après le travail.

- T'es gentil. Je m'ennuie…

- Cho ne devait pas t'apporter un livre électronique ?

- Si, je l'ai, mais je m'ennuie quand même. Ce sera mieux quand je serai à la maison… Je me sens un peu abandonné.

- On ne peut pas…

- J'aime pas vraiment quand on vient me voir, je me sens misérable. Ce qui me dérange le plus, c'est d'être dans un hôpital.

- On ne peut pas t'en sortir maintenant, Harry…

- Je sais. Mais j'ai vraiment envie de rentrer à la maison. T'as dormi dans mon lit, hier soir ?

- Oui. Le matelas est plus confortable. »

Et surtout, il y a ton odeur…

« Tu m'étonnes ! C'est un miracle que tu ais tenu si longtemps sans aller dans ma chambre.

- Harry, je vais te laisser, c'est la fin de la pause. Le temps d'arriver, il sera à peu près 17h.

- Je t'attends.

- A tout à l'heure. Je t'aime, mon ange…

- Moi aussi, Dray… »

Et il raccrocha.

OoO

Ils s'étaient tous réunis dans un restaurant plutôt sympathique et assez grand pour que leur chahut passe plus ou moins inaperçu. Ce n'était pas comme s'ils avaient décidé de faire l'ambiance du restaurant à eux tous seuls, mais les jumeaux étaient particulièrement bruyants et tous voulaient faire oublier l'absence de Harry, ce qui s'avéra plutôt difficile.

Draco n'était pas vraiment d'humeur triste. Il souriait et parvenait même à rire aux plaisanteries des jumeaux, mais il y avait une certaine réserve en lui, qui n'avait absolument rien de forcée et qui paraissait somme toute assez naturelle. Assis près de lui, Blaise s'était demandé si cela n'était pas dû, en parti, au fait qu'il était allé voir Harry avant le dîner, puis il s'était dit qu'il n'y avait pas de raisons que cette visite l'assombrisse plus que s'il n'était pas allé le voir du tout. Aucune de ces deux solutions n'auraient pu le mettre de meilleure humeur.

Cela dit, son ami semblait aller un peu mieux qu'il ne l'aurait cru de prime abord. Blaise s'attendait à le voir très renfermé sur lui, car même s'il s'était réconcilié avec Harry la veille, il y avait des souffrances en lui qui mettraient du temps à disparaître, d'autant plus que le tatoueur n'était pas là ce soir pour fêter cet anniversaire avec eux. Mais Draco semblait prendre sur lui et son regard s'était comme éclairci. Il ne parlait pas des masses et riait peu, mais il parvenait à sourire et à écouter les gens autour de lui sans s'enfermer dans sa bulle, refusant de fêter sa vingt-troisième année.

Tout le monde s'était réuni pour son anniversaire, que ce soit Ron, Cho ou encore Luna. Tous étaient réunis autour de la table, parlant joyeusement tout en dînant, essayant de combler, sans y parvenir, le silence tenace de Harry. Harry, qui aurait tenu la main de Draco tout du long, qui l'aurait embrassé sur la joue à un moment de la soirée, et qui aurait mangé avec eux une part de gâteau tout en « aidant » son petit ami à ouvrir ses cadeaux. Mais ce soir, le blond était seul, coincé entre Blaise et Théo.

Une place de choix, pour l'étudiant, il n'aurait pu rêver mieux. Il n'aurait pas supporté toute la soirée la compassion de Hermione et Millicent, la douce folie de Luna qui cachait ses souffrances sous son léger sourire ou encore Ron, son bras en écharpe et le moral plus ou moins bas. Devant lui, Seamus s'était imposé, tout sourire. Le blond n'aurait jamais cru le penser un jour, mais l'avoir là, devant lui, lui faisait du bien. Même s'il voyait que son regard déviait souvent vers son voisin de table, comme s'il espérait que Théo lui adresse la parole, ce qu'il fit peu pendant tout le reste de la soirée… Aux côtés de Seamus, il y avait Cho, délurée au possible, et Fred, à moins que ce soit Georges. L'excitation de ces trois énergumènes contre l'étrange calme de Seamus, qui attira son attention à chaque fois que Draco commençait à s'agacer de leur comportement trop joyeux, trop vivant pour lui.

Oui, en somme, il passa une bonne soirée, même s'il céda et finit par envoyer quelques textos à Harry qui lui répondit aussitôt, comme s'il n'attendait que cela. Ni Blaise, ni Théo, ni Seamus qui virent très bien son manège ne lui en tinrent rigueur, pas plus que les autres. Personne ne fit d'ailleurs de remarque. On parla un peu de Harry, mais pas trop, car dans le fond il n'y avait pas grand-chose à dire. Il était d'une humeur exécrable ces derniers jours et tous savaient que c'était dû à une dispute avec le blond, qui s'était résolue la veille. Mais inutile d'en parler ce soir, alors que le blond avait un peu retrouvé le sourire.

L'ambiance se détendit petit à petit, au fil de la soirée. Draco ne regretta pas de l'avoir passée avec eux. Avec ses amis. Cela ne faisait même pas un an qu'il les connaissait, pour la plupart, et pourtant il avait la sensation que cela faisait des lustres qu'ils se connaissaient. Et cela lui fit du bien de se sentir entouré et soutenu, leur réserve à propos de Harry étant la bienvenue. Oui, il passa une très bonne soirée, et quand ils se séparèrent chacun de leur côté, rentrant chez eux, il eut ce même petit pincement au cœur qu'eux. Celui qu'on ressent en quittant ses amis, après une agréable soirée.

Ce fut Blaise qui le ramena chez lui. Draco aurait pu emprunter la voiture d'Isaline, cette dernière passait la soirée chez Rémi, mais le Noir avait prévu de faire boire un peu son meilleur ami donc il était hors de question qu'il conduise. Il y était d'ailleurs parvenu, même si cela s'était résumé à un verre de vin, rien de bien méchant en somme.

Dans la voiture, un silence agréable, ponctué de quelques paroles, s'était installé entre eux. Blaise était satisfait de voir son meilleur ami aussi bien, en dépit tout ce qui s'était passé peu de temps auparavant. Ils en vinrent à évoquer Harry et Blaise voulut changer de sujet, mais Draco ne le laissa pas faire. Il avait besoin de parler un peu, apparemment.

« Il va mieux, j'ai l'impression. Je suis allé le voir après le travail. Bon, son humeur n'a pas changé radicalement, mais il fait des efforts.

- On essaie d'aller le voir régulièrement, mais c'est pas facile, avec le travail, et puis… à un moment, il était vraiment d'une sale humeur, apparemment.

- On s'était engueulé. J'ai crevé l'abcès, on va dire.

- C'est ce que j'ai cru comprendre…

- C'est pas facile à gérer. Harry se prend beaucoup la tête, il se fait du mal tout seul, et quand on essaie de lui faire comprendre que ça va s'arranger et que son état ne change rien pour nous, il continue à se faire du mal en nous attaquant. C'est banal comme réaction, j'aurais sûrement la même à sa place, mais c'est rageant de le voir souffrir à ce point alors que mes sentiments n'ont pas changé depuis l'accident.

- Tu l'aimes encore plus, si je ne me trompe… »

Draco eut un léger sourire et échangea un regard complice avec son ami.

« Il a la sensation de ne pas me mériter. Enfin, il y a plein de choses… Le moindre souci prend des propositions énormes. Tiens, par exemple : il vient d'apprendre qu'il doit se raser la tête, à cause de sa blessure, sinon ça fera un gros trou sur le côté de sa tête. Il était surexcité au téléphone, et cet après-midi, il m'en a encore parlé.

- Se raser la tête, c'est pas grand-chose comparé à ce que son corps a subi. Je comprends ce que tu ressens Draco, tu as plus de recul donc toi tu vois ce qui cloche, sans t'attacher aux détails. Mais Harry sait que son physique va en souffrir, de cette histoire, et en plus on veut lui couper les cheveux. Il ne ressemble plus à rien, ses angoisses sont bien compréhensibles…

- Je ne dis pas que je ne les comprends pas, Blaise, je dis que j'ai du mal à le gérer. Si je vais dans son sens, il n'en finira plus de se plaindre et il s'enfoncera dans un cercle vicieux et il va tomber dans une vraie dépression. Tout ce que je peux faire, c'est lui faire comprendre que ça va s'arranger. Je suis le seul à y croire. Si je ne l'aimais pas autant, ça ne tiendrait plus, entre nous deux.

- Il a été si odieux que ça ? »

Il y eut un silence. Arrêté à un feu, Blaise jeta un coup d'œil à Draco, qui semblait soudain tendu. Et… un peu blessé.

« Peut-être pas odieux. Mais il a remis en cause notre couple et les sentiments que j'ai pour lui. Il en venait à vouloir que je m'en aille. Il ne voyait que ses propres souffrances, sans penser à ce que moi j'avais ressenti, et ce que je vivais au quotidien. Donc j'ai craqué. Il y a des mots qui font mal, j'ai toujours tout supporté en silence, mais là, j'en pouvais plus.

- T'étais le seul à pouvoir arranger la situation, de toute façon…

- Oui. Isaline ne pouvait pas le faire. Il lui prenait la tête mais… c'est différent. »

Draco ne pouvait pas lui dire que Harry avait plus souffert à l'idée de perdre sa mère que son petit ami, et que sa tentative de suicide était davantage motivé par la souffrance due à ce décès qu'autre chose. Harry ne pouvait pas faire les mêmes reproches à sa tante, parce qu'elle avait été et serait toujours là pour lui, parce que leur lien n'était pas aussi fragile et récent que celui qui l'unissait à Draco. C'était complètement différent.

« Enfin, maintenant ça va un peu mieux. Mais ça mettra du temps à disparaître…

- Qu'est-ce qui pourrait arranger la situation ? Enfin, l'aider ? Peut-être que si on va plus le voir…

- Il n'aime pas trop les visites, il se sent misérable. Non, ce qui arrangerait les choses, ce serait qu'il rentre chez lui. Quand il sera dans sa maison, dans sa chambre, ça ira déjà mieux.

- Il te l'a dit ?

- Oui. Il doit rester encore une ou deux semaines à l'hôpital. Apparemment son cou va bien donc on ne devrait pas tarder à lui retirer sa minerve. On va essayer de négocier pour qu'il rentre.

- Sans vouloir te déprimer d'avance, Dray, quand il sera de retour chez lui, il va vous rendre la vie impossible, entre les toilettes, la salle de bain…

- Oh je t'en prie Blaise, ne m'en parle pas, ça va être l'Enfer… »

Le Noir eut un léger rire alors que Draco se plaignait d'avance de cette étape terrible qu'allait être son retour : à chaque fois que Harry aurait besoin d'aller aux toilettes, Draco ou Isaline, voire même Nymph', devraient l'y emmener et ça allait être la crise, à tous les coups. De même, pour l'emmener se laver, donc le déshabiller, le faire entrer dans la baignoire, l'en extraire et enfin le rhabiller, Draco allait morfler.

« D'ailleurs, j'ai dit que son retour allait lui remonter le moral, j'ai jamais dit que ça allait remonter le mien !

- Tu vas en chier, Dray !

- Je veux pas y penser. Lui faire comprendre que ça me dérange moins de m'occuper de lui plutôt que de m'occuper de gens que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam, ça va être mission impossible…

- Quand il n'aura plus son plâtre sur son bras, les choses seront plus faciles, je pense. Il sera un peu plus autonome. Je le vois bien faire des heures et des heures de rééducation, rien que pour être capable de se tenir sur des béquilles…

- Je le vois très bien faire ça, en effet… »

Ils ne tardèrent pas à arriver chez Isaline. Draco propos à Blaise de rester un peu mais le jeune homme était fatigué : il n'était pas tard, à peine vingt-trois heures, mais ils travaillaient tous les deux le lendemain. Ils se séparèrent donc, non sans un sourire.

La maison était vide. Il n'y avait que la petite Liloute qui sautillait devant lui, heureuse de ne plus être seule. Il la prit dans ses bras quelques instants jusqu'à ce que qu'elle se calme, puis il la reposa sur le sol. Draco alla se brosser les dents, puis se réfugia dans sa chambre pour se changer et enfiler son pyjama.

Enfin, il prit son téléphone, sélectionna le nom de son père, et l'appela. Il était tard, il aurait dû l'appeler plus tôt, peut-être même que Lucius dormait. Mais Draco n'avait pas eu le temps de le faire dans l'après-midi : il avait passé un temps fou à l'hôpital, incapable de quitter Harry qui, bien qu'étant un peu irritable quand il était arrivé, s'était montré plus qu'agréable le reste du temps. Puis il avait dû rentrer, et il était hors de question d'avoir une conversation téléphonique avec son père dans le métro, et pour finir, il y avait eu le dîner, Blaise étant déjà arrivé chez Isaline.

Pendant quelques instants, Draco espéra que son père soit couché, mais c'était mal le connaître. Non pas que son père soit spécialement un couche-tard, mais il n'était ni assez âgé ni assez fatigué pour arrêter ses activités et, étant issu des hautes classes de la société, il était évident qu'il était régulièrement convié à des galas ou repas. Et il fallait croire que c'était le cas ce soir-là…

« Bonsoir, Draco.

- Bonsoir, Papa. Excuse-moi de t'appeler si tard, j'ai été occupé aujourd'hui.

- Ah oui ?

- Je suis passé voir Harry cette après-midi après le travail et j'ai dîné avec des amis pour mon anniversaire. Comment vas-tu ?

- Mieux maintenant que je t'ai au téléphone. Et toi ? Ils ne te maltraitent pas trop, dans cette banque ?

- Si on peut considérer que me forcer à supporter des auxiliaires de vacances obnubilés par leur nombril est de la maltraitance, oui, ils ne sont pas tendres avec moi. »

Son père eut un léger rire, qui soulagea un peu le cœur de Draco.

« Tu comptes travailler un second mois ? Le directeur m'en a vaguement parlé quand je l'ai rencontré, hier. D'ailleurs, il est très satisfait de ton travail. Je ne sais pas exactement ce que tu fais de tes journées, mais apparemment ta collaboration est ce qui pouvait arriver de mieux à cette banque.

- Oui, j'ai demandé à travailler un second mois, mais on ne m'a pas encore donné de réponse. J'ai besoin d'argent pour l'an prochain. Et je te rassure tout de suite, je ne fais que de la rentrée de données.

- Pourquoi as-tu besoin d'argent ?

- Pour mes dépenses quotidiennes. Je ne vivrai pas éternellement chez Isaline. Et non Papa, je n'ai pas besoin de ton aide, je peux me débrouiller seul. J'ai des économies et je peux travailler à côté. Blaise vivra sûrement avec moi.

- Ça ne me plait pas de te laisser comme ça, Draco. Tu n'as jamais vécu hors de la maison et ton actuelle logeuse a laissé entendre que tu ne repassais pas ton linge.

- Elle t'a dit ça ? »

Draco était interloqué. Il refusa de souligner le fait que son père l'ait appelé et qu'elle ne lui ait rien dit.

« Disons qu'elle l'a sous-entendu.

- Tu ne connais pas Isaline.

- C'est-à-dire ?

- C'est une Maman. Quand tu lui proposes de laver par terre, de repasser ou même de faire la cuisine, elle t'envoie valser à l'autre bout de la maison. Il faut vraiment qu'elle soit fatiguée ou que tu la devances pour arriver à faire quelque chose avec elle. Donc contrairement à ce que tu penses, je sais repasser une chemise, et sans vouloir te vexer, je ne sais pas si tu en es toi-même capable. »

Le léger rire de son père lui signifia que, en effet, il ne savait pas le faire.

« Tu sais, j'ai vingt-trois ans, Papa.

- Je sais. Serais-tu libre ce week-end pour les fêter en ma compagnie ?

- Maman peut venir, si elle veut.

- J'ai envie de te parler seul à seul et c'est impossible avec ta mère. Elle est encore en rogne parce que tu n'es pas passé à la maison pour ton anniversaire, donc je pense que notre soirée va plutôt mal se passer si jamais elle vient. Tu la connais… »

Oh oui, il la connaissait… Il n'avait proposé sa venue que par courtoisie, sachant déjà qu'il devrait essuyer des reproches de sa part. Il savait que ce serait plus facile si elle était là, car son père aurait une plus grande réserve, mais ils avaient besoin d'une conversation, tous les deux, qui ne pouvait exister si Narcissa était présente.

« Je suis libre samedi soir.

- Très bien. Je viendrai te chercher, disons, vers 19h. Ça te va ?

- C'est parfait. A samedi, donc.

- A samedi. Passe une bonne nuit, Draco.

- Toi aussi, Papa. »

Puis, l'étudiant raccrocha, le cœur soudain plus léger. Il avait battu si fort pourtant pendant la conversation, mais à présent, c'était un peu comme si un poids venait de se retirer. Le blond se coucha, en paix avec lui-même.

OoO

C'était certainement la première fois depuis le réveil de Harry que Ron riait autant, et les jumeaux aussi, par la même occasion. Pourtant, rien ne laissait présager que la journée ou même cette visite seraient agréables : il faisait un temps de merde, il pleuvait des cordes, Hermione lui prenait la tête avec ses résultats de partiels et, en plus, Ginny avait insisté pour les accompagner. Que des ennuis, en somme…

En réalité, pour être honnête, Harry ne s'était jamais montré particulièrement méchant avec Ron depuis son réveil. Il n'était pas franchement joyeux mais il ne lui avait jamais fait subir ses remarques sarcastiques. D'un autre côté, Ron n'avait pas rechigné quand Harry lui avait quasiment ordonné de lui parler d'autre chose que de l'hôpital, et le rouquin pensait, à juste titre, que le fait d'avoir assisté à l'enlèvement le rendait un peu différent aux yeux du tatoueur. Ce dernier se montrait parfois doux avec lui, quand ils évoquaient son bras et la rééducation que Ron était en train de suivre. Non, en vérité, Ron n'avait jamais eu à se plaindre de Harry.

Les jumeaux non plus d'ailleurs. Quand ils rendaient visite à Harry, ils n'y allaient jamais seuls, ils accompagnaient toujours Ron, ce que ce dernier avait trouvé plutôt bizarre au début. Sans être les meilleurs amis du monde du brun, Fred et Georges étaient quand même proches de lui, et ce qui était encore plus étrange, c'était qu'ils soient si calmes dans la chambre. Ils plaisantaient avec Harry, allégeant l'ambiance et parvenant même à le faire sourire, mais ils étaient… gentils. Presque tendres. Pas dans l'excès, comme c'était le cas habituellement.

Ce qui était arrivé au brun les avait chamboulés, comme tout le monde. Jamais Ron ne les avait entendus plaisanter sur le sujet ou en parler avec légèreté, et il n'avait pas eu d'échos non plus, alors qu'il savait très bien que ses frères pouvaient parfois avoir un humour douteux. Et le jeune homme finit par comprendre que, si les jumeaux n'y allaient jamais seuls, c'était parce qu'ils savaient qu'ils ne parviendraient pas à faire rire Harry, car celui-ci ne seraient pas de très bonne humeur, et les jumeaux n'auraient pas la force de le faire sourire. Ce qu'il avait fait les avait plus touchés qu'on aurait pu le penser, et être en présence de Ron leur retirait un poids. C'était plus facile.

Mais jusque là, Ginny n'était jamais venue. Pourtant, les invitations ne manquaient pas : plus d'une fois, les jumeaux lui avaient proposée de les accompagner : Harry n'allait pas bien et il devait se sentir soutenu. Ils s'étaient même énervés contre elle : pendant un bon bout de temps, elle lui avait couru après, et maintenant, elle refusait d'aller lui rendre visite ? Le fait qu'il soit dans un sale état et que ce serait trop dur de le voir ainsi n'était apparemment pas un argument valable pour Fred et Georges. Ni même pour Ron, d'ailleurs, mais il avait préféré ne pas s'en mêler.

Jusqu'à ce matin, où elle leur avait annoncé de but en blanc qu'elle voulait les accompagner. Ron était passé chez ses parents pour déjeuner avec eux et les jumeaux devaient le récupérer juste après pour aller rendre visite à Harry. Ron ne lui avait pas caché son étonnement mais ne fit aucune remarque. Ce ne fut pas le cas de ses frères qui refusèrent de prime abord de l'emmener, vu qu'elle avait toujours refusé jusque là. Le mécano avait ouvert de grands yeux devant la réaction des jumeaux, eux si taquins mais si serviables pourtant… Enfin, surtout pour lui, Fred et Georges ne s'étaient jamais comportés comme des cons avec lui.

Finalement, Ginny était quand même venue avec eux. Elle avait boudé pendant tout le trajet, ignorée par les jumeaux qui firent la causette à Ron, qui préféra ne pas parler à sa sœur. Elle était déjà d'assez mauvaise humeur, ce n'était pas pour la faire empirer. Aller voir Harry allégeait un peu son cœur, en dépit de tout ce qui s'était passé jusque là, et il ne voulait pas pourrir cette visite parce qu'il avait malencontreusement attisé l'énervement de sa frangine.

A l'hôpital, Ron sentit la pression monter en lui. Il ne savait pas comment allait réagir Ginny et il craignit sa réaction en voyant Harry tout plâtré. Ce n'était certes pas la première fois qu'elle voyait quelqu'un avec un membre dans le plâtre, mais le jeune homme ne ressemblait plus à grand-chose depuis l'accident. Et autant dire qu'il ne fut pas déçu…

Ron entra le premier, saluant joyeusement son ami qui lui fit un sourire en réponse, puis les jumeaux arrivèrent à leur tour, sautillant presque sur place. Et enfin, il y eut Ginny. Ginny, avec son léger sourire, qui eut comme un blocage en entrant dans la pièce, quand son regard se posa sur Harry. Ron crut mourir de honte, sa sœur fixant Harry comme si elle voyait un inconnu, ou quelque chose de peu agréable à regarder. Harry, lui, ne manifesta aucune émotion.

Mais la situation dériva. Ginny demeurait silencieuse et réservée, regardant toujours Harry. A croire qu'elle ne parvenait pas à supporter le choc. Les jumeaux finirent par évoquer Draco, dont ils avaient fêté l'anniversaire la veille. Ron ne savait pas si c'était très judicieux d'en parler mais son ami ne montra aucune exaspération ou autre sentiment du même genre, leur demandant même si tout s'était bien passé et si son petit ami avait passé une bonne soirée. Et alors sa sœur fit preuve de mauvais esprit : elle sous-entendit que Draco avait forcément passé une bonne soirée vu qu'il était entouré de ses amis, un peu de bonne humeur ne lui ferait pas de mal vu les circonstances. Elle ignora Ron qui lui fit les gros yeux, partant sur sa lancée.

A la plus grande surprise des trois frères, Harry réagit très calmement à ses propos. Quand elle parla des problèmes qu'il devait rencontrer avec Draco, à cause de ses plâtres, de l'état de son visage et prochainement de ses cheveux, Harry ne s'énerva pas une seule seconde, souriant à peine et lui répondant avec une douceur acide qui l'irrita petit à petit, la poussant dans ses derniers retranchements. Ron ne savait pas où elle voulait en venir, et la goutte d'eau qui fit déborder le vase fut quand sa sœur dit au brun qu'il avait bien de la chance que Draco soit assez désespéré pour s'accrocher à lui. Il crut qu'il allait l'étriper, mais…

« Au moins, ça prouve qu'il m'aime. Je ne sais pas si ton actuel petit copain serait capable de venir te voir tous les jours si tu étais dans mon état. Oh, mais suis-je bête… Aucun ne t'a aimé assez de toute façon pour te faire subir ce que j'ai vécu. »

A ce moment-là, elle devint limite hystérique. Harry avait compris avant les rouquins où était le problème : il n'était plus le beau tatoueur musclé et souriant, mais un tas de chair et os comprimés dans des plâtres blancs, la tête enturbannée et le visage abimé. Elle ne parvenait pas à comprendre comment il avait pu en arriver là, comme Draco pouvait encore être là, et elle n'arrivait pas non plus à supporter cette vue, si loin de ce que son Harry à elle avait été. Son comportement était quasiment une insulte pour lui et Draco, une humiliation de plus. Maintenant il était sur la voie de la guérison, il était hors de question que cette gamine qui ne représentait rien pour lui vienne lui casser les couilles avec son comportement stupide.

Confrontée à la colère froide de Harry, Ginny s'enfonça, lui reprochant presque sa tentative de suicide, et quand elle parla de cela, Fred se leva pour la saisir par les épaules, lui ordonnant de se la fermer. Mais Harry, avait un calme étonnant, répliqua à la jeune femme qu'elle n'était qu'une gamine et qu'elle avait toujours grandi dans l'amour et l'insouciance, elle ne pouvait pas comprendre ce qu'il avait ressenti pendant sa séquestration. De toute manière, elle n'avait jamais cherché à le comprendre, étant trop superficielle pour cela, et il l'enfonça encore un peu. Ron se demanda, en voyant la scène, si ce n'était pas toute la tension accumulée par Harry qui s'écoulait de sa bouche, lui crachant au visage tout ce que Draco avait enfin réussi à lui enfoncer dans le crâne et tout ce qu'il avait réussi à lui faire accepter.

Elle finit par quitter la chambre, laissant derrière elle un silence troublé. Et, nerveusement, les jumeaux éclatèrent de rire. Bien malgré lui, Ron les rejoignit dans leur hilarité, et étonnement, Harry se joignit à eux, mais pas longtemps, car il fit un mouvement avec son cou et cela lui fit mal. Mais les rouquins eurent du mal à se remettre de leur four rire, surtout les jumeaux, qui se mirent à singer leur sœur, parlant d'une voix haut perché et adoptant les petites manies de la benjamine. Harry rit à gorge déployée, toute tension retombée, et Ron se tenait les côtes.

Le départ de sa sœur fut comme un soulagement, une libération. Cette scène plus ou moins surréaliste perturbait pourtant Ron, qui ne comprenait pas le comportement de sa sœur, même s'il était évident que voir Harry dans cet état l'avait désillusionnée, mais ce qui le dérangeait le plus, c'est qu'elle n'ait pas essayé de comprendre la situation, qu'elle ait fermé les yeux sur la douleur de Harry, sur ce qui l'avait poussé à sauter. Quand il finit par avouer le fond de sa pensée à son ami, les jumeaux soupirèrent de concert et Georges lui dit que tout ça l'avait chamboulée.

« Personnellement, j'ai pas eu l'impression que…

- Harry, c'est son béguin depuis au moins quatre ans. Elle a beau avoir fréquenté je ne sais combien de mecs…

- … elle est toujours restée à fond sur lui. Imagine le choc quand elle a appris qu'il avait essayé de se suicider après s'être fait kidnapper. »

C'était trop compliqué à expliquer, à vrai dire. Trop compliqué à comprendre, ce que Ginny avait pu ressentir, au moment où elle avait su ce qui s'était passé. Au moment où le visage de Harry s'était brisé dans son esprit, lui et les sentiments qu'elle éprouvait encore pour lui avaient perdu de leur attrait. C'était compliqué. On ne pouvait pas juger. Certes, le comportement de la jeune femme n'était pas vraiment des plus conseillé, quand on savait dans quel état mental se trouvait Harry, mais on ne pouvait nier ce qu'elle éprouvait : des illusions brisées, un amour évaporé, la mort qui l'avait frôlé… On ne réagit pas tous pareils face à la mort. Pour Ginny, c'était un acte stupide, et c'était comme si quelque chose avait été brisé. Une sorte de trahison, en quelque sorte.

Et les autres auraient pu ressentir eux aussi cette sensation de trahison. Cela leur était venu à l'esprit, si certains y pensaient très sérieusement, mais ce sentiment amer avait rapidement été remplacé par l'inquiétude et la tristesse, car l'amitié et l'amour qui y était lié était plus fort que cela. Harry était leur ami, ils n'avaient pas à le juger. Au contraire, ils devaient le soutenir, et peut-être essayer de comprendre, de lui faire des reproches, quand tout irait mieux, quand ses idées noires se seraient dissipées…

Oui, selon certains, ils étaient trop gentils. Trop compréhensifs. Mais aucun d'entre eux ne voulait faire du mal à Harry, de quelque façon que ce soit, car le jeune homme, en de pareilles circonstances, n'aurait pas agi de façon à leur mettre les yeux en face des trous : il leur aurait caressé dans le sens du poil, fermant sa bouche, et faisant tout pour rendre leur quotidien plus supportable. Il aurait été compréhensif. Parce qu'on n'a qu'une vie, et que celle de son ami avait failli disparaître, pour ne plus jamais exister.

Les reproches et la rancœur viendraient plus tard. Bien plus tard.

OoO

« Elle a quoi ?

- Dray…

- Mais quelle salope !

- Blaise !

- Hey mais je sais pas ce qu'elle a bu ou sniffé avant de venir, cette conne, mais elle aurait mieux fait de s'abstenir !

- J'en reviens pas qu'elle t'ait fait une scène pareille !

- Ecou…

- Putain mais les jumeaux, ils ont pas assuré sur ce coup-là !

- Même Ron, il aurait pu la faire taire !

- Moi je trouve que ce n'est pas une mauvaise chose. »

Draco et Blaise lancèrent un regard éberlué vers Luna qui s'amusait à faire une fleur sur le plâtre blanc de Harry.

« Ginny a dit ce qu'elle avait sur le cœur : l'image idéalisée qu'elle avait de Harry s'est brisée et en venant ici, c'est un peu comme si tout ça devenait plus concret. Moi je trouve ça bien : Harry a su prendre sur lui pour lui répondre, digérer tout ça, et il ne déprime pas. »

Blaise voulut répliquer mais sa petite amie le devança, alors que Draco regardait à présent le tatoueur, scrutant son visage comme pour y chercher la moindre trace de dépression.

« Harry a de la chance que personne ne se détourne de lui, nous sommes assez tolérants et nous l'aimons assez pour ne pas lui tourner le dos. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde et, toujours, il devra supporter le regard des autres, même si sa jambe se rétablit. Il y aura toujours des séquelles. Et tu as bien réagi, Harry. »

Clairement, Blaise n'était pas du tout de cet avis et ne manqua pas de le dire à Luna qui, très sérieuse, lui répondit avec un calme olympien sans jamais dévier de son idée. Draco comprenait le principe mais ce n'était pas pour autant que sa colère envers Ginny décroissait. Harry vit bien qu'il était furieux et regretta d'avoir évoqué cette visite. Il prit la main du blond, qui le regardait toujours.

« Je vais bien, Dray. Okay ?

- Tu me le dirais, si ça n'allait pas ? »

Non loin d'eux, Blaise et Luna se prenaient toujours la tête, le premier haussant le ton et l'autre demeurant toujours aussi calme, sans se démonter.

« Oui. »

Harry eut un sourire, que Draco lui rendit, un peu rassuré.

« Mais je vais bien. Je m'en fous, tu sais. Tant que toi, tu ne me regardes pas avec dégoût, ça va.

- Elle ne t'aimait pas assez.

- Elle ne m'aimait pas comme toi. »

Draco leva les yeux au ciel, comprenant le sous-entendu : c'était certain, il l'aimait de façon bien plus profonde, s'attachant bien plus aux traits de sa personnalité qu'à son physique même. Harry éclata de rire quand il entendit Blaise lâcher prise, en ayant assez de se battre contre Luna qui avait toujours raison de toute façon, même s'il continuait toujours intérieurement à traiter Ginny de tous les noms d'oiseaux qu'il connaissait.

« Vous avez fini de vous disputer ?

- Elle ne veut pas comprendre !

- Tu es trop obtus, Blaise. Tu as des lutins de Cornouailles qui s'agitent au-dessus de ta tête.

- Mais pourquoi ne veux-tu pas comprendre que Ginny n'est qu'une conne qui ne pense qu'à faire du mal autour d'elle ?

- Ne parle pas si fort, tu vas attirer des nargoles et Harry va avoir mal à la tête. »

Draco et Harry riaient sous cape, leurs mains liées, regardant Blaise essayer de répliquer mais sans grand succès, trop faible par rapport à cette jeune fille si calme qui détournait toutes ses attaques sans le moindre effort. Cela faisait du bien au tatoueur de la voir ainsi, souriante et apaisée. Elle repartait à Londres en début de soirée, emmenée à la gare par Blaise, elle était donc venue lui rendre une dernière visite. Le hasard faisait que Draco était également présent, étant passé après sa journée de travail. Et les avoir tous les trois dans sa chambre lui faisait du bien, car quand Luna était là, la honte et le mépris de soi s'envolaient. Luna le regardait toujours de la même façon, s'amusant à dessiner sur ses plâtres, et Blaise, bien que son regard s'attarda sur ces mêmes plâtres, déconnait toujours de la même manière, sans être lourd ni agaçant.

Et Draco… Draco semblait plus libéré. Plus lui-même. Un peu comme si leur réconciliation avait plus ou moins effacé les horreurs que Harry avait pus lui dire et les angoisses qui l'empêchaient de bien dormir. Un peu comme s'il retrouvait une sorte d'équilibre. Bien sûr, le rendez-vous qu'il allait avoir avec son père n'y était pas pour rien, mais le fait était que cette nouvelle stabilité lui faisait un bien fou. Il était plus souriant et cessait d'éviter certains sujets, ce qu'il faisait auparavant, pour éviter de l'ennuyer sans doute. Ils avaient retrouvé leur complicité d'autrefois. Et c'était bon…

Il fallait dire aussi que Harry était de très bonne humeur. Le matin, Nymph' était passée le voir avec Remus et Teddy. Il l'avait eue au téléphone la veille et elle lui avait demandé s'il voulait voir son filleul : elle ne l'avait jamais emmené jusque là, ne sachant si c'était bon qu'il le voit dans cet état et surtout parce qu'elle ne savait pas si Harry allait bien réagir. Le tatoueur lui avait avoué qu'il aurait bien voulu voir le petit garçon : de toute manière, il finirait bien par le voir, on n'allait pas le cacher pendant des mois. Et le matin, Teddy était enfin entré dans la chambre, au plus grand bonheur de son parrain, dont toutes les idées noires s'envolèrent.

L'enfant n'avait que quatre ans, et une fois le moment de peur, bien compréhensible, passé, son visage se peignit d'inquiétude et il ne cessa de poser de questions…

Pourquoi tu as un plâtre, tonton Harry ? Pourquoi ils sont blancs et pas bleus comme celui de la maman de Timothée ? Ça fait mal ? Tu rentres quand ? C'est quoi le truc autour de ton cou ? Tu peux bouger ? Comment tu fais pour faire pipi ? T'as quoi à la tête ? Je peux dessiner dessus ?

Là où certains auraient été attristés, agacés, humiliés, Harry ne ressentit qu'une sorte de bonheur, qui se diffusa dans tout son corps. Le regard bleu de son filleul voyageait sur son corps, sans dégoût, juste une inquiétude curieuse, ses petites mains touchant les plâtres comme s'il s'agissait d'objets hors du commun. Les questions fusaient, et l'enfant était tellement attendrissant que Harry ne parvenait pas à déprimer ou se sentir honteux de se montrer ainsi devant cet enfant. Il vit Nymph' sourire en retenant ses larmes, l'atmosphère tendue à leur arrivée s'était petit à petit réchauffée par la voix claire de son fils. Remus, quant à lui, répondait à son fils, lui racontant comment était fait le plâtre, comment on avait remis les os en place, Teddy l'écoutant religieusement et lançant des regards à son parrain, comme pour être sûr que son papa ne lui disait pas de bêtises.

C'était un peu comme effacer tout le côté morbide de cette histoire. La résumer à un accident qui avait tout cassé chez Harry, mais le temps et les soins allaient tout réparer petit à petit. C'était un peu comme si on avait levé un tabou, aussi, tout en douceur, sans violence inutile ni larmes. Il fallait que Teddy se fasse à cette vision de son parrain enfermé dans ses plâtres, mais sans en retenir une image trop négative de souffrance. Il aurait le temps de comprendre tout ce que cela impliquait.

Cette visite lui avait donc mis du baume au cœur. Sa tante était passée juste après le déjeuner, et enfin, Draco était arrivé, suivi de Blaise et Luna. Lui qui n'aimait pas trop les visites avait senti le poids posé sur ses épaules s'alléger un peu. Sans compter que, la veille, il s'était confronté à la réaction violente de Ginny. Cela lui avait mis une claque en pleine gueule, et il s'était rendu compte à quel point le soutien de ses amis et de sa famille était important, à quel point on l'aimait. Il avait beaucoup de chance, et en dépit de ses souffrances perpétuelles et de ses angoisses, il devait prendre sur lui et essayer d'avancer. Si ce n'était pas pour lui, il devait au moins le faire pour eux…

Blaise et Luna restèrent une bonne heure, se disputant gentiment. Enfin, Blaise se disputait avec elle, la jeune fille se contentait de lui répondre de façon plus ou moins rationnelle. Ils ne se reverraient pas avant les vacances de juillet : tous deux s'accordaient une semaine ensemble, avant de passer deux semaines avec leurs amis. Enfin, ce voyage n'avait plus rien de sûr : Harry était immobilisé et, même s'il serait débarrassé de son plâtre au bras et de sa minerve d'ici la mi-juillet, ce ne serait pas le cas de sa jambe. Visiter Rome, où ils avaient tous décidé d'aller, serait compliqué avec sa jambe, entre les déplacements dans la rue, les monuments certes équipés d'ascenseurs mais tout de même peu aisés pour les handicapés… et son moral qui ne serait pas au beau fixe, étant donné qu'il embêterait tout le monde. Enfin, c'était ce qu'il penserait à coup sûr. Donc ces vacances étaient mises entre parenthèse, pour le moment.

Mais ça, personne n'en avait parlé à Harry. Ils n'en parlaient même pas entre eux, ne sachant quoi faire, préférant attendre que ce dernier aille un peu mieux avant d'évoquer leurs vacances. Draco, lui, en avait parlé à Théo, lui annonçant de but en blanc que si Harry n'allait pas à Rome, par souci de santé ou par manque de motivation, il n'irait pas non plus. Son ami avait été tout aussi franc : comme le blond, il ne partirait pas sans Harry. Mais il avait évoqué l'idée de partir dans un coin de France ou d'Angleterre plus simple et facile d'accès, il allait faire quelques recherches. Au fond de son cœur, Draco priait pour qu'il trouve une solution : il voulait que Harry quitte un peu Paris et voit autre chose que la banlieue.

Quand le couple partit, Draco resta encore un peu, mais finit par s'en aller à son tour, non sans avoir embrassé voracement le tatoueur auparavant. Le blond savoura la rougeur de ses joues et son regard timide, signe qu'il avait encore du mal à réaliser que l'étudiant puisse encore avoir envie de l'embrasser après tout ça. Après avoir glissé quelques mots d'amour à son oreille, qui n'arrangèrent en rien l'embrasement de ses joues, Draco se décida à partir. Il dînait avec son père ce soir-là, leur rendez-vous avait été avancé.

OoO

Il était minuit passée. Le lecteur DVD sous la télévision indiquait « 00 : 13 », les deux points clignotants à un rythme régulier mais de façon discrète. La soirée avait été longue, plus qu'il ne l'aurait cru. Les longues heures passées dans sa chambre à taper sur son clavier l'avaient épuisé, il comptait donc se coucher tôt, mais Severus n'avait pas été de cet avis. Voulant lui faire respirer un peu d'air frais, il l'avait emmené dîner dans un restaurant italien, puis ils avaient passé le reste de la soirée à regarder la télévision. Et les heures étaient passées, à une vitesse presque étonnante.

Sirius était allongé de tout son long sur le canapé. D'abord assis, il était parvenu au bout de plusieurs tentatives à s'allonger et à installer Severus sur lui. Ce dernier, peu intéressé par la rediffusion des Cordier, avait fini par s'endormir. L'écrivain, bien que somnolant, ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il aurait pourtant voulu plonger tête la première dans le monde des rêves, mais il avait du mal à dormir ces derniers temps. Beaucoup de mal, à vrai dire.

C'était un peu comme un long chemin dont il ne parvenait pas à voir la fin. Il avait beau marcher, il faisait du sur-place. Un peu comme l'état de Harry, stationnaire. Avec des hauts, et des bas. Surtout des bas. Des baisses de morales, des envies de se cacher au fond de son lit et de ne plus jamais en sortir. Envie de fermer les yeux, de se dire que tout cela n'existait pas, que ce n'était qu'un affreux cauchemar, et que ça irait mieux demain. Mais cela faisait trop longtemps que Sirius avait ces pensées, et à présent, il était obligé de faire face à la réalité. Une réalité qui aurait dû être un peu plus joyeuse, mais qui avait du mal à se replacer correctement dans le présent.

Pourtant, la vie allait mieux. C'était ça, le pire : tout s'arrangeait. Mais il y avait eu trop de souffrance et il y aurait trop de complications à l'avenir pour que tout aille bien. C'était un peu comme si la machine s'était emballée et qu'elle mettait du temps à se remettre. C'était le cas pour tout le monde, que ce soit Isaline, Harry, Draco, ou même ses amis, Théo, Ron, Luna… Il leur faudrait tous du temps pour s'en remettre.

Pour faire des choix.

Viendrait le moment où il faudrait faire un choix. Un choix difficile, avec de grosses conséquences, et qui viendrait avec le temps.

Des amitiés se briseraient. Sans doute certains amis de Harry finiraient par s'en aller. Pour des raisons diverses. Parce qu'ils avaient plus ou moins choisi de s'en aller.

Ce serait difficile. Mais c'était inévitable. Car face à la douleur et au besoin de soutien, on finissait facilement écrasé par de trop lourdes responsabilités, et on finissait un jour ou l'autre abandonné. Seul, face au monde, face à soi-même. Sirius en savait quelque chose. Isaline était toujours restée près de lui, parce qu'elle en avait fait le choix. Mais elle aurait pu partir. Le virer, lui dire « ça suffit ». Craquer. Et s'en aller, le laissant derrière elle, avec sa misère et ses envies morbides.

Harry avait de la chance : il avait Isaline, il avait Draco. Il avait des amis sur qui compter, même si Sirius n'était pas certain qu'ils resteraient tous près de lui au fil du temps. Il avait une famille sur laquelle se reposer. Oui, il avait de la chance, d'être autant aimé. Sirius l'enviait un peu, dans un sens, car lui n'avait pas eu cette chance. Oh, il avait eu James, Lily et Remus. Mais il avait perdu sa famille. Il avait perdu son frère. Et au final, il avait perdu les parents de son filleul. S'en étaient suivi d'années de prison, puis d'errance, entre alcool, sommeil et moments de tendresse avec Harry. Il y avait toujours eu un manque d'affection, en lui. Un manque de quelque chose, qu'il avait plus ou moins réussi à combler.

Sirius n'avait pas eu une vie facile. Mais il pouvait s'estimer heureux d'être enfin en paix avec lui-même, en dépit des moments de folie qui l'assaillaient par moments. Il avait une famille qui l'aimait et qu'il chérissait de son mieux. Il avait un compagnon grincheux et pas spécialement beau mais dont il était fou et pour qui il aurait donné sa vie. Un homme un peu sombre et renfermé qui ensoleillait sa vie, qui la rendait plus douce. Même si ce n'était pas facile tous les jours. Mais c'étaient ces difficultés qui rendaient leur existence meilleure, car les jours ne se ressemblaient pas. Ils étaient deux hommes, et dans un sens, ils n'avaient qu'eux. C'était peut-être ce qui l'attachait encore plus à lui : il était son compagnon, son mari… et la personne avec qui il finirait ses jours.

Un léger sourire traina sur la bouche de l'écrivain, qui caressait les cheveux un peu trop longs de Severus, assoupi contre lui. Son visage s'était comme adouci, ses traits apaisés par un sommeil réparateur. Il fallait dire que dernièrement il se faisait beaucoup de soucis, même s'il essayait de ne rien montrer. Entre Tonks et Remus mal dans leur peau, Sirius qui se trainait comme une âme en peine à la maison, quand il n'était pas en train de courir partout pour aider la police à envoyer Cédric en taule, et pour finir Isaline qui ne donnait pas de signes de vie… Severus était loin d'être un sentimental, mais il y avait tout de même un petit cœur qui battait dans sa poitrine et toute cette histoire l'avait autant chamboulé que les autres. Car tous ces malheurs, il les vivait aussi à travers Sirius, qui se reposait sur lui, quand il en avait assez de le faire sur la gnôle.

C'était un peu comme si les angoisses que Sirius essayait tant de réprimer quittaient son corps pour se réfugier en Severus, qui avait pris l'habitude de l'appeler plusieurs fois dans la journée, craignant qu'il fasse une bêtise. Il n'en avait pas été loin quand Harry avait essayé de se suicider, son âme entre deux eaux, entre la vie et la mort, et même si le jeune homme allait mieux, l'idée que Sirius craque angoissait Severus, plus qu'il n'aurait su l'avouer.

Et pourtant, on ne pouvait pas dire que les relations entre le parrain et le filleul étaient mauvaises. En effet, de façon plutôt étonnante, Harry ne se montrait jamais méchant ou même irritant envers l'écrivain. Il faisait parfois preuve d'amertume, mais sans jamais aller dans l'excès. Sans jamais blesser son parrain. Au contraire, il y avait même une certaine tendresse qui demeurait entre eux, dans sa façon que le jeune homme avait de lui tenir la main, la demandant en silence, et de ne la lâcher que lorsque Sirius s'en allait. Ce dernier n'aurait pas vraiment su expliquer pourquoi son filleul ne lui faisait pas subir les mêmes choses qu'à Isaline ou Draco, et même Nymph'.

Il se demandait si ce n'était pas dû au fait qu'ils avaient expérimenté tous deux les mêmes épreuves, dans le sens où, chacun à leur tour, ils avaient tenté de mourir. De façon différente, et pas pour les mêmes raisons, certes. Mais dans un sens… Ils partageaient un peu les mêmes souffrances. Et sachant que Sirius avait eu une vie difficile, qu'il avait survécu à ces années de prison grâce au souvenir de Harry, peut-être que le jeune homme voulait lui épargner sa mauvaise humeur, lui ayant déjà fait beaucoup de mal en tentant la mort. D'ailleurs, c'était lui qu'il avait appelé. Certes, il avait cru Isaline décédée, mais il aurait pu appeler quelqu'un d'autre : perdant fréquemment son portable, Harry avait été forcé d'apprendre certains numéros par cœur. Et il avait choisi Sirius.

Sa petite voix, l'appelant…

Parrain ?

Une boule se forma dans sa gorge, et les yeux clos, il revit Harry tomber. Son corps à demi vêtu tombant de la fenêtre grande ouverte et s'écrasant sur le sol. Le sang sur le béton, ses yeux clos… ce maudit papillon sur sa poitrine…

Sirius sursauta, ayant soudain eu la sensation de tomber, alors qu'il était allongé sur son canapé. Il se maudit quand il sentit Severus remuer contre lui. Sa tête bougea sur sa poitrine, puis il poussa un léger soupir, entre la fatigue et l'agacement, avant de lever son visage vers Sirius. Ce dernier se sentit comme un gosse face au regard inquisiteur de son professeur. Professeur qui leva la main et caressa sa joue, recueillant sur ses doigts la larme qui avait coulé sur sa peau, sans qu'il ne le sente. Puis, Severus se pencha et l'embrassa.

Ce fut au tour de Sirius de pousser un léger soupir, savourant le contact de sa bouche contre la sienne. Il sentit la boule dans sa gorge se serrer encore plus.

La vie ne tenait qu'à un fil.

Un seul.

Et alors que son être se réchauffait au contact de la bouche de celui qu'il aimait, Sirius se rendait compte que, par extension, sa propre vie ne tenait qu'à un fil. Car, que serait-il devenu si Harry ne s'était jamais réveillé ? A quoi aurait ressemblé sa vie sans lui ? Sans cet enfant qu'il avait juré de protéger le jour de son baptême, qu'il avait chéri de loin et qu'il avait eu tant de mal à élever, entre ses conneries, ses beuveries et ses moments d'agonie ? Le fils unique de James et Lily, la preuve vivante qu'ils avaient vécue… Tout ce qui restait d'eux… Un petit garçon en mal d'amour qu'ils avaient aimé et aidé à grandir, lui offrant tout ce qu'il était possible d'offrir à un orphelin, à un enfant…

Ses mains dérivèrent sous le pull de Severus, qui grogna.

« Sirius…

- Hm ?

- T'es à moitié en train de chialer, il est minuit passé, et tout ce à quoi tu penses, c'est à ça ?

- Ouais, et alors ? T'en as pas envie ?

- Je viens de me réveiller, je te signale.

- Je sais. Mais tu n'es pas obligé de bouger… »

Sa bouche se posa sur son cou, et Severus grogna quelques mots qu'il ne comprit pas. Ou qu'il ne voulut pas comprendre, plutôt…

OoO

La première fois que Draco coupa la viande de Harry, il affronta le regard méprisant de son petit ami dirigé vers son assiette dont il ne pouvait guère gérer le contenu, se contentant de porter sa fourchette à sa bouche.

La première fois que Draco dut emmener Harry dans la salle de bain pour l'aider à se laver, le tatoueur lui fit une crise de nerfs, perdant le peu de calme qu'il avait réussi à garder.

Et la première fois que Draco fut obligé de guider Harry jusqu'aux toilettes et de l'aider à s'assoir sur le cabinet, il essuya une formidable crise de larmes qui resteraient longtemps dans sa mémoire…

Bien qu'il se soit plus ou moins préparé psychologiquement à cette nouvelle vie ensemble, Draco n'aurait jamais cru que ce serait aussi difficile. De façon objective, et avec beaucoup d'honnêteté, le blond n'était pas écœuré par les tâches qui lui incombaient : déshabiller, laver et rhabiller Harry, lui préparer son assiette, lui amener de l'eau et même l'emmener aux toilettes, rien de tout cela n'était ni embarrassant, ni irritant, ni dégoutant. Et pourtant Dr aco pensait qu'il arriverait un moment où il finirait par détourner les yeux ou refiler la tâche à quelqu'un d'autre. Cela ne faisait qu'une toute petite semaine que Harry avait réintégré sa maison, mais rien, absolument rien qui le concerne ne dérangeait foncièrement Draco. Le brun n'était pas sale et s'occuper de lui n'était pas, en soit, une corvée, car son petit ami était loin d'être exigeant, ne les appelant pas tous pour un oui ou pour un non. Il fallait même parfois aller le voir pour se rendre compte qu'il avait soif ou faim.

Le problème majeur n'était donc par le fait de s'occuper physiquement, voir intimement de Harry. Le problème était son état mental. L'exemple le plus frappant était sans doute les premières fois où Draco fut obligé de le laver ou de l'emmener aux toilettes : voir Harry fondre en larmes tellement il avait honte brisait le cœur de Draco. Il mettait un temps fou à l'apaiser, et parfois même, Harry fuyait son regard toute la soirée, jusqu'à l'heure du coucher, où il lui demandait pardon pour son comportement.

Draco ne pouvait que fermer les yeux sur ses crises de nerfs, comprenant qu'il aurait sans doute eu des réactions semblables à sa place. Mais ce n'était pas pour autant que la vie que lui menait Harry était plus facile à gérer : il était malheureux, il avait honte et il exécrait ce corps brisé par ses soins, et toute sa souffrance se traduisait par ces moments pénibles. Autant il parvenait à se contenir avec Isaline, qui l'avait tout de même élevé, voire même avec Nymph' qui l'avait connu tout petit et qui s'était occupée de lui quand il était malade, autant face à Draco, tout s'effondrait et il se réduisait à un être fragile et sans plus aucune fierté.

Mais il ne s'agissait pas des seules épreuves que Draco dut affronter. Une des plus monumentales fut celle du coucher. En effet, en dépit d'une certaine réticence que le blond ne parvenait pas à comprendre, Harry finit par accepter qu'ils dorment ensemble. Jusqu'à ce qu'il lui ordonne presque de quitter sa chambre, après l'avoir réveillé en plein milieu de la nuit à cause de ses gémissements de douleurs, dû à la fin de l'effet de ses médicaments. Son dos lui faisait un mal de chien, entre autres, et Harry ne supportait pas de réveiller son petit ami en plein milieu de la nuit alors qu'il travaillait le lendemain. Le lendemain soir, Draco se résigna, non sans colère, à aller dormir dans la chambre d'amis. Harry tient une nuit sans lui demander de l'aide, refusant d'appeler Isaline, mais la suivante, il attrapa son téléphone portable, allumé, et appela le blond, en bas, pour qu'il vienne car c'était insoutenable et Isaline avait oublié de lui donner de l'eau pour ses médicaments.

Ils passèrent le reste de la nuit ensemble. Le lendemain, Draco gagna le combat et put se coucher auprès de Harry. Il ne pouvait se blottir contre lui, à cause de ses plâtres et de la position inconfortable dans laquelle le brun était obligé de rester, mais il restait tout près de lui et lui tenait la main, ce qui leur apportait à tout deux un certain apaisement. Dans la nuit, Harry ne put réprimer ses gémissements, quand les douleurs revinrent. Le fait que Draco ne soit pas grognon et qu'il lui administre ses médicaments de façon mécanique sans se plaindre n'entraîna pas de sentiments négatifs de la part du tatoueur, qui attendit patiemment que les douleurs s'apaisent, dans le noir, écoutant la respiration de plus en plus lente et régulière de l'homme qu'il aimait.

Le règlement de ce problème entraîna celui des autres. Rien ne pourrait effacer la gêne et la honte de Harry, mais au moins, il cessa de lui faire des crises, parvenant à prendre sur lui et à faire abstraction. Il mettrait encore du temps à comprendre que Draco en avait vu d'autres, et qu'il en verrait des pires dans sa carrière de médecin, mais au moins, il avait saisi le message : il était malade et c'était normal que Draco l'aide, car s'il n'en était pas capable aujourd'hui, il ne le serait sans doute jamais. Donc, en l'espace de quelques jours, les disputes s'étaient amenuisées, au plus grand bonheur d'Isaline, Nymph' et Sirius, qui craignaient qu'une rupture ne finisse par les séparer.

Mais au contraire, de façon paradoxale, cette convalescence les avait… rapprochés. Une fois l'obstacle du lit, de la baignoire et du cabinet franchi, une sorte de confiance s'était installée entre eux… une complicité, différente de celle qui les liait autrefois.

Pour détendre un peu l'atmosphère, Draco se permettait quelques moqueries, peu méchantes, qui faisaient d'abord rougir Harry de gêne, mais il finit par lui répondre ou rentrer dans son jeu, tournant en dérision sa position statique, le fait qu'il se lave tantôt au gant, tantôt dans la baignoire. Mais il y avait leurs gestes, aussi. Il était évident que Draco ne pouvait pas prendre Harry dans ses bras, et d'ailleurs, il avait encore sa minerve autour du cou, même s'il allait bientôt la retirer, d'ici une dizaine de jours.

Forcément, leurs gestes avaient changés : Harry ne pouvait utiliser qu'une seule de ses mains, et Draco devait se montrer délicat quand il touchait le visage ou d'autres parties du corps du bun, comme ses hanches ou son torse. Mais ils apprenaient au fil des jours à transmettre leur tendresse et leur amour par des gestes simples mais lourds de sens. Quand Harry était allongé sur son lit et Draco s'asseyait près de lui pour lui parler, parfois, le brun levait la main vers l'étudiant qui baissait un peu la tête pour qu'elle touche sa joue, et cette caresse si banale auparavant se transformait en quelque chose de plus intime. Quand ils s'embrassaient, c'était un peu comme s'ils se redécouvraient, faisant preuve d'une fougue encore inconnue jusque là. Ça n'avait jamais été aussi bon de s'embrasser, de sentir les lèvres de l'autre sur les siennes, sa langue contre la sienne… Et les mots d'amour qu'ils s'échangeaient au creux de l'oreille n'avait jamais eu autant de sens qu'à ce moment-là.

D'ailleurs, Harry avait fini par se couper les cheveux. Isaline lui avait dit, encore toute surprise, qu'il n'avait fait aucun commentaire et qu'il n'avait pas paru si abattu que ça. Bien évidemment, devant Draco, la donne avait changé : il avait gardé les yeux baissés jusqu'à ce que Draco le force à le regarder, touchant ses cheveux trop courts qui changeaient totalement son visage. Isaline avait fait venir un coiffeur qui avait considérablement raccourci sa chevelure, sans pour autant la raser. Il avait une sorte de gros trou sur tout un côté de sa tête, qui choquait, autant l'avouer, mais la nouvelle longueur de ses cheveux, qui avait réduit de moitié, rendait le tout un peu plus correct. Mais cette nouvelle coupe dégageait son front, révélant la cicatrice en forme d'éclair au coin de son front, ses cheveux partaient moins dans tous les sens, lui donnant un air plus sage. Presque… plus âgé.

Changements radicaux qui n'avaient fait que renforcer leurs sentiments, de façon assez paradoxale. Draco n'avait jamais eu aussi faim de contacts, essayant de se satisfaire de ceux qu'il pouvait avoir de Harry. Parfois, quand le brun détournait les yeux, le blond lui murmurait à l'oreille son envie de lui, son envie de le toucher et de lui faire oublier ses souffrances avec son corps. Loin d'attrister le brun, ces paroles dénuées de toute vulgarité le rassuraient, en quelque sorte, et lui faisaient comprendre que ce n'était qu'un mauvais moment à passer, que tout s'arrangerait plus tard. Il faudrait du temps… mais ça s'arrangerait.

Une sorte de routine s'était donc mise en place chez Isaline. Draco travaillait tous les jours à la banque, sauf le week-end, et quand il rentrait, soit il allait voir Blaise, ou quelqu'un d'autre, soit il restait avec Harry. Le plus souvent, ils ne se disaient rien, lisant, regardant la télévision ou bien surfant sur le net, mais ils restaient quand même ensemble. D'autant plus que Harry ne sortait quasiment jamais de sa chambre : à cause de son bras dans le plâtre, il était difficile à déplacer et rares étaient les fois où on lui faisait descendre les escaliers. Il refusait de sortir, vu son état, sauf quand Sirius ou Nymph' les invitait à passer une soirée tous ensemble. On rechignait donc à le laisser seul trop longtemps, même si tout le monde voyait très bien que depuis qu'il avait quitté l'hôpital, il se sentait bien mieux et parvenait plus facilement à sourire, voire même à rire.

Bien que l'humeur ai été plutôt massacrante les premiers jours, elle s'était adoucie au fil du temps, et la vie avec Harry sous leur toit n'était pas aussi difficile qu'ils l'auraient tous cru. Il allait véritablement mieux depuis qu'il avait retrouvé son lit et son univers. Draco n'y était pas pour rien non plus, et s'il avait été capable de faire preuve d'autant de patience, lui qui n'était pas réputé pourtant pour se montrer aussi calme et compréhensif, c'était parce qu'il s'était réconcilié avec son père.

Il raconta en détail le dîner que son père lui avait offert à Harry et Blaise, chacun leur tour, et tous deux purent voir quelque chose briller dans ses yeux bleus quand il en parla. Bien évidemment, ce repas ne fut pas une surprise, le père et le fils ne tombèrent pas dans les bras l'un de l'autre et ne se découvrirent pas des points communs. Non, ce ne fut pas un moment dégoulinant de bons sentiments où, enfin, ils se comprirent. Loin de là. De façon purement objective, ce fur un dîner comme un autre. Ils discutèrent, longtemps. Ils prirent des nouvelles de Harry, de Maman. Ils parlèrent de la banque, des affaires de son père. Ils apprirent des choses sur l'un et l'autre. Pas beaucoup, juste un peu. Mais assez pour que ce fossé creusé entre eux au fil des mois, des années, s'amenuise un peu. Assez, du moins, pour qu'ils n'aient pas la sensation que ce qu'ils faisaient était inutile.

Aussi, pour la première fois, Draco se sentit en position de force, car son père, malgré sa fierté et son caractère, baissa plus d'une fois les yeux face aux remarques de son fils. Quand ils furent installés à table, par exemple, Lucius remarqua la chevalière qui ornait le doigt de Draco et cette vision lui donna un coup au cœur, car il se rappela soudain qu'il lui avait promis, des années auparavant, à lui offrir la sienne. Qui se trouvait à son propre doigt. Et quand il lui avait demandé d'où venait cette bague, son fils n'avait pu retenir un sourire doux venir ourler ses lèvres et il lui avait dit que c'était son cadeau d'anniversaire, offert par Harry. Et il y avait une sorte de vide entre eux, un silence presque gênant, car tous deux savaient, pour la chevalière de Lucius.

Il y avait eu d'autres moments comme ça, au cours de la soirée, où son père avait compris qu'il avait manqué plusieurs occasions de faire plaisir à son fils, ou de se rapprocher de lui, et qu'au lieu de cela, il avait oublié ces rapides et rares promesses que Draco avait toujours prises pour argent comptant, même si au fond de lui, il se doutait qu'elles disparaîtraient aussi vite qu'elles avaient été énoncées. Des petites rancunes que Draco avaient oubliées. Il ne lui en tenait pas rigueur. Mais elles avaient contribué à l'éloigner de son père.

Mettre un peu les choses à plat, en douceur, et tirer un trait sur les rancunes nées après son départ était déjà un bon commencement. Pour le jeune homme, cette soirée avait été tout simplement parfaite. Il n'avait eu son père que pour lui et il avait enfin pu lui parler sans toutes ces barrières que Lucius érigeaient automatiquement autour de lui. Cela lui avait fait un bien fou, d'autant plus que son père lui avait assuré qu'il lui avait pardonné son départ. Il allait lui manquer, c'était vrai, mais au moins ils n'étaient plus en mauvais termes. Ainsi, Lucius lui avait fait comprendre qu'il acceptait qu'il vive chez Isaline Anderson. Sa mère n'avait toujours pas avalé la pilule, mais son père, lui, s'était fait une raison.

D'ailleurs, il avait même revu sa mère. Elle s'était enfin décidée à faire le déplacement jusque chez Isaline, qui lui avait ouvert la porte. Harry et Draco avaient imaginé sans mal le débat intérieur qui avait dû s'animer dans sa petite tête : je la laisse entrer ou je lui claque la porte au nez pour le plaisir ? Finalement, la deuxième option gagna. Draco, assis devant l'ordinateur de Harry pendant que ce dernier lisait, avait fait un bond de deux mètres en entendant sa mère hurler au scandale, en bas, parce qu'on avait osé lui claquer la porte au nez. Il était donc descendu dare-dare, foudroyant du regard Isaline qui ricanait, et avait réussi à rattraper sa mère avant qu'elle ne remonte dans son taxi.

Ils étaient allés dans la cuisine, le salon étant dans un état lamentable, où ils avaient discuté autour d'un thé préparé à la va-vite par un Draco pris au dépourvu. Evidemment, elle lui avait fait les traditionnels reproches : il était parti comme un voleur, il ne répondait pas à ses appels, il vivait chez cette femme qui lui avait claqué la porte au nez… Mais dans un sens, cela s'était tout de même plutôt bien passé. Elle avait pris de ses nouvelles, et de celles de Harry à l'étage. Elle lui avait demandé si elle pouvait monter lui dire bonjour mais le blond avait grimacé : il en avait déjà parlé avec Harry et ce dernier refusait que ses parents le voient dans cet état. Elle avait compris et n'avait pas insisté, même si elle avait paru déçue. Elle était partie au bout d'une petite heure, non sans lui dire qu'il pouvait revenir à la maison quand il le souhaitait, si jamais il en avait marre d'être ici…

Mais Draco était bien, ici.

Il était chez lui, dans cette maison mal rangée et bruyante. Il se lavait les cheveux avec le shampooing à l'orange d'Isaline, d'essuyait avec les serviettes du placard, lavait son linge avec celui de la famille… Il mangeait à leur table et faisait la vaisselle, passait l'aspirateur dans l'après-midi quand il rentrait… Il avait pris ses habitudes, ses marques dans cette maison qui devenait chaque jour un peu plus la sienne. Il aimait y vivre. Draco savait très bien qu'il allait devoir en parler sérieusement à Isaline. Au fond de lui, il avait envie de rester vivre ici, non pas parce que prendre un appartement serait une trop grande responsabilité, mais plus parce qu'il se sentait bien ici. Et une fois Harry guéri, pourquoi pas lui proposer une vie à deux.

Mais cette conversation viendrait un peu plus tard : Isaline lui avait dit qu'il resterait ici un mois et après ils en rediscuteraient. Draco n'avait pas vraiment hâte d'en parler, même s'il savait qu'il y serait obligé, et il se faisait un peu l'effet d'un parasite, venant vivre ici sans payer quoi que ce soit, bien qu'il paye les petites courses qu'Isaline lui demandaient de faire, quand il rentrait du travail. Le blond ne voulait vraiment pas partir. Il voulait continuer à soigner Harry, à guérir près de lui ses angoisses…

Oublier cette sensation de chute, alors qu'il était allongé dans le lit…

Oublier ce corps qui s'effondre pour ne plus se relever…

Oublier qu'il avait failli le perdre, en se réveillant en plein milieu de la nuit, faisant sursauter Harry qui poussait un gémissement de douleur, et se blottir maladroitement contre lui, serrant fort sa main, en se murmurant qu'il était là, tout prêt, bel et bien vivant…

OoO

Il était dix-huit heures trente et elles venaient tout juste de fermer la boutique. En reprenant sérieusement le travail, donc sans jamais quitter la boutique, Isaline était persuadée que leur activité en prendrait un sérieux coup : Nymph' avait beau avoir assuré la relève pendant sa longue absence, les rendez-vous manqués et les petits arrangements étaient trop nombreux pour qu'elle puisse envisager un véritable retour à la normal. Et pourtant, les clients ne l'avait pas lâchée et elle fut aussi surprise qu'émue quand certains lui apportèrent des présents, tel que du chocolat, ou autre, pour l'aide à tenir le coup. Il y avait des chieurs partout, et leur réaction se comprenait, mais l'attitude de certains clients envers elle l'avait profondément touchée.

Nymph' aussi d'ailleurs. Elle avait déjà été agréablement surprise par la compréhension de certains clients et leurs visites, pour savoir comment allait Isaline et comment avançait l'enquête, mais leur attitude même après cet espèce de retour à la normale la touchait beaucoup. La boutique tournait à plein régime, de part les retards, mais de nouveaux clients avaient passé leur porte et l'avenir semblait prometteur, par rapport à ce qu'elles avaient imaginé.

Depuis le début de la semaine, elles avaient décidé de mettre fin aux heures supplémentaires, qu'elles enchaînaient depuis des semaines. Epuisées, elles avaient décidé d'un commun accord d'ouvrir la boutique exceptionnellement le lundi afin de s'avancer sur certains clients aux tatouages longs et compliqués, afin d'avancer et réduire leur quantité de travail avant les grandes vacances… qui ne seraient pas longues, voire inexistantes. Isaline voulait s'offrir au moins deux semaines et elle ne pouvait pas garder Nymph' éternellement avec elle. C'allait être difficile… mais pas insurmontable. Elle avait vu pire que ça… il y avait juste son dos qui criait au scandale…

Nymph' était déjà partie. La maison était silencieuse… Un peu trop d'ailleurs. Elle avait beau écouter attentivement, elle n'entendait pas de bruits de voix provenant de la chambre de Harry, et pourtant, elle se doutait que ce devait être agité. Seamus était arrivé une heure auparavant, sans manteau et complètement perdu, et quand elle l'avait laissé entrer, il s'était précipité à l'étage, vers la chambre de Harry. Elle ne l'avait pas entendu descendre : en dépit de la musique qui mettait de l'ambiance dans la chambre, elle reconnaissait le bruit des pas dans l'escalier quand on le montait ou le descendait. Et Seamus n'avait pas quitté la maison…

Comment allait réagir Draco ? Il l'avait prévenue qu'il arriverait un peu plus tard, il allait passer une partie de son après-midi avec Blaise, puis il rentrerait manger. Mais si jamais il rentrait et qu'il découvrait le pot aux roses… enfin, Harry et Seamus, seuls, dans la chambre… et d'ailleurs, pourquoi ce gamin était-il venu ici, le regard humide et suppliant ? Pourquoi était-il dans cet état, et pourquoi venait-il voir Harry ? Depuis quand étaient-ils assez proches pour…

La porte d'entrée s'ouvrit. Draco venait de rentrer. Isaline faillit lui hurler de ne pas monter, mais elle était à genoux devant la cuvette des toilettes, le corps paralysé par les douleurs des hauts-de-cœur qui venaient de la secouer, et il était hors de question qu'il la trouve dans un état pareil. Se laissant aller en arrière, dos au mur, elle écouta en se tenant le ventre Draco monter. Puis, imaginant la future crise de nerfs qui allait ravager sa maison, elle se jeta à nouveau sur la cuvette pour rendre les restes de son estomac. Et elle qui avait cru qu'elle s'en tirerait en pensant à autre chose qu'à ce qui sortait de sa bouche… Saleté de Draco…

Elle entendit la porte à l'étage s'ouvrir, puis quelques mots dont elle ne comprit pas le sens, et enfin Draco descendit de façon rapide, presque rageuse, dans les escaliers. Elle se demanda dans quelle position il les avait trouvés : étaient-ils enlacés, à cause d'un gros chagrin ? Et comment allait Seamus… Elle fit un bond quand la porte des toilettes s'ouvrit. La main sur le cœur, elle leva les yeux vers le blond, qui la regardait, le sourcil levé.

« Bah… qu'est-ce que tu as ?

- Rien.

- Tu veux que je t'aide à te lever ? Tu veux t'allonger ?

- Ouais, je veux bien, beau blond. »

Il lui tendit la main et elle la saisit, se levant en vacillant. Elle fit un geste pour tirer la chasse d'eau mais Draco la força à sortir et il l'emmena dans le salon où elle s'allongea. Morte de honte, elle le regarda sortir de la pièce pour nettoyer les dégâts. Il revint une dizaine de minutes plus tard, la mise agacée.

« Désolée.

- Pardon ?

- Pour… les toilettes. C'était si crade que ça ?

- C'est rien. J'ai passé un coup de fil.

- Il se passe quoi, là-haut ?

- Ça fait longtemps que Seamus est ici ?

- Au moins une demi-heure. »

Draco s'assit par terre et posa son bras sur le canapé, tout près du sien. Isaline lui lança un regard interrogatif. Il avait vraiment l'air perturbé. Pourtant, il n'était pas resté longtemps là-haut…

« Tu vas me dire ce qui se passe ou tu veux faire durer le suspens ?

- Problèmes amoureux.

- Ah oui ?

- Ouais.

- Et comment tu es au courant de ça, toi ? T'es ami avec lui maintenant ?

- Je le connais assez pour avoir compris qu'il avait eu le béguin pour quelqu'un. Et cette personne est… très particulière.

- A ce point-là ?

- Dans le genre « impossible », tu peux pas faire mieux. »

Isaline était dubitative mais elle savait qu'il n'en dirait pas plus.

« Pourquoi il est venu voir Harry ?

- J'ai cru comprendre que Harry était devenu une sorte de journal intime sur pattes. L'écouter lui change les idées et Seamus ne sait pas vraiment à qui en parler.

- Ils ont vraiment une drôle de relation, ces deux là…

- Je ne te le fais pas dire. »

Ils entendirent la porte de la chambre s'ouvrir. Aussitôt, Draco se leva et alla dans l'entrée, fermant la porte derrière lui. Isaline le foudroya du regard : mais elle avait envie d'entendre elle ! De là où elle était, elle n'entendait que le son indistinct de leurs voix : Draco était celui qui parlait le plus, et il avait l'air énervé, tandis que Seamus était plus dans la réserve. Elle l'entendit partir, et quelques minutes plus tard, Draco revint dans le salon.

« Pauvre con ! J'avais envie d'entendre, moi !

- Hors de question, ça ne te regarde pas.

- Mais toi oui !

- Isaline, tu n'as plus quinze ans… Au fait, ça va mieux, tes nausées ?

- Ouais. On fait aller.

- Qu'est-ce que tu as mangé, ce midi ? Tu en as depuis…

- Depuis hier. Mais ça va, je vais bien, hein… Me regarde pas comme ça, beau blond, je suis pas mourante !

- Encore heureux. Tu veux quelque chose ?

- Ouais : commande des pizzas. »

Le blond leva les yeux au ciel et s'en alla passer commande. Puis, entendant le bruit de la télévision dans le salon, il monta à l'étage où Harry devait l'attendre. Tout en montant les marches, Draco eut un léger sourire, imaginant son petit ami préparer tout un tas de discours pour expliquer pourquoi il les avait découverts dans les bras l'un de l'autre sans toutefois expliquer le fond de l'affaire… car Harry était un homme de parole et jamais il ne parlerait de ce que Seamus avait pu lui raconter, et il était persuadé que ce dernier lui avait caché des choses…

Des choses que Draco avait déjà très bien comprises. Il ne se serait pas énervé au téléphone, sinon…

Il toqua avant d'entrer dans la chambre qu'ils partageaient depuis quelques temps déjà, et qui était en quelque sorte devenue la sienne. Ses affaires avaient trouvé leur place dans le bordel de cette pièce qu'il avait finie par ranger, sous le regard soit inquiet, soit amusé de Harry, qui n'aimait pas quand on remettait en cause son existence, donc sa chambre, mais qui aurait sautillé de joie, s'il avait pu, quand Draco découvrait des trucs qu'il avait perdus.

Son petit ami était bien évidemment allongé sur le lit et il n'avait pas bougé depuis le matin, ou quasiment pas. Dans la semaine, on allait lui retirer sa minerve et ce serait une véritable bouffée d'air frais. Le plâtre de son bras serait enlevé la semaine suivante si tout allait bien. Pour sa jambe, ce serait une toute autre histoire… Il allait sans aucun doute devoir se faire opérer, subir de nouvelles souffrances, puis entamer une rééducation, si les médecins le jugeaient capable de remarcher… et rien n'était moins sûr.

Draco se régala de son expression un peu contrariée et inquiète avant de lui faire un sourire plutôt doux, pour l'apaiser. Harry ne sut comment interpréter son sourire et, alors que le blond s'avançait vers le lit pour s'y assoir, il se lança, sans trop savoir où ça allait les mener.

« C'est pas ce que tu crois.

- Je ne crois rien.

- T'as pas l'air énervé, c'est bizarre… Tu t'es pas défoulé sur lui en bas, au moins ?

- Harry, ne me prends pas pour un idiot. Il était en larmes dans tes bras, je ne pense pas qu'il était en train de jouer la comédie pour t'amadouer et te conquérir…

- Oui mais c'est toujours sensible avec Seamus…

- Crois-moi, chéri, ça fait un bout de temps que j'ai compris qu'il a tourné la page. »

Draco lui lança un regard entendu et Harry fronça les sourcils. Il y eut un silence, Harry le regardant fixement, attendant une explication, qui ne vint pas.

« Tu sais ce qu'il se passe ?

- Dans les grandes lignes.

- Comment tu peux savoir ?

- Parce qu'il m'en a plus ou moins parlé. Enfin…

- Il t'en a parlé ?

- A une soirée, je sais plus laquelle, il m'a vaguement parlé de ce qu'il vivait. Très vaguement. J'ai compris le reste tout seul.

- Donc tu sais pour qui il craque comme ça ?

- Je l'ai deviné. Tu ne le sais pas ? »

Harry lui lança un regard noir, lui intimant silencieusement de ravaler son sourire moqueur. Non, il ne savait pas qui était à l'origine de ses larmes et des souffrances qui malmenaient son petit cœur. Et encore heureux, parce que si jamais il savait qui faisait ainsi souffrir Seamus, il l'aurait explosé… C'était pas Dieu possible d'être aussi con et aveugle, que diable !

« Arrête de sourire, espèce de crétin. Non, il ne veut pas me dire son nom. Ce qui veut dire que je le connais de près ou de loin. Ou il ne veut pas que je cherche à la contacter… C'est un connard ?

- Je t'adore…

- Quoi ? Excuse-moi, mais vu ce que Seamus me raconte…

- C'est quelqu'un qui se cherche. C'est tout. Il a des tords mais aussi une certaine lucidité.

- Il sait pas ce qu'il veut, quoi.

- Quelque chose dans ce goût-là. Ne fais pas cette tête, Seamus n'a jamais su trouver des types qui lui correspondaient, et celui-là… il aurait pas pu faire pire.

- A ce point-là ? »

Draco hocha la tête. Le brun eut l'air pensif, cherchant sans doute la personne qui avait mené Seamus jusqu'ici, mais il n'avait pas vraiment l'air de savoir. Il fallait dire que Seamus avait pas mal de connaissances et Harry était loin de toutes les connaître, même s'il en avait entendait parler régulièrement, car parfois c'étaient aussi des amis de Théo.

Draco le regarda quelques secondes méditer sur la question avant de se pencher vers lui, le faisant sursauter, et planter un baiser sur sa bouche. Il sentit un souffle glisser sur sa joue avant que Harry ne lui réponde. Le baiser s'intensifia, se fit plus langoureux, et quand leurs bouches se séparèrent, ils échangèrent un sourire complice. Puis, Draco se pencha, sa bouche tout près de l'oreille de son petit ami qui frissonna, ses cheveux blonds caressant sa joue. Sa voix ne fut que des murmures…

« Tu es à moi. Rien qu'à moi… »

… qui réchauffèrent son cœur. Le sourire du jeune homme s'accentua, alors que Draco le prenait dans ses bras, se calant contre lui. Harry passa son bras valide autour de son cou. Il voulut embrasser sa nuque, poser sa bouche sur sa peau, mais sa minerve bloquait son cou. Il pensait au jour où il la retirerait, à leurs étreintes qui seraient un peu plus facile. Il pensa au moment où il retirerait le plâtre de son bras, et de la possibilité qu'il aurait de pouvoir se blottir tout contre Draco, dans le lit.

Et il pensa à sa jambe… au moment où le plâtre serait retiré, et où toute l'horreur de son acte lui apparaîtrait… Il n'osait imaginer le regard Draco, ses mains qui toucheraient sa peau… Rien que d'y penser, il avait envie de pleurer…

Mais Draco l'embrassait sur la joue, touchait ses cheveux, et son odeur emplissait ses narines. Il était là, contre lui, et ça n'avait pas de prix…


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !