Disclaimer: Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si!

Couple: Harry / Draco.

Evaluation: M.

Yo les d'jeuns !

Lys : THE RETOUR !

Et nan, vous rêvez pas ! Je suis de retour ! :D

Lys : Toutes nos excuses pour ces longs mois d'attente… Pas vraiment d'explications à donner, mis à part un manque de motivation et d'inspiration.

J'espère quand même que ce chapitre vous plaira :-)

Lys : Nous vous rappelons que le fanzine Sectumsempra, mon amour ? a tenu un stand à la Paris Manga 2012, à Porte de Versailles, et qu'il sera également présent à la Japan Expo de cet été !

N'hésitez pas à venir nous rendre une petite visite ! :D Le fanzine que nous avons produit avec nos petites mains recèlent quelques info' qui éclaireront la fin de ce chapitre… 8D


Sectumsempra, mon amour ?

Comme vous le savez sans doute, le tome 1 de Papillon est enfin mis en vente.

Un message à été envoyé aux personnes ayant réservé ce tome et j'aimerais avoir des retours assez rapidement afin d'évaluer notre budget.

Pour les intéressés, n'hésitez pas à m'envoyer un message, je répondrai avec plaisir :)

Je vous rappelle que le tome 1 coute 8,50 euros et que les bénéfices reviendront uniquement à l'association. Existence est toujours disponible, de même pour notre fanzine.

Bisous !


Chapitre 37

La porte de sa chambre s'ouvrit à la volée, le faisant sursauter. Tout son corps se tendit et il poussa un petit gémissement de douleur.

« Salut Harry ! »

Il grimaça un sourire alors qu'Allan se ruait dans sa chambre, se laissant tomber près de lui sur le lit. Il avait un grand sourire sur les lèvres et les yeux pétillants. Harry eut un petit rire en le voyant analyser son cou, enfin mis à nu.

« Wha, ça fait du bien de te voir sans ta minerve. Ça fait mal ?

- Un peu. Mais ça va.

- Tu peux enfin embrasser Draco dans toutes les règles de l'art !

- S'il n'y avait que ça…

- Roooh allez, dans quelques jours, t'as plus de plâtre sur ton bras ! »

Allan paraissait de bonne humeur. C'était la première fois qu'il le voyait aussi souriant depuis l'accident, et ça faisait du bien de le voir ainsi. Il était tellement déprimé depuis ce qui s'était passé que son père s'était inquiété, d'autant plus que ses notes avaient chutées : il dormait mal la nuit, passait peu de temps sur ses jeux vidéos et regardait un peu trop la télé, s'abrutissant pendant des heures devant le poste. Il semblerait que chaque détail qui pouvait améliorer le quotidien de Harry lui rendait à chaque fois un peu plus le sourire. C'était ce genre d'attitude qui poussait l'alité à voir les choses de façon plus positive…

« Où est ton père ?

- En bas, il fait la cours à Isaline. Tu sais, un joli bouquet de fleurs, les minauderies…

- Oh, tout de suite…

- En général, ça m'exaspère quand mon père est comme ça. Mais Isaline est tellement mignonne à rougir comme une ado' que c'est pas si gnangnan que ça…

- C'est bien qu'il soit là. Malgré tout ça…

- Bah… Tu sais, Papa est vraiment amoureux. Je l'ai jamais vu comme ça.

- Oui mais toi tu…

- Ouais, je sais, j'adore Isaline, mais bon, je l'ai jamais vu aussi attentionné avec quelqu'un. Ni avec maman, ni avec personne d'autre…

- Le mariage de tes parents reste un mystère pour moi. »

Allan eut un petit rire. Ils en avaient eu, des discussions, à ce sujet. Allan lui-même avait encore du mal à comprendre comment le mariage de ses parents avait pu durer aussi longtemps. Il connaissait sa mère et elle n'avait jamais vraiment été tactile ni très ouverte, et pourtant, son père l'aimait tendrement, et quand elle l'avait quittée pour un autre, son univers s'était effondré. Allan pensait que ce n'était pas seulement le départ de sa mère qui l'avait bouleversé, c'était plutôt le fait qu'elle l'avait trompée pour un autre. C'était comme un échec, il n'était pas assez bien pour elle. La routine avait tué leur couple.

Avec Isaline, c'était différent, à la fois parce qu'ils avaient vécu leur vie, ils avaient quarante ans, et elle avait faim d'amour et d'attentions. Rémi avait trouvé en quelque sorte ce qu'il n'avait cessé de chercher depuis son divorce : une femme qui voudrait bien de ses bras autour de ses épaules ou de sa taille, qui pincerait la bouche quand il voudrait l'embrasser, et qui saurait se faire aimer de son fils unique. Elle n'était pas parfaite, mais elle était ce qu'il cherchait.

« Ta mère est toujours célibataire ?

- Aux dernières nouvelles, ouais. Tant mieux, j'ai jamais aimé ses mecs.

- Pas plus que les ex de ton père…

- Mais les mecs de ma mère étaient pires. Ce sont souvent des cons, ou des mecs pas sérieux. Les ex de mon père, je les aimais pas, mais elles étaient pas méchantes, dans le fond. Oh, un Kinder© ! Je peux t'en piquer un ?

- Prends, c'est Teddy qui en a apporté ce matin. »

Allan tendit la main vers l'œuf en chocolat qui trainait sur la table de chevet, alors que Rémi apparaissait dans l'encadrement de la porte. Il lui fit un sourire et Harry le lui rendit avec plaisir. Isaline était juste derrière lui et elle paraissait apaisée. Bien plus qu'elle ne l'avait été des semaines auparavant.

« Bonjour, Harry. Ça fait du bien de te voir sans cette minerve.

- A croire que c'est un évènement…

- C'est le début de ta guérison. C'est déjà un pas en avant. »

Rémi lui tendit la main et Harry la serra. Ses paroles l'apaisèrent, bien plus que celles de n'importe qui d'autres. Il était médecin, et quand il venait ici, ses paroles étaient toujours prises avec un grand sérieux par le jeune homme. Le fait que Rémi avait conscience des épreuves que Harry allait devoir franchir rendaient ses conseils et ses sourires plus précieux encore… Car il ne perdait pas espoir, et il savait très bien d'où le jeune homme revenait.

« C'est ce que je me tue à lui dire, mais il est têtu !

- Comme sa tante.

- Tout de suite…

- Comme se porte ton cou ? »

Rémi fit un geste de la main vers Allan pour qu'il se lève et lui laisse la place. Harry le laissa l'examiner alors que l'adolescent avait un débat avec Isaline à propos de son entêtement, cette dernière maintenant qu'elle ne l'était pas autant qu'ils le prétendaient, elle avait juste du caractère. L'alité eut un petit rire en voyant le médecin soupirer, l'air faussement exaspéré, ne semblant pas partager l'avis de la tatoueuse. Rémi lui posa quelques questions, à propos de ses douleurs, de son appétit…

« Bon, vous avez fini de vous disputer ? Du vent, vous me dérangez ! »

Faisant fi des protestations des deux énergumènes qui se disputaient dans son dos, Rémi revient à son affaire, alors qu'Isaline et son fils se décidaient enfin à quitter la chambre pour débattre ailleurs. Harry rit à nouveau.

« J'aime comme tu te fais obéir.

- Ils m'agacent. Et surtout, je ne pense que tu veuilles aborder tes problèmes personnels devant Allan. »

Le médecin lui lança un regard entendu et Harry rougit. Mis à part Draco, Isaline et Sirius, ou encore Nymph', Harry n'abordait jamais ses problèmes d'ordre plus intimes. Ce n'était pas qu'une question de confiance envers Rémi, une fois encore, c'était plus le fait qu'il était médecin mais aussi une personne complètement extérieure à leur famille ou réseau d'amis.

« Comment ça va, avec Draco ?

- Mieux. Bien mieux.

- Tu ne fais plus de crises d'angoisse, quand…

- Non, c'est passé. C'est terriblement gênant, mais ça va.

- Encore cette histoire des toilettes ?

- Ouais…

- Ça ira mieux quand on aura retiré ton plâtre. Quoique, maintenant que tu n'as plus ta minerve, tu peux te débrouiller seul, pour ces choses-là. Ça ne te pose plus de problèmes, pour te laver ?

- Non. Franchement, Rémi, ça va mieux. J'arrive à accepter des choses… J'arrive mieux à accepter l'idée que ce qu'il me fait est naturel et que je l'aurais fait aussi à sa place.

- Où est donc passé le Harry déprimé et refusant qu'on le touche ? »

Rien n'aurait pu être plus beau en cet instant que l'éclat de rire de Harry et son beau sourire. L'espace d'un instant, Rémi crut être revenu à cette époque plus douce où il n'avait pas les membres emprisonnés dans de la résine, chevauchant sa moto pour aller chercher son fils au collège.

Il allait s'en tirer. Il avait tout pour s'en tirer : une famille aimante, des amis compréhensifs, un petit ami prêt à beaucoup de choses pour l'aider… Le chemin était encore long, mais déjà, il marchait dessus…

« Il commence à disparaître. Petit à petit.

- C'est bien. Ça rassure ta tante. Et… tu peux ne pas me répondre, mais apparemment, ça turlupine pas mal Isaline et ton parrain.

- Quoi donc ?

- Tes rapports, avec Draco. »

Rémi fit un effort pour ne pas éclater de rire en voyant le jeune homme devenir écarlate. Harry baissa les yeux, triturant le drap avec sa main valide, à défaut de son autre main bloquée.

« Tu peux ne pas me répondre.

- Qu'est-ce que tu veux qu'il y ait, entre nous ? Je suis bloqué de partout…

- Oui, je m'en doute, mais ma question portait plus sur vos envies, sur les tensions que ton immobilité peut créer…

- Ça, ça vient plus de moi que de lui.

- Je m'en doute aussi.

- Draco s'en fout. J'ai du mal à me mettre à sa place, mais comme il a failli me perdre… Pour lui, c'est pas le plus important. Pour être honnête, il n'y a vraiment plus rien entre nous et il ne me fait aucun reproche.

- Mais tu te sens inutile.

- Oui… »

Ils parlèrent un long moment de cela, sans pour autant tomber dans la vulgarité ou parler des relations proprement sexuelles du jeune couple. Harry lui avoua sans réelle gêne que c'était compliqué pour lui de ne pas s'en vouloir, car il savait que Draco, sans être accro ou obsédé, avait des besoins physiques qu'il avait eu un peu de mal à calmer, quand leur relation était devenue sérieuse, respectant son besoin d'attendre et, dans un sens, de le tester. Le blond ne lui avait jamais fait de reproches et n'avait jamais eu de geste ambigus ou mal placés à son égard, et malgré cela, Harry s'en voulait de ne plus être capable de le combler et d'être devenu un être dépourvu de charme.

Rémi l'écouta avec attention et essaya de lui faire comprendre que ce n'était pas des cheveux rasés et des plâtres qui allaient le rendre moins attrayants : là, tout de suite, il n'avait effectivement rien d'attirant, mais leur relation ne se basait pas sur le sexe ou sur leur physique, et quand il les aurait retiré, il redeviendrait celui qu'il était auparavant. Ses cheveux allaient repousser, la rééducation allait remettre son bras d'aplomb, et quant à sa jambe, ils aviseraient. Harry savait qu'il avait raison, Draco lui avait même dit qu'il éprouvait encore du désir pour lui, mais qu'il refusait de lui faire l'amour juste pour assouvir un besoin, sans que Harry ne puisse participer, même un minimum.

En fait, Harry avait tellement peur de le perdre que la moindre preuve d'amour ou de la solidité de leur relation l'angoissait comme jamais…

« Tu en as parlé de tout ça, avec lui ?

- Oui. On en parle souvent. Mais je suis obtus…

- Tu es encore traumatisé, Harry. Mais tu es sur la bonne voie, et c'est ce qui compte.

- Tu pourras les rassurer ? Ils écoutent à peine ce que je leur dis.

- Ça se comprend. Tu n'es pas très bavard, quand tu as des problèmes. Mais ne t'en fais pas, je vais les rassurer. Tu es plus bavard, avec Draco ? Ou il faut que je le rassure aussi ?

- C'est à lui que je parle le plus. C'est ça ou il fait la tête. Et j'aime pas quand il me fait la tête… »

Rémi ne put s'empêcher de rire en voyant sa bouille de petit garçon pris en faute, imaginant sans mal Draco cesser de lui parler et détournant les yeux de lui pour lui montrer son mécontentement. Harry était si fragile qu'il ne lui en fallait pas beaucoup pour arriver à ses fins… bien que ce soit toujours fait de manière assez tendre, malgré tout.

Ils parlèrent encore un peu, jusqu'à ce qu'Allan tape à la porte, leur annonçant que Draco était rentré et qu'il était l'heure de s'en aller. Pour lui changer les idées, Rémi avait proposé à Isaline de sortir dîner avec lui et Allan, et pour faire plaisir à ce dernier, ils avaient programmé une sortie au cinéma. Rémi sortit donc de la chambre après avoir dit « au revoir » au jeune homme qui écouta les voix, en bas de l'escalier, puis Draco les monter. Quand il entra dans la chambre, il lui fit un sourire avant de poser son sac près de la porte.

« Ça a été, ta journée ?

- Pas pire que les autres. C'est assez routinier.

- Blaise va bien ?

- Oui. Il n'a pas arrêté de se plaindre parce qu'il veut voir Luna, mais à part ça, il va bien. »

Il lui avait envoyé un SMS dans l'après-midi pour lui dire qu'il passerait un peu de temps avec son meilleur ami en sortant du boulot. Harry lui avait dit qu'il pouvait dîner avec lui, jusqu'à ce que Draco lui rappelle que c'était impossible, car Isaline sortait, et personne ne pourrait le nourrir. Harry avait senti son cœur se serrer méchamment dans sa poitrine et fit tous les efforts du monde pour se calmer avant de lui envoyer une injure, car dans le fond, il savait que Draco avait raison.

« Comment va ton cou ?

- J'ai un peu mal, mais ça va.

- Tu devrais remettre ta minerve.

- Oh non, je l'ai retirée ce matin !

- Si c'est pour avoir mal au cou toute la soirée et cette nuit, ça ne vaut pas la peine. Tu vas…

- Mais je l'ai retirée ce matin, je ne veux pas la remettre, tu ne m'as quasiment pas vu sans…

- Si c'est pour que tu te plaignes de ton cou, je préfère te voir avec.

- J'adore voir à quel point tu es enjoué en me voyant sans cette minerve…

- Tu veux que je fasse quoi ? Que j'applaudisse, que je te dise « oh Harry, que tu es beau maintenant que tu n'as plus cette chose immonde autour du cou » ? Oui, c'est bien que tu l'ais retirée, mais n'oublie pas que ton cou n'est pas tout à fait remis, donc ça ne sert à rien de te faire du mal. »

Et Draco sortit, fermant la porte derrière lui. Harry regarda fixement la porte, ne sachant s'il devait être triste ou en colère après lui. Son cœur qui se serra fort dans sa poitrine et la boule qui se forma dans sa gorge le firent pencher vers la première option. Sentant les larmes lui monter aux yeux, il tendit vivement le bras vers la table de chevet et lutta pour remettre sa minerve en place, comme Draco le lui avait montré le matin-même. L'étau se desserra mais il avait mal au ventre. Il se sentait prisonnier et la voix dure et agacée du blond avait mis à mal tous ces sentiments positifs qu'il avait accumulés dans la journée.

Draco revint une dizaine de minutes plus tard. La tête calée et regardant droit devant lui la télévision placée en face de son lit, il ne put voir son expression étonnée et ses sourcils qui se froncèrent légèrement.

« Tu l'as mise ? Quoi, je t'ai vexé ?

- Laisse-moi tranquille.

- Je te dis la vérité, Harry. Qu'est-ce que tu peux être lunatique, un moment ça va, un autre ça va pas… J'ai rien dit de mal et…

- Laisse-moi tranquille, je t'ai dit.

- T'as vraiment envie qu'on passe une soirée de merde ? »

Harry ne répondit pas. Il ne le regardait pas. Draco soupira et ressortit de la chambre. Il s'en voulut de lui avoir parlé un peu trop durement mais il avait passé une sale journée et il était fatigué de tout ça. C'était vrai, le matin, il avait été aussi heureux que Harry quand il lui avait retiré sa minerve, quand il lui avait montré comment la remettre tout seul si jamais il avait mal au cou au cours de la journée. C'était comme un pas en avant… Bon, d'accord, il y était allé un peu fort. Un peu.

Un peu trop…

Draco poussa un autre soupir et descendit. Mieux valait attendre que Harry se calme avant de monter. Il s'installa dans le salon et, plus les minutes avançaient, et plus il regrettait ses paroles. Il n'avait qu'une envie, et c'était de le prendre dans ses bras et de l'embrasser. Bon dieu, il ne l'avait même pas embrassé en entrant dans la chambre… Pourtant, il attendit encore un peu, se maudissant et se demandant ce à quoi l'autre pensait, tout seul, dans le lit. L'avait-il blessé ? Peut-être…

Vingt minutes plus tard, on sonna à la porte, et ce fut comme une libération. L'étudiant se leva et alla ouvrir au livreur, le paya, puis disposa leur repas sur des assiettes et un plateau qu'il monta à l'étage. Le tenant d'une main, il toqua à la porte avant d'entrer. Harry avait toujours le cou maintenu mais il fit l'effort de se tourner vers lui, signe qu'il n'était plus fâché. Ses yeux s'arrondirent quand Draco posa sur le lit un plateau dont les assiettes regorgeaient de sushis et autres mets japonais en tout genre.

« Dray ? Mais…

- J'ai pensé que tu aurais envie de manger autre chose que des pâtes. »

Il s'assit sur le matelas et leva les yeux vers lui pour lui sourire, mais son cœur manqua un battement quand il vit les yeux rougis de son petit ami. Il fronça les sourcils.

« Tu as pleuré ? »

L'autre pâli.

« Non.

- Si, tu as pleuré.

- J'ai pas pleuré !

- Si, tu as pleuré !

- Arrête ! »

Trop tard, sa voix était mouillée et sa main vint cacher son visage. Draco faillit lâcher une injure : il ne savait vraiment plus sur quel pied danser avec lui… Il se mordilla la lèvre alors que Harry respirait fort pour se calmer.

« Ecoute Harry, je suis désolé pour tout à l'heure. Je ne voulais pas te blesser, ni te vexer, ni rien… Je ne sais plus comment te prendre, tu t'énerves quand je te fais un compliment et tu te vexes quand je te fais un petit reproche !

- Je sais…

- S'il te plait, ne pleure pas, j'ai pas envie de voir ça après la journée que j'ai passée… »

Le jeune homme serrait les dents et paraissait crispé. Pourtant, il ne fit aucun geste de rejet quand Draco voulut le prendre dans ses bras. Au contraire, il l'attira contre lui, passant son bras dans son dos, alors que le blond lui enlaçait les épaules.

« Excuse-moi…

- T'excuse pas. C'est moi qui…

- T'as rien dit de mal…

- Ecoute, on en reste là, d'accord ? On ne va pas gâcher la soirée pour rien, j'ai eu une journée de merde et je n'ai pas envie de te voir triste. »

Harry voulut acquiescer mais la minerve le bloquait. Il entendit plus qu'il ne vit les mains de Draco la défaire pour la lui retirer. Il sentit une sorte de petit courant d'air dans son cou quand il fut libéré. Il avait un peu mal, mais ne plus l'avoir le détendait. Harry rougit et frissonna quand il sentit une paire de lèvres se poser au creux de sa nuque.

« Rémi et Allan vont bien ? Ils sont passés, non ?

- Oui, c'avait l'air d'aller. Allan a l'air d'aller bien mieux. Ça fait plaisir à voir…

- C'est sûr. Il parait qu'il a de meilleurs résultats, c'est bon signe. »

Ils commencèrent leur dîner, tout en discutant. Draco s'installa de l'autre côté du lit de façon à pouvoir lui tenir la main tout en mangeant. Ils parlèrent du médecin et de son fils, de Blaise et Luna, et évoquèrent même Seamus, dont Harry n'avait pas de nouvelles depuis trois jours, ce qui commençait à l'inquiéter. Le brun fronça les sourcils quand il vit le sourire moqueur de Draco : il en savait plus qu'il ne voulait bien le dire… Mais il refusa de lui en parler, lui disant simplement que les choses s'étaient arrangées. Harry rageait : il était au courant et pas lui ? Seamus lui en avait parlé et même pas à lui, alors qu'il lui avait quasiment tout raconté ? C'était vraiment du n'importe quoi…

Draco ne lâcha pas le morceau et tenta de détourner son petit ami de la question « Seamus Finnigan », ne parvenant à le faire qu'au bout d'une longue lutte… et quelques baisers à couper le souffle. Ils passèrent un bon moment ensemble. C'était un peu comme si cette journée catastrophique n'avait jamais existée… ni même leur dispute quand il était rentré.

Ils terminèrent la soirée dans les bras l'un de l'autre. Draco avait aidé le brun à s'avancer un peu, puis il s'était glissé derrière lui. Il ne l'avait pas fait depuis une éternité, mais à présent, bien que Harry soit un peu bloqué, il avait accès à son cou et pouvait l'embrasser comme il l'entendait. Ce fut l'un des moments les plus tendres qu'ils passèrent, depuis que Harry s'était réveillé. Le plus tactile, le plus doux…

Des baisers dans le cou, de petits rires… Leurs mains qui se cherchaient, ses bras autour de sa taille… Son odeur, sa joue contre la sienne…

Un peu comme s'ils se redécouvraient…

OoO

« Tu sais c'est quoi, le pire ?

- Heu… non ?

- Je m'y étais fait, à cette putain de minerve… »

Ron explosa de rire, alors que Hermione lui jetait un regard mauvais. Millicent fit des efforts pour contrôler ses gloussements, mais elle n'échappa pas au regard courroucé de son amie.

« Ron, un peu de tenue ! Ça n'a rien de marrant !

- Nan mais attends, il nous a fait un caca nerveux parce qu'il en pouvait plus de sa minerve, et maintenant il…

- Laisse, Hermione, je me désespère moi-même…

- Draco aussi doit être désespéré.

- Millicent ! »

Et Ron n'en finissait plus de rire. Assis dans son lit, Harry souriait doucement, alors qu'il regardait son ami se faire disputer par sa chère et tendre. Près de lui, Millicent ne se retenait plus de glousser.

« Le pauvre Draco, il n'a pas fini d'en baver.

- Oh, ça non. Mais je ne le lui ai pas avoué, sinon il me forcerait à la porter non-stop.

- J'imagine. »

Millicent avait le cœur léger : le visage de Harry, qui portaient encore des marques, paraissait plus serein que la dernière fois où elle l'avait vu et il souriait, comme autrefois. C'était un peu comme si elle retrouvait le tatoueur qu'elle avait connu, avec les cheveux plus courts et des membres emplâtrés, mais avec la même douceur sur le visage et le même humour.

Elle avait longtemps hésité avant de venir. Harry ne voyait quasiment personne, ne supportant pas son état, et Hermione ne cessait de demander à Ron de ses nouvelles : ce dernier passait parfois voir son ami, ou du moins il l'appelait régulièrement et jamais Harry ne l'avait envoyé bouler au téléphone. Au contraire, le brun semblait avoir besoin de conserver un certain contact avec lui, de lui parler. Las des questions de sa petite amie qui n'osait pas appeler le concerné, le rouquin avait décidé de l'emmener voir le tatoueur, avec son autorisation, et avait embarqué Millicent par la même occasion.

Et contrairement à ce que la jeune fille aurait imaginé, l'atmosphère était loin d'être tendue ou gênante, car bien que Harry ne supporte manifestement pas son état, il s'était fait une raison et ne se lamentait pas sans cesse, prenant même parfois la chose avec humour. Ron dédramatisait la situation et son ami le suivait avec un plaisir non feint. C'était donc plutôt agréable de discuter ensemble sans limites à ne pas franchir. Bien qu'aucun des trois n'évoquât l'état catastrophique de sa jambe. Ni même Cédric…

Ils passèrent une bonne après-midi ensemble et quand les filles durent partir, elles virent tous que Harry était un peu triste, même s'il essayait de le cacher. Les deux étudiantes lui promirent de revenir bientôt, soulagées de voir que leur regard ne lui faisait plus peur, comme elles l'avaient craint. C'était un peu comme un cap de passé.

Seul Ron resta avec lui. Hermione avait un dîner en famille et ses parents venaient la chercher, et quant à Millicent, c'était Gregory qui venait la prendre pour l'emmener au cinéma. Ron les raccompagna donc successivement à la porte avant de remonter dans la chambre de son ami, où il finit par être seul, avec lui.

« Ça fait du bien de voir du monde, n'est-ce pas ?

- Tu peux même pas imaginer.

- Tu en viens à te demander pourquoi tu ne les as pas laissés entrer plus tôt.

- Je sais pourquoi je ne l'ai pas fait, mais… c'est vrai que ça fait du bien. Ne pas être regardé de travers… ou qu'il n'y ait pas de gêne… Ça fait du bien.

- Je suis content. »

Harry rougit face au sourire de Ron, qui paraissait réellement soulagé. Plus les jours passaient, et plus il se sentait mieux dans sa peau, se pardonnant petit à petit de ne pas l'avoir protégé, cette nuit-là. Harry ne lui en avait jamais voulu, il n'avait même jamais imaginé qu'il puisse en souffrir, et après de longues discussions sur le sujet, Ron avait fini par accepter l'idée qu'il n'y était pour rien. Vraiment.

« Tu as des nouvelles des autres, sinon ? Cho, Théo…

- Non, pas vraiment. Enfin, ils ne sont pas venus. Je vais les appeler pour leur dire de venir…

- Ils n'attendent que ça, j'en suis sûr. Ça fait un bout de temps que j'ai pas vu Sirius, il va bien ?

- Il s'acharne sur Cédric. Donc… oui et non. »

Le visage du tatoueur s'assombrit un peu. Il sentit son cœur se serrer dans sa poitrine.

« Ne pense pas à ça…

- Cédric ne veut rien dire. Enfin… quasiment rien. Il reste silencieux. Il va falloir que je sois confronté à lui.

- Quand ?

- J'en sais rien. On attend que mon plâtre soit retiré. Celui de mon bras. »

Sa voix se tendait, et son regard était fuyant. Ron regretta d'avoir amené le sujet, indirectement.

« J'ai pas envie de le voir…

- Je sais. Mais n'y pense pas, tu n'y ais pas.

- Sirius m'en a parlé, avant-hier. Je sais qu'il en a parlé à Draco, aussi.

- Il est énervé ?

- Oui. Enervé, et angoissé. Plus que moi. Je le connais… »

Draco était comme un lion en cage. Il ne lui avait rien dit à propos de cette affaire, mais Harry savait parfaitement que ça le mettait en colère. Il le connaissait assez pour lire dans ses gestes sa rage et son inquiétude. Objectivement, Cédric ne pourrait plus rien faire à Harry, il ne pourrait plus le toucher… mais il pouvait toujours le torturer mentalement, lui dire des choses qu'il n'avait pas à entendre, encore… des déclarations d'amour enflammées, des menaces de mort… le dégoût dans ses yeux, face à son corps blessé, ou les larmes… les larmes de souffrance, en voyant ce qu'il lui avait fait…

Il ne voulait pas le voir et être confronté à lui, pour la énième fois… Car même s'il ne se sentait pas détruit de l'intérieur, seul contre tous, il était terrifié à l'idée de le voir et refusait que Draco subisse une épreuve de plus, à l'attendre dans le hall du commissariat, alors que lui essayait de faire craquer son ex.

« Ne te prends pas la tête avec ça maintenant. De toute manière, tout est contre Cédric, il ne peut rien t'arriver et il n'échappera pas à la prison.

- Je ne comprends pas pourquoi il refuse de parler. Enfin, il a avoué, pour moi… Mais il y a tant de choses qu'il refuse de dire : comment il est arrivé là, tout ça quoi…

- Il refuse de parler de ce qui peut l'enfoncer. C'est normal. »

Mais il y avait des choses qui ennuyaient profondément Harry… comme le fait qu'il refuse d'avoir sa tentative d'assassinat envers Draco. Il avait été poursuivi sur l'autoroute par des voitures, alors que Théo conduisait son véhicule : après avoir fait des tonneaux sur la route, ils étaient parvenus à en sortir vivant, et alors une autre voiture était venue les percuter. Tout portait à croire que Cédric était le coupable. De même, il avait agressé Cho à son domicile et Ron dans la rue alors qu'il enlevait Harry avec ses sbires. Il avait beau avoir avoué le kidnapping et la séquestration, il n'avait jamais mentionné les noms de ces quatre autres personnes, comme si cela ne concernait pas l'affaire… ce qui le rendait malade… plus que les concernés, d'ailleurs.

« Mais ça finira par sortir. Te rends pas malade, t'as d'autres soucis en tête. »

Il avait tellement de soucis en tête que ça l'épuisait. Jamais Harry ne s'était autant pris la tête en si peu de temps et il fallait dire qu'entre Draco, Seamus, son état et Cédric, il n'était pas prêt de retrouver la paix intérieure. Les choses s'arrangeaient de plus en plus avec son petit ami mais il n'avait guères de nouvelles de l'irlandais qui demeurait assez évasif sur ses problèmes sentimentaux, et ce n'était pas Draco qui allait l'aider à y voir plus clair dans cette affaire. Au contraire, ça l'amusait de garder le secret…

D'ailleurs, Théo l'avait appelé la veille pour prendre de ses nouvelles et Harry lui avait demandé comment allait Seamus, et même lui ne semblait pas capable de l'informer avec précision de son état. Il l'avait eu en larmes dans ses bras et Théo n'était pas même pas fichu de lui dire clairement si l'irlandais se sentait mieux, ni même si le type qui lui faisait du mal était un connard fini. En fait, Théo était tellement évasif que Harry avait failli l'engueuler, mais il s'était retenu. Mais il le regretta rapidement, car quand il en parla à Draco, ce dernier éclata de rire, à en être plié en deux…

Son chéri était un peu étrange, des fois… et il n'aimait pas quand il lui faisait des petits secrets. Même si ce n'était pas important… mais qu'il sache quelque chose sur un… « ami commun » que lui ignorait ne lui plaisait pas vraiment.

« Bon, je vais pas tarder, moi.

- Tu fais quelque chose, ce soir ?

- Ouais : je vais à l'anniversaire du mec de Ginny.

- Il t'a invité ?

- C'est plutôt elle qui l'a fait. J'sais pas trop pourquoi. Hermione m'a dit qu'elles s'étaient disputées récemment et ma sœur veut me présenter des filles un peu plus haut de gamme, physiquement parlant.

- Et Hermione te laisse y aller ?

- Bof, tu la connais, elle est pas jalouse. Et elle sait que j'aime pas les grosses poitrines ni les mini-jupes…

- Si c'était le cas, ta vie serait bien triste, avec elle. »

Ron eut un petit rire : on ne pouvait pas dire que sa petite amie était la fille la plus sexy du coin mais il l'aimait telle qu'elle était. Et elle le savait. Ils avaient confiance l'un dans l'autre et ce n'était pas une petite soirée avec les potes du mec de sa sœur qui allait chambouler leur couple, loin de là.

Le rouquin ne tarda pas à le quitter : il devait se changer, passer chez sa mère récupérer sa sœur et puis l'emmener à la fête. Il n'était pas particulièrement enchanté à l'idée d'y aller car il n'aimait pas vraiment ce type. A vrai dire, en général, il n'aimait pas vraiment les copains de Ginny, et les rares fois où il les appréciait, elle les quittait assez rapidement. Ce type-là était trop jaloux et possessif, ce n'était pas très bon qu'elle reste avec lui, d'autant plus qu'elle n'avait pas de situation stable, travaillant à mi-temps, et elle avait tendance à sortir un peu trop souvent. Sa mère ne disait rien, mais n'en pensait pas moins. Elle n'avait plus qu'elle à la maison et ne savait plus vraiment quoi faire pour la remettre dans le droit chemin…

OoO

Draco rentra assez tard. Il fit l'effort d'appeler Harry pour le prévenir, persuadé qu'il se ferait un sang d'encre si jamais il ne rentrait pas à peu près à l'heure, ce qui avait fait marrer ses collègues de travail. Enfin surtout une, qui semblait avoir plus ou moins compris que ce n'était pas sa petite amie qu'il appelait. Enfin, il n'avait pas confirmé ses soupçons : après avoir discuté avec ses autres collègues, il avait compris qu'il avait affaire à de sympathiques homophobes. Il préférait éviter que sa collègue, bien que très sympathique, ne cafte auprès des autres et bousille l'ambiance au boulot.

En rentrant, il passa à la superette pour faire quelques courses, après avoir ramené Millicent chez elle. En effet, cela faisait quelques temps qu'ils n'avaient pas passé un petit moment ensemble donc ils étaient allés boire un café ensemble après leur journée de travail respective. Il était près de dix-neuf heures quand Draco arriva à la boutique, les mains chargées de sacs qu'Isaline s'empressa de prendre pour les ranger dans le frigidaire et les placards au-dessus du plan de travail.

A peine Draco mit-il les pieds chez elle qu'il sentit que quelque chose n'allait pas. Déjà le matin, alors qu'il buvait son café avec elle dans la cuisine tout en mangeant des tartines, il avait sentit qu'elle n'était pas en forme. Non pas qu'elle ait eu les jours précédents une pêche d'enfer, mais elle était moins souriante et elle parlait peu. Quand il entra, elle se jeta sur lui, feintant la bonne humeur, mais la tatoueuse paraissait tendue et un peu énervée.

Cela dit, le blond pensa que cela ne le regardait pas et il n'avait pas spécialement envie qu'elle se fâche contre lui parce qu'elle était dans un mauvais jour, donc il préféra monter à l'étage pour embrasser son petit ami qui l'accueillit avec le sourire, ce qui lui mit du baume au cœur. L'étudiant se rendit compte qu'il avait oublié son sac en bas, alors il redescendit le chercher, et il ne put garder ses questions pour lui en voyant Isaline partir dans un rangement complet du placard, jouant à une sorte de tétris grandeur nature avec les courses…

« Isaline ?

- Yes, beau blond ?

- Je peux savoir ce que tu as ?

- Moi ? Mais j'ai rien. J'ai pas le droit de ranger mes placards ?

- Tu sais, si on y réfléchit, je ne sais pas grand-chose de toi. Mais j'en sais assez pour savoir quand tu vas bien, et quand ça va pas. Et, là, ça va pas. »

Isaline se tourna vers lui pour lui lancer un regard agacé, de ceux qui closent les conversations. Mais Draco était bien décidé à savoir ce qui se passait.

« T'en as parlé à quelqu'un ?

- De quoi ?

- De ce qui va pas.

- Je vais bien, Draco. J'ai pas la pêche aujourd'hui, c'est tout.

- Moi, j'ai l'impression que quelque chose ne tourne pas rond. Si tu as besoin de sortir, ou si tu as des soucis financiers…

- J'ai aucun souci, okay ? »

Elle voulut sortir de la cuisine, l'air clairement agacée par son comportement, mais Draco l'en empêcha. Il crut un instant qu'elle allait exploser, tant son regard brillait, mais elle prit sur elle. Ils restèrent quelques secondes ainsi, l'un en face de l'autre, elle qui évitait son regard et lui qui attendait une réponse.

« J'ai la ménopause. »

Isaline leva les yeux vers lui, énervée, et faillit rire en voyant sa mine stupéfaite. Ses grands yeux bleus s'étaient arrondis de surprise et sa bouche légèrement entrouverte. Mais elle n'avait pas le cœur à rire…

Elle avait plutôt envie de se cacher sous sa couette, pleurer comme une perdue et s'endormir pour ne plus jamais se réveiller…

« Mé… nopause ?

- Ouais.

- Et comment tu…

- Je le sais. C'est tout. Retard de règles. »

Elle avait à peu près un retard de deux semaines. Pourtant, elle n'avait que quarante ans, mais elle avait un peu mal au ventre depuis quelques temps… elle avait beau se dire que ce n'était que l'effet naturel de ses angoisses, elle mettait cela sur le dos de ce cauchemar qu'elle avait tant redouté.

Elle n'aurait jamais d'enfants. Non pas qu'elle espérait en avoir dans les années à venir : elle n'était plus toute jeune et Rémi avait déjà un fils, et même s'ils n'en avaient jamais vraiment parlé, elle ne pensait pas qu'il pourrait désirer un autre enfant. Sinon, il en aurait fréquenté des plus jeunes… et puis même. Même…

Ce moment qu'elle avait tant redouté, en temps que femme, venait de se produire. Elle finirait sa vie en femme célibataire et sans enfant.

Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle n'en avait pas parlé à Nymph', ni même à qui que ce soit. Le dire à haute voix à Draco rendait la chose plus réelle, et plus douloureuse, aussi…

« Tu as un retard de combien ?

- A peu près deux semaines. J'ai jamais été très bien réglée, je suis pas régulière… »

Son cœur lui faisait si mal qu'elle ne se rendait même pas compte qu'elle parlait de ses problèmes intimes au copain de son presque fils. Il était médecin, il était gentil et il y avait de la tendresse dans son regard, mais il restait le petit ami de Harry, et Dieu savait comme elle avait toujours été discrète sur ces choses-là…

« Attends, tu prends pas la pillule ?

- Bah nan, je suis stérile.

- Tu as fait des tests ?

- Non, mais je le sais.

- Donc tu ne te protèges pas, avec Rémi ?

- Nan. Pourquoi tu…

- Tu as des nausées ? »

Il y eut comme un blanc dans sa tête. Draco la regarda relever les yeux vers lui. Il sentit quelque chose se tordre en lui, quand il lut la détresse et la souffrance, dans ses yeux et sur son visage… Elle paraissait être au bord des larmes. Elle baissa la tête toute en se mordillant les lèvres.

« Tu as des nausées ?

- Arrête…

- C'est un signe, Isaline…

- Nan. Nan. J'ai déjà eu des nausées, et j'ai jamais… Je suis stérile, Draco ! J'ai jamais eu d'enfants, j'ai tout fait pour en avoir ! Je peux pas… Je peux pas… »

Et elle craqua. Elle sentit les larmes quitter ses yeux et couler sur ses joues, sans qu'elle ne puisse les retenir. Alors Draco la prit dans ses bras et la serra fort. Il plongea sa main dans ses cheveux alors qu'elle sanglotait dans son cou.

Elle refusait d'y croire. Car c'était impossible…

Isaline avait tellement essayé d'avoir un enfant… Ce n'était pas possible qu'elle puisse tomber enceinte aujourd'hui. Elle avait arrêté la pilule, elle avait pris des traitements, en secret, pour avoir un enfant, et jamais elle n'était parvenue à avoir un bébé. Jamais. Et à présent, à quarante ans, elle aurait… avec Rémi…

Impossible…

Et elle lui dit qu'elle était stérile…

Elle n'était pas enceinte…

« Tu veux que j'aille chercher un test ? La pharmacie doit être encore ouverte. »

Le jeune homme attendit quelques minutes avant qu'elle hoche la tête, un peu calmée. Mais à peine la lâcha-t-il qu'Isaline regretta de lui avoir dit oui. C'était sans espoir… Pourtant, elle posa les mains sur son ventre, un peu arrondi par les années. Et son cœur se serra, car elle imagina son attente, le test posé sur le lavabo, et un échec, une fois encore… car elle était stérile, elle le savait. Et elle n'avait même pas fait l'amour sans protection ni pilule pour avoir un enfant, c'était la suite logique des choses, elle l'avait déjà fait avant Rémi…

Elle ne pouvait pas avoir un enfant de lui… Elle ne pouvait pas…

Le cœur au bord des lèvres, la patronne monta à l'étage. Sous le regard aussi surpris qu'inquiet de son neveu, elle se glissa dans les draps et se blottit tout contre lui. Il ne dit rien et la serra contre lui du mieux qu'il put. Elle pleurait encore un peu et son visage était rouge. Il lui demanda juste où était Draco et elle lui répondit qu'il n'allait pas tarder à revenir.

Quelques minutes plus tard, il rentra et alla la chercher dans la chambre qu'il partageait à présent avec Harry. Draco vit dans son regard qu'elle ne voulait pas le faire, mais c'était essentiel. Ce n'était peut-être qu'une grossesse nerveuse, ça arrivait, ou alors une erreur, et si c'était le cas, elle aurait mal… mais elle devait savoir et ne pas rester dans le doute plus longtemps.

La tatoueuse quitta donc le lit pour aller faire le test. Draco s'assit près de Harry, attendant les questions qu'il devait se poser depuis quelques minutes, à moins qu'Isaline lui ai tout dit…

« Je peux savoir ce qui se passe ? »

… mais apparemment, ce n'était pas le cas.

« Ta tante a la ménopause.

- Pardon ?

- Ou plutôt, un retard de règles qui la pousse à cette conclusion.

- Un… retard de règles ? »

Harry paraissait dubitatif. Pour lui, retard et ménopause n'allait pas ensemble, Isaline était encore trop jeune pour ça et… il comprit.

« Attends, Tata est en train de faire un… test de grossesse ? Là, tout de suite ?

- Elle avait des nausées et elle a un retard d'au moins deux semaines, en sachant qu'elle est mal réglée, encore à son âge…

- Elle t'a parlé de ça ?

- Elle ne va pas bien depuis ce matin, elle était tendue au petit-déjeuner et son état a empiré. Elle était au bord des larmes, avant que je lui suggère cette supposition…

- Tata va être dévastée, si c'est faux… »

Cela ne lui plaisait pas de voir le visage de Harry aussi inquiet, et malheureux à la fois, et la figure désemparée d'Isaline ne voulait pas quitter son esprit.

« Prions pour qu'elle soit enceinte, alors.

- Elle a toujours pensé qu'elle était stérile…

- Elle désirait un enfant de Rémi ? Ils avaient ce genre de projets ?

- J'en sais rien, elle ne m'en a jamais parlé. Je ne pense pas. Tu sais, quand elle a passé la quarantaine, elle a plus ou moins renoncé à sa vie de femme. Rémi… c'était que du bonheur, et en même temps elle angoissait, parce qu'elle se sentait vieille, et elle finirait par ne plus être tout à fait une femme.

- Donc on ne peut même pas parler de grossesse nerveuse… enfin, je ne pense pas… »

Quand Isaline revint, elle était plus pâle que jamais. Elle hésita un instant avant de retourner se cacher sous la couette, ce qui fit rire Draco. Etonnement, cela lui arracha un sourire. Ils parlèrent un peu, changeant de sujet. Les minutes passèrent, stressante, et vint le moment où il ne servait plus à rien d'attendre. Isaline semblait fermement décidée à restée sous la couette : ce fut donc Harry qui brisa cet espèce de tabou qui s'était installé depuis quelques minutes en lui disant qu'elle devrait aller voir le résultat.

« J'ai pas envie. Il va être négatif, c'est certain.

- Draco, tu peux aller voir, s'il te plait ?

- Ah non !

- Tata…

- Je veux pas qu'il y aille.

- Je suis un peu bloqué, moi, je peux pas y aller.

- Déjà que je lui ai parlé de la fréquence de mes règles, il va pas en plus aller voir le résultat de mon test, quand on sait comme ça se pratique.

- Isaline, tu te souviens que je fais des études de médecine ? Que ce n'est pas un peu de…

- Tais-toi !

- Allez, j'y vais. »

Le blond écouta à peine la tatoueuse protester. Si on l'écoutait, le test resterait dans la salle de bain jusqu'à la fin de sa vie. Et, lui, il avait vraiment envie de savoir. Le cœur plus ou moins léger, il se rendit donc dans la salle de bain tandis qu'Isaline serrait la main de Harry à lui faire mal, le corps tendu d'angoisse. Ils attendirent que le blond arrive, tenant ce maudit test dans la main.

Avec un… affreux… sourire suffisant.

« Mlle Isaline Anderson… »

Non, c'était pas…

« Vous attendez un enfant. »

… possible.

Elle fondit en larmes.

OoO

Il lui fallut trois jours pour avoir la confirmation qu'elle était enceinte. Après un rendez-vous chez le médecin, Isaline alla faire une prise de sang et il fallut que Draco aille chercher la réponse de l'analyse lui-même pour qu'ils aient la réponse.

Ce furent trois jours d'angoisse et de stress. Nymph' subit la mauvaise humeur d'Isaline sans trop comprendre ce qui se passait. Elle supposa qu'elle devait avoir ses règles et que ses hormones lui jouaient des tours, mais ça ne tarda pas à péter et quelle ne fut pas la stupeur de la tatoueuse quand elle vit sa patronne s'enfuir de la cuisine où elles se crêpaient le chignon pour aller dans sa chambre s'enfermer à double tour. Elle fut si surprise qu'elle alla en parler à Harry et même à Draco. Ces derniers firent comme s'ils ne savaient rien, feintant la surprise. Enfin, ce ne fut guère difficile pour le blond de paraître surpris : il n'en revenait pas que Nymph' se fasse du mouron parce qu'Isaline, au lieu de l'éclater en bonne et due forme, aille piquer sa crise ailleurs…

Draco alla chercher les résultats avant de rentrer, après avoir bu un verre avec Blaise qui l'avait ramené en voiture, de façon à ce que Nymph' ne soit plus là quand il arriverait et annoncerait à Isaline qu'elle attendait réellement un bébé. Bien sûr, il ouvrit l'enveloppe devant elle, sous son regard anxieux. Ils étaient dans la chambre de Harry et, contrairement à ce qu'il aurait cru, la patronne ne versa pas une larmes. Nerveuse, se mordillant la lèvre, elle ne paraissait ni heureuse, ni triste, mais plutôt très inquiète.

Comment s'émouvoir, recevoir cette nouvelle avec bonheur, alors que le père de cet enfant était un homme divorcé, ayant déjà eu un enfant, et qui la croyait stérile ?

Pour elle, c'était comme une trahison.

Elle avait trahi Rémi.

Pourtant, il n'était pas le premier à qui elle faisait le coup, mais il était sans aucun doute le meilleur homme qui ait croisé sa route jusqu'alors. Il avait des défauts, comme tous les hommes, et ne la comprenait pas toujours, mais c'était quelqu'un de bien, et elle pensait finir sa vie en existant à travers Teddy, Allan, et leurs futurs enfants. Elle ne pensait pas pouvoir tomber enceinte, pas après avoir passé tant de temps à espérer et essayer, en vain…

Et là, alors qu'elle était en couple avec un homme formidable, qui acceptait son métier, son passé, sa famille recomposée, il fallait qu'elle le trahisse en tombant enceinte…

Et rien de ce que Harry ou Draco aurait pu lui dire ne pouvait la faire changer d'avis. Tout était sa faute. Et l'idée de lire de l'incompréhension, de la colère, de la souffrance dans les yeux de Rémi la remplissait d'effroi. L'avortement était exclu, elle ne pouvait se résoudre à perdre cet enfant, qu'elle avait tant désiré. Mais comment lui dire ? Comment le prendrait-il ?

Elle était perdue.

Déjà, dis-le à Nymph', Sirius et Remus, lui dit Harry avec un grand sérieux. Oui, c'était peut-être la chose à faire, avant toute chose, mais Isaline n'arriva pas à se résoudre à le leur dire avant de l'avouer à Rémi. Pour elle, il devait être le premier à être mis au courant. Draco lui proposa de l'accompagner, ou de l'appeler, ou de faire quelque chose pour l'aider, si elle en avait besoin, mais ce n'était pas à lui de lui annoncer la nouvelle.

En réalité, il lui fallut une semaine pour accepter l'idée qu'elle était enceinte. Au moment où Draco lui avait annoncé le résultat du test, elle savait déjà que ça ne servait pas à grand-chose d'attendre la confirmation des tests sanguins. Il fallait les faire, bien sûr, mais l'évidence l'avait déjà frappée de plein fouet et il lui fallu plusieurs jours pour s'en remettre et l'accepter.

Le plus dur était d'accepter. Car cet enfant, c'était à la fois ce qu'elle avait tant désiré, mais aussi la perte certaine de l'homme qu'elle aimait. Rémi avait beau être compréhensif et aimant, il n'accepterait surement pas cet enfant non désiré. Il avait quarante ans, un fils de quatorze ans, et certainement pas l'envie de recommencer à changer les couches. Ils n'avaient jamais parlé d'enfants, même avant d'avoir fait l'amour pour la première fois. Rémi en aurait voulu d'autre, du temps de son mariage, c'était même un sujet de discorde avec son ex-femme, quelques années après la naissance de leur fils, puis il avait laissé tomber. Mais recommencer, à son âge ? Surtout dans ces circonstances… Même pas un problème de capote ou de pilule… Comment lui expliquer ? Comment lui faire comprendre qu'elle était désolée, qu'elle n'avait pas voulu le piéger, que pour une fois elle avait fait l'amour sans se protéger et sans arrière-pensées ?

Il l'aimait. Il le lui avait dit, et ses mots l'avaient transportée de joie. Elle avait été si heureuse ce jour-là… Autant que celui où il lui avait proposé de vivre ensemble. Il avait un peu parlé avec Allan et il n'en voyait pas d'inconvénients. L'adolescent avait l'air même plutôt content. Mais de là à fonder une famille, ensemble… Avoir un bébé, emménager ensemble… Ça ne faisait pas un an qu'ils étaient ensemble, bordel, à peine quelques mois…

Elle allait avoir un bébé…

OoO

Elle savait que ce n'était pas une bonne idée. Harry et Draco lui avaient pris la tête en lui disant que ce n'était pas le meilleur scénario pour lui annoncer la nouvelle, mais quand elle avait entendu sa voix un peu maussade au téléphone, signe qu'il ne se sentait pas très bien et qu'il avait besoin de parler, elle n'avait pu résister et avait accepté de passer la nuit chez lui, Allan passant le week-end chez sa mère. Harry avait beau lui dire que, précisément, il n'avait pas la patate, donc il ne serait pas dans de bonnes conditions pour encaisser la nouvelle, Isaline fit son sac avec un change pour le lendemain.

Ce fut Draco qui l'amena chez Rémi. Elle ne se sentait pas très bien, à cause de l'angoisse qui l'empêchait parfois de manger, et elle était terrifiée à l'idée d'avoir envie de vomir chez Rémi. Et les nausées ne la quittaient pas… Plus d'une fois, elle faillit, demander à Draco de rebrousser chemin. Ce qui l'empêcha de le faire, ce fut que Rémi, évidemment, se précipiterait chez elle pour savoir pourquoi elle n'allait pas bien. Dans tous les cas, elle était piégée… à quoi bon retarder l'inéluctable ?

Draco la déposa juste devant l'immeuble où vivait Rémi, puis repartit quand elle entra dans le hall. Elle avait mal au ventre, au point qu'elle attendit l'ascenseur assise sur les marches d'escaliers. Elle maudit son corps de la trahir à un moment pareil… et plus encore quand elle fut enfin devant la porte du médecin. Crispée et le cœur au bord des lèvres, elle sonna et Rémi vint lui ouvrir. Il sourit en la voyant… puis il fronça les sourcils.

« Bonjour, Isaline. Tu es bien pâle, ça ne va pas ?

- Pas vraiment… »

Ce furent les mots de trop. Elle poussa Rémi sans ménagement sur le côté et se précipita dans les toilettes. Se laissant tomber devant, elle prit appui sur la cuvette et rendit le maigre contenu de son estomac. Elle entendit Rémi arriver et sentit ses mains sur ses épaules, alors qu'il s'agenouillait près d'elle. La tatoueuse entendit à peine ses questions, trop occupée à soulager son corps. Les larmes perlaient à ses yeux, elle se sentait misérable…

Au bout d'un long moment, elle parvint à reprendre son calme. Son corps ne tressautait plus, son cœur reprenait un rythme à peu près normal et sa respiration s'apaisait de minute en minute. Près d'elle, Rémi s'était assis, calé contre le mur, attendant. Isaline ne songea même pas qu'il l'avait vue vomir et à quel point c'était dégradant. Elle avait un autre souci : répondre à ses questions.

« Ça va mieux ?

- On fait aller…

- Pourquoi tu es venue, si tu ne te sentais pas bien ? Draco aurait pu te ramener, j'aurais compris.

- Ouais, mais tu serais venu à la maison, ça revient au même. »

Elle ne le regardait pas. Elle n'avait pas la force d'affronter son regard, qui la transperçait. Elle avait envie de se creuser un trou et de s'y enfouir…

« Ça fait longtemps que tu as ces nausées ? »

Le ton de sa voix était calme, neutre. Le ton d'un médecin auscultant sa patiente.

« Quelques semaines. L'angoisse du boulot.

- Seulement ça ?

- Nan. Pas seulement ça. »

Elle leva enfin les yeux vers lui, et elle lut sur son visage qu'il cherchait à comprendre. Elle rebaissa la tête, regardant ses mains, à défaut d'avoir quelque chose de plus intéressant sur lequel se concentrer.

« Tu es allée voir un médecin ?

- Oui.

- Tu as fais… des tests… sanguins ?

- Ouais. »

Sa voix se bloqua dans sa gorge.

Il avait compris.

« Eh bien… Voilà une façon très original de me faire comprendre que tu es enceinte. »

Elle sentit en elle quelque chose s'effondrer. Elle avait envie de lever la tête, de se lever, même, de le regarder et de lui dire qu'elle comprenait, sa colère, sa peine, qu'elle ne lui demanderait rien, qu'elle l'élèverait seule, et qu'il pourrait venir le voir, s'il en avait envie…

Mais elle était clouée au sol, au bord des larmes, le corps tendu et le cœur sur le point d'exploser…

« Tu sais de quoi j'ai envie, là, tout de suite ?

- Nan… ?

- De t'embrasser. »

Vivement, elle leva la tête, à s'en déboiter le cou. Et il souriait. Légèrement, timidement. Un peu comme s'il ne savait pas vraiment quelle réaction adopter, mais qu'au fond, il était content. Peut-être heureux.

Il souriait…

« Mais vu que tu viens de rendre le contenu de ton estomac, je préfère éviter.

- Rémi…

- Ça fait combien de temps que tu le sais ?

- Une semaine…

- Si je me trompe pas, tu as un peu maigri, et tu as des cernes, signe que tu dors mal. Donc je suppose que ça fait une semaine que tu cherches un moyen de me le dire, et donc une semaine que tu te fais du mal.

- Je suis désolée…

- Isaline, je ne suis pas stupide. J'ai vraiment cru que tu étais stérile, mais tu n'as jamais fait de tests, donc j'aurais été bien stupide de croire qu'il n'y avait aucune chance pour que tu tombe enceinte. Je suis médecin, je te signale. Tu n'es pas la seule fautive.

- Tu es… content ?

- Tu croyais vraiment que je t'en voudrais ? »

Les vannes s'ouvrirent, en elle, et Isaline fondit en larmes. Quand elle sentit les mains de Rémi sur elle, cherchant à l'attirer contre lui, elle ne résista pas et se blottit contre son torse, peinant à se calmer, en dépit de ses mains douces qui allaient et venaient dans ses cheveux, et ses baisers sur son front et son visage…

Elle l'écouta lui dire à voix basse qu'ils allaient avoir un bébé, qu'ils allaient fonder une famille. Que ce n'était pas un drame, c'était même la plus belle chose qu'elle aurait pu lui offrir.

Elle l'écouta lui dire à voix basse qu'il l'aimait, et que tout allait s'arranger.

OoO

Ce ne fut que plus tard dans la soirée qu'Isaline se décida à appeler chez elle. Elle sentit le soulagement de Harry dans sa voix et son léger rire quand elle lui raconta sa mésaventure. Cela lui fit du bien de raconter cela à quelqu'un, même si au fond elle aurait préféré le dire à Sirius, qui se serait moqué d'elle, mais il n'était pas au courant et il valait mieux éviter de lui annoncer la nouvelle par téléphone.

Elle avait passé un long moment dans les bras de Rémi qui, complètement à la ramasse après une énième journée éreintante, avait entrepris de la rassurer et d'enfin lui communiquer sa joie. En fait, il mit un certain temps avant de réaliser pleinement qu'il allait être à nouveau papa, et quand il en prit réellement conscience, il serra Isaline dans ses bras à l'étouffer tout en riant à gorge déployée. Elle en fut stupéfaite, ne l'ayant jamais entendu rire de cette manière-là, mais il était temps qu'il ait une réaction car sa manière trop calme de réagir la faisait flipper.

Mais Rémi avait toujours été comme ça : un homme posé et réfléchi qui avait du mal à se laisser aller. De plus, il lui avoua certaines choses, qu'Isaline n'aurait jamais imaginées… Entre autres, quand Isaline lui demanda comment diable Allan allait réagir, Rémi lui raconta qu'il avait déjà eu cette conversation avec son fils. En fait, c'était l'adolescent qui lui avait demandé s'ils comptaient avoir un enfant, tous les deux, et son père lui avait répondu que ce n'était pas à l'ordre du jour : ça ne faisait pas si longtemps que ça qu'ils étaient ensemble et ils n'en avaient jamais vraiment parlé. Mais en vérité, Rémi n'aurait pas été contre : il n'était pas tout jeune mais il était prêt à être père à nouveau, et il aimait assez Isaline pour envisager une vie en couple, voire une vie de famille. Allan lui avait alors clairement fait comprendre que ça ne le dérangerait pas d'avoir un petit frère ou une petite sœur.

Autant dire qu'Isaline en fut estomaquée. Jamais elle n'aurait cru que l'adolescent puisse avoir envie d'un demi-frère ou d'une demi-sœur, lui qui était si jaloux quand il s'agissait de son père, et s'il avait appris à tolérer et aimer Isaline, elle ne le pensait pas assez mature pour accepter cette forme d'union entre les deux adultes. Le fait qu'Allan et son père acceptent cette situation aussi facilement mettait la pauvre femme dans tous ses états : si elle avait su, elle ne se serait pas fait du mauvais sang comme ça. A ces mots, Rémi avait éclaté de rire, et alors il lui avait enfin montré à quel point il était heureux…

Pour lui, c'était un peu comme un rêve qui se réalisait. Il avait toujours désiré avoir deux enfants, ce que son ex-femme lui avait refusé. Avec Isaline, il avait eu l'impression de reprendre un coup de jeune, et avec cet enfant, son univers serait bouleversé. Oui, c'était accidentel, mais il se doutait que ce genre de choses pourrait arriver, et s'il en avait eu peur, il aurait agi différemment. Oui, cela faisait trop peu de temps qu'il fréquentait Isaline.

Mais il était heureux.

Pourquoi se remettre en question alors qu'ils étaient heureux…

OoO

Ce qu'il y avait de chiant avec le marché, c'était qu'on prenait l'habitude de se réveiller tôt, même les jours de repos. Pour Théo, ça avait toujours été un avantage car cela lui permettait de se lever tôt le matin sans être trop fatigué ou dans le coltard. Mais depuis quelques jours, il maudissait cette sale habitude qui le poussait à se réveiller tôt les matins où il pouvait faire la grasse matinée… Il travaillait quelques jours par semaine, remplaçant certains employés de son patron comme les étudiants ou autre, et il avait du mal à retrouver un rythme de sommeil normal.

La veille, il avait passé la soirée avec des amis et il s'était couché assez tard, et pourtant, à sept heures tapantes, il était réveillé. Pas au sommet de sa forme ni l'esprit très alerte, mais réveillé tout de même, et impossible de se rendormir. Et, en plus, il avait envie de pisser. Il maudit sa vessie qui le torturait et ses foutues habitudes de boulot, tenta de se rendormir, avant de comprendre que, non, il ne parviendrait pas à se rendormir à une heure pareille et avec cette envie d'aller aux chiottes ?

Théo se décida à se lever, l'esprit embrouillé, et se traina dans les toilettes. Il se laissa tomber sur le cabinet, fit son affaire, et se prit la tête entre les mains. Il avait un peu bu la veille, c'était l'anniversaire d'un copain et on l'avait raccompagné chez lui. A présent, il avait un beau mal de crâne. Quand il eut terminé, il se redressa et s'étira, avant de lever la tête et de se masser le cou, et son regard tomba sur le mur.

Il écarquilla les yeux.

Son mal de tête disparut.

« SEAMUS ! VIENS ICI TOUT DE SUITE ! »

Ledit Seamus, buvant tranquillement son café dans la cuisine, fit un bond de deux mètres et se précipita vers les toilettes dont Théo était sorti, furieux. Ses yeux lançaient des éclairs et il paraissait hors de lui.

« C'est quoi, ÇA ?

- « Ça », quoi ?

- Cette chose que tu as placardée dans les chiottes ! C'est quoi, cette merde ?

- On appelle ça couramment un calendrier, Théo. Ça sert à savoir quel jour on est.

- Et en plus tu me prends pour un con ! Depuis quand t'achètes le calendrier des dieux du stade ? Et depuis quand il est dans nos chiottes ? »

Seamus eut un léger sourire.

« Depuis hier, Théo, mais tu étais trop bourré pour le voir. Si tu es passé aux toilettes avant d'aller te coucher… Quoi, je le trouve sex, moi, juste que le ballon est vraiment mal placé…

- Nan mais tu déconnes là ? Attends, je vais aux chiottes, pépère, et je vois quoi ? Un type à poil avec un ballon sur l'entrejambe ! T'as fumé quoi hier quand j'étais pas là ? Au point où on en est, autant peindre les toilettes aux couleurs de la gaypride !

- En voilà une bonne idée !

- NON. Hors de question. Pauvre con, retire-moi cette horreur !

- C'est juste un calendrier…

- Pourquoi t'as mis ça là ? Pour mater des mecs pendant que tu fais tes besoins ?

- C'est pour te familiariser avec l'idée que…

- Putain mais je suis pas pédé, Seamus ! Les torses musclés, ça m'intéresse pas ! Et au cas où tu l'aurais oublié, t'as rien d'un mec viril, t'as tout d'une tapette !

- J'adore quand tu me fais des compliments. Moi j'aime bien, ça m'occupe, c'est pas moins intéressant que tes BD qui trainent… »

Théo lui jetait des regards noirs, les poings serrés. Sa réaction était presque prévisible… Il savait très bien que l'autre piquerait une crise en voyant le calendrier, mais depuis quelques jours, leur vie manquait de piquant et il y avait une certaine gêne entre eux, ou plutôt une réserve que Seamus comprenait très bien et qu'il essayait petit à petit de faire disparaître.

« En tout cas, il est hors de question que ça reste dans les toilettes ! Y'a d'autres endroits pour fantasmer ! Un peu de respect pour mon intimité, merde… »

Et il partit dans la cuisine. Seamus ricana puis entra dans les toilettes pour retirer le calendrier et alla le ranger dans sa chambre, non sans en feuilleter quelques pages auparavant. Quand il revint dans la cuisine, Théo s'était servi une tasse de café et commatait, affalé sur sa chaise. Seamus s'assit près de lui, un léger sourire aux lèvres.

« Il t'en faut pas beaucoup, hein ?

- Tu te venges parce que t'étais pas invité, hier ?

- Tout de suite…

- Tout ça parce qu'une de mes ex était à la soirée…

- J'essaie juste de te familiariser avec le corps masculin.

- En exhibant dans les toilettes une photo d'un sportif à poil, un ballon sur les parties ?

- Par exemple. Oh arrête, c'était marrant, et j'aime beaucoup ton idée de repeindre les toilettes avec…

- Oh ta gueule, Seam'… »

L'irlandais eut un éclat de rire avant de boire une gorgée de café. Etouffe-toi avec, se dit Théo en portant sa tasse à sa bouche, grognant intérieurement. Et dire qu'il voulait faire la grasse matinée et profiter de ses vacances…

« Tu comptes faire quoi de ta journée ?

- Glander en pensant à toi qui te fais chier à ton bureau ?

- Sérieusement, tu comptes sortir ?

- J'en sais rien. Pourquoi tu me demandes ça ?

- Harry est très insistant, tu sais. »

Seamus se retint de rire alors que son colocataire s'étouffait à moitié avec son café.

« Il faut vraiment que tu ailles le voir. C'est difficile de répondre au téléphone et de lui dire que la situation stagne, alors que c'est tout le contraire. »

L'autre ne répondit pas, mais il ne pouvait que lui donner raison. Harry l'avait appelé pour savoir si Seamus allait bien et s'il était au courant de ses tourments sentimentaux. Comment lui expliquer qu'il était la cause de ses souffrances et que… non, il ne pouvait pas lui dire. Il n'y arrivait pas. Il avait été tenté pourtant de lui envoyer un SMS, car c'était plus facile, et il n'avait pas à parler, mais il était bloqué et Théo ne parvenait pas à surmonter sa peur.

Que lui dirait Harry ? Le rejetterait-il ? Bien sûr que non, il était lui-même homosexuel, il ne pouvait pas lui faire de reproches… Au contraire, il pourrait l'aider, ce serait plus facile d'assumer… mais il n'y arrivait pas. C'était compliqué… Et pourtant, ce n'était que Harry, comment est-ce que ce serait avec ses autres amis… On se moquerait de lui, on…

« Tu sais, sans vouloir te mettre la pression, ça commence à me peser.

- Pourquoi ? Parce que t'as besoin d'en parler à Harry ?

- Aussi étrange que cela puisse te paraître, oui. J'ai besoin d'en parler. Je ne te demande pas de faire ton coming-out…

- Je ne suis pas pédé !

- … mais au moins d'en parler à Harry. Ce n'est pas lui qui va te juger, ce serait mal placé venant de lui, et puis tu le connais, c'est ton ami. Prends sur toi et va le voir.

- Et je lui dis quoi ? « Salut Ryry, au fait je sors avec Seamus, et toi, ça roule ? » Je peux pas faire ça, t'imagines ? Il va se foutre de moi et…

- Et alors ? »

Seamus lui jeta un regard agacé, comme il le ferait envers un adolescent pseudo rebelle.

« On parle de Harry. Harry, qui m'a invité à fêter le Nouvel an avec vous alors que j'étais l'ex de Draco, Harry qui me considère comme un ami alors que j'ai essayé de briser son couple…

- Seam'…

- Harry est l'un des types les plus ouverts que je connaisse, et en plus, c'est ton meilleur ami. Donc, t'es un mec, t'as des couilles, donc tu vas le voir et lui dire qu'on est ensemble.

- Et sinon quoi ?

- T'as vraiment envie que je refasse la déco' de l'appart' ?

- T'oserais pas ? »

Le regard qu'il lui lança voulait tout dire… Et il avait raison, de toute façon. De plus, c'était dur de garder un secret pareil, ça le tuait de ne pas pouvoir lui en parler…

Cela ne faisait que quelques jours que la situation avait été réglée. Jamais Théo n'aurait cru que cela finirait ainsi, et que ce soit vivable. Certes, ils avaient un long un chemin à faire, surtout lui, mais ce n'était pas aussi dur qu'il l'aurait cru.

Accepter l'idée qu'il était en couple avec un homme n'était pas aussi dur qu'il l'aurait cru. Enfin, dans le cadre restreint de sa vie intime et à l'intérieur de cet appartement. Seamus lui disait parfois qu'il s'était monté la tête pour rien et qu'il avait rendu les choses compliquées, même s'il parvenait à comprendre les craintes et les angoisses de Théo.

C'était lui qui l'avait embrassé, la première fois. Et c'était à cause de lui que leur situation avait basculée, entre disputes, tensions, approches timides et non-dits, jusqu'au moment où il était allé trop loin. Le fait que Seamus fuit l'appartement et que Draco l'appelle pour l'exploser au téléphone lui avait plus ou moins remis les idées en place. Ou, du moins, cela l'avait convaincu qu'il ne pouvait pas continuer à lutter contre ce qu'il ressentait, car il se faisait du mal et Seamus en souffrait.

Il avait accepté de sortir avec lui presque sur un coup de tête, et même s'il était terrifié à l'idée que ses amis l'apprennent, il ne le regrettait pas tant que ça. Car quand Seamus s'asseyait tout contre lui, le soir, qu'il l'embrassait le matin, ou encore quand il venait se blottir contre lui dans son lit, Théo se sentait presque bien. Il y avait des choses qu'il mettrait du temps à accepter… mais ça faisait du bien.

« Je compte sur toi pour aller le voir aujourd'hui. Et je te préviens : j'appelle Harry ce soir, et si jamais tu n'y es pas allé…

- Ok ok, ça va, j'ai compris ! J'irai cette aprem', arrête de me gonfler avec ça.

- Si je le faisais…

- Non. Je le ferai. »

Il était hors de question que quelqu'un d'autre que lui en parle à son ami. Draco n'avait rien dit, pour des raisons évidentes, et il était hors de question que ce soit Seamus qui le fasse.

« Bon bon… Je vais aller me brosser les dents.

- Excuse-moi…

- C'est rien. Tu pourras faire la vaisselle ? »

Et il se leva pour aller dans la salle de bain. Théo se prit la tête dans les mains et s'en voulut de se réaction. Et de ses réactions en général… L'irlandais était d'une patience d'ange et il avait vraiment été bien avec lui ces derniers jours, sachant quand il pouvait s'approcher un peu plus de lui et quand il devait garder ses distances. Il le comprenait, sans nier ses angoisses et les trouver ridicules. Il paraissait au contraire savourer chaque moment ensemble, sans critiquer sa réserve et en vouloir sans arrêt plus.

Le jeune homme se leva pour se resservir une tasse de café et allumer la radio. Quand Seamus revint, il était fin prêt : il s'était passé un coup de peigne dans les cheveux qui ondulaient autour de son visage et son sac en bandoulière barrait sa poitrine, alors vêtue d'une chemise beige, par-dessus un pantalon plus sombre. Il s'avança vers lui et se pencha pour l'embrasser brièvement sur les lèvres.

Toujours la peur du rejet…

Du froncement de nez, de la tête légèrement détournée…

La main posée sur la table en appui, Seamus lui fit un léger sourire qui se voulait encourageant.

« Ça va aller.

- Ouais. On verra.

- J'aimerais t'aider…

- Je veux pas qu'on y aille ensemble. J'y arriverai pas. Mais ne te prends pas la tête, ça ira. J'y vais cette aprem'. »

L'irlandais hocha légèrement la tête. Puis, il y eut un flottement. Ils se regardaient les yeux dans les yeux, sans oser bouger. Puis, Théo amorça un mouvement et l'autre ferma les yeux alors qu'il venait poser sa bouche sur la sienne, l'embrassant tendrement. Seamus sentait monter en lui un sentiment de bonheur incroyable, ses joues rougissaient et ses lèvres le picotaient. C'était comme un rêve, sa bouche sur la sienne, la douceur de ce baiser matinal… presque naturel… presque un baiser d'amoureux… d'amants…

« Passe une bonne journée. Je viens te chercher, ce soir. »

Théo sentit le rythme de son cœur s'accélérer face au sourire éblouissant de son petit ami qui planta un dernier baiser sur ses lèvres avant de s'enfuir pour aller travailler. Il le regarda s'en aller, le cœur un peu plus léger. Le voir à nouveau sourire lui faisait du bien. Il l'avait trop vu malheureux…

Il se leva pour faire la vaisselle et ranger un peu la cuisine. Il comptait passer la matinée chez lui à glander et nourrir ses serpents, puis il irait surement déjeuner avec un pote avant d'aller voir Harry et enfin lui avouer qu'il sortait avec Seamus. Il n'avait absolument aucune motivation et il sentait déjà la crise de rire venir, et sans doute aussi les critiques, voire peut-être même la colère, par rapport à ce qu'il avait fait à Seamus. Il avait beau se dire que Harry n'était pas du genre à monter sur ses grands chevaux pour des histoires pareilles, il flippait comme jamais. Et il ne manquerait plus qu'il traine chez lui et qu'il tombe malencontreusement sur Draco…

Son appel l'avait complètement remué. Le blond ne savait manifestement pas ce qu'il s'était passé mais savoir que Seamus pleurait à l'étage dans les bras de son petit ami l'avait vraiment mis en colère. Théo ne savait pas comment il avait pu être mis au courant de cette histoire et ce n'était pas Seamus qui allait l'y aider. A vrai dire, ce dernier était toujours très gêné quand il parlait de Harry ou Draco, car il se confiait à l'un sans dire de nom et l'autre était connaissait les grands traits de l'histoire tout en sachant qui était le principal concerné.

Pourtant, Théo ne se sentait pas particulièrement jaloux, ni même en colère, mais plutôt embarrassé. Il ne voyait pas le blond comme un potentiel rival, d'une part parce qu'il était fou amoureux de Harry, et d'autre part parce qu'il savait que Seamus allait en chier et qu'il avait choisi de son plein gré de vivre cette aventure avec lui, en toute connaissance de cause. Cela signifiait donc qu'il tenait à lui, assez pour essayer de créer quelque chose avec un homme comme lui.

Théo glanda toute la matinée chez lui et renonça une bonne dizaine de fois à aller rendre visite à son ami. Vers deux heures de l'après-midi, il se dit que si jamais il ne faisait pas le déplacement, ce serait Seamus qui s'en chargerait et il n'irait pas par quatre chemins. Alors il se décida enfin à prendre sa voiture et à rouler vers la boutique de tatouage. Il fut accueilli par les deux femmes très occupées mais qui ne manquèrent pas de lui sauter dessus pour l'embrasser, cela faisait un moment qu'elles ne l'avaient pas vu. Puis, il se décida à monter à l'étage… et il était terrifié.

Comment lui dire ? Il avait beau avoir répété son discours dans la voiture, y pensant depuis des jours, il savait qu'il manquerait de courage ou que ses plans tomberaient à l'eau à peine le seuil de la chambre passé. Théo hésita même à passer cette fichue porte… Mais il ne pouvait pas reculer. Bon Dieu, il n'avait pourtant jamais eu honte de parler de ses petites misères de mec à Harry, il ne le jugerait pas, il ne se moquerait pas, et il ne dirait rien aux autres…

Théo toqua à la porte et Harry l'invita vaguement à entrer. Sans doute s'attendait-il à voir une des deux tatoueuses ou Ron, qui passait régulièrement chez lui. Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit Théo entrer, et son sourire fit fondre comme neige au soleil toutes ses résolutions. Voir Harry avec une mine aussi joyeuse, les yeux pétillants et le cou libre fit monter en lui un puissant sentiment de sérénité et de bonheur. Il avait presque l'impression de retrouver son ami. Presque. Dans quelques mois, tout reviendrait comme avant…

« Théo ! Putain, tu m'as manqué, ça fait un bout de temps que tu m'as promis de passer !

- Et allez, c'est parti ! A peine arrivé, tu commences à me faire des reproches…

- Ça fait bien trois jours que je t'attends, j'y croyais plus ! »

Le jeune homme s'assit près de son ami et se pencha vers lui pour le prendre dans ses bras. Il le serra fort, comme pour se rassurer, le sentir là, tout contre lui, et respirer son odeur… Cela lui fit un bien fou, et pourtant, leur étreinte fut brève. Quand il s'écarta, Harry souriait toujours. Il avait l'air d'aller bien. D'aller mieux…

« Eh bien me voilà. Comment tu vas ? T'es plus sexy sans ta minerve, à quand le retrait des plâtres ?

- On me retire celui au bras vendredi. L'autre… Ça va encore attendre un peu.

- C'est cool. Tu vas enfin pouvoir nous faire des câlins dignes de ce nom.

- Et marcher avec des béquilles. Fini, le siège roulant !

- Hey, c'est pas pour tout suite non plus, hein… Tu vas te taper de la rééducation avant.

- Oui mais au final, je serai moins dépendant, et je pourrai descendre les escaliers plus facilement. Sinon et toi ? Quoi de beau, depuis qu'on s'est appelé ? »

Ils discutèrent un peu, du marché et des beaux jours, de Cho qui était venue le harceler pour faire une séance de photos et qu'il avait plus ou moins gentiment déclinée, d'Olivier avec qui il était allé dîné un soir avant de se faire un ciné avec lui et quelques potes… Et forcément, ils en vinrent à parler de Seamus. Harry lui demandait de ses nouvelles en toute innocence, et Théo se sentait faiblir. Tendu et expéditif, il aurait voulu que son ami change de sujet et oublie son colocataire, mais il n'était pas dupe et il vit rapidement que quelque chose n'allait pas.

Mais il ne pouvait pas lui dire. Il n'y arrivait pas. Il faisait un blocage complet et quand Harry insista pour savoir si ça allait, Théo sentit les larmes lui monter aux yeux et sa gorge se serrer. Il se traita de tous les noms, ne comprenant pas ce qui pouvait bien le mettre dans un état pareil, mais il se sentait comme un gosse obligé d'avouer quelque chose de passablement honteux.

Harry se tut quand il vit les yeux de Théo briller de façon étrange. Il se contenta alors de le regarder, sans comprendre, attendant que son ami se reprenne. Il le regarda baisser la tête et fermer les yeux, sans faire de remarque. Son comportement l'étonnait et l'inquiétait également : Théo n'était pas du genre à se laisser submerger par ses émotions, et pour une raison qu'il ignorait, il paraissait au bord des larmes. Le jeune homme se demanda si cela n'avait pas un lien avec son père, mais il ne se rappelait pas que Théo ait eu ce genre de réaction à cause de lui : soit il pleurait un bon coup sans vraiment chercher à se retenir, car il était venu voir Harry pour avoir quelqu'un à qui se confier, ou alors il gueulait un bon coup. Et là…

Cela le remuait. Il avait l'air d'avoir mal, avec son visage crispé et ses yeux fuyants…

« Théo ? Tu sais que tu peux tout me dire…

- Je sais.

- Tu veux qu'on change de sujet ? Enfin… Je ne sais même pas pourquoi tu es comme ça. Mais si tu veux, va te passer un coup d'eau sur le visage et reviens. Ou va-t-en, si tu en as envie, je ne serai pas vexé.

- J'y arrive pas…

- Tu n'arrives pas à quoi ?

- A t'en parler. »

Il parut serrer les dents et il clignait des yeux avec insistance, ses mains venant cacher sa bouche. Harry avait mal au cœur de le voir ainsi. Il tendit le bras pour attraper sa main, le seul geste de réconfort dont il était capable vu sa position.

« Me parler de quoi, Théo ? C'est grave ?

- Pas vraiment…

- C'est toi que ça concerne ? Ou quelqu'un d'autre ?

- Moi.

- Tu sais que je ne te jugerai pas, Théo. On est amis, on se connait, tous les deux, et tu ne m'as jamais jugé. J'en parlerai à personne…

- Je sais que tu ne vas pas me juger. Et je sais que tu n'en parleras à personne… Il est pas là le problème. »

Son ami avait les yeux rouges à présent. Il respira un grand coup, tenant sa main entre les siennes. Qu'est-ce qui pouvait bien le perturber à ce point ? Qu'est-ce qui n'allait pas, pourquoi ne parvenait-il pas à lui en parler ? Alors que manifestement, il en avait besoin

« Théo, dis-moi ce que tu as. Ne garde pas ça sur ton cœur, ça va te bouffer. Je sais ce que c'est… Alors dis-moi. »

Il leva les yeux vers lui, puis les rebaissa. Harry imagina sans mal sa bouche crispée alors que ses yeux s'humidifiaient.

« Je ne suis pas pédé. »

Bug.

Harry eut comme un bug.

Il regarda Théo, les yeux ronds comme des soucoupes, cherchant à comprendre le sens de ces mots. Gêné, l'autre leva les yeux vers lui, serrant sa main à lui en faire mal.

« Pardon ?

- Je suis pas pédé.

- Tu… fantasmes… sur quelqu'un ?

- Je fantasme pas. Je sors avec quelqu'un. »

Harry hésita fortement entre rire et garder son calme, mais il était trop atterré pour songer vraiment à exploser de rire, alors que toute personne normalement constituée et connaissant le concerné l'autre sans doute fait.

« Tu déconnes ?

- Nan. »

Et Théo ne savait comme réagir face au visage clairement halluciné de son ami qui ne semblait pas en croire ses oreilles. Il se demanda s'il n'aurait pas préféré qu'il rit : au moins, c'aurait détendu l'atmosphère…

« Depuis quand ?

- Quelques jours.

- Et comment…

- Je sais pas. Je suis pas… j'aime pas les hommes. J'ai jamais aimé ça, tu me connais.

- Et pourquoi tu sors avec lui ?

- Parce que je me sens bien. Quand il est là. Parce que j'ai envie de le prendre dans mes bras et qu'il arrête de souffrir à cause de moi. »

Les larmes coulaient à présent sur ses joues. Il ne le regardait plus, et ses mains crispées tenaient toujours la sienne. Harry aurait voulu se redresser, se pencher vers lui et le prendre dans ses bras, le serrer fort et sécher ses larmes. Bon Dieu, qu'est-ce qu'il détestait le voir pleurer… Théo ne pleurait jamais, et il lisait une telle détresse dans ses yeux…

Deux parties de lui qui s'affrontaient…

La raison… et son cœur.

Et soudain, Harry réalisa qu'il avait déjà entendu quelque chose dans ce goût-là. Ou plutôt… qu'il avait déjà entendu une personne lui parler de…

Oh non…

« Théo… Tu sortirais pas avec Seamus, par hasard ? »

Il hocha la tête.

Et Harry explosa de rire.

Théo sursauta en entendant son éclat de rire, les yeux tous surpris, alors que son ami riait à gorge déployée. Il en avait les yeux fermés, plongé dans son hilarité. Alors Théo ferma les yeux et sentit son cœur s'alléger, un poids quittant son cœur…

Le tatoueur mit un peu de temps à se calmer, et quand il parvint enfin à reprendre contenance, il s'excusa sincèrement auprès de son ami, qui secoua la tête.

« C'est pas grave.

- Je suis vraiment désolé Théo, mais j'aurais jamais cru que…

- T'es pas le seul.

- Et dire que Draco est au courant… Il a bien dû se foutre de moi dans son coin, ce crétin. Il va m'entendre ce soir ! »

Tout en écoutant son monologue, visant notamment Draco et son silence, l'étudiant sentit toutes ses angoisses quitter son corps. Il savait très bien que l'annoncer aux autres serait tout aussi dur, voire même plus, mais en avoir parlé à Harry, c'était rendre la chose plus concrète, et réelle. Il sortait avec Seamus, il fréquentait un homme. Et le dire à voix haute, l'avouer à Harry, c'était comme accepter quelque chose qu'il rejetait malgré tout depuis qu'ils avaient officialisé la chose. Et c'était sans doute pour ça que Seamus avait tant insisté pour qu'il aille le voir…

« Ça va mieux ? »

Cette question l'arracha à ses pensées. Harry le regardait avec ses yeux doux, si expressifs.

« Ouais.

- C'est dur de le dire à haute voix. Moi, quand j'ai avoué à Tata que j'étais homosexuel, j'ai eu du mal, aussi.

- Je suis pas homo…

- Je sais. C'est pour ça que c'est dur. T'as pas spécialement envie de le voir à poil ni même de faire l'amour avec lui. Mais t'as envie d'être avec lui, d'être plus qu'un ami. »

Son sourire s'accentua alors que l'autre hochait la tête. Il avait à nouveau la gorge nouée et il écoutait presque religieusement ce que son ami lui disait…

« Ça va te prendre du temps. Pour accepter. Comment le vit Seamus ?

- Il… ne me demande rien. Il comprend.

- Il sait dans quoi il s'aventure, il te connait assez pour ça. Et il tient à toi, tu sais. On en a beaucoup parlé… Il a vraiment envie de vivre quelque chose avec toi. Tu es différent des autres.

- Il a dû le penser à propos de plusieurs hommes… Il est déjà sorti avec des hétéros, et…

- T'es pas un coup de cœur. T'es pas blindé, tu passes pas tes week-ends en boite, t'es pas le plus bel homme du monde… Mais tu le fais rêver. Parce qu'il te connait et qu'il sait ce que tu vaux. »

Tout ça, il le savait. Mais l'entendre de la bouche de Harry lui fit du bien, car il ne faisait pas que répéter ce que Seamus lui avait déjà dit : il lui donnait son ressenti. Son colocataire était sincère, mais pour combien de temps ? Il s'était posé la question de nombreuses fois…

« Les relations de Seamus se résument en général au sexe. Avec toi, il va trimer avant de pouvoir passer à l'acte. Donc c'est qu'il a vraiment envie de vivre une histoire sérieuse. Il était vraiment mal…

- Je suis étonné que tu ne me dises rien à propos de tout ça…

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Que t'es un vrai salopard ? Je l'ai pensé. Mais comme Draco, je pense maintenant que tu étais surtout complètement perdu. Et tu l'es encore aujourd'hui. Je n'ai pas à te juger. Seamus me racontait les faits sans te décrire, sinon j'aurais su tout de suite que c'était toi. Et tu as des circonstances atténuantes. Tu te cherchais, tu n'osais pas aller vers lui parce que tu n'es pas attiré par les hommes, c'est ton ami, et tu ne pensais sans doute pas à ce moment-là que tu pourrais lui plaire. J'ai pas à t'engueuler parce que tu t'es mal comporté, d'une part parce que cette histoire ne me regarde pas, et surtout parce que je ne sais pas si j'aurais agi différemment à ta place. Le seul qui peut te traiter de salopard, c'est Seamus. Et apparemment, il a une opinion bien plus favorable que ça à ton égard… »

Il ne te jugera pas, lui avait-il dit. Il ne se moquera pas, il comprendra. Et c'était le cas. Il s'était fait du mal et avait reculé sans arrêt, pour rien. Il avait eu peur pour rien. Harry était son ami, avant tout, et il était l'un des seuls à pouvoir vraiment le comprendre…

Ses joues étaient sèches à présent mais les larmes avaient laissées des traces salées et un peu collantes sur sa peau. Sa gorge n'était plus nouée et son cœur avait cessé de taper comme un fou contre sa cage thoracique. Cependant, il tenait toujours la main de Harry entre les siennes, mais moins fort.

« Maintenant il va falloir en parler aux autres.

- Chaque chose en son temps. Déjà, tu me l'as dit, et Draco est au courant, donc si tu as besoin d'en parler, on est là. Et Seamus sera plus soulagé aussi. Pour les autres, on verra plus tard. On trouvera un moyen ou une occasion d'en parler. Y'a pas le feu au lac.

- De toute façon, je ne me sens pas prêt…

- Il suffit de voir dans quel état tu étais il y a quelques minutes pour s'en douter. Laisse-toi du temps, Théo, personne n'a à savoir avec qui tu sors. Quand tu te sentiras prêt, ou à peu près, on en parlera. Mais déjà profite, essaye d'accepter un peu ce que tu vis… Tu te ferais du mal pour rien. »

Soudain, on hurla en bas de l'escalier. Théo lâcha la main de Harry pour s'essuyer les yeux et les joues avec un mouchoir avant d'ouvrir la porte. C'était Nymph' qui leur demandait s'ils voulaient une part de tarte, Isaline venait de la sortir du four. Le jeune homme acquiesça et alla se débarbouiller le visage. Il était revenu dans la chambre quand la tatoueuse arriva avec un plateau qu'Isaline avait préparé avec soin en bas : c'était l'heure de la pause et elles ne voulaient pas les déranger. A peine arrivée, Nymph' remarqua les yeux rouges et la petite mine de l'étudiant.

« Bah alors Théo, il t'arrive quoi ? Ça va pas ?

- Hm… C'est son père qui a fait des siennes.

- Ah d'accord… Mange de la tarte, ça va te redonner le moral !

- En parle pas à Tata, elle s'inquièterait.

- T'inquiète, Ryry ! Elle a d'autres soucis en tête…

- Quoi donc ?

- Le panneau Stop sur l'arrière-train d'une jeune fille. »

Les deux garçons rigolèrent alors que la tatoueuse repartait, toute joyeuse, fermant la porte derrière elle.

« Merci, pour le mensonge.

- Je me suis dis que tu ne serais pas d'humeur à lui mentir. »

Théo hocha la tête en souriant. Autant il aurait pu l'avouer à Isaline si c'était elle qui était entrée et l'avait trouvé encore reniflant, autant il ne pouvait pas en parler à Nymph' qui, elle, rigolerait en tournant la situation en dérision, et il n'était pas en mesure d'accepter son humour. Dans quelques temps, il en serait capable et apprécierait sa légèreté qui lui retirerait un poids sur ses épaules, mais pas pour le moment.


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !