Bonjour à tous ! J'espère que vous passez un bel été.

Merci LilieMoonlightchild pour ta review. Et oui, Otsu n'est pas dans une situation agréable, et malheureusement il y en aura d'autres. Alors si la présence d'un caporal bien connu peut la soulager, elle ne dira pas non ! Encore que je ne crois pas que pour l'instant elle se sente vraiment soulagée avec lui !

Je vous souhaite une bonne lecture, et vous retrouve un peu plus bas


*Pour les personnes n'ayant pas lu le chapitre précédent :

Otsu a apprit qu'elle allait devoir accompagner Monsieur, l'époux de Dame Yukari, dans une mystérieuse course. D'après Emi, tant que c'est la première fois qu'Otsu part avec lui, elle ne risque rien. Mais pour les filles qui y sont allés deux fois, et bien, on ne les a jamais revus. Et après une nuit peu agréable pour elle, voilà que le Caporal Chef Livaï fait son entrer à l'Oeillet, et demande expressément à la voir.*


Chapitre 6

Cette nuit ressemblait déjà à un cauchemar, ça ne pouvait plus être pire.

Otsu avait rêvé de cet homme la nuit dernière. Quand sa culpabilité ne la torturait pas, c'était lui qui venait dans son sommeil pour la punir.

Et maintenant, il était là, pour de vrai.

Pourquoi ? Que pouvait-il bien lui vouloir ?

Otsu était chez elle ici. C'était son antre. Son terrain de jeux. Qu'il ne s'imagine pas pouvoir la malmener, la jeune femme n'allait pas se laisser faire.

Il y avait quelque chose d'amusant, de tordu, à le voir là, assis par terre sur le plus épais coussin du petit salon. Il regarda autour de lui d'un air dédaigneux, promena un doigt sur les surfaces et le porta à ses yeux, sans rien dire.

Otsu le dévisageait. Il la dévisagea. Il allait ouvrir la bouche, mais la serveuse le devança, un sourire de circonstance aux lèvres. Celui de la comédienne.

« Que puis-je vous servir, mon ami ?

- Je t'ai déjà dis. Pas de ces trucs là avec moi. »

Otsu sourit encore plus, et l'ignora superbement

« Désirez vous du thé, comme la dernière fois ?

- Un thé noir oui. »

Quand la jeune femme revint avec le plateau de thé, Livaï avait retiré sa veste noire et replié une jambe. Ses yeux cernés fixaient la table. Il avait l'air plongé dans ses pensées, pourtant, son regard ne perdit pas un geste de la jeune femme. Elle se sentait écrasée sous ces yeux d'acier. Un manteau bien trop lourd semblait peser sur ses épaules.

« Merci. Pas de poison j'espère ? Demanda-t-il en portant la boisson à ses lèvres.

- Je n'en avais plus sous la main. »

Livaï stoppa son geste et la dévisagea. Mais il n'ajouta rien et bû une première gorgée. Puis une deuxième.

« Votre thé est bon. »

Un compliment. Otsu le prit en souriant. Qu'est-ce qu'il croyait ? Le bouge à la con avait des produits de qualités, servit par des serveuses de qualité.

« Souhaitez-vous autre chose pour l'accompagner ?

- Oui. Du silence. Merci. »

La jeune femme sourit de plus belle, et murmura :

« Si on pouvait me demander ça plus souvent... Exactement ce dont j'ai besoin ce soir. »

Otsu rangea son sourire de vendeuse pour un plus sincère, et s'installa confortablement. De toute évidence, il n'était pas là pour admirer son maintien et sa grâce. Le caporal chef finit par reposer sa tasse, qu'il tenait d'ailleurs par le haut.

« Ressers moi. Merci. Bon, on va pas y passer trois heures. C'est le Major qui m'envoie. Il a une requête à te faire.

- Une requête ?

- Ferme la et écoute moi au lieu, de répéter ce que je dis comme une idiote. Erwin a un travail à te proposer. T'entends et vois beaucoup de choses ici. Parfois de la merde, mais des fois il doit se raconter des trucs intéressants. Des trucs qui pourraient nous servir, et que tu pourrais nous répéter.

- Je dois... Quoi ? Vous voulez que j'espionne nos clients ? »

Le caporal chef ne répondit pas immédiatement. Dans sa main, le thé fumait encore. Il en but une longue gorgée, avant de planter ses yeux gris, intransigeants, dans ceux d'Otsu.

« Ouais, c'est ça. Il te l'a dit hier, nous avons beaucoup d'ennemis. Alors, n'en deviens pas un à ton tour, et mets toi à notre service. »

Otsu secoua la tête et ferma les yeux, les mains sur les tempes. Trop de pensées se bousculaient derrière ses paupières closes. La jeune femme se servit une tasse et remplit celle du caporal chef, pour faire bonne figure, tout en regrettant de n'avoir rien de plus fort à s'envoyer cul sec. Mais la chaleur du thé qui se répandit jusque dans son ventre lui fit du bien. En face, le brun se contenta du silence, devinant sûrement que son annonce méritait réflexion. Il le devina si bien, qu'il vida sa tasse une dernière fois, se releva et, en enfilant sa veste, murmura :

« Je reviendrai demain chercher ta réponse. »

La jeune femme acquiesça, avant de se raviser, et de bafouiller, telle une enfant.

« Ha... Mais non, pas demain. Je... Je ne serai pas là. Ni le jour suivant. »

Merde alors, elle se débrouillait pourtant très bien jusque là... Encore heureux, elle n'était pas du genre à rougir.

Sans d'autre réaction qu'un hochement de tête, le caporal quitta l'alcôve, emportant avec lui le manteau de plomb qui pesait sur les épaules d'Otsu. Un soupir s'échappa de ses lèvres crispées. Dans sa poitrine, un étau se desserra. Avant le départ du brun, Otsu n'avait pas sentit cette poigne serrée autour de ses poumons. Elle pouvait maintenant respirer librement.

Le lendemain, Otsu eut à peine le temps d'avaler un bol de riz que, sans bien comprendre comment, elle se retrouva vite poussée dehors par Dame Yukari, vêtue d'une robe élégante et d'un long manteau à capuche que sa patronne lui avait fait enfiler pour l'occasion.

Elle s'apprêtait à monter dans la calèche de Monsieur, quand son regard dévia, de lui même, vers l'autre bout de la rue, où une jeune femme aux cheveux clairs attira son attention, inexplicablement. Elle aurait voulut prendre le temps de la dévisager, de comprendre ce qui la dérangeait tant, mais déjà elle se trouvait assise dans la voiture, et la silhouette disparût trop vite de son champ de vision.

A ses côtés, Monsieur gardait la tête baissée sur des feuilles couvertes de chiffres et de notes illisibles.

Un silence lourd pesait dans l'habitacle. Otsu n'était jamais restée en sa compagnie plus de cinq minutes, et encore moins seule avec lui. L'époux de Dame Yukari était un peu plus petit que sa femme. Une calvitie naissante traçait son chemin dans ses cheveux poivre et sel. Sa paire de lunette à monture dorée cachait un regard vif, et il portait en toute occasion un costume, souvent de couleurs farfelues. Rouge, bleu, violet, rose, jaune ou orange, Otsu avait tout vu. Sauf ce qu'il portait aujourd'hui. Un complet veston, simplement noir, et une chemise, simplement blanche. Des souliers vernis, simplement marron. Un chapeau melon assortit au costume. Lui même semblait morne et triste dans ces habits sans caractère, semblables à ceux que portaient la plupart des clients de l'Oeillet.

Etait-ce cette tenue, trop éloigné de son caractère, ou les papiers qu'il feuilletait, qui froissaient ainsi ses épais sourcils et son front ?

Le silence s'éternisa dans la voiture. La jeune femme regarda par la fenêtre pour tromper son ennui, et empêcher sa bouche de poser les questions qui lui brûlaient les lèvres. Une ombre sur un toit attira son regard. Un éclat de lumière. Une silhouette. C'était trop bref. Otsu n'eut pas le temps de comprendre.

Ce ne fut que lorsque la calèche quitta le district de Stohess et pénétra dans Mitras que Monsieur lui prêta attention. Il rassembla ses documents et les rangea avec précaution dans une enveloppe, avant de se tourner vers la jeune brune.

« Alors Otsu, es-tu toujours vierge ? »

Elle faillit s'étranger avec sa propre salive et porta la main à sa bouche pour contenir sa toux. Et pour se donner le temps de répondre, car les premiers mots qui voulurent sortir de sa bouche n'étaient pas appropriés. Tout comme la question.

« Allons allons, sois honnête. Je sais que Pavas et Yukari ne te l'ont pas demandé. Ils ne le font jamais. Mais c'est important, pour ton avenir à l'Oeillet. »

Bien sûr... Otsu allait sûrement bientôt passer à l'étape suivante, après son client de la veille... La question était peut-être logique. Peut-être.

« Et bien non, je ne le suis plus. »

Plus depuis sa première année d'entraînement militaire. Mais les détails, elle les garderait pour elle. De toute façon, Monsieur s'en moquait totalement.

« Ha, quel dommage ! Elles se vendent bien, les vierges. Tiens, nous sommes arrivés. Prends tes affaires, nous allons faire le reste du chemin à pied. »

La brune passa outre et descendit lentement de la calèche, les yeux rivés sur le paysage qui l'entourait. Stohess était déjà un district riche, mais Mitras, c'était autre chose. Si les bâtiments aux abords du mur différaient peu de ceux de Stohess, plus elle avançait dans le cœur de la cité et plus Otsu pouvait admirer de grandes maisons aux couleurs claires, entourées de jardins verdoyants, agrémentés de fontaines, de statues, de buissons taillés et de chemins dallés.

Monsieur avançait gaiement, un sourire aux lèvres. Il lui parlait parfois, lui montrait un bâtiment, lui donnait des détails sur la capitale, et Otsu découvrait une personnalité joyeuse à son patron. Elle ne pouvait pourtant se défaire d'une drôle d'impression... Otsu se retourna plusieurs fois, poussée par son instinct, et scruta les alentours... Quand des cheveux blonds attirèrent son attention. N'était-ce pas la femme qu'elle avait vue devant l'Oeillet ? Et un peu plus loin, cet homme, avec des lunettes... Il lui évoquait ce qu'elle avait vu, ou cru voir, sur un toit, pendant le trajet... Etaient-ils suivis ? Elle coula un regard vers Monsieur, qui ne semblait pas perturbé le moins du monde. Il continuait de l'entraîner dans les méandres de Mitras, et bientôt les silhouettes devinrent des ombres, et disparurent.

Ils marchèrent encore longtemps, traversèrent des rues marchandes où s'exaltait toute la richesse de la capitale devant de luxueux tissus et des mets raffinés.

Otsu venait d'un des districts les plus pauvres des Murs. C'était si simple alors pour elle de s'extasier sur l'or et l'argent, sur la soie et les velours, sur les épices les parfums. Ca l'aurait été, en tout cas, si elle avait pu empêcher ses yeux de dévier vers ses pieds, où les égouts se déversaient sur la lie de l'humanité.

Dans ses beaux atours, l'estomac rempli chaque jour, à gagner chaque nuit son salaire dans des jeux oisifs, elle était en ce moment, littéralement, en train de marcher sur la misère du monde.

Des yeux se levaient-ils, à l'instant même, vers ce ciel de pierre et de terre ? Des espoirs étaient-ils écrasés, ensevelis sous le poids des privilégiés gavés de privilèges ? Des vies s'éteignaient-elles sous ses jolis petits souliers ?

Et elle, médiocre soldate, pauvre petite vendeuse de plaisirs, aurait-elle fini enterrée, elle aussi, si l'Oeillet ne l'avait pas recruté ?

En fait, elle n'allait pas tarder à le savoir.

Monsieur la mena jusqu'à une autre grande maison, semblable à toutes les autres.

Avant de s'y présenter, il emmena la jeune femme dans une petite ruelle à l'abri des regards, lui ordonna de revêtir sa capuche et de masquer son visage derrière un foulard gris. Il en fit de même, et tous deux attendirent que des passants disparaissent avant de se faufiler jusqu'au portail de la demeure, qu'un garde surveillait. Il les laissa entrer sans un mot quand Monsieur lui montra une petite carte.

A l'intérieur, un majordome, un vrai majordome, leur fit traverser plusieurs couloirs aux murs crème, décorés de portraits illustrant la longue lignée des résidants du manoir.

Otsu, les yeux écarquillés, voulait s'empêcher d'observer autour d'elle, mais c'était trop dur. Elle était une assoiffée devant un abreuvoir. Prête à s'en gorger jusqu'à se rendre malade. Monsieur souriait en l'observant.

C'était peut-être la pauvre orpheline, ou alors la militaire ou la catin, qui lui faisait entrevoir tant de merveilles. Mais tout avait l'air de briller sous la lumière du soleil qui se déversait par les grandes portes fenêtres. Le parquet étincelait, et ses chaussures s'enfonçaient délicieusement dans les épais tapis aux couleurs chaudes. Des fleurs, partout, embaumaient l'air. Le majordome leur fit traverser la maison, jusqu'à une porte qui dissimulait un escalier descendant. Et au bout de l'escalier, des odeurs d'eau stagnante et une autre porte. Derrière, l'obscurité les enveloppa, et des voix étouffées les saisirent. Des volutes de cigares et des effluves de parfums capiteux se mêlèrent à la puanteur des égouts. Otsu plaqua une main sur son nez. L'air était irrespirable

« Par Sina, je déteste venir ici, murmura Monsieur. J'aurai préféré que tes premières enchères se passent ailleurs... Quoique, cela pourrait être pire. Souhaite que je ne t'emmène jamais dans les bas fonds petite Otsu. »

La jeune femme laissa ses yeux répondre pour elle. Elle n'avait aucune envie d'ouvrir la bouche.

« Haha, petite nature. Tu vas t'habituer. Et sache que si un jour je t'emmène dans les bas fonds, c'est qu'il y a une chance que ce soit toi, que j'y vende. »

Sa voix n'avait plus rien d'amical, et la main d'Otsu retomba. Bouche bée, elle regardait l'homme, l'inconnu qui lui faisait face et dont l'air jovial avait totalement disparu.

« Oh, bien sûr je peux juste t'y emmener pour m'amuser, pour te faire. Si tu décidais, par exemple, de te rendre sur le toit pour discuter avec les autres filles... »

Le sang d'Otsu se gela dans ses veines. Autour d'elle, les odeurs disparurent, les voix se turent. Il n'y avait que l'obscurité et la face de Monsieur, ses yeux bleus, froids, qui en savaient bien trop.

« Hahaha ! Allons, ne soit pas si sérieuse petite Otsu, ne fais pas cette tête ! Nous savons très bien que vous vous retrouvez sur le toit. Mais ce n'est pas grave, ça ne vous empêche pas de faire votre travail correctement, et ça vous fait du bien. Alors nous le tolérons. Ce que nous acceptons moins, ce sont les secrets. Si l'une de vous devait nous cacher quelque chose, le genre de chose qui pourrait nuire à notre établissement, un amant secret par exemple... Et bien, nous serions sûrement obligé de nous séparer d'elle. Pavas a ses méthodes pour nous protéger, et j'ai les miennes. Tant que vous travaillez chez nous, votre corps appartient à nos clients. Tu comprends Otsu j'espère ? »

Otsu lui répondit. Oui, bien sûr que oui elle comprenait. D'autres mots rassurants s'échappèrent de sa bouche, mais elle ignorait lesquels, elle ne s'écoutait pas vraiment. Monsieur la soupçonnait d'entretenir une liaison, et sa proie ne devait être que le Caporal Chef. C'était absurde. C'était complétement délirant. Comment pouvait-il émettre de tels soupçons, et menacer ce crime inexistant de représailles si terrifiantes ? Une main de glace griffa son dos et lui enserra l'estomac. Mais... Peut-être qu'il l'avait vue quitter l'Oeillet... Son regard balaya la salle, les ombres aux visages masqués, et elle comprit enfin. Oui. Un avertissement. Comme ses sœurs restantes au salon. Un seul avertissement. Et les autres, celles qui s'avisaient de bafouer les règles... Emi l'avait prévenu. Tout était parfaitement clair à présent.

Comment tout cela allait-il se terminer ?

Pour la première fois depuis Shiganshina, Otsu ressentit de la peur. Une peur réelle, viscérale, logée quelque part dans son corps, une toile qu'une araignée effroyable tissait dans tout son être, de la pointe de ses cheveux jusqu'au bout de ses ongles.

Ca ne pouvait pas être vraiment réel. Elle ne pouvait pas se trouver là, dans une cave de Mitras, entourée de tous ces riches, prêts à dépenser des milliers pour des objets rares. Ou des gens. Des femmes, comme elle.

« A... Avez vous déjà vendu des filles, Monsieur ?

- Oui. C'est arrivé deux fois. Je ne voudrai pas que tu sois la troisième, alors je compte sur toi pour être une bonne fille. Garde le silence maintenant, les enchères vont commencer, affirma-t-il en regardant sa montre.

Et en effet, quelques secondes plus tard, des torches s'allumèrent à l'autre bout de la salle et deux hommes, le visage caché sous des masques, grimpèrent sur une estrade.

« Bonjour à tous. Merci d'être venu aujourd'hui. Avant de commencer, n'oubliez pas que tout ce qui se passe ici est interdit. »

Des rires se faufilèrent dans les ombres de la cave.

« Bien, nous pouvons passer aux choses sérieuses donc. Voici notre premier lot. Un ensemble de trois livres, des recueils de contes, dont la première page atteste formellement qu'ils ont étés publiés cinquante ans avant la venue des Titans. Ils sont en parfait état, et dans notre langue. L'enchère s'ouvre à 1 000. »

Des mains se levèrent. Le prix augmenta. Ce devait être ainsi que les privilégiés de la capitale se battaient. A coup de dépenses faramineuses. La joute qui se livra sous les yeux d'Otsu lui fit oublier sa peur. Une grimace déforma ses traits sous son foulard, et en même temps, elle pouvait à peine cligner des yeux de peur de louper quelque chose.

D'autres lots suivirent. Des livres, mais aussi des peintures, des cartes du monde, et même un étrange casque militaire. Tout datait d'avant, quand l'humanité pullulait en dehors des murs. D'où venait tous ces objets ?

Au fur et à mesure des ventes, la cave se vidait des acheteurs satisfaits. Ce ne fut qu'à l'avant dernier lot que Monsieur manifesta une certaine émotion. Il se pencha vers elle et murmura :

« Je surveille ces dessins depuis longtemps. Je les ai loupé il y a trois ans. C'est une chance que leur propriétaire actuel ait quelques dettes, je compte bien ne pas les laisser filer cette fois. »

Le vendeur mit en évidence cinq tableaux, dans un style qu'Otsu n'avait jamais vu. Quant aux sujets... A une autre époque, la jeune femme n'aurait pas osé les détailler. Elle reconnut d'abord les vêtements que les femmes portaient. Et leurs coiffures, et leur maquillage. Tout à fait semblable aux apprêts des filles de l'Oeillet.

Ensuite, elle réalisa que ces femmes n'étaient qu'à moitié vêtues, de même que les hommes qu'elles accueillaient, entre leurs cuisses, leurs mains, ou dans leur bouches. Tout était montré dans ces peintures, les expressions des visages comme les intimités, et le tout dans des postures plus ou moins originales. La jeune femme ne se lassait pas de les parcourir de haut en bas. Le trait des œuvres était fin, les couleurs à la fois vives et pâles. Et ces représentations charnelles... Otsu était conquise. Du moins, elle l'aurait été, si sur les visages de ces femmes elle n'avait pas vu ceux de Fuyu, Emi, Hono ou Keiko. Et le sien.

Monsieur dût enchérir plusieurs fois, mais il sortit vainqueur de la lutte, pour un montant que la jeune et naïve Otsu aurait crû inconcevable.

En remontant à la surface, Monsieur l'informa qu'ils allaient faire un autre arrêt, avant de rentrer. La deuxième maison se trouvait un peu plus loin sur la rue, et Otsu fut invitée à attendre dans le jardin d'hiver. Un jardin dans une serre, où poussait des fruits colorés et odorants, en toute saison. C'est qu'il aurait été bien malheureux de ne pouvoir consommer de délicieuses prunes en regardant la neige tomber. Otsu dû s'endormir sur son aigreur, car une main se posa sur son épaule et lui fit ouvrir les yeux en sursautant. Monsieur était revenu.

« Les négociations ont été âpres, mais j'ai finalement obtenu ce que je voulais. Petite Otsu, je pourrai croire que tu me porte chance ! Tiens, regarde ça. »

Il lui tendit un épais livre, ancien, au vue de son état et de son odeur. Un parfum qu'Otsu adorait. Elle feuilleta les pages et s'étonna du contenu. C'était de la poésie, mais d'une construction qu'elle n'avait encore jamais vue. Brève, contemplative, chaque poème, très court, se référait à la nature, au temps, aux saisons. C'était très joli, et en les lisant, Otsu se sentit envahie par une lente vague de paix.

« Je crois que c'est le seul qui existe dans notre langue. Ces poèmes viennent d'Asie, comme les peintures. Je pense qu'ils plairont beaucoup à Hono, elle pourrait les lire à ses clients, elle a une très belle voix. »

C'était vrai, lorsqu'elle chantait, Hono oubliait sa timidité. Même si elle n'atteignait pas les octaves de Keiko, sa voix douce savait charmer son auditoire. La lecture de poèmes lui correspondait bien.

De retour à l'Oeillet, Otsu pu enfin se défaire de la surveillance de Monsieur. Elle monta s'enfermer dans sa chambre et dormit toute la nuit. Ainsi que la journée du lendemain. Elle voulait arrêter de penser, et seul le sommeil le lui permettait.

Puis elle reprit sa place, comme si de rien n'était. Un sourire faux, un regard morne. Ses sœurs savaient très bien ce qui lui tournait dans la tête et dans le cœur. Elles étaient passés par là. Elles ne lui posèrent aucune question, et la jeune femme leur en su grès. Elle s'en posait déjà bien assez même. Dont une, soumise par un regard d'acier, elle ne savait plus quand. Deux jours auparavant, en fait, mais cela lui semblait si loin.

Quand il fut temps, Otsu s'installa devant son miroir. Se contempla. Il y avait encore de la peur tout au fond de ses yeux. Mais ses doigts ne tremblaient pas en appliquant la poudre sur son visage. Au ras des cils, les traits de charbons se dessinèrent, droits, vifs. Un cœur rouge fleurit sur ses lèvres, rond, net, sans bavure, pas même une tâche sur les dents.

Ce soir, Otsu serait parfaite. Elle avait une réponse à donner à quelqu'un.


Et me revoilà. Le chapitre vous a plût ? Vous restez quelques instants avec moi ? J'ai besoin de vous parler.

D'abord, sachez que ce mois-ci on a atteint les deux cents vues, et ça me fait vraiment très plaisir.

Mais ce qui est un peu dur, c'est que dans tous ces lecteurs, qui viennent, et qui reviennent, il y en ait si peu qui laisse un petit mot.

Oui, c'est dur. J'adore écrire cette histoire et la partager. Mais j'aime aussi savoir ce que vous en pensez. Je ne demande pas des longs commentaires hyper argumentés (même si je sais que j'adorerai ça), juste un petit retour sur votre lecture. Avez vous aimé ? Quelles sont vos attentes, vos théories pour la suite ?

Ou au contraire, si vous n'aimez pas, pourquoi ? Qu'est ce qui selon vous pourrez être amélioré ?

Bien sûr, les auteurs écrivent avant tout pour eux, et je le répète, cette histoire je prends un plaisir fou à l'écrire, je m'amuse beaucoup.

Mais nous aimons aussi échanger avec ceux qui nous lisent, nous aimons savoir ce que vous pensez de notre travail, et, et je suis sûre que vous le savez bien, vos commentaires nous donnent souvent de vrais et grands élans de motivations pour écrire.

Alors voilà, si vous hésitez à laisser un message, si vous ne savez pas quoi écrire ou ne vous sentez pas légitime de le faire : vos retours, peu importe qu'ils fassent trois lignes ou trois paragraphes, nous font plaisir et nous apportent beaucoup, alors n'ayez pas peur de le faire, si vous êtes un peu timide on peut même juste papoter par MP ;) et si vous manquez de temps, trois mots c'est très bien aussi :)

Bon, j'arrête là ma diatribe, on se retrouve pour le prochain chapitre qui, pour le coup, sortira plus tard, il est à peine commencé.

Très bon été à vous, à la prochaine :)