Bonjour vous :)
Merci de vos lectures, et merci de vos retours :)
Maye076 : L'attente est finie, ou presque ;) j'espère que tu apprécieras !
LiliieMoonlightchild : Ca me touche beaucoup que tu apprécie cette histoire depuis le tout début de sa parution, et que tu sois là à chaque chapitre, j'espère que la suite te plaira toujours :)
Sugarfree : Merci encore pour ton retour, j'ai passé plus de temps sur la relecture et la correction de ce chapitre, espérons qu'il y ait moins d'erreur ^^
Tout de suite, la réponse de Otsu à la proposition du Major, alors alors qu'est ce que ce sera ?
Bon j'avoue que j'ai vraiment galéré à écrire ce chapitre, pas de motivations, pas d'idées, jamais satisfaite...
Donc le résultat final est ce qui me convient le mieux, même si je ne suis toujours pas hyper emballée
J'espère que vous aimerez malgré tout, bonne lecture !
Chapitre 9
Depuis combien de temps était-elle là, à cette table ? Et ce regard qu'elle venait de jeter vers l'entrée, désespérée, c'était le combientième ? Si elle avait pu soupirer, Otsu l'aurait fait, mais ses clients n'auraient sûrement pas appréciés.
La serveuse avait été demandé dès le début de la soirée par un groupe de jeunes bourgeois, fils de banquiers, de notaires ou de commerçants, de produits de luxe cela allait sans dire. Ils n'étaient là que pour boire, et se vanter le lendemain d'être allé dans ce salon de thé interdit en se donnant de grandes tapes viriles dans le dos. Otsu retint un bâillement. Ils ne lui parlaient que pour être resservis, et la tenait éloignée de leurs échanges, de plus en plus volubile et balbutiant. C'était pourtant l'un des atouts de l'Oeillet, bougonnait la jeune femme intérieurement. Proposer à sa clientèle des femmes formées à tous les arts, dont celui de la conversation... Bon, c'était toujours mieux que de danser pour un vieillard à la libido en pleine santé. Hm, ses jambes, repliées sous elle, commençait à lui faire mal. Elle restait rarement assise aussi longtemps sans rien faire. Elle regrettait certains de ses clients, dont un d'ailleurs qui, derrière son flegme et la peur qu'il pouvait lui inspirer, était malgré tout d'une compagnie divertissante. Toujours plus que ces fils à papas... Voilà en quoi elle en était réduite se dit-elle...
Après s'être assurée que les verres de ses clients étaient pleins et qu'ils n'avaient besoin de rien, Otsu jeta un regard discret à ses compagnes. Keiko se trouvait dans une alcôve avec l'un de ses clients réguliers. Hono était alitée, à cause de règles particulièrement douloureuses. Il n'y avait qu'Emi et Fuyu dans le salon commun.
La première partageait littéralement un verre avec un charmant jeune blond. Tous deux se regardaient droit dans les yeux en souriant, chacun de l'autre côté du verre. Ils s'étaient donnés des gages toute la soirée, et avaient l'air de bien s'amuser.
Fuyu riait, entourée de ses deux clients. Son kimono avait glissé de ses épaules, et les deux hommes se plaisaient à lui verser des gouttes d'alcool sur la peau. Le liquide se répandait sur son cou, ses épaules, sa poitrine, jusqu'à que leurs langues avides les récupèrent, toujours plus bas. Des sillons collants se dessinaient sur le corps de la jeune femme. En voilà une qui allait monopoliser la salle de bain après. Fuyu croisa le regard d'Otsu et, sans s'arrêter de glousser, lui fit un signe discret vers le haut, en remuant doucement les lèvres. Bien sûr. Parler, sur le toit. Message reçu.
Otsu revint à sa table. L'un de ses clients fixait son verre, les yeux gorgés d'ivresse. Il se mit à chanceler, et la serveuse se leva prestement, mais non sans élégance, et vint soutenir le pauvre soiffard.
« Eh bien mon ami, souhaitez-vous un verre d'eau ? Une tasse de thé, ou de café peut-être ? »
L'homme ne répondit rien. Il posa ses yeux vitreux sur elle, la vit à peine, mais la repoussa violemment, avant de s'étaler sur la table, fracassant son verre. Un spectacle commun, à l'Oeillet. Ses compagnons rirent de lui, même si tous vacillaient dangereusement, alors qu'ils étaient encore assis... Otsu nettoya les dégâts, s'assura que l'homme n'était pas blessé, et il ne l'était pas, étonnamment. Du coin de l'oeil, elle aperçut Dame Yukari s'adresser à Pavas, sûrement pour lui dire d'appeler une voiture. Et de ce même coin de l'oeil, elle remarqua une courte silhouette, à moitié cachée dans l'ombre, adossée à un mur, les bras croisés sur son torse.
Le voilà lui...
Otsu ne pouvait pas quitter sa table, mais elle savait qu'il l'attendrait. Pavas et Monsieur vinrent la délester du vaincu, accompagné par un autre, qui dût entendre la voix de la raison malgré le brouillard d'alcool dans lequel il errait. Il n'en restait que trois.
Dame Yukari tenait compagnie au caporal, mais ses efforts pour le mettre à l'aise la mirent, elle, dans l'embarras, à en voir son regard perplexe et le rouge qui lui montait aux joues. Mais finalement, ce fût la présence de Livaï qui libéra Otsu de ses clients. L'un deux, qui se moquait de ses compagnons fuyard, aperçut le plus grand soldat de l'humanité, et le reconnut. Il se dressa alors, de toute sa hauteur titubante, et pointa un doigt sur lui. Enfin, pas tout à fait. Mais il visa suffisamment bien pour attirer le regard vers sa cible. Et il allait ouvrir la bouche quand Dame Yukari le saisit par le bras, d'une poigne qu'Otsu savait de fer. Tout comme ses traits à cet instant, figés dans sa plus belle expression de mère maquerelle, celle qui protège ses filles et son propre emploi, en protégeant l'identité pas si secrète de ses clients.
« Allons mon ami, je crois bien que vous avez trop bu. Venez avec moi tous les trois, nous vous réservons une petite surprise en bas, offerte par la maison. »
Pavas et Monsieur étaient revenus entre temps, et encouragèrent les deux autres à se lever également, sans ménagement. Mais ivres comme ils l'étaient, ils se laissèrent mener sans trop résister, et s'ils le firent, ce ne fut que dans des monosyllabes puantes. En guise de surprise, ils pourraient avaler cul sec un verre du plus fort alcool de riz de la maison, suivit d'un trou noir assuré. Ils se réveilleraient le lendemain, dans leur lit moelleux, l'air hagard et les souvenirs confus, signes certains qu'ils avaient passés une bonne soirée, selon leurs critères.
Otsu ne leur jeta plus un regard. Ses yeux étaient trop accaparés par la silhouette du caporal chef. Dame Yukari, enfin soulagés des gêneurs, se dirigea vers elle, la bouche pincée.
« Tu es demandée Otsu... Je ne pensais pas qu'un jour nous aurions cet homme parmi nos clients, ni même qu'il reviendrait... Mais tu sembles lui plaire, alors fait ce qu'il faut pour qu'il devienne un de tes réguliers. Il est trop prestigieux pour qu'une de mes filles le laisse filer. Je te laisse imaginer ton salaire, avec celui là... Emmène le dans l'alcôve du fond.»
La serveuse acquiesça, sans un mot, et se dirigea vers Livaï, un sourire aux lèvres et la fatigue aux yeux. Elle l'avait attendue, mais maintenant qu'il était là, Otsu avait seulement hâte que ça soit terminé.
Machinalement, la jeune femme prépara le thé noir du caporal et le servit, sans qu'une parole ne fuse. Il le bu, et le silence devint pesant, lourd d'une attente que ni lui, ni Otsu, ne semblait vouloir alléger. Lui, probablement parce que ce n'était qu'un homme violent et sadique, et Otsu, parce qu'elle avait peur de tout ce que leur discussion allait entraîner. Peu importait son choix, elle risquerait de souffrir, d'une manière ou d'une autre. Affalée sur son coussin, la jeune femme se triturait l'esprit, les doigts et la lèvre inférieure, que venaient ronger ses dents.
« Bon arrête ça gamine, tu vas te rendre malade, je suis pas là pour te voir gerber. T'as peut-être pas l'étoffe pour bosser avec nous en fait.
- Mais qui as dis que j'acceptais ? Lança-t'elle, un brin hargneuse.
- Tiens donc, c'est un refus alors ?
- Je... Je ne sais pas.
- Je t'ais dis que je viendrai chercher ta réponse, je suis pas là pour t'écouter tergiverser. » Accoudé sur un genoux, la voix du caporal s'était faite plus mordante. L'acier de ses yeux, tranchant.
Otsu planta ses yeux bruns dans ceux de Livaï. Puis les baissa. Les releva. Parcourut la table des yeux, sans trouver où les poser, revint vers lui. Ses mains crispées sur ses genoux, la jeune femme redressa la tête et les épaules, et força ses pupilles à ne plus le quitter. Lui ne bougeait pas, il observait son manège en buvant son thé, sans rien dire. Son silence était presque pire, elle n'avait rien à quoi se raccrocher. Par quoi commencer ? Il lui faisait peur lui, là, en face, son mutisme tenace, sa face cireuse et la force murée dans la finesse de son corps. Elle s'était amusée de leurs brefs échanges, mais de là à travailler avec lui... Et puis ça voulait dire quoi ce travail ? Espionner les clients, ça serait pas dur, vue les rapports d'amitiés qu'ils entretenaient avec l'alcool, mais jusqu'à présent Otsu n'avait pas tiré grand chose de leur volubilité. Bon, peut-être aussi qu'elle n'avait jamais écouté avec autre chose qu'un enthousiasme feint. Mais ça serait dangereux, non ?
Si elle se faisait prendre, par un client, par Pavas, par Monsieur ? Et comment joindrait-elle le Bataillon, ensuite ? Elle se mettait en danger, elle, les filles, l'Oeillet... Et ce serait alors encore plus dangereux pour elle !
Et ceux qui les suivaient, il y a deux jours, lors de la sortie à Mitras, c'était quoi, des soldats des Brigades Spéciales non ? Ca voulait dire qu'ils étaient peut-être déjà sur leur piste...
« Ecoutez, remerciez le Major de ma part, mais c'est trop dangereux. Si je me fais prendre, je mettrais tout le monde en danger ici, avoua-t-elle enfin.
- Alors te fais pas prendre " fut la seule réponse du Caporal.
Si facile à dire songea Otsu. Elle prit le temps de peser ses mots avant de rouvrir la bouche.
" C'est déjà risqué de travailler ici. Il y a deux jours nous avons étés suivis, mon patron et moi, par les Brigades Spéciales. Je ne peux accepter ce travail, ça serait leur tracer un nouveau chemin jusqu'à nous, ils en ont pas besoin.
- Les Brigades Spéciales ? Qu'est ce qui te fais croire que c'était eux ? »
Pour la première fois, il sembla vraiment s'intéresser à ce qu'elle disait. A moins que ça ne vienne de son imagination.
Otsu voulut répondre. Elle avait les mots là, sur le bout de la langue. Mais ils s'évaporèrent à l'instant où elle ouvrit la bouche. Elle tenta de les rattraper, d'en trouver d'autres, mais aucun ne vint.
« Je ne sais pas, mais c'est plutôt évident. Il n'y a qu'eux qui pourraient se mêler de nos affaires.
- Non. Il y a moi aussi. »
Otsu ouvrit grand les yeux. Pardon ?
« Heu, quoi ? Vous ?
- Oui. Moi. On était trois à te suivre. Ces deux là, fraîchement émoulus du Bataillon d'entraînement et déjà renvoyés, et moi, le seul que tu n'as pas repéré.
- Mais... Enfin quoi, c'était un genre de test c'est ça ?
- Exactement. Une idée d'Hanji. Tu as les capacités de ne pas te faire repérer, mais on devait savoir si tu avais celles de sentir quand tu es suivie. Bravo tu as réussi l'examen. »
Bravo ? Otsu haussa un sourcil face au ton sardonique et à l'expression éteinte du caporal. Cet homme ne s'illuminait donc jamais de rien ? Il se moquait d'elle, évidemment. Mais la jeune femme sourit néanmoins. Elle avait su repérer les soldats sélectionnés par Livaï... par le caporal chef lui même ! Et ce n'était pas des membres des Brigades Spéciales qui en avaient après l'Oeillet finalement ! Son dos se détendit et elle porta une main à ses lèvres pour cacher son sourire de plus en plus large.
Oui, bravo Otsu, mais lui il est encore là, et il attend encore ta réponse.
La serveuse secoua la tête. Bien, reprenons.
« Merci Caporal. Mais je ne peux pas accepter pour autant. Je ne veux pas me mettre en danger, ni moi, ni les filles qui travaillent ici. D'ailleurs, sachez que vous voir me met le cul entre deux chaises, pardonnez moi l'expression. Ma patronne veut que vous soyez mon client régulier, et mon patron craint que vous soyez mon amant, rien que ça. Et vous savez ce qu'il m'a dit, lorsqu'il m'a emmené à Mitras ? Il m'a menacé de me vendre dans les Bas Fonds, si jamais il apprenait que j'avais vraiment un amant hors de l'Oeillet. C'est interdit voyez vous. »
Un vent froid lui répondit. Le caporal tenait encore sa tasse, sans la boire, les yeux dans le vague. Ses pensées restaient interdites à Otsu, et même son imagination ne la laissa pas entrevoir ce qui bataillait derrière ces yeux gris. Elle, là tout de suite, elle aurait bien eu envie d'un verre, très fort le verre.
« Si je deviens un de tes clients réguliers, le problème est réglé donc.
- Heu.. Oui, je suppose. Mais ça susciterait des questions non ?
- Pourquoi ?
- Dame Yukari m'a avoué qu'elle n'aurait jamais pensé vous voir ici. Et d'un seul coup vous venez, et vous revenez, et je suis la seule que vous demandez. »
Livaï soupira et reprit, d'une voix plus douce qu'à l'accoutumée.
« Tu sais pourquoi tu penses qu'ils poseront des questions ? Parce que toi, tu sais la vérité. Ces gens là bas, tout ce qu'ils verront, c'est un nouveau client qui ne connaissait pas cet établissement, avant qu'une vague connaissance ne l'y emmène, lui et son chef. Et qui a suffisamment apprécié pour revenir. Ce scénario te rappelle quelque chose ?
- Oui, ça arrive souvent...
- Voilà. Et ça n'a donc rien d'étonnant à ce que je ne réclame que la seule serveuse que je connais ici. Tous vos clients ont leurs habitudes, j'ai les miennes également. Tu fais du bon thé et tu ne jacasses pas à tout bout de champ. Je n'aurai aucune raison de demander une autre fille, si j'étais vraiment là pour vos services.
- Me voilà honorée.
- Bien, puisqu'on en a finit, dois-je annoncer au Major que tu accepte son offre ?
- Quoi ? Mais non ! Je vous l'ai dis, je ne veux rien faire qui puisse me mettre en danger.
- Te mettre en danger, toi et toi seule... En fait, tu as tout intérêt à accepter. »
Le Caporal posa sa tasse vide sur la table, croisa les bras sur son buste et s'adossa au mur derrière lui.
« Qu'est ce que ça veut dire ? » demanda Otsu, soudain alerte.
Livaï glissa une main dans une poche à l'intérieur de sa veste et en sortit une enveloppe brune. Une plume fine et experte y avait tracée, à l'encre noire acérée, l'adresse du tribunal des Armées.
Et merde.
