Et me voilà déjà de retour pour un nouveau chapitre :)

Après plusieurs pannes d'écriture, je suis contente de poster celui ci aussi rapidement

Ces différentes baisses de motivation m'ont fait perdre beaucoup de temps dans l'histoire, je me suis pas mal éparpillée, et certains éléments ont prit bien trop de temps pour être développé

Mais j'espère ne pas vous avoir trop perdu. A partir de maintenant, on se remet dans l'histoire et on avance ^^

Bonne lecture !

Maye076 : Comme d'habitude merci pour ta review :) j'espère que la suite te plaira toujours ^^

LillieMoonlightchild : Fisherman est un client comme Otsu n'en rêve pas ! Et on en as pas encore fini avec lui ;) J'ai peut-être même un peu trop prit de temps pour développer tous les éléments que j'ai en tête, mais avec ce chapitre on se recentre un peu :) Merci encore de ta review !

Chapitre 18

La rumeur ne parvint pas tout de suite aux oreilles de l'Oeillet. Il y avait tout simplement trop de chemin entre le district de Trost d'où le Bataillon était reparût un matin, et les remparts de Sthohess. Ce fut Arbeit qui le premier en informât Otsu. Si la jeune femme avait pu sortir du salon de thé, si elle avait été libre de ses pérégrinations, peut-être aurait-elle pu s'y préparer. Mais quand Arbeit, au détour d'une conversation qui pourtant commençait bien, emplie de toutes les frivolités d'usage, la jeune femme s'était sentie blêmir.

Par chance, Arbeit avait mit son apparent malaise sur le conte de son mépris pour son caporal-chef de client, et, une main sur son cou, il entreprit de lui caresser les épaules pour la détendre. Tout en appréciant probablement la douceur et le velouté de sa peau. Il était là pour ça après tout, même si Arbeit n'avait jamais tenté plus que quelques caresses. Du moins avec elle. Emi lui avait une fois affirmé qu'il possédait plus de vitalité qu'un jeune soldat en retour de mission.

Mais avec Otsu, le vieil homme restait un vrai gentleman. Au salon de thé, Otsu le considérait presque comme un ami et un confident. Du moins, c'était ce qu'elle tâchait de lui faire croire. Et si la confiance n'était plus réciproque, Arbeit la considérait toujours comme une alliée dans sa lutte contre le bataillon d'exploration. Et à la fin de la soirée, alors qu'il remettait son veston et ses gants, il glissa, l'air de rien, une invitation à sa favorite.

« Vous savez dans quelle église je me rends chère amie. Sachez que j'y serais tous les jours, pendant deux heures après la midi sonnante. Je vous y attendrai. Venez m'y rejoindre quand vous aurez un congé, nous discuterons bien mieux ainsi, tous les deux, d'un problème que nous avons en commun. »

Toutes dents dehors, la courtisane lui répondit d'un sourire et la promesse muette fut donnée.

Donnée, et tenue. Si les jours qui suivirent parurent long à Otsu, elle les occupait néanmoins en jouant de la musique, en dansant ou en lisant jusqu'au soir, et les soirs passaient comme ils le devaient, entre les mains de ses clients, bouche rouge, œil aguicheur, et, parfois cuisses ouvertes dans les alcôves.

Alors quand le matin attendu arriva, Otsu crû que le calvaire de l'attente serait fini. Mais non. Ce fut pire. La jeune femme n'avait plus rien pour encombrer son esprit que penser à Arbeit et à ce rendez-vous qui n'aurait rien de galant. Réveillée trop tôt le main même, incapable de se rendormir, Otsu, grommelant de ce sommeil écourté, s'extirpa de la chaleur de son lit et, vêtue en civil, se lança dans la fraîcheur de ce matin d'hiver.

La première chute de neige n'avait pas tenu, mais ses pieds s'enfonçaient dans la gelée blanche qui recouvraient les pavés. Emmitouflée derrière une épaisse écharpe, la jeune femme marchait parfois à reculons pour observer les traces qu'elle laissait sur son passage, un petit sourire aux lèvres. Son souffle se dispersait en nuage autour d'elle, et la courtisane s'en amusa également, comme une enfant. L'air était froid, vivifiant et si pur en comparaison des parfums capiteux et douceâtres qui embaumaient tout l'Etage Privé. Otsu s'arrêta pour inspirer à pleins poumons et savourer le froid qui parcourut chacun de ses membres. En expirant, elle rouvrit les yeux en prenant conscience qu'elle les avait effectivement fermé, puis reprit son chemin, l'allure vive et l'humeur joyeuse.

Il était trop tôt pour rejoindre l'église d'Arbeit, alors Otsu flâna jusqu'au bourg où elle s'arrêta pour son petit déjeuner. Une assiette pleine de pâtisseries au beurre et un chocolat chaud, le menu était bien loin de ses habitudes à l'Oeillet. Cette petite incartade à son régime traditionnel ajouta davantage à son enthousiasme, et même la petite boule d'appréhension logée dans son estomac ne l'empêcha pas de savourer sa commande. Pour faire passer le temps, et digérer son copieux petit-déjeuner à l'occasion, Otsu reprit ses déambulations à travers Stohess. Elle hésita à se rendre à la porte du district pour saluer Moebias. Sauf que si elle faisait ça, elle prenait le risque d'être aperçue par Arbeit, même s'il était encore tôt. Otsu ne pouvait pas se laisser voir en conversation amicale avec un soldat de la garnison, cela susciterait inévitablement des questions. Alors la catin prit son mal en patience et se contenta de errer dans les plus jolis coins du district. Un parc qui serait verdoyant au printemps, un temple plus luxueux que celui d'Arbeit, un théâtre et d'autres bâtiments aux colonnes de pierres blanches, et d'autre parcs ornés de fontaines ou de buissons taillés.

Quand enfin Otsu jugea l'heure suffisamment avancée, elle s'empressa de remonter en direction du temple d'Arbeit. Elle y arriva trop rapidement néanmoins, et, un peu essoufflée, se laissa tomber aux pieds d'une statue représentant Maria. Ou peut-être Sina, Otsu n'avait jamais mémorisé leurs portraits. La tête contre la pierre, elle ferma les yeux et attendit. Elle s'assoupit même peut-être, plus fatiguée qu'elle ne l'aurait admis après une nuit trop raccourcie.

Une main sur son épaule la réveilla gentiment, et la face un peu rougeaude d'Arbeit apparût devant ses yeux endormis.

« Vous êtes en avance ma chère petite. Venez, suivez-moi, il y a une salle à l'arrière où nous seront toute à notre aise pour discuter. »

Le bureau du prêcheur, devina Otsu à la vue des nombreuses idoles de pierres qui ornaient la pièce, des livres enfermés dans une élégante bibliothèque en bois, et du monceaux de feuilles, vierges ou barbouillées d'une écriture acérée qui recouvraient le rouge sombre du bureau. Arbeit tira une chaise pour Otsu, et lui même prit place sur le fauteuil du prêtre. Quelques instants plus tard, la porte derrière eux se rouvrit sur un jeune garçon porteur d'un plateau de thé. De toute évidence, Arbeit n'était pas n'importe qui ici. Otsu, les mains sous les fesses, ne perdit pas une miette de l'échange silencieux entre son client et l'enfant, et se contenta de hocher la tête lorsqu'il lui proposa une tasse remplie d'un thé fumant qui sentait bon l'orange et la cannelle.

« Je suis ravie de vous voir Otsu, bien loin des convenances de votre salon de thé.

- Vous savez que je ne suis pas sensée voir des clients en dehors de l'Oeillet, rappela la jeune femme en croisant les jambes.

- Rassurez-vous, c'est un lieu de culte, vous pouvez bien y venir comme bon vous semble, il n'y a pas de mal à ça. Et cet entretien ne sera pas long. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : j'ai encore besoin de vous ma petite. Comme je vous l'ai dis, le Bataillon d'Exploration est rentré. Je sais de source sûre que le Major doit venir faire son rapport, et il est en chemin pour la capitale, avec son petit sous-fifre de caporal. Ils arriveront en début de semaine et partiront le lendemain même. C'est sur leur chemin de retour que nous allons frapper. Je connais leur itinéraire, ainsi que les endroits où ils prévoient de s'arrêter. J'ai engagé les meilleurs hommes de main cette fois, et je compte bien en finir avec Smith. Seulement, s'il est accompagné du caporal-chef, je ne suis pas certain qu'ils puissent en venir à bout. Et c'est là que vous entrez en scène. Il est très probable que Livaï vienne vous voir le soir même. Après tout ce temps en mission, qui n'aurait pas besoin de trouver du réconfort auprès d'une douce jeune femme n'est-ce pas ? »

Et bien, certainement pas le caporal-chef, mais Otsu acquiesça néanmoins.

« Je compte sur vous pour l'affaiblir. Faites le boire le plus possible, mettez de l'alcool dans son thé s'il le faut, mais rendez-le incapable de nous nuire. Et si en sus il est trop mal pour prendre la route avec les autres, je saurai vous remercier, ajouta-t-il sur un clin d'oeil.

- Je ferai de mon mieux mon ami.

- Vous avez toute ma confiance ma chère. Je ne pense pas me tromper en vous l'accordant, n'est-ce pas ? »

Otsu acquiesça, tout en sentant que la question n'était pas anodine. Ses méninges en branle, elle flairait quelque chose de louche derrière les confidences d'Arbeit. Mais elle n'avait pas le choix, Smith devait en être informé. Piège ou non, c'était lui la cible.

Plusieurs questions brûlaient la langue de la prostituée, sans qu'elle ne trouve comment les poser. Elle choisit donc une approche détournée.

« Je suis admirative mon ami, vous êtes vraiment doué et ingénieux. Comment en savez-vous autant sur le Major ? Non, ne dites rien, j'imagine que vous avez un réseau bien utile. »

Arbeit sourit.

« Disons que j'ai des sources en effet. Laissez cela ma chère, n'y pensez pas plus. Et retrouvez moi ici lors de votre prochain congés, je vous informerai des événements. »

Elle avait sa réponse. Otsu finit sa tasse et quitta l'église.

Voilà qui ferait plaisir à Livaï pensa la courtisane, il serait ravi d'apprendre, encore de sa bouche, que se planifiait une nouvelle attaque contre son Major, et qu'il était lui aussi observé par d'invisibles espions.


La vérité, c'était qu'Otsu aurait bien aimé qu'Arbeit se soit trompé. Mais non. Le soir même de l'arrivée du Major à la capitale, le caporal la rejoignit dans la dernière alcôve au fond du couloir. Tout le monde penserait comme lui : tout héros de l'humanité qu'il était, il restait un soldat qui revenait d'une mission suicide à l'extérieur et qui avait bien besoin de se détendre un peu.

Otsu ne s'embarrassa plus des salutations d'usage, elle lui servit son thé noir, lui fit glisser sa tasse et s'installa à son aise en face de lui, prête à encaisser toutes les politesses qu'il aurait à lui envoyer, tout en sirotant elle même sa tasse. La catin trouvait le thé noir trop amer au début, mais finalement son palais devait s'habituer au goût, car elle s'étonna de l'apprécier de plus en plus.

Livaï buvait en silence, son regard, si dur, perdu dans le vague, très loin de l'Oeillet semblait-il. Otsu ne chercha pas à le faire revenir à elle, à cet instant. Le caporal revenait d'une expédition hors des murs. Elle ne pouvait qu'imaginer ce qui se rejouait précisément derrière ces prunelles d'orage. Le silence n'était pourtant ni gêné, ni gênant. La jeune femme avait comprit dès le début que cet homme là n'était pas de ceux qui parlaient pour ne rien dire, ni qui écouteraient des bavardages vides de sens en hochant gentiment la tête, l'air concentré, en répétant « Oui, oui tu as raison, dis m'en plus. »

En d'autres circonstances, elle aurait pu l'apprécier, cet homme là. Pour s'occuper, elle fit courir ses doigts sur son luth qu'elle avait posé dans un coin de l'alcôve. En silence, pour ne pas troubler le caporal.

Quand sa tasse fut vide, Livaï se resservit et fit de même avec celle d'Otsu qui, lasse, avait fini par s'allonger sur les coussins et contemplait le plafond. Enfin, il ouvrit la bouche.

« As-tu des nouvelles pour moi ? »

Toujours allongée, à demi dissimulée par la table, la voix de la prostituée lui répondit de ce ton aguicheur qu'elle prenait toujours pour se moquer de lui.

« Vous m'avez manqué vous aussi. Savez-vous que je n'ai pas eu le choix de me consacrer à mes autres amis ? Il fallait bien tuer le temps avant de vous revoir, mais aucun ne vous arrive à la cheville. »

Sans même tourner la tête, Otsu savait que ses taquineries n'avaient suscitées aucune réaction. Mais elle ne s'en lasserait jamais.

« Et maintenant que vous êtes là je suis absolument enchantée de vous retrouver.

- Tu m'en vois ravis. »

Elle faillit s'étrangler et voulut se redresser pour lui lancer une oeillade assassine, mais se retint. Puisqu'il rentrait dans son jeu, elle allait tout simplement y mettre fin.

« Ouvrez grandes vos oreilles caporal-chef. Figurez-vous que l'on m'a confié une mission. Le commanditaire est le même que celui qui m'a fait empoisonner le Major, et puisque ça n'a pas marché, il a décidé de passer à la vitesse supérieure. Il prévoit de faire attaquer Smith sur le trajet du retour, demain. Et mon rôle, c'est de vous empêcher, vous, de l'accompagner. Il craint que si vous êtes présent, vous soyez capable à vous tout seul de neutraliser ses tueurs.

- Il a raison de le craindre. Et comment tu comptes m'empêcher de partir avec Erwin ?

- Oh, moi je ne compte rien faire, mais mon client s'imagine que je vais vous séduire et vous faire boire plus que de raison pour que vous ayez une belle gueule de bois, ce qui au mieux vous ferez partir plus tard, et au pire vous affaiblirait assez pour son attaque surprise. »

Pensif, Livaï porta lentement sa tasse à ses lèvres. Des lèvres fines, s'aperçut Otsu. Et des doigts fins. Tout, chez cet homme, était d'une finesse délicate qui pourtant cachait une brutalité que rien ne laissât deviner. Sa petite taille, sa lavallière, et même ce costume, un poil trop grand, qui ne montrait rien de sa musculature qu'Otsu savait pourtant parfaitement dessinée. Comme celle de tous les militaires qu'elle avait connut, de toute façon. Et en même temps, pas tout à fait. Otsu en avait vu, des hommes. A l'armée, à l'Oeillet. Mais aucun ne ressemblait à celui là.

Si elle n'avait pas eu à faire les frais de sa violence, la jeune femme n'aurait jamais comprit pourquoi cet homme faisait si peur à Arbeit. C'était un héros après tout.

Cette peur là, Otsu ne la partageait plus, et elle en fut la première étonnée. Ce qui ne l'empêchait pas de rester sur ses gardes, alors le silence qui suivit son avertissement attisa ses doutes et ses craintes.

« Comment connaît-il notre itinéraire ? Finit-il par lâcher.

- Bien sûr il m'a tout dit, vous vous en doutez, cracha Otsu en levant les yeux au ciel.

- Tu as demandé au moins ?

- Pas exactement. Disons qu'il n'a pas démentit quand j'ai suggéré qu'il avait son propre réseau d'espions. Je n'ai pas insisté. Il ne doit pas se méfier de moi. »

Livaï acquiesça, et retourna à son mutisme, et Otsu à ses coussins. Elle l'entendit se resservir lui même du thé, et la courtisane laissa un rire lui échapper. Une main sur la bouche et les yeux écarquillés, elle se demanda si le caporal-chef l'avait entendu. Risquant un coup d'oeil dans sa direction, elle eut sa réponse. Livaï, une main tenant sa tasse par le haut comme à son habitude, l'observait sans rien dire, comme à son habitude. Aucune interrogation dans son regard, pas de moqueries, pas de sarcasmes. Mais derrière ce masque inflexible, Otsu crû deviner un léger rictus. Elle se redressa en soufflant et se tourna vers lui.

« Mes excuses. Ca m'amuse que vous ne soyez pas comme les autres clients. J'aimerai bien qu'ils soient tous capable de remplir eux mêmes leurs verres.

- Tu n'aurais plus de travail si c'était le cas.

- Hm, vous savez bien que ce n'est pas vrai. Nous faisons bien plus que leur donner à boire. On n'est pas toujours mieux servit que par soi même, n'est-ce pas ? »

Livaï ne répondit pas. Otsu aurait été surprise du contraire.

« Tu as d'autres choses à m'apprendre ?

- Non.

- Hansi m'a fait part d'un fait divers qui s'est produit il y a plusieurs semaines. Un homme d'affaire et une prostituée se seraient fait agressés. Tu es au courant de quelque chose ?

- Evidemment. C'était moi, la prostituée, et l'homme d'affaire c'était... Disons, notre soucis commun. Otsu planta ses yeux dans ceux de Livaï, guettant une connivence qui ne vint pas.

- Les agresseurs ?

- Morts. Je ne sais pas qui ils étaient, ils voulaient nous voler. Enfin, surtout lui. Les gens d'ici affichent facilement leur richesse, c'est parfois risqué.

- Tu es sûre que c'est tout ce qu'ils voulaient ? "

Otsu haussa les épaules.

" Et quoi d'autres ? Ils ont bien eu envie de profiter de moi aussi, mais ça c'était un supplément.

- Donc vous vous êtes juste trouvé au mauvais endroit au mauvais moment ?

- Il faut croire. Bon, et votre Major alors, qu'est ce que vous allez faire ?

- Je verrai les détails avec Erwin.

- Vous n'avez pas déjà une solution, un plan de secours ? insista la courtisane en se rapprochant inconsciemment du caporal-chef.

- J'ai quelques idées, mais tu n'en sauras rien.

- Vous avez peur que je balance ?

- Pas volontairement. Ne rien te dire, c'est aussi s'assurer que tu ne parleras pas, même sous la torture.

- Voilà qui est rassurant. Souhaitons que de telles réjouissances me soient épargnées.

- Oui. Souhaitons le. »

Le caporal-chef n'ajouta rien de plus, de toute la soirée. La compagnie de son thé sembla lui suffire. Otsu joua du luth pour tromper l'ennui et les oreilles indiscrètes.

Il ne s'en alla qu'à l'heure de fermeture, et Otsu se réjouit de cette soirée. Finalement, ce n'était pas si pénible de l'avoir comme client.


La porte de la voiture s'ouvrit avant que Livaï puisse poser la main dessus et le visage excédé d'Hange surgit juste devant lui. Elle avait envie de crier, il le vit bien, tout comme il nota chacun de ses traits déformés par la frustration de ne pouvoir passer ses nerfs sur lui.

« Livaï hurla-t-elle finalement en murmurant. Ca fait deux heures qu'on attend ! Mais qu'est ce qui s'est passé ?

- Rien. Laisse moi monter, je me gèle le cul.

- Comment ça rien ? Me dit pas que t'a trempé le biscuit !

- Arrête ça. Elle m'a fait son rapport, et j'ai profité d'un bon thé. C'est tout. »

Livaï poussa la militaire pour s'installer dans la voiture alors que de nouveaux flocons commençaient à tomber.

Hange aurait voulut le secouer. Mais à quoi bon avec lui. De toute façon elle ne pourrait même pas le bousculer un peu. Trop rigide. Enfin, à quoi pensait-il pour s'attarder aussi longtemps ? Livaï coupa court à ses réflexions, mais elle nota de les reprendre plus tard.

« Tu avais raison pour l'agression. C'était bien elle.

- C'était évident. Hono m'avait confié qu'elle était rentrée couverte de sang.

- Tu veux qu'on l'enrôle aussi ?

- Certainement pas. Cette petite est maligne mais beaucoup trop sensible. Elle ne m'en a parlé que parce qu'elle s'inquiète pour sa compagne. Et comme tu es un de ses réguliers, elle a pensé, à juste titre, que tu serais capable de la protéger.

- De toute évidence, elle se protège très bien toute seule. Tu as le dossier sur l'homme qui l'accompagnait ?

- C'est celui ci, fit la militaire en tirant une chemise cartonnée d'une petite pile bancale à ses côté. C'est un notaire, sa liste de clients est assez courte, mais que des gens riches et titrés. Très riches et très titrés. Aurille, le gouverneur de Stohess et quelques autres. Il a également eu Lobov dans ses clients, ajouta Hange en levant les yeux vers Livaï, soucieuse des souvenirs que ce nom pourrait faire naître chez le caporal. Il est aussi en lien avec certains dirigeants du culte des Murs. C'est un fervent croyant, apparemment.

- C'est lui qui a chargé Otsu d'empoisonner Erwin. Et il a déjà commandité un autre projet d'assassinat. Il veut nous attaquer sur notre trajet de retour à Trost.

- C'était à prévoir. Tu nous raconteras ça en détail au QG et on changera nos plans. Peut-être devrions nous partir cette nuit directement...

- Non. Vous partirez demain matin, comme convenu.

- « Vous » ?

- Je ne partirai pas.

- Quoi ?

- Je ne partirai pas en même temps que vous. »


Il faisait trop froid pour sortir sur le toit ce soir, et les filles s'étaient décidée pour se retrouver dans la chambre de Keiko. Toutes blotties sous leurs couvertures, qu'elles avaient emmenées pour l'occasion, elles chuchotaient et riaient discrètement en observant la lente dense des flocons par la fenêtre.

« Alors Otsu, que t'as fais le beau caporal-chef pour t'occuper ainsi toute la nuit ?

- Je vais devoir être honnête avec vous les filles, mais le caporal n'est vraiment pas intéressé par mes charmes. Il vient boire du thé, parfois écouter de la musique, et c'est tout. Ce n'est pas un client très difficile, mais ça pourrait être ennuyant s'ils étaient tous comme lui.

- Moi j'aimerai bien en avoir plus, des comme lui, pouffa Emi.

- Et moi donc. Si tu n'en veux plus Otsu je veux bien te le prendre.

- Tiens tiens tiens Fuyu, aurais-tu besoin de quelques clients supplémentaires ? minauda Emi.

- Haha, je ne dis pas non... Et puis personne ne refuserait un client aussi facile à contenter, répliqua la petite brune en riant, l'air un peu gêné.

Si elles savaient.

C'était ce que voulait dire le petit sourire qu'affichait Otsu. Un sourire qui cachait des secrets. Pour ne pas risquer de trop se dévoiler, la jeune femme décida d'aller se coucher. En souhaitant une bonne nuit à ses compagnes, elle sentit des doigts effleurer les siens. Keiko. Otsu ne sut que penser de ce qui n'était peut-être pas une caresse ni un accident. Pas après tout ce temps sans échanger plus que des rires ou des banalités.

Ce soir, elle n'avait pas d'autres envies que de dormir.


La prostituée passa le reste de la semaine à se ronger les sangs la journée, et à distribuer ses sourires et ses caresses le soir. Elle dût attendre son jour de congés pour enfin en savoir plus et se rendit, comme convenu, à son rendez-vous avec Arbeit. Une boule d'appréhension pesait lourdement dans son estomac. Otsu n'avait aucune envie d'y aller, mais elle s'y contraignit néanmoins. Toujours avec le sourire et un air serein qu'elle était loin de ressentir.

A l'église, Arbeit la rejoignit en retard. Essoufflé, il s'excusa et la pria de l'accompagner dans sa calèche. Il la ramènerait au salon de thé pour se faire pardonner de l'attente. Otsu se sentit blêmir sans qu'elle ne comprenne la raison de cette soudaine peur. Non, elle ne voulait pas, elle ne voulait absolument pas monter dans la voiture avec Arbeit, mais ne trouvait aucune raison de refuser, et l'homme la conduisait déjà, une main ferme dans son dos et un air bienveillant au visage. Assise en face de lui, les mains serrés sur les genoux, Otsu n'arrivait pas à poser son regard quelque part, ni à calmer ses pensées. Quelque chose n'allait pas.

« Ma chère, je vous félicite. Vous avez fait un excellent travail, le caporal-chef Livaï n'a pas suivit Smith lors de leur retour à Trost.

- J'ai fais de mon mieux, mais comme vous l'aviez deviné, après un long séjour de l'autre côté du mur, il avait un grand besoin de distraction. Ce ne fut pas difficile.

- Hmm. Oui je me doute. Malheureusement l'attaque n'a pas été un succès. Le major et sa troupe se sont bien arrêtés au premier relai convenu, mais ensuite ils ont bifurqués et ont prit une toute autre direction. Ils sont allés rejoindre un régiment stationné vers l'ouest. Ce n'était pas prévu initialement, mais que voulez-vous, j'imagine qu'il y a parfois des impondérables...

- Je suis navré mon ami. Mais n'abandonnez pas, je suis sûre qu'il doit y avoir une autre solution pour en finir avec Smith.

- Oui, vous avez sûrement raison. J'ai une question pour vous ma chère Otsu.

- Dites moi ?

- Pourquoi avez-vous quitté l'armée ? »


Merci de votre lecture, à bientôt pour la suite !