Flesh and bones
Chapitre 2 :
Où Kazahaya et Rikuo découvrent leur nouvelle résidence…
Le portail de la maison était immense, gigantesque, imposant. En métal forgé noir, frappée des armoiries de la famille de Kirin, il semblait toiser les deux garçons du haut de ses piques peintes en rouges.
Les deux garçons en question n'en menaient pas large.
Après une heure de train et une demi-heure en taxi, ils étaient enfin arrivés à destination.
Et cette dudit destination ne les rassuraient pas du tout. De derrière la muraille qui s'étendait tout autour de la propriété, on pouvait voir des sapins parsemés de corbeaux qui les regardaient de leurs petits yeux perçants. Kazahaya frissonna. Il se tourna vers son compagnon et gémit : « Je ne veux pas aller là ! S'il te plait, Rikuo, allons nous-en.
-Kakei à dit qu'il nous retirerait un mois de salaire si on n'y allais pas.
-Oui, mais…
-Tu as besoin de blé, pas vrai ?
-Mais…Je préfère mille fois rater un mois de salaire que de rentrer là-dedans. Toi aussi tu l'as vue, cette femme n'était pas nette !
-Oui, j'ai vu. Mais bon. Si ça se trouve, elles ne sont pas, elle et sa maison, si dangereuses qu'on pourrait le croire.
-Comment ça « pas si dangereuse » ? » Hurla le châtain, hystérique. Il tourna les talons, bien décidé à s'éloigner de cette maison maudite et de ce colocataire crétin. Mais le colocataire en question le retint par le bras et désignant du menton le portail : « On va rentrer.
-Non. Je veux pas. »
Quel gamin…Pensa Rikuo avec lassitude. Il tira Kazahaya à sa hauteur et se dirigea d'un pas ferme vers l'entrée de la propriété. Il sortit un trousseau de clés, confiées par Kirin. Il trouva celle du portail, ouvrit celui-ci et ils pénétrèrent dans le jardin.
Ils furent abasourdis par ce qu'ils trouvèrent à l'intérieur.
Si, de l'extérieur, on pouvait imaginer un jardin morbide couvert de sapins et de pelouse miteuse, il en était tout autrement à l'intérieur.
La pelouse était tendre et d'un vert frais et des fleurs organisées en plante bandes, rangées par couleurs, bordaient la maison, située quelques mètres plus loin. Il y avait en effet des sapins, mais il respirait le calme et la pureté. Il y avait aussi des buissons et plus loin, on pouvait apercevoir le début d'un verger. Tout était dans une harmonie parfaite. Des marguerites parsemaient la pelouse, de ça de là.
Émerveillés, Kazahaya huma l'air et dit avec un sourire apaisé : « Ca sent bon. Ça sent le sapin. » Rikuo le regarda de travers. Apparemment, Kazahaya ne se rendait pas compte de la porté de la phrase qu'il venait de dire. (1) Le châtain s'avança dans le jardin en direction de la maison. Celle-ci n'était pas si effrayante que ça.
En pierres claires, elle captait les derniers rayons de soleil et attouchait une note claire au paysage teinté de vert. Les arêtes étaient en briques, et les vitres en vitraux de même couleur. Avec le soleil rougeoyant, on avait l'impression que l'intérieur de la maison flambait.
Ou bien que les carreaux étaient ensanglantés…
Le toit était en ardoises noires. La maison se composait de deux étages et d'une tourelle à une fenêtre unique. Il y avait également une terrasse, dont le carrelage était aussi rouge que les vitraux. Les volets écaillés avaient dû être rouges également. Le perron était également en pierres claires, à peine souillé par les centaines de semelles qui avaient dû le parcourir. Les deux adolescents s'avancèrent. Derrière la maison, un bois percé des rayons dorés du soleil déclinant. Ils s'arrêtèrent sur le perron, valise à la main. Rikuo pris la clé de la porte d'entrée et l'ouvrit. Celle-ci n'avait pas dû être ouverte depuis longtemps, à en juger le grincement qu'elle produisit. Ils pénétrèrent.
Malgré le fait que Kirin ait été en Finlande pendant plusieurs années, la maison était resplendissante, comme si on venait tout juste de la nettoyer. Le hall d'entrée était carrelé de noir et blanc. Il y avait deux portes, et un immense escalier avec une rampe en fer forgé noir admirablement travaillé. Rikuo posa sa valise, bientôt suivit de son compagnon. Le brun se tourna vers celui-ci et dit d'un air moqueur : « Ben tu vois qu'elle ne fait pas peur, cette maison…
-Oh, c'est bon… » Kazahaya regarda à droite et à gauche, et, désignant les portes du doigt. « Elle mènent à quoi ?
-Comment veux-tu que je le sache ? On va bien voir. » Et il dirigea ses pas vers la porte de droite. Elle donnait sur un salon, suivi d'une bibliothèque.
Le salon, tout dans les tons rouges foncés et ocre, était meublé de fauteil et de canapés moelleux, ainsi qu'une table richement travaillée, apparemment d'origine chinoise. Des armoires remplies de boîtes de thés couvraient les murs, ainsi que des tapisseries du Moyen-Âge et de tableaux de grand maître occidentaux, toujours dans les couleurs rouges et ocre. Kazahaya s'approcha de l'une des armoire et s'exclama : « Tout ces thés ! C'est effarant ! Il y en a que je n'avais jamais vu ! « Paprika et orange »… «Infusion de hêtre »… «Noisette et vanille… »
-Tu n'as pas dû sortir beaucoup de chez toi » Se moqua Rikuo en regardant un tableau de Picasso. Il y eut un silence et, surpris par le manque de réaction de son compagnon, le brun se retourna. Kazahaya regardait le sol, l'air triste. Puis il redressa la tête, se repris et entreprit de crier des insultes peu élégantes à la tête de son partenaire. Celui-ci eut un sourire moqueur, mais le cœur n'y était pas. Il savait que cette absence de réaction était due au passé de son colocataire.
Passé qu'il ne connaissait pas…
Il passa dans la bibliothèque.
Elle était immense. Tout en acajou et partant du sol jusqu'au plafond, il y avait des échelles afin d'atteindre les ouvrages les plus haut. Des fauteuils de même couleur que les précédents étaient disposés de manière à ce que l'on puisse profiter de la lumière naturelle jusqu'à la tombée du soir.
« Wahou ! » S'écria Kazahaya en se précipitant sur les rayons. Ses doigts fins effleuraient les reliures anciennes avec respect. Rikuo eut de nouveau un sourire, attendri cette fois. Certes, Kazahaya était un gamin. Mais n'était-il pas le plus adorable des gamins ? « Shamanisme…Légendes occultes…Spiritisme…Nécromancie…Notre amie semblait intéressée par l'occulte, on dirait !
-Je te rappelle que c'est une nécromancienne. Kakei nous l'a dit.
-Mouais…Je recommence à trouver cette maison inquiétante…
-Ce que tu peux être froussard…
-De kwâ ? » Rikuo quitta la pièce d'un pas leste. Kazahaya resta un moment immobile puis se précipita à la suite de son partenaire en s'écriant : « Me laisse pas tout seuuuul ! »
l'autre porte donnait sur une salle à manger luxurieuse dans les tons bleus. Elle-même donnait sur une cuisine. Rikuo ouvrit le frigo et dit : « C'est drôle…Le frigo est remplis d'aliments frais…
-Kirin l'aurait rempli pour nous ?
-Quand est-ce elle aurait eu le temps de le faire ? Elle est restée dormir à la pharmacie hier soir et nous sommes partis cet après-midi. Elle ne nous a pas quittée entre-temps.
-…Peut-être qu'elle l'a rempli hier avant de venir ? Ce qui coudrait dire qu'elle avait déjà eut l'idée.» Le brun fronça le nez et referma la porte du réfrigérateur, sans rien dire. La cuisine était également dans les tons bleus, tout en faïences de Giens, cette célèbre ville de France.
Ils retournèrent dans le hall d'entrée et regardèrent l'escalier. « Je suppose que les chambres sont en haut » Fit Kazahaya en gravissant les premières marche. Rikuo pris les deux valises et ils montèrent jusqu'au premier étage.
Celui-ci comportait onze pièces : quatre chambres avec quatre salles de bains attenantes, chacune dans une gamme de couleurs différentes : bleu, rouge, ocre, blanc.
Chaque chambre avaient non seulement sa couleur, mais aussi son style de meuble.
Il y avait également un bureau avec une grande table en bois massif brun, recouvert de papier divers. Quelques livres étaient posés en vrac sur le sol et des étagères appuyées contre le mur.
Il y avait un autre salon, tenant plus du boudoir, à en juger les nombreux cendriers vides posés sur les guéridons disséminés un peu partout dans la pièce. Les canapés brodés semblaient usés mais encore bien moelleux. En ce lieu aussi, il y avait des œuvres d'art accrochées au mur.
La dernière était une salle de jeux, avec un billard, une table avec un plateau d'échec et une autre avec un jeu de dame. Sur les étagères de bois clair accrochées au mur, on pouvait voir des casses tête et des jeux de réflexion. Quelques jeux de cartes, aussi. Kazahaya se tourna vers Rikuo et dit avec un léger sourire : « Et bien, on ne s'ennuiera pas, comme ça… » Le brun hocha la tête et se dirigea vers une armoire installée dans le fond de la pièce, entre deux fenêtre. Dedans, on pouvait voir des trophées et des premiers prix de jeux de cartes. « Kirin est une crack au cartes, apparemment. » Dit-il en se retournant vers son compagnon. Celui-ci hocha la tête. Il désigna la fenêtre et dit : « Le soleil va se coucher. On ferait bien de choisir chacun une chambre et d'aller dîner.
-Tiens, tu auras le courage de dormir tout seul ? Se moqua Rikuo avec un sourire narquois.
-Non mais je te…Bon, aucune importance. Je vais prendre la chambre ocre. » Répondit-il en retournant dans le couloir pour aller chercher sa valise et s'installer. Le brun resta un moment appuyé à la fenêtre.
Aucun doute que ce gosse de Kazahaya allait avoir des visions dans un tel environnement et qui plus est, il allait sûrement avoir peur, quoiqu'il en dise. Rikuo jugea préférable de s'installer dans la chambre voisine, par mesure de sécurité. Il retourna dans le couloir, mais n'y trouva Kazahaya. Il s'avança jusqu'à sa valise, la prit…
Et la relâcha aussitôt en entendant un cri perçant provenant de la chambre ocre.
Il s'y précipita. Ne trouvant personne dans la chambre elle-même, il bondit vers la salle de bain où là, il trouva le pauvre châtain agenouillé sur le carrelage ocre, face à la baignoire style Louis XVI. Rikuo s'approcha de lui, posa sa main sur l'épaule frissonnante de son camarade. « Une…Énorme… » Bégaya-t-il. Rikuo se pencha vers son visage afin d'entendre parfaitement le jeune homme. « Énorme…Araignée…Dans la baignoire… »
Rikuo se demanda s'il avait bien entendu. « Pardon ? Tu as hurlé juste parce qu'il y avait une araignée dans ta baignoire ? » Il se redressa et jeta un regard dans la dudit baignoire. Effectivement, l'araignée en question était énorme. Grosse comme l'ongle du petit doigt (2), elle trottinait sur la faïence, pas gênée le moins du monde. Rikuo ouvrit l'eau et noya la pauvre bête qui finit sa courte vie dans les canalisations. Kazahaya se redressa, tremblant. « C'est définitif. Tu ne pourras pas survivre tout seul une seule nuit dans cette maison.
-J'ai juste été surpris ! » S'indigna le garçon. Une fois complètement debout, il poussa Rikuo en arrière hors de la salle de bain. « Merci de m'en avoir débarrassé, mais maintenant, je voudrais prendre une douche ! » Il ferma la porte au nez de son colocataire qui ne broncha pas. Il entendit le verrou tourner, des bruits de tissus froissé, les anneaux du rideau glisser sur la tringle, puis l'eau couler.
Et un cri.
« FROIIIIIIIIIIIID ! ».
Rikuo ferma les yeux.
Ça allait être dur.
Trois heure plus tard, ils avaient mangés, et se préparaient enfin à se coucher, fatigués par le voyage et l'idée même de passer une semaine ici.
Le repas était délicieux, puisqu'il avait été cuisiné par Rikuo.
Kazahaya avait toujours été étonné par le fait que cette brute épaisse sache cuisiner correctement. Enfin, il n'était pas bien meilleur…
Tout en en enfilant son pyjama, le châtain se demanda si, effectivement, il allait survivre à la nuit dans cette maison plus qu'inquiétante.
Il ouvrit le lit (Vérifia qu'il n'y avait aucune araignée dedans. Ni aucune autre bête.) se glissa à l'intérieur avec un soupir de satisfaction, se pencha, éteignit la lumière, et ferma les yeux.
Pour les rouvrir aussitôt.
À suivre…
(1) : « Ça sent le sapin ». Le sapin était l'arbre qui servait à fabriquer les cercueils. Cette expression veut dire : « La mort est proche ». Comprenez pourquoi Rikuo est un peu choqué.
(2) : Ne rigolez pas, ça m'est arrivé d'en voir une de cette taille-là en entrant dans ma douche. C'était assez flippant de poser le pieds dans le bac, tirer le rideau, baisser les yeux…Et voir cette immonde bestiole se balader près de vos orteils.
Rhaa, c'est enfin fini /S'effondre sur le dossier de la chaise/
Désolée, ce chapitre était vraiment long. Mais j'ai pris un plaisir non feint à décrire le jardin et la maison (Chose totalement inutile, je vous l'accorde. Sauf à planter le décor et l'ambiance)
Et puis de fil en aiguilles…Je suis arrivée à près de 3000 mots. Bon, je vais arrêter de blablater pour rien.
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