Hello!
Ce OS a été écrit pour la 136ème nuit du FoF, en une heure (environ) sur le thème "Naïf".
Cette fois, j'ai parlé de personnages dont on ne parle quasiment jamais: Kayal (le fils d'un des mineurs de Youswell dans le premier tome), et Yoki. Vous pourrez constater que Hiromu Arakawa fait des merveilles dans les arcs d'évolution de ses personnages, parce que je ne pense pas que Yoki après avoir rencontré Scar se comporterait de nouveau comme ça.
Rating: T
Personnages: Kayal, Yoki
Genres: Angst? En tout cas ce n'est pas très joyeux.
Bonne lecture!
La vie de Kayal n'avait jamais été facile. Grandir dans une ville minière ne lui donnait pas beaucoup de choix pour sa carrière professionnelle. A cinq ans, il avait déjà perdu un oncle dans une explosion d'une galerie de la mine de Youswell, et savait à quel point on pouvait risquer sa vie pour fournir à Amestris le charbon dont elle avait besoin pour fonctionner et fournir de l'électricité à de nombreux foyers. Mais il savait qu'il donnerait aussi de sa personne pour creuser la roche et miner du charbon, lorsqu'il serait en âge de le faire. En attendant, il aidait sa mère à faire tourner l'auberge familiale en rentrant de l'école.
Il n'avait jamais été vraiment naïf et crédule. Son père, Howling, avait un fort caractère et ne se laissait pas marcher sur les pieds, malgré son grand cœur. Aussi avait-il décidé de prendre exemple sur lui et de grandir pour être un homme intègre et ferme dans ses idées. La prise de pouvoir grandissante du lieutenant Yoki, le directeur de la mine, le révolta autant que les autres habitants de la ville, même s'il ne saisissait pas encore l'ampleur du problème qu'il représentait pour eux.
Il n'avait pas beaucoup croisé le militaire, malgré le statut de représentant des ouvriers de son père, mais la manière dont celui-ci en parlait lui dépeignait une image peu flatteuse du personnage. Yoki n'était pas élégant, malgré la petite moustache à laquelle il avait l'air de tenir comme à la prunelle de ses yeux, et sa voix grinçante horripilait la majeure partie des enfants de la ville avec lesquels Kayal était ami.
Ils décidèrent un jour de faire un mauvais tour au lieutenant, pour lui apprendre qu'il ne fallait pas s'en prendre impunément aux habitants d'une ville comme Youswell. Les ouvriers, et plus particulièrement les mineurs, étaient des hommes habitués aux situations difficiles, et il ne faisait aucun doute qu'ils s'en sortiraient.
Avec une bande de copains, Kayal organisa une embuscade pour surprendre Yoki après la sortie de l'école. Ils savaient qu'il passait régulièrement du côté de la gare le premier mercredi du mois, jour de collecte des impôts, aussi se cachèrent-ils derrière les murets des maisons qui donnaient sur la place, avec une réserve conséquente de fruits et légumes pourris, résultat de la dernière collecte d'impôts, qui n'avait laissé au maraîcher que quelques produits corrects. Le pire était que Yoki se servait uniquement par cupidité. Tout le monde savait qu'il faisait venir les ingrédients de ses repas des campagnes agricoles de l'Est et du Sud, et que lesdits repas étaient préparés par un cuisinier de Central reconnu. Ces fruits et légumes, il aurait dû les payer pour que les militaires de sa base puissent se nourrir, mais il semblait qu'ils prenaient les rations envoyées depuis le QG de l'Est au lieu de ce qui était produit à Youswell.
Kayal était enragé par tant d'hypocrisie de la part de cet homme, qui considérait la mine comme une vache à lait et les mineurs comme des pions qu'il pouvait utiliser comme bon lui semblait. Une tomate dégoulinante dans chaque main, il attendait le passage de Yoki et de son escorte avec deux copains, à l'abri derrière le mur de brique.
Les bottes se firent alors entendre, et lorsqu'elles arrivèrent à peu près à leur niveau, Kayal et ses compagnons surgirent de leur cachette, projectiles en main, et les lancèrent sur les militaires. Ceux-ci, surpris, essuyèrent un premier assaut en se protégeant tant bien que mal de leurs bras. Un autre groupe d'enfants attaqua par l'arrière, cette fois-ci avec des œufs pourris, qui explosèrent sur les uniformes en une odeur soufrée qui irrita le nez de tous les participants. Les enfants battirent momentanément en retraite, toussant, la respiration sifflante. Kayal se sentait satisfait et victorieux.
Mais le deuxième groupe de militaires qui courut vers ses amis n'était pas prévu au programme. Les gamins se disséminèrent un peu partout, paniqués, tentant d'échapper à la poigne des hommes en bleu. Un hurlement de détresse retentit lorsque l'un d'eux attrapa Leya par les cheveux. La fillette se débattit en vain entre les bras fermes du militaire, et Kayal, qui avait trouvé refuge derrière une barrière, observa, témoin impuissant, son amie se faire emmener par le colosse qui la tenait sous son bras comme si elle n'était qu'un simple fétu de paille.
Yoki, qui avait été protégé durant la deuxième vague d'aliments moisis, sortit de son rempart de gros bras et essuya son visage avec un mouchoir qu'il jeta ensuite négligemment au sol. Il lissa sa moustache.
— A tous les petits moucherons qui ont tenté de s'attaquer à la figure d'autorité que je représente, sortez immédiatement de vos cachettes pleines d'ordures, déclara-t-il d'une voix forte.
Comme personne ne faisait mine de bouger, il s'approcha du militaire qui portait une Leya en larmes.
— Si vous ne sortez pas, c'est elle qui en pâtira, ajouta-t-il.
L'effet de ses paroles fut immédiat. Les enfants quittèrent leurs abris en traînant des pieds, mais la même inquiétude que ressentait Kayal se lisait sur leurs visages.
— Bien, bien, ricana Yoki. Maintenant, dis-moi où tu habites, petite.
— Ne faites pas de mal à ma famille, je vous en prie ! supplia Leya d'une voix étranglée qui résonna sur toute la place.
— Tu aurais dû penser à eux avant de participer à cette embuscade grotesque, gamine, répliqua Yoki en lui pinçant la joue.
Leya poussa un cri de douleur.
Sous bonne escorte, la poignée d'enfants se dirigea vers la maison des parents de Leya. Sa mère, enceinte de cinq mois, ses deux jumeaux à ses côtés, vit le cortège étrange s'approcher de son jardin avec une surprise et une inquiétude grandissante. Elle se précipita lorsqu'elle reconnut sa fille aînée tenue fermement par un militaire.
– Ne bougez pas, madame !
La voix de Yoki la figea sur place. Kayal réalisa soudain que son idée n'avait jamais été bonne. Avec horreur, il écouta le militaire énoncer ses accusations contre la fillette de huit ans, et exposer sa sentence. Son père était désormais sans emploi, et la famille devrait quitter la ville avant la fin de la semaine.
Les militaires partirent en laissant une famille en pleurs et Kayal pétrifié, envahi par la culpabilité. Il avait été si naïf, si inconscient… Pourquoi n'avait-il pas pensé aux conséquences de ses actes avant de lancer l'idée stupide d'attaquer les militaires ? Le châtiment était injuste, disproportionné par rapport à l'offense, mais lui avait été inconséquent, irréfléchi, et il en payait désormais le prix par sa culpabilité.
Il demanda à la mère de Leya de le punir, de ne jamais le pardonner, parce que c'était sa faute. Mais la jeune femme, qui semblait avoir vieilli de dix ans en quelques minutes, lui assura qu'elle ne lui en voudrait pas. Elle savait que la vie serait compliquée après cela, mais lui n'avait pas à vivre avec ce fardeau. Il devait continuer à vivre, et grandir pour devenir un homme bien et protéger sa ville.
S'il fallait s'opposer aux militaires, ce serait avec subtilité, décida Kayal après ce désastre qui avait tant coûté aux habitants de Youswell. La famille de Leya était bien considérée parmi les ouvriers, et son départ soudain attrista toute la communauté.
Kayal sut ne compterait plus jamais sur la stupidité des militaires, parce que leur force physique la surpassait largement, rendant impuissants ceux qui protestaient contre les décisions arbitraires du lieutenant Yoki. Il ne serait plus jamais naïf.
