Salut tout le monde ! Merci beaucoup pour l'accueil que vous avez réservé à cette histoire, ça me fait vraiment plaisir. Ça fait du bien de retrouver les mêmes pseudos qui m'ont suivie tout au long du premier tome, j'espère que la suite sera à la hauteur de vos espérances.
Ce chapitre est assez calme, c'est surtout pour mettre en place le cadre, les personnages et l'état d'esprit de Marinette.
Bonne lecture !
« Where are you now?
Was it all in my fantasy?
Were you only imaginary?
Another dream
The monster's running wild inside of me
I'm faded
So lost »
Faded – Alan Walker
Juillet 2022
Marinette n'arrive plus à bouger. Ses jambes sont figées, ses yeux écarquillés, sa bouche entrouverte, ses ongles pressés dans ses paumes. Son regard ne se déloge pas de celui d'Adrien.
Cet état de paralysie ne dure que quelques secondes. Mais ces quelques secondes suffisent à réduire à néant tout ce que Marinette avait réussi à reconstruire depuis la dernière fois qu'elle l'avait regardé dans les yeux.
Elle s'est souvent posé la question de ce qu'il se passerait s'ils étaient amenés à se recroiser.
Elle a pensé à la future Marinette, dans une dizaine d'années, comblée par son métier, pas un instant pour elle, épanouie et travailleuse. Elle s'est déjà imaginée, en plein appel professionnel, croisant Adrien au détour d'une rue ou à un évènement important.
Il y a plusieurs suites. Dans ses meilleurs jours, Marinette se voit lui adresser un sourire poli, un regard affectueux, sans aucune rancœur. Une conversation, peut-être même. En parlant du lycée, de leur vie actuelle, du bon vieux temps.
Lors des insomnies ou des moments de doute, Marinette pense à cette même discussion. Cette même discussion qui dérive, dérive, dérive. Ils parlent du lycée, et se remémorent des moments passés ensemble. Ils s'isolent, se souviennent de leur vie en tant que super-héros. C'est fluide, agréable, familier. Et puis, la main d'Adrien se pose sur sa taille, la sienne se presse contre son torse. Leur sourire se transforme, leur regard devient plus sombre. Marinette imagine alors une nuit sans sommeil. Une nuit de retrouvailles, passionnée et ardente parfois, aimante et douce d'autres fois.
Quand elle est vraiment au plus bas, quand la haine lui pèse davantage que le manque, elle s'imagine lui hurler ce qu'elle a dû affronter durant toutes ces années. Elle s'imagine la douleur sur son visage lorsqu'il se rend compte de ce que son absence a provoqué. Quelquefois, s'imaginer sa souffrance à lui, lui fait du bien à elle.
Tous les scénarios qu'elle s'est un jour imaginés n'ont cependant rien en commun avec ce qui est réellement en train d'arriver. Adrien n'a l'air ni poli, ni aimant, ni coupable. Non, il semble complètement indifférent.
Leur contact visuel ne dure même pas suffisamment longtemps pour que Marinette ait le temps de comprendre ce qu'il se passe dans ses yeux. Peut-être qu'il ne s'y passe rien. Peut-être que le vide qu'elle y perçoit n'est pas un masque mais la réalité.
Cette perspective lui fait assez mal pour la sortir de sa léthargie. Il dérive le regard avant qu'elle ne le fasse et se penche vers la jeune femme. Durant une seconde, Marinette pense qu'il va l'embrasser à nouveau et oublier jusqu'à son existence.
Mais elle se lève, abaisse sa jupe, adresse un regard étrange à Marinette — à mi-chemin entre le mépris et la pitié — et disparaît à l'intérieur de l'appartement. Adrien se lève à son tour et Marinette se demande s'il a toujours été aussi grand. Ses jambes semblent interminables. Rien n'a de fin chez lui, en fait. Ses cheveux, ses cils, son regard, ses doigts.
« T'as les cheveux longs. »
Marinette met plus longtemps que lui à se rendre compte qu'elle vient de prononcer une phrase. Adrien se place parallèlement à elle, l'épaule appuyée contre la baie vitrée.
Il hausse les épaules, sans esquisser le moindre sourire, la moindre émotion. « T'as les cheveux courts. »
Elle se pince les lèvres, serre davantage les poings pour les empêcher de trembler. Le silence qui s'installe n'est même pas gênant : il est douloureux. Parce que Marinette ne se rappelle pas une fois où ils n'ont rien eu à se dire. Que ce soit Chat Noir ou Adrien, Marinette ou Ladybug, ils avaient toujours quelque chose à raconter. Toujours une blague à sortir.
« Tu... T'habites ici ? » lui demande-t-elle en resserrant sa chemise autour d'elle. Le regard d'Adrien tombe sur elle et Marinette devient tout à coup très consciente de la transparence de son débardeur et de tout ce qui a changé sur son corps depuis la dernière fois qu'il l'a vu.
Les yeux d'Adrien restent cependant impassibles alors qu'ils se fixent sur un point derrière elle. « Oui, » répond-il.
Une réponse simple, fermée, qui n'appelle pas à renchérir la discussion. Il fait plus de vingt-cinq degrés mais Marinette a rarement eu aussi froid de l'intérieur. Elle hoche la tête, les bras croisés et amorce un mouvement pour retourner dans son appartement. Peut-être qu'il n'existe que sur ce balcon. Peut-être que c'est le décalage horaire qui la fait halluciner et qu'il n'est pas vraiment là. Marinette se surprend à espérer que ce ne soit pas le cas.
« T'es rentrée depuis longtemps ? » demande-t-il, un peu plus fort, comme pour l'empêcher de s'en aller.
« Depuis hier. »
Il acquiesce d'un hochement de tête, croise lui aussi les bras. Ses mains reposent sur ses biceps et c'est à ce moment-là que Marinette réalise juste à quel point il a changé, lui aussi. Lorsqu'elle se l'imagine, elle voit son sourire espiègle, elle voit la lumière dans ses yeux. Mais elle voit aussi sa maigreur infligée par son père, elle voit la souffrance.
Aujourd'hui, il n'y a plus de sourire, plus de lumière. La souffrance s'est changée en muscles, le laissant inexpressif.
« Tu vas habiter ici ? » lui demande-t-il. Impossible de détecter s'il s'agit d'espoir ou de dégoût dans sa voix. Probablement aucun des deux. Probablement rien du tout.
Marinette baisse les yeux, observe la minceur de ses cuisses. Chacun gère la tristesse différemment, suppose-t-elle. « Je suis pas encore sûre. » Ce n'est pas vraiment un mensonge. Elle était sûre, mais tout a changé en l'espace de deux minutes trente.
« Je suis presque jamais là, » informe-t-il.
L'entendre prononcer ces mots la fait relever la tête. Ses yeux percutent les siens et Marinette sent son cœur s'accélérer un peu plus. Mais c'est par colère, cette fois-ci.
Adrien semble s'en apercevoir parce qu'un semblant d'émotion se met à briller dans son regard. Il hausse à nouveau les épaules. « Fais ce que tu veux. »
Et il disparaît à l'intérieur.
Marinette fait les cent pas à travers son appartement. Ses mains tremblent toujours et son cœur continue de cogner contre sa cage thoracique.
Elle le déteste. Je suis presque jamais là, lui a-t-il dit. Comme si elle allait vivre en fonction de lui. Comme si elle était toujours à ses pieds. Comme si elle n'était rien d'autre qu'une ancienne connaissance. Comme si le fait qu'il soit là ou non allait influencer sur son emménagement.
Évidemment que ça influe, mais il n'est pas censé le savoir — et encore moins y faire allusion ! Elle déteste la manière dont il l'a regardée. Elle déteste son indifférence. Elle déteste ses cheveux longs et ses muscles et ses yeux qui ne ressemblent en rien à ceux du Adrien qu'elle a connu.
Marinette est coincée avec sa haine. Elle n'a pas le choix : elle doit habiter ici. Les loyers à Paris sont effroyablement hauts, elle ne peut pas se le permettre sans vivre dans un neuf mètre carré avec les toilettes sur le palier.
(Elle s'est cependant sérieusement demandé si avoir les toilettes sur le palier n'était pas mieux que de vivre à côté de cet Adrien.)
Retourner vivre chez ses parents n'est pas une option, non plus. Bien qu'elle les aime de tout son cœur, et plus encore, elle est tombée amoureuse de son indépendance et n'y renoncerait pour rien au monde.
Mais surtout, elle ne peut pas donner cette satisfaction à Adrien. Ça voudrait dire lui donner raison et lui faire comprendre que l'avoir comme voisin est impossible pour elle. Elle ne le laissera pas s'en sortir comme ça, pas avec cet air suffisant sur le visage et ce mépris dans les yeux.
Le bruit d'une porte qui claque la fait soudainement sursauter, l'arrêtant dans sa réflexion. Marinette sent un sourire se faufiler sur son visage.
Au moins, elle lui a ruiné son coup.
Adrien est revenu dans sa vie depuis moins de six heures et Marinette ment déjà à ses parents et à Alya. Lorsque ces premiers l'ont appelée pour savoir si elle avait besoin d'aide et si elle voulait dîner avec eux, elle a prétexté une fatigue extrême et leur a dit qu'elle allait se commander à manger et filer au lit. Et quand Alya lui a envoyé un message pour lui demander si elle voulait passer la soirée avec elle, Marinette a répondu à peu près la même chose.
Ce n'est pas un mensonge : c'est même la vérité. Elle ne s'est pas encore remise du jet lag et du fait que, quarante-huit heures auparavant, elle était à New-York, à rire avec Atlas. Marinette n'a aucune envie de communiquer sa mauvaise humeur à ses parents ou à Alya.
Mais surtout, elle n'a aucune envie de leur annoncer qu'Adrien est son voisin de palier.
Elle se laisse tomber sur son lit. Les draps fraîchement changés dégagent une confortable odeur de propre mais impossible pour Marinette de trouver le sommeil. Elle se tourne, se retourne dans son lit, essaie de lire, de ranger, de regarder une série, mais rien n'y fait. Son esprit fonctionne à toute allure, lui rappelant sans cesse qu'Adrien est seulement à quelques mètres d'elle. Littéralement derrière le mur contre lequel sa tête est appuyée.
Elle se sent stupide, tellement stupide de ne penser qu'à ça. Pour la première fois depuis quatre ans, Marinette a des vacances, de vraies vacances avant de commencer son stage le mois prochain. Elle pourrait enrichir son book avec de nouvelles créations, pourrait traîner sur des sites de décoration intérieure et imaginer ce qu'elle pourrait faire de cet appartement, pourrait regarder des animés ou un film ou n'importe quoi, en fait.
Mais non. Elle reste là, à fixer le plafond, le ventre vide, l'estomac noué, l'angoisse lui serrant la gorge. Durant une seconde, Marinette se surprend à vouloir appeler Atlas. Mais elle se rappelle ensuite que c'est le milieu de la nuit, à New-York.
Et puis, pour lui dire quoi ? Ce n'est pas comme s'il savait quoi que ce soit à propos d'Adrien.
Une idée infiniment égoïste et malsaine se faufile ensuite dans son esprit : celle d'envoyer un message à Luka.
Marinette presse l'oreiller contre son visage et hurle de frustration. Des hommes, des hommes partout. Elle déteste ressentir ce besoin de se confier, cette vulnérabilité dès qu'Adrien est impliqué.
L'oreiller à présent contre son ventre, Marinette garde ses yeux rivés au plafond. Mais tout ce qu'elle voit, ce sont des yeux aux mille nuances de vert. Tout ce qu'elle ressent, ce sont des longs doigts courant le long de sa peau. Tout ce qu'elle entend, c'est une voix douce et désireuse à la fois.
Tout ce qu'elle imagine, c'est la dernière fois qu'elle a ressenti tout ça en même temps.
Mai 2018
« Ça va aller, tu verras. »
Marinette leva son visage vers le sien, observa ses yeux brillants. Elle se dressa sur la pointe de ses pieds et embrassa la larme salée qui roulait le long de sa joue.
« Ça va aller, » répétait-t-il. Il captura sa bouche de la sienne et Marinette s'agrippa à ses épaules, se réfugiant dans sa chaleur et sa présence. Le baiser était doux, salé par leurs larmes, rempli d'une nostalgie dont elle ne connaissait pas encore l'origine.
Les mains d'Adrien s'agrippèrent à ses hanches, rapprochant son corps du sien, changeant l'ambiance en une fraction de seconde. Marinette laissa ses mains se perdre dans ses cheveux, appréciant leur douceur contre ses doigts.
Ils s'éloignèrent l'un de l'autre durant un instant. Essoufflés, les yeux rivés dans ceux de l'autre. Le regard d'Adrien s'obscurcit et ses doigts s'enfoncèrent contre ses hanches, remontant son tee-shirt le long de sa peau. La respiration de Marinette se bloqua dans sa gorge lorsque les lèvres d'Adrien se rapprochèrent des siennes, les frôlèrent sans jamais les toucher.
« Je t'aime, » murmura-t-il contre son oreille.
Marinette se sentit frissonner de partout. Elle ressentait tout à la fois. L'afflux de sang entre ses jambes. La bouffée d'amour qui envoyait une salve de papillons au creux de son ventre. Les larmes qui lui montaient une nouvelle fois aux yeux.
Elle ne pouvait que l'embrasser à nouveau. « Moi aussi, » souffla-t-elle contre ses lèvres. « Tellement fort. »
Le reste n'était plus qu'un enchaînement de soupirs, de respiration saccadée et de vêtements qui tombaient sur le sol. La chemise d'Adrien fût la première, rapidement suivie par son tee-shirt. Au moment où Marinette glissa une main tremblante entre leurs corps, les mains d'Adrien se pressèrent derrière ses cuisses et elle se retrouva dans les airs, ses jambes passées autour de son bassin.
La sensation des hanches d'Adrien contre les siennes lui arracha un gémissement, rapidement suivi par un hoquet de surprise lorsqu'il l'assit sur son bureau. Les lèvres d'Adrien reprirent les siennes d'assaut la seconde d'après, ses mains montant et descendant le long de ses cuisses.
Marinette ne cessait jamais d'être émerveillée par le désir que de simples mains pouvaient éveiller chez elle. Lorsque la bouche d'Adrien dériva sur sa mâchoire, elle baissa les yeux, admirant la longueur de ses doigts, les bagues qui les ornaient, les veines qui couraient sur ses mains, leur finesse, leur longueur. Elles étaient suffisamment larges pour recouvrir presque l'entièreté de ses cuisses — qui étaient assez musclées pour courir sur les toits de Paris, soit-dit-en passant.
Marinette pencha instinctivement la tête en arrière, donnant un accès libre à son cou qu'Adrien emprunta avec joie. Il passa suffisamment de temps à embrasser, lécher et mordiller sa peau pour qu'elle soit presque sûre qu'il y resterait des traces — cette idée n'embrasa que davantage le feu qui faisait rage entre ses cuisses.
N'y tenant plus, Marinette attrapa le bord de son tee-shirt en-dessous duquel Adrien n'arrêtait pas de faire passer ses mains et le retira avec hâte, se retrouvant seulement en culotte devant lui. Le sourire en coin que lui adressa Adrien la fait rougir — ce qu'elle trouva stupide, parce qu'il l'avait vue nue tellement de fois qu'à ce stade, il connaissait probablement mieux son corps qu'elle ne le connaissait elle-même.
Elle ne lui laissa pas le temps de la taquiner et l'agrippa par la nuque, glissant sa langue entre ses lèvres, lui arrachant un gémissement de surprise. Une main sur sa cuisse, l'autre contre sa joue, Adrien lui retourna le baiser avec une vigueur qui lui fait tourner la tête.
Mais lorsqu'elle glissa à nouveau sa main jusqu'à sa ceinture, il attrapa son poignet, reculant ses lèvres des siennes.
« Attends, » murmura-t-il, haletant contre ses lèvres. L'éclat verdoyant de son regard attira celui de Marinette. Elle observa les quelques mèches blondes devant son front, la fine pellicule de sueur sur sa peau, la salive recouvrant ses lèvres et le rouge habillant ses joues. Il était beau de la manière la plus intime à cet instant. « Attends, » répéta-t-il en l'embrassant brièvement.
Le petit sourire qui retroussait ses lèvres ne l'empêchait pas de s'inquiéter — au contraire. C'était le sourire de Chat Noir.
Marinette étouffa un éclat de rire lorsqu'il se laissa tomber devant elle, posant sa joue contre sa cuisse et lui offrant son regard le plus angélique — comme s'il n'était pas sur le point de finir la langue entre ses jambes.
Les yeux toujours dans les siens, il pressa ses lèvres contre l'extérieur de sa cuisse, ses mains écartant doucement ses jambes. Marinette ne riait plus du tout.
Adrien pressa ses mains contre ses fesses, la rapprochant du bord de son bureau. La respiration de Marinette se bloqua dans sa gorge alors qu'elle se raccrocha à ses épaules.
« Je te tiens, » murmura-t-il en embrassant l'intérieur de sa cuisse. La seule réponse qu'elle réussit à formuler était un gémissement appréciatif, le faisant à nouveau sourire contre sa peau. Il passa ses doigts de chaque côté de sa culotte, attrapant le sous-vêtement sans jamais le retirer. Ses lèvres remontèrent dangereusement jusqu'à dériver au dernier moment, se posant contre son bassin.
Marinette pressa ses lèvres l'une contre l'autre, appuyant ses doigts contre les épaules d'Adrien. Il avait déjà fait ça des centaines de fois, pourtant elle ne perdait jamais cette anticipation, ce frisson de hâte qui parcourait tout son corps. Au contraire, c'était comme si son impatience s'intensifiait à chaque fois : parce qu'elle savaitjuste à quel point c'était bon.
« Ton tatouage, » dit-il d'une voix rauque. « Tu devrais le faire là. »
Marinette baissa les yeux vers lui. Ses lèvres étaient toujours posées tout juste au-dessus du pli de sa cuisse gauche, à côté de sa culotte.
Elle avait toujours voulu un tatouage — plusieurs, en fait. Mais l'endroit était un sujet de discussion perpétuel avec elle-même. Avant-bras, côtes, cuisses, elle n'était jamais vraiment sûre. Mais, lorsqu'Adrien embrassa cette partie de son corps, Marinette ne ressentit plus aucune incertitude.
Les yeux immergés dans les siens, Adrien finit par agripper les côtés de son sous-vêtement, le faisant glisser le long de ses jambes. Une de ses mains resta contre ses fesses, l'autre plongea entre ses cuisses, rapidement suivie par sa bouche.
Marinette attrapa ses cheveux, le maintenant contre lui en gémissant de plaisir. Ses doigts se retrouvèrent à l'intérieur d'elle, sa langue sur son clitoris et le monde extérieur devint flou, insignifiant. Papillon n'avait plus d'importance, partir à New-York non plus.
Il connaissait son corps comme il connaissait les touches de son piano. Au bout de quelques secondes, il courba ses doigts de cette manière qui fit rater une respiration à Marinette. Elle pouvait sentir son sourire tout contre elle, pouvait sentir ses cheveux lui chatouiller les cuisses et ses grognements alors qu'elle tirait légèrement ses mèches dorées.
« Adrien, » souffla-t-elle, la voix rendue rauque par le plaisir. « Adrien, » répéta-t-elle, impossible de prononcer quoi que ce soit d'autre. Il emprisonna alors son clitoris entre ses lèvres et c'était fini pour Marinette.
Un ultime gémissement passa la barrière de ses lèvres, ses ongles s'enfonçant dans son crâne. Adrien resta entre ses cuisses, léchant chaque goutte de son plaisir.
Les paupières fermées, Marinette se concentra sur sa respiration et essaya de retrouver un rythme cardiaque acceptable. Adrien remonta le long de son corps jusqu'à ce qu'elle finisse le visage pressé contre son torse, bercée par les battements de son cœur.
Les bras passés autour d'elle, il jouait avec les pointes de ses cheveux dans le bas de son dos. « Tu trembles, » murmura-t-il en passant ses doigts dans son interminable chevelure.
Marinette l'embrassa sur le sternum avant de reculer son visage. Elle leva les yeux vers les siens, un sourire paisible étirant ses lèvres. « Ta faute. »
Il lui rendit son sourire, déposant un baiser sur le bout de son nez. « Comme si t'avais pas aimé, » chuchota-t-il en embrassant sa joue.
« Chut, » répondit-elle, le faisant rire contre son oreille. Ses yeux se fermèrent à nouveau à mesure que ses lèvres dérivèrent le long de son cou et son bassin se rapprocha instinctivement du sien. La friction qui en résulta la fit rouvrir ses paupières au même moment où un gémissement s'échappa de la bouche d'Adrien.
« Je connais quelqu'un qui a plutôt aimé aussi, » susurra-t-elle. Cette fois-ci, lorsqu'elle agrippa sa ceinture, Adrien ne l'arrêta pas. Son front tomba contre son épaule alors que Marinette le libéra de son pantalon. Le vêtement se retrouva avec les autres et les lèvres d'Adrien pressées contre les siennes, la plongeant à nouveau dans un désir rempli d'impatience.
Les mains d'Adrien tombèrent jusqu'à ses hanches, les faisant tout deux soupirer de plaisir en la rapprochant de lui. Les yeux plongés dans les siens, Marinette glissa sa main entre leurs corps jusqu'à ce qu'elle disparaisse à l'intérieur de son sous-vêtement.
La bouche d'Adrien s'entrouvrit tout près de la sienne lorsqu'elle passa ses doigts autour de son érection. Elle caressa l'extrémité de son pouce, utilisant son liquide pré-éjaculatoire pour lubrifier toute la longueur. Son boxer se retrouva rapidement sur le sol et Marinette continua ses mouvements de va-et-vient, les ongles d'Adrien se pressant contre la peau de ses hanches.
Un gémissement de surprise et de plaisir mélangés leur échappa lorsque Marinette le pressa entre ses cuisses, caressant son clitoris avec l'extrémité de son érection. « Mari, » haleta Adrien contre son oreille. « Capote. »
Elle ne put qu'hocher la tête en gémissant, continuant tout de même les mouvements circulaires de son membre tout contre elle. Elle ne l'avait jamais senti si proche d'elle sans protection et, même si c'était irresponsable, le plaisir qui coulait dans ses veines et courait sur sa peau l'empêchait de penser avec lucidité. Tout ce qu'elle se disait, c'était qu'il n'était qu'à un mouvement de bassin d'être à l'intérieur d'elle. Marinette s'était toujours demandé ce que ça pourrait faire de le sentir sans aucune barrière, juste sa peau contre la sienne.
La tentation était si forte. « Juste une fois, » murmura-t-elle en embrassant sa clavicule. « Juste pour savoir ce que ça fait. »
Une goutte de sueur roula le long de son front et ses yeux verts étaient assombris par le désir. Il n'eût pas besoin de se faire prier : la seconde qui suivit, il était complètement immergé en elle. Un bruit plus proche du cri que du simple gémissement retentit entre eux et Adrien se raccrocha tellement fort à ses hanches qu'il y laisserait probablement des marques.
« Putain, » souffla-t-il, le front échoué contre son épaule. Il ne bougea pas, comme s'il était paralysé par le plaisir.
Marinette mobilisa chaque fibre de raison restante dans son corps pour ne pas l'y inciter. Au lieu de ça, elle caressa tendrement la racine de ses cheveux, savourant cette sensation de le sentir au plus proche d'elle, sans savoir pourquoi son cœur se serrait dans sa poitrine.
Il devait se retirer, ils le savaient tous les deux. Mais ils prolongèrent cet instant aussi longtemps que possible, jusqu'à ce qu'Adrien commence à trembler entre ses bras, incapable de se contenir plus longtemps.
« Vas-y, » murmura-t-elle lorsqu'il se redressa suffisamment pour la regarder dans les yeux. Il hocha la tête, l'embrassa furtivement sur les lèvres et s'éloigna d'entre ses cuisses. Marinette eût à peine le temps de sentir le vide qu'il laissa en elle qu'un bruit d'emballage déchiré monta à ses oreilles. « J'ai jamais mis une capote aussi vite de ma vie, » lui dit-il en se plaçant à nouveau entre ses jambes.
Un rire s'échappa des lèvres de Marinette mais fût rapidement transformé en hoquet de surprise et en gémissement de plaisir lorsqu'il plongea à nouveau en elle. La sensation était moins intense mais suffisamment grisante pour qu'ils se retrouvent haletants l'un contre l'autre, chassant un orgasme qu'ils savaient fulgurant.
Les lèvres d'Adrien caressèrent sa clavicule droite, embrassant et léchant cette partie de son corps avec une tendresse qui contrastait avec la profondeur de ses coups de reins. Marinette enfonça ses ongles dans le haut de son dos lorsque l'angle parfait fût atteint, la stimulant pile là où il faut.
Une des mains d'Adrien remonta jusqu'à ses seins, pinçant ses tétons et caressant sa peau exactement comme Marinette aimait qu'il le fasse. « T'es trop belle, » souffla-t-il dans son cou.
Sa voix rauque et dégoulinante de plaisir fût ce qui la fit passer de l'autre côté. Adrien étouffa le cri incontrôlable de Marinette en pressant sa bouche contre la sienne dans un baiser rempli de langues et de dents et de prénoms répétés inlassablement.
Elle sentit Adrien se tendre puis se relâcher contre elle, entendit la manière dont il gémit dans sa bouche et sût qu'il était dans le même état qu'elle. Le front à nouveau échoué contre son épaule, il embrassa une dernière fois sa clavicule, son souffle brûlant heurtant sa peau à chaque respiration.
« Tu crois qu'on en aura marre, un jour ? » demanda-t-elle en passant ses doigts dans ses cheveux.
« Aucune chance. »
Juillet 2022
Marinette cligne des yeux, chassant l'humidité qui s'y installe. Elle observe un instant le tatouage en haut de sa cuisse et passe ses doigts sur sa clavicule droite.
Cette dernière fois a laissé tant de marques. Des marques sur sa peau, des marques à l'intérieur d'elle, des marques partout.
« J'ai quelque chose à te dire. Mais tu dois me promettre de continuer à conduire, » annonce Marinette, le menton posé sur ses genoux rabattus contre sa poitrine.
« Tu me fais un peu peur, » lui répond Alya en passant une vitesse. Elle tourne la tête vers sa meilleure amie au bout de quelques secondes de silence. « Mari ? »
Marinette soupire en cognant son front contre ses genoux. « Mon voisin de palier... c'est Adrien. »
Le silence qui s'en suit est étonnamment reposant. Et tellement long qu'elle en vient à espérer qu'Alya ne va juste rien dire du tout, prétendre que ces six mots ne sont pas vraiment sortis de sa bouche.
« Adrien comme Adrien Agreste ? » demande-t-elle d'un ton faussement détaché.
Marinette ne sait pas si elle veut exploser de rire ou hurler de frustration. « Non, Adrien Rawlins, tu sais, ce qui a joué dans Harry Potter—
— OK, OK, j'ai compris. Adrien comme... ton Adrien.
— C'est pas mon Adrien, » soupire Marinette en fermant les yeux, « plus maintenant. »
Le silence tombe à nouveau entre elles, seulement perturbé par le bruit du moteur. « Et vous vous êtes parlé ou... ?
— Je l'ai vu embrasser une fille sur son balcon.
— Wow.
— Ouais. Il m'a reconnu, je l'ai reconnu. Et c'était tout bizarre. Il était tout bizarre.
— Bizarre comment ?
— Froid. Comme s'il en avait rien à foutre de moi ou qu'il soit mon putain de voisin—
— Il en a pas rien à foutre. Impossible. »
Marinette ne répond rien. Elle pose sa joue contre ses genoux, ses paupières se rouvrant et ses yeux se posant sur le profil d'Alya. Les sourcils froncés, elle semble en pleine réflexion. « Ça fait quatre ans, Al. Je pense qu'il est passé à autre chose. Comme les gens normaux le font.
— Bah, il est pas normal. Et toi non plus.
— Ça c'est sûr.
— Ce que je veux dire, c'est que c'est impossible qu'il soit comme ça sans raison. »
C'est au tour de Marinette de froncer les sourcils. « Tu crois qu'il fait semblant d'être passé à autre chose ?
— J'en sais rien. Je dis juste que le Adrien qu'on a connu était comme... un rayon de soleil.
— Un rayon de soleil, » répète Marinette en repensant à son regard froid et à son expression dénuée d'intérêt. L'image du Adrien de seize ans, les yeux brillants et le sourire aux lèvres se superpose, créant un contraste qui lui glace le sang.
Au-delà de leur histoire, au-delà de la manière dont il a fini les choses entre eux, au-delà de tout ça ; personne ne change aussi drastiquement sans une raison sombre. Elle pense à la manière dont elle a changé, elle aussi.
Est-ce qu'il se dit la même chose à son sujet ? Est-ce que l'étincelle dans ses yeux a disparu, chez elle aussi ?
Marinette espère de tout son cœur que ce n'est pas le cas.
« Al, » dit-elle d'une voix rauque. Elle se racle la gorge, s'attirant l'attention de sa meilleure amie qui tourne un instant le visage vers elle. « Tu te souviens quand je t'ai dit que je voulais rien savoir à propos de lui ? Quand je t'ai fait promettre de rien me dire ? »
Alya acquiesce d'un hochement de tête, les yeux rivés sur la route. Marinette ouvre la bouche, la referme, encore et encore. Elle a deux portes radicalement opposées l'une à l'autre qui s'ouvrent à elle.
Petit un : écouter son instinct qui lui dit que quelque chose cloche avec Adrien. Qu'il joue un rôle ou qu'il soit vraiment devenu cette personne, le problème reste le même : il a besoin d'aide.
Elle pourrait demander à Alya de tout lui déballer. De lui dire tout ce dont elle est restée éloignée durant tout ce temps : tous les articles qui parlent de lui, toutes les rumeurs à son sujet, sa vie amoureuse, professionnelle, le statut de son amitié avec Alya et Nino — et tous les autres. Marinette n'a aucune idée de tout ça.
Enfin, elle a quelques pistes, bien sûr. Marinette ne peut pas se tenir éloignée de lui sur tous les points non plus — ils sont dans le même domaine professionnel. Son nom est revenu de nombreuses fois lors de ses cours à New-York : entreprenariat, management, étude de marché, il était à peu près partout. Et puis, d'après ce qu'elle a vu la veille, sa vie amoureuse ne semble pas au point mort comme la sienne. Elle se doute aussi qu'Alya ne l'a pas vu depuis un moment — tout comme Nino.
Jusqu'ici, elle ignorait pourquoi. Pourquoi le prénom qui revenait en permanence était celui de Gabriel et qu'Adrien semblait être dans son ombre perpétuelle alors que la raison pour laquelle il est resté à Paris était pour prendre la relève. Pourquoi ses liens avec ses deux meilleurs amis se sont coupés aussi nets que celui qui les unissait, elle et lui.
Si elle rassemble tous les éléments manquants, peut-être pourrait-elle comprendre la raison de son changement. Peut-être pourrait-elle trouver une solution. Peut-être.
Mais l'autre porte lui semble plus raisonnable, plus égoïste. Elle peut presque entendre tout le monde lui conseiller de choisir cette sortie. Il lui suffit de faire promettre une nouvelle fois à Alya de ne rien lui révéler, de la garder aussi loin possible de son emprise, même si elle dort à un mur de lui. Il lui suffit de l'ignorer comme le font les voisins qui ne se supportent pas. Il lui suffit de faire ce qu'elle fait déjà depuis quatre ans : oublier.
« Promets-moi que tu me diras rien. Même si je te supplie. Promets-le moi. »
Alya met un moment à répondre. Mais elle finit par hocher la tête. « Je te le promets. »
Marinette se recroqueville un peu plus sur elle-même, se réfugiant dans la familiarité de sa gorge qui se serre, de son estomac qui se noue et de son cœur qui bat trop fort dans sa poitrine. Elle sait qu'elle a pris la meilleure décision pour elle-même.
Mais pourquoi rester loin des choses qui nous font le plus de mal est si difficile ?
Le soleil brille à Toulouse. Le sourire d'Alya efface une partie des tracas de Marinette. Les retrouvailles avec Nino éclipsent tous les autres.
« Minibug, » murmure-t-il alors que Marinette se jette dans ses bras. Sa voix est remplie d'incrédulité, comme s'il n'arrivait pas à admettre qu'elle soit là.
« Tu m'as manqué, » souffle-t-elle en prenant une dernière bouffée de son odeur. Il y a des gens comme ça, qui nous font nous sentir chez nous, peu importe où ils sont. Nino fait partie de ces gens.
Elle s'éloigne de lui, observe sa peau brune, ses yeux ambrés et le grand sourire au coin de ses lèvres. « Prête à passer le meilleur week-end de ta vie ? »
Marinette se hisse sur la pointe des pieds pour attraper la casquette vissée sur son crâne. « Positif, » répond-elle en la posant sur sa tête.
Nino passe le reste de l'après-midi à intégrer Marinette et Alya au groupe. « Les gars, vous vous souvenez d'Alya, ma copine ? J'espère bien, elle est inoubliable, » lance-t-il en passant un bras autour de sa taille.
Apparemment, la maison a été réservée pour eux six : Nino, JP, un guitariste dont Marinette n'a pas osé demander le vrai prénom, deux chanteuses, Sasha et Lili, un bassiste appelé Alexis que tout le monde surnomme Alex et Charlie, une batteuse.
Le salon et la cuisine forment une pièce unique gigantesque, ouverte sur une terrasse qui semble au moins aussi vaste. Un grand escalier en marbre blanc mène à l'étage contenant bien plus de chambres et de salles de bain dont ils ont besoin.
« C'est Marinette, » déclare Nino en passant un bras autour de ses épaules. Elle reporte son regard sur le groupe de musiciens. « Elle revient de New-York alors si elle a un peu de mal avec le français—
— Tais-toi, » rétorque-t-elle en enfonçant son coude dans ses côtes.
« Enchanté, Marinette, » déclare Alex en lui souriant. Des fossettes se creusent dans ses joues et ses cheveux roux retombent devant son front.
Charlie lève les yeux au ciel, JP étouffe un éclat de rire en posant sa main sur son épaule. « Ravi de te rencontrer, » lui dit-il d'une voix cristalline.
Ils s'avèrent être tous très sympathiques. Lili et Sasha lui rappellent Rose et Juleka et la mettent tout de suite à l'aise. JP est curieux d'une manière extrêmement respectueuse : il lui pose des questions sur New-York mais ne la coupe jamais lorsqu'elle parle et écoute ses réponses avec attention. Charlie est assez taciturne et intervient la plupart du temps en répliques cinglantes à l'égard d'Alex lorsqu'il flirte un peu trop avec Marinette. « S'il t'énerve, dis-lui de la fermer, » lui dit-elle.
Marinette n'a pas l'intention d'en arriver à ce point mais remercie la jeune femme d'un hochement de tête entendu. Alex est gentil. Un peu maladroit et pas très subtile mais ça amuse plus Marinette qu'autre chose. Parfois, il lui fait penser à Chat Noir et elle se surprend à répondre à son flirt.
Le week-end est rempli de soleil, de rires, de nourriture et de musique. La journée, ils se rendent tous au festival, assistant aux performances les uns des autres, se regroupant tous ensemble le soir sur la terrasse de cette immense maison.
Samedi soir arrive et ils se retrouvent tous les huit avec une quantité plus ou moins importante d'alcool dans le sang. Marinette, par exemple, a arrêté de compter les verres. Tout devient flou mais clair à la fois. Un sourire repose sur ses lèvres en écoutant Alex jouer de sa guitare basse.
« Je crois, » lance-t-elle, les jambes passées au-dessus de l'accoudoir de sa chaise et la tête balancée en arrière, « que j'ai un truc pour les mecs qui jouent de la musique. »
La mélodie s'arrête et Marinette sent une main se poser sur sa cheville et elle n'a pas besoin de se redresser pour savoir qu'il s'agit d'Alex.
« Comment ça s'appelle, déjà ?
— De quoi ?
— Les gens qui jouent de la musique ?
— Des joueurs de musique ?
— Non, je suis presque sûre que ça a un autre nom...
— Des musiciens, peut-être ?
— Oui !
— JP, t'es un génie ! »
Marinette explose de rire même si elle ne sait pas vraiment pourquoi. Peut-être parce qu'il y a tellement d'étoiles, ici.
« T'as été avec beaucoup de musiciens, Mari ? » demande Lili — elle est presque sûre que c'est Lili.
Son rire est remplacé par une concentration extrême. « Hmmm... » réfléchit-t-elle. « Un seul, je crois. Ah, non, deux. Enfin... un et demi.
— Comment ça, un et demi ?
— Tu peux pas faire compter Lukas pour zéro virgule cinq, meuf.
— Quand tu dis été avec ?
— Elle veut dire baiser.
— Ah. Bah... un, alors. Je crois.
— Comment ça, tu crois ? »
Marinette se redresse en soupirant. « C'est trop compliqué, c'est une question trop compliquée. » Les étoiles tournent au-dessus d'elle. Tournent tellement qu'elle ferme les yeux, bercée par le vent contre sa peau nue et les cigales qui stridulent.
« Moi, je m'en suis tapée qu'un seul, » déclare soudainement Alya.
Marinette sourit, ses poings pressés contre ses paupières, les doigts d'Alex caressant doucement son tibia. C'est agréable, léger. Ça lui montre qu'il est là mais qu'il pourrait aussi ne pas l'être, si elle lui demandait.
Mais Marinette ne sait pas ce qu'elle veut. Elle ne le savait déjà pas en étant sobre, alors avec deux grammes d'alcool dans le sang, ce n'est même pas la peine d'essayer de comprendre ce qu'il se passe dans sa tête.
« Comment c'est, New-York ? » demande JP.
Marinette hausse les épaules, les yeux toujours fermés. « Grand. Bruyant. Cher, » déclare-t-elle en baillant. « Un peu comme Paris, mais les gens parlent anglais. »
La main d'Alex se resserre légèrement autour de sa jambe. « Pas trop dur de se réhabituer au français ? » lui demande-t-il.
Marinette se redresse en rouvrant ses paupières. Ses yeux sont immédiatement attirés par le regard noisette d'Alex et par ses cheveux flamboyants qui forment un halo autour de son visage. « J'ai des mots qui me viennent en anglais, des fois, » explique-t-elle en croisant ses jambes.
« Comme quoi ? » lui demande-t-il en penchant légèrement la tête sur le côté.
Durant un instant, Marinette se perd dans la chaleur de l'été, le vent du sud et les yeux d'Alex. Elle oublie les regards autour d'eux, oublie qui est son voisin et qui hante ses rêves et ses cauchemars.
Durant un instant, Marinette se dit : pourquoi pas ?
Pourquoi ne pas se laisser aller dans cette paire d'yeux noisettes et ces doigts qui caressent gentiment sa cheville ? Pourquoi ne pas lâcher prise ?
Pour une infinité de raisons, probablement. Mais à cet instant, elle n'en voit aucune.
« Marinette ? C'est moi, je peux entrer ? »
Le monde est flou autour d'elle. Un mal de crâne la fait gémir d'inconfort alors qu'elle se redresse dans son lit. Marinette met un moment à réaliser dans quel lit, dans quelle ville et dans quel pays elle se trouve.
« Oui, » répond-t-elle à Nino d'une voix rauque. « Oui, entre. »
Ses cheveux bouclés forment une masse indomptable au-dessus de sa tête et sa peau brune a perdu de son éclat habituel. Les cernes sous ses yeux donnent à Marinette une idée de ce à quoi elle doit ressembler.
« T'as une sale tête, » lui dit-elle en attachant ses cheveux du mieux que leur longueur le lui permette.
Nino lui sourit en haussant un sourcil. « T'as pas vu la tienne, » rétorque-t-il en s'asseyant au bord de son lit.
Marinette sent ses lèvres se redresser malgré son mal de tête et les souvenirs de la veille qui refont surface. Nino lui tend un sachet et pose un grand verre de jus de fruit sur la table de nuit.
« T'es mignon, » lui dit-elle en piochant un croissant. Le goût du beurre et de la pâte feuilletée tranche avec l'amertume qui ne tarde pas à s'installer sur le bout de sa langue en pensant aux évènements de la nuit précédente.
« J'essaie, » répond Nino en croquant dans un croissant. Il baisse un instant les yeux, attrapant une miette échouée sur les draps blancs. « On n'a pas eu le temps de vraiment parler depuis que t'es rentrée, » observe-t-il. « Comment ça va ? »
Marinette déchire un coin de son croissant et hausse les épaules, triturant nerveusement la viennoiserie. « J'ai l'impression que je suis toujours jetlaguée ou bourrée. »
Nino étouffe un éclat de rire — sans grand succès. « Ça va passer.
— Le jet-lag ou la gueule de bois ?
— Les deux. »
Marinette laisse son dos heurter la tête de lit et soupire plus fort que ce qu'elle aurait souhaité.
« Mari, » l'appelle Nino. « Parle-moi. »
Elle hausse à nouveau les épaules, les dents serrées et les yeux rivés sur son croissant. « J'ai l'impression que c'est toujours la même chose qui se répète en boucle, » avoue-t-elle dans un murmure, la gorge nouée. « Je bois trop pour plus penser à Adrien et je rencontre quelqu'un que, sur le moment, je trouve marrant et intéressant et gentil et beau. Je me dis que cette fois c'est la bonne, que cette fois je vais y arriver et ne pas penser à lui. »
Elle prend une grande inspiration et lève les yeux, rencontrant le regard de Nino. « Et à chaque fois, je peux pas. »
Il hoche la tête. « C'est ce qu'il s'est passé hier soir ? »
Marinette acquiesce, les lèvres pincées. « J'ai essayé, Nino. J'ai vraiment essayé. Je—
— Je sais, Mari. Je sais, » la coupe-t-il en posant sa main sur son genou à travers la couverture. « Alex s'en remettra, » lui dit-il en souriant.
« Je sais, » soupire-t-elle. Mais je sais pas si moi, je m'en remettrai, pense-t-elle.
Nino semble lire dans ses yeux. Son sourire fane, remplacé par une expression résolue. « Ça va aller, Mari, d'accord ? Tu vas y arriver, je le sais. »
Ce sont des mots simples, des mots qu'elle s'est répétée tellement de fois qu'ils sont devenus vides de sens. Mais ils prennent une signification nouvelle quand Nino les prononce.
« C'est mon voisin, » lui dit-elle.
Nino hoche la tête. « Je sais. Et si tu sens que c'est trop pour toi, rien ne t'oblige à habiter là-bas. Tu peux venir vivre avec Alya et moi en attendant de trouver quelque chose. »
Marinette ouvre la bouche mais il la devance en levant son index. « Et si tu veux y habiter quand même, t'as qu'un mot à dire et c'est moi qui le fais déménager. »
Marinette éclate de rire malgré l'angoisse qui lui noue l'estomac. Elle remet son croissant à moitié dans le sachet et pose sa main sur celle de Nino — toujours sur son genou. « Merci, » lui dit-elle.
Un sourire flotte sur ses lèvres la tristesse qui se reflète dans ses yeux n'échappe pas à Marinette. « Tu l'as perdu, toi aussi, » murmure-t-elle.
Il déglutit difficilement et hoche la tête, les lèvres serrées. Elle ne devrait pas lui poser la question qui lui taraude l'esprit, mais elle le fait tout de même. « Vous vous êtes pas parlés depuis que je suis partie ? »
Nino secoue la tête. « Une seule fois. » Il se racle la gorge, hausse les épaules, feint l'indifférence. Mais Marinette n'est pas dupe : elle connaît toutes les techniques.
« Tu voudras passer le voir, un de ces jours ? » lui demande-t-elle.
Quelque chose s'allume au fond de ses yeux. De l'espoir. De la reconnaissance. De la surprise. Probablement les trois. Mais la réalité semble le heurter la seconde qui suit. « Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée. »
Marinette hoche la tête. Elle ne lui parle pas du fait qu'elle l'ait à peine reconnu. Ni de sa froideur ou du vide qui semble avoir remplacé le soleil qu'était Adrien Agreste. Mais son instinct lui souffle que Nino est déjà au courant.
« Sinon, » lance Nino en reniflant, « des nouvelles d'Atlas ?
— Il va plutôt bien, je crois. Je l'ai appelé sur la route avec Alya, » répond-elle, soulagée de changer de sujet.
« Ça lui fait pas trop bizarre de se retrouver tout seul ? » demande Nino en croquant à nouveau dans son croissant.
« Il me répète que tout va bien et qu'avec son stage qui commence bientôt, il risque pas de s'ennuyer, qu'il est pas souvent tout seul, de toute façon. Mais je sais bien qu'il dit ça pour me rassurer.
— Et ça marche ?
— Pas vraiment, » avoue Marinette en ramenant ses genoux contre sa poitrine. « Je sais qu'il a du mal avec la solitude et avec le changement. »
Nino hoche la tête. Le menton posé au sommet de ses genoux, Marinette fronce légèrement les sourcils, ses yeux plongés dans les siens. « Tu crois que j'ai bien fait de rentrer ? »
Il ne lui répond pas précipitamment. Il ne lui dit pas avec assurance que non, non, ce n'est pas une erreur. Non, Nino avale la dernière bouchée de son croissant, se frotte les mains et lui fait face avec sérieux. « Le temps nous le dira, Mari. Peut-être que tu retourneras à New-York, peut-être que tu resteras ici. Peut-être que tu regretteras d'être rentrée, peut-être que non. Mais, même si c'est le cas, tu dois en passer par là, je pense. Tu dois t'assurer que tu ne laisses rien derrière toi, ici à Paris. »
Marinette reste suspendue à ses lèvres. Les conseils de Nino ont toujours été neutres, d'une objectivité remplie de sagesse. Elle hoche la tête et lui ébouriffe gentiment les cheveux, un sourire au coin des lèvres. « Merci pour le croissant. »
Merci pour tout, lui dit-elle silencieusement. Mais elle sait très bien qu'il a compris. Il comprend toujours tout.
La journée passe dans une lenteur reposante. Pour la première fois depuis qu'elle est rentrée, Marinette prend vraiment le temps de se remettre du décalage horaire et de la fatigue accumulée. Elle passe du temps avec ses amis, elle rit, elle bronze, elle dort, puis recommence. Le dernier concert du festival commence en début de soirée alors ils prennent le temps de se remettre des excès de la veille, tous les huit au bord de la piscine.
« Mari ? »
Marinette ouvre ses paupières avec prudence, s'attendant à être éblouie par le soleil. Mais Alex est juste devant elle, ses cheveux encore humides de son dernier plongeon et son torse rougi par la chaleur.
Il s'assoit sur le sol à côté de son transat. « On peut parler ? »
Elle se redresse, réajuste le haut de son maillot de bain et hoche la tête. Alex tapote nerveusement le bord du transat, ses dents mordillant sa lèvre inférieure. « Je suis désolé pour hier soir, » murmure-t-il pour qu'elle soit la seule à entendre. « Vraiment, Mari, je voulais pas te mettre mal à l'aise ou quoi que ce soit— »
Elle l'arrête en posant sa main sur son avant-bras. Un sourire rassurant lui redressant les lèvres, elle penche légèrement la tête sur le côté. « C'était pas le cas. Vraiment, Alex, c'était pas toi le problème, pas du tout. »
Il fronce les sourcils, ouvre la bouche, la referme. « Donc t'avais juste pas envie ? »
Marinette n'aime pas mentir. Mais parfois, mentir est bien plus simple que de dire la vérité. Alors, elle hoche la tête. « Et puis avec l'alcool, et tout... J'étais pas trop dans le... mood ? »
Alex acquiesce d'un hochement de tête, les lèvres pincées. « Je comprends, » lui répond-il. « Toujours amis ? »
Marinette laisse ses lèvres se redresser. « Toujours amis. »
Il n'y a pas de malaise entre eux. Ils continuent de parler, de rire, de se taquiner, comme s'ils se connaissaient depuis des années. Marinette aimerait que tout soit aussi simple. Elle aurait aimé que ç'ait été aussi simple la première fois que ça lui est arrivé — ce blocage.
Plus tôt en juillet 2022
Ses joues étaient rouges et ses pensées agréablement embrumées. La quantité d'alcool qui coulait dans ses veines était parfaite. Pas assez pour qu'elle perde le contrôle de son corps et de ses décisions. Suffisamment pour lui donner le courage de faire ce qu'elle repoussait depuis trois ans.
La porte de l'appartement se referma avec précipitation et les lèvres de Luka ne quittaient jamais les siennes. Ses mains restaient agrippées à ses hanches, la guidant à reculons. Leurs vêtements étaient semés un peu partout : ses chaussures et son sac à main, la chemise et la ceinture de Luka.
Ils atterrirent sur son lit sans que Marinette ne sache vraiment comment. L'odeur de propre des draps qu'elle avait changé la veille l'apaisèrent presque autant que le parfum de Luka. Sa présence au-dessus d'elle était rassurante sans être étouffante. Appuyé sur ses coudes, il garda son bassin éloigné du sien et ses lèvres accrochées aux siennes.
Sa retenue finit de la tranquilliser. Marinette glissa ses mains de ses cheveux jusqu'à ses épaules, savourant la douceur de sa peau laiteuse. Les lèvres de Luka dérivèrent le long de sa mâchoire, la laissant reprendre son souffle. Sauf qu'il resta bloqué dans sa gorge lorsque Luka embrassa sa clavicule — exactement là où repose son tatouage.
Marinette se sentit submergée, tout à coup. Elle repensa à la dernière fois où quelqu'un a embrassé cette partie de son corps. Repensa à qui a embrassé cette partie de son corps.
« Tu trembles, » murmura Luka au creux de son oreille. Il mordilla son lobe et Marinette sursauta, un gémissement incontrôlable s'échappant de sa bouche.
Elle repensa à la dernière fois où on lui a dit ces exacts mots. « Ça va, » répondit-elle, la gorge sèche. Sans attendre la réponse de Luka, sans le laisser la regarder dans les yeux, Marinette inversa leur position, se retrouvant au-dessus de lui.
Ses hanches se pressèrent contre les siennes et les mains de Luka vinrent les attraper. Sa robe remonta le long de son corps, dévoilant l'entièreté de ses cuisses et le bas de son ventre.
Elle se sentit trembler contre Luka. Les paupières closes, Marinette respira aussi calmement que l'angoisse qui lui nouait l'estomac lui permit. La prise des mains de Luka s'intensifia, agrippant sa peau entre ses doigts. « Je te tiens, » lui murmura-t-il en se redressant jusqu'à ce que ses lèvres frôlent les siennes.
Marinette ouvra les yeux. Le regard ancré dans le sien était devenu vert comme les feuilles des arbres. Ses cheveux étaient blonds, ses épaules moins larges, ses mains plus grandes, son sourire plus espiègle, sa mâchoire plus ciselée.
Il lui répéta ces mots qu'il lui avait dit quatre ans plus tôt. « Je te tiens. »
Marinette hocha la tête, l'anxiété quittant son corps et le désir enflammant le bas de son ventre. Elle l'embrassa, l'embrassa avec toute la passion et la fougue qu'il lui inspirait.
Sa robe vola à travers la pièce et ses seins nus furent rapidement couverts de baisers. Il déposa un baiser sur son grain de beauté en forme de croissant, mordilla sa peau et rapprocha son bassin du sien. Marinette ne put que fermer les yeux, submergée par tout un tas de souvenirs, tellement nombreux et tellement forts qu'ils constituaient son présent.
Une main glissa le long de son ventre jusqu'à atteindre son sous-vêtement. Ce n'était que lorsque son clitoris fut touché que Marinette rouvrit les yeux, prise de court par la sensation.
Seulement, ce n'était pas un regard taquin et un sourire en coin qu'elle rencontra. La réalité s'abattit sur elle aussi vite que la culpabilité. Elle n'avait pas dix-huit ans mais vingt-deux et la personne qui entrait dans son intimité n'était pas Adrien mais Luka.
À cet instant, ça n'avait pas beaucoup d'importance que ce soit Luka ou un inconnu rencontré dans un bar. Tout ce à quoi elle pouvait penser, c'était qu'il ne s'agissait pas d'Adrien. Que c'étaient d'autres lèvres, d'autres mains qui touchaient son corps.
Marinette s'éloigna de lui en un clin d'œil. Elle croisa ses bras sur sa poitrine et se réfugia au bout du lit, tout à coup très consciente de sa nudité.
« Mari ? » demanda Luka en cherchant son regard.
Mais Marinette ne put que secouer la tête. Nauséeuse et honteuse, elle attrapa le premier vêtement qu'elle trouva et le plaqua contre ses seins avant de se précipiter en dehors du lit.
« Désolée, » murmura-t-elle en ouvrant la porte de la salle de bain. « Désolée, Luka. Je... Je peux pas. »
Juillet 2022
Lundi matin arrive. Les valises et les adieux sont faits. Marinette, Alya et Nino s'apprêtent à entamer le chemin du retour : les huit heures de route qui les séparent de Paris.
« C'était un plaisir de te connaître, Marinette, » lui dit JP en posant sa main sur son épaule.
Elle hoche la tête en lui souriant. « Plaisir partagé. »
À peine JP est-il parti qu'Alex apparaît, sourire aux lèvres et rouge aux joues. « Tu me fais un câlin ? »
Marinette passe ses bras autour de son corps en riant. Il sent comme le soleil, les vacances, comme les problèmes qu'on laisse de côté pendant quelques jours.
« J'espère qu'on se reverra, » lui dit-elle en s'éloignant de lui.
Alex embrasse affectueusement sa joue. « J'en doute pas, » lui lance-t-il en lui ébouriffant les cheveux. Marinette a à peine le temps de râler qu'il disparait.
Au même moment, son téléphone se met à sonner. « Allô ? » s'enquiert-elle après l'avoir extrait de son sac à main.
« Oui, bonjour, mademoiselle Dupain-Cheng. Je m'appelle Ethan Thomas, je travaille chez Gabriel en tant que recrutant. »
Marinette fronce les sourcils. Deux observations envahissent son esprit : l'accent anglais d'Ethan et la gentillesse colportée dans sa voix. Après ces deux faits assez inutiles vient la réalisation : Gabriel. Il a dit Gabriel.
« Je vous appelle à propos d'un changement de dernière minute quant à votre stage qui commence le mois prochain. Monsieur Agreste a demandé que vous effectuiez votre stage chez nous au lieu de l'enseigne à laquelle vous étiez affectée en premier lieu. Jean-Paul Gaultier, c'est ça ?
— C'est— C'est ça, oui.
— Hé bien, finalement, vous serez avec nous ! Monsieur Agreste a tout arrangé avec votre université. Ils étaient ravis de cette opportunité et je suis sûr que vous l'êtes aussi, bien entendu.
— Bien entendu.
— Parfait, alors ! On se voit dans trois semaines, Marinette ! »
Ethan raccroche avant même qu'elle n'ait le temps de demander à quel Monsieur Agreste il faisait référence.
Les mots se bousculent dans sa tête. La seule phrase sensée qui réussit à se frayer un chemin en dehors de son cerveau est : « C'est quoi ce bordel ? »
N'oubliez pas de laisser une review !
À lundi prochain !
— Lucie.
