Hello tout le monde ! Merci pour vos commentaires de la semaine dernière, vous en saurez bientôt plus sur Adrien et sur ce qu'il s'est passé !

Je suis super contente de vous poster le chapitre d'aujourd'hui que j'ai pris tellement, tellement de plaisir à écrire ! C'est tellement rafraîchissant après toute la tension des chapitres précédents et de ceux qui vont suivre — et tellement adorable de les retrouver si jeunes.

Très bonne lecture !

(Il y a un spoil de Spider Man 3 (No Way Home) dans la quatrième partie)


« Could it be, could it be the start of something

Maybe now this is our time for lovin'

You're the one, you're the one who made me smile

All over again and again, now I'm singing

You saved me, this is a new beginning

I was in my darkest place

And then I saw your face

Hmm, lately all I wanna say is, I hope you're here to stay »

Westlife - Starlight


Août 2015

Marinette avait déjà eu des rêves érotiques. Elle avait déjà eu des rêves érotiques avec Adrien. Mais elle n'avait jamais eu de rêves érotiques avec Adrien si détaillés.

« C'est pas un drame, Mari, » lui dit Alya au téléphone.

Marinette secoua la tête, une épingle entre les lèvres, un mètre ruban dans les mains. « Mais ça paraissait tellement réel ! » répliqua-t-elle en plantant l'épingle dans le tissu posé sur son bureau.

« Plus réel que toutes les autres fois ? »

Marinette, qui s'apprêtait à répondre, referma sa bouche. « Dis pas ça comme ça.

— Comme quoi ? Comme si tu rêvais pas d'Adrien Agreste toutes les nuits depuis le début de l'été ?

Alya !

— Quoi ? »

Marinette se laissa tomber sur sa chaise. « Pas toutes les nuits. »

Le rire de sa meilleure amie la fit soupirer. « Sérieux, Mari, c'est vraiment pas grave ! Que ce soit toutes les nuits ou une fois de temps en temps, c'est super sain d'avoir ce genre de rêves.

— Je sais, je sais. Mais j'aurais quand même préféré ne pas avoir ce rêve alors qu'on se voit ce soir, » avoua-t-elle en laissant ses doigts courir le long du tissu. Elle trouvait le motif particulièrement joli : un fond rose parsemé de fleurs rouges assez grossières. Plus qu'un ourlet à faire et sa création serait terminée.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement dans ton rêve ? »

Marinette se raidit sur sa chaise et attrapa sa tasse de thé. Ses doigts se mirent à tapoter nerveusement sur la porcelaine. « Oh, tu sais...

— Non, justement, j'en sais rien. »

Marinette soupira et but une gorgée de thé, la chaleur du liquide l'apaisant pendant une seconde. « On était dans mon lit — ce qui, déjà, n'a aucun sens parce que je vois pas comment on aurait pu se retrouver ici sans que—

— Mari.

— D'accord. Bon, du coup, on était dans mon lit. On s'embrassait, genre, on s'embrassait, tu vois ?

— Avec la langue ?

— Hmmm.

— Sympa.

— Ouais. Euh... du coup, on s'embrassait. J'étais au-dessus de lui et il avait les mains sur mes... mes fesses.

— Bien joué, Adrien.

— C'est pas réel, Alya.

— Pour l'instant.

Al !

— Oui, oui, désolée. Continue. »

Marinette fit pianoter son ongle contre sa tasse. Ting, ting, ting. « Ah oui, aussi… Il était torse-nu. Et j'avais juste un tee-shirt. Son tee-shirt, d'ailleurs. Tu sais, le Patagonia avec le motif de soleil dans le dos qu'il met souvent.

— J'ai aucune idée de quoi tu parles, mais ça commence à devenir intéressant, » répondit Alya, un sourire dans la voix.

« Du coup, on s'embrassait, » répéta Marinette en posant ses lèvres contre sa tasse. « Et on a commencé à... tu sais, bouger.

— Bouger ? »

Marinette ne répondit rien et prit une gorgée particulièrement bruyante, attendant patiemment qu'Alya devine ce qu'elle avait en tête.

« Genre, t'étais sur lui et tu faisais des mouvements de va-et-vient ?

— Oui ! » s'écria Marinette, soulagée de s'être fait comprendre.

Alya gloussa à travers le téléphone. « Ça avait l'air bien, en tout cas. Mari ?

— Hmmm ?

— Il bandait ?

Alya ! » s'exclama Marinette en lâchant presque sa tasse. « Oui, » répondit-elle quelques secondes plus tard.

Elle pouvait presque imaginer Alya hocher la tête. « Et ensuite ?

— On a continué de s'embrasser. Dans le cou, aussi. Et, après...

— Après ?

— Il m'a regardée. Vraiment regardée, tu sais. Il avait un petit sourire, comme s'il savait juste à quel point il me faisait de l'effet. Et... il a commencé à me caresser les cuisses, et... et entre les cuisses.

— Il faisait ça bien ?

— C'était un rêve, Alya, bien sûr qu'il faisait ça bien.

— C'est vrai, » répondit-elle en riant.

Marinette pinça ses lèvres en ramenant un genou contre sa poitrine.

« Et qu'est-ce qu'il a fait après ?

— Bah... tu sais.

— Il t'a doigtée ?

— Hmmm.

— T'as eu un orgasme ?

— Hmmm, » affirma Marinette en hochant la tête. Les images de son rêve fusaient dans son esprit. L'intensité de son regard, la tentation de ses lèvres, les mèches de cheveux qui tombaient devant son front, les veines qui couraient le long de ses mains. Ses doigts qui savaient exactement quoi faire. Sa bouche qui savait exactement quoi dire. Et son corps à elle, qui savait exactement comment répondre.

« C'est tout ?

— C'est déjà bien ! Je sais même pas comment je vais pouvoir le regarder dans les yeux, ce soir. Et lui parler ! Alya, je pourrais jamais lui parler !

— Ah non ! T'as pas fait tous ses efforts depuis la fin du collège pour tout envoyer bouler comme ça ! Tu vas le regarder, lui parler et même rire avec lui, je te le dis.

— Et s'il comprend que y a un truc bizarre ? »

Alya ne retint pas son rire. « Il est complètement aveugle, ton Adrien.

— C'est pas mon Adrien.

— Pas encore.

— Alya ! » râla Marinette en reposant sa tasse.

« Allez, tout va bien se passer. On va passer une super soirée, tu verras.

— J'espère.

— Et si tu te sens mal à l'aise, tu me le dis, d'accord ? Je te sortirai de là, promis.

— Merci, Al, » sourit Marinette en posant sa joue contre son genou. « À ce soir.

— À ce soir, Mari. »


« Et voilà ! » se réjouit Marinette en brandissant le débardeur qu'elle venait tout juste de terminer. C'était loin d'être son travail le plus raffiné mais ça ferait amplement l'affaire pour la soirée qui s'annonçait.

« C'est très joli, Marinette ! » la complimenta Tikki, perchée sur son épaule.

Marinette vérifia les finissions : qu'aucun fil ne dépassait, que les coutures étaient droites et la coupe symétrique. Satisfaite, elle hocha la tête en souriant à son kwami. « Je suis tellement contente qu'on se retrouve tous les quatre.

— Tu l'as bien mérité ! Tu as travaillé dur tout l'été, entre tes créations et Papillon.

— C'est vrai qu'il nous a pas lâchés de l'été, » constata Marinette en se levant, poussant sa chaise avec sa jambe. Il ne les avait presque pas lâchés de l'été, serait plus exact. Il y avait eu ces deux semaines, à cheval entre le mois de juillet et le mois d'août sans aucune attaque. Marinette en avait profité pour se concentrer sur ses créations et pour mettre de l'ordre dans toutes cette histoire de Gardienne et de nouvelles responsabilités, permettant à Chat Noir de prendre des vacances l'esprit tranquille.

Le mois d'août était à présent bien entamé. Chat Noir était rentré et les attaques avaient repris.

« Merde ! » s'écria Marinette « C'est mon tour de patrouiller, j'avais complètement oublié ! Tikki, transforme-moi ! »

Ç'avait définitivement été la patrouille la plus rapide de l'histoire. Les passants avaient à peine eu le temps de l'apercevoir sur les toits de Paris que Ladybug était déjà rentrée.

« Détransformation, » déclara Marinette en retombant gracieusement sur son lit.

Tikki, déjà en train de grignoter un cookie, s'assit sur son oreiller, ses grands yeux débordant d'amusement. « Bizarre, ce n'est pas aussi rapide quand tu patrouilles avec Chat Noir.

— Tais-toi, » rétorqua Marinette en souriant.

Elle passa les trente prochaines minutes à courir partout – en ignorant son téléphone. Après une douche dans le même esprit d'efficacité que la patrouille, Marinette enfila le débardeur fraîchement cousu, un jean rose et une chemise blanche en guise de veste. Ses cheveux, encore humides de sa douche, cascadaient librement jusqu'au milieu de son dos et libéraient une douce odeur florale.

Elle grogna de frustration en se rendant compte qu'elle avait eu la main trop lourde sur le blush. Ça lui donnera peut-être l'air d'être partie en vacances, pensa-t-elle.

« Marinette ! » l'appela son père, ce qui la fit sursauter et tâcher sa paupière avec du mascara. « On t'attend, en bas !

— J'arrive ! »

Une fois sa paupière nettoyée, son mascara appliqué et ses lèvres recouvertes de gloss, Marinette se lança à la recherche de sa paire de chaussures préférée – trébucha trois fois – et finit par dénicher ses Converse.

Elle attrapa son sac, y fourra son portefeuille, des chewing-gums (très important, selon elle) et son téléphone qui n'en finissait pas de vibrer.

« Marinette ? » l'appela Tikki en se glissant dans son sac.

« Quoi ?

— Respire. »

Elle ferma une seconde les paupières et hocha la tête. Son cœur tambourinait dans sa cage thoracique – ce satané organe faisait la même chose à chaque fois qu'elle était sur le point de voir Adrien.

Elle avait bientôt quinze ans. Elle pouvait sortir avec ses amis sans risquer l'arrêt cardiaque ou la combustion spontanée.

(Même si, il y avait le garçon dont elle est amoureuse dans ses dits amis.)

(Le garçon dont elle avait rêvé la nuit dernière.)

(Le garçon dont elle avait rêvé nu la nuit dernière.)

Marinette secoua la tête, mis un peu plus de parfum que nécessaire et se dépêcha de descendre. L'appartement était vide mais des rires fusaient de la boulangerie. Des rires et une voix inconnue. Marinette fronça les sourcils et continua de descendre les marches jusqu'à arriver dans la boulangerie.

« Vous êtes partis en vacances cet été, les garçons ?

— Je suis parti voir la famille du côté de ma mère, au Maroc.

— À Mirleft, c'est ça ?

— C'est ça. D'ailleurs, mes grands-parents continuent de me demander si Marinette va bien, depuis tout ce temps.

— Ça fait combien de temps qu'elle est venue avec vous, déjà ?

— Hmmm... on devait avoir neuf ou dix ans, je pense. C'était juste avant d'entrer au collège.

— Oui, je m'en souviens !

— Et toi, Adrien, » intervint Sabine, « des vacances ?

— Je suis parti deux semaines dans le mon père.

— Ça se voit, t'es tout bronzé ! Vous êtes allés où ?

— À Cassis. C'était pour une marque, on a fait pas mal de shootings.

— C'était pas vraiment des vacances, alors, si ? »

De là où elle était, Marinette pouvait voir Adrien hausser les épaules. Des épaules qui n'étaient pas aussi larges la dernière fois qu'elle l'a vu. Et cette voix inconnue — c'était la sienne. Marinette se sentait frissonner de l'intérieur à chaque fois qu'il parlait.

« C'est mieux que rien. Vous êtes déjà allés à Cassis ?

— Une fois, quand j'étais jeune, » répondit Sabine. « Mais on a eu la boulangerie à gérer et Marinette ensuite donc c'est compliqué de partir en vacances depuis. D'ailleurs, où est—

— Je suis là, je suis là, » la coupa Marinette en sortant de sa cachette.

Quatre paire d'yeux convergèrent vers elle en un instant mais ce fut le regard d'Adrien qui l'attira comme le fer est attiré par l'aimant. Ses cheveux avaient légèrement poussé, suffisamment pour que quelques mèches rebelles retombent devant son front. Il était effectivement bronzé, remarqua-t-elle. Et il portait le fameux tee-shirt Patagonia avec le soleil dans le dos.

Marinette dût se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas hurler de frustration.

« Enfin ! » s'impatienta Nino en passant un bras autour de ses épaules. « On a failli t'attendre.

— D-Désolée. Alya—

— Elle nous rejoint au cinéma. Ce que tu saurais si t'avais lu nos messages. »

Marinette lève un regard agacé vers Nino qui lui sourit de toutes ses dents avec innocence.

« Salut, Mari. »

La voix d'Adrien transperça ses oreilles, caressa sa peau et s'infiltra dans chaque fibre de sa peau. « Salut, A—Adrien, » balbutia-t-elle en levant ses yeux vers lui. Il n'était pas aussi grand non plus la dernière fois qu'elle l'avais vu — ce qui remontait à la fin du mois de juin. Intéressant, la puberté, pensa-t-elle.

« On vous la ramène avant vingt-deux heures ! » déclara Nino en passant son deuxième bras autour des épaules d'Adrien, les entraînant tous deux hors de la boulangerie.

« Pas de bêtises ! » lança Tom.

Marinette n'eût pas le temps de répondre qu'ils étaient déjà dehors. « T'es pressé, » remarqua-t-elle à l'intention de Nino.

« Il veut voir Alya, » répondit Adrien en la regardant. « Joli haut. »

Marinette se sentit rougir sous son blush. L'idée de ressembler à une tomate la fit rougir encore plus. « M—Merci, » réussit-elle à articuler.

« Oui, j'ai envie de voir ma copine. Mais j'ai surtout envie d'aller voir Spider-Man.

— Il a un faible pour Zendaya, » murmura Adrien à Marinette, comme si Nino n'était pas entre eux.

« Qui n'a pas de faible pour Zendaya ? » répondit-elle — sans bégayer.

« Merci, Mari, » apprécia Nino. « Et puis mon pote, si j'étais toi je la ramènerais pas trop. C'est pas moi qui suis en crush sur Ladybug depuis des mois

— Nino !

— Comme si c'était un secret. »

Adrien soupira bruyamment et Marinette sentit son cœur voler dans sa poitrine. « C'est vrai ? » demanda-t-elle d'une petite voix, la curiosité prenant le dessus.

Il posa à nouveau ses yeux dans les siens et un petit sourire étira ses lèvres — le genre de petit sourire qui faisait louper une respiration à Marinette. « Qui n'a pas de faible pour Ladybug ? »


Nino entra en premier dans la rangée. Alya le suivit, naturellement. Adrien laissa passer Marinette en souriant. Elle fit de son mieux pour ne pas trébucher et arriver entière sur son siège et pour continuer de respirer en se rendant compte qu'Adrien était à côté d'elle.

« T'as déjà vu Spider-Man ? »

Il dût se pencher à son oreille pour qu'elle l'entende malgré les publicités qui défilaient sur le grand écran. « Q-Quoi ? » balbutia-t-elle en frissonnant — sa voix.

Son rire caressa sa peau et envoya une salve d'électricité dans tout son corps. « Ceux avec Toby Maguire et Andrew Garfield ?

— Oh. Évidemment. »

Sa réponse sembla l'amuser. « T'aimes bien les Marvel ?

— Me sous-estime pas, Agreste. Je connais les répliques de tous les Spider-Man depuis que j'ai six ans. »

Il éclata franchement de rire cette fois-ci et Marinette se sentit sourire. Elle tourna le visage pour le regarder dans les yeux. « Et toi ?

— Je regardais les DVD en cachette avec ma mère quand j'étais petit. »

Le sourire de Marinette ne se fit que plus grand. Elle trouvait ça adorable — si elle faisait abstraction de la raison pour laquelle il devait les regarder en cachette.

« C'est lequel ton préféré ? » demanda-t-il en se tournant suffisamment pour lui faire face, l'épaule droite appuyée contre le dossier de son siège.

Marinette imita sa position, profitant des lumières tamisées pour rougir en paix. « Black Panther. »

Elle pouvait le voir hocher la tête. « Dans mon top trois.

— Et ton préféré ?

Doctor Strange, je dirais. Ou Black Widow.

— Pas mal, » acquiesça-t-elle.

Il sourit davantage, ses yeux verts brillant d'intérêt. « Choix validé par la reine des Marvel ? »

Marinette éclata de rire. « Elle-même. »

Ils se regardèrent en silence pendant quelques secondes, juste avant que le film ne débute. Mais les lumières s'éteignirent, faisant disparaître les yeux d'Adrien et Marinette se redressa, sans jamais s'arrêter de sourire.

Le film était bien. Très bien, même. Le jeu d'acteur, l'histoire, les décors, les musiques. Mais Marinette n'arrivait pas à se concentrer plus d'une minute d'affilée.

Pas quand Adrien était à côté d'elle. Pas quand elle pouvait l'entendre rire ou respirer ou juste être . Pas quand sa cuisse droite était si près de son genou gauche. Pas quand il piochait du pop-corn dans le cornet posé sur ses cuisses.

Marinette faisait de son mieux pour ne pas tourner son regard vers sa gauche, faisait de son mieux pour continuer de respirer quand elle sentait les yeux d'Adrien sur elle — elle avait probablement rêvé, ce ne serait pas la première fois. Et quand son cerveau arrivait à faire abstraction de tout ça, il se mettait à lui repasser en boucle son rêve de la nuit dernière.

Marinette soupira et s'affaissa dans son siège, sa main plongeant dans le cornet de pop-corn. Mais ce ne furent pas des pop-corn qu'elle y trouva — bien que c'était au moins aussi bien.

« Désolée, » murmura-t-elle en retirant sa main de celle d'Adrien.

Marinette écarquilla les yeux en sentant ses doigts sur son poignet. Ils étaient fins, longs, délicats et d'une douceur infinie, elle pouvait le dire même à travers un si petit geste. Adrien déposa une poignée de pop-corn au creux de sa main et Marinette sentit ses lèvres se redresser.

« Merci, » chuchota-t-elle d'une voix tremblante. Adrien retira ses doigts en les faisant glisser contre l'intérieur de son poignet et c'était la première fois que Marinette avait la chair de poule et chaud en même temps.

Les pop-corn étaient si bons qu'elle se demanda si ce n'était pas la peau d'Adrien qui avait si bon goût, à l'origine.


Marinette pleura à la fin du film. Voir Peter être effacé de la mémoire du monde entier faisait tellement écho à sa propre peur en tant que Gardienne. Ça faisait partie des choses auxquelles elle évitait de penser avec la constante angoisse que quelqu'un découvre la Miracle Box dans sa chambre ou que Papillon les batte.

La plupart du temps, elle réussissait à mettre ses peurs de côtés et à ne pas se laisser submerger par cet océan de possibilités. Parce que ce n'était que ça : des possibilités. Voir un de ses plus grands cauchemars matérialisé sur le grand écran lui fit cependant perdre le peu de recul et de contrôle qu'elle avait sur sa situation.

« Mari, ça fait vingt minutes que le film est fini, » remarqua Nino alors qu'ils marchaient tous les quatre rue La Fayette.

« Mais tout le monde l'a oublié, » sanglota-t-elle. « Même MJ.

— D'accord, c'est triste, mais— Adrien, tu pleures ?

— Non. »

Marinette tourna la tête et surprit au même moment Adrien essuyer le coin de son œil.

« Vous êtes vraiment les mêmes, » s'amusa Alya, son bras accroché à celui de Nino. « C'est trop drôle à voir. »

Marinette fronça les sourcils et se rendit compte qu'Adrien avait exactement la même expression confuse que la sienne.

« C'est vrai, » l'appuya Nino en souriant. « Fans de Marvel.

Harry Potter.

Rocket League.

It Takes Two.

Demon Slayer.

— On a compris, les gars—

SNK.

— Séri— Tu regardes SNK, Mari ? »

Marinette, qui était silencieusement en train d'observer le profil droit d'Adrien, se retrouva immédiatement galvanisée par l'évocation de sa série d'animation japonaise préférée.

« Elle est carrément fan, » intervint Alya.

« Tu te foutais de ma gueule pour Zendaya ? Attends de voir Mari avec Mikasa.

— On peut pas lui en vouloir.

— C'est vrai. Tu penses que...

La discussion d'Alya et Nino continua alors que Marinette et Adrien se rapprochèrent naturellement. Ils marchaient à présent derrière le couple.

« Je crois que j'ai pas besoin de te demander ton personnage préféré, » constata Adrien en souriant. « Mikasa, hein ? Ça m'étonne pas. »

Marinette leva les yeux vers lui. « Pourquoi ? »

Il haussa les épaules, une mèche de cheveux dorée lui tombant devant les yeux. « Tu lui ressembles.

— Tu dis ça parce qu'elle est asiatique ?

— Quoi ? Non— c'est pas— enfin... tu— »

Marinette éclata de rire. « Je rigole. »

Adrien se détendit immédiatement. Son coude heurta gentiment son bras et Marinette se mordilla les lèvres pour s'empêcher de trop sourire. « Vous avez les mêmes cheveux et vos yeux se ressemblent un peu, mais je parlais plutôt de vos personnalités.

— Tu trouves ?

— Hmmm. Elle prend toujours soin de tout le monde. Et elle est forte. Comme toi. »

Son cœur fit un triple saut dans sa poitrine. Elle cligna des yeux, ouvrit la bouche, continua de le regarder sans savoir quoi dire et en sentant ses joues brûler. Le sourire d'Adrien ne s'intensifia que davantage.

« Merci, » réussit-elle à articuler en baissant les yeux. « Et toi ? C'est qui ton personnage préféré ?

— J'adore Sasha. Levi, aussi, évidemment. Et Mikasa. »

Marinette hocha la tête en souriant. Elle leva à nouveau le regard vers le sien — qui était toujours rivé sur elle, réalisa-t-elle en rougissant de nouveau. « T'es du genre indécis, en fait.

— Pourquoi ?

— Tout à l'heure avec les Marvel. Maintenant avec tes personnages préférés. »

Il haussa les épaules. Son sourire se changea en une expression plus sérieuse, comme si sa réflexion le faisait réfléchir. « T'as sûrement raison. »

Marinette imita la manière dont il l'avait bousculée avec son coude — mais le sien ne réussit pas à atteindre plus haut que ses côtes. « C'est pas grave. Je suis pas toujours très sûre non plus.

— J'ai toujours eu l'impression que tu savais ce que tu voulais.

— Tu serais surpris. »

La manière avec laquelle Adrien la regarda la fit frissonner. Il semblait sincèrement intrigué. Les yeux légèrement plissés, il ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais se rétracta au dernier moment, un léger sourire flottant au coin des lèvres.


Septembre 2015

La fin des vacances d'été arriva vite. La rentrée au lycée, aussi.

Un moment Marinette travaillait sur de nouvelles créations au milieu de la nuit, bercée par le bruit des voitures et le ronflement des kwamis et l'instant d'après elle était assise sur une chaise en train d'écouter un parfait inconnu lui parler de son avenir académique.

Elle savait déjà exactement ce qu'elle voulait faire de sa vie. Elle voulait aller dans une école de mode et un jour avoir le savoir et les compétences nécessaires pour lancer sa propre marque. Et le problème qu'elle rencontrait ne pouvait être résolu par aucun professeur ou conseiller d'orientation : comment vivre sa vie professionnelle pleinement tout en étant Ladybug ?

Porter cette double casquette au lycée était une chose. Les cours étaient facilement rattrapables et Marinette compensait généralement ses lacunes dans les langues où elle avait toujours été très bonne. Mais ce serait différent à l'université, elle le savait. Même si elle abandonnait son rêve de partir étudier à New-York, comment expliquer en plein milieu d'un stage ou d'une présentation orale ou d'un examen qu'elle était obligée de partir ? Surtout que, plus le temps avançait et moins l'on était tolérant avec les akumatisations. C'était devenu normal et Paris n'allait pas s'arrêter de vivre selon le bon vouloir de Papillon. Au début, prétexter une peur panique ou un besoin de rejoindre le domicile familial dès qu'une attaque frappait était monnaie courante. Aujourd'hui, beaucoup moins.

Marinette soupira en fixant les cheveux de Chloé assise devant elle — ce qui ne la fit soupirer que davantage. Chloé avait de très beaux cheveux mais Marinette aurait préféré avoir Adrien assis devant elle.

Vingt minutes depuis le début du cours et il n'était toujours pas là.

« Vous savez où est Adrien ? » murmura Chloé en se retournant.

« C'est pas toi qui devrais le savoir ?

— Si je vous demande c'est que j'en sais rien.

— Si je te réponds ça c'est que j'en sais rien non plus, » rétorqua Alya.

Marinette était trop inquiète pour s'amuser de leur interaction. Nino, assis derrière Alya, se pencha légèrement en avant. « Mari, t'as pas de nouvelles non plus ? »

Ses yeux s'écarquillèrent et elle se sentit rougir lorsque les trois regards convergèrent dans sa direction. « Quoi— N—Non je— Pourquoi... Pourquoi j'en aurais ? »

Chloé leva les yeux au ciel et se tourna à nouveau vers le tableau. Alya étouffa un éclat de rire et Nino haussa les épaules en souriant. « J'en sais rien, vous êtes devenus plutôt proches.

— N—Non, pas plus que ça. Enfin, si... Enfin, je veux dire... Je sais pas où il est, d'accord ? »

— D'accord, d'accord, » murmura Nino en levant les mains et en se remettant droit sur sa chaise.

Marinette pianota nerveusement son stylo contre la table. Ils n'étaient pas devenus si proches que ça. En plus de la sortie qu'ils avaient faite au courant du mois d'août, ils étaient tous les quatre se promener au parc et avaient mangé ensemble un soir. Ça faisait un après-midi et deux soirées passées avec Adrien. Après-midi et soirées durant lesquelles ils avaient parlé, beaucoup parlé. Marinette avait appris plusieurs petites choses sur lui, comme le fait qu'il détestait la glace à la menthe et aux pépites de chocolat — parfum qu'elle adorait — ou qu'il adorait la fraise, sous toutes ses formes. Elle avait aussi eu un aperçu de l'influence de son père dans sa vie. Il avait pu sortir ces trois fois-ci parce qu'il était en déplacement professionnel et que Nathalie était bien plus tolérante. Mais dès le moment où il était rentré, une semaine avant la rentrée, elle n'avait plus revu Adrien.

Il répondait toujours sur la conversation de groupe qu'ils avaient avec Alya et Nino mais n'amorçait plus de discussions comme il en avait pris l'habitude. Et maintenant, il n'était même pas là au premier cours de l'année. Marinette appuya sa mine contre sa feuille et sursauta lorsqu'elle se brisa.

Et si son père l'avait interdit d'aller au lycée ? Et s'il l'avait obligé à faire ses cours par correspondance ou l'avait mis dans un lycée privé où vont les enfants de stars ? Et si elle ne revoyait plus jamais Adrien ?

Ces pensées terrifiantes inondèrent son cerveau, prenant tellement de place qu'elle ne vit bientôt plus rien d'autre. Marinette mit quelques secondes à réaliser que la porte s'était ouverte et qu'Adrien était à présent dans la pièce. Le professeur hocha gravement la tête en réponse à ce qu'il lui disait — suffisamment doucement pour que personne d'autre n'entende.

« Bien, reprenons cette petite introduction. »

Le professeur se remit à parler et Adrien s'avança dans la salle, les regards rivés sur lui, jusqu'à s'asseoir directement derrière Marinette qui avait arrêté de respirer.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demandèrent Alya et Nino en se tournant vers lui. Marinette les imita.

Adrien haussa les épaules en sortant ses affaires, les yeux baissés. « Rien. Mon père. » Sa voix était enrouée, comme s'il avait haussé le ton pendant trop longtemps ou qu'il se retenait de pleurer. Marinette sentit sa gorge se nouer.

« Il voulait pas que t'ailles au lycée ? » demanda Nino.

Adrien hocha la tête, toujours sans les regarder. Marinette savait qu'il ne leur avouait pas tout et que son père lui avait probablement dit des choses horribles — peut-être même l'avait-il fait chanter.

« On est là, tu le sais ? » intervint Alya en posant sa main sur sa table. Nino appuya ses propos en posant sa main sur son épaule.

Adrien leva finalement les yeux et le sourire qu'il leur offrit fendit le cœur de Marinette. Il y avait une telle détresse dans son regard qu'elle dût retenir ses larmes lorsqu'il posa ses yeux dans les siens. Il continuait de la regarder, encore et encore et Marinette ne pouvait pas être confrontée à tant de souffrance — à sasouffrance.

Alors elle se défila. Elle détourna le regard, se détestant déjà à la seconde même où elle se retourna.

Marinette ne fit que de se repasser cette scène en boucle le restant de la journée. C'était le premier jour alors ils n'avaient eu le droit qu'à un speech de deux heures en début d'après-midi et étaient libres jusqu'au lendemain matin.

« Je dois faire un truc, » annonça-t-elle à Alya et Nino alors qu'ils marchaient dans les couloirs. « On se voit demain ? »

Alya l'embrassa sur la joue. « Bonne chance, » murmura-t-elle.

Marinette rougit en s'éloignant. Bien sûr que sa meilleure amie avait remarqué ce qui lui tracassait l'esprit et avait deviné ce qu'elle comptait faire pour y remédier. Bien sûr qu'elle avait vu ses mains qui tremblaient et le stress qui habitait son visage.

Elle ne mit pas longtemps à trouver Adrien. Il était resté dans la salle de classe après qu'elle soit partie avec Alya et Nino et ne l'avait toujours pas quittée depuis. Debout près du tableau, il était en pleine discussion avec Chloé.

Marinette se cacha derrière le mur, le cœur battant. Elle n'entendait que des bribes de mots et réussit à déchiffrer un Adrichou, un merci et un je sais.

Chloé finit par sortir de la salle sans que Marinette ne se fasse repérer mais les secondes passèrent et Adrien n'arrivait pas. Marinette s'avança doucement jusqu'à jeter un coup d'œil dans la salle. Il était adossé contre le tableau, les yeux fermés, la mâchoire contractée. Les inhabituels cernes qui se dessinaient sous ses yeux étaient la seule marque de son mal-être. Tout le reste était parfait, comme d'habitude. Sa peau était lisse, ses cheveux étaient bien coiffés et sa tenue — un jean noir, un cardigan blanc au-dessus d'un tee-shirt de la même couleur et un collier doré — était aussi soignée que tous les autres jours depuis que Marinette le connaissait.

Elle fit presque demi-tour. Si cet élan de courage ne l'avait pas fait entrer dans la salle et fermer la porte, elle serait partie et l'aurait laissé perdu dans ses pensées.

Mais elle entra bien dans cette salle et ferma bien cette porte, s'attirant tout de suite le regard d'Adrien. Il ne dit rien, se contenta de la fixer sans bouger, l'arrière du crâne appuyé contre le tableau.

Marinette se mit à marcher nerveusement dans la pièce. « Adrien, » murmura-t-elle en fixant le sol. « Je suis désolée.

— Quoi ? Qu'est-ce que—

— Par contre tu vas devoir te taire et me laisser finir. S'il-te-plaît.

— D'accord. »

Marinette prit une grande inspiration, laissant son cœur qui battait bien trop vite pomper l'oxygène nécessaire à travers son corps. « Je suis désolée que tu sois si mal. Je suis désolée que ton père soit comme ça. Je suis désolée pour tout à l'heure. J'aurais dû dire quelque chose. C'est juste que... »

Elle leva finalement les yeux, rencontrant le regard interloqué d'Adrien. Il semblait complètement pris de court. Marinette avait presque envie de sourire. « Je sais que c'est bizarre de te dire ça. Je sais qu'on se connait pas depuis tant de temps que ça et qu'on n'est même pas si proches que ça. Et je me mêle peut-être de ce qui me regarde pas et peut-être que tu veux pas de mon aide ou que t'en as même pas besoin. Mais... de te voir dans cet état, ça me... »

Marinette ravala son sanglot et combattit les larmes qui voulaient jaillir de ses yeux. « Je veux juste que tu saches que je suis là, d'accord ? Que tu veuilles de mon aide ou pas, je suis là dans tous les cas. Si tu veux en parler ou pas, si tu veux jouer à Rocket League ou regarder SNK ou fixer le mur en silence, n'importe quoi. »

Il continuait de la regarder sans rien dire, la bouche entrouverte, les yeux grands ouverts. Marinette se racla la gorge. « Euh... Tu peux parler maintenant. Enfin, si tu veux. Sinon je peux aussi partir— »

Elle ne finit jamais sa phrase. Adrien sortit de sa transe et l'attrapa par le poignet. La surprise avait laissé place à l'émotion. Marinette eût à peine le temps de voir à quel point ses yeux brillaient qu'elle fût pressée contre son torse, inondée par son odeur et entourée par ses bras.

« Merci, » murmura-t-il, la joue contre son front. « Merci, Mari. »

C'était un de ces moments qu'elle allait se repasser en boucle pendant des semaines et rêver pendant des mois. C'était un de ces moments dont elle ne réalisait pas l'ampleur tout de suite, un de ces moments tellement soudain qu'elle n'eût même pas le temps de paniquer — elle paniquerait plus tard, quand elle serait seule et qu'elle se rendrait compte.

Mais, là, tout de suite, Marinette ferma les yeux, pressa son oreille contre son torse et se laissa bercer par les battements de son cœur.


Octobre 2015

Le mois de septembre s'écoula plutôt vite. Entre les cours, Papillon et les kwamis, Marinette retrouva rapidement un rythme de lycéenne super-héroïne. Pour l'instant, elle était assez fière de se dire qu'elle réussissait à suivre la cadence. Elle n'était arrivée en retard qu'une seule fois depuis le début de l'année scolaire — de seulement cinq minutes, en plus — et n'avait aucun cours en retard ni devoirs non faits. Papillon n'avait attaqué que cinq fois depuis le début du mois et semblait avoir adopté un rythme d'une fois par semaine, ce qui allait parfaitement à Marinette. Les kwamis lui facilitaient davantage la vie qu'ils ne la compliquaient puisqu'ils réfléchissaient sans arrêt à un moyen de démasquer Papillon. Aucun de leurs plans n'avait été réalisable pour le moment mais Marinette leur était reconnaissante d'essayer.

Sa routine lui plaisait, en tout cas. Les températures commençaient à baisser et les jours à devenir plus courts, mais pas suffisamment pour qu'il fasse nuit lorsqu'elle allait au lycée le matin. Certains de ses cours lui plaisaient bien et elle était presque à chaque fois assise à côté d'Alya, Nino ou même Adrien. La plupart du temps, Marinette rentrait directement chez elle où elle aidait parfois ses parents à la boulangerie, faisait ses devoirs et se plongeait dans les diverses créations qui étaient en cours. Parfois, elle allait courir, nager ou faire tout type d'activité sportive pour consolider ses muscles qui étaient bien utile en tant que Ladybug.

Une nuit sur deux, c'était son tour de patrouiller et le dimanche soir elle retrouvait Chat Noir pour faire un rapport sur les évènements de la semaine et sur leurs potentielles avancées. Souvent, ces discussions trainaient jusqu'à tard et Marinette était très fatiguée le lundi matin mais elle recommençait toutes les semaines.

Alya, Nino, Adrien et elle échangeaient aussi régulièrement sur la conversation de groupe où Adrien était redevenu plus actif.

Marinette s'était faite à cette vie où tout pouvait changer en un instant, où elle pouvait être assise en cours de maths à un instant et devoir se transformer pour sauver Paris la seconde d'après. Elle s'y était tellement habituée que même les imprévus super-héroïques étaient devenus prévisibles, ou tout du moins banals.

Mais s'il y avait bien quelque chose à quoi Marinette n'arrivait définitivement pas à s'habituer, c'était sa relation avec Adrien. S'il était redevenu plus actif sur la conversation de groupe, il envoyait aussi très souvent des messages à Marinette. C'étaient des tweets qu'il lui partageait, des photos de la partie de jeu vidéo qu'il venait de remporter ou même des pensées plus intimes dont il lui faisait part. Ils n'avaient jamais réellement parlé de son père mais Marinette était soulagée qu'il se sente suffisamment en confiance pour lui confier des petites choses du quotidien, comme le fait qu'il détestait le régime que son père lui faisait suivre, les différents cours particuliers qu'il l'obligeait à prendre ou la manière dont il était toujours froid avec lui.

Elle ne poussait jamais trop loin. Dès qu'il changeait de sujet, elle le suivait et n'essayait pas de creuser plus loin que ce qu'il ne dévoilait déjà. Il le ferait quand il serait prêt, Marinette en était certaine.

Le comportement d'Adrien restait purement amical, cependant. Du moins, aux yeux de Marinette. Alya n'était pas totalement de cet avis. Elle ne faisait que de lui répéter qu'un simple ami ne la regarderait pas de la manière dont Adrien la regardait et ne la complimenterait pas autant qu'Adrien le faisait. Marinette lui répétait qu'il la regardait normalement et qu'il ne la complimentait pas plus qu'elle ne complimentait Alya — ce à quoi elle avait répondu qu'ils étaient aussi aveugles l'un que l'autre.

Mais Marinette n'allait pas se pencher sur la question. Elle aimait la dynamique qui s'était installée entre eux. Elle aimait l'adrénaline qui se déchargeait dans son corps à chaque fois qu'elle avait une notification sur son téléphone en se demandant si c'était lui. Elle aimait la complicité et la confiance naissante. Elle l'aimait depuis longtemps, mais elle apprenait désormais à l'aimer en tant qu'ami.

« Salut, toi. »

Marinette sursauta en refermant son casier. « Luka ! » s'écria-t-elle en souriant. « Ça fait longtemps, comment ça va ? » lui demanda-t-elle en ajustant la hanse de son sac sur son épaule.

Luka lui souriait avec toute la douceur qui le caractérisait. « On va dire que je suis bien content que ce soit ma dernière année. »

Marinette hocha la tête, compréhensive. Luka n'avait jamais été très scolaire et n'avait jamais montré d'intérêt particulier pour ce qu'il apprenait au lycée. « Tu sais ce que tu veux faire, après ?

— Quelque chose en rapport avec la musique. Je suis pas encore sûr de quoi, exactement, mais j'aimerais voyager. »

Elle se demanda ce que ça faisait : de pouvoir vivre ses rêves sans être retenu par son devoir. Peut-être expérimenterait-elle ça à nouveau. Elle se le souhaitait, en tout cas. « Tu sais où tu veux aller ?

— New-York, peut-être. Y a pas mal d'opportunités. »

Marinette hocha à nouveau la tête, essayant d'oublier à quel point elle voulait aller à New-York. Elle était heureuse pour Luka, heureuse qu'il se projette dans le futur et qu'il aille poursuivre ses rêves à l'autre bout du monde.

« Et toi ? Une idée pour le futur ?

— Je veux travailler dans la mode, c'est un secret pour personne. J'aimerais bien partir aussi, mais... je suis pas sûre que ce sera possible. »

Luka fronça les sourcils. « Pourquoi ? »

Elle haussa les épaules en reportant son regard devant elle, apercevant Alya et Nino devant sa salle de classe. « Je peux pas quitter Paris, » avoua-t-elle en soupirant. C'était la vérité.

« Je peux te donner un conseil ?

— Hmmm.

— Fais-toi passer avant tout le monde, quand il s'agit de ton avenir — ou de n'importe quoi te concernant. Parce que la seule personne qui va devoir vivre avec tes décisions jusqu'à la fin, c'est toi. »

Marinette leva à nouveau le regard vers Luka. Il était habillé tout en noir : sweat noir, pantalon noir, veste en jean noire. Les seules exceptions étaient ses baskets blanches et ses cheveux de la même teinte que ses yeux — un vert émeraude aux reflets bleus.

La manière dont il la regardait la fit sourire. Elle pouvait voir l'affection qu'il lui avait toujours porté, et qu'il lui porterait sûrement pendant longtemps encore.

Ça faisait maintenant plus de six mois qu'ils avaient rompu. Il n'y avait plus de rancœur entre eux, plus aucun ressentiment. Marinette ne ressentait même plus de frustration quant à leur histoire écourtée. Il y avait toujours beaucoup d'amour mais c'était un sentiment majoritairement amical qu'elle éprouvait à son égard.

Elle se hissa sur la pointe de ses pieds et passa ses bras autour de son cou. « Merci, Luka, » lui dit-elle. « J'espère que tu réussiras. »

Elle sentit les bras de Luka entourer sa taille et l'entendit humer ses cheveux. Marinette ne dit rien et se contenta de s'éloigner lorsqu'il desserra son étreinte. « J'espère que tu réussiras aussi, Marinette. »

Ils se sourirent pendant quelques secondes, comme s'il y avait tellement de non-dits et d'affection réciproque que c'était impossible de mettre des mots dessus.

Il ouvrit la bouche au même moment où Marinette tourna la tête vers sa salle de classe, ses yeux sa plantant tout droit dans ceux d'Adrien qui avait rejoint Alya et Nino. Il détourna le regard au même moment et Marinette se reconcentra sur Luka qui avait refermé la bouche et affichait un léger sourire sur le coin de ses lèvres.

« Prends-soin de toi, Marinette, » lui dit-elle en déposant un baiser sur son front. Et il s'en alla, laissant Marinette les joues légèrement rosies et désorientée.

Il lui fallut quelques secondes pour se souvenir d'où elle devait aller et arriva devant sa salle de classe avec un étrange sentiment lui comprimant la gorge — ça ressemblait étrangement à de la culpabilité.

« Salut, Mari, » lança Nino en passant un bras autour de ses épaules.

« Salut, » répondit-elle d'une petite voix.

Alya fronça les sourcils. « Ça va pas ? »

Marinette haussa les épaules, essayant d'ignorer le regard d'Adrien qui pesait sur elle. « Si, je crois que ça va. »

Ni Alya ni Nino ne lui firent aucune réflexion mais le regard de sa meilleure amie voulait clairement dire : on en reparle plus tard. Au moment où ils commencèrent à entrer dans la salle, Adrien lui attrapa doucement le poignet, l'entraînant à part.

Marinette sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine. Elle analysa Adrien scrupuleusement, cherchant quelque chose d'anormal, une blessure ou un signe de mal-être. Mais il n'y avait rien — il n'y avait jamais rien de visible. Peau lisse, cernes inexistants, cheveux coiffés, consciencieusement habillé. « Qu'est-ce que—

— Tu sais, si y a quelque chose qui va pas de ton côté, tu peux m'en parler, aussi. »

Marinette referma sa bouche dans un bruit sec. Elle sentit sa température corporelle grimper en flèche en se rendant compte qu'Adrien tenait toujours son poignet.

« Tout va bien, » lui répondit-elle.

Adrien plissa ses yeux en se rapprochant d'elle, un sourire au coin des lèvres. « J'ai pas le monopole de l'angoisse, tu sais. Je veux bien partager avec toi. »

Marinette sourit en secouant la tête. « Très généreux, merci. »

Il passa sa langue sur ses lèvres et elle essaya d'ignorer le fait qu'elle était légèrement pointue au bout. « Sérieusement, Mari. Je dis pas ça parce que je me sens redevable ou quoi que ce soit. Je dis ça parce que ça m'intéresse et que ça m'importe. »

Elle essaya de ne pas s'étouffer avec sa salive en déglutissant et réussit, par miracle. Marinette pinça ses lèvres en baissant les yeux. Les doigts d'Adrien étaient toujours enroulés autour de son poignet et elle se laissa les contempler un instant, le temps que ses joues soient moins rouges. Des bagues argentées ornaient ses phalanges et Marinette était fascinée par la finesse et la longueur de ses doigts.

« Merci, » murmura-t-elle en levant à nouveau les yeux. « Je m'en souviendrai. »

Adrien hocha la tête en souriant. Il finit par lâcher son poignet et lui ébouriffa gentiment les cheveux. Marinette grommela en se recoiffant et Adrien gloussa en s'éloignant.

Elle le rattrapa en trottinant et tendit le bras pour le décoiffer aussi mais elle avait oublié à quel point il était grand.

Adrien lui attrapa à nouveau le poignet, un peu plus fermement cette fois-ci mais sans s'arrêter de sourire. « Tu crois faire quoi, là ?

— Pas grand-chose, visiblement, » soupira-t-elle.

Il rit à nouveau et lui jeta un dernier regard en coin avant d'entrer dans la salle de classe. « T'es vraiment toute petite, » murmura-t-il en lâchant son poignet.

« Hé ! » s'écria Marinette en essayant d'ignorer que le timbre rauque de sa voix lui chatouillait le bas du ventre.


Décembre 2015

Les semaines passèrent et se changèrent bientôt en mois. Décembre arriva, amenant le froid, la pluie et la mauvaise humeur de Marinette. Elle détestait le vent qui fouettait son visage et les températures négatives.

Particulièrement ce matin-là, juste avant les vacances de Noël. Elle arriva en cours pile à l'heure, les ongles rendus violets par le froid et les mains tremblantes. Le pull et l'énorme doudoune rose qu'elle portait ne suffisaient définitivement pas à préserver son corps frileux de l'hiver. Marinette s'assit en sa place en grelotant.

« Ça va ? » lui demanda Alya.

« Hmmm, » marmonna-t-elle en réponse.

Sa meilleure amie sourit en levant les yeux au ciel. « Tiens, » lui dit-elle en lui tendant un thermos. « Chocolat chaud. »

Marinette sentit ses yeux s'illuminer. « Je t'aime vraiment beaucoup, » déclara Marinette avant de se jeter sur le thermos, savourant le goût et la chaleur du chocolat chaud.

« Hé, Mari ? On se met tous les deux pour l'exposé ? »

Marinette faillit s'étouffer dans son chocolat chaud. Heureusement, elle réussit à avaler sa dernière gorgée avant de paniquer. « Q-Quoi ? » bredouilla-t-elle en se tournant vers Adrien.

Il lui souriait déjà mais quelque chose s'alluma dans ses yeux quand elle entra dans son champ de vision, un éclat moqueur et affectueux à la fois. Marinette lécha le chocolat chaud qu'il lui restait autour de la bouche en rougissant. « Quoi ? » répéta-t-elle avec plus d'assurance, cette fois-ci.

Adrien se pencha légèrement vers elle. « Tu sais, l'exposé à faire en histoire. Celui qui compte pour 50% dans la moyenne du deuxième trimestre... ?

— Oui ! Oui, oui, je vois.

— Donc ?

— Donc... quoi ? »

Adrien gloussa en secouant la tête. « Tu veux bien le faire avec moi ? »

Marinette cligna des paupières, jeta un coup d'œil à Alya qui avait l'air de dire débrouille-toi ma grande et posa à nouveau ses yeux sur Adrien. Il avait un sourcil haussé et toujours ce sourire au coin des lèvres.

Marinette retrouva ses esprits et hocha vigoureusement la tête. « Oui, » lui dit-elle. « Oui, oui, bien sûr que je veux bien le faire avec toi. »

Le sourire d'Adrien se propagea jusqu'à ses yeux comme si elle venait de lui annoncer la plus merveilleuses des nouvelles. « Cool, » se réjouit-il en se redressant, sans jamais cesser de regarder Marinette. « On se verra pendant les vacances, alors. »

Elle ignora le sursaut de son cœur, le sourire d'Alya qu'elle devinait et les papillons qui battaient des ailes au creux de son ventre. « On se verra pendant les vacances. »


J'ai tellement hâte de savoir ce que vous en avez pensé !

On retourne dans le présent dans le prochain chapitre avec le point de vue d'Adrien ! Préparez-vous...

— Lucie.