Merci beaucoup pour votre accueil pour le précédent chapitre ! Je suis contente que la tournure de l'histoire vous plaise. Vous m'avez vraiment laissé de très gentils et constructifs commentaires, ça m'aide beaucoup, vraiment.

Le chapitre d'aujourd'hui est assez léger (du moins au début) et mignon (même s'il y a toujours des sujets plus durs injectés dedans) donc bonne lecture !

TW : troubles du comportement alimentaire (TCA)


« When I look at you

In your eyes

In see something burning inside you

Oh, inside you

I know it hurts to smile but you try to

Oh, you try to

You always try to hide the pain

You always know just what to say »

In Your Eyes – The Weeknd


Décembre 2015

Clop clop clop, faisait la pluie contre la vitre. Clop clop clop. Encore et encore.

Marinette n'avait jamais aimé la pluie et même si elle aimait Paris de tout son cœur, c'était une des raisons pour lesquelles elle pouvait parfois détester cette ville.

Du moins, avant. Avant la rentrée de troisième. Avant qu'Adrien lui ai donné son parapluie. Avant qu'elle ne soit tombée amoureuse de lui au milieu de la pluie et de l'orage.

Depuis, Marinette ne savait plus où se positionner par rapport à cette météo. Ça la mettait dans une humeur bizarre, à la croisée des chemins d'un flot d'émotions.

C'était particulièrement vrai aujourd'hui, puisqu'Adrien était censé venir chez elle pour qu'ils travaillent sur leur exposé d'histoire. Les vacances de Noël avaient débuté depuis quatre jours et il ne s'était pas écoulé une minute sans qu'elle n'angoisse par rapport à sa visite.

Pourtant, elle était là, allongée sur son lit, les yeux rivés sur son velux, sans bouger, sans paniquer. Peut-être qu'elle avait tellement appréhendé ce moment qu'il ne lui restait plus assez de stress en stock.

Était-ce possible ? D'épuiser ses réserves d'angoisse ? Marinette espérait que oui.

Son téléphone vibra et la sortit de sa rêverie par la même occasion. Elle se redressa, les paupières lourdes. Tous les kwamis étaient dans la Miracle Box et Tikki était endormie entre ses deux oreillers, à l'abri des potentiels regards. Un sourire lui étira les lèvres alors qu'elle caressa tendrement la tête de son kwami et attrapa son téléphone de son autre main.

Adrien : « je suis là dans cinq minutes :) »

Son cœur fit un soubresaut dans sa poitrine et Marinette se fit la réflexion que, quand il s'agissait d'Adrien, elle n'épuiserait jamais ses réserves de quoi que ce soit. Ce n'était cependant pas un stress désagréable, ni du stress à proprement parlé, d'ailleurs. C'était une hâte teintée d'appréhension. Quelque chose qui lui chatouillait le ventre, quelque chose qui la rendait nerveuse mais d'une manière presque vivifiante. C'était très différent de l'angoisse qui lui nouait parfois la gorge en pensant à Papillon ou à toutes ses responsabilités. Cette angoisse l'empêchait de respirer correctement. Mais, en pensant à Adrien, Marinette avait l'impression de prendre une bouffée d'oxygène. Cette pensée la fit sourire.

Elle descendit de son lit, fit un tour de contrôle de sa chambre en rangeant tout ce qui pouvait être relié à son statut de super-héroïne ou à celui d'adolescente-très-amoureuse-d'Adrien-Agreste et s'inspecta rapidement dans le miroir. Tout dans son allure disait qu'elle était en vacances : chignon brouillon au sommet de sa tête, sweat-shirt rose, short de survêtement assorti, grandes chaussettes de la même couleur. Elle trouvait qu'elle ressemblait à un marshmallow — d'une bonne manière. Si on pouvait ressembler à un marshmallow d'une bonne manière.

Au moment où elle ouvrit la trappe de sa chambre, des voix s'élevèrent du salon.

« Adrien ! On est tellement content que tu sois là !

— Ça nous fait plaisir que vous passiez du temps ensemble, avec Marinette !

— Tu as une bonne influence sur elle. Sans toi, elle serait encore en train de dormir.

— Maman ! » intervint Marinette en descendant les escaliers. « C'est pas vrai ! »

Les regards se tournèrent vers elle. Ses parents lui souriaient avec quelque chose qui ressemblait à de la malice et Adrien l'observa avec cette pure gentillesse qui lui allait si bien.

« Salut, Mari, » lui dit-il.

« Salut, » répondit-elle en sentant ses joues se colorer. « Tu viens, on va dans ma—

— Hep hep hep, » interrompit Tom. « Quelques règles, d'abord.

— Tu ne fermes pas à clé.

— Tu ne fermes pas, tout court.

Papa, » soupira Marinette. « D'accord, » capitula-t-elle face aux sourcils haussés de ses parents.

Adrien et elle finirent par arriver dans sa chambre — dont la trappe resta ouverte. « Exactement comme la dernière fois que je suis venu, » commenta Adrien en scrutant la pièce.

« Non, y avait pas le mannequin la dernière fois, » rectifia Marinette en se laissant tomber sur la chaise de son bureau.

« C'est vrai, » dit-il en s'en approchant. « C'est joli, » complimenta-t-il en passant ses doigts sur le tissu qui recouvre partiellement le mannequin.

« Merci, » sourit Marinette en faisant rouler sa chaise jusqu'à lui. « C'est une tentative de gilet mais j'ai un peu de mal. Coudre, je sais faire, mais tricoter, c'est une autre histoire, » expliqua-t-elle en désignant les quelques mailles qui n'étaient pas assez serrées.

Adrien esquissa un sourire en suivant son doigt du regard. « C'est un bon début. J'ai mis un moment à trouver le truc.

— Tu sais tricoter ? » demanda Marinette sans réussir à masquer l'étonnement dans sa voix.

Adrien baissa ses yeux vers elle et haussa un sourcil. « Hmmm. Ma mère m'a appris.

— Oh, » laisse-t-elle échapper.

« Je suis plus sûr de très bien savoir, maintenant.

— Je pourrais te réapprendre. Quand je serai plus douée, » proposa-t-elle.

Le sourire d'Adrien s'élargit et Marinette détourna son regard en sentant ses joues chauffer. « Ce serait sympa. »

Marinette hoche la tête, toujours sans oser le regarder. « Mais avant : l'exposé. Tu sais sur qui tu veux faire ?

— Pas vraiment, non, » répondit-il en s'adossant à son bureau, les bras croisés.

Le but de l'exposé était de présenter quelqu'un qui avait marqué l'histoire de France ou de n'importe où ailleurs dans le monde et d'expliquer en quoi était-ce inspirant.

« J'aimerais bien faire sur une femme, » proposa-t-elle en ouvrant son ordinateur.

« On pourrait faire sur Simone Veil ou Rosa Parks, mais tout le monde connaît déjà leur histoire, non ?

— Pas tout le monde, Agreste. Ça se saurait.

— T'as pas tort.

— Mais j'aimerais bien fait sur quelqu'un de pas vraiment connu, » expliqua-t-elle.

« T'as une idée ? » lui demanda-t-il.

Marinette secoua la tête en levant les yeux dans les siens. Adrien haussa les épaules et se mit derrière elle pour être en face de l'ordinateur. « On va chercher, alors. »

Elle hocha la tête en essayant d'ignorer leur proximité et son odeur de propre qui lui donnait envie de frotter son nez tout contre lui.

Au bout d'un moment — et après beaucoup de frissons causés par la respiration d'Adrien derrière elle — Marinette avait proposé qu'ils s'installent sur le divan. Leur nouvelle position s'avéra être pire, dans un sens, puisque son épaule reposait contre le bras d'Adrien et que son genou frôlait le sien tellement ils étaient proches. Il était là, à sa gauche, et elle n'avait cas tourner la tête de quelques degrés pour le regarder.

Par miracle ou par contrôle d'elle-même, Marinette réussit à se concentrer suffisamment pour que l'exposé avance. Il s'était d'ailleurs avéré qu'Adrien et elles étaient un binôme très efficace. Une heure plus tard et ils avaient non seulement trouvé le sujet de leur exposé mais aussi trouvé le plan et terminé l'introduction.

Un bâillement s'échappa de sa bouche, trahissant la fatigue qui s'installait dans son corps. Son regard se tourna lorsqu'elle sentit celui d'Adrien se poser sur elle.

« On fait une pause ? » demanda-t-il, un sourire flottant sur ses lèvres.

« J'ai cru que t'allais jamais le demander, » déclara-t-elle en fermant son ordinateur. Marinette s'étira, faisant craquer les articulations de ses doigts endoloris à force de taper sur le clavier.

Elle sentait une étrange fatigue peser sur ses paupières. Ce n'était pas l'épuisement qu'elle ressentait habituellement après une journée de cours ou une attaque d'akuma. C'était plus tranquille, plus léger, plus doux. Marinette mit ça sur le contrecoup des quatre mois de cours qui venaient de s'écouler et des vacances qui venaient d'arriver. Elle avait du sommeil à rattraper, après tout.

« Allez, viens, » décida-t-elle en se levant. « Je vais m'endormir si on reste ici. »

Adrien l'imita. « Tu t'es endormie tard ?

— Pas tellement. Pas longtemps après les derniers messages qu'on s'est envoyés, » dit-elle en descendant les escaliers de sa chambre.

Ils se parlaient régulièrement. Marinette aimait bien discuter avec lui avant de dormir.

« On va où ? » demanda-t-il en la suivant.

« Chercher à manger. J'ai faim.

— T'as toujours faim.

— Ça demande beaucoup d'énergie d'être moi, tu sais. »

Adrien pouffa de rire derrière elle lorsqu'ils arrivèrent dans la cuisine et essaya de faire passer ça pour une quinte de toux quand Marinette le regarda par-dessus son épaule. « J'en doute pas.

— Mouais, » marmonna-t-elle en ouvrant le sachet laissé sur la table. Il contenait deux croissants encore chauds et un petit mot. Marinette sourit en secouant la tête. « Si vous faites une pause. Ils sortent tout juste du four, » récita-t-elle.

Adrien s'accouda contre la table. « C'est mignon, » déclara-t-il d'une voix qui la fit lever les yeux vers lui.

« Ça va ? » lui demanda-t-elle. Il souriait mais Marinette le connaissait maintenant assez bien pour savoir que ce n'était pas un vrai sourire.

Perdu dans ses pensées, Adrien mit quelques secondes pour baisser ses yeux dans les siens. Ses lèvres s'étirèrent en une expression plus sincère et il lui ébouriffa affectueusement les cheveux. « Oui, » lui dit-il.

Marinette râla en se recoiffant mais sentit qu'un sourire n'était pas loin. « Tu m'énerves, » soupira-t-elle en ouvrant un des placards.

« Je sais, » l'entendit-elle dire derrière elle.

Marinette se pinça les lèvres en attrapant deux verres. Elle pouvait sentir le regard d'Adrien dans son dos et un frisson glissa le long de sa colonne. « Je vais te faire goûter le meilleur truc de tous les temps, » lui dit-elle pour se distraire. « Mais il faut pas que mon père nous voit, » ajoute-t-elle en ouvrant le frigo.

« Pourquoi ?

— Il dit que c'est un outrage à la France.

— À ce point ? » rit Adrien.

Marinette leva les yeux au ciel. « Je suis sûr qu'il mange ça en cachette sans me le dire.

— Et c'est quoi, exactement ?

— Je vais te montrer. Mais attention, une fois que t'auras goûté, tu seras accroc, » le prévint-elle en pointant un couteau vers lui. « T'es prêt à prendre le risque ?

— Tu me fais peur, Dupain-Cheng.

— Regarde et apprend, Agreste. »

Marinette lui décrit chaque étape avec exagération. La manière dont elle coupa le croissant en deux, dont elle ouvrit le pot de pâte à tartiner, dont elle prit une généreuse quantité qu'elle étala sur le croissant, dont elle recouvrit le tout de chantilly et dont elle referma son croissant — qui ne ressemblait plus à grand-chose, il fallait le dire. « Et maintenant, tu manges, » conclut-elle en lui tendant le croissant.

Adrien le regarda comme s'il allait lui exploser dans les mains. « Tout ? »

Marinette fronça les sourcils. « Oui ? » L'expression d'Adrien la remplit de confusion. Il semblait en plein débat avec lui-même, comme si croquer dans ce croissant était... interdit. « Adrien, » murmura-t-elle avec douceur. « Ça va ? »

Il hocha hâtivement la tête en se léchant nerveusement les lèvres. « Oui, oui, tout va bien.

— Adrien ?

— Oui ?

— Tu mens. »

Ses yeux s'ancrèrent dans les siens et Marinette reposa le croissant, absorbée par son regard. « C'est juste que... je suis pas censé manger de trucs comme ça. C'est bête, je sais.

— Non. Non, c'est pas bête. »

Il soupira en fermant les paupières. « C'est mon père. Il est un peu... strict là-dessus.

— Il en saura rien.

— Mais moi, si, » dit-il en rouvrant les yeux. « Ça m'énerve d'être comme ça. De le laisser tout contrôler. De le laisser me convaincre.

— Te convaincre de quoi ? » demanda-t-elle du bout des lèvres. Elle sentit sa gorge se serrer face à la mâchoire contractée d'Adrien et au tourment qui l'habitait.

Les yeux rivés vers le sol, il déglutit en haussant les épaules. « De tout. Je vais me regarder dans le miroir et apprécier ce que je vois mais s'il me dit que j'ai cinq-cents grammes en trop, alors je vais me détester. Je vais avoir une bonne note et être content de moi mais s'il me dit que j'aurais pu faire mieux alors je vais me trouver nul. Je vais jouer un morceau de piano compliqué et être fier d'avoir réussi mais s'il dit que je dois encore travailler dessus alors je vais y passer une nuit entière. »

Marinette ne réfléchit pas. Elle attrapa une de ses mains qu'elle serra entre les siennes, se rapprochant suffisamment pour qu'il doive baisser considérablement les yeux pour la regarder. « Adrien, » souffla-t-elle. « Ta valeur se limite pas à ce que ton père pense de toi. Ni à quoi tu ressembles. Ni à tes notes. Ni à la manière dont tu joues. C'est... ça va bien plus loin que ça.

— Tu crois ?

Oui. Tu... t'es tellement plus que toutes ces choses mais tu t'en rends pas compte. Ton père te fait te focaliser sur ton apparence et tes capacités mais c'est pas ce qui compte le plus. T'es une des personnes les plus empathiques et généreuses que j'ai jamais rencontrées. Tu te préoccupes vraiment des autres et pas seulement pour te donner bonne conscience. Et même avec tout ce que t'as vécu, tout ce que tu vis, t'as pas perdu ce truc qui fait que t'illumines toutes les personnes proches de toi. T'es comme... un soleil. »

Ils se regardèrent pendant un moment qui n'était pas vraiment long ni vraiment court. Il était suspendu dans le temps. Comme si le monde s'était arrêté pour leur donner cet instant de pure vulnérabilité. C'était si sincère que Marinette ne se rendit compte de ce qu'elle venait de lui dire qu'après lui avoir dit. Les mots avaient quitté sa bouche avec une telle aisance, une telle facilité.

« Mari, » murmura-t-il d'une voix légèrement rauque qui la fit frissonner. « Tu... Merci. » C'était le remerciement le plus authentique qu'elle n'avait jamais entendu. « Je crois que je vais manger ton outrage à la France. »

Ils rirent et l'atmosphère bascula à nouveau. C'était si simple, la manière dont ils pouvaient aborder des sujets aussi sérieux et éclater de rire la seconde d'après, si naturel.


Les vacances de Noël continuèrent tranquillement. Pas d'akuma particulièrement compliqué à battre. Ladybug et Chat Noir eurent même l'occasion de s'organiser un dîner pour fêter Noël. Marinette avait particulièrement apprécié cette soirée. Ça lui avait fait beaucoup de bien de se retrouver avec Chat Noir et à parler de tout et de rien sans avoir la pression d'un super-vilain sur les épaules. Ils n'avaient pas pris le temps de parler de cette façon depuis longtemps.

Elle passa aussi beaucoup de temps avec ses parents. À parler avec sa mère, à jouer aux jeux-vidéos avec son père. Avec Adrien, aussi. Ils passèrent une bonne partie de leurs soirées au téléphone à jouer en ligne. Alya et Nino les rejoignaient, parfois.

Ils étaient aussi sortis tous les quatre pour acheter leurs cadeaux de Noël pour leur famille respective. C'était à la fin de cette journée shopping qu'ils avaient décidé d'organiser un père Noël secret. Marinette était presque sûre que le tirage au sort avait été truqué parce qu'elle avait obtenu Adrien et que Nino lui avait fait un clin d'œil mais elle s'en fichait.

C'était donc pourquoi elle était en train de regarder une vidéo intitulée Comment tricoter un pull torsadé, le 27 décembre à trois heures du matin. Une aiguille dans chaque main, Marinette mobilisait chacun de ses neurones dans la compréhension de la technique qui lui était décrite dans la vidéo.

Elle devait terminer ce pull pour la soirée du 31 décembre — quand elle devait l'offrir à Adrien. Marinette était très excitée à l'idée de Nouvel An : c'était la première fois qu'elle le fêtait avec ses amis. Les parents d'Alya le célébraient avec ses petites sœurs chez des amis et elle avait réussi à négocier pour inviter leur groupe dans l'appartement. Même Adrien avait réussi à avoir le feu vert de son père. Ils seraient en tout treize : Alya, Nino, Adrien, Marinette Alix, Kim, Rose, Juleka, Ivan, Mylène, Max, Nathaniel, Marc — Chloé, Sabrina et Kagami avaient une soirée prévue de leur côté et Luka n'était pas encore certain de venir.

Presque tous ses amis réunis pour fêter le dernier jour de l'année et célébrer la nouvelle, Marinette ne pouvait pas rêver mieux. Tout serait parfait si elle arrivait à finir le pull dans les temps. Pull qui lui donnait définitivement du fil à retordre — mauvais jeu de mot voulu.

Marinette grommela un juron en repassant ce moment de la vidéo pour la troisième fois. Les kwamis dormaient, ses parents dormaient, une bonne partie de Paris dormait et elle était là, en train de tricoter un pull comme cadeau de Noël pour le garçon dont elle était amoureuse et qui n'avait aucune idée de ses sentiments. Elle se sentit stupide pendant un instant mais n'arrêta pas son tricot pour autant.

Ce fût la vibration de son téléphone qui la fit définitivement lever les yeux de ses mailles. À cette heure-ci, c'était soit une alerte akuma, soit Adrien. Marinette sentit son cœur sursauter en se rendant compte qu'il s'agissait de la deuxième proposition.

Adrien : « tu dors ? »

Elle attrapa son téléphone en se mordillant la lèvre inférieure pour s'empêcher de trop sourire.

Moi : « nope »

Moi : « je fais mon cadeau pour le père noël secret ;) »

Il ne répondit qu'au bout de quelques secondes.

Adrien : « ohhh »

Adrien : « j'ai déjà fini le mien »

Marinette posa son ébauche de pull sur son bureau et s'adossa complètement contre sa chaise en pianotant sur son téléphone.

Moi : « je sais que c'est moi que t'as tiré, agreste »

Adrien : « t'es pas drôle »

Adrien : « t'aurais pu au moins faire semblant »

Moi : « on est 4, je sais qu'alya a tiré nino et qu'il a tiré alya donc ça laisse pas beaucoup de possibilités »

Adrien : « ça veut dire que c'est mon cadeau que t'es en train de faire ? »

Marinette se pinça les lèvres en réfléchissant quoi répondre. Leurs discussions étaient toujours fluides, tellement fluides qu'elles pouvaient s'enchaîner pendant des heures. Mais par moment, Marinette regardait le message d'Adrien et se demanda si c'était une perche qu'il lui tendait pour franchir la barrière amicale.

Ou peut-être qu'il ne lui avait jamais tendu de perche et qu'elle se faisait des films.

Moi : « comme quoi... :p »

Adrien : « comme quoi... quoi ? »

Marinette posa sa main sur son cœur affolé.

Moi : « comme quoi on peut être mignon ET pas trop bête »

Elle appuya sur envoyer avec un doigt tremblant et regretta la seconde d'après. Toutes les onomatopées possibles et imaginables quittèrent ses lèvres alors qu'elle battait nerveusement des jambes — et manqua de tomber en arrière quand Adrien lui répondit.

Adrien : « je pensais que tu le savais déjà »

Adrien : « t'es le meilleur exemple pour le prouver »

Marinette fixa son écran la bouche ouverte pendant suffisamment longtemps pour qu'il renvoie un message.

Adrien : « toujours là, princesse ? »

C'était impressionnant, la manière dont son cœur pouvait toujours aller plus vite. Il venait vraiment d'écrire ces mots, Marinette ne rêvait pas ? Il venait de lui dire ça à elle ? Il était vraiment en train de flirter ?

Marinette avait vraiment besoin de parler à Alya.

Moi : « je crois que oui »

Adrien : « j'ai cru que tu t'étais endormie »

Elle fixait son téléphone avec un tel sérieux qu'elle en était peut-être ridicule mais elle s'en fichait complètement.

Moi : « pas après ça, non »

Adrien : « après quoi ? J »

L'expression faussement innocente d'Adrien qui apparût dans son esprit la fit sourire.

Moi : « toi »

Moi : « tu veux vraiment me l'entendre dire ? »

Adrien : « oui »

Adrien : « mais le voir écrit ce serait un bon début »

Marinette ne savait pas trop quoi faire de cette tension qui s'installait entre eux depuis quelques mois. Ils parlaient de plus en plus, de choses sérieuses ou plus futiles, se confiaient des secrets, riaient et se taquinaient, sans jamais mettre de mot sur leur relation. Ils étaient amis, bien sûr.

Mais il y avait ce petit truc en plus. C'était ça qu'Adrien voulait : il voulait avoir la preuve écrite qu'il se passait réellement quelque chose entre eux. Du moins, c'était ce que Marinette interprétait, même si elle avait encore du mal à y croire.

Moi : « qu'est-ce que tu veux savoir, exactement ? »

Il mit une bonne minute à répondre.

Adrien : « ce que je représente pour toi ? »

Une grande inspiration plus tard et Marinette se mit à lui répondre en un enchaînement de messages qui s'écrivaient au rythme de ses pensées.

Moi : « beaucoup »

Moi : « t'es un ami mais différent d'alya ou nino »

Moi : « on partage pas les mêmes choses »

Moi : « y a des choses que je me vois te dire à toi et pas forcément à eux »

Moi : « et j'aime bien quand tu me taquines »

Moi : « (c'est la première et la dernière fois que je te le dis alors profite agreste) »

Moi : « j'aime bien que tu me dises ce que tu ressens et que tu me dises quand ça va pas »

Moi : « j'aime bien quand on est que tous les deux »

Moi : « et j'ai toujours envie de te voir »

Moi : « je vais probablement regretter de t'avoir dit tout ça demain parce qu'il est 3h du matin mais voilà »

Moi : « toujours vivant ? »

Adrien : « pas sûr »

Marinette se remit à sourire. Elle profita du temps qu'il prit à répondre pour s'installer dans son lit — son cerveau n'était plus en état pour se concentrer sur son tricot, de toute manière.

Adrien : « j'aime bien quand tu me taquines aussi »

Adrien : « (c'est pas la dernière fois que je te le dis) »

Adrien : « j'aime bien te dire ce que je ressens et t'es la seule à qui j'en parle autant »

Adrien : « et j'aime bien quand tu me parles de tes problèmes aussi »

Adrien : « j'aime bien t'aider même si t'as pas vraiment besoin de mon aide »

Adrien : « ni de celle de personne d'ailleurs »

Adrien : « j'aime bien quand on est que tous les deux aussi »

Adrien : « et j'ai toujours envie de te voir aussi »

Adrien : « genre là tout de suite »

Adrien : « et je regretterai pas de t'avoir envoyé ça demain »

Adrien : « merci d'être là mari, vraiment »

Adrien : « peu importe ce qu'on est, je sais que tu me fais beaucoup de bien »

Adrien : « j'ai hâte de fêter nouvel an avec toi »

Elle pensa à la Marinette de demain qui allait à nouveau lire ces messages. Elle pensa à Alya qui les lirait aussi. Elle pensa à la soirée du 31 qui arrivait. Elle pensa à Adrien. Elle pensa aux rêves qu'elle faisait à propos de lui.

Et si ces rêves étaient voués à se réaliser ?

Moi : « j'ai hâte de fêter nouvel avec toi aussi »


« J'en reviens pas qu'il t'ai dit ça. Enfin, je savais qu'il le pensait — ça se voit. Mais je pensais pas qu'il allait te le dire

— Comment ça, ça se voit ? »

Marinette ouvrit ses paupières quand, au bout de dix secondes, Alya ne répondait toujours pas. Ses sourcils étaient haussés, ses lèvres redressées en un sourire taquin et la main qu'elle utilisait pour maquiller Marinette en suspens dans les airs.

« Mari, » souffla-t-elle.

« Alya, » l'imita-t-elle.

Sa meilleure amie secoua la tête en riant. « Sérieusement, vous êtes aussi aveugles l'un que l'autre, c'est à se demander si vous faites exprès. Ferme les yeux. »

Marinette ouvrit la bouche pour répondre mais se ravisa au dernier moment.

« Je sais pas si c'est ton manque de confiance en toi ou le fait que tu l'estimes autant qui fait que tu te rends pas compte, mais Mari, je te promets que comment il te regarde... c'est plus que de l'amitié.

— Tu crois que je l'estime trop ? »

Alya ne répondit pas immédiatement. « C'est compliqué, » finit-elle par dire en changeant de pinceau. « Je pense que oui, d'une certaine manière. Mais tu le connais mieux que moi et je sais qu'il y a beaucoup de choses que je sais pas à propos de lui. Et c'est Adrien, il te ferait jamais de mal intentionnellement. Donc même si tu l'estimes trop et que tu le mets sur un piédestal, je pense pas que ce soit forcément mauvais. Tu peux rouvrir les yeux. »

Marinette lui obéit et rencontra le sourire d'Alya — elle était visiblement satisfaite de son travail. « Mais fais attention, » ajouta-t-elle en retouchant quelque chose dans le coin externe de ses yeux.

« D'accord, » répondit Marinette. « Merci. »

Sa meilleure amie lui sourit. « Je suis vraiment contente que ça avance entre vous deux.

— Moi aussi, » lui confia-t-elle en se sentant rougir. « J'ai peur, Al, » murmura-t-elle.

Alya continua de lui recouvrir les pommettes de blush. « Pourquoi ? »

Marinette haussa les épaules en baissant les yeux. « Et si ça mène à rien ? Et s'il change d'avis ? Et si ça fonctionne pas ? Et s'il regrette de m'avoir dit ça et qu'il le pense pas, au final ? Et s'il rencontre quelqu'un d'autre ? Et il m'a dit qu'il était amoureux de cette fille, il y a un an, et si—

— Est-ce que t'es heureuse, là, tout de suite ? » la coupa Alya.

Marinette pensa à cette sortie qu'ils avaient fait tous les quatre à la fin de l'été, au jour où elle avait dit à Adrien qu'elle était là pour elle, au moment où il l'avait prise dans ses bras, à l'après-midi qu'ils avaient passée ensemble pour faire leur exposé, au croissant rempli de pâte à tartiner et de chantilly qu'ils avaient mangé ce jour-là. Elle pensa à toutes leurs discussions, à son cœur qui battait plus fort dès qu'elle le regardait ou pensait à lui, aux rêves qu'elle faisait à propos de lui, à ce qu'il lui faisait ressentir pour la première fois de sa vie.

« Oui, » répondit-elle en levant les yeux.

Alya lui recouvrit les lèvres de gloss légèrement rosé. « C'est tout ce qui compte, alors. Profite de ce que vous avez aujourd'hui. Profite de toutes vos premières fois. Vous parlerez de tout ça le moment venu, » lui dit-elle posément. « Profite, Mari. C'est ton premier amour. »

Cette phrase se répéta dans sa tête, s'imprima dans son cœur, dans chaque cellule qui le composait. Son premier amour.

Alya avait de réelles compétences dans le maquillage. Le creux des paupières de Marinette était recouvert de fard à paupière rose et la forme allongée de ses yeux était complimentée par l'eye-liner de la même couleur qui reposait au-dessus de la racine de ces cils. Cils dont la longueur naturelle était exagérée par le mascara qu'Alya avait consciencieusement appliqué. Ses lèvres brillaient et ses cheveux qui lui arrivaient désormais en bas des côtes cascadaient en de larges boucles noires le long de son buste.

La robe rose poudré que Marinette avait choisie complimentait la finesse de sa taille au niveau de laquelle elle était resserrée. Son décolleté rectangulaire lui rappelait juste à quel point la puberté n'avait pas effectué son travail chez elle mais Marinette n'en avait pas grand-chose à faire — elle aimait bien sa petite poitrine. Les manches de la robe faisaient tout : elles étaient légèrement bouffantes et faites de tulle parsemée de tiges fleuries.

Alya la regarda en sautillant d'excitation. « T'es trop belle ! » s'écria-t-elle. « Les garçons, venez voir mon œuvre d'art ! »

Marinette gloussa face à l'enthousiasme de sa meilleure amie. Adrien et Nino débarquèrent dans la pièce, l'un était en train de finir de boutonner sa chemise et l'autre de mettre sa ceinture. Ils étaient tous les quatre dans l'appartement d'Alya depuis le début de l'après-midi et l'avaient aidée tout installer pour la soirée à venir.

« Quelle bombasse ! » s'exclama Nino d'une voix aigüe. Il se rapprocha d'Alya, lui murmura quelque chose à l'oreille et l'embrassa furtivement.

Marinette sentit ses joues rougir face au regard d'Adrien posé sur elle. Ses yeux étaient comme remplis d'étoiles. « Mari, » murmura-t-il en s'approchant d'elle.

Elle remarqua Alya et Nino s'éclipser — et lui faire un clin d'œil au passage. Un sourire lui redressa les lèvres face à leur attitude et aux joues rougissantes d'Adrien.

« T'as perdu ta langue, Agreste ? » le taquina-t-elle en se rapprochant presque imperceptiblement de lui. Elle avait découvert au fil des mois qu'Adrien avait tendance à faire ressortir un côté malicieux de sa personnalité — surtout quand il perdait ses moyens.

Il se mit à sourire et lui tapota le bout du nez. « Jamais avec toi, » murmura-t-il d'une voix rauque.

Marinette écarquilla les yeux face au sous-entendu qui lui bouscula l'esprit. Ses joues passèrent de roses à cramoisies et une chaleur désormais familière se propagea dans le creux de son ventre.

Adrien se mit à rire et il était tellement proche qu'elle pouvait voir la forme légèrement pointue de ses canines et la légère irrégularité de son incisive la plus à droite. Son haleine mentholée lui caressait le nez à chaque respiration plus rapide que la précédente.

Pourquoi devait-il être si séduisant ? C'était injuste.

« On devrait aller rejoindre les autres, » chuchota-t-elle d'une voix instable.

Adrien hocha la tête et s'éloigna, toujours en souriant. « On devrait. »

Marinette passa devant lui, essaya de calmer le rythme de son pauvre cœur et de réguler sa respiration. Mais Adrien lui attrapa le poignet et c'était reparti de plus belle. Lorsqu'elle se retourna vers lui, il ne souriait plus tellement. Son regard était plus sombre, son expression plus sérieuse. Les doigts qu'il avait posé sur son poignet caressaient doucement sa peau. « T'es vraiment magnifique, Marinette. »

La soirée était remplie de rires, de blagues, de sourires et d'yeux qui pétillent. L'appartement était un concentré de joie adolescente. Ils dansaient, jouaient à des jeux vidéo, se racontaient des anecdotes.

À 23 heures passées, ils étaient tous éparpillés autour de la télévision, en pleine partie de Mario Kart. Il y avait quatre équipes : Alix, Kim et Max — Nathaniel, Marc, Ivan et Mylène — Rose, Juleka, Alya et Nino — Adrien et Marinette.

C'était au tour de cette dernière de jouer et, évidemment, elle dépassait tout le monde de loin. Kim grognait de frustration à chaque carapace qu'il se prenait, Ivan était loin derrière, Nino récupérait trois places pour en perdre cinq ensuite et Marinette avait les yeux rivés sur l'écran, sans qu'aucun bruit ne sorte de sa bouche. Tout le monde s'acclamait et se huait mais elle restait dans sa bulle de concentration.

Jusqu'à ce qu'elle sente la respiration d'Adrien derrière son oreille. « T'es vraiment forte, » murmura-t-il en posant ses mains sur ses épaules.

Marinette se figea. Adrien était assis sur le canapé et elle était entre ses jambes. C'était une position qui, jusqu'ici, ne l'avait pas dérangée. Enfin, ça ne la dérangeait pas non plus maintenant. Mais ça lui faisait ressentir tout un tas de choses qu'elle ne pouvait pas ressentir au milieu de ses amis et en pleine partie de Mario Kart — elle avait une réputation à tenir !

« Pas pour longtemps si tu continues de faire ça, » le prévint-elle en accélérant après un dérapage.

« Faire quoi ? » murmura-t-il en massant ses épaules.

Heureusement qu'elle avait de l'avance parce qu'elle se prit une banane juste avant la ligne d'arrivée. Après s'être assurée que la course était bel et bien terminée, Marinette se retourna.

Adrien lui souriait avec innocence. « Bien joué, partenaire, » la félicita-t-il.

Marinette se pinça les lèvres en ignorant que l'absence de la chaleur de ses mains sur ses épaules lui manquait déjà. « À ton tour, Agreste, » déclara-t-elle en souriant. Elle lui tendit la manette en imitant cette même expression innocente — il n'en était rien, en réalité.

Adrien semblait sceptique mais il prit tout de même la manette, non sans frôler sa main au passage. La course débuta très bien. Le premier tour se termina avec fluidité, jusqu'à ce que Marinette se mette à appuyer sa joue contre l'intérieur de la cuisse d'Adrien.

« Un problème ? » lui demanda-t-elle en penchant sa tête en arrière pour le regarder.

Il continuait de jouer mais la rougeur de ses joues le trahissait et Marinette laissa ce sentiment de satisfaction l'inonder.


Marinette referma la porte de la chambre d'Alya avec son dos et s'avança dans la pièce, à la recherche de ses affaires.

Au moment où elle extirpa un paquet cadeau de son sac, elle entendit la porte s'ouvrir derrière elle.

« Je l'ai, » déclara-t-il en refermant la porte.

Marinette se retourna, les lèvres pressées pour s'empêcher de trop sourire. Les mains d'Adrien étaient derrière son dos et il ne s'empêchait pas de sourire du tout.

« À trois ? » proposa-t-il.

Marinette hocha sa tête levée vers lui. « Un.

— Deux.

— Trois. »

Ils tendirent leurs mains en même temps et Marinette se retrouva avec un paquet cadeau dans les mains. Blanc, avec des pois dorés, assez approximatif. « Désolé, j'avais jamais emballé de cadeau, avant, » expliqua Adrien.

« C'est un bon début, » répondit-elle en ouvrant délicatement le paquet. Quelque chose de doux toucha la pulpe de ses doigts. « Adrien, » souffla-t-elle en dépliant ce qui s'avéra être un pull. Il était rose poudré, tellement clair qu'il en était presque blanc, avec des manches longues et semblait être assez court. C'était très joli.

« On s'est fait le même cadeau, » remarqua-t-il, les yeux rivés sur le pull qu'elle lui avait tricoté. Celui-ci était totalement blanc, avec un col roulé assez large et des torsades sur lesquelles Marinette avait passé des jours.

Elle lui sourit lorsque son regard rencontra le sien. « On dirait bien.

— Merci, il est vraiment beau.

— Le tien aussi. J'aime bien le rose, » répondit-elle en observant attentivement le vêtement entre ses mains.

« J'ai remarqué, oui, » murmura-t-il.

Le ton de sa voix la fit lever les yeux et elle fut immédiatement frappée par sa proximité. Ses yeux étaient si proches qu'elle pouvait voir chaque cil qui les bordait. Ils étaient blond cendré à la racine et s'éclaircissaient sur la longueur, comme ses cheveux.

Le bruit de la musique se mêlait à celui de leurs respirations qui s'accéléraient à mesure qu'ils se rapprochaient. Marinette avait l'impression d'être guidée par un fil invisible — son instinct — qui la fit se dresser sur la pointe des pieds. Son cœur qui battait déjà à une vitesse folle accéléra de plus belle quand Adrien replaça avec une infinie tendresse une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

Il était si près.

Marinette ne sut jamais pas qui avait décidé d'effacer les derniers centimètres qui persistaient entre eux, mais son nez effleura le sien et elle sentait son pouls battre contre ses tempes.

Ils allaient s'embrasser. Et même si elle n'avait jamais senti son cœur battre si fort, Marinette n'avait pas peur. Elle se pencha un peu plus, jusqu'à ce que ses lèvres effleurent les siennes, et...

« Les gars ! Il est bientôt minuit, venez ! »

Marinette était trop prise de court pour reconnaître la voix de la personne qui venait d'ouvrir la porte mais elle allait la tuer. Sa frustration venait probablement de se manifester parce qu'Adrien se mit à rire. « Déçue, princesse ? »

Ses joues devinrent plus rouges que jamais. Adrien ne sourit que plus. « J-je vois pas de quoi tu parles, » marmonna-t-elle. Son visage était toujours trop proche du sien pour qu'elle fonctionne normalement mais pas assez proche maintenant qu'elle savait exactement ce que ça faisait de sentir ses lèvres frôler les siennes.

« Allez, viens, » lui dit-il en entrelaçant ses doigts aux siens. « On va rater le décompte. »

Ils laissèrent leurs cadeaux et rejoignirent les autres. Est-ce qu'elle était vraiment sur le point d'embrasser Adrien Agreste ?


Janvier 2016

La nouvelle année ne débuta pas exactement comme Marinette l'avait espéré.

Elle s'était imaginée se réveiller aux côtés de ses amis, prendre son temps, discuter tranquillement et rentrer chez elle dans l'après-midi pour profiter de ses parents en ce jour férié. Mais, visiblement, Papillon en avait décidé autrement.

L'alerte akuma se déclencha sous les coups de neuf heures, après plus d'un mois passé sans aucune attaque. Marinette sortit une de ses excuses toutes faites — à savoir, que ses parents avaient besoin d'elle pour préparer les pâtisseries du lendemain — et se transforma non sans agacement.

Le combat fut rude. Rude pour un lendemain de soirée, rude pour le premier jour de l'année, rude tout court. Chat Noir et elle eurent du mal à venir à bout du super-vilain et durent utiliser leurs pouvoirs plusieurs fois — trois fois pour Chat Noir, deux fois pour Ladybug. Ce ne fut qu'après deux bonnes heures que l'akuma fut finalement purifié et Paris officiellement sauvé.

« J'espère que c'est pas une de ses nouvelles résolutions, » grommela-t-elle en faisant référence à l'agressivité de Papillon.

Chat Noir posa son bâton en équilibre sur ses trapèzes et bâilla à s'en décrocher la mâchoire. « Il aurait au moins pu attendre demain. Pas d'attaque les jours fériés, c'est une question de respect. On n'est pas des machines ! » s'indigna-t-il.

Ladybug se mit à sourire. « Non, juste des super-héros. »

Chat Noir lui jeta un coup d'œil tout en marchant. C'était peut-être la manière inhabituelle dont il la regardait — comme s'il la découvrait à nouveau — ou peut-être était-elle seulement fatiguée, mais quelque chose passa. Quelque chose qui fit battre son cœur un peu plus fort. Quelque chose qui la déstabilisa suffisamment pour qu'elle bafouille : « Euh... on se voit p-plus tard ? »

Il se contenta d'hocher la tête, sans même la taquiner. Ladybug se rattrapa à la dernière minute pour ne pas trébucher et lança son yo-yo avant de s'élancer dans les airs.

Elle ne savait pas si c'étaient des nouvelles résolutions, mais Papillon semblait inarrêtable, ces temps-ci. Le mois de janvier arrivait à sa fin et il y avait déjà plus de vingt attaques au compteur. C'était déjà arrivé, sur de courtes périodes, que le nombre d'akumatisations soit particulièrement important ou que ces dits akumatisés soient particulièrement coriaces. Mais jamais en même temps.

Il y avait bien une première à tout, mais si cette première pouvait s'arrêter et être la dernière, Marinette en serait plus que soulagée. Elle pouvait supporter ce rythme, mais la réelle question était : pendant combien de temps ? Au bout d'un mois d'attaques presque quotidiennes, Marinette commençait sérieusement à s'inquiéter.

« Et si ça continue pendant des mois ? Des années ? Comment je vais faire, Tikki ?

— Papillon est humain, aussi, Marinette. Il fatiguera, au bout d'un moment, quand il se rendra compte qu'il n'arrivera pas à vous battre. »

Elle hésita à prononcer les mots qui lui piquaient le bout de la langue. « Et s'il arrive à nous battre ? » finit-elle par demander.

Tikki semblait au moins aussi surprise qu'elle de son manque d'espoir : ce n'était pas du tout son genre d'être démotivée, surtout quand ça concernait son alter ego. Elle se remotiva rapidement, cependant. Il ne lui fallut qu'un discours de la part de Tikki et un câlin collectif des autres kwamis pour que Marinette reprenne du poil de la bête et se dise que ce n'était qu'une mauvaise passe et qu'effectivement, ce n'était qu'une question de temps avant que Papillon se lasse.


Mars 2016

Février passa et toujours pas de repli en vue. Au contraire, il y avait désormais au moins une attaque par jour et une bonne dizaine d'heures de sommeil sacrifiées par semaine.

Alors, Marinette rattrapait ses nuits quand et comment elle le pouvait. C'était pour cette raison qu'elle s'était endormie en plein milieu d'une session révisions avec Alya, Nino et Adrien – en plein sur l'épaule de ce dernier, soit dit en passant. C'était confortable, rassurant et familier.

« Je la réveille ? » entendit-elle Adrien demander.

« Non, » répondit Alya. « Regarde comment elle dort bien.

— Un vrai petit couple, » commenta Nino.

Marinette était trop épuisée pour rougir ou émettre une quelconque émotion – et peut-être qu'Adrien l'était aussi, puisqu'il ne répondit rien.

Si elle n'était pas aussi inquiète pour Paris et extenuée de sauver ses citoyens tous les jours, peut-être aurait-elle été frustrée de la tournure que leur relation ne prenait pas. Il ne s'était pas passé grand-chose de plus depuis la soirée du nouvel an. Quelques messages, par-ci, par-là, quelques regards échangés, quelques sourires dérobés, et des moments comme ceux-là, en compagnie d'Alya et Nino. Mais c'était devenu rare et ce n'était même pas ça qui chagrinait le plus Marinette : c'était qu'avec tout ce qu'elle avait à gérer, Adrien n'occupait presque plus ses pensées. Elle ne rêvait plus de lui, ne souriait plus devant son téléphone le soir, ne sentait plus son cœur battre plus fort à chaque fois qu'elle le voyait et ses joues rougir à chaque fois qu'il lui adressait la parole.

Non, elle était juste fatiguée. Tellement fatiguée que ça ne laissait pas tellement de place à quelque chose d'autre.


Juillet 2016

Mars, avril et juin s'écoulèrent sans que le débit d'attaque ne diminue. C'était désormais figé à une akumatisation par jour — parfois deux. Marinette n'était plus qu'un robot ambulant : se lever, aller au lycée, se transformer, retourner au lycée, rentrer chez elle, faire ses devoirs, se transformer, rentrer chez elle, dormir. Encore, encore et encore, inlassablement, jusqu'à ce que Papillon en décide autrement.

Cette dernière journée de juin marquait le début des vacances d'été. Marinette aurait dû être soulagée d'être débarrassée des cours – et elle l'était, mais quelque chose d'autre vint troubler le peu de soulagement qu'elle s'était autorisée à ressentir. Elle avait un projet pour ces deux mois d'été : faire un stage dans un atelier de couture. Projet qui lui était complètement sorti de la tête jusqu'à aujourd'hui. Et, évidemment, ce genre de stage ne se dégottait pas en claquant des doigts et surtout pas une semaine à l'avance.

C'était fichu, complètement fichu. Alors, elle craqua. Ce n'était pas la première fois durant ces mois difficiles qui venaient de s'écouler – loin de là – mais c'était la première fois sous l'identité de Ladybug.

« J'en p-peux p-plus, » sanglota-t-elle en faisant les cent pas sur le toit d'un immeuble. L'akuma du jour venait juste d'être purifié et Paris venait juste d'être remis à neuf. L'après-midi arrivait à sa fin, plongeant la ville sous un manteau crépusculaire de mille nuances d'orange et de rouge. C'était une jolie journée d'été, une journée parfaite pour célébrer la fin des cours.

« Ma Lady ? » l'appela Chat Noir. « Qu'est-ce que—

— Je suis exténuée, Chat, » avoua-t-elle en se tournant vers lui. « J'essaie de tenir le coup mais c'est plus p-possible— »

Un sanglot particulièrement douloureux lui arracha les mots de la gorge et la seconde d'après, son visage s'enfonça dans un costume de cuir. « Ma Lady, » murmura Chat Noir en passant ses longs bras autour d'elle. « Ça va bien se passer, il va finir par arrêter—

— Mais quand ? » s'écria-t-elle, ses torrents de larmes ruisselant le long de ses joues.

« J'en sais rien, » avoua-t-il d'une voix rauque.

« Je peux p-plus faire ça, c'est trop dur, j'y arrive p-plus, je suis fatiguée, » gémit-elle contre lui. C'était sa carapace qui volait en éclats, c'était une version d'elle vulnérable et pleine de doutes qu'elle lui dévoilait. Et ça lui faisait un bien fou.

« Je sais, ma Lady, je sais, » murmura-t-il, une de ses mains caressant doucement la base de ses cheveux au niveau de sa nuque. « J'ai besoin que tu sois honnête avec moi, là, tout de suite, tu peux faire ça ? »

Ladybug leva timidement son visage vers lui. Il avait tellement grandi. Chat Noir lui essuya ses larmes qui perlaient aux coins de ses yeux avec ses pouces et lui sourit d'une manière remplie d'amour. Ladybug sentit ses genoux devenir un peu moins sûrs.

« Est-ce que t'as atteint ton maximum ? » Sa confusion s'était sûrement manifestée sur son visage parce que le sourire de Chat Noir s'intensifia légèrement et qu'il poursuivit : « Est-ce que tu sens que tu peux plus continuer ? Que ça devient sérieusement dangereux pour ta santé, mentale ou physique ? »

Elle ne répondit pas tout de suite. Face à sa réflexion, Chat Noir posa ses mains sur ses joues et plongea son regard dans le sien, la prenant au piège dans ses yeux félins. « Dis-le moi, ma Lady. Si c'est le cas, je deviendrai le Gardien, même si ça veut dire que tu m'oublieras. Même si ça veut dire qu'on doit trouver un autre porteur pour ton Miraculous. »

Prononcer ces mots, envisager cette possibilité lui brisait le cœur – elle pouvait le voir dans son regard, dans la contraction de sa mâchoire, pouvait l'entendre dans l'intonation de sa voix.

Ladybug secoua la tête et posa doucement ses mains sur ses poignets. « Non, » souffla-t-elle. « Non, chaton. Je peux pas t'abandonner.

— Pense à toi.

— Je pense à moi. Et je peux pas t'abandonner. »

Il fronça les sourcils, entrouvrit la bouche mais Ladybug posa son index contre ses lèvres. « J'ai pas atteint mon maximum, » répondit-elle. « Et tu sais quoi ? Je crois que j'ai pas de maximum, tant que t'es avec moi. »

Les mots jaillissaient de son cœur. Il avait ravivé cette flamme de devoir et de détermination qui n'avait cessé de brûler depuis qu'elle était devenue Ladybug. Plus que ça, il lui avait laissé le choix, lui avait offert une porte de sortie que personne ne lui avait proposé auparavant — même pas elle-même.

La manière dont il la regardait la fit ressentir tout ce qu'elle n'avait plus ressenti depuis des mois, comme si tout se bousculait d'un seul coup. Tout l'amour qu'il lui communiquait à travers ses yeux, Ladybug était presque sûre de lui rendre au centuple tant le sentiment était fort. C'était fort, trop fort, tellement fort que ça débordait. Elle avait un besoin physique de manifester cet amour.

Ladybug sentit son cœur pulser à un rythme effréné dans sa poitrine en se rendant compte qu'elle avait envie de l'embrasser. Peut-être même plus.

Quelque chose d'autre que sa flamme de Ladybug s'embrasa lorsqu'il posa ses lèvres contre sa joue et l'enferma à nouveau dans ses bras.

« Ma Lady, » murmura-t-il contre son oreille. « Merci. »

Merci pour quoi ? Elle ne lui demanda pas. Elle n'était même plus sûre d'avoir l'usage de la parole alors que tous ces sens étaient inondés par sa présence.

Pourquoi n'avait-elle jamais ressenti ça jusqu'à aujourd'hui ? Pourquoi c'était plus fort que chacun des rêves qu'elle avait eu à propos d'Adrien ? Pourquoi ressentait-elle ça alors qu'elle était censée être amoureuse d'Adrien ?

Ladybug chassa ces questions et s'abandonna dans leur étreinte. Il était là et c'était tout ce qui comptait pour le moment.


J'espère que le chapitre vous a plu ! Dites-moi ce que vous pensez de l'évolution de la relation d'Adrien et Mari, de nouvel an et de Papillon qui débarque, j'ai hâte de connaître vos avis.

La semaine prochaine, chapitre de nouveau beaucoup plus sombre, tenez vous prêts !

Bonne semaine à tous !

— Lucie.