« Thought I could leave you

'Cause I felt my heart numbling

It hit so deep I closed my eyes and just took off running

Push me away, you push me away

But I always stay, I always stay, yeah

But will you

Will you? »

Stay — Kygo


Juillet 2022

« C'est tout ?

— Oui, c'est tout.

— Tu sais rien d'autre ?

— Non.

Nino Lahiffe

— Arrête ça ! Il m'a rien dit d'autre, OK ? »

Marinette observe son café onduler à la surface du mug. Le lait forme une trainée blanche qui s'apparente presque à un papillon. Amusant. « Je dois y aller, » déclare-t-elle soudainement.

La discussion animée — pour ne pas dire la dispute — d'Alya et Nino se stoppe et leurs regards se tournent vers elle d'un mouvement commun. « T'as pas dit grand-chose depuis ce matin, » remarque Alya.

Elle hausse les épaules en se levant. « Qu'est-ce que tu veux que je dise ?

— J'en sais rien—

— Y a rien à dire. Adrien couche avec Lila. Adrien a des fréquentations clairement merdiques. Adrien a l'air d'aimer se battre. » Elle n'avait pas dit son prénom à voix haute autant de fois en si peu de temps depuis des lustres. Ça lui laisse une sensation bizarre sur la langue. Douce-amère.

« Justement, » reprend Alya. « T'as besoin de parler de—

— J'ai besoin d'aller travailler. Merci pour le petit-déj et pour le canapé. » Elle les embrasse l'un après l'autre sur la joue. Alya semble inquiète et à court de mots — ce qui est rare. Nino semble ailleurs, pensif. Elle est presque sûre qu'il en sait plus que ce qu'il ne dit.

Marinette sort de l'appartement et se retrouve dans la rue sans s'être réellement rendu compte que son corps bougeait. Ses mouvements sont mécaniques, son cerveau déconnecté. Elle évite de penser à la nuit dernière, évite de penser à tout ce qui concerne Adrien.

Évite de penser, tout court.


Août 2022

Les jours passent, s'étirent, se ressemblent. Les températures restent désagréablement hautes et Marinette continue de se distraire pour ne pas se retrouver seule avec ses pensées.

Ça pourrait être dangereux.

« Alors, quoi de neuf ? »

Marinette regarde son reflet dans le miroir. Ment, ment, ment. Ce sera pas la première fois. « Pas grand-chose. J'aime bien travailler au café, mes collègues sont tous super gentils. Et on sort pas mal, avec Alya, Nino et les autres. Je profite avant de commencer mon stage.

— Tu le commences la semaine prochaine, c'est ça ?

— Hmmm, » acquiesce-t-elle en se penchant en avant, concentrée dans l'application de son eye-liner. « Et toi, tu commences quand, déjà ?

— Début septembre. Mais... je sais pas.

— Tu sais pas quoi ?

— Je sais pas si j'ai envie d'y aller. »

Marinette se redresse et jette un coup d'œil à Atlas à travers son téléphone. Il est accoudé au comptoir de la cuisine et se pince nerveusement les lèvres, comme s'il attendait son avis.

« Tu penses à ça depuis combien de temps ?

— Sérieusement, depuis le début de l'été. Mais ç'a toujours été dans un coin de ma tête.

— Oui, je sais, » dit-elle d'une petite voix. Elle sait très bien que la mode n'a jamais autant emballé Atlas que ça la passionne elle. Il a toujours bien aimé ses études, mais elle remarque bien que plus leur remise de diplôme approche, plus son anxiété grandit, comme s'il ne voulait pas que ses études se terminent.

Marinette a toujours une petite appréhension en pensant à son stage et à son avenir professionnel. Mais son angoisse est toujours contrebalancée par sa hâte et son excitation. Ce n'est pas le cas pour Atlas.

« Écoute, il te reste un peu de temps. Réfléchis-y encore, mais si tu te sens vraiment mal à l'idée de commencer le stage... Personne t'en voudra si t'arrêtes, tu le sais ? »

Il ne répond pas, détourne son regard de son téléphone et se met à ranger — il range toujours quand il est nerveux. Ou il cuisine. (Oui, vivre avec Atlas est une vraie bénédiction.)

« Oui, je sais, » finit-il par dire. « C'est juste que... je me sentirais bête d'arrêter maintenant, tu vois ?

— Je comprends. Mais si tu te projettes pas là-dedans, autant arrêter maintenant que d'arrêter dans quelques années.

— C'est vrai.

— Parle-en avec les autres. Avec Luka, aussi. Il pourrait sûrement t'aider.

— Je ferai ça. Merci, Mari. »

Elle lui répond d'un léger sourire et se rapproche à nouveau du miroir pour finir son maquillage. « Comment il va, Luka ? » demande-t-elle en recouvrant ses cils de mascara.

« Ça a l'air d'aller. Mais tu le connais, il parle pas trop de ces choses-là.

— Ouais, je sais. Tu crois que je devrais lui envoyer un message ?

— Tu peux. Ça lui ferait plaisir, je pense. »

Marinette hoche la tête. Ça lui arrive de penser à Luka. À la manière dont les choses se sont terminées, au mal qu'elle lui a causé. Le timing n'a jamais été bon entre eux.

« Comment ça se passe pour toi ? » lui demande-t-il.

Marinette évite d'éclater de rire en appliquant son rouge à lèvres. Ce n'est pas drôle, de toute façon. « Tu parles du mot qui commence par un s ? C'est toujours le néant.

— Je me sens moins seul.

— Tu sais quoi ? Si à vingt-cinq ans, on a toujours pas retrouvé une vie sexuelle, on le fait ensemble. »

Atlas explose de rire et Marinette le rejoint rapidement. « Je suis sérieuse. T'es bi, ça peut marcher.

— Mari, j'ai pas couché avec une fille depuis... très longtemps.

— Et j'ai pas couché avec un mec depuis probablement encore plus longtemps. »

Il le regarde en secouant la tête, un sourire au coin des lèvres. « Peut-être que t'auras de la chance ce soir, » lui dit-il. « Tu sors avec qui ?

— Alya et d'autres copines. Et tu seras le premier à savoir si je finis par me faire sauter.

— Quel privilège, » répond-il en pouffant.

Marinette attrape son parfum en hochant la tête. Un bruit parvient à ses oreilles. Ça vient du balcon. Un oiseau, probablement. Au moment où elle ouvre la bouche, le bruit recommence, plus fort. Suivi d'un miaulement. Un miaulement ?

« T'as un chat, toi, maintenant ?

— Non, » répond Marinette en fronçant les sourcils. « C'est bizarre, » marmonne-t-elle en sortant de sa salle de bain. « Ohhh, » laisse-t-elle échapper en s'approchant du balcon. Il y a un chat, un tout petit chat blanc sur la balustrade. « Doucement, minou. C'est haut, ici.

— Qu'est-ce que tu dis ? »

Marinette esquisse un sourire. « Le chat est français, Atlas.

— Qu'est-ce que t'en sais ? »

Elle s'approche doucement jusqu'à être suffisamment proche de l'animal pour pouvoir l'attraper. « Salut, toi, » murmure-t-elle. Le chat se laisse faire et Marinette l'entoure de ses bras jusqu'à ce qu'il soit recroquevillé contre elle. « T'es vraiment trop chou.

— Montre le chat ! » s'exclame Atlas.

Marinette attrape son téléphone abandonné sur la petite table de son balcon et sourit à nouveau en voyant l'expression d'Atlas. « Elle est toute petite, » dit-elle en anglais.

« Lady ? »

Marinette fronce les sourcils. Est-ce que c'est—

« Lady ? »

Oui, c'est Adrien. Il fait tout un tas de petits bruits avec sa bouche et Marinette sent le chat — Lady, apparemment — redresser sa minuscule tête.

« Je dois te laisser, » dit-elle à Atlas. « Je dois aller rendre le chat.

— Tu devrais le garder. Il est vraiment mignon. »

Le sourire qu'elle esquisse n'est plus tellement sincère, cette fois-ci. « Je te rappelle, d'accord ?

— D'accord. Prends soin de toi, Mari.

— Toi aussi. »

Elle raccroche, abandonne à nouveau son téléphone et s'avance vers son balcon. Doucement, dit-elle à son cœur. Pourquoi tu bas aussi vite à chaque fois, sérieusement ?

« Lady ? Lady, espèce de minuscule et adorable chat— Oh. » Adrien est sur son balcon, penché au-dessus de la rambarde. Il semble gêné.

Marinette serait gênée aussi. Il a appelé son chat Lady. Ou peut-être qu'il — qu'elle, probablement — s'appelait déjà comme ça et qu'il l'a recueillie ou quelque chose du genre. Elle n'en sait rien. Elle ne sait rien de sa vie. Absolument rien.

« Elle était sur ma rambarde, » explique-t-elle en se rapprochant du muret qui sépare leurs deux balcons.

« Oh. D-Désolé. Merci... Je— Merci. » Elle lui tend Lady — presque à contre cœur, elle est vraiment mignonne — et Adrien la récupère. « Allez, file. Vilain chat. »

Elle trottine à l'intérieur de l'appartement et Marinette a du mal à réfréner un sourire. En tout cas, le nom est très bien choisi.

Ils se regardent, pas plus de trois secondes, détournent le regard, recommencent. C'est un peu bizarre. Qu'est-ce qu'elle est censée faire ? Partir sans rien dire ? Lui demander comment il va, comme le font les voisins ? Ils ne sont pas voisins voisins. Enfin, si, mais—

« À propos de l'autre soir, je suis désolé que t'aies vu... ça. » Il appuie son épaule contre la fenêtre, laisse ses doigts courir le long du muret.

Il semble nerveux. Il ne tient pas en place quand il est nerveux. Marinette repense à la première fois où elle l'a revu, quelques semaines auparavant. Pense à la fois où elle l'avait insulté. À celle où il s'était excusé. À la nuit où elle était venue toquer chez lui. À la soirée au bar. Cinq fois. Ils se sont vus cinq fois. Six, en comptant maintenant et en oubliant les fois où ils se sont croisés sur le palier.

Six fois, six différents Adrien. Sans émotions, courtois, méprisant, soucieux, pris de court, énervé, embarrassé. Tellement de facettes de sa personnalité. Certaines sorties de nulle part, certaines vaguement familières. C'est comme s'il ne savait jamais comment agir avec elle.

Elle n'allait pas le blâmer : elle ne sait pas comment agir avec lui, non plus. Est-ce qu'elle devrait être énervée ? Froide ? Amicale ? Indifférente ? Elle aimerait être indifférente.

Quoique, l'aimerait-elle vraiment ? Ressentir, c'est bien. Même si c'est le bazar, même si elle ne sait pas exactement ce qu'elle ressent, elle sait qu'elle ressent quelque chose. Elle préfère ça que de ne rien ressentir. Que de se sentir vide.

C'est exactement pour ça qu'elle ne se laisse pas aller à penser : elle n'a rien dit depuis un moment, à en croire le regard confus d'Adrien. C'est tellement simple de se perdre dans ses pensées, tellement plus simple que d'affronter ce à quoi elle pense — celui à qui elle pense.

« Oui, oui, désolée... Que j'ai vu quoi, exactement ? »

Il ouvre la bouche. Hésite. La referme. L'ouvre à nouveau. « Tu sais, moi qui... tu sais.

— Toi qui éclate le nez de quelqu'un ? »

Il se gratte nerveusement la nuque — il ne tient pas en place quand il est nerveux, encore une fois. « Ouais... Désolé pour ça. »

Elle ne sait pas quoi répondre. Ne sait pas vraiment quoi penser, non plus. Elle a vu un tas de choses, ce soir-là. Adrien avec Enzo. Il a l'air gentil. Enfin, Adrien aussi a l'air gentil, pourtant il enfonce son poing dans la figure des gens à ses heures perdues, donc Marinette n'est plus vraiment sûre qu'un air de gentil veuille dire grand-chose. Cet inconnu — Ryle — qui essaie de mettre quelque chose dans son verre. Adrien qui le remarque. On va aller faire un tour dehors, a-t-il dit. Ryle, écoute-le. Ça vaut mieux, a dit Enzo. C'est quoi ton problème ? Pourquoi tu t'en prends à moi ? a dit Ryle. Marinette se repasse en boucle la scène depuis des jours. Elle ne l'analyse pas — ne se laisse pas l'analyser. Mais les images passent, repassent, encore et encore. Les coups de poings, les os qui craquent, le sang. Pourquoi t'as mis ça dans son verre ? a demandé Adrien. Il te l'a demandé ?

La manière dont il avait inspiré, comme s'il venait de prendre une décision. La manière dont il s'était tourné vers elle. Il l'avait fait rentrer à l'intérieur. Il ne lui avait jamais obligé à faire quoi que ce soit avant. Jamais. Mais il l'avait obligé à rentrer. Pourquoi ? Pourquoi pourquoi pourquoi—

Arrête, se dit-elle.

« Merci, » souffle-t-elle. Quoi ?

Adrien fronce les sourcils. Marinette aussi. « Pourquoi tu—

— Merci de m'avoir empêché de boire ce verre. »

Pourquoi tu lui dis merci ? Ce n'était définitivement pas prévu. Ses lèvres semblent complètement indépendantes de son cerveau — ce ne serait pas la première fois, après tout. Surtout quand ça concerne Adrien.

Il ne semble plus confus, ni embarrassé. Il semble énervé. Il est énervé. « Me remercie pas. »

Il a raison. Elle ne devrait pas le remercier. Encore heureux qu'il l'a empêché de boire ce verre s'il a remarqué ce que Ryle avait mis dedans. Adrien à part, histoire d'amour tragique et passionnée à part, c'est le minimum syndical.

Alors pourquoi l'a-t-elle remercié ? « Je sais, c'est normal, mais... Quand même. »

Il remue la tête. Son regard est dur. Il ne bouge plus dans tous les sens. « Non. Me remercie pas. »

Marinette fronce les sourcils, ouvre la bouche pour répondre quelque chose.

« Merci pour mon chat, » déclare-t-il en s'éloignant. « Et... passe une bonne soirée, » ajoute-t-il en laissant son regard embrasser son corps. Et puis, il disparaît.

Marinette relâche sa respiration — elle ne s'était même pas aperçue qu'elle ne respirait pas. Et son cœur. Pourquoi est-elle aussi nerveuse ? Pourquoi tout semble douloureux quand il est à côté d'elle alors qu'il était la personne avec laquelle elle était le plus en paix ? Avant, c'était avant.

Avant.

Elle a passé une très bonne soirée avec Alya, Alix, Rose, Juleka, Chloé et leurs amies dont elle a oublié le prénom. Elle a beaucoup dansé, beaucoup ri et beaucoup bu. Probablement trop, parce qu'arriver à son appartement ne lui a jamais semblé si compliqué.

Elle voulait éviter de penser. C'est réussi.

« Alya, je sais plus c'est lequel des deux.

— Tu sais plus où t'habites ?

— Si, c'est la porte de droite. Je crois. »

Alya tombe plus qu'elle ne marche jusqu'à ladite porte et Marinette s'écroule sur elle en éclatant de rire. « Attends, faut que je trouve mes clés. J'ai un trop grand sac, » soupire-t-elle en fouillant dans son sac à main, à la recherche désespérée de ses clés.

« Je vais dormir devant ta porte, » décide Alya en glissant sur le sol.

« J'ai trouvé mes clés ! » s'écrie-t-elle en s'agenouillant devant sa porte. « C'est bizarre, ça rentre pas.

— J'ai déjà entendu ça. »

Marinette n'a pas le temps — et est probablement trop saoule, de toute façon — de relever le sous-entendu d'Alya que la porte d'à côté s'ouvre, révélant uniquement de très longues jambes. Marinette doit lever la tête pour découvrir le visage d'Adrien et celui de Nino.

« Babe ! » s'écrit Alya en tendant les bras. « Je sais pas pourquoi t'es là, mais je suis contente. »

Les connexions neuronales de Marinette ne sont pas assez effectives pour lui permettre de se poser la question de pourquoi Adrien et Nino sont ensemble. Une autre partie de son corps reste cependant très effective dès lors qu'elle pose ses yeux dans ceux d'Adrien.

« Tu sais qu'il a un chat ? » demande-t-elle à Alya en lui donnant un coup de coude.

Sa meilleure amie éclate de rire. « Un chat ? Lui ? Il a un chat ? C'est marrant. Tu devrais prendre une coccinelle, Mari. »

Marinette la rejoint dans son fou-rire et est presque sûre qu'Adrien esquisse un sourire. « Regardez, on est tous les quatre ! Ça fait tellement longtemps ! » se réjouit-elle en abandonnant l'idée d'ouvrir sa porte.

« Je crois que je vais pleurer.

— Tu pleureras à la maison. Allez, viens, on y va, » décide Nino. Il aide Alya à se relever et passe un bras autour de sa taille. « Tu t'occupes d'elle ? »

Marinette, toujours échouée sur le sol, observe le regard qu'il lance à Adrien et le hochement de tête de ce dernier.

« Pas de bêtises, » avertit Nino avant de monter dans l'ascenseur.

Marinette pouffe de rire mais n'essaie pas de bouger d'un centimètre. Le sol est étrangement confortable.

« Allez, debout, » lui ordonne Adrien, désormais debout devant elle.

Marinette lève la tête. « T'es vraiment super grand. »

Il s'accroupit, un sourire au coin des lèvres. « Donne-moi tes clés.

— Non. Je suis bien, ici.

— Mari, » soupire-t-il.

Elle aime bien l'énerver, le voir souffler et perdre sa patience. Il est particulièrement beau quand il est agacé. « Adrien, » l'imite-t-elle. « Adrien. Adrien. J'aime bien ton prénom. »

Son petit sourire en coin se dessine à nouveau sur son visage. « Merci. Tu sais ce que j'aime bien, moi ? » demande-t-il en se rapprochant d'elle.

Marinette ne répond pas. Elle sait ce qu'il aime bien. Il aime bien quand elle l'embrasse la première. Il aime bien quand elle lui mordille le bas du cou. Il aime bien quand elle est au-dessus.

« Tes clés, » murmure-t-il en lui souriant innocemment.

Marinette soupire de frustration. « Elles sont quelque part par terre, » dit-elle en se redressant jusqu'à être accroupie. Le mélange de l'alcool, de sa maladresse innée et des talons de quinze centimètres qu'elle a aux pieds ne semble cependant pas être d'accord. Elle tombe en arrière, rattrapée par quelque chose de ferme contre son dos et autour de sa taille.

« Merci, » souffle-t-elle en se rendant compte qu'il s'agit du torse et du bras d'Adrien. C'est aussi sa respiration contre son oreille et son odeur qui lui chatouille le nez. Elle n'a qu'une envie, c'est de se laisser un peu plus aller contre lui. Mais peut-être qu'il lui manque encore un verre d'alcool supplémentaire pour écouter ses envies.

« Trouvé, » déclare Adrien en attrapant ses clés. Les yeux de Marinette s'attardent un peu trop longtemps sur sa main droite, sur ses doigts et sur les bagues qui les ornent. Elle imagine cette même main autour de sa taille. Autour de sa cuisse. Autour de son cou.

Arrête, se dit-elle. Arrête arrête arrête arrête arrête

« Allez, on se lève, » décide-t-il en l'entraînant dans son mouvement.

Marinette se retrouve sur ses jambes chancelantes, le dos toujours pressé contre le torse d'Adrien. « Adrien, y a tout qui tourne. »

Son rire contre son oreille la fait frissonner. « Attends, » dit-il en ouvrant la porte. Marinette laisse échapper un gémissement de surprise lorsqu'il passe un bras derrière ses cuisses. La seconde d'après, elle est dans ses bras.

Il ne la regarde pas, concentré à avancer dans son appartement qu'il ne connaît pas, alors Marinette s'autorise à l'observer. Ses cheveux sont rassemblés en un chignon à l'arrière de sa tête, comme la plupart du temps. Marinette aime bien ses cheveux longs. Un peu trop, d'ailleurs.

Elle sent ses yeux commencer à se fermer quand il la pose délicatement sur son lit. Ses chaussures quittent ses pieds, son sac se retrouve sur le sol et Adrien l'aide à se redresser. Il a un tee-shirt — qu'il vient probablement de prendre dans son armoire — posé sur l'épaule.

« Tu peux mettre ça toute seule ?

— Non. »

Elle ment. Il sait qu'elle ment. Mais il lui fait quand même lever les bras et lui enlève quand même sa robe. Marinette n'avait pas senti son cœur battre aussi vite depuis ses dix-huit ans. Ça la soulage, d'une certaine manière. De voir que son corps est toujours capable de répondre de cette façon, qu'elle est toujours capable de sentir cette flamme au creux de son ventre. Mais ça la terrifie, aussi. Parce qu'elle se demande si elle est capable de ressentir ça avec quelqu'un d'autre. Elle se le demande depuis des années.

Sa robe abandonne son corps et la laisse complètement nue devant Adrien — excepté sa culotte. Elle ne sait pas si ce sont ses nerfs qui lâchent ou si c'est juste parce qu'elle est complètement ivre, mais Marinette explose de rire.

« Quoi ? » demande Adrien, le tee-shirt toujours en travers de l'épaule. C'est drôle, parce qu'elle est suffisamment saoule pour se retrouver nue devant lui, mais elle arrive quand même à remarquer qu'il rougit.

« C'est juste que, » articule-t-elle dans son fou-rire, « ça fait tellement longtemps qu'un mec m'a pas vu toute nue. » C'est intéressant, comment une tournure de phrase peut changer un fait. Elle ne lui a pas menti en soi. Mais il ne connaît pourtant pas la vérité.

Elle rit tellement que ses poumons ont du mal à s'oxygéner, rit tellement qu'elle sent des larmes aux coins de ses yeux, rit tellement qu'elle ne sait plus vraiment pourquoi elle a trouvé ça drôle au départ.

Son dos retombe sur le matelas, exposant la totalité de son buste. Adrien est toujours penché au-dessus de son lit, ses yeux inquiets rivés sur elle.

« Met ça, » lui dit-il avec douceur.

Marinette l'attrape par le col de son tee-shirt si soudainement qu'il tombe à moitié sur elle. Leurs visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. « Adrien, » murmure-t-elle, « j'ai besoin de sexe, tu comprends ? J'ai besoin que quelqu'un me—

— J'ai compris, » la coupe-t-elle, à bout de souffle. Il se redresse et quitte la pièce. Marinette n'a plus les idées assez claires pour se demander où il va. « Et ce soir ? » demande-t-il, d'autre part dans l'appartement. « Personne pour... satisfaire tes besoins ?

— Non. Enfin, si. Y avait ce gars qui me regardait. Il était mignon.

— Et ?

— Hmmm.

— C'est pas une réponse, » dit-il en revenant dans son champ de vision, un verre d'eau, des cotons, du démaquillant et une bassine à la main.

Elle se demande pendant une microseconde comment il a déniché tout ça mais se souvient ensuite que son appartement fait la moitié la taille du sien et que sa salle de bain n'est jamais rangée.

Adrien pose le verre d'eau sur la table de nuit, la bassine par terre et imbibe un coton de démaquillant. « Alors ?

— J'ai chaud.

— Je sais. Je vais ouvrir la fenêtre. Ferme les yeux. »

Elle obéit, essaie d'ignorer les galipettes de son cœur dans sa poitrine. Il est vraiment en train de la démaquiller ?

« Je suis pas assez bourrée pour te parler de ça.

— Tu t'en rappelleras pas demain.

— Justement. »

Marinette rouvre les yeux, pile au moment où ceux d'Adrien se perdent sur son corps. Il dérive le regard la seconde d'après. « Et toi ? Tu comptes me parler de tes histoires ? »

Assis au bord de son lit, Adrien contracte nerveusement sa mâchoire. « Non, » souffle-t-il.

« Voilà.

— Je te dis un secret si tu m'en dis un.

— C'est pas juste. Tu t'en rappelleras, toi.

— Peut-être que toi aussi. C'est aléatoire, l'alcool. »

Marinette observe la sincérité de son expression, écoute l'honnêteté de sa voix. « C'est vrai, » avoue-t-elle. « Juste un ?

— Juste un. »

Elle soupire, replie ses genoux jusqu'à ce que ses pieds soient à plat contre le matelas et se tourne légèrement vers Adrien. Elle pourrait lui dire un vrai secret. Ce n'est pas ça qui lui manque. Mais il y a toujours cette partie de son cerveau qui résiste aux shots de téquila. « Te voir frapper ce mec, l'autre soir ? » Elle se pince les lèvres, ses yeux ancrés dans ceux d'Adrien. « Très excitant. »

Quelque chose se passe sur son visage. Marinette n'est pas assez lucide pour comprendre quoi exactement, mais une étrange lueur brille dans ses yeux. Pas une bonne lueur.

Mais il lui sourit. « J'ai toujours su que tu me disais pas tous tes fantasmes. »

Elle s'étire, étrangement à l'aise pour quelqu'un qui n'est qu'à une culotte d'être nue devant son ex-copain-coéquipier-meilleur ami.

Son regard dérive avec moins de réserve, cette fois-ci. Elle sait qu'il regarde ses tatouages. Ses seins aussi. Bien qu'il n'y ait pas grand-chose à voir.

« Tes tatouages, » murmure-t-il. « Très excitant.

— C'est ton secret ?

— Non. C'est juste un fait. Est-ce que c'est un— »

Marinette ramène la couverture jusqu'à son ventre. « Non. » Si. Si, c'est un chat noir tatoué en bas de son ventre, à droite de son entrejambe. « C'est quoi ton secret, alors ? »

Adrien pose à nouveau ses yeux dans les siens. « J'ai couché avec beaucoup de filles.

— C'est pas un secret ça, crétin.

— Jalouse, peut-être ?

Elle ne répond rien. Bien sûr que oui, elle est jalouse.

Adrien pouffe de rire et Marinette se pince les lèvres pour retenir son sourire. « J'ai couché avec beaucoup de filles, mais... » Il ferme les yeux un instant, prend une grande inspiration. « Mais ça a jamais été aussi bien qu'avec toi. Même pas un peu aussi bien. Et ça... commence à me faire peur, » avoue-t-il en plongeant à nouveau les yeux dans les siens.

Marinette ne sait pas quoi penser, alors elle ne pense à rien du tout, seulement à remercier l'alcool pour empêcher son cerveau de se consumer. « Ouais, c'était vraiment bien, » se contente-t-elle de dire.

« On était doués, faut le reconnaître, » renchérit-il.

« Je pense que c'est parce qu'on se connaissait par cœur. On savait exactement quoi faire pour donner du plaisir à l'autre.

— Hmmm... Te voir prendre du plaisir aussi, c'était... la meilleure partie.

— Et t'as pas ça avec tes... copines ?

— Non. C'est pas que je m'en fiche de les voir prendre leur pied, mais... je suis juste content de moi, sur le moment. Ça va pas plus loin que ça.

— Je vois. Je te donnerais bien des conseils, mais je suis pas très bien placée. »

Adrien se fend d'un sourire affectueux. « Oh, mais je sais exactement d'où vient le problème.

— Et c'est quoi ? »

Il lui donne une petite tape sur le bout du nez. « On a dit un secret, Dupain-Cheng. »

Elle lui sourit, les yeux se levant vers lui à mesure qu'il se lève du lit. « Est-ce que depuis qu'on se connait, on a été complètement honnête l'un avec l'autre ? »

Le sourire d'Adrien disparaît en une seconde. « Non, » murmure-t-il. « Non, jamais.

— C'est triste, » dit-elle en bâillant.

Adrien ne répond rien. Ou peut-être que si, mais Marinette se sent sombrer dans un sommeil si profond qu'elle ne se rend plus compte de grand-chose. Elle regarde Adrien ouvrir la fenêtre de sa chambre, perçoit sa présence près d'elle pendant un moment, jusqu'à ce qu'elle soit basculée complètement sur son côté gauche. Elle sent une caresse en-dessous de son menton, aussi légère qu'une plume.

Et puis, plus rien.


Marinette passe son dimanche à réfléchir. Elle s'est réveillée avec un affreux mal de crâne et une envie d'être partout sauf dans son corps. La bassine à côté de son lit avait été très utile.

Je boirai plus jamais, se promet-elle comme à chaque fois qu'elle se réveille avec gueule de bois. Bien que cette gueule de bois soit légèrement différente des autres.

Déjà, cette histoire de bassine. Le fait de ne pas avoir à courir aux toilettes est appréciable. Ensuite, elle est démaquillée. La fenêtre de sa chambre est ouverte et Marinette est presque sûre qu'elle serait morte d'hyperthermie dans son sommeil si elle était restée enfermée dans son appartement où il fait au moins un milliard de degrés. Elle ne porte plus sa robe de la veille, non plus.

C'est bizarre, finit-elle par se dire. Elle était vraiment, vraiment alcoolisée. Si le mal de tête n'était pas un indice suffisant, le trou noir qui remplace ses souvenirs de la nuit précédente l'est définitivement. C'est donc impossible qu'elle ait eu la présence d'esprit de mettre une bassine et de se démaquiller et d'ouvrir la fenêtre et d'enlever sa robe. Quatre actions intelligentes, c'est beaucoup trop pour Marinette bourrée.

C'est là qu'elle se rappelle. L'eau de la douche coule le long de son corps et ses cheveux trempés collent à sa nuque. « Non, » lâche-t-elle. « Non, j'ai pas fait ça— »

Si, tu l'as fait, se répond-elle. Les rires dans le couloir. Adrien. Les bras d'Adrien. Le sourire d'Adrien. Elle n'a le droit qu'à des flash, comme si tout était noir et que la lumière ne se faisait que sur une poignée d'instants. Qu'est-ce qu'il lui a dit ? Qu'est-ce qu'elle lui a dit ?

« Merde ! » s'exclame-t-elle en se rendant compte qu'elle s'est réveillée nue — ou presque. Est-ce qu'il l'a déshabillée ? Est-ce qu'il l'a vue toute nue ?

Oh mon Dieu, se dit-elle. Elle a vraiment du mal à cohabiter avec elle-même, parfois.

« Je vais tuer ton copain, Al.

— Moins fort, Mari, j'ai super mal à la tête.

— Non, sans blague ?

— Qu'est-ce que—

— C'est justement le problème ! Tu te rappelles d'hier soir ? »

Alya fait un bruit à la limite entre le gémissement de douleur et le soupir à travers le téléphone. « Je me rappelle d'avoir dansé. Je me rappelle les shots. Je me rappelle le gentil chauffeur qui nous a ramené. Je me rappelle d'être montée chez toi. C'était compliqué. Et je me rappelle avoir rigolé. Après je suis rentrée avec Nino et je crois que je me suis endormie dans l'ascenseur. »

Marinette sourit presque à ça. Presque. « Oui, t'es rentrée avec Nino et vous m'avez laissée toute seule, complètement torchée avec Adrien !

— Oh merde, Mari, qu'est-ce que t'as fait ?

— Tu te fous de ma gueule ? Qu'est-ce que Nino a fait ? C'était le seul qui avait un cerveau fonctionnel !

— Arrête de hurler, » ronchonne Alya. « J'ai le cerveau qui va exploser.

— Je me suis réveillée toute nue, Al.

— Toute nue ?

— Enfin, j'avais encore ma culotte—

— T'étais pas toute nue, alors.

— C'est pas le sujet

— Si, c'est le sujet. Adrien a vu tes seins, et alors ? C'est pas comme si c'était la première fois.

C'est pas le sujet !

— Ouais, c'est vrai. Désolée, je crois que je suis encore un peu bourrée. »

Marinette appuie son front contre le dossier du canapé. « J'ai la tête qui tourne.

— Moi aussi, c'est normal.

— Pas à cause de l'alcool. À cause d'Adrien. »

Alya ne répond pas tout de suite. Elle réfléchit, probablement. Ou elle s'est endormie avec le téléphone contre l'oreille. « T'es sûre que c'était Adrien qui t'a enlevé ta robe ? Peut-être que—

— Non, c'était Adrien. La fenêtre était ouverte, il y avait une bassine à côté de mon lit et j'étais démaquillée.

Ohhh !

— Quoi ?

— C'est mignon.

— Alya—

— Oui, oui, désolée. C'est pas mignon. »

Marinette soupire. « C'est pas ça le problème. C'est pas qu'Adrien m'ai vue toute nue ou bourrée ou j'en sais rien. » C'est une partie du problème. Parce que son corps ne ressemble en rien à celui de ses dix-sept ans. Parce que la raison et les conséquences de l'alcool qu'elle ingurgite ne ressemblent en rien à la raison et aux conséquences quand elle avait dix-sept ans, non plus. « C'est juste que... C'est clairement quelque chose qu'Adrien — le vrai Adrien — ferait.

— Hmmm, » acquiesce Alya.

« Donc il est toujours là. Mais alors... comment quelqu'un de si gentil pourrait faire des choses comme tabasser un mec à la sortie d'un bar ou coucher avec Lila Rossi ?

— Je suis pas sûre que sa gentillesse ait quoi que ce soit à voir avec qui il se tape.

— Lila, » lance Marinette. « Il couche avec Lila

— Je sais, je sais. Mais... je pense pas qu'il y ait de signification cachée derrière ça. Il couche avec Lila juste pour... coucher avec Lila, tu vois ? »

Marinette ferme les yeux un instant. Repense à la détresse dans ses yeux quand elle est allée le confronter à propos d'elle. Je te promets que c'est pas ce que tu crois, a-t-il dit. Le cliché, la phrase que tout le monde dit.

Mais les mots sonnaient tellement sincères sur ses lèvres. Et Adrien n'est pas un menteur. En tout cas, il n'était pas un menteur.

« Je sais pas, » soupire Marinette. « C'est juste que... comment quelqu'un d'aussi gentil pourrait faire des choses aussi discutables ? Oui, peut-être que c'est juste du sexe, mais il sait à quel point elle m'a fait du mal. Il le sait mieux que personne. Il ferait jamais ça si c'était juste du sexe. Il le ferait avec quelqu'un d'autre. Il le fait déjà avec un tas d'autres filles, d'ailleurs. » Celle qu'elle a aperçue sur son balcon la première fois où ils se sont revus. Une blonde pendue à ses lèvres, juste avant que la porte de chez lui ne se ferme. Une brune qui descend les escaliers de leur palier. Une autre brune qui montait les escaliers, cette fois-ci. « Ça a aucun sens. Même cette histoire au bar, aucun sens.

— J'en sais rien, Mari. Je veux y croire, je veux croire que le Adrien qu'on connaît est toujours là. Mais... garde en tête qu'il peut juste être devenu quelqu'un de complètement différent.

— Oui, je sais, » murmure-t-elle. « C'est juste que... y a quelque chose qui cloche, dans cette histoire.

— Parce qu'il t'a mise au lit et démaquillée ? »

Marinette ouvre la bouche pour répliquer mais il n'en sort qu'un petit rire nerveux. « C'est ridicule, » souffle-t-elle. « T'as raison, ça veut rien dire—

— C'est pas ce que j'ai dit, » la coupe Alya. « Écoute, je comprends ce que tu veux dire. C'est difficile d'imaginer Adrien autrement que celui avec qui t'as grandi et celui que t'imaginais pendant des années. Surtout quand il fait des trucs comme ça et qu'il est mignon et gentil avec toi. Mais... Mari, c'est pas parce qu'il l'est avec toi qu'il l'est avec tout le monde. Et ça fait pas forcément de lui une bonne personne. »

Pourquoi entendre quelque chose d'aussi vrai lui noue la gorge ? C'est un fait. Ce n'est pas parce que quelqu'un se comporte bien avec une personne qu'il est forcément moralement recommandable.

Il a frappé cet inconnu. Il a dit des choses bizarres. Pourquoi t'as mis ça dans son verre ? Il te l'a demandé ? Qui est ce il ? Ryle, écoute-le. Ça vaut mieux. Pourquoi ça vaut mieux ? Qu'est-ce qu'Adrien serait capable de lui faire ? Qu'est-ce qu'il lui a fait ?

Nino leur a dit le lendemain qu'il s'en était chargé, qu'Adrien lui avait juste mis une raclée et qu'ils en étaient restés là. Mais il y avait quelque chose de bizarre dans cette histoire. Quelque chose dans la manière dont Adrien, Ryle et Enzo parlaient qui impliquait clairement qu'il ne pouvait pas s'en sortir seulement avec quelques coups de poings. Et d'où Adrien connait Ryle ? Et pourquoi Nino était chez Adrien, hier soir ? Ça non plus, ça n'avait aucun sens.

« Tu sais pourquoi Nino était chez Adrien, hier soir ?

— Euh... Non ? »

Elle est à peine en train de retrouver ses idées, bien sûr qu'elle n'a pas demandé à Nino ce qu'il faisait chez Adrien. « Désolée, je vais te laisser évacuer l'alcool en paix. J'appellerai Nino tout à l'heure.

— Mari, je veux vraiment t'aider là-dessus, d'accord ? Je veux pas que tu penses que je catégorise Adrien comme un connard et puis c'est tout. C'est vraiment pas le cas. Je veux savoir ce qu'il se passe avec lui, s'il se passe un truc. Je veux que tu sois en paix, peu importe ce que ça signifie. C'est juste que... tu te souviens de ce que tu m'as fait promettre ? » Promets-moi que tu me diras rien. Même si je te supplie. Promets-le moi. « Tu m'as fait promettre de rien te dire concernant Adrien et... j'ai déjà l'impression de pas tenir cette promesse. »

Marinette se redresse. Son mal de crâne lui fait fermer les yeux un instant. « Non, c'est pas toi. C'est moi qui suis incapable de tenir ma propre promesse. Je voulais rester loin de lui. Je le veux toujours, d'une certaine manière. C'est juste que...

— T'as l'impression que tu dois creuser ?

— Oui. C'est instinctif. Il y a quelque chose qu'on sait pas. Quelque chose de gros. Je le sais. »

Alya soupire. Ce n'est pas un soupir de lassitude ou d'agacement. C'est le genre de soupir qu'on prend juste avant de dire quelque chose d'important ou de prendre une décision. « Ça a toujours été instinctif entre vous. Ça a toujours été plus loin que ce que je pouvais comprendre — que ce vous pouviez comprendre. Mari... si tu penses qu'il a besoin de ton aide, si tu penses que c'est la chose à faire, alors je t'aiderais. »


Aujourd'hui, Marinette commence son stage chez Gabriel. À ce stade, elle n'est plus stressée. Le stress fait partie d'elle.

Malgré la discussion avec Chloé et toutes celles qu'elle a eues avec Alya et Nino. Malgré les paroles rassurantes et raisonnantes, l'idée que son stage n'est pas dû à son talent mais au fait que Mr. Agreste lui veuille quelque chose ne la quitte pas. Mais quand elle essaie de se convaincre qu'elle a décroché un stage dans la meilleure entreprise de mode du monde uniquement grâce à elle-même, Marinette se trouve narcissique. Et quand elle se dit que Mr. Agreste l'a embauchée par rapport à Adrien, elle se trouve égocentrique — tout ne tourne pas autour d'elle, et sûrement pas la vie de Gabriel Agreste.

Dans tous les cas, elle ne sent pas en confiance. Elle a beau se maquiller avec le plus grand soin, s'appliquer dans son brushing, mettre des escarpins et enfiler son tailleur préféré, rien n'y fait. Ses mains sont moites et l'angoisse qui lui noue l'estomac s'accompagne d'une maladresse qui n'avait plus été atteinte depuis ses quatorze ans.

Par miracle, elle arrive aux bureaux Gabriel en un seul morceau, et même en avance. Marinette s'engouffre dans l'ascenseur vide, ferme les paupières un instant et prend une grande inspiration. Ça va bien se passer, se dit-elle. Même si elle n'a pas été embauchée que grâce à son talent, Marinette sait qu'elle est douée. Elle le sait, sinon elle n'en serait pas là.

Les portes se rouvrent au dernier moment, bloquées par une main, et bientôt un corps tout entier rentre dans l'ascenseur. Longues jambes, chemise blanche légèrement entrouverte, cheveux blonds, yeux verts... évidemment. « Joyeux premier jour, » lui dit Adrien en appuyant sur le bouton pour fermer les portes. Il va probablement au même étage qu'elle et Marinette ne sait pas quoi penser de cette information.

« Merci, » répond-elle d'une voix qui trahit son anxiété. « Et merci pour l'autre jour.

— Aucun problème. » Il se tient à côté d'elle, un léger sourire au coin des lèvres, un dossier de paperasse coincé sous le bras.

Marinette baisse les yeux en repensant à la soirée de la semaine dernière — à ce dont elle se rappelle, en tout cas. « Je me souviens pas de grand-chose, » avoue-t-elle alors qu'ils arrivent au troisième. « Je suis désolée si j'ai fait ou dit quelque chose...

— C'est pas grave, Mari, t'excuse pas. »

Elle se pince les lèvres et lève à nouveau les yeux. « Adrien, » finit-elle par dire, « on n'a pas... ? Tu sais ? »

Elle n'a pas besoin de le regarder pour savoir qu'il sourit. « Non. Non, on n'a pas. »

Un soupir de soulagement s'échappe de ses lèvres. Est-ce parce qu'elle est vraiment soulagée de ne pas avoir couché avec lui ? Ou est-ce parce qu'elle est soulagée de ne pas avoir couché avec lui sans s'en rappeler ? Marinette préfère ne pas avoir de réponse à sa question.

L'ascenseur arrive finalement au sixième étage et ting, les portes s'ouvrent. « Par contre, » déclare Adrien en se mettant devant elle pour la retenir, « c'est pas l'envie qui t'en manquait. »

La bouche de Marinette s'écarquille en même temps que ses yeux. Le sourire d'Adrien se change en petit rire satisfait et cette étincelle de malice se met à briller dans son regard.

« Agreste ! » s'indigne-t-elle dans un fort murmure.

Mais il disparaît et Marinette ne peut même pas le suivre parce qu'elle n'a jamais mis les pieds dans ce bâtiment.

Elle passe la journée à apprivoiser les lieux et à essayer de mettre un nom sur chacune des têtes qu'elle croise. Son stage a davantage un but entrepreneurial qu'autre chose, alors la majorité de ses tâches se font derrière un ordinateur. Son cursus a une double casquette : savoir gérer une entreprise de mode et tout ce que cela implique et savoir créer ses propres vêtements. Marinette préfère largement la seconde partie, mais elle a toujours su dans quoi elle s'engageait et qu'elle allait devoir apprendre toutes ces tâches qui la mèneraient — un jour, elle l'espère — à la direction.

Julie, sa maître de stage, est étonnamment gentille. Marinette essaie de se rappeler que ce n'est pas parce qu'elle est sous les ordres de Gabriel Agreste qu'elle est forcément désagréable. Après tout, elle-même est sous ses ordres, à présent, même si cette pensée la fait grimacer.

« Ça t'arrivera de faire des trucs pas très intéressants. Les photocopies, le café, rapporter des documents. Je vais essayer de t'éviter tout ça un maximum — on a tous été stagiaire un jour. »

Marinette lui sourit avec gratitude.

« Mais, si tout se passe bien, tu pourras assister à des choses bien plus cool. La Fashion Week, le mois prochain, par exemple. »

Marinette essaie de retenir son excitation. « C'est vrai ? »

Julie hoche la tête. Ses cheveux roux sont rassemblés en une haute et parfaite queue-de-cheval. Ses yeux noisette se plissent légèrement lorsqu'elle lui sourit. « J'étais pareil, la première fois que j'y suis allée. Y participer, surtout, c'est une tout autre expérience. Tu vas adorer. »

Marinette lui rend son sourire. « J'étais tellement stressée ce matin ! » s'exclame-t-elle, ses épaules se relâchant.

« Je connais ça. Ne t'en fais pas, t'as aucune raison de l'être. Malgré les apparences, c'est assez tranquille de travailler ici et l'ambiance est toujours sympa. Tu vas t'y plaire, j'en suis sûre. »

Malgré les apparences. Marinette hoche la tête et se concentre sur ce que Julie lui montre pour le restant de la matinée. La plupart des tâches sont purement informatiques : comment utiliser les logiciels, à qui envoyer tel mail pour traiter telle demande.

« Bon, » déclare Julie, « je pense qu'on a bien travaillé pour ce matin. Je pense que tu seras avec Thibault, cet après-midi. » Marinette acquiesce d'un hochement de tête. Julie se lève et attrape son sac à main posé sur le bureau. « On se voit dans une heure et demie ?

— D'accord. »

Au moment où Marinette se lève, une silhouette attire son regard en dehors du bureau. Tout est fait de verre, ici. Les portes, les bureaux, certains murs. Elle sait qu'il est là avant même qu'il n'ouvre la porte.

« Adrien, » le salue Julie. « Tu connais notre nouvelle stagiaire ? Mari—

— Oui, » la coupe-t-il. « On s'est déjà rencontrés. »

Marinette évite le regard de Julie. Celui d'Adrien, aussi. Quelle jolie plante, là, à droite.

« Je viens lui faire signer des papiers. Tu sais, le contrat de stage et tout un tas d'autres documents.

— Hmmm, » répond Julie en se rapprochant de la sortie. « Marinette, je te laisse régler ça avec Adrien, c'est bon pour toi ? »

Pas vraiment. « Oui, » assure-t-elle d'une voix qui ne sonne pas tout à fait juste. « Oui, pas de problème.

— Parfait. À tout à l'heure. » Julie disparait, les laissant dans son bureau.

Marinette triture nerveusement ses ongles. Elle ne sait plus agir avec Adrien depuis son retour mais maintenant qu'elle sait que quelque chose cloche chez lui, elle ne sait plus du tout quoi faire. Est-ce qu'elle devrait se rapprocher de lui pour essayer d'en savoir plus ? Jouer carte sur table et lui dire clairement qu'elle sait qu'il lui cache des choses ? Abandonner ?

Adrien se rapproche d'elle, dépose les documents sur le bureau. Ses yeux se concentrent un instant sur ses mains et elles lui rappellent qu'il l'a vue nue moins de quarante-huit heures auparavant.

Cette réalisation la fait rougir. La gêne n'est que passagère, cependant. C'est la première fois qu'elle observe ses mains en pleine lumière et avec une vue aussi imprenable — elles sont posées sur le bureau. Ses doigts sont fins, dénudés de bagues, des veines zèbrent sa peau et Marinette a du mal à comprendre comment de simples mains peuvent lui faire autant d'effet. Mais tout cela n'a rien de nouveau. C'était la même histoire une demi-décennie plus tôt.

Ce qui est nouveau, ce sont les cicatrices. La quantité de cicatrices. Certaines sont encore roses, d'autres sont devenues blanches. Certaines sont à peine visibles, d'autres mesurent plusieurs centimètres. Il y a même quelque chose qui ressemble à un bleu — ou qui a été un bleu — sur son poing droit.

Elle revient à la réalité quand les mains d'Adrien disparaissent de son champ de vision. « Tu peux signer tout ça, s'il-te-plaît ? »

Sa voix n'est pas tout à fait tremblante mais pas tout à fait stable, non plus. Il se racle la gorge. Marinette lève les yeux vers lui. Elle devrait sûrement dire quelque chose, mais sa gorge est nouée. D'un geste robotique, elle attrape le stylo qu'il lui tend et se met à signer les quelques papiers et à renseigner les informations nécessaires — numéro de téléphone, adresse, numéro de sécurité sociale, toutes ces choses-là.

Le regard d'Adrien pèse sur elle. Le silence, aussi. Dis quelque chose, dis quelque chose, dis quelque chose. « Tu connais Thibault ? »

Il met une poignée de secondes à répondre. « Oui, il gère les shootings. Pourquoi ?

— Je suis avec lui, cet après-midi.

— Ah. »

Marinette lève les yeux de la paperasse. « Ah ? »

Il hausse les épaules. Cette chemise blanche, ça lui va vraiment bien. Ça fait ressortir les muscles de ses épaules et le vert de ses yeux. Quelques mèches blondes tombent contre ses tempes. « J'en sais rien, je le connais pas beaucoup.

— T'as pas l'air de beaucoup l'aimer.

— C'est pas mon travail. »

Marinette se pince les lèvres. Adrien ferme un instant les paupières.

« Ça se passe bien, ton premier jour ? » demande-t-il en récupérant les papiers.

Marinette hoche la tête. « Oui, Julie est vraiment adorable.

— Elle l'est, » acquiesce-t-il.

Marinette fronce les sourcils. « Est-ce que t'as... Tu sais ? Avec elle ? »

Adrien n'a pas l'air de savoir s'il veut soupirer ou sourire. Il fait un étrange — et plutôt mignon — mélange des deux. « Non. J'ai pas couché avec tout le monde, Mari, » murmure-t-il.

Elle hausse les épaules. « Juste pour être sûre. »

Cette fois, c'est définitivement un sourire qu'il lui adresse. Marinette sent son cœur faire cette drôle de chose dans sa poitrine. Arrête ça, stupide organe.

Ils se regardent quelques secondes. Suffisamment intensément pour que Marinette remarque les yeux d'Adrien dériver vers ses lèvres. Ce n'est que l'affaire d'une seconde mais c'est assez pour que son cœur refasse une pirouette.

« Je vais aller déposer tout ça, » déclare-t-il en levant sa main qui tient les papiers. « On se voit plus tard ? »

Plus tard. Marinette hoche la tête, lui sourit un peu trop sincèrement et le regarde marcher en dehors du bureau. Jolies fesses, se dit-elle, ses yeux rivés sur l'arrière de son pantalon.

« T'es vraiment un cas perdu, » soupire-t-elle. « Un cas perdu. »

Elle n'a pas travaillé avec Thibault, finalement. Un changement d'emploi du temps, d'après Julie. Marinette a trouvé ça étrange.


Les jours s'enchaînent et vendredi arrive plus vite que ce à quoi Marinette se serait attendue. Ses matinées et la majeure partie de ses après-midis ont été occupés par son stage. Elle s'y plaît beaucoup. Julie avait raison : l'ambiance est très légère et tous ceux avec qui elle a travaillé jusqu'à présent ont été merveilleux avec elle. Ils ont tous pris le temps de lui montrer comment effectuer chaque tâche, comment les choses se passent à l'arrière du décor. Shootings, retouches photos, communication, secrétariat, gestion budgétaire, elle a touché un peu à tout. C'était le but de cette semaine : lui faire découvrir les différentes facettes de l'entreprise.

Aujourd'hui, elle finit le travail à midi puisqu'elle doit se rendre à son école l'après-midi. Le campus principal de Pratt se situe à New-York mais l'institution est implantée un peu partout pour les étudiants qui sont en échange — comme Marinette. Elle doit s'y rendre une fois par semaine pour débriefer de son stage et assister à quelques cours supplémentaires.

Le campus est assez bien implanté : suffisamment proche de la plupart des entreprises de mode pour que le trajet ne soit pas trop long et assez excentré pour que ce soit relativement calme. Le bâtiment principal semble récent et est entouré de bancs, de tables et de végétation — très non-Parisien.

Marinette descend une volée d'escaliers sur laquelle des étudiants sont assis et essaie de se repérer. Sa chemise virevolte au rythme de la légère brise qui lui caresse le visage. C'est une chemise blanche trop large pour elle qu'elle porte en guise de veste par-dessus sa petite robe noire, courte et fendue sur le côté. Elle l'a depuis des années, cette chemise. C'est un vêtement réconfortant.

Tout en s'avançant vers le bâtiment, elle sort son téléphone et clique sur la discussion avec Luka. Ils s'envoient des messages, depuis quelques jours. Des banalités, mais ça lui fait du bien d'avoir de ses nouvelles.

Moi : « je viens d'arriver à mon école »

Moi : « je te redis comment ça s'est passé tout à l'heure »

Elle range son téléphone et s'arrête devant un plan exposé sur un panneau juste devant le bâtiment.

« Salle trois B, » murmure-t-elle. « Salle trois B...

— J'ai cours en salle trois B, aussi. »

Marinette relève la tête. Une jeune femme d'une vingtaine d'année lui sourit. Ses cheveux noirs, coupés courts, sont parsemés de mèches blanches. Son visage, lui, est constellé de taches de rousseur. Elle est très jolie.

Marinette lui sourit instinctivement. « Tu viens de quelle école ?

— L'EIDM, » répond-elle en se mettant en marcher. « Et toi ? »

Marinette la suit, observe le jean large et le débardeur court qu'elle porte. Simple, mais ça lui va bien. « Pratt.

Wow, » laisse-t-elle échapper. « Pas mal. Je m'appelle Olivia.

— Marinette.

— Je crois qu'on a trouvé notre salle, Marinette, » déclare Olivia en désignant une porte blanche. 3B y est écrit en lettres noires.

Elles s'installent au deuxième rang, rapidement rejointes par d'autres étudiants. Bientôt, la salle se remplit jusqu'à ce qu'ils soient plus d'une trentaine. Marinette aime bien le principe, le fait qu'ils soient regroupés entre différentes écoles. Ça lui permet de faire connaissance avec de nouvelles personnes qui viennent d'un peu partout.

« Tu fais ton stage où ? » lui demande Olivia.

Marinette appréhende sa réaction. « Gabriel. »

Olivia hausse les sourcils, un sourire se frayant un chemin sur son visage. « Dis donc ! Pratt, Gabriel, tu dois être vraiment douée. »

Marinette sent ses joues prendre une teinte rosée. Elle s'apprête à répondre mais la porte de la salle s'ouvre et les discussions cessent immédiatement. Leur professeur doit être particulièrement austère.

Un hoquet de surprise s'échappe de sa bouche lorsqu'elle pose les yeux sur le professeur. Les regards se tournent un instant vers elle et elle peut sentir Olivia sourire. « Un problème avec notre prof, Marinette ? » Elle n'arrive pas à enlever l'expression de pur choc de son visage. Olivia perd son sourire. « Marinette ? »

Je fais des études de mode, pas d'acting, se dit-elle en se rendant compte à quel point c'est difficile de ne pas paraître troublée. Elle finit cependant par tourner le visage vers Olivia. « Je m'attendais pas à ça, c'est tout. »

Olivia réprime un éclat de rire. Heureusement, elle ne rétorque rien et Marinette peut rougir en paix. Adrien — parce que oui, c'est Adrien qui vient d'entrer — ne l'a pas remarqué. Pas encore. Elle pourrait se glisser sous la table et sortir de la salle. Elle est vraiment petite et a été une super-héroïne dans une autre vie, personne ne la remarquerait.

Alors qu'elle explore chacune des possibilités, Adrien se racle la gorge. « Bonjour à tous, » déclare-t-il, d'une voix qui trahit son stress. « Je... Je remplace Monsieur Moreau qui devait vous faire cours aujourd'hui. Je ne sais pas encore si ce sera juste l'affaire d'aujourd'hui ou si ce sera à plus long terme. » Il marque une courte pause et Marinette pense qu'il l'a vue mais son regard reste rivé sur les papiers qu'il tripote nerveusement sur le bureau. Ne tient pas en place quand nerveux. « Comme vous vous en doutez, je n'ai pas vraiment donné de cours avant. Mais l'idée de ces réunions, c'est d'échanger et de vous apporter des connaissances pratiques, davantage que théoriques. C'est pourquoi j'ai été appelé, pour mon expérience. »

Marinette bat nerveusement du pied. Tap tap tap, fait son mocassin contre le sol. Son expérience. Sacrée expérience. Sur beaucoup de domaines. Commence pas, Marinette.

Adrien lève soudainement les yeux. Il porte toujours une chemise — bleu ciel, cette fois-ci — et un pantalon de costume. Ses cheveux sont toujours attachés. Ça fait cinq jours qu'elle l'aperçoit tous les matins et pratiquement tous les soirs avec la même idée de tenue. Pourquoi ça lui fait toujours autant d'effet, alors ? Cas perdu, se dit-elle. « On va commencer par faire un tour de classe pour que tout le monde se présente pour qu'on puisse— »

Voilà, il l'a vue. Son regard se fige dans le sien et ses mots restent suspendus dans les airs. Son cœur fait ce soubresaut dans sa poitrine. Ce n'est l'affaire que d'une ou deux secondes, personne ne remarque quoi que ce soit — du moins, elle l'espère. Mais, durant ce laps de temps, Marinette a le temps d'entrevoir la surprise dans ses yeux et d'observer cette surprise se changer en rictus amusé.

« Pour qu'on puisse mieux se connaître, » reprend-il. « Je commence. Je m'appelle Adrien Agreste et je travaille chez Gabriel. Vous devez tous connaître mon père. Vu les études que vous faites, ce serait inquiétant que ce ne soit pas le cas. »

Il déclare une ricochée de rires et Marinette se sent sourire.

« J'ai fait du mannequinat pendant des années mais je me suis tourné vers le côté plus gestionnaire de l'entreprise. Maintenant, je touche un peu à tout. » Le coup d'œil qu'il lance à Marinette lui fait rater une respiration.

Soudain, son téléphone vibre sur la table. Luka, sérieusement ?

Adrien pose clairement ses yeux sur elle, cette fois-ci. « On va commencer par vous, » déclare-t-il. « Présentez-vous. »

Marinette lui lance un regard noir mais elle voit que le sourire qu'il essaie de cacher ne fait que grandir. New-York lui manque.


Alors ? Qu'est-ce que vous pensez de l'évolution de leur relation ? De la réflexion de Marinette ? D'Adrien prof ? J'ai hâte de connaître vos avis !

On se retrouve la semaine prochaine !

— Lucie.