Comme toujours, merci beaucoup pour vos retours ! Ça me fait sourire comme une débile devant mon écran à chaque fois et j'adore ça. Je suis ravie que la tournure de la relation d'Adrien et Mari vous plaise pour le moment !
J'espère que la tournure de ce qu'a été leur relation vous plaira tout autant !
Bonne lecture !
« You and I
We'll be young forever
You make me feel like I'm living a, teenage dream
The way you turn me on
I, can't, sleep
My, heart, stops
When you look at me
Just, one, touch »
Teenage Dream — Katy Perry
︎Juillet 2016
« Qu'est-ce que tu fais ? »
Marinette avait vaguement conscience que Nino venait de s'asseoir à côté d'elle — toute son attention était concentrée sur son téléphone. « Je cherche une salle de sport, » expliqua-t-elle.
« Une salle de sport ?
— Hmmm.
— Et tu trouves ? » demanda-t-il en se penchant par-dessus son épaule pour jeter un coup d'œil à l'écran de son téléphone.
D'aussi près, elle pouvait l'entendre mastiquer son chewing-gum et même sentir qu'il était au cassis. « Argh, Nino, » râla-t-elle en posant sa main sur son torse pour le maintenir à distance, « tu sais que je déteste—
— Quoi, ça ? » sourit-il en mâchant encore plus bruyamment qu'il ne le faisait déjà.
Il rapprocha sa bouche de son oreille et Marinette grogna d'agacement. « Nino ! » ronchonna-t-elle. « Arrê—
— Tu cherches vraiment une salle de sport ? »
Nino était autant bruyant qu'Adrien était discret. Elle n'avait pas remarqué qu'il s'était assis à sa droite. « J'essaie, » répondit-elle en tournant le visage vers lui. Nino sembla rendre les armes puisqu'il lui ébouriffa gentiment les cheveux avant de se lever du banc qu'elle occupait depuis le début de l'après-midi.
Alya, Nino, Adrien et elle avaient décidé en ce début du mois de juillet de passer l'après-midi au parc Monceau. Marinette avait hésité – elle était particulièrement fatiguée avec toutes ces attaques d'akumas – mais avait fini par accepter en se disant que Papillon n'avait pas à contrôler son temps libre, en plus du reste.
Alya était en pleine séance bronzage, Nino venait de la rejoindre, et Marinette avait passé le début de son après-midi à lire jusqu'à ce que son téléphone la distraie. Cela faisait un moment que l'idée de s'inscrire à une salle de sport lui trottait dans la tête : elle voyait bien que la difficulté des combats ne faisait que de grandir et que sa force physique ne suivait pas. L'entraînement qu'elle avait en tant que Ladybug et le costume de super-héroïne ne suffisaient pas — plus maintenant.
Adrien se pencha légèrement en arrière, son bras gauche posé derrière elle, sur le dossier du banc. Le soleil se reflétait dans ses cheveux dorés. « Tu peux venir chez moi. » Marinette fronça les sourcils et son incompréhension le fit sourire. « J'ai une salle de sport. Deux, en fait. »
Elle se sentir sourire à son tour. « Rien que ça, » rétorqua-t-elle en ramenant un de ses genoux contre sa poitrine.
Le regard d'Adrien suivit son mouvement avant de remonter dans le sien. « La mienne et celle de mon père. Tu peux t'entraîner avec lui si tu veux mais je suis pas sûr que ce soit très marrant.
— Et ce sera marrant, avec toi ? »
Adrien se rapprocha légèrement d'elle et hocha la tête. « Hmmm. Marrant, pas besoin d'attendre pour utiliser les machines, et un coach rien que pour toi. Que des avantages. »
Marinette ferma les yeux et pencha la tête en arrière, un léger rire s'échappant de son nez. Une soudaine brise lui caressa le visage et le décolleté révélé par la robe d'été qu'elle portait. « Adrien, » souffla-t-elle. « Je vais pas aller faire du sport chez toi.
— Pourquoi pas ? »
Elle rouvrit les paupières mais ne se redressa pas. Le haut de son dos frôlait le bras d'Adrien et ses doigts tapotaient le banc derrière elle. C'était facile de se perdre dans ses yeux, dans ce contact qui n'en était pas vraiment un. Plus facile qu'avant. Son cœur battait un peu trop vite mais ce n'était pas inconfortable. Elle ne se sentait pas en pleine possession de ses moyens mais ne se sentait pas perdre pied non plus.
C'était un agréable entre-deux. Un entre-deux qu'elle n'avait jamais connu avec Adrien. Ç'avait toujours été sa langue qui fourche, son cœur qui explose dans sa poitrine et ses pommettes qui deviennent cramoisies.
C'est vrai, pensa-t-elle, pourquoi pas ? Mais elle fut rapidement rattrapée par ses vieux démons lorsqu'il humidifia ses lèvres et pencha légèrement la tête. Ses yeux suivirent le bout pointu de sa langue, sa pomme d'Adam qui se souleva au rythme de sa déglutition et le mouvement de son visage — comment pouvait-il avoir un si beau visage ?
Marinette ne put s'empêcher de sourire. Rien n'avait changé, en fait. Chat Noir avait beau occuper bien plus de place dans son cœur qu'elle ne l'aurait jamais imaginé, Adrien était toujours là. Son corps réagissait toujours à chacune de ses actions et ce truc continuait de lui chatouiller le bas du ventre en pensant à leur presque-baiser.
« Parce que c'est bizarre, » finit-elle par répondre.
« Pourquoi ? » répéta-t-il.
Marinette leva les yeux au ciel sans aucune once de réel agacement. « Adrien, je vais pas venir m'entraîner chez toi toute seule !
— Tu seras pas toute seule, je serai là.
— Tu vois ce que je veux dire. Et ton père ? Il voudra jamais.
— Pas besoin de lui en parler. Il remarquera rien, de toute façon.
— Ah non ? »
Adrien secoua la tête en se mordillant les lèvres. Marinette observa sa lèvre inférieure piégée entre ses dents blanchir un instant. « Allez, ce sera cool. En plus c'est les vacances, tu peux venir quand tu veux. Tu pourras même prendre ta douche chez moi. »
Il lui souriait avec un tel espoir et Marinette se rendit compte qu'il voulait vraiment qu'elle accepte. Cette pensée lui réchauffa le cœur. « Bon, » soupira-t-elle en s'appuyant un peu plus contre son bras, « d'accord. »
Pour toute réponse, Adrien redressa suffisamment son avant-bras pour que sa main se perdre dans ses cheveux — et les ébouriffe. Il éclata de rire lorsqu'elle se mit à râler mais un sourire mit rapidement fin à sa tentative de protestation.
« T'es sûre que tu veux pas venir ?
— Cent pourcent sûre. Tu t'es mis là-dedans toute seule, ma grande.
— Je sais, » soupira Marinette en tournant à un croisement. La première semaine du mois de juillet touchait à sa fin et il faisait près de trente degrés en ce milieu d'après-midi. Marinette était presque arrivée dans le quartier où vivait Adrien — c'était le concours de celui qui aurait la plus gigantesque des villas, par ici.
« Et puis, qu'est-ce que je viendrais faire avec vous ? Tu sais que je déteste faire du sport. Et puis...
— Et puis ?
— Je préfère vous laisser tous les deux...
— Il se passera rien. On est amis et c'est tout.
— C'est drôle, tu disais pas ça y a six mois.
— Beaucoup de choses peuvent changer en six mois. »
L'humeur de Papillon. La quantité des attaques. Son état mental à elle. Ses sentiments pour Chat Noir. La seule chose qui ne changeait pas était ce qu'elle ressentait pour Adrien. Elle avait imaginé que plus son amour pour son coéquipier grandirait, moins il n'y aurait de place pour Adrien. Ou inversement. Enfin, elle avait été convaincue que la place allait manquer, au bout d'un moment.
Eh bien, elle s'était rarement autant trompée. C'était plus son cœur qui grandissait en fonction de ses sentiments que ces derniers qui s'amoindrissaient. C'était logique, après tout. Elle n'aimait pas moins Nino parce qu'Alya était entrée dans sa vie. L'amour n'était pas quantifiable et encore moins limité — par quoi que ce soit.
Elle aurait dû le savoir mieux que quiconque.
Non, elle n'aimait pas moins Adrien. Elle était toujours amoureuse de lui avec chaque fibre de son corps. Elle avait juste appris à mieux le contrôler, supposait-elle. Et il arrivait que Chat Noir hante ses pensées lorsqu'elle pensait à lui. Lorsqu'elle rêvait de lui.
Oh, elle ne voulait définitivement pas penser à ça maintenant.
« C'est vrai, » répondit Alya.
Alya ne savait pas ce qu'elle ressentait pour Chat Noir — comment le pourrait-elle ? Sans savoir que Marinette était Ladybug, ça n'avait pas vraiment de sens de lui avouer ça. Et elle ne pouvait pas lui dire qu'elle était Ladybug.
Mais Alya ne posait pas de questions — enfin, si, elle posait un milliard de questions, mais jamais sur ce qui touchait à sa double identité. Elle ne lui demandait jamais pourquoi elle était aussi exténuée, aussi irritable et pourquoi elle disparaissait juste avant une attaque — elle avait arrêté de lui demander tout ça il y a bien longtemps. Peut-être savait-elle qu'elle était Ladybug et qu'elle ne faisait que préserver son secret, ou son illusion, tout du moins. Bizarrement, cette idée ne l'inquiétait pas plus que ça. Tant que cela restait implicite, personne n'était en danger, n'est-ce pas ? Elle l'espérait, en tout cas.
Son téléphone se mit à vibrer contre son oreille, la sortant du train de ses pensées. C'était un appel Face Time d'Adrien. « Al, je dois y aller. Je te raconte tout ça ce soir, si je suis toujours en vie. »
Alya se mit à pouffer derrière son téléphone. « Je crois que tu seras bien en vie. »
Marinette leva les yeux au ciel au sous-entendu et raccrocha. Lorsqu'elle prit l'appel, elle ne vit que son propre visage et une étendue blanche à la place de celui d'Adrien — elle supposa que c'était un plafond. « Agreste ? »
Un juron, le bruit d'un tiroir qui s'ouvre et qui se referme. Et puis l'étendue blanche fut remplacée par Adrien, ses cheveux ébouriffés, ses yeux un peu trop gonflés. « Me dis pas que tu viens de te réveiller. »
Il lui tendit un doigt accusateur. « J'ai eu une séance photo tôt ce matin, » lui dit-il d'une voix rauque.
« Aww, t'as fait une sieste.
— Je voulais être en forme pour notre première séance.
— Tu veux m'impressionner, Agreste ?
— Pas besoin de ça pour t'impressionner. »
Marinette baissa les yeux juste à temps pour voir son clin d'œil. « Tellement sûr de toi, » sourit-elle. « Je suis devant ta forteresse. »
Adrien semblait être en train de descendre tout un tas d'escaliers. Un angle de vue aussi bas n'était flatteur pour personne. Sauf que ça l'était. Elle pouvait voir ses cils toucher le haut de ses paupières, la saillance de ses pommettes et la définition presque statuaire de sa mâchoire. Bon sang, même ses narines étaient symétriques.
Il s'arrêta dans un endroit au plafond et aux murs blancs et le portail devant elle s'ouvrit. « Tourne à droite, » lui ordonna-t-il en sortant de la pièce.
Marinette fronça les sourcils en poussant le portail. « Mais c'est tout droit, l'entrée. »
Adrien baissa le regard vers elle. « Je dois te rappeler qui habite ici ?
— Ta sieste t'a rendu grognon, » marmonna-t-elle en tournant à droite.
Adrien esquissa un sourire et sembla même réprimer un éclat de rire. Il changea de pièce plusieurs fois, descendit une nouvelle flopée d'escaliers jusqu'à arriver dans un endroit bien plus sombre. Marinette continua de marcher sans trop savoir où aller et l'obscurité de là où il était fut interrompue par une soudaine luminosité, comme s'il venait d'ouvrir une porte. « Regarde devant toi, Dupain-Cheng. »
Il venait vraiment d'ouvrir une porte parce qu'elle l'entendit à travers son téléphone et à quelques mètres d'elle. Là, sur le côté droit du manoir se trouvait une petite cour de pavés et la fameuse porte – et Adrien. Il lui souriait, ses cheveux toujours ébouriffés et ses yeux toujours un peu fatigués. Adorable.
« Tu me fais prendre la porte des domestiques ? » demanda-t-elle d'un ton faussement snob. Adrien lui donna un léger coup de coude en lui tenant la porte et Marinette gloussa en passant.
« Suis-moi, » dit-il en passant devant elle.
Marinette essaya d'ignorer le parfum qu'il laissait dans son sillon mais c'était très difficile quand il sentait la noix de coco et qu'elle avait très envie d'enfoncer son nez dans son tee-shirt. Elle réussit cependant à se contrôler et le suivit en silence à travers tout le manoir. Ils sortirent du couloir sombre, passèrent devant un nombre incalculable de portes et Marinette se demanda comment c'était possible de se repérer là-dedans sans inscriptions aux murs comme dans les grands bâtiments. Au moment où ils arrivèrent en haut de la troisième série d'escaliers, Adrien s'arrêta tellement net que le visage de Marinette s'enfonça dans son dos. La noix de coco lui caressa le nez et elle ne recula que de quelques centimètres.
Il tendit son bras derrière lui jusqu'à poser sa main sur la sienne. Ne bouge pas, lui disait-il silencieusement. Ne fais pas de bruit. Je suis là. Une voix s'élevait de quelque part dans l'énorme pièce qui donnait suite à l'escalier. Lorsqu'elle s'éloigna suffisamment, Adrien se remit à avancer, sans jamais lâcher la main de Marinette et sans jamais que l'odeur de noix de coco ne quitte son nez. Ils montèrent des escaliers, encore, franchirent des portes, encore, et arrivèrent dans un couloir blanc du sol au plafond avec une porte au bout. La main d'Adrien se détendit alors autour de la sienne.
« Presque aussi risqué que de prendre le métro pour aller dans une vraie salle de sport, » murmura-t-elle derrière lui.
Les épaules d'Adrien remuèrent au rythme de son rire. « Peut-être, » concéda-t-il. « Mais la mienne est meilleure. »
Elle ouvrit la bouche pour contester mais la referma immédiatement lorsqu'il ouvrit la porte. Le sol était recouvert de parquet, les murs recouverts de fenêtres, baignant la pièce dans le soleil du mois de juillet. Les machines semblaient flambant neuves – et l'étaient probablement. Il y avait tout ce dont Marinette pouvait rêver, et plus encore. Des poids, des machines pour toutes les parties du corps imaginables, des barres de toutes tailles, des tapis qui semblaient bien trop confortables pour faire du sport. Il y avait même un sac de frappe, remarqua-t-elle en s'avançant dans la pièce.
« T'es vraiment riche, » lâcha-t-elle en posant son sac.
Adrien, jusqu'ici adossé contre la porte, s'avança vers elle en souriant. « Tu viens juste de remarquer ?
— Non, mais... »
Elle laissa sa phrase en suspens et tendit son bras pour désigner la pièce. Adrien baissa la tête, un léger rire s'échappant de son nez. « Et je te laisse en profiter. »
— Riche mais si propre du peuple. C'est rare, tu sais, » plaisanta-t-elle en continuant d'inspecter la pièce. Le regard d'Adrien suivait ses mouvements, descendait le long de son corps — elle pouvait le sentir. Le short moulant et le large tee-shirt qu'elle portait révélaient seulement ses jambes mais c'était suffisant pour qu'Adrien détourne les yeux lorsqu'elle tourna les siens vers lui.
Il se racla la gorge, passa une main dans ses cheveux décoiffés. « On commence par quoi ? » demanda-t-il.
Marinette haussa les épaules en resserrant sa queue de cheval. « J'en sais rien, c'est toi le pro.
— Ah ?
— C'est ta salle de sport.
— Techniquement, c'est celle de mon père. »
Marinette leva les yeux au ciel, un sourire au coin des lèvres. Adrien s'avança suffisamment pour poser son épaule contre une la machine à côté d'elle et baissa ses yeux dans les siens. « C'est quoi ton plan ?
— Mon plan ?
— Tu veux juste te tonifier, gagner en endurance, rester en forme ou prendre du muscle ?
— Du muscle, surtout. Et j'aimerais bien utiliser le punchingball, » répondit-elle en provoquant le haussement de sourcils d'Adrien. « Pose pas de questions, Agreste. Montre-moi juste ce que je dois faire.
— OK, mais je veux pas t'entendre te plaindre pendant les entraînements.
— Tu me sous-estimes.
— Jamais. »
Peut-être qu'il ne la sous-estimait pas, mais il ne l'épargna pas, non plus. Il passa le premier quart d'heure à lui passer en revue chaque machine, lui expliquer leur fonctionnement et les muscles qu'elles visaient. Ils décidèrent de commencer par une séance consacrée aux jambes. Soulevé de bassin avec barre, soulevé de terre, fentes bulgares, tout y passa — les muscles de Marinette, aussi.
Elle n'avait quasiment plus d'énergie à la fin de la séance et utilisa le peu qu'il lui restait pour insulter Adrien qui la poussait à bout à chaque nouvelle série. « Allez, une dernière, » lui répétait-il avant de lui faire faire cinq répétitions supplémentaires. Et lorsque son tour venait, Marinette, à bout de souffle et en sueur, n'avait même plus assez de force pour lui dire à quel point ça l'énervait qu'il soulève le double de ce qu'elle faisait déjà — et il s'en rendait probablement compte de toute manière puisqu'il souriait à chaque fois, ce qui l'énervait encore plus.
« Allez, Dupain-Cheng, je te montre juste deux-trois trucs pour la prochaine séance et je te laisse tranquille.
— Tu peux pas me les montrer à la prochaine séance si c'est pour la prochaine séance ? » grommela-t-elle, couchée par terre, les paupières fermées et le visage trempé de sueur.
« Mari.
— Hmmm.
— Bouge tes fesses. »
Elle s'apprêtait à lui dire d'aller se faire voir, mais elle se retrouva soudainement debout, les mains d'Adrien entourant les siennes. Il lui sourit avec toute l'innocence qui (ne) le caractérisait (pas) et la tira gentiment jusqu'à ce qu'elle soit en face du punchingball.
Les quelques cheveux qui s'échappaient de sa queue de cheval restaient collés à son front, son tee-shirt était désagréablement humide et elle avait terriblement chaud — encore plus maintenant qu'Adrien était derrière elle.
Il lâcha ses mains et se décala jusqu'à ce qu'il soit en face du sac, juste à côté d'elle. « Je te montre juste ça pour la prochaine fois et après tu pourras rester autant de temps que tu veux sous la douche, d'accord ?
— D'accord, » marmonna Marinette.
Un sourire attendri redressa les lèvres d'Adrien. Mais une expression plus sérieuse le remplaça rapidement alors qu'il tendit son bras droit devant lui. « On devra faire du renforcement avant d'en arriver là mais je te montre les mouvements de base. Déjà, tu fermes ton poing comme ça et pas comme ça, » expliqua-t-il en sortant et en entrant son pouce à l'intérieur de son poing.
Marinette se retint de lever les yeux au ciel — il n'était pas censé savoir qu'elle savait très bien comment frapper quelqu'un. Elle voulait juste s'entraîner au combat rapproché. Mais chaque conseil était bon à prendre, se disait-elle. En plus, écouter Adrien lui donner un cours de boxe était bien plus intéressant que toutes les vidéos d'entraînements qu'elle avait regardé jusqu'à maintenant.
« Ensuite, tu lances ton coude, » expliqua-t-il en projetant son bras en avant, « et pas ton poignet. Mais surtout, il faut que tu restes gainée, » dit-il en désignant ses abdominaux, « sinon ton coup aura aucune force si tu bouges dans tous les sens.
— Compris. J'ai hâte de te mettre une raclée. »
Adrien pouffa en secouant la tête. « J'ai hâte de te voir essayer. »
Elle n'avait pas essayé tout de suite. À chaque fois qu'elle lui demandait de s'entraîner, il lui répondait qu'elle n'était pas encore prête et qu'ils devaient faire du renforcement et des exercices plus ciblés d'abord, pour qu'elle acquiert une véritable technique.
Il avait raison, bien sûr, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de le taquiner. « T'as juste peur de te faire battre par une fille. »
Adrien, en plein milieu d'une série de développé couché, avait esquissé un sourire. « Par une fille, non. Par toi, oui, » avait-il répondu, essoufflé.
Marinette avait haussé ses sourcils et l'avait aidé à remettre la barre sur son support. Pour une fois, c'était lui qui avait eu les yeux levés vers elle. « Je serai gentille. »
« Le sois pas, » lui avait-il répondu en se redressant, son sourire s'agrandissant sur son visage. Peut-être Marinette avait-elle rêvé, mais elle avait eu l'impression que ses yeux étaient devenus plus sombres.
Elle y pensait encore, deux jours plus tard, alors qu'elle purifiait un akuma et rétablissait l'ordre dans Paris. Un bien joué, quelques mots à la presse et à l'akumatisé du jour plus tard et elle se retrouva seule avec Chat Noir.
Le soleil lui tapait l'arrière de la tête et éclairait le visage de son coéquipier, faisant ressortir ses yeux encore plus que d'habitude. Elle avait tendance à s'y perdre plus que d'habitude, à se demander de quelle couleur étaient-ils réellement. Bruns, bleus, verts, noirs, gris ? Est-ce qu'ils la regarderaient toujours comme ça — avec espièglerie, amour et confiance tout à la fois — sans transformation ? Est-ce que ses cheveux étaient vraiment blonds ou faisaient-ils partie intégrante de Chat Noir, et non pas de la personne en-dessous du masque ?
C'étaient des questions futiles, des questions qu'elle ne devrait pas se poser. Excepté elle le faisait quand même.
« T'as vu ça ? On a eu droit à un jour de congé. Papillon se ramollit, » lui dit-il, son bâton en appui sur le haut de son dos, ses mains posées dessus.
Ladybug essaya de ne pas regarder la manière dont ses biceps se contractaient. « Doucement, minou. C'est pas parce qu'il a pas lancé d'attaque une journée depuis six mois qu'il se ramollit.
— Je sais, » répondit-il en se mettant à marcher le long du toit sur lequel ils se tenaient. « Mais quand même, ça fait du bien. T'as fait quoi de ton day off, ma Lady ? »
Ladybug se sentit sourire et se mit à marcher à côté de lui. Son épaule atteignait à peine le milieu de son bras — s'arrêterait-il un jour de grandir ? « Pas grand-chose, justement. C'était cool, j'ai même eu le temps de faire une sieste. Ça m'était pas arrivé depuis... longtemps.
— J'adore les siestes.
— C'est ton côté félin, » le taquina-t-elle en remuant gentiment la clochette de son costume.
« Sûrement. On devrait faire une sieste, un de ces jours. »
Ladybug leva instantanément les yeux vers lui. Il ne la regardait pas, continuait de marcher nonchalamment et n'avait même pas son petit sourire en coin. Venait-elle d'imaginer les mots qui venaient de sortir de sa bouche ?
Elle devait le fixer depuis un moment puisqu'il finit par baisser ses yeux dans les siens. « Quoi ? » demanda-t-il en haussant un sourcil.
« R-rien, rien. Une sieste, tu dis ? »
Il plissa ses yeux et Ladybug se sentit rougir. « À quoi tu penses, ma Lady ?
— À rien ! Rien. Rien du tout.
— J'y crois pas ! » s'exclama-t-il en s'arrêtant net. « Tu viens de donner un sous-entendu tordu à ce que je viens de dire ! Toi, pas moi ! »
Ladybug s'arrêta à son tour, les poings sur les hanches. Ses joues étaient rouges d'agacement et de quelque chose d'autre. « Arrête ça, » grommela-t-elle en se remettant à marcher.
Chat Noir éclata de rire et posa ses mains sur ses épaules, juste derrière elle. Son souffle tout contre son oreille la fit frissonner. « Qu'est-ce que tu croyais que je voulais dire, hmmm ?
— Rien.
— Tu mens, » murmura-t-il dans son cou.
« Arrête ! » s'écria-t-elle en se tournant vers lui.
« Pourquoi ? » demanda-t-il, son sourire lui prenant la moitié du visage. « Ça te fait de l'effet ? » murmura-t-il en croisant les bras.
Elle passa les dix prochaines minutes à lui hurler dessus en lui expliquant que non, elle n'avait pas imaginé un sous-entendu à sa proposition de sieste et que non, ça ne lui faisait aucun effet.
(Sauf que oui, elle avait imaginé autre chose dans sa proposition de sieste — à juste titre, selon elle — et que oui, ça lui faisait de l'effet.
Tellement d'effet qu'elle rêva de lui, cette nuit-là.)
Août 2016
Elle avait besoin de se défouler. Les semaines passaient, le mois d'août était déjà bien entamé et Marinette se rendait compte qu'elle avait passé son été à combattre Papillon aux côtés de Chat Noir et à combattre son propre corps aux côtés d'Adrien.
Résultat : son stupide cerveau donnait une signification bizarre à chaque phrase qui sortait de leur bouche. Et ce même stupide cerveau ne semblait jamais en panne d'inspiration pour la faire rêver de ces deux stupides garçons. Elle rêvait même des deux en même temps.
« Doucement, Dupain-Cheng. »
Elle ne l'écouta pas et continua de frapper le punchingball. Encore encore et encore. Des gouttes de sueur coulaient le long de son visage et ses bras commençaient à trembler mais elle continuait.
Jusqu'à ce qu'une pression empêche ses poings d'atteindre leur cible. Les mains d'Adrien avaient attrapé ses avant-bras. « Mari, » souffla-t-il derrière elle. « Ça va ? »
Elle hocha la tête, incapable de parler tant elle était à bout de souffle. Il sembla comprendre qu'elle ne pouvait pas et ne voulait pas en parler puisqu'il la relâcha avec douceur. « Attends, » lui dit-il en s'éloignant dans un coin de la pièce. Lorsqu'il s'avança à nouveau vers elle, il prit doucement sa main droite dans la sienne. Ses phalanges étaient rouges et contusionnées à force de frapper le punchingball. « Ils sont peut-être un peu grands, » dit-il en lui enfilant les gants. Ce n'étaient pas des gants de boxe à proprement parler, plutôt des gants de musculation, ce qui lui laissait une plus grande liberté de mouvement.
« Merci, » lâcha-t-elle alors qu'il lui mettait le deuxième. Son toucher était doux, tellement doux. Marinette espéra qu'elle n'allait pas rêver d'Adrien en train de lui mettre des gants.
Elle ne rêva pas d'Adrien qui lui mettait des gants. Mais elle rêva d'Adrien qui lui enlevait son tee-shirt.
« J'ai quelque chose à te dire. »
Marinette, accroupie devant son mannequin de couture, leva le visage vers Alya, perchée sur la chaise de son bureau. Une de ses jambes ramenées contre sa poitrine, elle avait son menton posé sur son genou et la regardait en souriant.
Marinette savait exactement ce que ce sourire signifiait. Elle se redressa, les yeux grands ouverts et les lèvres d'Alya se redressèrent un peu plus. « Vous l'avez fait ? »
Sa meilleure amie hocha la tête. « Hier soir. Je voulais t'envoyer un message mais je me suis dit que je préférais voir ta réaction en direct. »
Marinette laissa tomber ses fesses sur le plancher jusqu'à être assise en tailleurs. « Et ? Comment c'était ? » Alya haussa les épaules. « Me dis pas que tu rougis, Al.
— Ça m'arrive. Et c'était bien. »
Marinette haussa les sourcils et continua de la fixer. « C'est tout ? Toi, Alya Césaire, tu vas pas me donner de détails sur ta première fois ? » Alya haussa à nouveau les épaules en réponse et Marinette se rapprocha d'elle, jusqu'à être assise suffisamment proche pour poser sa main sur sa cheville. « C'était pas bien ? »
Alya secoua la tête. « Si, si, c'était bien. C'était juste... pas ce à quoi je m'attendais. » Elle mit un moment à continuer, comme si elle cherchait à rassembler ses pensées pour former des mots. Marinette attendit. « Sur le moment, c'était sympa. Même si on savait pas trop quoi faire par moment, c'était quand même bien. Mais on parle pas tellement du après. Je me suis sentie bizarre.
— Bizarre comment ?
— J'en sais rien. Sale. C'est vraiment bête, je sais.
— Non, c'est pas bête. Enfin, tu devrais pas te sentir comme ça mais c'est pas ta faute si c'est le cas, » répondit Marinette. Alya la regardait et elle savait que ce qu'elle allait dire avait de l'importance, elle pouvait le lire dans ses yeux. « C'est à cause de ce qu'on entend depuis toutes petites. Que la première fois c'est super important, que c'est sacré, que c'est un cap à passer. Et peut-être que ça l'est, pour certaines personnes. Mais ça l'est peut-être pas pour toi, et c'est pas grave. C'est pas grave si t'as rien ressenti de magique ou si tu t'es pas sentie différente après. » Marinette se redressa jusqu'à se tenir sur ses genoux et posa ses mains sur ceux d'Alya. « Tu sais que tout le monde sacralise la première fois, surtout pour les filles. Et même si tu sais déjà tout ce que je te dis, c'est pas pour ça que tu dois te sentir coupable de ressentir le contraire. »
Le sourire d'Alya la rassura. « Merci, Mari. Je devrais en parler à Nino. »
Marinette hocha vigoureusement la tête. « Oui. Je vais te donner un conseil que j'applique absolument pas, mais : communiquez. Vraiment, dis-lui ce que tu ressens, dis-lui ce que t'as aimé, ce que t'as pas aimé. Enfin, tu sais tout ça.
— Oui, je le sais. Mais ça fait quand même du bien de l'entendre. »
Marinette lui sourit en retour et pressa gentiment ses mains autour de ses genoux avant de s'asseoir à nouveau sur le sol. Son dos s'appuya contre son bureau, ses doigts tapotèrent ses cuisses et ses lèvres s'entrouvrirent et se refermèrent, deux fois.
Alya laissa échapper un gloussement. « Tu peux me demander des détails, tu sais. »
Marinette se redressa. « T'es sûre ? Je veux pas te mettre—
— Demande-moi ce que tu veux.
— T'as eu mal ? »
Alya secoua la tête. « Non. Ça a mis un moment à passer, mais ça m'a pas fait mal. »
Marinette soupira de soulagement. Elle n'était pas autant renseignée que sa meilleure amie sur le sujet, mais elle savait que ça n'était pas censé faire mal, peu importe ce que les gens en disaient — et s'il n'y avait aucun trouble ou aucune maladie, évidemment.
« Ça a duré longtemps ?
— Je sais pas trop. J'avais pas trop la notion du temps, mais j'imagine que non. »
Marinette hocha pensivement la tête. « Et est-ce que t'as... eu un orgasme ? » demanda-t-elle d'une petite voix.
Alya sourit en secouant la tête. « Non, pas par pénétration en tout cas. Mais ça faisait quand même du bien, même si je sentais que j'étais encore loin de l'orgasme, » lui répondit-elle. Marinette n'eût pas besoin de lui poser la question qui lui vint à l'esprit qu'Alya y répondait déjà : « J'ai déjà eu deux orgasmes où je suis sûre que c'étaient des orgasmes. La fois avec ses doigts mais c'était loin d'être la première fois qu'on le faisait et ça a pris un moment. Et un autre la deuxième fois où il m'a fait un cunni. »
Marinette acquiesça d'un hochement de tête. Elle se souvenait de toutes les premières fois d'Alya avec Nino — de tout ce que l'un ou l'autre lui avait raconté, en tout cas. Leur premier baiser, leur premier baiser avec la langue, la première fois où il lui avait touché les fesses, la première fois où Alya avait réellement senti l'érection de Nino et de ce qu'elle avait éprouvé à ce moment-là, la première fois où elle l'avait embrassé dans le cou, et ainsi de suite, depuis plus de six mois. Récemment, leur relation avait pris un tournant plus radical et Alya lui avait raconté la première fois où il avait vu ses seins, la première fois où elle l'avait touché à travers son pantalon, la première fois où il l'avait touché à travers sa culotte. Encore plus récemment, au début de l'été, peut-être, elle lui avait raconté la première fois où Nino l'avait touchée sans aucune barrière, la première fois où elle lui avait fait la même chose, leur première masturbation mutuelle, leur première expérience du sexe oral. Marinette avait tout écouté, avait écouté les conseils d'Alya et ce qu'elle l'encourageait à reproduire quand ce serait son tour.
Son tour lui semblait loin, lui semblait flou. Pour l'instant, elle se contentait de ses rêves et de la chaleur au creux de son ventre quand elle voyait Chat Noir s'appuyer contre son bâton ou lui faire les yeux doux et quand elle observait Adrien s'entraîner à la boxe ou rire à une de ses blagues. Elle savait que ça n'allait pas durer et qu'elle allait vouloir plus dans peu de temps — elle pouvait le sentir. Mais c'était un problème pour plus tard.
« Il voulait pas me laisser sans avoir eu d'orgasme mais j'étais fatiguée et j'étais... hyper sensible. » Marinette fronça ses sourcils et Alya poursuivit : « Tu vois quand tu te touches et qu'après un moment, ça devient hyper facile de jouir ?
— Je crois que oui.
— Bah c'était pareil mais multiplié par dix. C'était tellement fort que ça commençait à me faire mal à chaque fois qu'il me touchait le clito.
— Ça te faisait mal ? »
Alya hocha la tête. « C'était beaucoup d'un coup, je pense. Du coup, on a arrêté et on a mangé du chocolat en regardant un film — Zootopie. C'était vraiment bien, même si je me sentais un peu bizarre. Ça m'a fait du bien de me dire que notre relation était toujours pareille, que c'était juste une nouvelle étape mais qu'au final, ça changeait pas grand-chose. »
Marinette sentit un sourire lui redresser les lèvres. « Je suis contente pour vous. Des fois j'ai l'impression que vous êtes la seule chose stable dans ma vie. Et ça me fait du bien de voir que vous avancez sans pour autant que je me sente éloignée de vous. Je sais pas si ça a du sens—
— Si, » la coupa Alya. « Si, ça a du sens, Mari. Tu sais, même quand on sera tout vieux et qu'on se disputera, tu seras toujours avec nous. Peu importe ce qui se passe dans ta vie et ce que tu décides de faire, on sera toujours là.
— Je sais, Al. Et vous serez toujours là dans ma vie en bordel.
— Et Adrien, aussi, » ajouta Alya.
Son clin d'œil et son sourire malicieux l'amusèrent. Marinette hocha la tête. « Et Adrien, aussi, » répéta-t-elle en espérant de tout son cœur que ce serait le cas.
Marinette connaissait son corps, connaissait son fonctionnement. Elle connaissait ses cycles menstruels aussi, et savait exactement quand ses règles étaient sur le point de commencer. Le bas de son ventre était contracté et elle se sentait ballonnée sans qu'elle n'ait rien avalé. C'étaient toujours les mêmes signes depuis des années.
Elle le savait. Pourtant, elle l'avait ignoré. Elle avait enfilé sa tenue de sport, avait pris une culotte et des protections de rechange — en plus de ce qu'elle avait déjà sur elle — dans son sac parce qu'elle n'était pas inconsciente, quand même, et était partie chez Adrien avec son utérus récalcitrant.
Le trajet dura un quart d'heure et ce fut suffisant pour que Marinette se rende compte qu'ignorer les signes que lui donnait son corps était toujours une mauvaise idée.
« Ça a pas l'air d'aller, » lui dit Adrien alors qu'ils montaient les interminables escaliers de sa stupide maison. Pourquoi tout devait être aussi grand ?
Marinette marmonna que ça pouvait aller et il n'insista pas — elle pouvait être assez désagréable quand elle le voulait, même avec Adrien Agreste. Heureusement, ils ne durent pas se cacher derrière un mur ou attendre derrière une porte comme ils le faisaient parfois puisqu'ils ne croisèrent personne durant le temps qu'ils mirent à atteindre la salle de sport.
La vue de cette pièce désormais familière et la présence d'Adrien la motivèrent et elle se persuada que pratiquer du sport allait couper court à ce début de crampe. Elle y crut au début. L'échauffement se passa plutôt bien et Adrien ne prit pas personnellement le silence de Marinette — bien qu'il lui jetait des regards en coin un peu inquiets.
Ce fut lorsqu'elle se leva que son corps lui rappela qu'il n'avait jamais été d'accord avec le programme de cette journée. Sa tête lui tourna, comme à chaque fois qu'elle se levait trop vite, et une contraction particulièrement douloureuse de son bas ventre lui arracha un gémissement.
« Mari ? » l'appela Adrien en levant la tête. « Ça va pas ? »
Elle secoua la tête en s'appuyant contre le mur adjacent. « Je suis pas sûre de pouvoir faire la séance d'aujourd'hui, » avoua-t-elle en se concentrant sur sa respiration jusqu'à ce que son utérus décide de la laisser tranquille. Seulement, il semblait être d'humeur vengeresse puisque la douleur ne se calma pas et qu'une sensation de nausée lui noua la gorge.
Parfait, pensa-t-elle. C'est parfait. La main d'Adrien se posa sur son épaule. « C'est pas grave. T'as vraiment pas l'air bien, tu veux t'allonger un petit peu ? »
Marinette ne répondit pas, trop occupée à réfréner cette envie de vomir qui lui serrait les tripes. « Je veux pas te déranger, » répondit-elle au bout d'un moment. « Je vais juste rentrer chez moi. » Mais il lui suffit de faire un pas en avant pour que le bas de son ventre se contracte à nouveau. « Merde, » grommela-t-elle en y posant sa main.
La main d'Adrien glissa de son épaule jusqu'à son avant-bras. Marinette leva ses yeux vers lui. « T'iras nulle part dans cet état. Allez, viens. »
Elle n'avait pas assez d'énergie — ni de volonté — pour répliquer. Alors, elle le laissa prendre sa main dans la sienne et la guider en dehors de la pièce. Ils traversèrent le couloir, montèrent quelques escaliers et débouchèrent sur un autre couloir blanc du sol au plafond. Adrien ouvrit la porte tout au fond et ils arrivèrent dans sa chambre. C'était comme dans son souvenir, à peu de choses près. Les draps étaient différents, les posters aussi, des livres avaient été rajoutés et des photos avaient été accrochées au mur, près de son lit.
« Allonge-toi, » lui dit-il en lui lâchant la main.
Il semblait sur le point de partir mais Marinette attrapa son poignet. « Attends, » lui dit-elle. « J'ai... Il faudrait que j'aille aux toilettes. Et que je me change. » Adrien fronça légèrement les sourcils. Marinette sentit ses lèvres se redresser. « Problème de fille, » murmura-t-elle en pensant le sortir de sa confusion. Sauf qu'il semblait encore plus perdu. « J'ai mes règles. »
Elle pouvait imaginer la petite ampoule s'allumer au-dessus de sa tête quand ses yeux s'ouvrirent en grand et que sa bouche s'entrouvrit. « Ah, » laissa-t-il échapper. Il réfléchit quelques secondes, hocha la tête et alla ouvrir la porte de son — immense — dressing. Marinette l'observa piocher un tee-shirt et un short et revenir vers elle en lui tendant les habits comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Ça l'était peut-être. « Tiens, » lui dit-il. « La salle de bain et les toilettes sont juste-là, » indiqua-t-il d'un mouvement de tête. « Je reviens. »
Et il s'en alla. Marinette resta plantée là quelques secondes en se demandant comment s'était-elle retrouvée dans cette situation — dans la chambre d'Adrien, seule, avec des habits qu'il venait de lui donner dans les mains, en plein premier jour de règles avec un mal de ventre insupportable, et tout ça en même temps ?
Elle alla quand même aux toilettes et alla quand même se changer malgré l'invraisemblance de la situation. Le short était deux fois trop grand mais était beaucoup plus confortable que son ensemble de sport qui moulait chaque centimètre de son corps. Le tee-shirt était un concentré de l'odeur d'Adrien et si Marinette avait pu la récolter et en faire un parfum, elle l'aurait fait. Un sourire lui resta collé sur le visage lorsqu'elle réalisa que c'était le tee-shirt Patagonia, celui avec le soleil dans le dos qui lui allait si bien.
Lorsqu'elle sortit de la salle de bain, Adrien referma la porte de la chambre et Marinette sentit son cœur fondre dans sa poitrine. Il avait ramené une bouillotte, une bouteille d'un jus de fruit rose — de la fraise, très probablement — et du chocolat. Marinette s'étonna qu'il ait ce genre de chose chez lui mais n'allait définitivement pas s'en plaindre.
« La bouillotte était à moi quand j'étais petit, le jus de fraise c'est pour faire des smoothies et le chocolat est à Nathalie. Je lui ai peut-être un peu volé, » expliqua-t-il avec un petit sourire en coin en s'avançant vers elle. Quelque chose s'alluma dans ses yeux lorsqu'ils parcoururent son corps vêtu de ses habits, quelque chose que Marinette n'arrivait pas à vraiment identifier. Mais elle aimait bien ce quelque chose. « Allez, couche-toi, je reviens. » Marinette se demanda où il allait encore aller — elle espérait qu'il allait lui chercher un nouvel utérus.
Le lit d'Adrien l'appelait. Il était impeccablement fait et était recouvert d'une parure de lit gris anthracite. C'était l'exact opposé de son propre lit qui n'était jamais fait et qui n'était jamais accordé. Marinette finit par s'y installer et se glissa sous la couverture dans ce cocon de douceur et d'Adrien. C'était comme si elle avait plongé à l'intérieur de ce parfum qu'elle aimerait tant concocter. Elle nageait dedans, les paupières fermées, le corps tourné sur le côté gauche — la seule position qui soulageait un tant soit peu ses crampes. La douleur était toujours là mais devenait supportable et la bouillotte qu'elle fit glisser sous le tee-shirt la chassa encore un peu plus.
Le matelas bougea à sa gauche. Elle rouvrit les paupières et découvrit Adrien, assit à côté d'elle, ses genoux pliés, son regard rivé sur elle. « Ça va mieux ? »
Marinette hocha la tête en souriant, son corps enfoncé sous la couverture jusqu'au menton. « Merci, » souffla-t-elle. « T'es vraiment gentil. » Elle était à mi-chemin entre le sommeil et l'éveil, étourdie par la douleur.
Adrien lui sourit et appuya l'arrière de sa tête contre le mur. « C'est normal.
— Pas vraiment. Personne m'a jamais fait ça.
— Quoi ?
— Prendre soin de moi comme ça. Enfin, si, mes parents. Alya, Nino, peut-être. Mais ça compte pas. Enfin, si, ça compte, mais— tu vois ce que je veux dire. »
Adrien laissa échapper un petit rire par le nez. « Oui, je vois, » répondit-il avec douceur. Une de ses mains replaça tendrement une mèche de ses cheveux derrière son oreille et Marinette était presque sûre que son cœur s'était arrêté. « Pourquoi t'es quand même venue, si tu te sentais pas bien ?
— Parce que j'avais envie de te voir, » répondit-elle avec honnêteté.
Adrien sembla surpris par sa réponse. Sa main se figea près de son visage. « On n'est pas obligé de faire du sport pour se voir, tu sais.
— Tu veux dire que j'ai pas besoin de prétexte pour passer du temps avec Adrien Agreste ? »
Il secoua la tête en souriant. « Toi ? Jamais. » Il se mit à passer sa main dans ses cheveux détachés et Marinette ferma les yeux. Elle avait sommeil, tout à coup.
« Est-ce que ça fait vraiment très mal ? » demanda-t-il soudainement.
Marinette haussa les épaules. « Ça dépend de ton échelle de la douleur. Je pense que j'ai une résistance plutôt élevée et là, tout de suite, sur une échelle de dix, ce serait un six. Cinq si tu continues de faire ça. »
Elle entendit son petit rire et se sentit sourire. « Ça te fait mal où, exactement ? »
Marinette ouvrit les yeux et leva le visage vers lui. Il semblait réellement intéressé. Ce n'était pas une question qu'il lui posait juste pour dire quelque chose mais quelque chose qu'il voulait vraiment savoir. « T'es pas obligé de répondre à mes questions, » déclara-t-il alors qu'elle continuait de le regarder sans rien dire. « C'est juste que... » Il ne finit pas sa phrase et Marinette n'allait pas l'y obliger. Ça ne la dérangeait pas de lui parler de ça, de toute façon.
« C'est rien, » murmura-t-elle. « Et ça dépend des gens, mais moi c'est surtout en bas du ventre. » C'était peut-être l'état de demi-sommeil, peut-être la confiance qu'ils avaient construit depuis qu'ils se connaissaient, peut-être la familiarité qui s'était construite entre eux ou peut-être la manière dont il la regardait mais Marinette attrapa la main d'Adrien qui n'était pas dans ses cheveux et la glissa sous la couverture. Elle le sentit se tendre contre elle lorsqu'il frôla son corps à travers son tee-shirt. « Ici, » indiqua-t-elle en posant sa main tout en bas de son ventre, en-dessous de la bouillotte et au-dessus du short. Elle ne se rendait probablement pas compte d'exactement où la main d'Adrien était posée et repenserait à ce moment plus tard en se demandant ce qui lui était passé par la tête — elle le savait. Mais là, tout de suite, la chaleur que lui procurait sa main posée tout en bas de son ventre équivalait à celle d'au moins dix bouillottes.
« D'accord, » murmura-t-il. Lorsque Marinette retira la main de la sienne, Adrien l'éloigna de son corps, non sans frôler le reste de son ventre au passage.
« Ça m'arrive d'avoir mal plus haut aussi, à l'estomac. Et aux seins, aussi.
— Tu me fais pas toucher, cette fois ? »
Marinette lui pinça gentiment le côté du ventre et Adrien éclata de rire, visiblement fier de sa blague. Elle riait aussi mais ne pouvait s'empêcher de l'imaginer en train de vraiment lui toucher les seins. Irrécupérable, se dit-elle. Je suis irrécupérable.
« Je peux te demander quelque chose de bizarre ?
— Au point où on en est.
— Est-ce que tu sens le sang couler ? »
Marinette haussa les épaules. « Ça dépend des fois. Là, tout de suite, non. Mais je sais que si je me lève je vais le sentir couler d'un seul coup. Ou quand j'éternue, aussi. Pas très fun. »
Adrien hocha la tête. Il n'avait pas l'air dégoûté comme le monde entier l'était dès que ça concernait les menstruations. Non, il avait juste l'air sincèrement intéressé. « Vous êtes impressionnantes, » conclut-il au bout d'un moment. « Je suis presque sûr que si c'était l'inverse et que c'était nous qui saignions une fois par mois, vous en entendriez parler à chaque seconde. »
Marinette gloussa en hochant la tête. « Je suis presque sûre aussi. »
Adrien continuait de passer sa main dans ses cheveux en massant doucement son cuir chevelu et elle retint un gémissement de contentement en le transformant en soupir — soupir qu'Adrien entendit puisqu'il se mit à sourire.
« Merci d'avoir répondu, Mari. Je sais que c'est bizarre, mais c'est juste que... » Il hésita quelques secondes. « Ma mère, » souffla-t-il, « elle a pas vraiment eu le temps de me parler de tout ça. Et mon père... c'est mon père. »
Marinette leva son visage vers lui. Il ne la regardait plus : ses yeux étaient perdus quelque part en face de lui. « Tu parles jamais de ta mère, » murmura-t-elle. Elle n'était pas sûre que c'était la bonne chose à dire. Probablement pas, mais Adrien ne semblait pas offensé.
« C'est vrai, » souffla-t-il au bout d'une bonne minute. « C'est pas parce que je pense pas à elle.
— Je sais. Je sais bien.
— J'y pense tout le temps. C'est juste que mon père déteste parler d'elle et que j'ai été habitué à ne jamais aborder le sujet. Au début, c'était juste trop douloureux et quand j'ai commencé à m'en sentir capable, je savais juste pas avec qui en parler. »
Marinette hocha la tête. Il y avait certains sujets dont il était impossible de parler — elle le savait mieux que personne. Ça ne voulait pas dire qu'il n'aimait pas Nino ou Nathalie ou qu'il ne l'aimait pas elle. Du moins, elle l'espérait.
« Tu peux m'en parler, tu sais, » lui dit-elle en se rapprochant légèrement de lui. C'était léger mais suffisant pour que son genou frôle la cuisse d'Adrien. Suffisant pour qu'il décide de baisser ses yeux vers elle.
Une mèche de ses cheveux était tombée devant son front lorsqu'il avait tourné la tête et Marinette sortit sa main de sous la couverture pour la replacer contre sa tempe. Un léger sourire se dessina sur les lèvres d'Adrien, un sourire qui la détourna un peu plus de la douleur lui tiraillant le bas du ventre.
« Je sais, » murmura-t-il, ses doigts courant le long de ses cheveux. Il prit une grande inspiration, hocha la tête et Marinette appuya un peu plus sa joue contre l'oreiller en attendant avidement ce qui allait sortir de sa bouche. « Elle me ressemblait beaucoup. Les mêmes cheveux, les mêmes yeux, et mon père disait qu'on avait le même caractère. Mais je sais pas trop si c'est vrai.
— Comment elle était ? »
Son sourire s'agrandit. « Elle était... rayonnante. Pleine de vie, jamais fatiguée, toujours à faire quelque chose. C'est comme ça que je me souviens d'elle, en tout cas. Elle était toujours occupée mais lâchait toujours tout ce qu'elle était en train de faire pour s'occuper de moi. Elle me lisait beaucoup de livres, me jouait souvent du piano. »
Marinette se demanda si c'était pour ça qu'il lisait autant — à en croire la gigantesque bibliothèque qui surplombait la pièce — et qu'il jouait autant de piano. Peut-être aimait-il autant ça parce que ça le faisait se sentir plus proche d'elle.
« Elle m'a appris beaucoup de choses, sur tellement de sujets différents. C'est la personne la plus intelligente que j'ai jamais connu. La plus cultivée, aussi. Elle savait tout, vraiment, c'était dingue. »
Il parlait d'elle avec une telle passion, une telle admiration, un tel amour. Marinette écoutait chacune de ces émotions dans chacun de ses mots, buvait ses paroles avec une soif qu'elle ne savait pas qu'elle avait. Ses yeux brillaient comme des étoiles et son sourire ne quittait pas son visage. Il parlait à toute vitesse, comme s'il craignait que chaque souvenir qu'il avait d'elle ne disparaisse s'il ne l'extériorisait pas.
Elle se sentait immensément privilégiée à cet instant, d'être le réceptacle de toute cette mémoire remplie d'amour.
« Elle faisait la meilleure tarte au citron de tous les temps. C'est le seul truc que je sais cuisiner.
— Tu m'en feras une, un jour ? » demanda-t-elle.
Adrien hocha la tête, sa main à la naissance de ses cheveux, au niveau de sa nuque. « Je t'en ferai une, » assura-t-il.
Il continua de lui parler sa mère jusqu'à ce que le soleil soit bas dans le ciel et que la douleur ne soit plus un souvenir inconfortable qu'autre chose. Adrien était davantage allongé qu'assis, désormais, et la tempe de Marinette reposait sur son épaule, son genou toujours pressé contre sa cuisse et ses mains passées autour de son bras gauche.
Ils étaient complètement entremêlés et Marinette ne s'était jamais sentie aussi en sécurité de toute sa vie. « Je peux dormir un peu ? Tu me réveilles avant qu'il fasse nuit ? »
Ses yeux étaient déjà fermés alors elle ne pouvait pas le voir mais elle savait qu'il souriait. « Dors, princesse. Je te réveillerai. »
Il ne lui en fallut pas plus. Marinette s'endormit avec l'impression de gâcher ce temps qu'ils avaient ensemble. Elle aurait aimé rester éveillée et continuer de l'écouter jusqu'au lendemain matin — jusqu'à la fin de sa vie. Mais elle se sentait tellement sereine, tellement apaisée avec sa main dans ses cheveux, son odeur dans les narines et son bras tout contre elle.
Il ne pouvait rien lui arriver, pas ici, pas avec lui — elle en était certaine.
J'ai l'impression de connaître ce chapitre par cœur tellement je l'ai relu ! C'est vraiment un concentré d'adolescence et de premières fois et de découvertes et je le trouve vraiment attendrissant, j'espère que vous aussi !
On se retrouve la semaine prochaine (accrochez-vous bien, l'ambiance sera clairement opposée)
— Lucie.
