Hello tout le monde ! Je suis super contente de vous publier ce chapitre que j'adore tout particulièrement.

J'espère qu'il vous plaira, bonne lecture !

TW : TCA.


« I had a dream

I got everything I wanted

But when I wake up, I see

You with me

And you say

"As long as I'm here, no one can hurt you"

Don't wanna lie here, but you can learn to

If I could change the way that you see yourself

You wouldn't wonder why here

They don't deserve you »

everything i wanted — Billie Eilish


Septembre 2016

« Rose ou blanc ?

— Blanc. Non, rose. »

Marinette trifouilla dans son immense boîte à pelotes de laine. « Petites fleurs blanches ou cerises ?

— Cerises. Qu'est-ce que tu fabriques ?

— Un gilet au crochet. J'aimerais bien ajouter des motifs dessus.

— Un gilet rose avec des cerises ? C'est mignon. »

Marinette sourit en levant la tête vers son lit. Adrien y était assis, adossé contre le mur, ses jambes longues jambes étendues devant lui. Son regard était rivé sur le livre qu'il tenait entre ses mains — un de ses livres. « Tu lis quoi aujourd'hui ? » lui demanda-t-elle en se concentrant à nouveau sur sa recherche d'une pelote rose.

« Six of Crows. J'aime bien le début. Inej a l'air badass.

— Elle l'est. Attends de voir le tome deux.

— Doucement, princesse. »

Elle se sentit sourire — elle aimait bien quand il l'appelait comme ça.

L'après-midi continua sur cette lancée, avec Marinette qui confectionnait son gilet au crochet et Adrien qui continuait sa lecture. C'était loin d'être la première fois qu'ils passaient leur temps de cette manière. Parfois, Marinette cousait ou confectionnait un vêtement — Adrien l'aidait même par moment. Parfois, elle lisait avec lui. Et parfois, ils regardaient un film ou jouaient à un jeu vidéo. Ce qui n'était que trois séances de sport par semaine au début de l'été s'était transformé en journées entières passées ensemble trois mois plus tard.

L'année de première avait commencé depuis quelques semaines mais ils trouvaient toujours un moyen de passer du temps ensemble. C'était devenu normal qu'Adrien vienne chez elle après les cours ou qu'elle entre en douce chez lui le week-end quand il ne le passait pas chez elle.

« J'en ai marre, » déclara-t-elle plus tard dans l'après-midi en lâchant son ébauche de gilet.

Adrien leva les yeux de son livre. « Viens là, » lui dit-il.

Marinette se leva et grimpa jusqu'à son lit. Elle se laissa tomber à côté de lui, suffisamment proche pour que son corps touche le sien. « On devrait finir les questions d'anglais pour demain, » déclara-t-elle d'une voix étouffée par l'oreiller dans lequel son visage était appuyé.

« Hmmm, » marmonna Adrien. « Ou on pourrait regarder un film et faire les questions plus tard ? »

Marinette tourna sa tête et leva les yeux vers lui. « T'étais pas censé dire ça.

— On peut regarder la moitié du film et faire les questions après ? »

Elle pouffa de rire en fermant les yeux. « Tu sais ce qu'il va se passer si on met un film.

— Pourquoi tu dois toujours t'endormir ?

— J'en sais rien ! » répliqua-t-elle en se recroquevillant sur elle-même. « Tu me donnes envie de dormir. » Elle se rendit compte de la tournure de sa phrase dans la seconde. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, Adrien la regardait, les sourcils haussés. « OK, c'est pas ce que je voulais dire.

— Tu vas voir si je te donne envie de dormir, toi. »

Elle n'eût pas le temps de s'expliquer qu'il se jeta sur elle et se mit à lui chatouiller cet endroit sur le côté des côtes. Marinette éclata de rire en essayant de le repousser. « Arrête ! C'est pas— c'est— pas— c'est pas ce que je voulais di— dire ! »

Elle réussit à attraper ses mains, appuya suffisamment pour le faire basculer sur le dos. « C'est sorti de travers, d'accord ? C'est pas que tu me donnes envie de dormir, c'est juste que quand on est tous les deux, je suis fatiguée.

— T'en rajoutes une couche en plus ? » s'écria Adrien. Il souriait et se laissa faire lorsque Marinette lui plaqua les poignets de part et d'autre du visage.

« Pas fatiguée dans le sens je m'ennuie. Fatiguée dans le sens... j'en sais rien. Je me sens... tranquille ? Apaisée, peut-être. J'en sais rien. »

Mais Adrien semblait savoir puisqu'il hocha la tête. « Je vois.

— C'est vrai ? »

Il acquiesça à nouveau. « Oui. Mais c'est pas une raison pour t'endormir devant tous les films. »

Marinette sourit en lui relâchant les poignets. Mais Adrien attrapa ses mains avant qu'elle ne s'éloigne. Il fit glisser ses doigts le long de ses paumes, les entrelaça aux siens. Ses longs doigts fins et gracieux, ses mains graciles, parcourues par ses veines qui ressortaient sur sa peau légèrement halée.

Ils se regardaient, se regardaient sans rien dire. Il n'y avait pas besoin de dire grand-chose, finalement. Ou peut-être y avait-il tellement à dire qu'il était préférable de ne pas parler.

Marinette s'endormit devant le film, nichée contre son torse, bercée par son rythme cardiaque, la main d'Adrien allant et venant dans ses cheveux.


Décembre 2016

Les semaines devinrent des mois et les vacances d'hiver arrivèrent à une vitesse folle. Les journées de Marinette étaient calculées à la minute près : le lycée, les révisions, les créations de nouveaux vêtements, les attaques de Papillon. Ces dernières avaient légèrement ralenti mais arrivaient toujours presque tous les jours. La plupart du temps, il les laissait tranquilles une ou deux fois par semaine. L'ennui était que Marinette ne pouvait pas prévoir quand ce jour allait arriver, pas plus qu'elle ne savait quand Papillon allait décider de frapper.

Plus de deux ans en tant que Ladybug et elle ne s'y était toujours pas faite, à cette imprévisibilité. C'était usant de devoir être sur ses gardes à chaque instant, de préparer une excuse toute faite à chaque moment qu'elle passait avec quelqu'un — au cas où. Son tiroir de prétextes était toujours entrouvert, prêt à être fouillé selon l'occasion : lycée, repas de famille, sortie entre amis, soirée avec Alya. La seule personne avec qui ce tiroir était fermé à double-tour, c'était Adrien. Elle oubliait jusqu'à l'existence de ce tiroir quand elle était avec lui. C'était une des raisons pour lesquelles elle aimait tant passer tout son temps libre en sa compagnie : il l'aidait à n'être que Marinette. Et elle avait terriblement besoin.

Ils n'avaient jamais été aussi proches. Pourtant, ils se liaient un peu plus de jour en jour. Marinette se demandait s'il y avait une finalité. Si, au bout d'un moment, elle s'habituerait à le voir rire, parler, sourire sans sentir son cœur faire des drôles de choses dans sa poitrine. Si elle s'habituerait à ses caresses dans ses cheveux, à son corps près du sien, à son souffle qui effleure sa peau. Elle avait l'impression que non, que les papillons dans son ventre ne cesseraient jamais de battre des ailes.

« Ton père est chez toi ?

— Nope. Y a personne, tout le monde est en vacances.

— Cool, tu pourras enfin me faire visiter. »

Assis à son bureau, Adrien sourit, les yeux rivés sur le livre qu'il lisait. Marinette finit de piquer des épingles le long de l'ourlet qu'elle voulait coudre et se leva pour aller farfouiller dans son armoire, faisant craquer le plancher sous ses pieds. C'était comme ça qu'ils avaient passés la majeure partie des vacances : Adrien chez elle à lire pendant qu'elle travaillait sur ses créations, le silence rompu seulement par les mots qu'ils s'échangeaient de temps en temps et la musique qui résonnaient en fond. C'était All I Want de Kodaline, pour le moment — une de ses chansons préférées.

Marinette attrapa une brassière de sport, un short assorti et un sweat — le sweat était à Adrien. Sans réfléchir, elle se tourna et enleva le tee-shirt qu'elle portait — aussi à Adrien.

« Ton dos, » entendit-elle derrière elle.

Elle pressa son tee-shirt contre ses seins et tourna la tête. Adrien avait levé les yeux de son livre et la regardait d'une manière qui lui donna chaud, tout à coup. « Qu'est-ce qu'il a, mon dos ?

— Il est musclé. Super musclé.

— J'espère bien. Ça fait pas six mois que tu me donnes des ordres pour rien. »

Il ne répondit pas, ne sourit même pas en retour. Ses yeux restaient rivés à son dos, sa bouche restait entrouverte. Marinette ne savait pas si elle devait se sentir flattée ou gênée. Peut-être un peu des deux. La gêne n'était cependant pas aussi forte que ce quelque chose qui brûlait au creux de son ventre. Alors, elle se tourna à nouveau et enfila sa brassière, faisant jouer les muscles de son dos en même temps. Un sourire lui redressa les lèvres — elle pouvait sentir le regard d'Adrien suivre chacun de ses mouvements.

Marinette hésita. Elle hésita à enlever le jogging qu'elle portait pour enfiler son short de sport. Montrer son dos était une chose, être en string et brassière devant lui en était une autre. Une qu'elle n'était pas prête à franchir — pas comme ça, en tout cas. À la place, elle enfila l'énorme sweat gris imprégné de l'odeur d'Adrien.

« Je le cherchais partout, Mari, sérieu— » La fin de sa phrase resta en suspens lorsqu'elle retira son jogging. Le sweat était suffisamment long pour couvrir ses fesses mais elle savait qu'il avait une vue imprenable sur l'arrière de ses cuisses.

« Désolée, » répondit-elle sans l'être le moins du monde. Elle enfila le short et le monta le long de ses jambes jusqu'en haut de sa taille en prenant son temps lorsque le vêtement passa ses fesses — il lui sembla que le souffle d'Adrien se bloqua dans sa gorge à ce moment-là.

Lorsqu'elle se retourna avec l'expression la plus innocente possible plaquée sur le visage, ses joues étaient rouges et ses yeux s'enfoncèrent dans les siens avec intensité. Son regard la bloqua sur place. « Un problème ? » demanda-t-elle du bout des lèvres.

Adrien secoua la tête. « Non. Au contraire. »

Ils se regardèrent quelques secondes, cette tension électrisante entre eux. C'était comme ça depuis des mois mais Marinette avait poussé un peu plus leurs limites aujourd'hui. C'était dangereux, parce qu'elle voulait continuer à le pousser, le pousser jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose. Elle ne savait pas quoi exactement, mais quelque chose. Elle voulait le voir craquer et ne se sentait même pas un peu honteuse ou coupable tellement l'envie était grande.

Marinette avait peut-être sous-estimé le fait qu'Adrien puisse avoir cette exacte même envie. Il avait toujours eu un effet indéniable sur elle, depuis des années maintenant. Mais c'était toujours sans le faire exprès. Il ne savait pas ce que ça lui faisait de le voir sourire, de le voir s'entraîner à côté d'elle, de le voir faire n'importe quelle activité de la vie quotidienne. Il ne savait pas à quel point elle le trouvait séduisant — ou, s'il le savait, il n'en jouait pas.

Jusqu'à aujourd'hui. Marinette avait ouvert une porte et Adrien s'était précipité à l'intérieur. Après son petit numéro dans sa chambre, ils avaient fait le chemin jusqu'à chez Adrien — celui-ci avait pris soin d'enfiler sa capuche et de baisser les yeux dès que quelqu'un le regardait avec un peu trop d'insistance pour ne pas être reconnu — pratiquement en silence, quelque chose de lourd flottant dans l'air. Ce n'était pas gênant, pas tout à fait inconfortable. Marinette adorait ce sentiment de puissance que le regard d'Adrien sur son corps lui avait donné. D'accord, ils s'entraînaient ensemble depuis des mois et ce n'était définitivement pas comme si c'était la première fois qu'il se rinçait l'œil mais c'était la première fois que c'était aussi évident. La première fois qu'il n'avait pas détourné le regard, la première fois qu'il avait pleinement assumé là où étaient ses yeux.

Et ça faisait toute la différence pour Marinette qui ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin. Une fois arrivée dans la salle de sport, elle retira le jogging par-dessus son short et le sweat d'Adrien, se retrouvant en brassière. D'habitude, elle avait toujours un tee-shirt. Au début, c'était par pudeur, puis par routine.

Mais, petit un : elle avait malencontreusement oublié de prendre un tee-shirt. Petit deux : elle n'allait pas rester en sweat. Et petit trois, ça n'avait plus tellement d'importance parce qu'Adrien la regardait de la même manière qu'il l'avait fait dans sa chambre et quelques fois sur le trajet.

Marinette se mordilla les lèvres pour s'empêcher de sourire et prétendit qu'elle ne voyait pas ses yeux rivés sur son corps. La vérité était qu'elle savait exactement ce qu'elle faisait. Elle savait à quel point son corps avait changé au cours de ces six derniers mois. Le mélange de la puberté et du sport intensif avait sculpté sa silhouette de la meilleure des manières. Sa morphologie qui avait toujours été fine — presque trop à son goût — était aujourd'hui bien plus musculeuse. Ses épaules étaient devenues plus proéminentes, accentuant la finesse de sa taille. Ses abdominaux étaient désormais visiblement dessinés et semblaient impressionner Adrien — si Marinette se fiait à la manière dont il les dévisageait. Ses cuisses restaient le changement le plus flagrant : elles étaient désormais suffisamment musclées pour ne plus rentrer dans la plupart de ses pantalons.

S'il y avait bien une partie de son corps dont elle était fière, c'étaient ses fesses. Elles avaient toujours été légèrement bombées mais ce n'était rien comparé à leur aspect actuel, bien qu'elles restaient en harmonie avec le reste de son corps, un des avantages à travailler l'entièreté de ses muscles. La musculation, les sports de combat et la chasse aux akumas à plein temps lui avaient peut-être supprimé toute autre activité — ou presque — mais l'impact sur son corps était indéniable. Marinette pouvait sentir le regard d'Adrien tomber sur ses fesses. Ce n'était pas comme si c'était la première fois — loin de là — mais il avait une visibilité sur cette partie de son anatomie qu'il n'avait jamais eu avant.

« On fait les jambes, aujourd'hui ? » demanda-t-elle avec innocence. Elle tourna le visage vers lui au moment où il leva les yeux dans les siens et s'empêcha de ne pas rire — Adrien Agreste était beaucoup de choses mais la subtilité ne faisait définitivement pas partie de ses qualités.

« Les jambes, » répéta-t-il absentement. Ce qui brûlait dans ses yeux s'intensifia un peu plus alors qu'il hochait la tête.

Marinette répéta son mouvement, un sourire se frayant un passage sur son visage. Elle avait réussi à lui faire perdre ses mots.

Son sourire ne dura pas. Ils entamèrent leur séance, s'échauffèrent avec de la musique en fond, firent quelques squats sans poids pour débuter et décidèrent d'ajouter une barre. Marinette avait rattrapé Adrien en termes de charge maximale depuis un moment, les mettant sur un pied d'égalité dans la plupart des exercices. Elle le dépassait cependant dans certains — et le squat avec barre en faisait partie.

Elle se redressa, les jambes tremblantes, et remit la barre en place. Elle essuya la sueur qui ruisselait le long de son front avec le dos de sa main et essaya de reprendre sa respiration.

« Tu fais quoi ? » demanda-t-elle en voyant Adrien ajouter un poids à l'extrémité de la barre.

« Tu peux faire plus. » Il haussa un sourcil, la défiant de lui dire le contraire. « Je serai derrière toi. »

Marinette n'était pas sûre que ça allait l'aider à se concentrer mais elle hocha la tête, prit une gorgée d'eau et se replaça devant la barre. La première répétition était fluide, la deuxième un peu moins. Adrien le sentit et rapprocha son corps du sien. Ses mains frôlaient ses hanches, prêtes à l'accompagner dans son mouvement si besoin.

« Allez, encore une, Mari, » l'encouragea-t-il à la fin de sa troisième répétition.

Elle fléchit les jambes et descendit, les talons bien à plats, puis remonta. Ses fesses touchèrent le bassin d'Adrien lorsqu'elle remonta et elle entendit sa respiration se bloquer dans sa gorge, ses mains toujours à un centimètre de son corps.

« Encore une, » murmura-t-il.

Est-ce qu'il disait ça pour l'aider à dépasser ses limites ou pour lui rendre la pareille de ce qu'elle lui faisait subir depuis ce matin ? Marinette n'en avait aucune idée, pas plus qu'elle ne savait si elle lui obéit pour son propre entraînement ou pour se retrouver à nouveau collée à son corps.

Ça n'avait plus beaucoup d'importance, pas quand ses jambes se mirent à trembler si fort que les mains d'Adrien attrapèrent ses hanches avec une force suffisante pour qu'elle finisse son mouvement. Elle replaça la barre et se laissa aller contre lui, l'arrière de sa tête reposant contre son torse.

« Bien joué, » lui dit-il, ses mains remontant le long de sa taille.

Marinette sourit et ferma les yeux, appréciant la caresse de ses doigts le long de sa peau. Il alla jusqu'à l'élastique de son short et frôla la bande de peau juste au-dessus.

Ils restèrent comme ça un certain temps, Marinette pressée contre lui, calquant sa respiration sur la sienne, des frissons lui parcourant la peau à chaque mouvement de ses doigts. Elle récupéra son souffle au bout d'un moment, suffisamment pour qu'ils poursuivent leur séance. Ils étaient plus proches que d'habitude. Chaque prétexte était bon pour se rapprocher de l'autre.

La fin de séance arriva, laissant Marinette épuisée et frustrée à la fois. Ses muscles étaient congestionnés et elle sentait qu'elle avait physiquement atteint ses limites. Mais il y avait ce quelque chose au fond d'elle qui n'était pas rassasié. Et ce n'était définitivement pas en regardant Adrien faire des tractions que cette frustration allait s'en aller.

Marinette soupira en se plaçant en-dessous d'une barre de traction, loin devant lui. Les cinq premières s'enchaînèrent avec fluidité mais son corps resta suspendu dans le vide à la sixième répétition.

« Besoin d'aide ? » demanda Adrien. Elle tourna la tête et le vit derrière elle, un sourire faussement nonchalant sur le visage.

« Non, tout va bien. »

Son corps ne la suivit pas dans son mensonge mais Adrien la rattrapa au moment où ses mains lâchèrent. Il agrippa sa taille, assez vigoureusement pour qu'elle se repositionne, et l'aida dans sa traction.

Marinette soupira en se laissant tomber sur le sol. « Merci, » souffla-t-elle.

Adrien pouffa de rire en lui tendant la bouteille d'eau. « Tout le plaisir est juste pour moi, visiblement. »

Elle leva les yeux au ciel en prenant une gorgée d'eau mais se sentit sourire. Adrien se rapprocha d'elle et essuya la goutte d'eau qui coula de ses lèvres avec son pouce.

« Jeu dangereux, Agreste, » murmura-t-elle.

Il lécha son pouce et Marinette ne savait pas si elle trouvait ça dégoûtant ou terriblement excitant. « C'est toi qui as commencé, » répondit-il d'un ton qui laissait supposer que, de toute façon, ce n'avait été qu'une question avant qu'il fasse le premier pas.

« On a besoin de parler.

— Hmmm. On parlera, » affirma-t-il, ses yeux rivés dans les siens.

Marinette hocha la tête, hypnotisée par le vert de ses iris. Elle était dans le pétrin.


Février 2017

Ils ne parlaient pas. Pas de ce qui devait être dit, en tout cas. Ils parlaient d'un tas de choses, en dehors de ça. Tout le temps. La journée, au lycée, chez Marinette en rentrant des cours et le soir par messages. Ils parlaient tout le temps mais trouvaient toujours un nouveau sujet de conversation.

À force de passer son temps chez Marinette, Adrien était non seulement devenu très à l'aise avec elle mais avec ses parents, aussi. Tom et Sabine l'adoraient et étaient ravis de l'avoir chez eux. Ils lui demandaient de rester dîner à chaque fois qu'il repartait — il acceptait, parfois. Ils mangeaient alors tous les quatre en riant et en se racontant leur journée.

Marinette et Adrien remontaient ensuite dans sa chambre et passaient le reste de la soirée à discuter, à regarder un film ou à jouer à des jeux vidéo — ça leur arrivait même de jouer avec Tom.

C'était ce qu'il s'était passé ce soir de février. C'était samedi et ils avaient passé la journée à réviser avec Nino et Alya.

« On va y aller, » Nino avait-il annoncé en fin d'après-midi. « On doit être rentrés à dix-neuf heures chez moi. »

Alya s'était levée en s'étirant. « Tu pars maintenant, Adrien ? »

Il avait secoué la tête, concentré sur son exercice de maths. « Non, » avait-il répondu sans avoir besoin de consulter Marinette.

Alya et Nino l'avaient regardée, sourcils haussés et sourire aux lèvres. « Quoi ? » avait-elle articulé silencieusement. Nino avait levé les mains innocemment et Alya avait souri un peu plus.

Ils s'étaient retrouvés seuls et avaient continué de travailler jusqu'à en avoir mal au crâne. « C'est officiel. J'en ai marre, » avait soupiré Marinette en laissant tomber son dos contre sa chaise.

Adrien, assis sur son divan, avait levé les yeux vers elle. « Moi aussi. » Il n'eût pas le temps d'ajouter quoi que ce soit d'autre que son ventre se mit à gargouiller, faisant sourire Marinette.

« Tu veux rester manger ? » demanda-t-elle. « Ma mère cuisine, » ajouta-t-elle avant qu'il ne dise non. Il savait ce que ça voulait dire : si c'était Sabine aux fourneaux, elle allait cuisiner des spécialités chinoises et Adrien adorait la nourriture chinoise.

Il plissa ses yeux et pointa son crayon vers elle d'un geste accusateur. « C'est mal de m'acheter avec de la nourriture. »

Elle haussa les épaules en se levant. « Pas besoin de nourriture pour ça. »

Il haussa les sourcils, ses yeux se levant vers les siens à mesure qu'elle s'avançait vers lui. Un sourire lui redressa les lèvres. « Regarde-toi, toute sûre de toi.

— Pourquoi je le serais pas— Ah-Ah ! » Adrien la tira par le bras, la faisant tomber sur le divan à côté de lui. « Pourquoi t'as fait ça ? »

Il ne répondit pas et Marinette se rendit compte d'à quel point son visage était proche du sien. Elle avait le dos pressé contre le divan, ses genoux pliés et Adrien avait le haut de son corps au-dessus du sien.

Ce genre de situation était arrivé des dizaines de fois depuis l'été dernier et encore plus depuis les vacances de Noël. Quelque chose avait changé entre eux, quelque chose qui rendait leur relation plus mature, plus provoquante. C'était ça : de la provocation constante. Marinette gérait plutôt bien d'être celle qui le trouble — elle aimait beaucoup ça, d'ailleurs — mais avait beaucoup de mal lorsqu'elle était troublée.

« Comme ça, » murmura-t-il, son visage trop proche du sien.

Marinette frissonna et réprima l'envie d'attraper le col de son tee-shirt et de le tirer vers elle. Elle pourrait, elle savait qu'il répondrait à cette envie mais il y avait toujours cette voix qui lui disait qu'elle ne devrait pas faire ça, qu'elle ne pouvait pas envoyer balader leur amitié pour une histoire d'hormones d'adolescente. Il y avait aussi cette autre voix, plus faible, qui lui répétait que peut-être qu'il ne voulait rien de tout ça, qu'il était Adrien et qu'il était trop bien pour elle et qu'elle était amoureuse de lui depuis des années et que ce n'était pas réciproque et que ça ne le serait jamais. Cette voix était particulièrement insupportable.

Parfois, elle se disait qu'elle ne pouvait pas faire ça par rapport à Chat Noir. Qu'elle ne pouvait pas se lancer dans quoi que ce soit avec Adrien en sachant pertinemment ce qu'elle éprouvait pour son coéquipier, que ce n'était juste pour personne.

Toutes ces voix s'accumulaient, se mélangeaient et Marinette ne tentait jamais rien de concret. C'étaient toujours des gestes innocents qui ne l'étaient pas vraiment. Sa main qui frôle la sienne, son genou qui touche le sien, sa tête qui se pose sur son épaule, ses cils qui battent en le regardant, son corps qui se rapproche un peu trop du sien. Il n'y avait plus de barrière physique sauf qu'il y en avait quand même une et qu'elle n'arrivait pas à la franchir.

Mais s'il était le premier à la franchir, c'était une autre histoire. S'il se rapprochait un peu plus, s'il bougeait sa main gauche pour la poser sur sa taille, s'il se penchait en avant... Marinette remarqua qu'il faisait toutes ces choses. Son cœur sursauta à chaque battement lorsqu'elle réalisa que ses yeux étaient rivés à ses lèvres et que sa main était vraiment posée sur sa taille.

Elle se rappela ce soir de nouvel an, plus d'un an auparavant. Elle se rappela leur presque baiser, se rappela la sensation de ses lèvres qui frôlent les siennes. Il y avait eu tellement d'occasions, depuis. Est-ce que c'était celle qu'ils allaient saisir ?

« Marinette ! » appela Sabine du salon. « Est-ce qu'Adrien reste manger ? »

Marinette essaya de refouler le grognement de frustration qui voulait sortir de ses lèvres — et échoua lamentablement. Adrien laissa son front tomber contre son épaule en riant.

« Oui ! » répondit-elle à sa mère. « Arrête de rire, » râla-t-elle en le sentant remuer contre elle.

« Et je devrais faire quoi ? » demanda-t-il en se redressant. Son visage était assez proche du sien pour que Marinette puisse dénombrer les cils qui bordaient ses paupières. Ils étaient foncés à la racine et blonds aux extrémités. Un peu comme ses cheveux. Elle adorait ses cheveux.

Elle haussa les épaules. « À ton avis ? »

Il souriait, souriait si fort que ses yeux étaient plissés. « Tu veux mon avis ? »

Marinette hocha la tête. « Je veux ton avis.

— T'es sûre ? Tu seras peut-être pas d'accord.

— Je suis sûre.

— Vraiment ?

Adrien, embr— »

Les mots — les mots qu'elle n'arrivait pas à croire qu'elle allait prononcer — ne quittèrent jamais entièrement sa bouche.

« Marinette, Adrien ? Vous venez m'aider ? » demanda alors Sabine.

Ils étaient à bout de souffle et Marinette savait que l'embrasser ne l'aurait pas aidée à reprendre sa respiration mais, à cet instant, elle en avait tellement envie que ses lèvres paraissaient plus attrayantes que de respirer. Respirer était ennuyeux, mais embrasser Adrien, Marinette savait avant même de l'avoir fait qu'elle allait adorer cette activité.

« J'adore ta mère, » déclara-t-il en se redressant. « Mais...

— Je sais. Moi aussi, » soupira-t-elle en pressant ses poings contre ses yeux.

Ils passèrent une très bonne soirée. La cuisine de Sabine était excellente et Marinette prit plaisir à voir Adrien se resservir. Ils parlaient rarement de son problème avec la nourriture mais elle savait que c'était là, que ce n'était jamais loin.

Le repas se passa dans la bonne humeur, dans les rires et dans les anecdotes et la cuisse d'Adrien resta collée à son genou tout le long. Sa main se posa même sur sa cuisse à un moment et Marinette avait failli s'étouffer avec son eau.

Adrien repartit directement après le repas puisqu'il était déjà tard et qu'il avait une séance photo le dimanche après-midi. Il dit au revoir à ses parents, les remercia trois fois pour leur accueil et embrassa Marinette sur la joue lorsqu'elle la raccompagna devant la porte.

« On se voit demain ? »

Elle hocha la tête, ayant momentanément perdu la capacité de parler. Elle regarda Adrien s'éloigner sans rien dire en se demandant si tout cela était réel, s'ils avaient vraiment failli s'embrasser et s'il venait vraiment de passer la soirée avec ses parents et elle — ce n'était pas la première fois mais ce sentiment d'invraisemblance frappait toujours, comme si c'était trop beau pour être vrai.

Elle finit par s'endormir — non sans avoir envoyé des messages à Alya avant. Lorsque son téléphone sonna, Marinette avait les paupières trop lourdes pour que ce soit le matin. Elle fronça les sourcils et chercha son téléphone à tâtons.

Ce n'était pas son réveil, c'était Adrien qui l'appelait. « Adrien ? » murmura-t-elle. « Qu'est-ce que—

— Mari ? »

Elle se redressa en une seconde, toute fatigue quittant son corps à la seconde où elle entendit sa voix tremblante. « Qu'est-ce qui a ? » s'inquiéta-t-elle. Il ne répondit pas. « Adrien, tu me fais peur—

— Mon père. »

Marinette ferma les paupières. « Qu'est-ce qu'il a dit ? Qu'est-ce qu'il a fait ?

— Je l'avais pas vu depuis quelques jours et ça fait des mois qu'on avait pas parlé plus de deux minutes. Il est entré dans ma chambre pendant que je me changeais, et— »

Il s'arrêta de parler d'un seul coup et Marinette savait qu'il s'empêcher de pleurer. Elle sentit sa gorge se serrer et les larmes lui monter aux yeux. « Adrien... » murmura-t-elle.

« Je suis désolé de t'appeler aussi tard. Ça fait deux heures que je me dis que je vais pas t'appeler mais j'arrive pas à dormir. Je suis désolé—

— Arrête. T'aurais dû m'appeler deux heures plus tôt. » Elle rouvrit ses paupières, alluma sa lampe de chevet et pressa sa main contre son front. « Tu veux que je vienne ?

— Il est quatre heures, tu vas pas venir jusqu'ici au milieu de la nuit.

— Est-ce que tu veux que je vienne ?

— Oui. Oui, mais—

— Je suis là dans un quart d'heure.

— Mari—

— T'inquiète pas, d'accord ? Je connais le chemin.

— Je sais, » souffla-t-il. « Les clés sont cachées dans le pot de fleur—

— Je sais, » le coupa-t-elle. « J'arrive. »

Et elle raccrocha, sans le laisser contester. « Tikki ? T'as entendu ? » Le kwami, à moitié endormi à côté d'elle, hocha la tête. Marinette se sentit coupable de la déranger en plein milieu de la nuit mais elle repensa à la voix d'Adrien et l'inquiétude prit le pas sur la culpabilité. Elle se lava les dents en quatrième vitesse, ne prit même pas la peine de se changer et se transforma.

En étant Ladybug, elle ne prit que cinq minutes pour arriver dans le quartier d'Adrien. En tant que Marinette, elle mit cinq autres minutes pour entrer — elle passa par la porte de service derrière le manoir au lieu de passer par la grille principale en utilisant le trousseau de clés qu'elle avait déniché dans le pot de fleur juste à côté et passa par la deuxième porte de service à la droite du manoir après avoir traversé le jardin. Elle prit soin de faire tout ce qu'Adrien lui avait montré pour ne pas se faire repérer par les caméras de surveillance et réussit à monter jusqu'à sa chambre sans se tromper d'escaliers. Ça aurait pu être un exploit si la raison pour laquelle elle faisait tout ça n'était pas aussi grave.

Lorsqu'elle referma la porte de la chambre d'Adrien, elle avait l'impression que son cœur allait exploser d'inquiétude. « Adrien ? » l'appela-t-elle.

Il était assis sur son lit, ses genoux contre sa poitrine, sa tête entre ses mains. Lorsqu'il leva son visage et que son regard rencontra le sien, Marinette sentit son cœur tomber comme une pierre dans sa poitrine. « Adrien, » souffla-t-elle. Elle ne réfléchit pas et se précipita vers lui. Au moment où elle s'assit sur le lit et commença à douter de son geste, Adrien passa ses bras autour d'elle et enfouit son visage dans son cou.

Elle pinça ses lèvres pour contenir le sanglot qui lui tailladait la gorge. Sa main s'enfouit dans ses cheveux et ses jambes s'entremêlèrent aux siennes, le rapprochant de lui autant que possible. « Je suis—

— Si tu me dis que t'es désolé encore une fois, je vais me servir de ce que tu m'as appris contre toi. »

Elle le sentit rire tout contre elle. « D'accord, » murmura-t-il.

Ils restèrent comme ça un moment, suffisamment longtemps pour que Marinette ravale son sanglot et contrôle sa respiration à nouveau. « Tu veux en parler ? » lui demanda-t-elle alors qu'elle était allongée sur son côté gauche.

Lui était sur le dos, les yeux rivés au plafond. Il haussa les épaules. « Y a pas grand-chose à dire. Il est entré, il m'a vu torse-nu et ça lui a pas plu.

— Mais pourquoi ? »

Il haussa à nouveau les épaules. « Il aime pas que je prenne du poids. »

Marinette fronça les sourcils. Si elle s'était musclée avec leurs entraînements, Adrien n'était pas en reste. « Je comprends pas. C'est par rapport aux séances photos que tu fais pour lui, on est d'accord ? » Adrien hocha la tête. « Alors, le but c'est que tu restes dans les standards de beauté, alors ? »

Adrien haussa encore les épaules. « J'imagine.

— Bah t'es en plein dedans ? Juste un peu plus musclé, c'est tout.

— Oui mais il a du mal. C'est pour sa marque alors il pense qu'il a le droit de lui donner l'image qu'il veut et il a toujours juré que par les mannequins très minces, alors...

— Tu peux pas lui dire que tu veux plus être mannequin pour lui ?

— Je peux pas faire ça.

— Et tu peux pas lui dire qu'un peu de diversité — et encore, c'est un grand mot — ça a jamais tué personne ?

— Je peux pas faire ça, non plus. »

Marinette soupira, une vague de haine pour Gabriel Agreste lui faisant serrer la mâchoire. Ses doigts couraient distraitement le long du tee-shirt d'Adrien, de son ventre jusqu'à son sternum.

« De toute façon, c'est trop tard. »

Marinette leva les yeux vers lui. Il ne la regardait toujours pas. « Trop tard ?

— Les dégâts sont déjà faits. Que je sois dans les standards de beauté ou pas, que je sois mannequin pour lui ou pas, ça a pas tellement d'importance. Mais ce qu'il pense de moi... » Il secoua la tête et un rire sans humour s'échappa de ses lèvres. « Putain, je suis trop con. »

Marinette immobilisa ses doigts contre son torse et se redressa. « Dis pas ça. C'est ton père, c'est la seule figure parentale qu'il te reste, c'est normal que t'accordes de l'importance à ce qu'il pense de toi. Même si tu devrais pas. » Il continuait de fixer le plafond et Marinette déglutit presque douloureusement. « Si seulement tu pouvais me voir comme moi je te vois. »

Il ne répondit pas tout de suite. « Mais je peux pas. »

Marinette ne l'avait jamais vu dans un tel état. Lui qui était toujours rempli d'optimisme et de joie de vivre, toujours prêt à raconter une blague et à rependre son sourire solaire partout où il allait — il n'y avait rien de tout ça à cet instant. Il avait suffi d'un moment avec son père pour qu'il le lui extirpe. Ça terrifiait Marinette. La perspective de se réveiller un jour et de découvrir qu'Adrien n'était plus Adrien.

Elle n'allait pas pleurer. Elle n'allait pas pleurer alors qu'il était celui qui avait besoin d'aide. Non, se dit-elle en pinçant ses lèvres.

« Je... » articula-t-il d'une voix à peine reconnaissable. « Je me suis fait... »

Elle pouvait dire qu'il hésitait à prononcer les mots, qu'il hésitait à se confier. Marinette accrocha la main posée sur son torse à son tee-shirt pour lui rappeler qu'elle était là — et parce qu'elle avait besoin de sentir qu'il était là, au moins physiquement parlant. « Tu peux me dire n'importe quoi, » murmura-t-elle. « N'importe quoi. »

Il hocha presque imperceptiblement la tête, ses yeux toujours rivés au plafond. « J'ai toujours eu des problèmes avec mon corps à cause de mon père et de l'industrie du mannequinat en général. On te met une pression pour être toujours plus mince — même à douze ans. J'ai grandi en ayant l'image de mon corps que mon père me mettait dans la tête. S'il me disait que j'étais trop gros alors je mangeais presque rien pendant une semaine. J'ai jamais réussi à me détacher de ce qu'il pense de moi. » Il prit une grande inspiration, sa mâchoire se contractant et se décontractant. « Ma mère a toujours essayé de m'aider là-dessus et ça a marché, pendant un temps. Mais elle est partie et... » Il ferma les yeux un instant, déglutit. « Et j'ai grandi et j'ai continué les séances photos et... les gens parlent. Ils parlent de techniques pour... pour rester mince et... »

Marinette le regardait avec impuissance. Elle pensa à chaque après-midi qu'ils passaient ensemble, aux pâtisseries qu'elle allait chercher à la boulangerie, aux repas qu'il passait avec elle et ses parents. Pendant tous ces mois passés ensemble, elle avait eu l'impression de l'aider mais et si elle n'avait fait que l'enfoncer ?

« Utiliser des petites assiettes, compter ses calories, manger un glaçon... et j'ai encore plein d'autres exemples. Mais le plus efficace et ce que beaucoup de mannequins font c'est... se faire vomir. »

Marinette connaissait les troubles du comportement alimentaire — sa mère l'avait toujours beaucoup sensibilisée là-dessus. Mais elle n'avait jamais été dans cette situation où quelqu'un lui avouait qu'il était atteint de ces troubles. Et ce quelqu'un était Adrien. Elle l'avait vu venir, elle ne pouvait pas dire le contraire, mais entendre ces mots sortir de sa bouche, c'était autre chose.

Prononcer ces mots semblait être quelque chose pour lui aussi. « Je le faisais souvent l'année où ma mère... Et quasiment toute l'année de troisième. Beaucoup moins en seconde. Je l'avais pas fait depuis plus d'un an. Mais tout à l'heure, mon père... »

Elle voulait le prendre dans ses bras. Le prendre dans ses bras et le serrer, le serrer jusqu'à ce que leurs corps fusionnent. Elle voulait rester contre lui jusqu'à ce qu'il comprenne à quel point son père avait tort.

« C'était trop, » murmura-t-il. « Alors j'ai... »

Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Et il ne semblait pas le pouvoir, non plus. « La prochaine fois que ça te traverse l'esprit, tu m'appelles. J'en ai rien à faire de l'heure qu'il est, tu m'appelles. D'accord ? »

Il hocha la tête, toujours sans la regarder, et passa nerveusement sa langue sur ses lèvres. Marinette comprit que s'il faisait tant attention à ne pas croiser son regard, c'était par honte. « T'as le droit de m'en parler, » murmura-t-elle. « C'est pas parce que tu m'en parles que ça te rend moins fort — au contraire. » Elle se redressa légèrement. « Et c'est pas parce que tu m'en parles que quelque chose va changer entre nous. » Elle hésita à prononcer la phrase sur le bout de sa langue mais savait que c'était la chose à dire. « C'est pas parce que tu m'en parles que je t'aimerais moins, Adrien, » chuchota-t-elle.

Enfin, enfin, il la regarda. Ses yeux brillaient de larmes et de reconnaissance et d'un tas d'autres sentiments. « T'es sûre ? »

Elle lui sourit avec patience. « Oui. J'irai nulle part, OK ? »

Il hocha la tête et une larme s'échappa de son œil. Ce qu'elle lui disait, ça signifiait beaucoup — autant pour elle que pour lui. La dernière personne qui avait été au courant de ses troubles, ç'avait été sa mère. Se confier à une nouvelle personne le terrorisait puisque ça voulait dire prendre le risque que ce schéma se répète.

Il n'avait pas besoin de lui dire tout ça. Elle pouvait le lire dans ses yeux, le lire à travers le lien qui les unissait.

« Merci, » murmura-t-il. Il continuait de la fixer comme s'il rattrapait toutes ces minutes passées sans la regarder.

« Viens-là, » lui dit-elle en tendant ses bras.

Adrien se nicha contre elle, le visage pressé au-dessus de ses seins et Marinette savait qu'il pouvait entendre le rythme effréné de son cœur. Elle passa ses mains dans ses cheveux, massa la base de sa nuque et passa sa cuisse au-dessus de ses jambes.

« T'es en pyjama, » murmura-t-il tout contre elle, sa main pressée dans le bas de son dos, en-dessous de son tee-shirt. « T'es venue comme ça ? »

Oups. C'était l'hiver et les nuits étaient très froides — elle ne pouvait pas avoir fait le chemin jusque chez lui en tee-shirt et en pantalon de pyjama. « Mon père m'a emmené, » prétexta-t-elle. « Il venait de se réveiller et je lui ai dit qu'Alya avait un problème et que je devais la rejoindre. J'ai marché jusqu'ici après. »

Marinette se félicita pour son mensonge de dernière minute. Adrien et Alya n'habitaient pas très loin l'un de l'autre et son père se réveillait toujours très tôt pour préparer les pâtisseries et les baguettes du jour.

« C'est mon tee-shirt, » déclara-t-il quelques secondes plus tard.

Marinette sourit en enfouissant son nez dans ses cheveux. C'était celui avec le soleil dans le dos, celui qu'il lui avait prêté le jour où elle avait eu tellement mal au ventre qu'elle s'était endormie dans son lit. Six mois plus tard et elle ne lui avait toujours pas rendu. « Hmmm, » murmura-t-elle. « Tu pourras le porter un petit peu ? Il sent plus comme toi. »

Elle sentit Adrien sourire et enfoncer un peu plus son visage contre sa poitrine. « Il sent comme toi, » dit-il, ses doigts montant et descendant directement le long de son dos.

Ses paupières se fermèrent et son corps se relaxa, pressé contre celui d'Adrien. Sa colonne vertébrale caressée par Adrien était parcourue de frissons et elle commençait à avoir sérieusement chaud mais elle ne bougea pas d'un centimètre, se réfugiant dans un cocon de bien-être.

Lorsque Marinette rouvrit les paupières, il faisait toujours nuit. Elle tendit la main jusqu'à son téléphone en faisant son possible pour ne pas déranger Adrien toujours niché contre elle. Cinq heures trente-deux.

« Adrien, » murmura-t-elle.

« Hmmm, » marmonna-t-il, sa main bougeant légèrement contre son dos.

Ils étaient tellement entremêlés qu'elle ne savait par où commencer pour se détacher de lui. « Je suis en train de m'endormir. Il faut que je rentre. »

Il la rapprocha un peu plus de lui. « Reste, » murmura-t-il, à moitié endormi. « Tu peux rester ? »

Elle ne répondit pas tout de suite et Adrien s'éloigna suffisamment pour lever les yeux vers elle. « Oui, » finit-elle par dire. « Oui, je peux rester. »

Un sourire paisible redressa les lèvres d'Adrien. Il réfugia à nouveau son visage contre elle en la serrant contre lui. « Cool. »

Il s'endormit dans la minute qui suivit et Marinette le rejoignit peu de temps après, cette petite voix dans sa tête lui répétant que oh mon Dieu, elle dormait avec Adrien.


La semaine suivante passa relativement lentement et, pour la première fois depuis des mois, Marinette trouva le temps de s'ennuyer.

Les attaques de Papillon diminuaient, laissant Paris sans akuma pendant des jours entiers. Il y avait cette période de creux au lycée où Marinette n'avait pas beaucoup de devoirs et elle n'était pas vraiment d'humeur à coudre ou à ébaucher des vêtements. Elle ne s'était pas entraînée depuis bientôt une semaine et le manque d'activité physique la mettait dans un état de frustration physique. Elle avait besoin de bouger, de faire quelquechose.

Aller courir après les cours aidait, mais seulement pendant un temps. Et elle n'osait pas en parler à Adrien — elle ne se voyait pas lui parler de sport après ce qu'il lui avait confié le week-end dernier alors que c'étaient précisément leurs entraînements qui l'avaient mis dans cet état.

Enfin, non, c'était son père. Mais Marinette se sentait toujours responsable et avait du mal à se confronter à sa culpabilité. Pourtant, il semblait aller bien. Il souriait, il allait en cours, il discutait avec tout le monde avec cette gentillesse et cette joie qui le caractérisaient si bien.

Quelque chose était différent entre eux. Les regards qu'ils se lançaient dans les couloirs du lycée avaient changés. Les sourires qu'ils s'adressaient n'étaient plus si innocents. Les mots qu'ils s'adressaient étaient chargés de sous-entendus. Marinette se demandait comment ils pouvaient dormir ensemble et se confier leurs plus sombres secrets la nuit et agir comme de simples amis le jour.

Ça ne la dérangeait pas pour autant. Elle aimait bien le côté secret de leur relation. C'était presque irréel, tellement irréel qu'elle se demandait chaque matin si ce qui était arrivé la veille était vraiment arrivé. Est-ce qu'ils avaient vraiment dormi ensemble ? Est-ce qu'ils avaient vraiment failli s'embrasser ? Est-ce qu'elle était vraiment dans sa chambre, là, tout de suite ?

Est-ce que ce sentiment d'impossible allait un jour disparaître ? C'était comme vivre dans un nuage, comme si tout pouvait partir en fumée en un instant. Pourtant, elle n'avait pas peur. Il était là et il n'irait nulle part — elle en était convaincue.

Elle leva les yeux de son livre et observa Adrien à son bureau. Il était en train de travailler son chinois. Quelques mèches de cheveux tombaient devant son front et ses sourcils étaient froncés de concentration. Tap tap tap, faisait son crayon contre sa feuille.

« Tu me fixes, » déclara-t-il sans avoir besoin de la regarder.

Marinette, prise de court, reporta son regard sur son livre. « J'ai pas le droit de te fixer ?

— J'ai pas dit ça, » répondit-il sans décrocher son regard de sa feuille.

Elle laissa tomber son livre contre sa poitrine en soupirant. Ce jeu de fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuisétait amusant mais elle commençait sérieusement à avoir envie de plus. La frustration était difficile à gérer, surtout maintenant qu'elle n'avait plus grand-chose à faire pour s'en distraire. Elle pensait au goût que pouvaient avoir ses lèvres du matin au soir. À la sensation qu'elles pourraient avoir sur les siennes.

Peut-être devrait-elle faire le premier pas ? Toutes ces voix et ces raisons de ne pas le faire étaient toujours là mais l'envie était bien plus forte.

Ou peut-être devait-elle juste attendre ? Mais attendre quoi, exactement ? Elle le voulait, alors pourquoi ne pas le faire ?

« Je peux t'entendre penser jusqu'ici, Mari, » déclara Adrien. « Qu'est-ce qui a ? »

Il finit par se tourner vers elle et elle perdit tout courage à la seconde où ses yeux se posèrent dans les siens. « R-Rien, » marmonna-t-elle en se frottant les yeux. « Rien, ça va. »

Il ne la croyait sûrement pas mais ne fit pas plus de commentaire. Marinette s'assit au bord du lit, son visage dans ses mains, le cœur battant trop vite dans sa poitrine. Pourquoi est-ce qu'elle n'arrivait pas à se sortir cette envie de la tête ?

Elle se sentait tellement vulnérable, tellement faible de ne pas réussir à faire fonctionner son cerveau correctement parce qu'elle était obsédée par les lèvres d'Adrien. C'étaient juste des lèvres, juste de la peau, en fait.

« Mari, » murmura-t-il. Elle sursauta en sentant une de ses mains sur son épaule. Elle ne l'avait pas entendu se lever ni s'approcher d'elle. « Mari, qu'est-ce qui va pas ? » demanda-t-il en s'agenouillant devant elle.

Elle ne répondit pas. Adrien attrapa doucement ses poignets pour retirer ses mains de son visage. « Mari, » chuchota-t-il.

L'intensité de son regard dans le sien rendit le fait de respirer difficile. « Tu... Tu te souviens quand on était chez moi samedi dernier ? » Il hocha la tête et Marinette prit une grande inspiration, se concentrant sur la chaleur de ses doigts qui caressaient ses mains. « Tu m'as demandé ce que tu devrais faire, et... » Elle ferma les yeux, se lécha nerveusement les lèvres. « Tu te souviens ?

— Je me souviens, » murmura-t-il.

Marinette rouvrit les paupières. Ses yeux étaient assez proches des siens pour qu'elle remarque la grosseur de ses pupilles. « Et...

— Tu veux mon avis ? »

Son cœur battait presque douloureusement dans sa poitrine. Elle hocha la tête et l'ombre d'un sourire se dessina sur les lèvres d'Adrien qu'elle n'arrivait plus à s'empêcher d'observer.

« T'es sûre ? » murmura-t-il en entrelaçant ses doigts aux siens.

« Sûre. »

Il se rapprocha tellement que son souffle lui chatouilla les lèvres. Les paupières fermées, Marinette se pencha légèrement vers lui jusqu'à ce que sa bouche frôle la sienne. Elle pouvait le sentir sourire tout contre elle.

Il s'éloigna de quelques centimètres et Marinette se rapprocha à nouveau. Mais Adrien s'éloigna encore. Marinette fronça les sourcils avec confusion jusqu'à ce qu'elle entende un léger rire s'échapper de son nez.

« Ça t'amuse ? » murmura-t-elle d'une voix tremblante.

« Hmmm, » affirma-t-il, une de ses mains quittant la sienne pour se perdre dans ses cheveux. « T'es mignonne quand tu veux quelque chose. »

Elle rouvrit les yeux et fut frappée par son insupportable sourire. Il semblait tellement fier de lui et la regardait avec une telle affection et comment pouvait-elle avoir encore plus envie de l'embrasser à chaque seconde qui passait ?

« Est-ce que tu vas faire quelque chose ou pas ? Parce que tu devrais me le dire maintenant pour que je puisse me— »

Adrien pressa sa main contre sa nuque, la poussant contre lui jusqu'à ce que ses lèvres touchent les siennes, et avala littéralement le reste de sa phrase. Ce fut rapide, juste sa bouche qui se colle contre la sienne. Elle n'eût même pas le temps de fermer les yeux. « C'est ça que tu veux ? » murmura-t-il contre ses lèvres.

Sa voix rauque lui chatouilla le bas du ventre. Marinette hocha la tête, incapable de dire quoi que ce soit. La main gauche d'Adrien était toujours contre sa nuque et la droite toujours autour de la sienne. « Tu— »

Ce fut elle qui le coupa, cette fois. Elle attrapa le col de son tee-shirt et effaça les quelques centimètres qui les séparaient en pressant ses lèvres contre les siennes. C'était doux. Et chaud. Et humide. Et son cœur faisait tout un tas de soubresauts dans sa poitrine.

Elle ne savait pas réellement comment s'y prendre — sa seule expérience remontait à deux ans et ç'avait été l'affaire de quelques secondes. En plus, elle n'avait pas vraiment eu le temps d'apprécier la chose puisque le but premier avait été de sauver Paris.

Mais aujourd'hui, Marinette prit le temps de découvrir correctement cette nouvelle activité. Comme elle l'avait prédit, il ne lui fallut que quelques secondes pour savoir qu'embrasser Adrien allait devenir une des choses qu'elle préférait faire.

Le manque d'expérience ne la découragea pas du tout. Elle essaya, au rythme de ses envies, au rythme de celles d'Adrien. Presser ses lèvres contre les siennes était agréable mais Marinette voulait plus alors elle pencha la tête sur le côté et leurs lèvres étaient comme un puzzle qui s'assemble.

Adrien pressa un peu plus sa main contre sa nuque, la rapprochant toujours davantage de lui. Il bougea ses lèvres contre les siennes et Marinette serra ses doigts autour du col de son tee-shirt, reconnaissante d'être assise. Elle posa leurs mains liées sur sa cuisse et frissonna quand Adrien emprisonna sa lèvre inférieure entre les siennes. Encouragée, Marinette intensifia davantage le baiser en appuyant un peu plus sa bouche contre la sienne. C'était physiquement impossible mais elle avait besoin d'être plus proche de lui.

La main d'Adrien s'agrippa à sa cuisse lorsque celle de Marinette la quitta pour se cramponner à son épaule. C'était comme s'ils avaient besoin de se raccrocher l'un à l'autre pour s'assurer que ce moment était bel et bien réel.

Au bout d'un moment, ils s'éloignèrent légèrement pour reprendre leur souffle et Marinette laissa tomber son front contre le sien. « Je... Je crois qu'on est du même avis.

— Un très bon avis, » murmura-t-il, la main contre sa nuque glissant le long de son dos jusqu'à se poser contre sa taille. « J'ai plein d'autres avis, sur plein d'autres choses. »

Sa voix était plus grave que d'habitude et tremblait légèrement. Marinette pinça ses lèvres, se concentrant pour retenir le gémissement qui montait dans sa gorge. « J'ai hâte de les entend— mmm... »

Adrien pressa ses lèvres contre sa joue d'une manière qui lui donna encore un peu plus chaud. Sa main remonta le long de sa cuisse et sa bouche descendit jusqu'à sa mâchoire et le souffle de Marinette se coupa.

Elle se rendit compte que, maintenant qu'elle l'avait embrassé, maintenant qu'elle savait ce que ça faisait, elle voulait plus. Elle voulait l'embrasser, encore. Mais elle voulait faire plus. Et son instinct lui souffla que ce n'était que le début.


Alors ? J'ai hâte d'avoir vos avis !

C'est officiellement mon dernier jour en France parce que je pars demain en Suède pendant un an en Erasmus ! Normalement, il y aura toujours un chapitre tous les lundis mais si ce n'est pas le cas, vous saurez pourquoi.

À la semaine prochaine !

— Lucie.