Chapitre 4

Note : Un grand merci à Elyalis pour avoir posté la première review. Merci aussi à ses encouragements. Au moins je sais que je suis un peu lue et ça donne envie de continuer…

Sara tournait en rond dans son appartement. Il y avait deux jours qu'elle était allée trouver Ecklie et il n'avait pas donné de nouvelle. A présent, elle doutait de sa décision. Ces quelques jours de liberté lui avaient permis de se reposer. Elle se sentait mieux. Ses migraines avaient disparu et, ce matin devant son miroir, elle aurait juré avoir meilleure mine. Et si le médecin s'était trompé ? Changer d'équipe n'était peut-être pas une bonne idée après tout. Le fait de quitter ses amis, ses uniques amis, était certainement une erreur. Si sa situation empirait après cela ? La solitude peut parfois être bien pire que toutes les fatigues du monde, avis de médecin ou pas.

La jeune femme détestait se sentir hésitante, elle qui avait mené sa vie d'une main de fer, traçant sa route avec détermination. Un seul homme pouvait la faire douter : Grissom. Encore et toujours lui. Que dirait-il en apprenant sa mutation ? Il n'avait donné aucune nouvelle depuis son congé. Pourtant il devait s'être rendu au labo pendant ce laps de temps. Ah oui ! C'était bien Grissom ça ! Aucun signe de vie, pas de discussion ni de question. Sara enrageait de voir qu'une fois de plus, elle avait attendu quelque chose qui ne viendrait pas. Elle le savait pourtant. A cet instant, Sara fut interrompue dans ses pensées par la sonnerie de son portable.

Ecklie.

Sara décrocha le combiné :

-Sidle

-Bonjour, c'est Conrad. Je voulais vous informer que votre requête avait été acceptée. Vous serez transférée à l'équipe de jour d'ici à la fin de la semaine. Votre nouveau superviseur s'appelle James Petersen. Mais…

-Merci Ecklie. J'apprécie votre mansuétude.

-Minute Miss Sidle ! Il y a cependant un petit problème. Nous n'avons pas pu vous remplacer pour le service de ce soir. Accepteriez-vous de travailler une dernière fois de nuit ?

-Oui euh… oui oui bien sûr, comptez sur moi.

-Parfait ! Cela vous laissera le temps de dire au revoir à vos anciens collègues… A bientôt.

Sara raccrocha abasourdie. Cette fois, plus moyen de retourner en arrière, son destin était scellé, elle allait changer d'équipe. Son cœur se serra à la pensée des adieux imminents qu'elle allait devoir faire à ses futurs ex-collègues. Il était temps d'y penser sérieusement.

Grissom était venu en avance. Il n'en pouvait plus de tourner en rond dans son appartement, à la recherche d'une solution. Pourtant, il la connaissait, cette maudite solution. Il n'y en avait qu'une. Facile ! Il avait beau tourner le problème dans tous les sens, se chercher des excuses, des raisons pour éviter d'accepter l'inévitable, il retombait toujours à la même place… Il avait un fils à élever. Les paroles de Terri résonnaient encore dans sa tête… un homme pleutre et émotionnellement immature. Etait-ce donc ce qu'il était ? Sara lui avait dit la même chose, cette fameuse fois où elle lui avait dévoilé son terrible passé. Il fallait donc croire que oui.

Que faire ? L'appel de Terri était prévu pour demain et il n'avait toujours pas trouvé de réponses aux questions de la jeune femme. Elle avait raison, trois jours n'avaient rien changé au problème. Si seulement 72 heures pouvaient suffire à changer 50 ans de vie solitaire et prudente !

Grissom chassa ses préoccupations et se leva de son fauteuil. Il quitta son bureau et se dirigea vers la salle de repos pour y attendre son équipe. Il espérait qu'elle serait vide. Une conversation avec l'un ou l'autre des membres de l'équipe intermédiaire, Catherine comprise, était bien la dernière chose dont il avait envie.

Il fallait croire que, ces jours-ci, les attentes de Grissom avaient la fâcheuse tendance de ne pas s'exaucer. Catherine était assise à la table, en train de rédiger ses rapports. A son entrée, elle releva la tête :

-Oh Grissom ! Bonjour !

-Bonjour Catherine.

Il se tourna vers la machine à café, dans l'espoir que la blonde ne continuerait pas la conversation. Peine perdue !

-Tu as une mine affreuse Gil ! Tu as fait la noce toute la nuit ou quoi ?

-Haha qui sait…

-La vie de Grissom est impénétrable… répondit la jeune cheffe malicieusement. Je ne vais pas te déranger plus longtemps, ton équipe va arriver. Je me retire dans mon bureau, pour profiter pleinement des joies ineffables de la paperasserie.

-Eh oui, les corvées de tout superviseur… Qui a dit que gouverner est un vrai plaisir ?

Catherine sourit et sortit de la pièce en emportant une pile de rapport qui aurait fait pâlir de désarroi le plus assidu des notaires. Grissom s'assit et se replongea dans ses sombres pensées. Sa tranquillité ne fut que de courte durée, car ce qui semblait être une touffe de cheveux surexcitée arriva en trombe dans la salle. Greg faisait son entrée.

-Tiens salut Boss ! Déjà là ? Vous ne pouviez pas vous passer de mon si délicieux café une minute de plus hein ? Avouez !

Grissom sourit et soupira devant la candeur de son jeune CSI. Si seulement il ne pouvait s'agir que de café… Sara choisit ce moment pour entrer à son tour dans la salle. Ses quelques jours de repos semblaient l'avoir transformée. Elle avait meilleure mine et souriait.

-Salut les garçons ! Quoi de neuf pour ce soir ? Sofia n'est pas là ?

-Non, c'est son jour de congé, nous ne sommes que les trois ce soir. Brass m'a transmis notre affaire tout à l'heure. Nous travaillerons ensembles, je dois voir ce que Greg a appris ces derniers temps. Il s'agit d'une jeune femme retrouvée morte dans un hangar de la zone industrielle. Les flics nous y attendent.

Les trois CSI sortirent de la SUV en même temps. Ils se dirigèrent vers Brass et Grissom commença :

-Qu'est-ce qu'on a Jim ?

-On a retrouvé les papiers de la victime sur le corps. Alice Denice, 26 ans, interne au Desert Palm Hospital. Apparemment morte d'un coup de couteau à la gorge. David est sur place, il vous attend pour emmener le corps.

-Qui a appelé ?

-Un des types chargés de vider l'entrepôt. L'entreprise qui le louait vient de faire faillite. Eh oui, liquidation des biens. Je vous la laisse, elle est toute à vous mes chers. Je vais interroger notre témoin.

-Greg tu prends l'extérieur. Sara, venez avec moi.

Greg se mit immédiatement au travail, non sans avoir discrètement grogné sur l'injustice criminelle dont il était victime. Pourquoi fallait-il toujours que Sara fasse équipe avec Grissom quand il était là ? D'habitude, c'est lui qui travaillait avec elle. Ahh celui-là, dès qu'il ramenait ses grands sabots, le pauvre Greggo ne devenait que simple poussière…

Grissom se pencha sur le corps et commença à prendre des clichés. La jeune femme était étendue sur le dos, les bras tendus, le tout formant une croix. La pauvre victime gisait dans une marre de sang, devenu noirâtre suite à son exposition à l'air libre. Elle avait un visage paisible, sans la moindre trace de terreur. Sur sa poitrine était épinglée un mot.

Tu ne tromperas point.

L'écriture était manuscrite et hésitante. Les lettres étaient tracées de façon irrégulière et toutes en majuscules. Grissom prit le morceau de papier et le glissa dans une enveloppe de pièces à conviction. Il se tourna vers David :

-Alors Doc ?

-Mort par hémorragie. Cette pauvre femme s'est littéralement vidée de son sang. Au vu de la rigidité cadavérique et de la coagulation du sang, je dirais qu'elle est morte depuis plus de deux jours. Peut-être trois. Je pourrai être plus précis une fois l'autopsie effectuée. Ah et pas de trace de viol, ni de quelqu'autre forme de violence, apparemment.

-Merci, vous pouvez l'emmener.

-Grissom ! Sara s'était relevée, elle avait trouvé quelque chose. Son superviseur accouru.

-Qu'est-ce que… un préservatif ? Où l'avez-vous trouvé ?

-Ici.

Sara montra un canapé devant une table basse, non loin du corps de la victime. Grissom se pencha et remarqua des miettes de pain, ainsi que des restes de beurre de cacahuète sur la table. Un rouleau de scotch trônait aussi au même endroit. Le même que celui retrouvé aux chevilles de la victime.

-La salle à manger de notre assassin ?

-Possible, emballez-moi tout cela et portez-le au labo, je vais trouver Greg et je vous y retrouve.

Sara obtempéra docilement. A voir, Grissom n'était pas au courant de son départ imminent. Ecklie ne lui avait pas simplifié la tâche. A moins que cette indifférence ne soit qu'une feinte du scientifique pour ne pas montrer qu'il savait. Encore un moyen de ne pas mélanger travail et sentiments. Cet homme était un mur, décidemment.

Deux heures plus tard, Sara était assise avec Greg devant l'imprimante qui n'allait pas tarder à leur cracher le profil génétique du sperme trouvé dans le préservatif. Sara priait intérieurement pour que l'ADN soit fiché, qu'ils trouvent et appréhendent le suspect et que l'enquête soit bouclée propre en ordre. Finir sur une enquête résolue serait un beau point final.

-Tu as l'air reposé Sara. Tes cernes sont moins visibles…

-Oh non Greg, j'ai trouvé un meilleur fond de teint !

-Désolé, c'était maladroit. Juste pour dire que tu semblais aller mieux.

-Je sais bien. Oui, je vais mieux, j'ai pris certaines décisions qui me font me sentir plus légère.

-Comme ?

-Greg, pas maintenant. Sara se mordit les lèvres. Elle s'apprêtait à faire ce que Grissom faisait tout le temps. Remettre à plus tard ce qui pouvait être dit tout de suite, et blesser les gens en anticipant leur réaction. Manque de confiance. Elle se reprit :

-Je veux dire, tu es sûr de vouloir l'entendre maintenant ?

-Oh nous avons tout le temps, cette machine est aussi lente qu'un macrophage boiteux. J'ai déjà demandé cents fois à Grissom de la remplacer mais… Pardon, je t'écoute.

-Je vais quitter l'équipe de nuit Greg. J'ai été mutée à l'équipe de jour, sur demande de ma part. C'est mon dernier service nocturne.

Greg blêmit. Pendant quelques secondes il ne dit rien. Puis il répondit :

-Pourquoi ?

-Tu te souviens, il y a deux semaines tu m'as trouvée endormie sur les indices que j'étais en train d'examiner ? Tu as dit que j'avais l'air épuisé et que j'avais très mauvaise mine. Tu m'as conseillé d'aller trouver mon médecin. Je t'ai écouté. Il a dit que je souffrais de fatigue chronique due à mon rythme de travail nocturne. Je dois changer de vie si je veux aller mieux.

Greg était partagé entre la joie de voir que Sara l'avait écouté, et la tristesse de savoir que son conseil allait la mener à travailler dans une autre équipe que la sienne. Néanmoins, il respectait son choix et son courage d'avoir, pour une fois, écouté son corps. Sara Sidle voguait-elle vers le chemin de la raison ?

-Mais qui m'apprendra toutes les astuces du métier ? Qui fera de moi le meilleur CSI de tout les temps ? Mieux que Grissom lui-même ?

-Qui veut faire mieux que moi ?

Grissom venait de franchir la porte du labo. Les deux CSI se tournèrent vers le nouveau venu, non sans laisser le temps à Sara de lancer un bref coup d'œil à Greg pour l'avertir de ne pas parler de leur toute récente conversation.

-Oh rien.

L'imprimante venait de cracher le résultat du test ADN. Le jeune homme saisit cette occasion pour changer de sujet et annoncer d'une voix où perçait la déception :

-Rien de particulier. L'ADN du type est inconnu.

Sara se rembrunit. La merveilleuse enquête vite résolue venait de s'éloigner. Pas de fin en beauté pour ce soir. Elle s'adressa à ses coéquipiers :

-Bien, résumons la situation : Nous avons de l'ADN, mais pas de suspect auquel le relier. Pas d'emprunte non plus. Le corps a été trouvé dans un hangar désert et donc personne n'aurait pu voir entrer ou sortir le meurtrier et sa victime. Et tes traces de pneus Greg ?

-Pas eu le temps de les examiner. Et vous patron ? L'autopsie a donné quoi ?

-Notre victime a été tuée par un coup de couteau à la gorge. La plaie est nette et précise, ce qui suggère un couteau bien aiguisé et que la victime ne se débattait pas. L'incision a tranché les deux artères carotides, ainsi que les veines jugulaires. Le tueur n'y est pas allé de main morte. Le décès remonte à plus de trois jours. Doc doit me faire parvenir les résultats toxicologiques tout à l'heure. Mettez-vous à ces empruntes de pneus, je vais trouver Brass pour voir ce que notre témoin lui a raconté.

Grissom sortit et laissa ses subalternes se mettre au travail.

Julia se réveilla complètement désorientée. Elle ne savait pas où elle se trouvait. Elle essaya de bouger, mais elle se rendit vite compte que ses membres étaient attachés. Elle était prisonnière ! Son cœur commença à accélérer et sa respiration se fit plus rapide et superficielle. Il faisait sombre et elle ne voyait pratiquement rien. Toutefois, la pénombre lui laissait entrevoir que l'endroit où elle se trouvait était vaste et désaffecté. Un hangar ?

La jeune femme tenta de fouiller dans sa mémoire pour se remémorer les évènements passés qui auraient pu la conduire à cette situation pour le moins… inconfortable. Elle se souvenait d'avoir quitté le service de chirurgie lorsque sa garde avait pris fin à minuit. Elle était sortie de l'hôpital par le parking sous-terrain pour rejoindre sa voiture. Julia tressaillit au souvenir de cette main ferme et rude qui lui avait plaqué un chiffon sur la bouche. De l'ether ! Puis, le trou noir.

A présent elle gisait sur le sol glacial de cet entrepôt, dans l'attente de la suite des évènements, qui selon son instinct ne présageaient rien de bon pour sa personne. Le mouvement d'une ombre sur sa droite retint son attention : elle n'était pas seule. Julia se raidit, tous ses sens en alerte. Elle essayait de capter le moindre mouvement, le plus petit bruit. Bientôt elle perçut des notes de piano. Elle connaissait cette mélodie, sans toutefois parvenir à l'identifier formellement. Lorsque le chanteur entama les paroles de la chanson, le titre lui revint immédiatement en mémoire : John Lennon, Jealous Guy !

"I was dreaming of the past
And my heart was beating fast
I began to loose control…"

L'ombre se rapprochait, si bien que la prisonnière put bientôt distinguer une silhouette masculine. Son visage lui était inconnu, mais il exprimait une terrible expression de joie et d'amusement. Un sourire sardonique laissait entrevoir une rangée de dents parfaitement blanches. L'homme s'assit à ses côtés et lui murmura à l'oreille :

-Ecoute ces paroles ma beauté. Ecoute-les bien et profite de ta dernière chanson. Ensuite, ensuite tu connaîtras le châtiment réservé aux femmes de ton espèce, ma douce…

Les pupilles de la jeune femme se dilatèrent. La peur l'envahissait, insidieusement. Elle se frayait un chemin dans son esprit, obscurcissant ses sens et sa clairvoyance. Son heure allait sonner et elle le savait. Cette fois, ce serait elle, la victime d'un tueur fou. Alors qu'elle s'apprêtait à se débattre et à hurler, dans l'espoir de se soustraire à son inconfortable condition, elle sentit un aiguille entrer dans sa chair et le produit se répandre dans ses veines. Et tandis que la chanson touchait à sa fin, la conscience de Julia disparaissait petit à petit. Ses muscles de détendirent et ses yeux se fermèrent.

Elle sentit à peine la lame froide du couteau lui entamer la peau du cou.