Coucou tout le monde !
Et hop, voici encore une histoire FFXV ! (si je continue comme ça, je vais finir par écrire à moi toute seule le fandom français de FFXV en rating M sur ce site...) C'est un grand plaisir pour moi de proposer ma propre suite à Kingsglaive, avec un road trip qui s'annonce riche en aventures.
Comme cette publication le montre, je suis en train de me débarrasser de ce gros blocage niveau écriture ! Alors du coup vous allez me dire : 'et donc, pourquoi t'écris pas tes autres fics en cours, on attend, nous, merde !' Et vous aurez raison. Mais ! Quand on perd la confiance, on perd aussi le plaisir d'écrire. Alors pour y remédier, j'ai décidé d'écrire l'histoire qui a émergé dans ma tête hier lors d'un long trajet ensoleillé, parce que c'est celle-ci que j'ai envie/besoin d'écrire pour l'instant. J'espère qu'elle vous plaira !
L'instant musical : Droge Macht Frei de Pavillon Rouge, Bite me de Hocico :) et Dark Sunday, leur nouveau single qui déchire ! - oui je suis toujours euphorique de mon dernier concert)
Bonne lecture !
CHAPITRE UN : Le départ
I
Nyx émergea de la voiture qu'il avait empruntée à une citoyenne qui n'en aurait malheureusement plus besoin et cligna des yeux dans la lumière de l'aube. Il ne l'avait jamais vue si éblouissante... Sans doute parce qu'il n'était plus censé être en vie pour la contempler, et aussi parce que le général Glauca lui avait donné pas mal de coups dans la figure et qu'il souffrait actuellement du pire mal de crâne de toute l'histoire du Lucis.
Il s'appuya sur la bagnole et inspira doucement dans une tentative pour apaiser son vertige et la nausée agitant dangereusement son estomac.
« Ça va aller, se dit-il à lui-même. Tout ira bien. Relax. T'as fait le plus dur. »
Il regarda ses mains couvertes de sang qui tremblaient, encore choqué et même complètement bouleversé par ce qu'il venait de vivre. Péniblement, il se déplaça vers le coffre, dans l'espoir d'y trouver quelque chose d'utile. Bingo ! Visiblement, la propriétaire de la voiture rentrait de courses. Il se jeta sur une bouteille d'eau et la vida presque en entier. Au même moment, il entendit quelqu'un qui l'appelait.
« Nyx ! Putain, Nyx ! T'es vivant ! »
Nyx s'essuya les lèvres du revers de la main et regarda Libertus qui clopinait dans sa direction, accompagné de la princesse de Tenebrae. Il esquissa un sourire.
« Ouais, moi non plus j'y croyais pas... Mais vous m'avez quand même attendu... Merci. »
Luna le regarda de haut en bas d'un air qu'il trouva effrayé. Non que ça le surprenne...
« Je pensais que... » murmura-t-elle, sans parvenir à terminer sa phrase. Elle n'en avait pas besoin : elle pensait qu'il ne reviendrait jamais. Elle avait probablement attendu juste pour faire plaisir à Libertus, et il ne l'en blâmait pas.
« Je crois que je dois la vie au roi, expliqua-t-il.
— À Regis ?! s'exclama Luna.
— Quand j'ai enfilé l'anneau... J'ai vu les anciens rois... Ils voulaient me laisser crever sans même m'aider. Regis les a convaincus de me prêter leur pouvoir. Et puisque je suis encore entier alors que c'était pas le contrat... Bah... C'est la seule explication que je vois. »
Libertus renifla.
« T'as toujours eu une chance de cocu.
— Mais c'est parce que je suis tout le temps cocu !
— Tu m'étonnes ! »
Les deux amis éclatèrent de rire, mais se reprirent bien vite en se rappelant la présence de leur illustre protégée.
« Excusez-nous, votre altesse... » grommela Libertus.
Luna sourit :
« Il en faudra beaucoup plus pour me choquer... Et puis, vous m'avez tous les deux sauvé la vie plusieurs fois au cours de la nuit. Je pense qu'on peut laisser tomber les formalités. »
Nyx hocha la tête, et lui tendit sa bouteille d'eau, qu'elle prit avec reconnaissance.
« Bon, dans ce cas... On se tutoie ? demanda Libertus.
— Oui.
— Alors, Luna, voilà le truc... Tu crois que ton fiancé va t'en vouloir si on lui pique sa bagnole ?
— C'est pas mon fiancé, fit-elle avec une moue un peu boudeuse. Le mariage était dans le traité de paix, et il n'a jamais été signé.
— Ah oui, c'est vrai... Mais en tout cas, c'est pas la bagnole la plus discrète du monde, mais elle en a sous le capot. Elle nous sera utile... Si on doit fuir.
— Ce qui risque d'arriver souvent, compléta Nyx.
— Noctis est parti avec la voiture de son père, celle-ci ne va donc pas lui manquer », déclara Luna. Puis, elle écarquilla les yeux et les regarda tour à tour : « Mais... Ça veut dire que vous... »
Nyx et Libertus échangèrent un regard, ce qui leur suffit pour se comprendre.
« On t'accompagne, Luna, annonça Nyx. Il faut qu'on protège l'anneau. Tu peux pas affronter tout ça toute seule. On reste avec toi, peu importe où tu dois aller, peu importe ce que tu dois faire. »
Luna cligna des paupières pour en chasser les larmes qui montèrent malgré elle.
« Merci... murmura-t-elle.
— Allez, c'est normal, fit Libertus en posant une main sur son épaule. C'est... »
Il se mordilla la lèvre. Il allait dire « C'est notre boulot. » Mais il avait quitté les Lames. Il les avait trahies. Il avait trahi le roi. Il avait aidé des gens qui bossaient pour le putain de Niflheim.
« Libertus, ce qui s'est passé n'a plus d'importance, intervint Nyx en remarquant son air abattu. Ce qui compte maintenant, c'est d'empêcher la fin du monde. Lame Royale, pas Lame royale, on s'en fout.
— Il a raison, appuya Luna. À partir de maintenant, il va falloir qu'on se serre les coudes.
— Pigé, fit Libertus d'une voix nouée. Bon... On ferait mieux d'y aller. C'est dangereux de traîner par ici. »
Ils rejoignirent la voiture de sport miraculeusement presque intacte après les courses-poursuites de la nuit. Libertus s'installa tant bien que mal au volant, Luna grimpa à l'arrière, et Nyx s'effondra sur le siège passager.
« Je sais même pas où on va, marmonna Libertus.
— Pour l'instant, roule. Il faut qu'on s'éloigne d'Insomnia. On avisera après. »
L'ancienne Lame royale hocha la tête et démarra. Nyx jeta un coup d'œil dans le rétro : Luna s'était blottie dans son siège, rattrapée par l'épuisement. Pas étonnant, après la nuit infernale qu'ils venaient de passer. Elle l'avait épaté. Elle était jeune, mais pas impressionnable pour un sou. Et dotée d'une détermination qui lui faisait pratiquement froid dans le dos. L'aider dans sa quête, ce n'était pas seulement important pour leur avenir à tous, c'était aussi ce qu'il voulait faire. Il ne la laisserait pas traverser seule les épreuves qui l'attendaient. Elle méritait leur aide. Et puis, qu'est-ce qu'ils avaient de mieux à faire, de toute façon ?
Il se cala aussi confortablement que lui permettait son corps douloureux et observa le paysage se déployer dans l'aube rayonnante. Lui aussi était épuisé, et pourtant, le sommeil ne venait pas. Son cœur battait avec force dans sa poitrine, l'adrénaline saturait encore son système. Il avait cru qu'il allait mourir, il était prêt pour ça, prêt comme il ne l'avait jamais été. Et maintenant, il avait l'incroyable privilège de regarder le jour se lever. La situation était grave et l'avenir plus qu'incertain, mais il était en vie. Le monde lui paraissait neuf, comme s'il ne l'avait jamais vu, et l'aurore s'accompagnait d'un flot d'euphorie et d'espoir qui rendait tout repos impossible.
« Ça va aller, Nyx ? lui demanda Libertus en lui jetant un regard de côté.
— Ouais. Je suis juste... J'en reviens pas d'être là avec vous.
— Je suis vraiment content. Après Crowe... Si toi aussi tu étais...
— Je sais, mec, dit Nyx en lui donnant une claque amicale sur la cuisse. Ça va aller. »
Libertus hocha la tête. C'était une seconde chance. Le destin lui donnait une seconde chance. Il avait mieux à faire de sa vie que de la passer noyé dans le regret et la colère. Il y avait des gens qui comptaient sur lui. Il n'était pas seul. Après la lente descente aux enfers de ses derniers mois, la perte de sa meilleure amie, le foutu traité de paix qu'il avait éprouvé comme un coup de couteau dans le dos, l'espoir revenait. Nyx et Luna lui donnaient une raison de continuer à se battre. Et l'impression qu'il pouvait encore faire quelque chose de bien dans ce monde.
« Je te laisserai plus tomber, Nyx. C'est une promesse.
— Tu m'as jamais laissé tomber... T'as juste une note longue comme le bras en ce qui concerne les faveurs que tu me dois. »
Libertus s'esclaffa.
« Ouais, te monte pas trop la tête, quand même... Héros de mes couilles, ouais...
— Maintenant on est tous les deux des héros, je te signale.
— Ça nous fait une belle jambe, hein ?
— En tout cas, on n'a pas trop le temps de nous reposer sur nos lauriers. Je crois qu'un long voyage nous attend...
— Ça tombe bien, j'avais envie de voir du pays.
— Pareil pour moi... »
II
Une demi-heure plus tard...
« Bordel, mais c'est qui ce glandu ?! »
Nyx souleva ses paupières lourdes pour voir de qui parlait Libertus. La fatigue avait fini par le rattraper et il flottait dans un demi-sommeil où les rêves et la réalité se confondaient dans la même brume. Ce qui expliquait peut-être la vision qu'il eut. Il se frotta les yeux, mais la vision ne disparut pas.
« Merde ! s'exclama-t-il en se redressant sur son siège. C'est le frangin de Luna !
— Hein ?! T'es sûr ?
— Je connais pas beaucoup d'autres manchots en uniforme militaire qui voudraient aller à Tenebrae... »
Car non, il ne rêvait pas. C'était bien Ravus qui était planté au bord de la route, brandissant un carton sur lequel était écrit « Tenebrae » en lettres capitales.
« Mais pourquoi il fait du stop ?! demanda Libertus.
— J'en ai pas la moindre foutue idée... » murmura Nyx.
Libertus haussa les épaules.
« De toute façon, on va pas à Tenebrae.
— Attends, t'es dingue ?! Arrête-toi ! C'est le frangin de Luna !
— Et alors ? Il bosse pour le Niflheim, non ? Alors il représente un danger pour elle ! Surtout depuis qu'elle a l'anneau !
— Mais c'est son frère, bordel ! Et fais-moi confiance, je crois que l'anneau l'intéresse plus des masses... »
Libertus contracta la mâchoire, peu convaincu. Ils dépassèrent l'auto-stoppeur.
« Je te dis de t'arrêter ! On peut pas le laisser tout seul en plein pays en guerre avec un seul bras ! Luna va nous tuer ! »
Leur dispute, justement, avait réveillé la princesse.
« Qu'est-ce qui se passe ? voulut-elle savoir.
— Regarde derrière toi », lui dit Nyx.
Elle s'exécuta.
« Ravus ! C'est Ravus ! Libertus, fais demi-tour tout de suite, je t'en supplie !
— Tu vois ? J'te l'avais dit ! » s'exclama Nyx.
Libertus grogna, mais consentit à faire demi-tour. Il arrêta la voiture à la hauteur du prince, et Luna se précipita dehors pour aller serrer son frère dans ses bras.
« Tu es vivant ! J'ai eu tellement peur ! Je suis désolée, j'ai... J'ai été obligée de te laisser derrière, je... »
Il resta figé un moment, saisi, puis repoussa doucement sa sœur.
« J'ai cru que je ne te reverrais plus... Luna, je t'avais dit de ne pas venir. Tu aurais pu... Tu n'avais rien à faire à Insomnia.
— Toi non plus ! Regarde où ça t'a mené !
— Luna, je...
— Je veux rien savoir ! T'as de la chance d'être en vie ! Qu'est-ce qui t'a pris, bon sang ! »
Nyx observa le prince dans le rétro extérieur. Il était livide. Pas surprenant, après s'être fait littéralement consumer le bras par la lumière divine de l'anneau. C'était déjà étonnant qu'il soit parvenu à quitter la ville par ses propres moyens et arriver jusqu'ici.
« Ça n'a plus d'importance, répondit-il. Rentrons chez nous, Luna.
— Rentrer ? Tu rigoles ? Je suis venue à Insomnia pour une raison, et ma mission n'est pas terminée ! »
Le prince soupira lourdement.
« Tu veux rendre l'anneau à Noctis, constata-t-il.
— Oui, mais pas seulement. Les ténèbres arrivent, Ravus. Elles vont dévorer le monde jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Le pouvoir de l'anneau seul ne suffit pas. Noctis a besoin de la grâce des Dieux.
— La g-... Pardon ?!
— Tu m'as bien entendue. Je vais réveiller les Six. »
Il en resta ébahi, et Libertus et Nyx aussi.
« 'On reste avec toi, peu importe où tu dois aller, peu importe ce que tu dois faire.' C'est bien ça que tu as dit à Luna tout à l'heure ? » voulut vérifier Libertus, la voix légèrement tremblante.
Nyx déglutit.
« C'est bien ça... confirma-t-il.
— Et merde... » lâcha son ami.
La surprise passée, Ravus explosa :
« C'est absolument hors de question ! Noctis devra se débrouiller ! Le monde devra se débrouiller ! Tu rentres avec moi à Tenebrea, point final !
— Est-ce que je dois te rappeler que c'est toi qui fais du stop comme un touriste, alors que c'est moi qui ai la voiture ?! »
Ravus s'apprêtait à répliquer quand Libertus donna un gros coup de klaxon pour abréger la conversation. Le prince de Tenebra sursauta, puis contracta la mâchoire et demanda d'un ton plus bas, lourd de menace :
« Avec qui tu es ? »
Nyx baissa sa vitre et se pencha à l'extérieur en agitant la main.
« Salut ! On s'est croisés tout à l'heure... Navré pour... Enfin... désolé pour ton bras, quoi. »
Ravus le fusilla du regard d'une telle façon que Nyx sentit son cœur rater un battement, et pas parce qu'il avait peur. Il déglutit. Les yeux de Ravus avaient beau lui dire « je vais t'étrangler jusqu'à ce que mort s'ensuive », son bas-ventre s'obstinait à entendre autre chose.
Libertus rompit cet étrange moment en sortant de la voiture pour se présenter.
« Salut, Libertus Ostium. Nyx et moi on escorte la princesse pour protéger l'anneau et... réveiller les dieux, il faut croire. »
Le regard de Ravus passa de Libertus à Nyx pendant quelques instants, puis il reporta son attention sur sa sœur.
« Luna, renonce à cette quête absurde. Les dieux dorment depuis des millénaires. Je doute qu'ils apprécient d'être dérangés.
— C'est ce qu'il faut faire, alors je vais le faire. Avec ou sans toi. »
Le frère et la sœur se défièrent du regard un long moment. Puis, Ravus céda :
« Dans ce cas, il est hors de question que je te laisse seule avec ces deux idiots. Je t'accompagne.
— Tu ne travailles plus pour l'Empire ? voulut savoir Luna.
— Sûrement pas. Je me suis laissé utiliser par ambition, et j'en ai plus qu'assez de ce ramassis de crétins. Je veux rentrer chez moi. Mais pas en te laissant derrière moi, ajouta-t-il en voyant l'air peiné de Luna. Alors... si tu t'obstines, je suppose que je n'ai d'autre choix que de te suivre. »
Sur ce, il actionna la poignée la plus proche, s'assit sur la banquette arrière et claqua la portière. Il eut un geste bizarre, comme s'il avait voulu croiser les bras mais s'était aperçu au dernier moment qu'il en était incapable.
Rapidement, Luna le rejoignit. Libertus lui jeta un coup d'œil à travers le rétro.
« T'es sûre de toi ? Il était avec les gens qui ont assassiné notre roi.
— Je sais, soupira la princesse. Il va falloir que tu me fasses confiance, Libertus.
— Ok... je peux faire ça », lâcha-t-il avant de redémarrer la voiture.
Ravus garda les yeux fixés obstinément sur la fenêtre, le visage fermé. Luna se pencha vers lui et murmura, mais pas assez bas pour que les deux autres ne puissent pas l'entendre :
« Tu comptais vraiment rentrer à Tenebrae en stop ?!
— Ce n'est pas comme si je pouvais demander au Niflheim de me déposer, marmonna-t-il sans la regarder.
— Mais quand même...
— J'étais à court d'options.
— Tu croyais vraiment pouvoir t'emparer de l'anneau des Lucii ? » enchaîna-t-elle.
Un silence éloquent lui répondit.
Nyx espéra que Luna n'allait pas faire mention de sa propre petite mésaventure. Vu la tête que tirait Ravus, il doutait qu'il prendrait bien le fait que lui-même avait pu utiliser l'anneau, et qu'en plus il s'en était tiré indemne.
« Est-ce que... tu as besoin que je te soigne ? » demanda-t-elle plus bas encore.
Il secoua la tête, et Luna finit par hausser les épaules et se détourner de lui d'une façon si nonchalante que ça fit sourire Nyx. Luna et Ravus se comportaient comme s'il s'agissait d'une banale embrouille entre frère et sœur, pas comme si tous les deux avaient frôlé la mort au cours de la nuit. Il devait avouer que ces deux-là commençaient à l'intriguer...
Le silence retomba dans l'habitacle, et Nyx se laissait à nouveau gagner par la léthargie quand la voix de Libertus le réveilla.
« Dites donc... Si on veut éviter d'avoir affaire à nos copains de l'Empire, va peut-être falloir songer à faire profil bas... »
Tout le monde le regarda d'un air interrogatif.
« Et, comment dire... Vous êtes pas exactements discrets, fringués comme ça. »
Luna baissa les yeux sur sa robe de soirée salie et déchirée en de nombreux endroits, et eut un petit rire.
« En effet... »
Ravus préféra faire semblant de ne rien avoir entendu, et Nyx, qui était toujours en uniforme de la garde royale, soupira.
« T'as raison... Mais ça veut dire qu'il faut qu'on trouve une ville.
— Lestallum, c'est le moins loin.
— Alors c'est parti... »
III
Le soleil était presque à son zénith lorsqu'ils atteignirent la ville. Ici, tout semblait normal, comme si les nouvelles de la chute d'Insomnia n'avaient pas encore atteint la paisible localité. Libertus se gara et demanda à ses passagers de ne pas bouger. Leur voiture bling-bling attirerait l'attention, mais avec ses vitres teintées, impossible de voir à l'intérieur. Ils seraient en sécurité.
« Mais Libertus, t'es estropié ! protesta Nyx. J'suis pas vraiment convaincu que tu vas pouvoir te faire une petite séance de shopping pour trois personnes tout seul !
— Ne me sous-estime pas, Nyx. Je te signale que j'ai huit frères et sœurs, ce qui signifie que j'ai déjà vécu largement pire.
— Mouais, fit son ami, toujours pas persuadé.
— Allez, t'inquiète pas. Je reviens vite. »
Tout le monde lui donna sa taille, même Ravus, et Libertus s'éclipsa pour ses emplettes. Nyx remit le moteur et activa la climatisation : on crevait de chaud, dans cette ville.
À ce moment-là, ses dernières forces fondirent comme neige au soleil. Il actionna la manette pour pencher son siège en arrière, sans avoir vraiment conscience de ce qu'il faisait, et par conséquent il n'entendit pas les protestations de Ravus qui était assis derrière lui. Il sombra aussitôt dans l'inconscience.
Au bout d'une durée indéterminée de vide intersidéral, il émergea, forcé de rejoindre le monde des vivants par la poigne vigoureuse de Libertus qui le secouait sans ménagement. Ses paupières papillonnèrent et il se redressa en repoussant faiblement son ami.
« C'est bon, c'est bon, j'suis réveillé... marmonna-t-il. Y a quoi ? Qu'est-ce qui...
— J'ai tes fringues ! Enfile ça et on se trouve un endroit où pieuter ! »
Désorienté, il regarda autour de lui et aperçut Luna et Ravus dans leurs nouvelles fringues à l'arrière de la voiture. Il regretta presque de s'être endormi : ces deux-là avaient dû batailler pour enfiler leurs vêtements dans cet espace réduit, d'autant plus que Ravus avait dû avoir besoin de l'aide sa sœur pour rentrer ses longues jambes dans son jean délavé, et son torse puissant dans ce t-shirt qui... était peut-être un peu plus moulant que prévu. Pareil pour le futal, d'ailleurs. S'il avait été moins épuisé, Nyx aurait éclaté de rire. Luna, quant à elle, était plus sobrement vêtue d'un pantalon en toile blanc assez lâche, et d'un débardeur noir qui lui allait parfaitement. Les frangins princiers sortirent de le voiture sans un mot, et il procéda donc à son propre changement de tenue. Il était tellement à l'ouest que ça lui prit cinq bonnes minutes pour enfiler un jean noir et un t-shirt tout aussi noir... Sans doute une attention de Libertus qui ne voulait pas qu'il perde tous ses repères du jour au lendemain. Au moins, la couleur lui rappelait la maison. Puis, il entreprit de s'extraire du véhicule, tout son corps lui signifiant bruyamment qu'il avait dépassé ses limites depuis plusieurs heures déjà.
Il se retrouva dehors, dans la chaleur étouffante, et vacilla aussitôt. Il s'appuya sur le véhicule, perclus de douleurs et à deux doigts de perdre connaissance pour de bon.
« Putain... maugréa-t-il, tout en se demandant s'il arriverait jamais jusqu'à l'hôtel.
— Tu vas y arriver, Nyx ? s'inquiéta Libertus.
— Ouais, ouais... »
Il fallait bien, non ? Il mit un pied devant l'autre, et le monde se mit à tourner de haut en bas. Il cligna des yeux, mais rien à faire : un nuage de points noirs, de plus en plus gros, oblitéra son champ de vision. Il chercha un point d'appui à l'aveuglette, et à cet instant, un bras solide se referma sur sa taille. Il s'accrocha à l'épaule salvatrice et se laissa traîner dans les rues de Lestallum, les bruits atténués dans un brouillard cotonneux. Il était tellement essoufflé qu'il avait la sensation que son cœur allait exploser, mais il se répétait que ça finirait par passer. Plus que quelques mètres...
Une nouvelle fois, la délicatesse légendaire de Libertus le ramena dans le monde des vivants. Cette fois, il était allongé sur un lit, dans une chambre bien climatisée.
« Arrête de me frapper, putain ! râla-t-il mollement.
— Ah, t'es encore vivant, constata Libertus. Pendant que t'étais dans les vapes, la princesse t'a soigné. Tu peux la remercier.
— Elle m'a soigné ?... C'est pas contre elle, mais... c'est pas l'impression que ça me donne...
— T'as juste besoin de dormir.
— Mais... C'est toi qui m'as ramené jusqu'ici ?
— Avec ma jambe en compote ? Sûrement pas.
— Alors...
— Ouais... Son frangin s'est débrouillé pour te faire parvenir à destination, et avec un seul bras, c'était pas facile. Luna lui a donné un coup de main, mais bon... T'es pas exactement léger.
— Eh ! » protesta-t-il aussi vigoureusement qu'il en était capable.
Libertus rigola.
« L'important, c'est qu'on soit arrivés. Toi et moi, on dort ensemble, comme au bon vieux temps, hein ? Je me demandais juste si tu voulais que je te jette dans un bain froid avant que t'ailles te coucher. »
Nyx sourit à travers le brouillard qui lui servait de conscience.
« J'aimerais vraiment bien, mais j'en suis pas capable. Va falloir que tu tolères ma carcasse puante pour aujourd'hui.
— Je tolérerais n'importe quoi pouvu que je puisse pioncer quelques heures. Et de toute façon je vais pas me laver non plus.
— C'est pas très gentleman, ça...
— Qu'est-ce qu'il faut pas entendre comme conneries...
— Eh ! Aïe ! » protesta Nyx de nouveau tandis que son ami entreprenait d'ôter les fringues qu'il avait eu tellement de mal à enfiler.
« Tu seras mieux comme ça. D'autant que même avec la clim, y fait putain de chaud.
— Ouais... »
Et d'un seul coup, toute la pression retomba. Il sentit le matelas s'enfoncer sous le poids de Libertus, et prit soudain conscience du calme, de la pénombre, et de la relative fraîcheur qui régnaient dans la chambre d'hôtel. Il sentit avec une acuité inhabituelle l'air frais rouler sur sa peau nue, et ses vaisseaux sanguins palpiter sous son épiderme partiellement cicatrisé. Une nouvelle fois, il s'étonna d'être en vie. Et quand il se rappela le cours des événements de la journée d'aujourd'hui, il s'étonna encore plus.
« Dans quoi on s'est encore embarqués ?... murmura-t-il, entre l'incrédulité, la stupéfaction, et un sentiment proche de l'émerveillement.
— Aucune idée, répliqua Libertus. Mais je sais qu'on a fait ce qu'on avait à faire.
— Luna...
— Elle dort à côté avec son frère. Elle m'a encore répété que tout irait bien, et que Ravus lui piquerait pas l'anneau. À ce propos, pourquoi t'as dit que tu pensais que cet anneau ne l'intéresserait plus ?
— Je l'ai vu l'enfiler... C'est comme ça qu'il a perdu son bras.
— Cette nuit ?!
— Ouais... J'étais là... Luna aussi... »
Libertus émit un sifflement admiratif.
« Eh bé... Ils ont du cran, dans la famille.
— Ouais...
— On pourrait même dire qu'ils ont peur de rien.
— Vu ce qu'envisage de faire Luna, j'imagine que c'est une bonne chose.
— Ça se peut. »
Ils se turent, et le bourdonnement léger de la climatisation flotta dans le silence, ponctué par les bruits occasionnels provenant de la rue. On aurait dit que le temps s'était figé, et dans cette atmosphère paisible, la nuit épouvantable qu'il venait de vivre ressemblait à un mauvais rêve. Ou alors, cet instant-là ressemblait à un doux rêve, dont ils seraient réveillés brutalement quand ils ouvriraient les yeux ce soir. Aucun des deux amis n'avaient envie de saovir ce qu'il en était exactement. Ils voulaient juste dormir.
« Bonne nuit... chuchota Nyx
— C'est ça, bonne nuit, répliqua son ami. Cela dit, tu me connais, je suis gentil... mais j'ai vraiment besoin de pioncer. Alors, blessé ou pas, si tu ronfles, tu t'en prends une.
— Ça marche... »
Nyx se laissa progressivement sombrer dans le sommeil. Il pensa à Luna et Ravus, et se demanda si eux aussi étaient gagnés par l'épuisement, ou bien s'ils ressassaient les derniers événements, se repassant le film de la nuit avec minutie, cherchant désespérément s'ils auraient pu agir autrement et changer le cours des choses. Parce que lui, malgré l'épuisement, c'était ce à quoi il pensait. Qu'est-ce qui avait pu si mal tourner ? Comment en était-on arrivé là ? Alors même que le sommeil l'arrachait à la triste réalité, son cœur se crispait de chagrin. Le roi... Son bouclier, ses ministres... La plupart des Lames royales... et combien de citoyens innocents ? Les bruits assourdissants des combats, le ronronnement métallique des vaisseaux magitechs, le hurlement guttural des daemons, le crissement de l'acier sur l'acier... Le tonnerre de son cauchemar avala sa conscience et il perdit pied, incapable de rester éveillé plus longtemps.
IV
Il ouvrit les yeux dans un silence très relatif. Il n'y avait plus seulement le bourdonnement de la cimatisation... La ville semblait s'être éveillée avec la nuit, et les rues regorgeaient d'éclats de voix et de rire, d'échos de musique et de bruits de couverts, d'assiettes et de verres... Ce fut alors qu'il s'aperçut qu'il mourait de faim. Il se redressa dans le lit, un peu trop vite. Les muscles de son dos hurlèrent, et une crampe violente contracta sa jambe droite.
« Merde... » murmura-t-il tout en jetant un coup d'œil autour de lui.
Pas de trace de Libertus. Il devait être le dernier à se réveiller.
Il prit le temps de sortir du lit sans provoquer une révolte générale de son système nerveux, puis accéda prudemment à la douche. Il s'y glissa dès que l'eau fut vaguement tiède, et le déluge le rappela en douceur à la réalité. Son esprit s'éclaircit.
Lentement, il revint à la vie pour la troisème fois dans la même journée.
Ils étaient...
Tellement dans la merde.
Il passa une main ruisselante d'eau sur son visage fatigué.
C'est bon. Ça va le faire.
Il termina de se laver, sortit de la douche, et enfila les fringues trouvées précédemment par Libertus. Il avait de la chance de pouvoir compter sur un ami pareil, sans quoi il aurait probablement agonisé comme un idiot aux portes d'Insomnia, sans personne au monde sur qui compter pour le relever. Il descendit au resto de l'hôtel et trouva ses trois acolytes de fortune attablés devant un repas copieux. Son estomac se crispa, la salive afflua dans sa bouche à lui en faire mal aux mâchoires : il n'avait probablement jamais eu aussi faim de sa vie.
Il se dirigea comme un zombie, au radar entre les tables, prit le siège qui restait libre, et attrapa tout ce qui était à sa portée pour le dévorer.
Au bout de cinq minutes, il se sentit un peu mieux.
« Désolé », marmonna-t-il.
Devant le silence glacé, il releva les yeux, et comprit qu'il avait piqué la bouffe de tout le monde.
« On peut re-commander, c'est pour moi... »
Ses compagnons le prirent au mot, et commandèrent deux fois plus de nourriture. Ça lui allait. Au moins, il recommençait à se sentir un peu lui-même.
« Ok, dit-il après avoir avalé la totalité de sa bière. On va où et on fait quoi ?
— Le disque de Cauthess, répondit Luna. Je dois y retrouver Titan. »
Il reposa prudemment son verre.
« T'es sûre de ça ?
— Je n'ai pas le choix », répondit-elle en le regardant dans les yeux, avec la même conviction qui lui avait déjà donné des frissons la nuit d'avant.
Il remarqua la crispation sur les traits de Ravus en entendant ces mots. Libertus, lui, faisait de son mieux pour donner l'impression qu'il dînait entre amis après une dure journée de boulot. Sauf que tous les deux s'étaient retrouvés propulsés dans un tout autre monde. Sans retour en arrière possible.
« Je vois... murmura-t-il. Rien d'infaisable, hein... mais faut qu'on fasse très vite. J'ai comme l'impression que le Niflheim va essayer de nous prendre de court.
— Pourquoi ? demanda Libertus.
— Luna a disparu des radars. Donc, ils vont supposer qu'elle est en vie. Et la traquer. Ils savent qu'elle a l'anneau. »
Nyx sentit un picotement dans le ventre, et en comprit vite la cause en croisant le regard de Ravus, quoiqu'il ne fût pas sûr de saisir la nature de l'émotion qu'il lisait dans ses yeux. Parce que... Merde, les yeux de Ravus étaient compliqués. Ils vous fixaient avec une intensité bouleversante, mais à cause de cette intensité, c'était impossible de savoir ce qu'il pensait, exactement comme quand on n'est plus capable de savoir si on est brûlé par le chaud ou par le froid une fois franchi un certain seuil de température extrême.
« On peut la protéger, lâcha-t-il, juste parce qu'il ressentait le besoin urgent de dire quelque chose.
— Ça reste à prouver, répondit le prince de Tenebrae en continuant de le dévisager.
— On peut la protéger, répéta-t-il avec plus de conviction.
— C'est fini, le concours pour savoir qui a la plus grosse ? s'énerva soudain Luna. J'ai demandé à personne de m'accompagner. Les dieux me protègent. Tout ira bien pour moi. »
À ces mots, les trois autres levèrent les yeux au ciel dans un ensemble presque parfait. D'abord incrédule, la princesse éclata de rire.
« Je vois... Bon, si vous avez aussi peur que ça, dites-vous une chose : les dieux sont comme les chiens. Ils sentent la peur. Alors pour moi, tout ira bien. Mais pour vous... Pensez à faire une petite session de yoga avant qu'on reparte. »
Ravus s'étrangla avec sa bouchée de pain, Libertus resta bloqué avec sa fourchette en l'air, et Nyx ne put plus retenir plus longtemps le fou rire nerveux qui le menaçait depuis qu'il s'était aperçu qu'il était toujours vivant malgré tout ce qu'il croyait savoir du monde, de la vie, des humains, des dieux.
Luna prit son verre, y plongea le nez pour y boire à longs traits, puis lui sourit par-dessus le rebord. Puis, elle lui fit un clin d'œil. Lui, il apaisa son fou rire en l'imitant, sauf qu'il était tellement crevé qu'il comprit trois minutes plus tard qu'il était bourré comme un adolescent après sa première bière.
Libertus replia soigneusement sa serviette et déclara :
« Je crois qu'on va avoir besoin d'une nuit de plus sur place.
— De toute évidence », ajouta Ravus d'un air méprisant à peine crédible.
Lui aussi était secoué, et tout ce qu'il faisait, tout ce qu'il disait, c'était pour essayer de faire croire que rien de ce qui s'était passé cette nuit ne l'avait atteint. Luna n'était pas dupe, et Nyx non plus. Libertus, lui, continuait à se méfier de lui. Tellement, d'ailleurs, qu'il aurait bien proposé à Luna de dormir avec lui, mais il n'avait pas envie de mourir ce soir. Alors, il la laissa regagner ses pénates avec son frère, et se résigna à une autre nuit avec son vieil ami totalement éméché.
« Allez, dépêche, Nyx. On a beaucoup à faire demain.
— Je sais ! râla son ami en se vautrant sur son siège. Mais sérieusement, t'en as déjà vu, des gens comme ça ?
— Comme quoi ?
— Ils sont géniaux. Je les aime déjà.
— Nyx, tu aimes n'importe qui avec assez de bière.
— Pas faux.
— Tu viens ?
— Tu peux m'aider ?
— Évidemment... Mais je te signale que ma fameuse note ne cesse de raccourcir depuis ce matin.
— J'en ai conscience.
— Bien. Allez, dépêche. Je te l'ai dit. Demain, on a beaucoup à faire. »
Nyx hocha la tête et s'accrocha au bras de Libertus. Une fois arrivé à la chambre, cette fois, il se déshabilla tout seul et s'enfouit sous les draps avec la joie hébétée de l'ivrogne qui avait cru qu'il allait passer la nuit dehors.
Il se sentit dériver, comme ce matin, mais avec encore plus d'euphorie. Il se colla dans le dos de son vieil ami parce qu'il avait besoin de sa chaleur. C'était déjà arrivé et Libertus ne broncha pas. Il ferma les yeux. Et les ténèbres soufflèrent la flamme de sa conscience sans un bruit.
