Disclaimer : les personnages sont toujours de JK Rowling, l'histoire toujours de shiv5468.
Traduction benebu avril 2006.
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La réunion était blindée de monde, ce qui était mauvais signe. D'habitude, elles étaient réservées au Premier Cercle, pour de la planification de haute volée, et suivies d'une sauterie au Manoir Malefoy. Un public plus large signifiait qu'il y aurait une expédition, et qu'un pauvre couillon allait avoir des problèmes.
Severus espérait avec ferveur que ce ne serait pas lui.
Il souleva un peu son masque, mal à l'aise. Cette saleté de truc était inconfortable et complètement crétin. Si on lui avait demandé son avis, leurs identités auraient tout aussi bien pu être tenues secrètes par l'utilisation d'un sortilège, ou même de Polynectar, tant qu'à faire, plutôt qu'avec un masque d'argent qui bloquait complètement sa vision périphérique et n'arrêtait pas de lui glisser le long du nez.
Dieu était témoin que ça ne pouvait même pas leur servir de déguisement : ils avaient tous rejoint les rangs ensemble. Il était sûr que Sa Seigneurie – il ne s'encombrait pas de titres ronflants dans son esprit – s'imaginait avec satisfaction qu'ils se tenaient tous en cercle au moment de leur initiation en se demandant qui étaient les autres, et était persuadée qu'ils ne pouvaient pas se trahir les uns les autres, au cas où celui à qui ils iraient parler au Ministère serait l'Un d'entre Eux.
Au lieu de ça, Severus avait simplement balayé du regard les gens qui l'entouraient ce premier soir en énumérant mentalement ses camarades de classe, puis ceux des promotions précédentes. Malefoy, en particulier, se voyait comme le nez au milieu de la figure. Il ne portait pas des robes de Mangemort basiques, les siennes avaient de petits crânes brodés aux poignets et en bas, et il avait des cheveux blond-blancs, déjà assez long à l'époque pour qu'on le pende avec.
Presque vingt ans plus tard, le sombre crétin portait toujours les mêmes robes – ou tout au moins de très semblables – ce qui fournissait aux Gars des heures d'amusement après les raids. Les imitations que Smudger faisait de l'attitude la plus hautaine de Lucius étaient légendaires. Au moins, le masque avait l'avantage de vous dissimuler quand vous souriiez au moment le plus inopportun, parce que Lucius s'en serait certainement offusqué, et ne se serait pas gêné pour vous coller une mandale.
Severus reprit une expression distante plus appropriée à la situation – inutile de se laisser aller sous prétexte qu'on porte un masque – quand Lucius l'approcha pour lui donner ses ordres pour la soirée.
« Severus. » Lucius parlait sèchement. De toute évidence, quelque choses l'avait contrarié.
« Lucius, » répondit-il tout aussi brièvement. « Alors, quel est le plan d'action ? »
« Sa Seigneurie veut que nous donnions une bonne leçon à ces moldus. Il veut quelque choses de fracassant, de dramatique, une action qui fera la une de la Gazette du Sorcier demain matin. » Depuis peu, laissait transparaître un peu de mépris dans ce titre – Sa Seigneurie. Lucius n'était pas content des choix tactiques qu'Il faisait pour la guerre. Il avait beau haïr les moldus, mais même lui commençait à se dire qu'ils devraient concentrer leurs énergies sur l'élimination de Potter plutôt que sur la torture d'innocents.
C'était toujours marrant, expliquait-il au cours des cocktails, mais qu'est-ce qu'on y gagnait, au juste ?
Pas grand chose, voilà le problème. Cette réponse était si évidente que même les intelligences les plus discutables – Crabbe et Goyle Senior – pouvaient la percevoir, et on n'hésitait plus à en discuter ouvertement.
« Tu n'as pas l'air très content, » commenta Severus.
« Je ne le suis pas. J'avais des projets pour ce soir, impliquant une certaine jeune dame, des sous-vêtements affriolants, un souper fin et de bons vins. J'espère que nous arriverons à finir tout ça avant minuit, que je puisse sauver quelque chose de cette débâcle. »
« Tu as dit à Narcissa que tu serais sorti pour la nuit ? » demanda Severus.
Lucius acquiesça. « C'est tellement difficile de trouver un créneau libre. Elle est si méfiante. Ces petites sorties sont ma seule chance de pouvoir prendre un peu de bon temps. »
Severus pouvait compatir à ce problème. « Tu sais quoi ? Pourquoi est-ce que tu ne t'esquives pas pour aller retrouver ta jeune amie, pendant que de mon côté je m'occupe de la situation pour toi ? » proposa Severus, après avoir vérifié qu'il n'y avait pas à portée de voix de jeune Mangemort avide de reconnaissance qui n'aurait été que trop content d'aller raconter des salades pour gagner une meilleure place dans la basse-cour.
Lucius fit la même vérification avant de répondre. « Tu ferais ça ? Ce serait vraiment chic de ta part. »
« Des instructions particulières, tu sais, au sujet des cibles à viser ? »
« Non. Tu as carte blanche en la matière, Severus, et encore merci. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. » Lucius lui serra la main avec ferveur avant de Transplaner dans un 'pop'.
« J'espère qu'il se souviendra de retirer son masque avant d'aller voir sa jeune dame, » commenta une voix, derrière Severus.
Severus se retourna, la baguette levée. « Pour l'amour du ciel, Smudger, ne te faufiles pas derrière les gens comme ça ! Tu sais que je suis nerveux quand le reste du Premier Cercle est là. »
« Lancer les sorts d'abord et poser les questions ensuite, telle est leur devise. » acquiesça Smudger. « Où est-ce qu'on va, alors ? »
« Comme d'habitude, » répondit Severus. « Préviens les Gars. Ensuite, il faudra qu'on réfléchisse un peu. »
« Ça marche. » Smudger se retourna et commença à donner des tapes sur les épaules des gens, avant d'essayer de leur murmurer à l'oreille, ce qui n'est pas gagné quand on porte un masque d'argent. Il y eut un cliquètement très distinct quand le masque de Smudger se coinça dans celui de quelqu'un et faillit le faire tomber de son visage.
Severus regarda son équipe Transplaner, une personne à la fois, puis jeta un dernier regard dans la clairière pour être sûr que personne n'avait été oublié, avant d'y aller à son tour.
A peine dix minutes plus tard, lui et les Gars étaient accoudés au comptoir de leur bistrot habituel, le regard plongé dans leur bière à la recherche d'inspiration. Smudger chipa l'édition de l'Evening Standard du comptoir, et commença à le parcourir pour y trouver les mauvaises nouvelles. « Il y a eu un accident de métro, » proposa t'il.
« Nan, » répondit Bloodnok. « Regarde, ça s'est passé cet après-midi, il n'y croira jamais. »
« Sans oublier que personne n'a été tué, » ajouta Severus.
Smudger grogna et poursuivit sa lecture. « Y'a pas grand chose niveau désastre aujourd'hui, les gars. On va peut-être être obligés de faire quelque chose. »
« Ne nous précipitons pas, » intervint Bloodnok. « Nous n'avons pas encore vu les éditions du matin. Peut-être qu'il s'est passé quelque chose que nous pourrions utiliser plus tard dans la journée. C'est à qui le tour d'y aller ? »
Les Gars adoptèrent tous un air fuyant. « Allez ! » les exhorta Severus avec lassitude. « C'est soit un Transplanage rapide jusqu'aux imprimeries pour piquer un des journaux de demain, soit l'un d'entre vous va expliquer à Lucius et à Sa Seigneurie pourquoi on a été infoutus de tuer le moindre moldu ce soir. »
Les Gars avaient toujours l'air fuyant, mais un processus complexe se mit en place : ils commencèrent à calculer qui s'était déplacé la fois dernière, et la fois d'avant. Il fallait aussi tenir compte des services qu'ils se devaient les uns aux autres. Finalement, ils parvinrent à un nom – Seagoon.
« Oh, merde, » dit Bloodnok. « On ne peut pas l'envoyer, il revient toujours avec le Times. »
« Je ne vois pas où est le problème, » répliqua Seagoon d'un ton glacial. « Au moins, on a une chance de pouvoir y trouver des informations, contrairement à ton journal de prédilection qui semble n'être rempli que de filles aux seins nus. »
Les Gars murmurèrent entre eux, clairement déchirés. Ils avaient besoin d'un journal qui contenait des informations, mais ils ne pouvaient pas s'empêcher de repenser avec affection au jour où Smudger était revenu avec News of the World. Ils y avaient trouvé assez de scandale pour satisfaire leurs idées les plus infondées sur la façon dont vivaient les moldus, et des photos de filles à moitié nues.
Les photos ne bougeaient pas, mais comme l'avait fait remarquer Smudger, on ne pouvait pas tout avoir.
« Pourquoi est-ce que tu n'essaierais pas de trouver un de ces calendriers Pire-elle-lit, en même temps ? » suggéra Severus. « Ça, et un véritable journal ; comme ça on pourra se les partager, et trouver un désastre qu'on pourra faire passer pour notre travail. »
Même Seagoon fut forcé d'admettre que c'était un compromis raisonnable – du moment qu'il pouvait choisir son mois en premier – et Transplana pour aller faire ses emplettes.
Pendant qu'il n'était pas là, les Gars commandèrent une autre tournée sur son compte.
Seagoon réapparut à peine un quart d'heure plus tard, avec deux journaux et un calendrier.
Des ricanements accueillirent son exclamation de « Bande de salauds ! »
« Je vois pas le problème, » affirma Smudger. « On t'a pris une pinte. »
« Mais Bloodnok boit de la gnôle une fois encore. Vous savez bien qu'on avait dit qu'il avait pas le droit, » se plaignit Seagoon. « C'est pas juste. »
« Mais la vie n'est pas juste, » dit Severus avec gravité.
Ils acquiescèrent tous. C'était vrai.
« Mais bon, » enchaîna t'il, « fais-nous voir ce que tu as. »
Seagoon étala le Times sur une table, et les Gars se rassemblèrent autour pour jeter un œil expert sur la litanie de catastrophes, de dépressions et de mauvaises nouvelles.
« Là ! » désigna Severus en posant un de ses longs doigts. « C'est parfait. »
8 personnes tuées dans une mystérieuse explosion due au gaz, disait le journal. Bla bla bla 21 h 30, bla bla bla raisons inconnues. L'horaire correspondait, les dommages causés étaient suffisants pour que Sa Seigneurie soit satisfaite pour un raid unique, et tout ce qu'il fallait maintenant c'était que quelqu'un se glisse sur place pour lancer la Marque des Ténèbres au dessus du bâtiment en question.
« Oh, c'est pas vrai ! » s'exclama Severus, quand il vit les Gars essayer de sélectionner un volontaire. « On ne va pas jouer à pierre papier ciseaux pour savoir qui se dévoue ! Est-ce qu'on pourrait au moins essayer d'avoir l'air de dangereux Mangemorts, et non pas d'une bande de mioches ? »
« Et qu'est-ce que tu proposes alors ? On la joue à la courte paille ? » se moqua Bloodnok.
« Non, tu viens juste de te porter volontaire, » répondit Severus dans un sourire. « C'est tout ce qu'on gagne à poser des questions stupides et à me taper sur les nerfs. J'en ai assez avec ce que je subis à l'école, et tu devrais vraiment le savoir depuis le temps. Allez hop, au boulot. »
Bloodnok disparut en marmonnant entre ses dents, et il grommelait toujours contre cette injustice en revenant cinq minutes plus tard. Au moins, il ne trouva pas une nouvelle tournée commandée sur son compte – ils finissaient toujours la précédente – mais ils avaient commencé à se partager le calendrier, et il risquait de se retrouver avec Miss Mars, qui de l'avis général était un peu trop vieille pour le rôle à 30 ans.
« Oh, allez les gars, » geignit-il. « Ne soyez pas salauds… »
« Je croyais qu'être salaud faisait partie des caractéristiques du boulot, » dit Smudger avec un grand sourire.
« Mais on n'était pas supposés être salauds entre nous, » répliqua Bloodnok, « seulement avec le reste du monde. »
« Personne n'a prévenu Malefoy de ça, » glissa Severus.
« Ni Sa Seigneurie, » ajouta Smudger.
Il y eut quelques rires nerveux, et ils se poussèrent pour que Bloodnok puisse avoir une meilleure vue du calendrier.
Il y eut un silence respectueux pendant qu'on tournait les pages, occasionnellement ponctué de murmures appréciateurs, et de longs soupirs une fois que le calendrier fut refermé.
« J'aimerais, » énonça lentement Seagoon, « J'aimerais qu'on ait l'occasion de rencontrer des filles comme ça. »
« Ou même simplement de rencontrer des filles, en fait, » ajouta Bloodnok.
« Il paraît que Lucius Malefoy a une Pépée Sang-de-Bourbe pour lui tout seul, » dit Smudger, d'un air de regret profond. « Et vous savez ce qu'on dit à propos des Sang-de-Bourbe… »
Severus eut l'air un peu surpris. Pour ce qu'il en savait, on disait que les Sang-de-Bourbe étaient inférieurs et qu'il fallait les rayer de la surface de la Terre. Il ne se souvenait pas d'avoir entendu dire quoi que ce soit qui ferait de leurs femmes de bonnes Pépées. « Qu'est-ce qu'on dit des Sang-de-Bourbe ? » demanda t'il.
Les Gars ricanèrent tous.
« Tu veux dire que tu ne sais pas ? » demanda Smudger, incrédule. « Il paraît qu'elles sont… tu sais… plus coquines. »
« Mais bon, je ne vois pas pourquoi on pensait que tu le savais, » se moqua Grytpype-Thynne. « Puisque tu n'as jamais eu de petite amie, pas vrai ? »
Severus regarda les Gars, et les Gars regardèrent Severus, certains avec pitié et d'autres avec compassion. Il les regarda de haut, par dessus son grand nez, et leur annonça fièrement, « Non seulement j'ai déjà eu une petite amie, mais j'en ai une en ce moment, et c'est une Sang-de-Bourbe en plus. » Il faillit ajouter 'et toc !', mais il se souvint juste à temps qu'il avait plus de quarante ans, qu'il était supposé être un tueur sans pitié, et que ces couillons se moqueraient de lui pour ça jusqu'à la fin des temps.
« Je te crois pas, » dit Grytpype-Thynne. Il avait toujours été un petit merdeux énervant, même quand ils étaient plus jeunes.
Severus haussa élégamment les épaules, pour bien montrer qu'il n'avait que la plus grande indifférence pour l'opinion que pouvait avoir un simple homme de rang. Ce geste devait également signifier que cette affirmation sincère mettait fin à la conversation. C'était un haussement d'épaules très éloquent.
Ce haussement d'épaule n'eut apparemment pas le moindre effet sur Grytpype-Thynne, qui continua d'une voix triomphante, « Et pourquoi tu nous en a jamais parlé avant, alors ? »
« Oh, oui, je vois ça d'ici, » intervint Smudger. « Qu'est-ce qu'il aurait dû faire ? La présenter à Sa Seigneurie, ou peut-être commencer à se vanter de sa conquête auprès du Premier Cercle. Ça serait passé comme une lettre à la poste ; même Malefoy reste discret au sujet de sa Sang-de-Bourbe, pourtant il peut presque tout se permettre. »
« Bon, il ne peut pas l'emmener à une réunion du Premier Cercle, je suis d'accord, mais je ne vois pas pourquoi il ne peut pas nous la présenter à nous. Nous sommes inoffensifs, enfin, tant que Smudger n'approche pas des fléchettes, » affirma Bloodnok. « Je veux la rencontrer. »
« C'est vrai, » approuva Smudger. « Il faut qu'on soir sûrs qu'elle est assez bien pour Severus. Je veux dire, on a roulé nos bosses, on saura dire si elle n'est pas une petite chercheuse d'or qui ne serait avec lui que pour son argent. »
Severus étouffa un rire à l'idée que quelqu'un pourrait sortir avec lui pour son argent.
« Je ne crois pas qu'il ait une petite amie, » ironisa Grytpype-Thynne. « Comment diable est-ce que tu as bien pu la convaincre de sortir avec toi ? »
« Je n'ai rien fait, » annonça fièrement Severus. « J'ai gardé mes distances jusqu'à ce que ce soit elle qui vienne me draguer. »
Le reste des Gars échangea des regards impressionnés. Ça ressemblait Séduction Avancée, alors qu'ils n'avaient pas fini de colorier leur Romance pour Débutants. Grytpype-Thynne, cependant, n'était toujours pas convaincu. « Je te crois pas, » répéta t'il. « Je te crois pas, et rien de ce que tu pourras dire ne me fera changer d'avis. »
« D'accord, d'accord, je l'amènerai pour vous la présenter après la prochaine réunion, » aboya Snape, avant de réaliser avec une clarté éblouissante à quel point il s'était mis tout seul dans la merde. Il allait devoir inviter Hermione à sortir, ce qui ne serait déjà pas évident-évident, pour lui annoncer immédiatement qu'il tenait à passer leur premier rendez-vous avec ses copains Mangemorts.
Ça ne risquait pas de bien se passer, si ?
Merde.
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Sheverush était de nouveau ivre. Il n'avait prévu de boire que quelques verres, mais les Gars avaient insisté, et puis en repensant qu'il devrait inviter Hermione à sortir, il avait pris un autre verre pour se donner du courage. Son intention avait été de s'arrêter avant d'être complètement décalqué, mais il avait visé trop loin d'environ quatre bières. Et deux whiskys Pur Feu.
Il s'était souvenu, cependant, de ne pas ranger ses fléchettes dans sa poche arrière cette fois.
Un observateur impartial en déduirait que tout allait pour le mieux pour Sheverush, impression renforcée encore par le fait qu'Hermione l'attendait sur le Terrain de Quidditch afin de s'assurer qu'il ne s'étale pas la tête la première.
Et si elle essayait de s'arranger pour avoir la possibilité de le voir nu une fois de plus, eh bien, il n'avait pas le moindre problème avec ça. En fait, ça lui plaisait assez.
Quelque part dans son esprit embrumé par l'alcool, il était passé de 'ça ne me dérangerait pas si elle avait envie de me regarder les fesses une fois de plus' à 'je parie qu'elle n'est là que pour mater mon cul'. C'était malencontreux. Parce que même s'il y avait un élément de vérité dans cette affirmation, en fait, spécialement s'il y avait une part de vérité dans cette affirmation, il n'était pas des plus raisonnable de lui annoncer de but en blanc qu'il savait après quoi elle en avait, la petite cochonne, et que si elle jouait bien ses cartes elle pourrait l'avoir.
Le Dieu des Ivrognes veillait sur lui ce soir là, et heureusement, ce qu'Hermione entendit en fait était 'spréqwa t'enna… 'chonne… stjubientcrrr… tplavrrrrrr'. Comme elle ne parlait pas l'Ivrogne, elle n'eut pas la moindre idée de ce qu'il racontait, et se contenta de le léviter jusqu'à sa chambre.
Jusqu'ici tout allait bien. Le Dieu des Ivrognes était si occupé à se donner des tapes dans le dos pour se féliciter du désastre qu'il venait encore d'éviter si brillamment qu'il quitta la balle des yeux. C'est alors que le drame se produisit.
Hermione était parvenue à mettre au lit Severus, chose qu'elle aurait appréciée bien plus s'il avait été sobre, et à lui donner sa potion anti gueule de bois. Il ouvrit alors la bouche pour dire quelque chose qui resterait dans les annales des amoureux comme la chose la moins romantique, et faisant montre du moins de tact au monde. Cette réplique battait même le terrible 'Grand Dieux, Helen, qu'est-ce que tu as vieilli en vingt ans', ce qui veut dire quelque chose.
« Hermione, » dit-il, maintenant que sa langue avait retrouvé sa dimension normale et qu'elle fonctionnait de nouveau, « je me demandais si vous accepteriez de m'accorder une faveur. »
Enfin ! se dit-elle. Elle avait essuyé le front fiévreux du héros blessé, et maintenant elle allait récolter sa récompense. « Oui, Severus, » dit-elle, le souffle un peu court.
« Je me demandais si vous seriez libre jeudi prochain… »
« oui… oui… oui… » pensait-elle.
« … parce que j'aurais besoin que quelqu'un m'accompagne à une soirée avec de vieux amis. »
« …oui… euh, attendez une minute… de vieux amis… » Son esprit tira le signal d'alarme. Il ne venait pas de lui demander de l'accompagner à une réunion de Mangemorts, si ? Si ?
« Euh… je me suis peut-être mis dans la panade en disant que moi aussi j'avais ma Sang-de-Bourbe attitrée, et j'ai vraiment besoin que quelqu'un vienne avec moi pour que je n'ai pas l'air d'un total idiot. »
Ces mots furent suivis du genre de silence que rencontre quelqu'un qui vient d'admettre qu'il est supporter des Toons alors qu'il est assis sur le banc des Weirs (ou encore après un pet dans un ascenseur, si vous ne donnez pas dans la métaphore sportive.)
A ce moment-là, le Dieu des Ivrognes jeta un dernier regard à la situation et décida de se tirer ailleurs, pour aider quelqu'un qui n'était pas décidé à suicider sa relation amoureuse. Où même à se suicider tout court, parce qu'Hermione n'était Pas Contente. Pas Contente Du Tout.
« Je vous demande pardon, » commença t'elle, d'un ton qui aurait fait geler un désert, mais elle fut interrompue par Severus avant qu'elle n'ait le temps de se lancer dans sa péroraison.
« Nous en parlerons d'main matin, » dit-il avec un sourire adorable, avant de s'allonger sur son lit. « Je chuis vraiment fat'gué. »
« Salaud, » conclut amèrement Hermione.
Elle s'assura qu'il était bien installé, qu'il avait un chaudron auprès de son lit en cas d'Urgence, et éteignit les lumières.
Sheverush était redevenu Severus au moment où il se réveilla le lendemain matin. Sa tête ne le lançait pas, il n'avait pas l'impression qu'un petit animal à fourrure avait élu résidence sur sa langue, et il avait les crocs. L'un dans l'autre, il se sentait bien mieux qu'il n'aurait dû en avoir le droit. Cependant, il ne pouvait pas se débarrasser de l'impression que quelque chose avait tourné affreusement mal.
Il passa rapidement mentalement en revue la soirée précédente, tout en faisant ses ablutions, sans que quoi que ce soit n'en ressorte en particulier. Il avait survécu à la réunion, ce qui était toujours un point positif. Il avait réussi à ne pas se salir les mains, tout en laissant Malefoy penser qu'il lui devait une faveur. Il n'avait pas payé la moindre tournée de toute la nuit, et il avait réussi à clouer le bec à Grytpype-Thynne…
Ah.
Oui, voilà.
Quelque chose lui revenait vaguement maintenant. Il s'était beaucoup inquiété d'avoir à inviter Hermione à sortir avec lui, mais maintenant il n'était plus inquiet parce qu'il lui avait posé la question et que… Oh merde.
Severus regarda le canard en plastique et le canard en plastique regarda Severus.
Il était de la viande froide.
Severus faillit sécher le petit-déjeuner, mais il ne parvint pas à trouver une excuse suffisamment bonne pour y échapper. Il se dit aussi que, s'il avait eu beaucoup de chance d'éviter la Juste Colère d'Hermione la veille au soir, plus elle aurait de temps pour mariner dans ses contrariétés, plus elle parviendrait à trouver des choses vraiment désagréables à lui dire.
La prudence dictait alors qu'il prenne les dispositions nécessaires pour présenter les excuses qu'il lui devait dans les plus brefs délais, dans l'espoir de cautériser sa colère avant qu'elle n'ait le temps de suppurer.
A en juger par son air contrarié et son bonjour glacial par dessus le plat de harengs saurs, il était déjà trop tard. Au pire, il pouvait espérer s'en tirer avec une paire de baffes après qu'elle ait passé plusieurs semaines à l'ignorer ostensiblement. Ce qui signifiait qu'il irait à sa prochaine réunion tout seul, et qu'il devrait entendre les moqueries sans fin de Grytpype-Thynne.
Donc, si les excuses étaient toujours nécessaires, il lui fallait aussi un plan de secours…
Hermione, de son côté, bouillonnait d'indignation quand le pauvre connard se contenta d'un signe de tête avant de s'asseoir à côté d'elle pour commencer à se battre avec ses harengs. C'est vrai que ça peut être sportif de manger des harengs saurs, mais elle avait l'impression qu'il aurait dû pour le moins faire une allusion à l'erreur monstrueuse qu'il avait commise la veille.
Et puis elle n'aimait pas la façon dont il souriait. Aucun homme qui était à ce point En Tort n'avait le droit de sourire comme ça, et encore moins un malheureux salaud comme Snape. Elle fut soudain submergée par une vague de morosité. Peut-être qu'il ne l'appréciait pas après tout. Peut-être que ce drôle de regard qu'il avait eu avait voulu dire tout autre chose, de la désapprobation, qui sait ? Peut-être qu'elle devait être reconnaissante qu'il ne soit pas allé se plaindre à Dumbledore en demandant qu'elle soit renvoyée. Non, ça aurait été lui faire une faveur. Elle devait se réjouir qu'il n'ait pas fait une autre chose horrible.
Comme de l'emmener à une réunion de Mangemorts.
Cinq minutes passèrent pendant lesquelles le cerveau d'Hermione monta à plein régime, imaginant des histoires compliquées, des trahisons, et la possibilité qu'elle se retrouve dans une Situation Vraiment Désespérée. Harry avait toujours conservé ses doutes sur la confiance qu'on pouvait accorder à Snape, et l'argument auquel elle s'était raccrochée jusque là, à savoir qu'ils devraient lui faire confiance puisque c'était ce que Dumbledore faisait, était quelque peu minée par le fait qu'elle pensait maintenant que l'opinion d'Albus ne valait pas une clopinette.
Puis elle aperçut la main de Severus, qui tremblait un peu quand il attrapa le pot de café, et son côté raisonnable lui fit remarquer que Severus Snape était peut-être un crétin, mais il n'était pas un méchant dans l'âme. Harry était un idiot, qui aurait été incapable de lacer ses chaussures sans qu'on lui tienne la main, et dont le jugement sur les choses était relativement fiable, si on le retournait à 180 degrés.
Ce qui ne signifiait pas que Severus pourrait s'en tirer comme ça après l'avoir appelée une S-truc, mais une fois qu'il lui aurait présenté ses excuses en bonne et due forme, et subi sa pénitence, elle pourrait lui pardonner.
Et enfin le baiser à perdre haleine.
Plusieurs fois.
Dans autant de positions que possible.
Etant donné qu'elle avait envie d'arriver à cette partie dans les plus brefs délais, elle se dit que s'il s'excusait, et rampait un peu pendant 5 minutes, ce serait suffisant. S'il était vraiment malin, il lui tendrait une perche du genre 'je ne vois pas comment je pourrais me faire pardonner', afin qu'elle puisse faire quelques suggestions assez élaborées. Enfin, bien sûr, elle n'avait pas du tout anticipé les événements, avec des schémas et des listes de choses à faire. Non, non, pas du tout.
Severus, fortifié par son hareng, ses toasts et son café, se sentait maintenant en mesure de présenter ses excuses. Et puis, c'était aussi la chose la plus raisonnable à faire, s'excuser à la table du petit-déjeuner. Avec un peu de chance, elle se retiendrait de lui mettre des baffes ou de lui lancer des sorts en public.
« Euh, » commença t'il.
« Oui, » répondit-elle froidement.
« Euh… j'ai apparemment… euh… je crois bien que je vous ai dit quelque chose d'inapproprié… de totalement inapproprié hier soir, et je voulais vous présenter mes excuses pour cela. »
Hermione était en train de calculer quelle réponse elle allait lui donner, quand le destin, sous la forme de Dumbledore, lui coupa l'herbe sous le pied. « Ah, Severus, tu veux bien m'accorder un peu de ton temps ce matin ? Je crois que ta première classe n'est qu'à dix heures, n'est-ce pas ? »
« En effet, Monsieur le Directeur. » Severus s'essuya la bouche avec sa serviette avant de suivre Ce Putain d'Emmerdeur hors de la Salle.
« Et merde ! » s'exclama t'elle. « Merde. Merde. Merde. Merde. Merde. »
De l'opinion de Severus, la discussion avec le Directeur se déroula bien. Il avait relayé assez tôt dans la conversation le ragot concernant la maîtresse de Lucius, pour laisser Albus parvenir lui-même à la conclusion que lui aussi avait besoin de son propre Symbole de Réussite.
« Je ne sais pas qui nous pourrons trouver pour jouer ce rôle, » dit Albus d'un ton inquiet. « Je veux dire, on pourrait toujours demander à Nymphadora Tonks. Si on lui demandait de se frotter un peu le nez… »
Severus secoua la tête. « Je suis désolé, Monsieur le Directeur. Même si je comprends l'intérêt d'impliquer un autre membre de l'Ordre – » mais saisis l'allusion quand on te la lance en pleine face, espèce de crétin barbu ! – « je crains que la plupart de mes confrères ne l'aient déjà rencontrée dans l'exercice de sa profession, à un moment ou à un autre. » Certains d'entre eux sont même parents avec elle, même s'ils refusent de l'admettre devant témoins.
Albus prit un air sage, et acquiesça. « Je comprends ton point de vue, Severus. » Il y eut plusieurs minutes de caressage de barbe et de cogitation avant qu'il ne reprenne la parole. « J'ai une suggestion à te faire, Severus. Et je veux que tu m'écoutes avant de me sauter dessus avec tes critiques. Et si on demandait à Hermione Granger ? »
Severus pinça les lèvres pour bien montrer sa contrariété, et réfléchit à cette proposition avec beaucoup de sérieux. « Si vous insistez, Monsieur le Directeur, » finit-il par dire avec une réticence non dissimulée. « Mais attention, il faudra bien lui faire comprendre qu'elle devra suivre mes instructions à la lettre. Je ne veux pas qu'elle commence à gambader de son côté, et mette sa vie, et la mienne, en danger. »
« Ça me semble raisonnable. » Le sourire satisfait d'Albus disparut quand il réalisa que s'il avait gagné quasiment sans débat face à Severus, il fallait toujours aborder le sujet avec Miss Granger. « J'imagine que c'est mieux si tu lui demandes… »
Le maigre espoir d'Albus de s'en tirer à bon compte fut balayé par Severus, qui lui expliqua, « Je pense qu'elle le prendra mieux si ça vient de vous, Monsieur le Directeur. Après tout, elle respecte votre jugement. »
Albus marqua une pause dans son auto-satisfaction pour convoquer un elfe de maison, et l'envoyer demander à Miss Granger de venir se joindre à eux. Il ne lui fallut que dix minutes pour se joindre à eux, un temps que Severus passa à se demander ce que les Pépées Sang-de-Bourbe à la page portaient en ces occasions, et à se tortiller sur sa chaise, mal à l'aise.
Elle se sentait d'assez mauvais poil. On l'avait privée de sa chance de faire des propositions malhonnêtes à Severus, et maintenant la Vieille Bique allait lui demander de faire Quelque Chose d'Ennuyeux. Elle était assez sûre que ce serait Ennuyeux, parce que tout ce qu'il lui avait jamais demandé de faire jusqu'à maintenant avait été Ennuyeux, et Ingrat, quand ce n'était pas carrément Inconfortable. Et s'il cherchait quelqu'un pour s'occuper des préparatifs du Bal d'Halloween, eh bien il pouvait toujours se brosser.
« Hermione, » commença t'il. Elle eut un mauvais pressentiment.
Merde, se dit-elle. Cette fois, c'est quelque chose de vraiment sérieux, comme de surveiller une sortie à Pré-Au-Lard. Elle faisait toujours des cauchemars sur sa fois précédente, même si le nez du Jeune Pemberton avait été rattaché sans problème. Elle gardait l'impression que cet Incident reflétait ses capacités en tant qu'enseignante. En grande partie parce que ses collègues lui avaient presque immédiatement assuré que c'était le cas.
« Hermione, » reprit Albus. « Il faut que je vous demande d'accepter une tâche dangereuse et qui vous coûtera beaucoup… »
Merde. C'est le week-end à Pré-Au-Lard. Je peux pas. Ma maman m'a fait un mot. Le chien a mangé mon autorisation de sortie et je peux pas quitter le château.
« Apparemment Severus a besoin d'une Petite Amie. »
« Ce serait peut-être une bonne idée que le Professeur Snape prenne son pied de façon régulière, » commenta t'elle, glaciale, « mais je ne vois pas ce que ça a à voir avec moi. » Ce petit cafard chafouin avait manœuvré dans son dos pour s'assurer qu'elle sorte avec lui ! C'était mignon, dans le genre compliqué, sournois et manipulateur.
« Pour son travail d'espion, » continua Albus comme si elle n'avait rien dit.
« Moi ? Vous devez être fou, » s'indigna t'elle. Elle n'avait aucune raison de lui rendre les choses faciles.
« Bien sûr, si vous n'en avez pas le courage, » ironisa Severus. « Je peux toujours trouver quelqu'un d'autre. »
Et là, elle était coincée. Elle avait le choix entre passer pour une trouillarde, ou passer une soirée au bistrot avec ses potes.
« D'accord, » soupira t'elle. « Qu'est-ce que je dois faire ? »
