Disclaimer : les personnages, c'est JK Rowling. L'histoire, c'est shiv5468. Faites pas attention à moi, je fais que passer.

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Hermione, comme n'importe quelle fille avant un rendez-vous, s'inquiétait de savoir ce qu'elle allait se mettre. Est-ce qu'elle devait porter des robes de sorcières, ou, puisqu'elle était supposée être une Pépée Sang-De-Bourbe, venir avec ses vêtements moldus ? Est-ce que l'occasion était si formelle qu'elle exigeait une jupe, ou est-ce qu'elle pouvait y aller en pantalon ?

Que de questions, que de questions…

Hermione regarda la pile de vêtements qui gisait sur son lit, et décida qu'il ne lui restait plus qu'une chose à faire. Leur 'rendez-vous' était pour demain, et il fallait qu'elle prenne une décision. Elle n'avait plus qu'à aller parler à Severus.

Elle avait été un peu réticente au début, puisque depuis quelques jours, très ostensiblement, elle Ne Parlait Pas à Severus. Mais plus elle y pensait, plus elle y trouvait d'avantages. Et puis franchement, le silence ne menait à rien, il était temps de voir ce qu'elle pourrait tirer de lui en le mettant sur le grill.

Bon, ça voulait dire qu'elle était passé de 'je ne sais pas quoi mettre pour notre rendez-vous' à 'je ne sais pas quoi mettre pour aller voir Severus dans ses quartiers'. Pendant un horrible moment, elle eut l'impression qu'elle allait de nouveau passer en revue toute sa garde-robe, jusqu'à ce qu'elle se reprenne et se décide encore une fois pour la robe marron décolletée.

Severus sembla de toute évidence approuver son choix quand il lui ouvrit la porte. Son « Mais que diable venez-vous… », destiné sans doute à l'élève importun qu'il s'attendait à trouver sur le pas de sa porte, n'alla pas plus loin.

Elle profita du fait qu'il était distrait par son décolleté pour se glisser dans ses quartiers sans y avoir été invitée, en affirmant vivement, « Je me disais que ce ne serait pas plus mal si nous discutions un peu de ce que vous vouliez que je fasse demain ? »

Elle l'entendit très nettement déglutir. « Que vous fassiez ? » balbutia t'il, l'esprit au fond du caniveau. Puis il se reprit, et passa tranquillement à l'offensive. « Mais voyons, Miss Granger, tout ce que vous aurez à faire, c'est de jouer le rôle de ma petite amie dévouée. Il vous suffira de me regarder avec adoration, de boire mes paroles, et d'acquiescer à tout ce que je dis. » Il sourit, moqueur.

« Nous allons rester là-bas plus de cinq minutes, » répondit-elle d'un ton acerbe. « Ils n'y croiront jamais. »

« C'est vrai, » soupira t'il. « Dommage, les Gars auraient vraiment été impressionnés… euh… et c'est important pour que je puisse leur soutirer des informations. »

Hermione se mit à l'aise sur le canapé, et tapota la place à côté de la sienne. « Eh bien, si impressionner les Gars est si important – pour obtenir des informations bien sûr – nous devrions peut-être viser une histoire plus crédible. »

Severus s'assit à côté d'elle avec prudence. Il n'était pas tranquille, elle avait une idée derrière la tête. Si elle ne lui avait toujours pas pardonné de l'avoir appelée une Sang-De-Bourbe, le pire était à craindre. « Et à quoi pensiez-vous ? »

« Eh bien, personne ne croira jamais que je sois du genre à m'écraser, si ? » Il secoua la tête. « Mais que diriez-vous d'une relation orageuse, passionnée, avec beaucoup de disputes, mais encore plus de Réconciliations sur l'Oreiller ? »

Severus était occupé à contempler cette idée sous toutes les coutures, et il ne remarqua pas qu'Hermione se glissait plus près de lui. Grytpype-Thynne se moquerait certainement d'elle en disant qu'elle était bien hautaine pour une Sang-De-Bourbe, ce qui serait toujours marrant à voir s'il était suffisamment crétin pour le faire à portée d'oreille d'Hermione. Et puis, il pourrait répondre avec un coup de coude dans les reins – juste un peu trop appuyé – et un commentaire sur le tempérament de feu qu'elle avait au lit.

Il se rendit soudain compte qu'Hermione était beaucoup plus près de lui, les lèvres contre son oreille, en train de lui parler de leur répétition.

« Une répétition ? » demanda t'il plaintivement.

« Oh, oui. » Elle passait la langue sur le lobe de son oreille. « Après tout, nous devons donner l'impression d'être des amants passionnés, non ? »

« Euh, oui ? » Il était sûr que c'était une question piège.

« Alors il faudrait pas qu'on ait l'air maladroits quand nous nous embrassons… »

Elle n'avait pas tort, et de toute façon, il n'eut pas la moindre chance de faire une objection, puisqu'Hermione prit les choses en main et l'embrassa.

Oh, les Sang-De-Bourbe étaient coquines, se dit-il distraitement pendant qu'Hermione explorait sa bouche extrêmement consciencieusement, avant de l'attirer plus près de lui pour lui montrer que les Sang Purs connaissaient un ou deux trucs eux aussi. Elle n'eut pas à s'en plaindre.

A peine vingt minutes plus tard, Hermione était collée contre lui, et il remontait la main contre l'arrière de sa jambe, sous sa robe. Ses doigts dessinaient un motif intéressant sur l'arrière de son genou, ce qui la fit d'abord pousser un petit cri de surprise, puis un soupir haletant.

Il était sur le point de progresser vers un territoire plus avancé et intéressant, quand elle s'éloigna avec un soupir de regret. « Je crois qu'il est temps de se mettre au lit. »

Il eut un sourire ironique. « Je suis tout à fait d'accord. » Il ne sut que penser en la voyant se lever et remettre de l'ordre dans son apparence. « Euh, mais je pensais que… »

« Ce n'était qu'une répétition, » expliqua t'elle. Avant qu'il n'ait le temps d'afficher la moindre déception, et pire de se mettre à bouder, elle continua, « Tu sais, pour ce que nous allons faire demain. » Et puis, au cas où il n'aurait pas bien compris, ce qui était tout à fait possible, parce qu'il ne donnait pas l'impression d'avoir les idées très claires pour le moment, elle précisa, « après avoir rencontré tes amis de réputation discutable. Et quand nous n'aurons ni l'un ni l'autre à nous lever tôt le lendemain. »

Au moment ou il comprit enfin ce qu'elle venait de lui dire, il eut un grand sourire, avant de se souvenir qu'il essayait d'être terriblement énigmatique dans toute cette affaire. Severus regarda Hermione partir, laissant affectueusement ses yeux s'attarder sur sa silhouette. Non seulement il avait une Petite Amie, mais en plus on lui avait fait Une Promesse.

A son crédit, il n'avait pas la moindre intention de partager cette information avec les Gars.

Finalement, Hermione décida de porter sa robe marron pour son 'rendez-vous' ; Severus avait l'air de l'apprécier, et il lui parut logique de penser qu'elle plairait également à ses amis. Elle avait l'horrible pressentiment qu'elle allait devoir passer une soirée qui lui rappellerait terriblement les fêtes de fin de matches de Quidditch, avec beaucoup d'hommes qui se tenaient là, disaient n'importe quoi, et essayaient de marquer des points les uns sur les autres. La présence d'une femme ne ferait qu'exacerber les tendances naturelles des hommes à se faire mousser. D'un autre côté, elle avait des connaissances raisonnables sur le Quidditch, alors elle devrait être capable de soutenir la conversation, et elle ne pensait pas qu'elle aurait à mettre la main à la poche de toute la soirée pour se payer un verre.

Elle soupçonnait fort Severus d'être assez radin, mais les autres se décarcasseraient pour être gentils avec elle, soit pour énerver Severus, soit parce qu'ils espéreraient apprendre quelque chose qu'ils pourraient utiliser contre lui.

Severus s'était éclipsé plus tôt dans la soirée pour aller à sa réunion, en lui laissant pour instruction stricte de se tenir devant les grilles de Poudlard à onze heures du soir précises. Bien sûr, il arriva en retard, mais elle ne pouvait pas vraiment se plaindre. Ce n'était pas comme si lever la main et demander à partir plus tôt d'une réunion de Mangemorts parce qu'il avait un rendez-vous galant était une option.

Du moins, pas s'il comptait rester en vie.

Elle avait froid, elle s'inquiétait pour Severus, et elle n'aimait pas la façon dont les buissons sifflaient autour d'elle. C'était carrément effrayant d'être là toute seule. Elle était de la ville, elle y était née, elle y avait grandi, et elle regardait la campagne avec beaucoup de réserve, voire de méfiance.

Elle entendit un 'pop' derrière elle – quelqu'un venait de Transplaner – et si les probabilités voulaient que ce soit Severus, son instinct prit le dessus, et du même mouvement elle brandit sa baguette et se retourna, prête à faire face à ce qu'elle trouverait.

C'était un Mangemort. Il était reconnaissable à ses robes et cette saleté de masque. Un frisson lui parcouru le dos, réaction atavique contre laquelle elle ne put rien, et sa voix tremblait un peu quand elle dit, « Pour l'amour du ciel, Severus, si c'est toi retire cette saleté de masque avant que je ne te lance un sort. »

Elle entendit marmonner 'oups, désolé' de derrière le masque, qui une fois retiré révéla un Severus quelque peu contrit. « J'avais oublié, » dit-il, « je ne sais pas pourquoi, c'est carrément inconfortable. »

« Tu m'as fait une peur bleue, » dit-elle, toujours un peu émue.

« Désolé, j'étais un peu préoccupé. »

« Oui, j'imagine que la réunion de ce soir aurait rendu n'importe qui nerveux. »

Severus acquiesça, ravi qu'elle se montre si compréhensive. « Je n'ai jamais emmené une fille pour la présenter aux Gars avant. »

« Je voulais parler de la réunion dont tu reviens. »

« Oh. Ça. C'était tour à tour pénible et ennuyeux. Sa Seigneurie était particulièrement bavarde ce soir. Heureusement, Lucius me doit une faveur, et j'ai pu m'éclipser de l'interminable cocktail. »

Severus avait l'air fatigué, vanné même, et soudain une vague de ressentiment la submergea. Toute cette histoire durait depuis bien trop longtemps. Elle ne savait pas si c'était de la faute d'Albus ou de celle de Harry, mais elle allait s'en occuper. Dès demain. Ou peut-être après-demain, selon la façon dont se terminait leur soirée.

« Bon. Tu es prête ? » Elle retira un fil imaginaire de sur la robe de Severus. « Des instructions de dernière minute ? »

« Eh bien, Grytpype-Thynne est assez salaud, alors méfie-toi de lui. Il y a des années qu'il essaie de me faire des crasses. Bloodnok a des oursins dans les poches, il faudra insister pour qu'il paie sa tournée. Seagoon est un peu demeuré, mais Smudger est correct, tant que tu ne le laisse pas approcher des fléchettes. »

« Ça semble clair. »

Severus fut un peu surpris de se rendre compte qu'Hermione était légèrement nerveuse. « Tu seras parfaite, » lui affirma t'il. « Absolument parfaite. Et si quelqu'un t'insulte ou t'ennuie, je lui coupe les couilles d'un coup de baguette. Tu peux être parfaitement tranquille. »

Hermione éclata de rire. « Est-ce que c'est une règle obscure tirée du manuel du parfait Sang-Pur ? Je suis parfaitement capable de couper les couilles à quiconque le mérite moi-même. »

« Ce ne sont que de bonnes manières. C'est le devoir d'un gentleman de protéger sa cavalière. » Severus était tout à fait sérieux, et ce fut avec ce même sérieux qu'il lui offrit son bras pour qu'ils Transplanent.

« Où allons-nous ? » demanda t'elle. Elle avait besoin de savoir où elle allait Transplaner. Transplaner en duo était difficile, dangereux, elle pouvait se retrouver coupée en deux, ou étalée sur une surface importante : pas vraiment de quoi encourager la romance.

« Dans l'entrée du Chemin de Traverse. Le bistrot n'est pas loin, nous marcherons le reste du chemin. »

« C'est un bistrot moldu ? » Elle était surprise d'apprendre qu'une bande de Sang Purs fanatiques daignait franchir le seuil d'un tel établissement, et encore moins y revenir régulièrement.

« Eh bien, on ne pouvait pas traîner dans le Chemin de Traverse, si ? Quelqu'un aurait bien fini par nous remarquer, et l'un de ces jeunes Mangemorts avides de reconnaissance serait allé bavasser sur nous plus vite que tu ne peux dire 'Salazar Serpentard'. Et puis, le proprio nous donne des cacahuètes et des chips gratis, aucun établissement sorcier ne ferait ça pour nous. »

Hermione n'était pas surprise, elle avait l'impression que personne ne tiendrait à encourager les Gars, même sans être au courant qu'ils étaient la branche locale des Mangemorts.

Ils Transplanèrent après avoir compté jusqu'à trois, et se retrouvèrent dans une ruelle mal éclairée qui sentait un peu les poubelles. Hermione dut reconnaître que toute cette escapade était assez excitante, plus en tous cas qu'une autre soirée devant sa cheminer à bouquiner en se demandant quelle serait la meilleure façon de clouer le bec aux autres enseignants.

Ils ne marchèrent pas longtemps avant de se retrouver devant une porte, si minable qu'elle avait failli la manquer. Severus, courtoisement, lui tint la porte, et elle franchit le seuil du Bistrot. Les Gars pensaient sans doute que le Bistrot était charmant, mais ils avaient tort. Il était sale, il était minable, et il était plein de gens en robes noires. Comment est-ce qu'ils parvenaient à justifier ça aux yeux du propriétaire ? La Franc-Maçonnerie ? Le trainspotting ? Donjons et Dragons ?

« Nom d'une pipe, on dirait qu'ils se sont donné le mot. » Severus était stupéfait de voir que tous les Gars étaient là. D'habitude, il y avait toujours l'un ou l'autre d'entre eux qui était absent. Il ne manquait pas de revenir la semaine suivante avec des histoires époustouflantes de missions secrètes et de forfaits divers. En fait, sa femme ne l'avait pas laissé sortir la semaine précédente, où il n'avait pas voulu manquer leur émission favorite sur Radio-Sorcier. Il y avait un accord tacite entre eux, qui faisait que personne ne cherchait vraiment à connaître la raison de l'absence d'un collègue, ils avaient tous bien trop à y perdre. Une fois que la réputation de monstre sans pitié de quelqu'un était ternie, il fallait qu'il garde en permanence un air mauvais pendant des mois pour la récupérer.

En regardant mieux, on se rendait compte qu'il n'y avait pas plus de quinze personnes dans la pièce, et que l'impression qu'il y avait foule n'était due qu'au fait que la pièce était vraiment très petite. Cependant, Hermione ne put s'empêcher de s'agripper à Severus dans un élan de panique quand une grande silhouette mince s'approcha d'elle et lui demanda, « Alors c'est vrai que tu es une Sang-De-Bourbe ? »

Encore une fois, elle eut l'impression qu'un courant d'air glacial courait le long de sa colonne vertébrale. Ils étaient peut-être les amis de Severus, et elle avait beau les soupçonner de ne pas être plus dangereux qu'un troupeau de moutons, ça ne l'empêchait pas d'avoir cette réaction instinctive de panique en voyant ces putains de robes. Un Mangemort venait de lui demander si elle était une Sang-De-Bourbe ; elle espérait seulement qu'il n'allait pas enchaîner avec quelque chose du genre 'prosterne-toi devant moi, vermine'. Elle se dit que ce n'était pas le moment de lancer des sorts, alors elle acquiesça poliment.

« Génial. Tu peux saurais m'expliquer la règle du hors-jeu ? »

« Au Quidditch ? » Hermione était surprise de s'entendre poser une question si curieuse. Peut-être qu'il s'agissait d'un test pour voir si elle connaissait suffisamment bien la culture magique.

« Nan, au football. »

Hermione vit qu'il y avait un petit téléviseur tout en haut dans un coin. Le propriétaire devait sans doute l'allumer les soirs de match, se disant que comme tous les anglais ses clients étaient obsédés par le football. Elle imaginait parfaitement ce qui s'était passé. Au début, ils s'étaient approchés pour se moquer des ces imbéciles de moldus, et se demander pourquoi ils se donnaient tant de mal, alors qu'ils n'avaient même pas de balais. Et puis, peu à peu, ils étaient devenus accros.

« Oh, pour l'amour du ciel, Bloodnok, je ne pense pas qu'Hermione s'intéresse tant que ça au sport. » Severus était exaspéré. Il ne s'était pas attendu à ce qu'on embête Hermione en lui demandant des explications sur la culture moldue. Mais bon, ils auraient pu poser des questions bien plus embarrassantes. Comme : depuis quand sortez-vous ensemble ? Ou : combien de fois par nuit ?

« Eh bien, je n'en sais rien, » répondit Hermione. « Mais je connais un homme qui pourra nous aider. Mon père arbitre de temps en temps des matches amateurs le dimanche. »

« Il a un sifflet ? » demanda Bloodnok, intéressé.

« Un sifflet, des cartons jaunes et rouges, et un petit calepin pour noter les noms des joueurs qui commettent des fautes. »

Les Gars étaient impressionnés. Ils furent encore plus impressionnés quand Hermione sortit son portable pour passer un coup de fil. « Papa ? Bonsoir. Je suis dans un bistrot, et un type voudrait que je lui explique la règle du hors-jeu. Ça ne t'ennuie pas de me rafraîchir la mémoire ? »

Hermione fit de petits 'hmmm, hmm' dans son téléphone, avant de commencer à rassembler quelques verres vides. « Bon. Admettons que le bord opposé de la table soit le but, d'accord ? » Bloodnok acquiesça. « Et là, nous avons les défenseurs… Bien. Maintenant, quand l'attaquant arrive… »

Severus regarda d'un œil amusé les Gars qui se rapprochaient pour se faire expliquer les règles du football. Hermione était définitivement dans son élément quand elle donnait un cours. C'était surprenant qu'elle déteste enseigner à ce point. Peut-être que le fait que dans sa salle de classe tout le monde se fichait de ce qu'elle racontait faisait la différence.

Il se sentait si ragaillardi par les événements qu'il avança jusqu'au bar pour offrir la première tournée.

« Nom de Dieu ! » s'exclama Smudger, en le voyant passer. « Est-ce que c'est déjà Noël ? »

« Tu n'es pas obligé de boire avec nous si tu n'en as pas envie. » Severus fouillait ses poches à la recherche de l'argent moldu que Dumbledore lui avait donné en faisant beaucoup d'histoires.

« Ne plaisantes pas avec ça. Je prendrais une pinte. De gnôle, puisque tu es d'humeur généreuse. »

« Tu prendras une bière, comme tout le monde, et tu en seras content. » Il espérait gratter un peu de monnaie pour se payer un exemplaire de Potions de Plus Grand Pouvoir Encore. Pince avait refusé de lui en commander une copie ; sous le prétexte totalement justifié que ça n'avait rien à voir avec le programme scolaire. La peau de vache.

Severus balaya l'assemblée du regard. Ils boiraient ce qu'on poserait devant eux sans se plaindre, mais ils étaient tous très pointilleux sur leurs goûts en matière de chips. S'il se trompait de parfum, il en entendrait parler jusqu'à la fin des temps. « Quinze pintes, quatre paquets de chips fromage/oignon, trois nature, et deux sel et vinaigre, s'il vous plaît. »

« Et qu'est-ce que tu vas commander pour ta jeune amie ? » demanda Smudger avec un petit sourire.

Merde. Il ne pouvait pas lui prendre une pinte de bière, et crier à travers un bistrot bondé pour lui demander ce qu'elle voulait boire rendrait les Gars soupçonneux. Après tout, s'ils sortaient ensemble depuis une éternité, ça tombait sous le sens, qu'il sache ce qu'elle aimait boire. Il ne pensait pas qu'ils goberaient une excuse du genre 'on passe tellement de temps sous la couette que jamais on n'a eu l'occasion de prendre un verre ensemble.'

Le barman remarqua son hésitation et la mis sur le compte des doutes qu'il avait sur la capacité de son établissement à fournir des rafraîchissements convenables. « Nous avons une carte des vins, Monsieur, » lui dit-il d'un air de reproche. « Nous avons même des cocktails. Peut-être que la jeune dame apprécierait une Caresse Intime ? » Le barman n'eut la vie sauve que parce qu'il interposa entre lui et Severus la carte des cocktails, et indiqua du doigt la boisson en question.

Severus lut la liste avec une fascination grandissante. Il ne résista pas à la tentation. « Hermione, chérie, » l'interpella t'il à travers la pièce, « est-ce que tu veux un Sex Appeal ? »

« Non, merci. Mais je ne refuserais pas un Péché de Chair. »

Les Gars écoutaient ce dialogue en retenant leur souffle. Ils étaient en train de parler de Sexe, et quand on y pensait, quand on voulait vraiment être honnête, le Sexe était plus intéressant que le Football. Mais le Football était plus courant, même pour les hommes mariés ; après tout, quoi qu'il arrive, il y avait deux matches par semaine à la télé.

« Je ne vois pas pourquoi vous me regardez tous. C'est une boisson, » se moqua Severus, fort des cinq minutes d'avance qu'il avait sur eux.

Les Gars poussèrent collectivement un soupir de soulagement. Ils avaient entendu des rumeurs au sujet des pratiques coquines qui avaient cours dans le Premier Cercle, mais même si c'était marrant de fantasmer sur les Sang-de-Bourbe friponnes, ils n'avaient pas la moindre envie de voir Ce Genre de Choses, merci bien.

Surtout pas avec Severus.

Severus paya l'énorme note avec mauvaise grâce, et une expression peinée. « Les boissons sont sur le comptoir, » annonça t'il, avant de se lancer dans un exercice d'adresse compliqué pour apporter le verre d'Hermione, sa pinte, et un paquet de chips nature vers l'endroit où elle se tenait.

Elle lui prit les chips des mains, puis son verre, et lui sourit un peu timidement. « Je crois que tout se passe bien jusqu'à maintenant. »

Elle ne saurait jamais ce qu'il allait répondre, parce qu'il fut interrompu par un cri venant des joueurs de fléchettes. « Hé, Severus, laisse un peu ta copine, c'est ton tour. »

Severus se retourna, prêt à engueuler le Gars en question, mais Hermione posa la main sur son bras et lui dit, « Non, vas t'amuser. Il n'y a pas de problème, je t'attends ici. »

Severus eut l'air un peu soupçonneux, mais il la laissa quand même. Il y avait une silhouette solitaire au comptoir, sirotant toujours sa pinte, un œil sur les Gars. Hermione le regarda du coin de l'œil, tout en faisant mine d'admirer Severus. Pas qu'elle ait besoin de se forcer beaucoup. C'était étrange de le voir si vivant, si animé, et en train de se chamailler avec entrain. C'était des chamailleries beaucoup plus amicales que ce qu'elle avait l'habitude de voir venant de lui, même si elle ne serait pas allée jusqu'à dire qu'il aimait réellement ses camarades.

Les Garçons étaient bizarres, et essayer de les comprendre ne ferait que vous donner mal au crâne.

Elle avait besoin d'un autre verre. Elle approcha du comptoir, et attendit patiemment de se faire servir. Le barman était occupé, probablement dans ce qu'il appelait le coin VIP - elle aurait eu horreur de penser qu'elle était dans le coin VIP – et il lui fallut plusieurs minutes avant de pouvoir passer sa commande.

Quand on lui servit sa vodka-cola, la silhouette affalée contre le comptoir fouilla dans ses poches pour y chercher de la monnaie. « Non, laisse-moi payer ça. Une dame ne devrait jamais avoir à payer elle même ses boissons. » S'il avait été une femme, on l'aurait qualifié de jolie laide – il n'était pas vraiment beau, mais il avait un visage intéressant, qui invitait à se lier d'amitié.

« Euh, merci. » La transaction effectuée, elle attendit que le Gars anonyme ait rangé sa monnaie dans ses poches avant de prendre le taureau par les cornes et de lui tendre la main. « Je suis Hermione Granger, au fait. »

L'homme s'essuya soigneusement la main sur ses robes avant de lui donner une poignée de main ferme. « Smudger. »

« Ravie de faire ta connaissance, Smudger. » Hermione ne parvint pas à trouver la moindre chose à ajouter. Elle ne pouvait pas recourir aux lieux communs habituels de la conversation, parce que ça pourrait la mener dans une impasse carabinée. Elle ressentit un instant d'empathie pour la Reine, qui rencontrait toujours de nouvelles personnes, et posait toujours les mêmes questions idiotes, et probablement ennuyée à mort par les réponses. 'Et depuis combien de temps es-tu un Mangemort, Smudger ? Bien, bien. Et qu'est-ce qui t'a décidé à rejoindre les rangs. C'est très intéressant ? Et est-ce que tu veux tuer tous les moldus, ou seulement les sorcières Sang-de-Bourbe ? Je vois.'

« Alors comme ça, toi et Severus, hein ? » demanda Smudger.

Hermione acquiesça.

« Et ça marche bien entre vous ? »

Hermione acquiesça de nouveau. « Très bien. »

La conversation connut un moment de faiblesse, les deux parties étant tombées à court de sujet qui ne fâchaient pas. Hermione, que ce silence mettait mal à l'aise, se raccrocha à un bon vieux cliché. « Et vous venez ici souvent ? »

Elle serra les dents en s'entendant dire ça, mais apparemment la phrase n'avait pas la même connotation que celle qu'on lui associait dans le monde moldu. Ou alors, Smudger eut la gentillesse de prétendre qu'il n'en était rien. « Assez, oui. Il y a une grande réunion du Premier Cercle une fois par mois, seulement pour le haut du panier, au Manoir Malefoy, alors que les pauvres couillons comme nous ne sommes convoqués que de temps en temps, quand Sa Seigneurie a envie de créer un peu de désordre. Pas qu'on fasse jamais quoi que ce soit, » ajouta t'il précipitamment, se souvenant tout à coup de qui il avait en face de lui. « Le vieux Malefoy est bien trop occupé à s'envoyer en l'air avec sa Pépée Sang-de-Bourbe, et il passe la main à notre bon vieux Snappy. Alors on dégote une histoire qui nous permettra de satisfaire Sa Seigneurie. »

Un air de consternation se lisait sur le visage de Smudger. « Bien sûr, je dis pas que Snappy pense à toi comme à sa Pépée Sang-de-Bourbe, non, pas du tout. C'est seulement Malefoy, et on sait bien que lui c'est un salaud. » Smudger finit par se taire, décidant finalement qu'il n'avait pas besoin de creuser sa propre tombe plus profondément.

Hermione prit pitié de lui. « Malefoy est un salaud, » approuva t'elle. « Et il prend tout le monde de haut en plus. »

Smudger se ragaillardit. « C'est vrai, tu as raison. » Apparemment, 'Malefoy est un salaud' était un thème récurrent chez eux, et l'homme n'était pas plus populaire dans son propre camp qu'il ne l'était chez les membres de l'Ordre. « Il se pavane, comme si tout lui appartenait, juste parce que c'est le cas. C'est pas des manières. »

« Oui, mais est-ce qu'il est heureux ? » demanda t'elle.

Smudger cligna des yeux. « Bien sûr qu'il est heureux ! » s'exclama t'il, en expliquant lentement, « Il est riche à crever, et il s'est marié avec la plus belle poule de notre classe. Evidemment qu'il est heureux comme un prince. »

Hermione n'avait pas la moindre envie d'expliquer la notion d'angoisse existentielle à Smudger, alors elle se contenta de, « Elle a l'air d'être sacrément casse-pieds, en tout cas. Je parie qu'elle arrête pas de lui dire de ne pas mettre ses coudes sur la table. »

« C'est vrai. » De toute évidence, c'était une idée nouvelle pour Smudger.

« Et ce n'est pas un truc qui fait rêver, pas vrai ? Pas après une dure journée passée à essayer de conquérir le monde. Ce qu'il te faut, c'est quelqu'un qui t'apporte un bon verre de whisky Pur Feu et tes pantoufles quand tu rentres : quelqu'un qui te fasse sentir que tu es le bienvenu chez toi. »

Smudger avait le regard perdu dans le vide : sa nouvelle idée avait été rejointe par une amie, et l'effort inhabituel le faisait loucher un peu. « Est-ce que tu apportes ses pantoufles à Severus ? »

Elle acquiesça. « De toi à moi, » elle lui donna un petit coup de coude, « des fois, je lui fais aussi un petit massage des pieds. Ça, ça le détend vraiment. »

« Non ! » Son incrédulité était la même que si elle venait d'admettre qu'elle se livrait à des jeux érotiques complexes impliquant un plumeau et une branche de céleri. « Tu es absolument formidable, voilà ce que j'ai à dire, » pleurnicha t'il, terrassé. « Severus est un type vraiment, vraiment chanceux. J'aimerais avoir une petite amie comme toi. »

Elle lui tapota le bras, essayant de le consoler. « Je suis sûre que ta petite amie est formidable avec toi, elle aussi. »

Elle l'entendit marmonner derrière sa manche, il s'essuyait les yeux, qu'il n'avait pas de petite amie.

« Comment, un gaillard sympathique comme toi ? Je suis sûre qu'il y a quelqu'un. »

Il lui jeta un regard soupçonneux, mais vit qu'elle était sincère. « Eh bien, c'est le côté Mangemort, tu vois. Les filles sympas ne veulent pas sortir avec nous, et ce n'est pas un secret facile à garder. »

« Alors pourquoi est-ce que tu continues à suivre Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom, alors ? » demanda t'elle, en essayant de garder un ton naturel.

« On ne peut pas tous être espions comme Severus, » répondit Smudger.

« Tu sais… » Hermione interrompit son exclamation haut perchée, et continua, d'une voix plus normale, « je veux dire, tu penses que Severus est un espion ? »

Smudger lui tapota la main, amicalement. « Bien sûr qu'il en est un. Ça tombe sous le sens. C'est la seule raison pour laquelle il traîne avec les autres salauds. Il préférerait de loin être là avec ses vieux potes, mais il doit aller faire le dandy aux cocktails de Malefoy… » - Smudger leva le petit doigt – « et boire des boissons bizarres dans des verres décorés de petits parapluies, qu'on lui présente sur des plateaux qu'ont des napperons. C'est inhumain, ce que cet homme attend de lui. »

« Quel homme ? » demanda Hermione en se mordant la lèvre.

« Dumbledore. Il est presque aussi salaud que Sa Seigneurie, non ? »

« Mon Dieu, oui ! » Hermione approuva avec ferveur, même si elle n'avait aucune base de comparaison, et espérait bien ne jamais en avoir.

Ils regardèrent leurs verres, uni par le sentiment de l'injustice de ce que le monde leur réservait. Ils soupirèrent.

Hermione se souvint que ça n'était pas la peine de s'apitoyer, puisqu'elle avait prévu de régler le problème de Sa Seigneurie dimanche, et qu'ensuite elle serait débarrassée de Dumbledore. Voilà. Elle se redressa. Sauf que maintenant, elle se retrouvait avec l'obligation supplémentaire de trouver un plan qui ne mettrait pas les Gars dans la panade. Ils étaient plutôt mignons, même s'ils refuseraient de l'admettre jusqu'à leur dernier souffle.

« Alors, depuis combien de temps est-ce que tu connais Severus ? » demanda t'elle.

« Depuis l'école. Poudlard, » précisa t'il sans nécessité. « On est de la même promo. »

« Et vous… Vous avez rejoint les rangs ensemble, pour ainsi dire ? »

« Tu poses bien beaucoup de questions, » s'étonna Smudger. « T'es pas un de ces rats de journalistes, au moins ? »

Hermione soupira. « Non, je suis une espionne, comme Severus. Mais je ne suis pas encore très douée. Tu ne le diras à personne, si ? »

Il lui tapota de nouveau la main. « Ne t'en fais pas, chérie, ton secret sera bien gardé. » Il sembla penser qu'il devait en faire plus, parce qu'après avoir roté discrètement et s'en être excusé, il ajouta. « Tu n'es pas si mauvaise, tu sais. Il m'a fallu une éternité pour m'en rendre compte. Avec un peu d'entraînement, tu seras aussi douée que Severus. C'est un as dans sa partie, tu sais, un véritable génie. »

« Oui, n'est-ce pas ? »

« Je voudrais seulement qu'il se dépêche de régler son compte à Sa Seigneurie, d'une façon ou d'une autre. D'après ce que j'ai entendu, même le Premier Cercle commence à devenir assez nerveux. »

« Vraiment ? » demanda t'elle, avant d'afficher un grand sourire. « Pourquoi est-ce que tu ne me laisserais pas te payer un verre, et puis tu me raconteras tout ça. »

Smudger regarda son verre vide, puis le visage amical d'Hermione, avant de prononcer les mots qui lui vaudraient un jour un Ordre de Merlin (deuxième classe). « Ok, ça marche. »


C'est zazaone qui m'a dégoté le nom de cocktail 'Sex Appeal'. Merci zaza. Les autres, je les ai inventés. benebu