Hermione devait admettre que quand Severus appelait Harry 'la personne la plus horripilante à qui il avait jamais eu l'infortune de parler, Sa Seigneurie et Lucius Malefoy compris', il n'avait pas tout à fait tort. Mais pour être tout à fait juste avec Harry, elle n'avait jamais eu l'opportunité d'avoir une discussion prolongée avec aucun des deux autres personnages, alors elle ne pouvait prétendre qu'à une conclusion partielle en la matière.

Non qu'elle ait la moindre raison de penser qu'elle était dans l'erreur.

Elle avait comme convenu invité Harry et Ron à prendre un verre, et Severus avait de son côté décliné l'invitation. Jusqu'ici, tout allait bien. Elle n'avait à aucun moment pensé que la présence de Severus pourrait les aider en quoi que ce soit, mais elle s'était dit qu'elle devait l'inviter quand même. Et puis, en l'invitant, elle était sûre de se voir répondre 'non' avec superbe, alors que si elle ne l'invitait pas, il trouverait le moyen de venir dans son dos pour être au courant de ce qui se tramait.

Elle ne pensait pas que Harry serait disposé à les aider à se débarrasser de Sa Seigneurie s'il réalisait que l'un des bénéfices secondaires serait d'améliorer la vie sexuelle de Severus, et c'est pourquoi elle garda un silence discret sur sa relation naissante avec lui.

Ce qui se révéla une sage idée. Le temps n'avait aucunement atténué la rancœur que les deux garçons avaient pour Severus, et ils consacrèrent le premier quart d'heure de leur soirée à se remémorer leurs pires retenues avec l'Imbécile Graisseux.

« Est-ce que tu te souviens de la fois où il nous a fait découper ces Bubobulbs ? » lança l'un des deux, et ça suffit à les lancer dans cette compétition bizarre qui visait à déterminer qui d'entre eux avait vécu la plus pénible.

Harry gagna, bien sûr. Hermione n'avait même pas eu le droit de participer, sous prétexte qu'elle n'avait jamais eu de retenue avec Snape. Ron avait fait une brave tentative pour remporter le titre en racontant la fois où il avait été forcé de passer trois heures avec Drago Malefoy, Pansy Parkinson, et Colin Creevey, à nettoyer le sol de la Classe de Potions à la brosse à dents, mais il se retrouva disqualifié, parce que ce n'était jamais arrivé.

« Tu as passé la soirée à regarder Drago et Pansy se peloter, et à faire des paris avec Creevey sur combien de temps ils pouvaient tenir sans respirer, » s'indigna Harry.

Ron haussa les épaules. Ça avait valu le coup d'essayer. « Tu ne peux pas nier que ça aurait pu arriver, quand même, » affirma t'il.

« Ça, c'est vrai. Il était suffisamment salaud pour te faire faire un truc pareil, » admit Harry, avant qu'ils ne lèvent leurs verres à la santé de tous ces pauvres couillons qui étaient toujours à la merci de Snape.

Hermione en vint à l'objet de la réunion en demandant sans plus de précisions comment allaient 'les choses'.

Harry prit une expression sérieuse, qui fit se demander à Hermione s'il n'avait pas des piles. « Eh bien, évidemment, je ne devrais pas t'en parler, mais nous sommes vraiment assez contents de la façon dont progressent les choses. »

Hermione ravala sa protestation (Je suis membre de l'Ordre moi aussi ! Et pense à toutes les aventures que nous avons partagé pendant toutes ces années ! Et qui a tiré les marrons du feu pour vous pendant tout ce temps ? Et pis pour qui vous vous prenez, d'abord ?) et se contenta de prendre un air encourageant et intéressée, tout en revoyant mentalement la liste des mauvais sorts appropriés en pareille situation.

Pas de Doloris, se répétait-elle. Peu importe à quel point ces deux-là te tapent sur les nerfs, tu ne peux pas utiliser le Doloris. Et puis, c'est illégal.

« Assez content ? » demanda t'elle, en ajoutant pour elle-même, 'mais dans quel monde est-ce que tu vis, pour dire que les choses vont bien ? Sa Seigneurie est toujours en vie, Lucius Malefoy fait ce qui lui chante, et je suis coincée à enseigner à Poudlard ! ' Elle ne savait pas laquelle de ces trois choses était la pire.

Harry acquiesça. « Nous avons capturé plusieurs Mangemorts ces derniers mois, et nous ne sommes plus très loin de déterminer où se cache Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom. »

Evidemment, se dit-elle, on aurait tout aussi bien pu poser la question à Smudger, ou même à Severus, qui savaient très exactement où on pouvait trouver Sa Seigneurie – tout du moins le dernier vendredi du mois. « Humm ? » demanda t'elle, sans s'engager. « Et que ferez-vous une fois que vous aurez cette information ? »

« Eh bien, nous devrons bien sûr effectuer une reconnaissance des lieux, avant de prendre les décisions concernant les meilleures tactiques à employer pour atteindre notre cible. »

« Excuse-moi, » interrompit brusquement Hermione. « Faire une reconnaissance ? Réfléchir à la tactique ? Qu'est-ce qui a bien pu arriver au Harry que je connaissais ? Celui qui se précipitait sans réfléchir, et qui réglait les problèmes ? »

« C'était l'ancien Harry, » admit-il à regret. « Maintenant, je suis un Auror aguerri qui sait comment on doit faire les choses. Nous ne pouvons pas continuer à nous comporter comme si nous étions des enfants. C'est ce qu'ils me répètent tout le temps, en tous cas. En ce moment, j'ai l'impression de ne rien faire d'autre que de la paperasse. Je ne sais pas, je ne m'étais jamais imaginé qu'être un Auror puisse être si ennuyeux. La chose la plus excitante que j'ai faite cette semaine, ça a été de transformer mon rapport sur l'affaire Strangleton en un hibou en papier, qui a volé en rond dans mon bureau pendant près de dix minutes. J'espérais le voir chier sur la tête de Shacklebolt, mais même pas. »

Hermione dévisagea Harry pendant un moment. Mais qu'est-ce que le Ministère pouvait bien lui mettre dans le crâne, pour lui faire croire qu'il devait se comporter comme un comptable ? Il était supposé être un Auror, pour l'amour de Dieu, et se démener pour sauver des vies, au lieu de rester assis à son bureau pour écrire des rapports. « Et si je vous disais que je savais où trouver Sa Seigneurie dans quinze jours, et que j'ai pensé à un plan qui éloignerait quasiment tout le Premier Cercle pour la soirée, ce qui te donnerait la meilleure opportunité depuis des années de régler cette histoire une bonne fois pour toutes ? »

Harry cligna des yeux. « Vraiment ? Pourquoi est-ce que je n'en ai pas entendu parler ? »

« Eh bien, je me suis dit que tu devrais être le premier à savoir. Je n'en ai même pas encore parlé à Dumbledore. C'est entre toi, moi, Minerva, et Severus. Et notre contact secret, Mr Smith. »

« Oooh, Severus, » l'interrompit Harry. « Alors maintenant on l'appelle par son prénom… »

Hermione rougit, mais heureusement les garçons ne s'en rendirent pas compte.

Ron fronçait le nez, ce qui était toujours signe qu'il réfléchissait. « Je crois me souvenir que l'année dernière, le vieux Snappy a suggéré que c'était le moment idéal pour attaquer Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom. Mais nous n'avons pas bougé. »

« Pourquoi ? Je veux dire, il se donne du mal, il risque sa peau pour déterminer les points faibles, et on ne fait que l'ignorer, » cracha Hermione, indignée, essayant très fort de ne pas penser aux concours de fléchettes.

« C'est évident, non ? Ça fait des années que Snape vient nous voir pour nous raconter que Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom est à tel endroit, ou qu'il est vulnérable tel ou tel jour, et jamais personne ne l'a pris au sérieux. C'est trop facile. Se débarrasser de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom est censé être difficile, épuisant, et demander beaucoup d'intrigue, et de danger, et de sacrifices inutiles. On n'est pas supposés arriver à couvert pour lui lancer un sort par derrière. Ce n'est pas du tout héroïque. » Ron balaya cette idée du revers de la main.

« Mais Dumbledore doit sans doute insister pour qu'on passe à l'action ? » Hermione ne pouvait pas croire que le Ministère soit tellement stupide.

Ron se tortilla sur son siège, mal à l'aise, et se prépara à annoncer la mauvaise nouvelle. « Pas vraiment. C'est un peu bizarre, en fait, » dit-il. « Je veux dire, il y a des gens au Ministère que l'attitude de franc-tireur de Dumbledore effraie et inquiète, alors je sais pas si ça aurait fait beaucoup de différence, mais même lui s'est mis à soutenir Snape un peu moins ces derniers temps. L'impression générale, c'est que même Dumbledore commence à douter de sa loyauté. Et puisque Harry est la seule personne qui puisse vaincre Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom, il est vital qu'on ne le laisse pas prendre de risque. »

Hermione ricana. « Alors si je comprends bien, on est tous restés assis à attendre que tu fasses quelque chose, et toi de ton côté tu es resté à attendre que Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom te soit livré avec un ruban rose autour du cou, mais seulement si ce n'est pas Severus Snape qui te l'amène sur un plateau. Partis comme on l'est, tu seras toujours en train d'attendre au moment de ta retraite ! »

Harry soupira. « Tu es sérieuse. »

« Mais vous en avez certainement marre de vous tourner les pouces ? Moi, en tous cas, j'en ai assez, » répliqua Hermione avec exaspération.

Ils acquiescèrent.

« Tu sais, » reprit pensivement Ron, « je me suis souvent dit que Shacklebolt était un peu une vieille dadame. Si on l'écoutait, on ne pourrait jamais rien faire. »

« Hum, » dit Harry. Ce n'était pas le 'hum, je préfère ne pas me prononcer', c'était plus le 'hum, j'y réfléchis', presque le 'hum, je suis d'accord'.

« On faisait une si bonne équipe, » ajouta Ron.

« Et on s'amusait tellement, » ajouta Hermione.

« C'est vrai, » admit Harry, avec un éclair de son ancienne malice dans les yeux.

« Alors, tu ne crois pas qu'on devrait faire quelque chose ? » demanda Hermione.

« Eh bieeeen, » dit Harry, résistant de moins en moins et leur jetant des regards interrogateurs, auxquels ils répondirent en hochant la tête. Ça lui semblait plus sensé d'aller attaquer Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom parce qu'ils s'ennuyaient que parce que c'était la meilleure solution tactique à adopter. « D'accord, parle-moi de ton plan. Ça ne peut pas nous faire de mal de simplement l'écouter, pas vrai ? »

Ron sourit. « Pas du tout. Je dirais même que c'est notre devoir de le faire. »

Hermione attrapa une paire de dessous de verre sur la table d'à côté, et commença à les disposer sur la table. « Voilà, » dit-elle brusquement. « Apparemment, Sa Seigneurie est terrée dans une vieille maison au milieu de nulle part. En temps normal, plusieurs membres du Premier Cercle traînent dans le coin, pour lui embrasser les pieds et lui dire à quel point il est formidable. Nous avons un homme à l'intérieur, qui pourra leur ordonner de sortir, et il le feront. Non seulement ça, mais il pourra laisser la porte de derrière pour nous. »

« Alors tout ce que nous avons à faire, c'est de nous faufiler près de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom par derrière, crier 'hé !', et le tuer, » résuma Harry.

« Pourquoi crier 'hé' ? » demanda Hermione.

« Ben, il peut pas lui lancer un sort dans le dos, quand même. » expliqua Ron avec calme. « Les Gryffondors ne font pas ce genre de chose, si ? »

Hermione leva les yeux au ciel, mais ne dit rien. C'était peut-être une réaction de fille, mais elle était tout à fait prête à lancer des sorts aux gens par derrière. Ça lui semblait le meilleur moment pour le faire. Peut-être qu'elle passait trop de temps avec Severus ? »

« Et qu'est-ce qu'en pense Dumbledore ? » demanda Ron.

« Je ne lui en ai pas parlé, » répondit Hermione, en jouant avec son carton de bière.

« Vraiment ? » s'étonna Harry. « Tu veux dire que tu fais tout ça dans son dos ? »

Hermione acquiesça.

« Eh bien, ça règle la question, non ? » Harry sourit. « Tu peux compter sur moi. »

« Je propose un toast, » dit Hermione en levant son verre. « Aux Trois Mousquetaires ! »

« Hein, » demanda Ron, stoppant son mouvement en cours de route.

« Les Trois Mousquetaires ? » Hermione regarda les airs ahuris des garçons et soupira. « Les personnages d'un livre moldu. Ils étaient trois – d'où le nom – et leur devise était 'un pour tous et tous pour un'. Je me suis dit que ça nous irait bien. »

« Oh. Oh, d'accord, alors. Aux Trois Mousquetaires ! » Leurs verres claquèrent pour saluer le toast. « Et ensuite, Hermione va pouvoir nous expliquer comment exactement elle en est arrivée à appeler Severus Snape par son prénom, » enchaîna Ron.

Hermione se félicita de ne pas avoir été en train de boire quand il dit cela. Apparemment, elle avait quelques explications à leur donner. Elle fit signe à la serveuse de leur apporter une autre tournée : il y avait des choses qu'il valait mieux entendre à travers une brume d'alcool.

&&&&&&&&

Severus attendait Hermione, ce qui était mignon. Il l'attendait devant les grilles de Poudlard, ce qui risquait de créer un malaise, puisque les garçons la raccompagnaient jusque là. Heureusement, les garçons étaient presque aussi ivres qu'Hermione, et quand ils se retrouvèrent nez à nez avec leur pire ennemi, ils se contentèrent de ricaner comme des imbéciles en se donnant des coups de coude dans les côtes.

Hermione essayait de les faire taire, tout en tentant de ne pas glousser elle aussi.

« Oooh, » dit Ron. « Tu vas avoir des ennuis maintenant. »

« Miss Granger, » affirma Severus, « ne va pas avoir d'ennuis. Il est parfaitement clair que c'est vous autres, en vauriens que vous êtes, qui l'avez entraîné sur le chemin du vice, comme cela s'est déjà produit si souvent par le passé. »

Les garçons gloussèrent de nouveau.

« C'est vrai, » confirma Hermione avec beaucoup de dignité. « C'est de votre faute. C'est vous qui avez insisté pour qu'on boive des fœtus (1). »

« Des foetus ? » demanda Severus.

« Tu mets un verre de Whisky Pur Feu au fond d'une pinte de bière et tu bois le tout, » expliqua Hermione.

« Dieu du ciel. » Severus était impressionné qu'ils tiennent encore debout après ça, et prit note de suggérer aux Gars d'essayer un de ces soirs, surtout s'ils étaient particulièrement rebelles à propos de quelque chose. Apparemment, les personnes les plus difficiles se transformaient en idiots rigolards, à qui il serait bien plus facile de donner des ordres par la suite, et quand il s'agissait des Gars, il avait besoin de tous les avantages auxquels il pouvait penser.

« B'nuit, b'nuit, » marmonna Hermione, en embrassant chacun des garçons sur la joue. Severus trouva que ce geste était par trop amical, et les regarda disparaître au loin.

« Par tous les dieux, » s'exclama Severus. « Et c'est sur eux que nous comptons pour sauver le monde magique ? »

« Ils seront sobres ce soir-là, » fit remarquer Hermione. « Et pourquoi diable est-ce que tu m'as appelée Miss Granger ? »

Severus sembla mal à l'aise. « Je ne savais pas si tu avais parlé de nous à tes amis. »

« Bien sûr que oui. Ils savent que tu es mon petit ami. »

Severus renifla. « Je ne suis pas un peu vieux pour être le petit ami de quelqu'un ? »

« Non. Tu as exactement le bon âge. » Hermione leva les yeux vers lui, sincère. « Maintenant, est-ce que tu vas m'aider à me mettre au lit ? »

« Oui. J'ai même apporté une fiole de potion contre la gueule de bois pour toi. »

« Tu es tellement mignon. »

« J'espère que ça, tu ne le leur a pas dit. »

« Ne t'en fais pas, ils ne m'auraient jamais crue. Après tout, tu as été leur professeur pendant sept ans. »

Severus réfléchit à la question. Il avait retiré autant de points qu'il avait pu, distribué les retenues arbitrairement, et avait toujours favorisé les Serpentards. Sa réputation était assurée, même s'il était poli avec Hermione en public. Néanmoins, quand Hermione glissa la main dans la sienne, il vérifia que personne ne les regardait ; il était inutile de prendre des risques.

Les Gars se moqueraient de lui jusqu'à la fin des temps.

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Hermione était heureuse. Elle était, sans vouloir chercher à analyser la chose trop avant, extraordinairement heureuse.

Elle se rendit compte que d'être extraordinairement heureuse rendait Poudlard presque supportable. Elle n'en était pas tout à fait au point de chanter des airs joyeux quand elle se déplaçait dans le château, mais elle se rendait compte qu'elle avait une tendance à se mettre à sourire de toute ses dents sans raison particulière, même en plein milieu de ses cours, ce qui avait l'avantage de rendre encore plus nerveuse une population étudiante déjà plutôt inquiète.

Elle avait de plus en plus de mal à répondre défensivement à Albus pendant les réunions des professeurs – ça ne lui faisait jamais remettre en cause ses idées incongrues, mais les professeurs étaient supposés faire l'effort de protester. Les regards désapprobateurs qu'elle reçut, et les murmures pas si discrets disant qu'elle Les Laissait Tomber, étaient un peu forts venant de collègues qui avaient profité de sa naïveté de nouvelle pour s'assurer qu'elle écope de trois week-ends à Pré-Au-Lard d'affilée.

Des salauds, tous autant qu'ils étaient.

Il n'y avait qu'un seul cheveu dans la soupe – deux, si on comptait Vous-Savez-Qui – Albus complotait quelque chose. Ou plutôt, il soupçonnait que Minerva complotait quelque chose, dans lequel Severus et Hermione seraient, ou ne seraient pas, impliqués.

A leur retour du cottage, Albus avait nonchalamment coincé Hermione en salle des professeurs pour commencer à lui poser des questions gênantes. Elle ne s'était pas préparée à cet interrogatoire approfondi, et elle savait qu'elle avait eu l'air coupable en balbutiant ses réponses. Elle espérait seulement qu'il penserait qu'elle lui cachait un plan pour le mener devant l'autel, et pas quoi que ce soit en rapport avec Sa Seigneurie.

Par conséquent, elle était de mauvaise humeur au déjeuner. Et cette humeur ne fut pas améliorée par les commentaires de Minerva, qui prétendait que le cerveau d'Hermione se transformait en purée de pois maintenant qu'elle était amoureuse. Hermione ignorait vaillamment le mal que Minerva se donnait, jusqu'à ce qu'elle ajoute, « Et j'espère que vous reprendrez vos esprits avant que Serpentard ne remporte la Coupe cette année. »

Hermione sourit vaguement, pensant toujours à moitié à ce qu'elle aurait voulu faire à Albus. « La situation ne peut pas être aussi catastrophique. »

« Oh, si, qu'elle le peut, » répondit Minerva avec sévérité. « Pendant que vous vous promeniez la tête dans les nuages, Severus a continué comme à son habitude, et nous avons presque 200 points de retard. »

Un gros nœud se forma dans la gorge d'Hermione, et elle eut l'impression de le sentir descendre jusqu'à son estomac.

Comme d'habitude.

200 points !

Mais… mais…

Ce fut une Hermione très contrite qui reprit le chemin de sa classe. « Bon, vous autres, » grommela t'elle, alors que ses élèves entraient. « Asseyez-vous. Ouvrez vos livres au chapitre dix, et commencez à lire. Je ne veux pas entendre un bruit avant la fin du cours. »

Les élèves furent curieusement soulagés de retrouver une Hermione ronchonne derrière son bureau, au lieu d'une Hermione qui avait la tête dans les nuages : ils savaient à quoi s'en tenir avec un professeur grognon. Malheureusement, aux yeux de la professeur grognon en question, les petits sourires de soulagement ne se distinguaient pas des rictus de pitié.

« D'accord. Je retire dix points à Serpentard, et ce n'est qu'un début. »

« Mais, Miss, » protesta l'un des enfants, plus courageux que ses camarades.

« Mais Miss, rien du tout. Le prochain d'entre vous qui respire trop bruyamment perdra cinq autres points pour sa Maison. » Le message fut reçu et compris, les élèves se plongèrent dans leurs livres avec mauvaise grâce, et Hermione eut tout loisir de réfléchir en paix.

Plus elle y pensait, plus elle se disait que Minerva était cinglée.

Elle et Severus s'étaient découvert une attraction mutuelle, qui, avec le temps, pourrait très bien évoluer vers de l'amour.

Mais en attendant, Hermione ne s'était jamais attendue à ce que Severus se mette à sourire en public juste à cause d'elle, même s'il avait un sourire absolument charmeur qui la faisait fondre complètement : ce sourire lui était réservé, rien qu'à elle. Elle ne voyait pas non plus pourquoi ses techniques d'enseignement changeraient – il détestait les enfants, les enfants le détestaient, et les potions demandaient toujours l'utilisation de flammes et d'objets pointus, et ils auraient beau baiser tant qu'ils le voulaient, ces données n'allaient pas changer.

Alors, plus elle y pensait, plus elle était convaincue que Minerva laissait ses préjudices totalement compréhensible contre les hommes modifier son jugement, et qu'elle et Severus partageaient une Relation, et que quoi qu'il se passe dans la tête de Severus, même si ça demeurait obscur, il devait y avoir une explication parfaitement rationnelle à son comportement.

Comme, par exemple, le fait qu'il devait toujours prétendre être un Mangemort sans cœur, et que l'un des gamins écrivant à son papa que Severus souriait pendant ses cours ne risquait pas d'aider son cas. Ou encore, peut-être que l'un de ces petits chéris avait effectivement fait quelque chose qui méritait qu'on lui retire tous ces points. Ça arriverait à un moment ou à un autre, même si c'était aussi probable que cette histoire de singes qui écrivaient du Shakespeare. Quel que soit le problème, ça n'avait absolument rien à voir avec le fait que Severus Avait Des Doutes au sujet de leur relation.

Quoi qu'il en soit, le petit Stebbins respirait par la bouche, et ça lui fit perdre encore cinq points pour sa Maison. Qu'il soit un Serpentard n'était que pure coïncidence.

Hermione sécha le Dîner en prétextant un mal de crâne, et commanda un repas dans ses quartiers. Si elle devait voir Albus ou Minerva ce soir, elle risquait de leur crier dessus, alors mieux valait se tenir à l'écart.

Elle espérait que Severus passerait la voir plus tard pour lui dire ce qui le tracassait. Elle espérait qu'il n'allait pas se comporter comme les garçons et la garder dans le noir 'parce qu'il ne voulait pas qu'elle s'inquiète', pour qu'il ne lui reste que quelques heures pour régler la panade dans laquelle ils s'étaient mis cette fois. Elle ne pouvait que lui faire confiance pour se confier à elle à un moment, avant qu'elle n'ait à recourir à des mesures extrêmes comme de devoir lui demander ce qui n'allait pas. Elle savait comment ça se passerait alors : plusieurs minutes de grognements inarticulés, puis des dénégations fuyantes, du genre 'mais je te dis qu'il n'y a rien de spécial', suivies d'accusations de harcèlement, et enfin, une fois que toutes les autres issues auraient été épuisées, l'Aveu.

Severus frappa à sa porte après le dîner – pas vraiment le comportement de quelqu'un qui avait des regrets à propos de leur relation – et fut accueilli par un baiser sur la joue. « Entre, » lui dit-elle. « Est-ce que je peux t'offrir quelque chose à boire ? Dobby vient juste de revenir d'une expédition dans la cave secrète de Dumbledore. Je peux te proposer un porto tout à fait remarquable. »

Severus se mit à l'aise sur le canapé, et lui adressa ce sourire doux dont il avait le secret. « Ce serait très plaisant. » Il posa une petite bouteille sur une table. « J'ai apporté ça avec moi, au cas où ça aurait été à cause d'un véritable mal de crâne, et pas de Dumbledore, que tu as évité le dîner dans la Grande Salle. »

« C'est gentil de ta part. » Elle versa deux verres de vin, et lui en tendit un avant de s'asseoir à ses côtés.

« J'avais une idée derrière la tête, » dit-il, en passant une main autour de sa taille.

« Ça me paraît intéressant. »

Il eut un sourire ironique, mais il manquait de conviction. Il appuya sa tête sur le dossier du canapé, et soupira. « Albus m'a vraiment tapé sur les nerfs la semaine dernière. Est-ce que tu es sûre que je ne peux pas glisser un peu de poison dans son verre ? »

Hermione lui tapota le genou, réconfortante. « De mon côté, j'ai eu une journée absolument atroce, et je refuse de penser à Albus avant que ceci » – elle fit tourner le vin dans son verre – « ait eu une chance de laisser agir sa magie. Mais tu sais, je crois vraiment que nous pourrons laisser Minerva s'occuper d'Albus ; je m'attends à les voir devant l'autel moins de quinze jours après la chute de Sa Seigneurie, et elle aura alors une vie entière pour lui faire réaliser à quel point il était dans l'erreur. » Le sourire ironique de Severus se fit un peu plus prononcé à ces mots.

Elle se serra contre lui, et ils sirotèrent leur porto dans un silence confortable. C'était un excellent porto qu'Albus gardait pour sa consommation personnelle, parfois celle des gouverneurs. Dobby, même s'il était employé par l'école, avait décidé qu'Hermione, en tant que personne la plus proche de Harry, avait besoin d'être soignée et chouchoutée, et il n'hésitait pas à chaparder dans les caves ou les cuisines à chaque fois qu'Hermione lui paraissait particulièrement malheureuse.

Elle devait avoir eu l'air particulièrement déconfite pour avoir droit à un raid dans les réserves personnelles d'Albus.

« J'ai remarqué que tu avais eu une frénésie de déduction de points. Est-ce que je peux te demander quels Serpentards t'ont offensée cet après-midi, et comment ? Si l'un d'entre eux a dit quoi que ce soit de déplacé, je le pendrait à la Tour d'Astronomie par les oreilles, » affirma t'il avec affection.

Hermione se retourna pour le regarder. « Tu ferais ça ? Pour moi ? »

« Bien sûr. » Il semblait surpris qu'elle en doute, et elle se sentit un peu honteuse. « Dis-moi ce qui s'est passé. »

« Stebbins respirait trop fort, » dit-elle, mal à l'aise face à cette explication tellement mesquine.

« Ah, une de ces journées-là, » acquiesça t'il en connaisseur. « Albus ? »

« Minerva. »

« Je ne te poserai pas de questions. » Il enroula une de ses boucles autour de son doigt, et tira dessus, joueur. « Tu as toujours de la marge avant de rattraper les 150 points que j'ai retirés aujourd'hui. »

« Albus ? »

« Oui. » Il fronça les sourcils. « Il s'est montré particulièrement irritant ces derniers jours. Rappelle-moi un peu : pourquoi est-ce que j'aide Potter ? »

Hermione tendit le bras pour poser son verre, puis, comme Severus était à proximité, elle se pelotonna contre lui. « Parce que tu es rusé et manipulateur et que tu l'utilises pour parvenir à tes fins : te débarrasser des Réunions le soir, pour passer plus de temps à boire du porto devant la cheminée avec moi, et ne plus avoir Albus dans les pattes toute la journée. »

« Hum, ce n'est pas près d'arriver, si ? » Il soupira une fois de plus. « Même si on est au cœur du problème : se débarrasser d'Albus. »

Hermione se redressa vivement, manquant de cogner le menton de Severus avec sa tête. « Il n'y a pas de clause de non-fraternisation, si ? Il n'est pas en train de suggérer que nous devrions arrêter de nous voir, parce que si c'est le cas, je te jure que je vais l'étrangler avec sa propre barbe. »

« C'est une idée formidable, on en aura peut-être besoin plus tard. » Hermione reposa la tête contre sa poitrine. « Non, il était plutôt en train de se féliciter du fait que, comme nous étions ensemble, tu étais condamnée à rester ici ad vitam aeternam. »

« Je ne vois pas comment il arrive à cette conclusion. J'avais prévu de démissionner aussi vite que possible après que nous nous soyons débarrassés de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom, et je pensais que tu en ferais autant. Ce n'est pas comme si tu comptais rester ici, si ? »

Severus tressaillit. « C'est là qu'est le problème. Tu n'as qu'un trimestre de préavis ; mais mois je dois prévenir un an à l'avance. Quoi qu'il arrive, je suis coincé ici pour les dix-huit mois qui viennent. »

« Bordel de merde. C'est affreux. »

« Oui, et ce n'est pas le pire. Je… euh, je me disais que tu voudrais continuer notre… hum hum… liaison après avoir quitté Poudlard ? » La question resta en l'air, attendant une réponse. Hermione réalisa qu'à sa manière, Severus cherchait à être rassuré.

« Bien sûr, » répondit-elle promptement.

« C'est là qu'arrivent les difficultés. Le personnel n'est pas autorisé à recevoir des invités pour la nuit. Une fois que tu auras quitté Poudlard, il nous sera presque impossible de nous voir. C'est sur ça que compte Albus pour te retenir ici. »

« Eh bien ce salaud pourrait avoir raison, » répondit-elle. Severus communiqua sa satisfaction de la voir d'accord avec lui de façon totalement non verbale, mais extrêmement satisfaisante, ce qui faillit la distraire de la question importante de Leur Avenir. « Hum, Lucius, » dit-elle, pour se retrouver repoussée par Severus si soudainement qu'elle se retrouva par terre.

« Qu'est-ce que tu viens de dire ? » tempêta t'il.

« Eh bien, ce que j'essayais de dire, même si je veux bien admettre que je me suis exprimée de façon malheureuse, » expliqua t'elle, « c'est que tout ce que nous avons à faire est d'avoir Quelques Mots avec Lucius, et de voir si, en tant que Gouverneur, nous pouvons le convaincre de modifier le règlement. Que ce soit sur ton préavis, ou sur la possibilité de recevoir des invités pour la nuit. »

« Et comment proposes-tu que nous fassions ? » demanda Severus, en aidant avec courtoisie Hermione à se relever, et à épousseter ses vêtements avec beaucoup de soin. Après tout, elle était tombée sur les fesses, alors elles risquaient d'être poussiéreuses.

« Je ne sais pas, » répondit-elle gaiement. « Je pensais qu'on pourrait le kidnapper, le tenir en joue, et voir ce que ça donne. A priori, il va choisir de se retrouver du côté des vainqueurs, si on lui en laisse la chance. »

« J'imagine que ça pourrait marcher. »

« Et si ça ne marche pas, nous pouvons toujours lui prendre une mèche de cheveux, l'Amnésier, et l'abandonner dans une ruelle sombre quelque part. »

« Ça ouvre des possibilités, » dit Severus, pensivement. « Ce sont les grandes lignes d'un plan, pour le moins, et nous pourrons fignoler les détails plus tard. Après tout, Lucius pourrait se rendre utile pour nous de plus d'une manière. »

Hermione ne fut qu'un peu déçue quand Severus commença à chercher un morceau de parchemin et une plume pour commencer à établir une liste, au lieu de revenir à leur précédente occupation. La Romance, c'était bien beau, mais la Domination du Monde devait passer en premier.


(1) C'est comme ça qu'on les appelle chez moi. Nul doute que chaque région/fac/famille a sa propre dénomination pour cette charmante coutume. benebu