Disclaimer : les personnages sont de JK Rowling, l'histoire de Shiv5468.
Note : Smudger n'ayant rien à faire dans le chapitre précédent, il a accepté un rôle dans Les enquêtes de l'Auror, de dekado, que je ne peux que vous recommander. Lien vers les fics de l'auteur dans mes favoris.
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Lucius Malefoy était un salaud soupçonneux.
Pour être tout à fait juste avec lui, il n'avait pas vraiment le choix en la matière. Il était membre du Premier Cercle, qui était presque entièrement composé de filous du genre à vous planter un couteau dans le dos, prêts à vendre leur grand-mère pour faire de la colle même si elle n'était pas encore morte. Le Deuxième Cercle, en fait, était encore pire. Leurs talents pour le poignardage dans le dos n'étaient peut-être pas tout à fait aussi au point, pour preuve, ils n'étaient pas encore membres du Premier Cercle, mais ils étaient bien plus enthousiastes, et être enthousiaste était la meilleure recette pour arriver à un désastre.
Par exemple, un membre du Premier Cercle qui apprendrait que Lucius avait fait une erreur choisirait probablement d'utiliser cette information pour le faire chanter, parce qu'évincer Lucius du jeu ouvrirait simplement la porte à un malade avide de pouvoir plus jeune et moins stable. Un membre du Deuxième Cercle, lui, se précipiterait vers Sa Seigneurie plus vite qu'un Hippogriffe qui charge, lui tirerait sur la manche comme un gamin de trois ans qui réclame des bonbecs, et cracherait le morceau dans l'espoir d'obtenir une promotion en reprenant la place du mort – par Doloris express, au minimum.
Non, on savait à quoi s'en tenir avec les vieux de la vieille, parce qu'à être franc, ce n'était pas comme s'il y avait des perspectives de promotion possible dans le Premier Cercle. Pettigrow avait le poste de Main Droite dans la poche, et si les rumeurs concernant ses obligations étaient justifiées, il pouvait se le garder, merci bien.
C'est pour ça que quand Severus lui avait envoyé une petite note polie lui demandant s'ils pouvaient se rencontrer, il avait accepté, se basant sur le fait que Severus était ce qu'il avait de plus proche d'un vieil ami, mais il avait insisté pour pouvoir prendre des précautions assez drastiques, puisque la raison pour laquelle ils étaient amis depuis si longtemps était qu'ils avaient rejoint les rangs à la même époque, quand ils étaient jeunes, pour poignarder les gens dans le dos ensemble. On ne pouvait bien sûr pas faire confiance à Severus ; ni à Lucius.
Lucius choisit l'endroit du rendez-vous – un cottage miteux au milieu de nulle part, qui dégoulinait positivement de barrières de protection pour repousser les passants, et qu'il s'imaginait, content de lui, être une place imprenable. Il ne fallut à Hermione que dix minutes pour démontrer le contraire, et cinq autres minutes pour réinstaller les mêmes barrières de façon à ce que tout ait l'air exactement comme ça devait être. Lucius Transplana dix minutes plus tôt que convenu, pour avoir le temps de vérifier les barrières, de s'assurer qu'il n'y avait personne de louche dans les environs, et pour pouvoir voir Severus approcher le long de l'allée qui menait à la porte d'entrée.
« Severus, à quoi est-ce que je dois le plaisir de ta compagnie ce soir ? » demanda Lucius sur le ton grandiloquent, comme s'il accueillait un invité au Manoir Malefoy, et pas dans une cabane fétide à laquelle on accordait le titre de cottage simplement parce qu'elle avait quatre murs et un toit.
« Lucius, » salua Severus. « Est-ce que tu ne crois pas que nous pourrions en parler à l'intérieur ? Les murs ont peut-être des oreilles, mais les buissons et les arbres aussi. »
« Tu n'as jamais beaucoup aimé la campagne, pas vrai ? » demanda Lucius, désarmant tranquillement les barrières, et tenant la porte à son invité avec politesse.
« Non, pas vraiment, » répondit Severus, en franchissant le seuil. « Et cet endroit ne fait rien pour modifier mon opinion. Pour l'amour du ciel, est-ce que tu n'aurais pas pu envoyer un elfe pour qu'il allume la cheminée à l'avance ? Je vais me geler les couilles à ce tarif-là. »
« Tu m'as précisé que tu voulais que ce rendez-vous se passe en privé, » expliqua Lucius. « Si un elfe en avait entendu parler, alors cinq minutes plus tard, Narcissa l'aurait su aussi, et ça aurait été la fin des haricots. Elle est tellement soupçonneuse. »
« Probablement parce que tu es si soupçonnable. »
« Oh, merci, » ironisa Lucius. « Remarque, je pense que tu as raison pour le feu. Nous ne voudrions pas risquer tes couilles maintenant que la rumeur dit que tu leur as enfin trouvé une utilité. » Il alluma la cheminée d'un sortilège, s'installa dans un fauteuil devant le feu, étendant ses longues jambes pour profiter de la chaleur. « J'ai entendu dire que tu t'étais dégoté une Sang-De-Bourbe. Elle est douée ? »
La dernière chose que vit Lucius fut le grand sourire de Severus quand il lui répondit, « Elle est indéniablement très douée pour les sortilèges. » Il entendit ensuite quelqu'un qui marmonnait 'Cochon de sexiste', suivi rapidement par 'Stupefix' derrière lui, et ce fut tout.
Hermione et Severus mirent à profit le temps pendant lequel Lucius resta inconscient. Première chose, il le séparèrent de sa canne, et vérifièrent qu'il n'avait pas de baguette supplémentaire. Ce n'était pas vraiment indispensable, vu qu'Hermione avait lancé plusieurs sorts particulièrement costauds pour le clouer à sa chaise – peut-être avec un peu plus de véhémence que strictement nécessaire – et qu'il ne pouvait plus remuer le petit doigt. Severus chipa une mèche des cheveux de Lucius, à l'arrière, où ça ne se remarquerait pas, plutôt que de tout couper comme le suggérait Hermione.
Lucius revint à lui pour trouver sa chaise tournée de travers vers la cheminée, et Hermione enfoncée dans un fauteuil en face de lui, la canne de Lucius ostensiblement posée en travers de ses genoux. Severus se tenait derrière elle, avec ce que Lucius jugea pour lui même un sourire ironique du plus mauvais effet.
Ce n'est pas facile d'être suffisant et suave quand on est ligoté sur une chaise, mais Lucius fit quand même de son mieux. « Mon cher Severus, est-ce que tout ça était vraiment nécessaire entre deux si vieux amis que nous ? »
« C'est précisément parce que nous sommes de vieux amis que je considère que c'est tout à fait indispensable. »
Ils échangèrent des sourires carnivores quasiment identiques.
« C'est tellement peu civilisé de ta part, Severus. Tu as entièrement raison, je te l'accorde, mais ce n'est pas pour autant que c'en est un comportement civilisé. Mes robes sont positivement froissées. »
« Bien, » dit Hermione, les interrompant, « quand vous aurez terminé de flirter, messieurs, nous pourrions peut-être discuter de l'affaire qui nous occupe. »
Les deux hommes lui lancèrent des regards contrariés. C'était le genre de réparties qu'ils préparaient une vie durant. Elle n'aurait pas été étonnée d'apprendre qu'ils gardaient de petits carnets à côté de leurs lits, pour pouvoir noter une réplique particulièrement bonne qui leur serait venue aux petites heures du matin. Severus utilisait probablement ses cours de Potions comme un entraînement au sarcasme, jugeant si une insulte valait le coup d'être répétée selon la quantité de larmes qu'elle provoquait chez le pré-adolescent de base.
« C'est peut-être une petite coquine, Severus, mais elle est toujours un peu gauche. Je suis sûr que tu pourras y remédier avec un peu d'entraînement. »
Severus prit une brève inspiration. « Hermione, chérie, souviens-toi que nous avons besoin de lui vivant. »
« Mais pas nécessairement en un seul morceau, » répondit-elle, en s'essayant à son tour au sourire ironique.
Si Lucius avait été libre de ses mouvements, il aurait regardé ses ongles pour clairement démontrer son ennui. Il se contenta de lever un sourcil. « Les menaces, c'est tellement vulgaire. »
Le sourire d'Hermione se refroidit vers quelque chose de plus mauvais. « Ce n'est pas une menace, c'est une promesse. »
« Bien, » dit distraitement Lucius, « de quoi est-ce que vous vouliez discuter ? » Des années de pratique empêchèrent sa voix de le trahir, mais il ne s'était pas trouvé dans une situation plus difficile pour ses nerfs depuis ses vingt ans. Le Malheureux Incident, avec le Serpent du Cap, la Poufsouffle, et les Photos Animées. Ce problème avait alors été résolu par l'emploi de poison à un moment où il avait un alibi. Mais comme Severus avait été son fournisseur pour ledit poison, il doutait de pouvoir utiliser de moyen pour se sortir de cette situation délicate.
De son point de vue tout à fait partial, Severus avait l'air d'un homme complètement amouraché ; il lui faudrait des années avant de retrouver son véritable potentiel Serpentard. L'amour semblait totalement incompatible avec un désir de dominer le monde, et de mettre des bâtons dans les roues de ses camarades de complot. C'était à en pleurer. Cependant, Lucius se dit qu'il n'aurait pas autant de compétition dans le futur, et que tout n'était si pas noir dans cette affaire.
Severus sortit une fiole de sa poche. « Du Véritasérum, » expliqua t'il. « Etant données les circonstances, je pense que nous nous sentirons mieux si cette conversation était honnête et sans réserve. »
« Et puis je ne croirais pas un mot de ce que vous allez dire autrement, » affirma Hermione avec conviction. « Votre conversation est fallacieuse dans les meilleurs moments, et nous sommes loin d'être en ces meilleurs moments. »
« Vraiment, merci Miss Granger. Je suis flatté par votre panégyrique. »
« Je n'en doute pas. »
Severus avança jusqu'à Lucius, s'assurant de ne pas bloquer la ligne de visée d'Hermione. « Ouvre le bec, » dit-il, levant la fiole jusqu'aux lèvres de Lucius. « Ne m'oblige pas à te pincer le nez, ça manque de dignité. »
Lucius se soumit avec mauvaise grâce, et avala la potion. Severus en fit autant, et passa la fiole à Hermione, qui but une bonne gorgée.
Il y eut un moment de silence, les deux parties attendant que la potion fasse effet.
« Bien, je vous repose la question : de quoi vouliez-vous discuter ? » demanda Lucius.
« Je veux pouvoir continuer à sortir avec Hermione, rendre la monnaie de sa pièce à Albus, mettre fin au règne de Sa Seigneurie, et Dominer le Monde, » dit Severus, contrôlant sa réponse au prix de sérieux efforts. On ne pouvait pas mentir sous Véritasérum, mais on pouvait toujours essayer de présenter ce qu'on avait à dire sous le jour le plus avantageux.
« Dans cet ordre ? » demanda malicieusement Lucius.
« Oui, » siffla Severus, à la grande satisfaction d'Hermione, et à la surprise de Lucius. Il s'était attendu à ce que la Domination du Monde figure un peu plus haut sur la liste. Il soupira. Severus était vraiment une cause perdue, et il n'aurait plus qu'à se trouver un nouveau sparring partner. Il s'accorda un moment pour se réjouir d'avoir une femme telle que Narcissa. Il n'y avait rien de tel que d'être marié à une chieuse pour faire comprendre à un homme les bénéfices des sorties le vendredi soir, à essayer de conquérir le monde magique.
« Alors, Lucius, est-ce que vous aimeriez être du côté des vainqueurs ? » demanda Hermione.
« Evidemment, » répondit-il tranquillement. « Cependant, vous ne m'avez toujours rien dit qui serait en mesure de me convaincre que le camp des gagnants est le vôtre. Comment est-ce que vous avez l'intention de vous débarrasser de Sa Seigneurie ? »
« Une prophétie, un crétin, et du Polynectar, » répondit Severus en s'asseyant sur le bras du fauteuil.
« Potter ? » proposa Lucius.
« C'est un crétin, » confirma Severus.
Hermione lui donna un bon coup de coude. « Hé, c'est mon ami. »
« Est-ce que tu prétend qu'il n'est pas un crétin ? » demanda Severus.
« Bien sûr que c'est un crétin, » répondit-elle. « Espèce d'imbécile. Je »– la négation refusa de sortir de sa bouche – « te pardonnerai pour ça. »
« Quand vous aurez terminé de flirter, les tourtereaux, nous pourrons peut-être revenir au sujet qui nous intéresse ? » interrompit Lucius d'un ton supérieur.
Hermione fusilla du regard ce trouble-fête. « Est-ce que vous avez l'intention de nous aider à vaincre Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom ? »
« Non, » répondit simplement Lucius.
« Pourquoi ça ? » demanda Severus. « Ça fait des années et des années que tu te plains de lui. »
« Je n'ai pas l'intention de risquer ma vie et mes soirées de liberté du vendredi pour aider une grande idée libérale qui ne tient pas la route. »
Hermione et Severus échangèrent un long regard. « Et si, » dit-elle en se penchant en avant, « le plan ne comportait pas le moindre risque pour vous, mais demandait simplement que vous soyez à un endroit complètement différent ? Tout ce qu'il nous faut c'est une mèche de vos cheveux pour nous permettre de passer la porte, et c'est tout. »
« C'est mieux, j'imagine, » répondit Lucius. « Et il est en train de me ruiner, entre les pots-de-vin et les amendes que j'ai à payer. Vous ne me croiriez jamais si je vous disais combien j'ai dû payer la dernière fois pour pouvoir sortir d'Azkaban. Entre ça, et ce que Narcissa dépense en chaussures tous les mois, je ne suis plus très loin de la banqueroute. Mais et pour mes vendredis ? »
Hermione réfléchit un moment. « D'accord, que dites-vous de celle-là : vous expliquez à Narcissa que c'est vous qui avez comploté pour vous débarrasser de Sa Seigneurie, afin de pouvoir devenir le nouveau Seigneur des Ténèbres. Il est évident que tout le monde va se tourner vers vous pour reprendre la cause en main après sa mort, vous n'aurez pas le moindre mal à la convaincre. Vous aurez toujours vos réunions du vendredi soir, évidemment, pour rassembler vos troupes et tout, ce qui vous laissera libre de tromper votre femme autant que le cœur vous en dit. »
Lucius réfléchit. De légères rides de concentration se formèrent sur son front, altérant la perfection de son apparence.
« Et si ça tourne mal, » ajouta Hermione, « il ne vous arrivera rien du tout. Puisque pour ce qu'en saura Sa Seigneurie, vous étiez ailleurs quand l'attaque a eu lieu, et vous ne pouvez aucunement en être responsable. Tant que vous n'êtes pas trop rouillé rayon Occlumencie, tout ira bien. »
Lucius aimait encore mieux cette façon de voir les choses. Un plan qui n'avait que des avantages et pas d'inconvénient, pour lui en tous cas, c'était le genre de plan qu'il aimait. « Si vous n'avez pas du tout besoin de moi, à part pour me prendre des cheveux, qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? J'imagine que vous vous êtes déjà servis. J'espère que vous avez été discrets, sinon Maurice sera dans tous ses états, » dit-il.
« Maurice ? » murmura Hermione.
« Son coiffeur, » expliqua Severus à voix basse. « En échange de la chance de ne pas te faire arrêter avec le reste du Premier Cercle, tout ce que tu as à faire c'est de convaincre l'Assemblée des Gouverneurs de Poudlard d'accepter quelques changements mineurs à mon contrat de travail. »
« Je ne suis pas sûr de ne pas préférer tenter ma chance avec le Ministère, » répondit Lucius. « Ce serait peut-être moins cher que d'essayer de corrompre les Gouverneurs. »
« Oui, enfin, si tu restes en vie jusque là. Est-ce que je dois te rappeler que la mort est bien plus probable, quand on pense à la capacité de Potter à provoquer les accidents : un mouvement de baguette malheureux, et il sera trop tard pour que tu puisses acheter qui que ce soit. »
« Ron en particulier vous en veut toujours pour ce que vous avez fait à Ginny, » intervint Hermione. « Et il est tellement émotif. Qui sait ce qui pourrait se passer dans le brouhaha ? »
Lucius observa que les menaces de Miss Granger s'amélioraient avec la pratique, et il avait horreur d'imaginer à quoi elles ressembleraient dans encore plus de temps. « Très bien, je m'arrangerai pour que tu puisses quitter Poudlard après un préavis court, en échange d'un conseil amical sur les dates auxquelles ma présence auprès de Sa Seigneurie est moins que désirable. Est-ce que ça vous convient ? »
« C'est acceptable, » convint Severus. « Et je suis sûr que je n'ai pas besoin de te rappeler combien les Gryffondors sont impulsifs, et leur tendance à lancer des sorts d'abord et à poser des questions ensuite. S'il y a le moindre soupçon que tu aies l'intention de revenir sur ta parole, en vérité, je ne crois pas que je serai capable de les empêcher de faire une bêtise. »
« Est-ce que ces menaces sont vraiment nécessaires, mon ami ? »
« Bien sûr qu'elles le sont, Lucius. Je crois que les moldus parlent d'une histoire de carotte et de bâton. Tu devrais te réjouir qu'on ait pensé à la carotte, c'est plus que ce que j'ai jamais eu, » dit Severus avec une certaine amertume.
Lucius eut un rictus ironique, « On pourrait croire que de travailler pour deux maîtres apporterait le double de récompenses, mais apparemment ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. Et maintenant l'Elfe de Maison veut être libre ? »
« Oh Dieu oui ! » répondit Severus avec ferveur. « Autrement, je vais devoir tuer Albus, et il faudra que tu m'aides à cacher le corps. »
« Moi pareil, » ajouta Hermione.
« Euh, le Véritasérum s'est dissipé, non ? » demanda Lucius, assez nerveusement.
« Voyons, quel était ton surnom quand tu étais enfant ? » demanda Severus.
Un air de profond soulagement se lut sur le visage de Lucius quand il se rendit compte qu'il ne se sentait pas obligé de dire la vérité. « Merlin merci. »
« Remarque, » affirma Severus, « je suis tout ce qu'il y a de plus sérieux quand je parle de zigouiller Albus. »
« Tout à fait, » approuva Hermione.
Tous les trois se séparèrent en terme amicaux. Ce qui veut dire qu'Hermione lança un sortilège de dénouement à rebours sur le charme ficelant Lucius à sa chaise pour leur donner le temps de Transplaner au loin en toute sécurité avant qu'il ne puisse mettre la main sur sa baguette.
Lucius tint parole. Un hibou porteur d'un message soigneusement alambiqué trouva Severus, indiquant que la réunion des Gouverneurs s'était bien passée, et que le futur s'annonçait bien pour les Elfes de Maison.
Ce qui s'était effectivement passé à la réunion des Gouverneurs, ce fut Minerva qui le leur raconta le lendemain. Albus n'était pas là au petit-déjeuner, il était toujours dans ses quartiers, en train de bouder à cause de l'embuscade qu'on lui avait tendue.
« Apparemment, les Gouverneurs ont commencé à discuter de discipline, et du besoin de pouvoir renvoyer rapidement les professeurs qui posaient des problèmes, » annonça Minerva à la cantonade dans la Salle des Professeurs. Elle avait un large public, Severus n'était pas le seul à être coincé dans un contrat à long terme. « Malefoy a dépeint une image horrible de professeurs qu'on suspendait en continuant de leur payer un plein salaire jusqu'à la fin de leur contrat, parce qu'on ne pouvait pas les renvoyer même s'ils commettaient les pires infractions. »
« Je ne vois pas en quoi est-ce que ça nous aide, » dit Hermione. « Ça ne fait que de rendre les choses plus faciles à Albus s'il veut tous nous saquer sans crier gare. »
« Ce n'était que le commencement. Une fois qu'il est parvenu à les décider à modifier les contrats afin qu'on puisse renvoyer sans délai un professeur qui aurait débauché ses élèves, ou qui se serait rendu coupable de vol, ou toute autre forme de Conduite Répréhensible, il est passé à quelque chose qu'il a appelé 'Paiement Ajusté à la Performance'. »
Hermione marmonna à Severus, « je parie que c'est sa pépée Sang-de-Bourbe qui lui a soufflé cette idée. Je reconnais le vocabulaire moldu. »
« Dieu merci, » répondit-il lui aussi entre ses dents. « Je pensais que c'était une forme obscure de Magie Noire. J'ai eu des visions de teneur absolument perverse quand elle a prononcé le mot de Performance. »
Minerva fusilla Hermione du regard quand celle-ci éclata de rire, lui donnant l'impression de redevenir une élève. « Si vous avez fini ? » Hermione murmura une excuse et se tut, comme on le lui demandait. « Ce dont nous avons besoin, a t'il dit, dans un Monde Magique Moderne, ce sont des contrats flexibles qui permettront aux professeurs d'être rémunérés en fonction de leurs résultats, et ces résultats devront être mesurés chaque trimestre. »
Les autres professeurs semblèrent horrifiés. Un salaire correspondant aux résultats ? Ca ne pouvait quand même pas signifier qu'ils auraient à apporter la preuve de leur utilité ? Trelawney en particulier semblait au trente-sixième dessous. « Mais il est impossible de mesurer les talents et les facultés que nous apportons à nos postes. Comment mettre un prix sur la connaissance ? »
« Les Gouverneurs le peuvent, apparemment, » affirma Minerva. « A hauteur de dix Gallions par semaine, logé, nourri, et trois robes par an. Mais je n'ai pas d'inquiétude. J'ai jeté un œil aux contrats. Tout ce que nous avons à faire, c'est d'être meilleurs que Beauxbâtons, et franchement, ça fait des années qu'on les écrase à plate couture, alors ce ne sera pas franchement un exploit. Notre salaire de base ne court pas le moindre danger, et pour la première fois, nous allons être payés pour surveiller les sorties à Pré Au Lard, ou pour toute autre activité extra-scolaire. En fait, nous pourrions très bien être à la veille de la première hausse de salaire que certains d'entre nous aient connu depuis des années. »
Bibine donna un coup de coude à Trelawney en ricanant un peu. « Des activités extra-scolaires, hein ? » Minerva lui adressa un regard noir.
Le reste du personnel murmurait pour eux-même ; c'étaient de bonnes nouvelles. L'un des pires contentieux entre eux et Dumbledore – ou l'Autre Empaffé, comme ils l'appelaient affectueusement – était le fait qu'il attendait d'eux qu'ils fassent des heures supplémentaires pour ce qu'il appelait l'amour de la profession, au lieu de les faire pour l'amour des espèces sonnantes et trébuchantes.
« Mais la meilleure nouvelle dans tout ça, c'est que comme ces contrats sont trimestriels, nous n'avons qu'un trimestre de préavis à donner. Alors la prochaine fois que l'Autre Empaffé vous tape sur les nerfs, vous pouvez lui dire de se coller son boulot là où le soleil ne brille jamais (1), et vous n'aurez pas à passer toute l'année prochaine à l'écouter se plaindre. »
Trelawney prit sa tasse de thé à la main et se leva dans un mouvement majestueux. « Je voudrais vous proposer un toast. Mesdames et Messieurs, à Lucius Malefoy. Un salaud obséquieux, meurtrier et raciste, mais un salaud qui a réussi à poignarder Albus dans le dos, et qui ne me pose donc pas le moindre problème. »
Comme un seul homme, tous les professeurs se levèrent – Hermione et Severus compris – et portèrent un toast à Lucius Malefoy avec du thé tiède ou du café faiblard.
Severus prit mentalement note de parler à Lucius de son soudain regain de popularité ; il en serait probablement immensément amusé. Ensuite, il se demanderait comment en tirer avantage, mais risquait fort d'être déçu parce que de ce côté là il n'aurait rien à attendre. Severus entendait bien faire savoir qu'il avait joué un rôle clé dans l'obtention de l'attention de Lucius sur leurs contrats pendant que durerait la vague de gratitude. Après tout, il avait toujours un trimestre à tenir dans cette prison, et il aurait besoin de toute l'aide possible.
Leur sentiment d'euphorie pour avoir arrangé les choses à leur convenance dura très précisément trois jours, quatre heures, et dix minutes.
Harry, à en croire le hibou urgent qu'il venait de leur envoyer, avait Réfléchi.
Hermione se dit qu'il devait s'agir d'une erreur, mais sa loyauté envers son ami l'empêcha de le dire à voix haute. Elle n'aurait pas dû s'en faire ; Severus en eut bien plus qu'assez à dire sur le sujet quand elle lui fit lire la lettre.
« De toutes les choses imbéciles, idiotes, crétines, stupides qu'il aurait pu faire ! » enrageait-il. « On est là, à s'agiter pour essayer de renverser Sa Seigneurie, en tentant désespérément de garder le secret, et lui qu'est-ce qu'il fait ? Il va bavasser. Il en parle à Neville Londubat, rien que ça. J'abandonne. C'est décidé, je laisse tomber. »
Il s'effondra dans un fauteuil, la tête dans les mains, affichant toutes les caractéristiques de l'Homme Brisé.
« Allons, allons, » dit Hermione.
« Et je ne veux pas qu'on me cajole, » grommela t'il.
« Je ne te cajole pas, » répliqua t'elle. « J'exprime ma compassion et ma solidarité avec toi en temps de besoin. Mais si tu compte adopter ce ton avec moi, tu peux toujours courir. »
Severus l'ignora, pour continuer à se plaindre amèrement de la stupidité de Potter. « Mais à quoi diable est-ce qu'il a bien pu penser ? Qu'est-ce qu'il croit que Londubat va bien pouvoir faire, pour l'amour du ciel ? Ce n'est pas comme si nous organisions une mission secrète pour faire exploser le chaudron de Sa Seigneurie, et c'est bien la seule chose pour laquelle il possède une réelle qualification. »
« Je pense que Harry s'inquiète que la Prophétie parle de Neville et non pas de lui. »
« Alors il s'est dit qu'on n'avait qu'à emmener Londubat, au cas où ? » Severus ricana. « Quel idiot. »
« Eh bien, c'est toujours mieux que de devoir y retourner la semaine prochaine si on se rend compte que tout compte fait Harry n'est pas l'Instrument de la Prophétie, » raisonna Hermione. « Je sais bien que nous avons suffisamment des cheveux de Lucius pour faire plusieurs tentatives, mais je pense que Sa Seigneurie finirait par se rendre compte de quelque chose, aussi bon que puisse être Smudger. »
« J'imagine, » marmonna Severus. « Et ça veut dire que Potter ne recevra pas tout le crédit, pas vrai ? »
« Là, je retrouve mon Severus, » dit affectueusement Hermione en l'embrassant sur le front. « Tu trouves toujours le bon côté des choses. »
Severus fronça le nez. « Arrange-toi seulement pour que Londubat ne traîne pas dans mes pattes, c'est tout ce que je demande. »
« Quelque part, je me dis que ça ne va pas poser de problème, chéri. »
En effet.
Ils organisèrent une autre réunion au cottage de Minerva. Cette fois, Harry, Ron, et Ce Crétin de Londubat – comme on l'appelait maintenant – furent invités eux aussi.
Severus avait été contre cette réunion, demandant pourquoi diable Potter « ne pouvait pas faire ce qu'on lui disait rien qu'une fois dans sa vie, au lieu de demander des explications et de foutre le bordel dans un plan bien huilé juste pour pouvoir avoir l'air important. »
« Ecoute, » dit Hermione en serrant les dents. « Nous ne pouvons pas lui demander de faire ce qu'on lui dit sans poser de questions quand les ordres viennent de nous, et de faire le contraire quand ils viennent du Ministère, de Shacklebolt, ou d'Albus ; ça ne ferait que le perturber. »
Severus se mit à grommeler dans sa barbe, ce qu'Hermione choisit de prendre pour un assentiment, parce que l'alternative était de passer au stade suivant de leur relation et d'avoir une Dispute Orageuse. La Réconciliation serait sans aucun doute spectaculaire, mais ce serait également une distraction dont ils pouvaient se passer en ce moment. Le Code Tacite des enseignants – quoi qu'il arrive, on présente un front uni devant les enfants – s'appliquait dans ces circonstances, et les chamailleries devraient attendre un moment où elle aurait le luxe de pouvoir Bouder.
Minerva était partie devant pour ouvrir le cottage et le préparer à recevoir des visiteurs. Ses barrières de protection étaient sacrément plus compliquées que celles de Malefoy, et ils ne tenaient pas à avoir à recoller l'Instrument de la Prophétie ou l'un de ses amis avant de pouvoir commencer.
Hermione était un peu nerveuse. C'était la première fois qu'elle allait revoir les garçons depuis qu'elle leur avait dit pour elle et Severus, et ils avaient dû depuis dessaouler et prendre le temps d'y penser. Les choses risquaient d'être un peu bizarres pendant un moment.
Ils Transplanèrent, et trouvèrent Harry, Ron et Neville en grande conversation. Ils s'éloignèrent les uns des autres, l'air coupable, et Hermione n'eut pas de mal à imaginer de quoi ils avaient discuté, une opinion confirmée par les regards curieux que Neville n'arrêtait pas de lui lancer quand il aurait mieux fait de se concentrer sur le plan.
Neville n'était pas distrait au point de ne pas s'assurer qu'Hermione était assise entre lui et Severus, et que c'était lui qui était le plus près de la porte au cas où il serait dans l'obligation de fuir. Ce qui était vraiment idiot. Il était extrêmement improbable que Severus lance un mauvais sort à Neville – elle ne serait pas allée jusqu'à dire impossible – mais s'il le faisait, il faudrait bien plus qu'une longueur d'avance pour s'en sortir sans dommage.
« Bien, » dit Harry, tentant de prendre la direction de la réunion. « Puisque tout le monde est là, je pense que nous pouvons commencer. »
« J'ai bien peur, Potter, que comme toujours vous n'ayez conclu beaucoup trop vite. » Severus réussit à mettre dans cette simple constatation beaucoup de sous-entendus, et Harry rougit jusqu'aux oreilles. « Une autre personne doit encore arriver ; celle qui a le rôle le plus vital de tout notre plan. »
Harry rougit à nouveau, mais cette fois-ci ce n'était pas d'embarras.
« Sa-lut, » lança gaiement Smudger depuis la porte. « Je sais que vous parliez de moi, j'ai les oreilles qui sifflent. »
« Monsieur Sm-Smith, » le salua Minerva, se souvenant juste à temps du nom qu'Hermione avait donné aux garçons. « C'est gentil à vous d'être venu dans des délais si courts. »
Smudger fit un signe de tête à Hermione et Severus, puis marcha droit sur Neville et dit, « Monsieur Potter, je présume ? J'ai beaucoup entendu parler de toi. »
« Euh, euh, je ne suis pas Harry, » expliqua Neville, serrant toujours la main qui lui avait été tendue. « Je suis Neville Londubat. »
« Oh, je suis désolé, » dit Smudger, conservant son ton rieur et détaché. « J'ai simplement pensé que tu étais un gars qui portait la marque du destin. Alors naturellement, je me suis dit que tu étais Harry Potter. »
« Gloups, vraiment ? » balbutia Neville, se redressant un peu sur sa chaise.
« Absolument. Attends, t'es pas en train de te payer ma tronche, et de seulement prétendre que t'es pas Harry Potter ? » Il fit un clin d'œil à Neville. « Un de ces trucs d'initiés. »
« Je crois comprendre pourquoi tu fais cette erreur, Sm-Smith, » dit Severus sur son ton le plus neutre. « Ils ont des apparences très similaires, mais c'est à cause de leur air général de bravoure Gryffondor. Ils ont tous tellement envie de devenir des héros. »
Severus et Smudger échangèrent un regard supérieur, pendant que Harry et Ron les fusillaient du regard. Minerva avait l'habitude de Severus et de ses piques, et ne cilla même pas. Hermione avait décidé qu'elle allait demander l'asile politique à Serpentard, parce que de toute façon elle préférait le vert au rouge, le sexe était mieux, et elle n'avait pas la moindre intention de devenir une héroïne. Neville, innocent qu'il était, pensait qu'on venait de lui faire un compliment, et bombait le torse.
« Dans ce cas, c'est à nous autres Serpentards de les garder en vie avec nos ruses et notre fourberie, pas vrai ? » plaisanta Smudger.
« Putain de merde, c'est sacrément bien dit, » dit Minerva, choquant les garçons par cet écart de langage. « Je ne veux pas que qui que ce soit aille se faire tuer. Ce qui signifie que vous trois, vous allez faire ce qu'on vous dit de faire. » Elle regarda Harry, Ron et Neville avec sévérité. « Et vous deux, arrêtez un peu de les taquiner. »
« Oui, Madame, » répondirent les garçons en cœur, uni dans leur impression d'être revenus dans une salle de classe.
Il y eut un instant de confusion quand Harry faillit lever la main pour poser une question. « Bon, alors, qui est Monsieur Smith, et qu'est-ce qu'il a à voir avec le plan ? »
Smudger s'assit, et étendit les jambes. « C'est une très bonne question, mon gars ; je suis ravi de voir que tu as la tête solidement vissée sur les épaules. »
Harry se rengorgea un peu. Hermione réalisa que Smudger, en tant que second de Severus depuis des années, avait depuis longtemps compris comment diriger une troupe avec simplement de petites tapes ça et là. Smudger était un Serpentard jusqu'à la moelle, et s'il semblait toujours gai et amical, il était à sa façon tout aussi retors que Malefoy.
Elle se demanda qui avait eu l'idée de renverser Sa Seigneurie, finalement.
Smudger lui fit un clin d'œil, et elle eut l'impression que Severus n'était pas le seul à faire un peu de Légilimencie en douce.
« Moi, mon gars, je suis celui qui vous permettra de passer devant les gardes de Sa Seigneurie, » répondit Smudger. « Et c'est tout. Ce que vous ferez une fois que vous serez entrés, ça ne me regarde pas. »
« Alors vous allez simplement vous pointer, et dire aux gardes d'aller faire un tour ailleurs, » demanda Ron, incrédule.
« C'est bien ça. Je ne veux pas vous en dire trop, mais c'est l'idée générale. Tout ce que je peux dire, c'est que je n'aurai peut-être pas la même tête le soir en question, d'accord ? » Smudger parvint à afficher un air de sincérité et de sagesse quasi-Dumbledorien.
Harry et Ron échangèrent un regard. « Ecoute, je ne te connais ni d'Eve ni d'Adam, » dit Harry. « Et pourtant tu t'attends à ce qu'on te fasse confiance sans poser de questions, comme par exemple qui tu es et comment tu comptes t'y prendre. Ça ne me plaît pas. Toute cette affaire ne me plaît vraiment, vraiment pas. »
« Harry, » intervint Hermione. « Je connais le plan, et je peux t'assurer que c'est quasiment du tout cuit. Nous avons les plans du Manoir de Sa Seigneurie, nous savons que la plupart des Mangemorts ne seront pas là, et nous savons comment entrer malgré les gardes. Nous ne pouvons pas te donner plus de détails avant la nuit de l'attaque, parce que sa vie n'est pas la seule à être en jeu, quelqu'un d'autre est impliqué. » Sans parler du fait que – en n'évoquant même pas l'idée que – si Harry savait que Malefoy était impliqué, il piquerait encore sa crise. « On ne te demande pas de faire confiance à Monsieur Smith, pas du tout. Nous te demandons de me faire confiance, à moi. Parce que si Monsieur Smith nous fait un coup fourré, il sait très bien que je le retrouverai et que je l'écorcherai vif. Très, très doucement. »
« Tu sais que tu es vraiment un petit veinard, » affirma Smudger à Severus sur le ton de la conversation. « Je veux dire, bon, d'accord, c'est une Gryffondor et tout, alors ses menaces sont peut-être un peu directes, mais elle a vraiment un talent prometteur. On a vraiment l'impression qu'elle pensait ce qu'elle disait. »
« Elle le pensait, » dit Severus, pince-sans-rire. « Et si ce n'était pas le cas, tu sais que moi, je m'en chargerais. »
« Bien sûr, mon pote. Je n'ai jamais pensé qu'on puisse faire autrement. » Smudger tourna un regard plein d'espoir vers Hermione. « Tu n'aurais pas des fois une grande sœur ? Juste quelques années plus vieille que toi, que tu pourrais me présenter ? »
« Je suis désolée, mais non, » répondit Hermione.
« Dieu merci, » soupira Severus. « Jamais je n'aurais pu enseigner à deux personnes comme toi. » Il reçut immédiatement un coup de coude, au grand amusement de Smudger.
Le sourire disparut soudain de son visage quand Harry demanda, « Alors tu dis que Monsieur Smith est digne de confiance ? »
« Hé, » s'indigna Smudger, « tu retires ça tout de suite ! »
« Non, Harry, » répondit Hermione. « Je te dis que Monsieur Smith est un Serpentard, dont les intérêts dans cette affaire se trouvent coïncider avec les nôtres, et sur qui l'on peut compter pour faire entrer dans l'antre de Sa Seigneurie. Il n'est pas le moins du monde digne de confiance. »
« Oh, je vois, » dit Harry, qui clairement ne voyait rien du tout.
« Bien, » dit Minerva, en employant la même tactique que dans les réunions des professeurs – si vous n'avez pas obtenu le soutien de vos collègues, prétendez que vous l'avez et passez rapidement à la suite, parce que de toute façon à la fin de la réunion ils ne s'en souviendront pas – « nous allons avancer, d'accord ? Qu'allons-nous faire une fois que nous serons à l'intérieur du périmètre ? Je crois que c'est le mot qu'on emploie dans le langage militaire ? »
Harry et Ron hochèrent la tête. Ils savaient que périmètre était le mot qu'il convenait d'employer ; ils étaient des Aurors hautement qualifiés.
« Et si, » lança Severus sur le ton de quelqu'un pris d'une inspiration soudaine, « j'escortais Monsieur Potter et Monsieur Weasley devant Sa Seigneurie en prétendant que je les ai faits prisonniers ? »
« Oh, vous aimeriez ça, pas vrai ? » ironisa Harry.
Hermione n'aurait pas été surprise de découvrir que Severus rêvait de tenir Harry et Ron sous la menace de sa baguette, mais elle espérait que son rêve n'allait pas jusqu'à penser à les livrer à Sa Seigneurie. C'était probablement pour ça que l'idée – et c'était une bonne idée – lui était venue à l'esprit si facilement.
« Si vous aviez mieux à proposer, » dit Smudger. « Pour ma part en tous cas, je serais ravi de vous écouter. Après tout, si vous trouvez une idée plus sûre, moi je suis pour. »
Harry marmonna quelque chose entre ses dents, mais personne ne lui demanda de répéter.
« Neville et Minerva pourront rester à l'extérieur pour s'assurer que personne ne se glisse à l'intérieur dans notre dos, » continua Smudger une fois qu'il fut clair que Harry n'avait pas l'intention d'ajouter quoi que ce soit d'utile. « Et ils pourront entrer pour prendre part à la fête une fois que ça aura commencé. A ce moment, nous aurons besoin de toute l'aide dont nous pourrons disposer. »
« Euh, et moi ? » demanda Hermione. « Où est-ce que je serai ? »
« Je ne t'emmène pas là-bas, » dit Severus, horrifié. « Tu pourrais être blessée. »
« Tout comme toi, » dit Hermione. « Pourtant, tu ne m'entends pas dire que tu ne peux pas y aller. »
« Oui, mais tu es une Gryffondor, » dit-il. « Tu vas faire quelque chose de stupide, te précipiter ou être courageuse et te faire tuer. »
« Severus, ces derniers temps j'ai traîné en mauvaise compagnie, alors tu peux me faire confiance pour trouver quelque chose – ou quelqu'un – derrière quoi me cacher quand les sorts commenceront à voler. Je ne précipiterai pas à découvert en pensant que mon bon cœur et mes nobles intentions me protègent, et je peux te certifier que je n'ai pas le moindre problème de conscience à l'idée de jeter un sort à quelqu'un pendant qu'il a le dos tourné. De toute façon, j'y vais, alors tu ferais mieux de te faire à l'idée. »
Severus, la regarda en clignant des yeux, surpris par tant de véhémence, avant de se résoudre à l'inévitable. « Si tu me promets d'être raisonnable. »
« Promis, » dit-elle d'un ton pincé.
« J'imagine que je n'ai pas le choix, à moins de te Stupéfier, » concéda t'il. « D'accord, alors j'escorte Ron et Harry jusqu'à Sa Seigneurie en les tenant en joue, et Hermione me suit en renfort. »
« Elle peut toujours porter des robes de Mangemort, » proposa Smudger. « Elle se ferait passer pour un adepte. Ce serait plus sûr de cette façon. »
Severus acquiesça. « Dans ce cas, tout ce que tu auras à faire, ce sera de retirer ton masque au moment critique. Je ne veux pas que tu te fasses toucher par quelqu'un de notre camp par accident. Certains de tes amis pourraient avoir la gâchette facile dans toute cette excitation. »
« Hé ! » protesta Ron. « Nous sommes des professionnels extrêmement entraînés, je vous ferais savoir. »
« C'est bien ce qui m'inquiète, » répliqua Severus. « Le Premier Cercle est composé de tueurs aguerris. »
« Contre qui allons-nous nous battre ? » demanda Harry.
« Lucius sera occupé ailleurs, » répondit Smudger. « Si nous faisons ça dans la prochaine quinzaine, Avery est en vacances. Ce qui nous laisse les Lestrange, Nott, McNair, Crabbe et Goyle, et peut-être une paire d'autres qui traîneront là. Et Pettigrow, bien sûr, mais si on lui en laisse l'occasion il se taillera. »
« Bellatrix Lestrange est pour moi, » annonça Neville fiévreusement.
« Non, mon grand, » le reprit Smudger. « Tu la laisses. Elle te mangerait tout cru. Nous allons la laisser à Severus. »
« C'est personnel, » insista Neville.
« Raison de plus pour la laisser à Severus, » expliqua patiemment Smudger. « Ecoute, mon gars, Bellatrix fait ressembler Malefoy à un Poufsouffle. Elle est vicieuse, elle est fêlée, et elle est sacrément douée une baguette à la main. Severus ici présent a des années d'expérience face à des gens de ce calibre, toi pas. Tout ce que tu as, c'est ta haine, et cette haine ne te mènera qu'à faire des erreurs, et te faire tuer, probablement avec quelques uns de tes amis. Et le résultat final sera qu'elle s'en tire. Est-ce que c'est ce que tu veux ? »
Neville secoua la tête, rebelle. « Non, » marmonna t'il.
« Si c'est important à ce point pour toi, il y aura forcément quelques minutes entre le moment où nous aurons fini et celui où nous appellerons les Aurors, et tu pourras l'emmener dans un coin tranquille et lui lancer sort sur sort jusqu'à ce que le sang lui sorte par les oreilles, » affirma Smudger. « Tu ne peux pas dire que ce n'est pas régulier. »
« Je ne pourrais pas faire ça, » protesta Neville, choqué et révolté. « Je veux simplement qu'elle se retrouve derrière des barreaux, et pour de bon cette fois-ci. »
Smudger haussa les épaules. « Alors dans ce cas, ce n'est pas réellement personnel, pas vrai ? Si c'est tout ce que tu veux, que ce soit Severus ou toi qui la combatte, ça n'a aucune importance, tant qu'on s'occupe de son cas. »
Neville soupira. « Je suppose, oui. »
« C'est bien, » dit Minerva.
« Bien, » reprit Harry. « Alors nous entrons. Le professeur Snape s'occupe de Bellatrix. Hermione, et Ron, s'occupent de nos couvertures, et moi je m'occupe de Sa Seigneurie. Ça me semble tout à fait simple. »
« Et Neville et moi garderons un œil sur les choses depuis l'extérieur, et arrêterons quiconque essaie d'entrer, » compléta Minerva. « Et si nous en venons au pire, nous pourrons toujours appeler des renforts. »
« Et si nous sommes particulièrement chanceux, nous pourrons même tirer sur les rats qui quittent le navire, » dit Smudger. « Pettigrow en particulier m'a toujours particulièrement tapé sur le système ; ce sera un véritable plaisir de m'occuper de lui une bonne fois pour toutes. »
« Chacun aura de quoi trouver son compte, alors, » lança gaiement Ron, à la contrariété évidente de Harry.
« Il me semble que vous aviez parlé d'une carte, » commenta Harry, déterminé à reprendre la direction de la réunion. « Je pense que nous devrions y jeter un œil, et voir à quoi ressemblent les lieux. »
Smudger farfouilla dans ses robes, pour en extraire quelques morceaux de papier chiffonnés. Les plans étaient dessinés à grands traits, sur ce qui était très clairement l'équivalent dans le monde magique du dos d'un paquet de cigarettes. « Voilà pour toi, mon gars. »
« Ils ne sont pas très propres, » reprocha Harry.
« Non, c'est vrai, mais il faut dire qu'ils ont été dessinés dans le plus grand secret, alors je me suis dit qu'un peu de saleté en rajouterait au rayon camouflage, » répondit poliment Smudger, mais on pouvait sentir que sa patience commençait sérieusement à s'émousser.
« Etalons-les sur la table, » suggéra Hermione, déterminée à conserver la paix. « Comme ça, nous pourrons tous les voir comme il faut, et nous familiariser avec la disposition des lieux. »
Les autres se rassemblèrent autour de la table pour étudier les plans de l'antre de Sa Seigneurie, laissant derrière Severus et Smudger. Ils n'avaient pas besoin de se familiariser avec quoi que ce soit, ils y avaient déjà passé d'innombrables vendredi soirs à écouter des discours ennuyeux tout en se demandant pourquoi ils ne pouvaient pas s'asseoir dans des sièges plus confortables.
Severus soupira. « J'espère seulement qu'il ne lui arrivera rien, » dit-il à Smudger à voix basse. « C'est seulement… tu sais, je n'ai jamais vraiment eu beaucoup de chance, et tout ça me semble trop beau pour être vrai. » Severus sentait comme une main glacée lui saisir les entrailles.
Smudger lui tapota le bras. « Toi, t'as peut-être pas de bol, mais elle ? » demanda t'il raisonnablement.
Severus y pensa un moment. Elle avait tenu tête à Sa Seigneurie en première année. Elle s'était fait pétrifier par un Basilique. Elle s'était transformée en chat, à peu de choses près. Oui, elle avait une tendance à se retrouver dans des situations délicates – le plus souvent à cause de Potter et Weasley – mais elle avait aussi l'habitude de s'en sortir. Elle avait de la chance.
« J'imagine, » dit-il lentement.
« Je veux, » renchérit Smudger. « Après tout, elle se retrouve avec toi. Tu crois qu'une fille peut être plus chanceuse que ça ? »
Severus ne put réprimer un rictus ironique.
Harry leva les yeux de sa discussion éminemment technique, pleine de termes comme couverture, embuscade ou avantage tactique, et fronça les sourcils. Il n'était peut-être pas capable d'entendre ce dont discutaient Smudger et Severus, mais par principe, il était opposé au fait que Severus sourie.
Hermione posa un doigt sur la carte, et posa une question à Harry, le forçant à ramener son attention à la discussion ;
« Et je suppose que la Prophétie est de notre côté, » dit acidement Severus, qui n'appréciait pas de voir sa petite amie à une telle proximité de l'Autre Idiot. « Alors nous n'avons pas de raison d'échouer. Et si tu crois à cet argument, j'aimerais te vendre une potion qui permet de changer le plomb en or. »
Smudger sourit. Il avait toujours apprécié la façon joyeuse dont Severus envisageait la vie.
« Et si… et quand nous aurons réussi, ça voudra dire que nous devrons en partager la gloire avec moins de monde, » continua Smudger. « Il n'y a qu'un nombre limité d'Ordres de Merlin, tu sais. J'espère seulement que nous serons toujours là pour en profiter. Un Ordre de Merlin posthume, ça ne sert à rien pour personne. A quoi bon décrocher le pompon quand on ne peut plus rien en faire. Remarque, c'est tellement couillon que ça risque bien de nous arriver. »
« Mais non, » contredit Severus, en regardant les trois garçons avec un sourire mauvais. « Après tout, on dit bien que ce sont les meilleurs qui meurent trop jeunes. »
Smudger ricana. « Tu n'es peut-être pas 'bon', mon pote, mais tu n'es certainement plus jeune non plus. D'âge moyen, c'est comme ça que je te décrirais. »
Severus le fusilla du regard. « Je te fais dire que je suis toujours de prime jeunesse, » dit-il, indigné. « Si tu me compares à un moldu, je suis encore dans mes vingt ans. »
Smudger rit de bon cœur, « ça a toujours été facile de te faire marcher, Snappy. »
Severus eut un rictus de mauvaise grâce. « Tu devrais seulement être content que je me sois ramolli avec l'âge, et que je n'éprouve plus le besoin de lancer de mauvais sorts à toutes les personnes que je rencontre. »
« Ce n'est pas comme si tu avais soudain gagné en maturité ces dernières semaines, tu sais. Il n'y a pas un mois, tu as menacé Grytpype-Thyne de lui couper les couilles et de t'en servir comme ingrédient pour tes potions. »
Severus sourit à ce souvenir. « Faut dire qu'il l'avait cherché. »
« Je ne discute pas là-dessus. Ça m'a démangé de le faire moi-même, une fois ou deux. Tu sais que c'est lui qui m'a fait interdire de fléchettes, le salaud. »
Severus hocha la tête. Il savait. Tout le monde savait. Et quiconque n'était pas au courant le devenait rapidement, c'était l'affaire de cinq minutes. Remarquez, sur ce point des fléchettes, Grytpype-Thyne n'avait pas tout à fait tort ; Smudger était un putain de danger pour tout le monde dans un rayon d'une centaine de mètres. « C'est vraiment dommage que la Prophétie ne demande pas que Sa Seigneurie soit tué pendant une partie de fléchettes. On aurait été débarrassés de lui depuis des années. »
« Nan, je vois pas Sa Seigneurie venir jouer au fléchettes. Pas sans tricher en tout cas. J'ai toujours pensé qu'il devait être mauvais perdant. Pire que Malefoy. »
« C'est vrai, c'est vrai. Et je parie qu'il ne paierait pas sa tournée. Même Malefoy, ça lui arrive, » renchérit Severus.
« Je parie que le vieux Bumbledore est tout aussi minable quand vient son tour de mettre la main à la poche, » ajouta Smudger, connaissant d'avance la réponse.
« T'as bien raison, » confirma Severus. « Quelle est la différence entre Bumbledore et Sa Seigneurie ? »
« Chais pas, mon pote. »
« L'un est un fou-furieux avide de pouvoir qui veut diriger le monde, et l'autre a une barbe. »
Smudger ricana comme il se devait, même si ça devait être la centième fois qu'il entendait la blague. Il pensait que Severus méritait une médaille rien que parce qu'il supportait le Grand Crétin Barbu, sans même parler de son travail d'agent double. Tous ces poisons à sa disposition, et jamais sa main n'avait tremblé. Remarquez, pour une fois il semblait tirer un peu les marrons du feu sans attendre le lendemain.
Il donna un coup de coude dans les côtes de Severus. Apparemment, l'Instrument de la Prophétie avait pris sa décision, et ils se devaient de traiter la situation avec toute la gravité qu'elle méritait. Après tout, ça ferait mauvais effet dans leurs mémoires s'ils se trouvaient à ricaner comme des collégiens à ce moment crucial de l'Histoire. Il n'aurait pas été surpris que les garçons choisissent d'être sincères et précis dans ce qu'ils transmettraient à la Postérité, au lieu d'être un peu raisonnables et de s'assurer qu'ils s'y montraient sous leur meilleur jour.
« Alors, » dit lentement Harry, regardant la carte qui était maintenant couverte de croix et de notes. « Nous allons vraiment le faire. »
« Je pense que oui, mec, » confirma Ron.
« Eh bien, maintenant que nous sommes d'accord, je pense que nous avons tous bien mérité une bonne tasse de thé. » Minerva avança vers la cuisine. « Est-ce que tu peux me donner un coup de main, Hermione, s'il te plaît ? »
Elle était sur le point de répondre que Neville pouvait aider à faire le thé, pourquoi donc est-ce que ça tombait sur elle, juste parce qu'elle était une fille, quand Hermione réalisa en sentant la tension dans l'air qu'il y avait encore une certaine dose d'intimidation qui devait se jouer de part et d'autre avant que les choses ne puissent réellement être réglées. « D'accord, » dit-elle en levant les yeux au ciel.
Une fois Hermione sortie, quand on put nettement entendre les chocs de vaisselle provenant de la cuisine, Severus dit, « Je veux que vous compreniez bien que s'il arrive quoi que ce soit à Hermione parce que l'un de vous a été imprudent ou bravache, je m'arrangerai pour que le peu de temps qui lui reste à vivre soit extrêmement douloureux. »
Les garçons acquiescèrent. « Même chose si vous ou votre ami nous laissez tomber au mauvais moment, » riposta Harry. « Je voulais juste vous en informer. »
« On peut compter sur lui, » affirma Severus. « En fait, si tout se barre en couille, je veux que ce soit lui qui s'assure que rien n'arrive à Hermione. »
Smudger hocha la tête, l'air sérieux. « Si ça devait arriver, un Stupefix par derrière, et je la fais sortir si y'a moyen. Tu as ma parole. »
« Pas à moins que la situation ne soit réellement désespérée, remarquez, » intervint Ron. Severus et Harry le fusillèrent du regard. « Ecoutez, d'abord, c'est une grande fille, et elle a parfaitement le droit de décider de ce qu'elle veut faire, ensuite, je pense que ce sera un sacré avantage de l'avoir à nos côtés, et enfin, je ne voudrais vraiment pas avoir à lui expliquer pourquoi on l'a sortie de la mêlée au beau milieu de la bataille si finalement je m'en sors vivant. »
« Il n'a pas tout à fait tort là dessus, » intervint Neville. « Vous savez comment elle est ; on en entendrait parler jusqu'à la fin des temps. »
Smudger tressaillit. « J'imagine qu'il doit lui arriver d'être quelque peu… véhémente dans ce qu'elle a à dire. Donc, une solution à n'envisager que si tout espoir est perdu, et si la seule façon de s'expliquer à l'avenir est par le biais de planchettes de divination. »
Les garçons acquiescèrent.
Hermione fut surprise de l'impression d'unité qui régnait dans la pièce quand elle revint avec le plateau du thé. Par chance, elle ne savait pas précisément sur quoi ils étaient d'accord, elle en aurait été plus que contrariée. Quoi qu'il en soit, la petite réunion se termina bien mieux que celle avec Lucius, et positivement mieux que quiconque aurait pu l'espérer en arrivant, même si ça n'empêcha pas Severus de se plaindre de Potter plus tard ce soir là au lit.
Hermione le fit taire en utilisant une méthode aussi efficace qu'agréable, mais c'était probablement ce qu'il avait espéré tout du long.
(1) C'est une petite vallée près de Lancre, si ma mémoire est bonne… benebu
