Une semaine seulement après l'intro, je vous poste le premier chapitre, histoire que vous ayez un peu de lecture et puissiez rentrer dans le vif du sujet. Par la suite, je pense partir sur un rythme d'un chapitre toutes les trois semaines ou tous les mois, ce qui me paraît le plus réaliste par rapport à mon rythme d'écriture. En tout cas, je vais tâcher d'être régulière.
Dans ce chapitre, il y a des propos crus et vulgaires et des allusions sexuelles. Cette histoire va aborder des thèmes assez matures, alors n'hésitez pas à me le dire dès maintenant si vous pensez que je devrais monter de rating (j'avoue avoir beaucoup hésité).
Je me suis lancée à essayer d'illustrer chaque chapitre de cette fic (on va voir combien de temps je garde la motivation) Vous pourrez découvrir les fanarts sur mon compte deviantart.
Bref, assez de blabla, je vous laisse à votre lecture !
Chapitre 1 : Découvrir Lacosta (Edward)
- Jeune homme, nous sommes au terminus.
La voix grave et sévère du contrôleur m'avait tiré de mon sommeil, et j'ouvris péniblement un œil pour me heurter à un brouillard lumineux. Je repris conscience de la chaleur étouffante qui régnait dans le wagon et me sentis soudainement soulagé à l'idée d'en sortir.
Je me redressai, encore un peu abruti de chaleur et de sommeil, et remerciai l'homme aussi aimablement que possible tout en refermant ma besace avant de la passer à l'épaule. Je m'étirai, puis me levai, sentant un petit élancement dans ma jambe gauche. Je n'étais pas encore tout à fait guéri.
C'est donc à pas lents que je parcourus le couloir avant de sortir à l'air libre, accueilli par une bourrasque qui m'envoya les cheveux dans la figure. Le jour baissant, la température avait un peu chuté, mais c'était encore une chaude journée d'été qui se terminait. L'air lourd portait l'odeur du goudron, de la poussière, du métal brûlant du train, du cuir craquant des valises, mais aussi celle, plus lointaine, des herbes coupées, des plantes et des fruits.
Une odeur de paradis.
- Al, on...
Le mouvement de main que j'avais entamé machinalement pour toquer sur le torse de l'armure métallique de mon frère s'arrêta net. Je me sentis ridicule d'avoir momentanément oublié son absence, et douloureusement seul. J'avais beaucoup de mal à l'idée d'être séparé de lui comme ça. Mais dans l'état actuel des choses, on pouvait difficilement faire autrement. Il ne m'en manquait que davantage.
Je croisais mon reflet dans les vitres du train tandis que je remontais le quai à pas lents, perpétuellement surpris de m'y trouver seul, plus affecté par le vide laissé par mon frère que je ne pouvais me l'avouer. Me voyant dans les fenêtres du wagon, les cheveux blonds s'échappant de ma tresse après une longue sieste, portant mon habituelle tenue rouge et noire, je peinais à croire que tout ce qui était arrivé ces derniers jours pouvait être réel. Extérieurement, on aurait pu croire que rien n'avait changé. Et pourtant…
Je me concentrai sur les lieux pour ne pas formuler la pensée qui me hantait depuis deux semaines. Puisque je ne pouvais rien faire, pour l'instant au moins, autant ne pas se morfondre inutilement. J'arrivai dans le hall de la gare de Fenief, qui me parut étrangement petite et vide après mon départ de la gare centrale et mon escale à South City. Si j'en jugeais par l'unique guichet et le peu de sièges dans la bâtisse de pierre qui gardait agréablement la fraîcheur, Fenief devait être à peine plus grand que Resembool, ce qui me rassurait un peu. Je n'aurais sans doute pas de difficulté à trouver un hôtel où passer la nuit. En revanche, pour trouver comment aller jusqu'à Lacosta, cela risquait d'être une autre paire de manches.
Je profitai du fait que le guichet soit libre pour demander à la dame entre deux âges qui le tenait quelques renseignements.
- Bonjour.
- Bonsoir, répondit-elle d'un ton affable.
- Je me demandais comment atteindre la ville de Lacosta, je sais que nous n'en sommes pas très loin...
- Lacosta ? répéta-t-elle en plissant les yeux, tandis que son expression chaleureuse disparaissait soudainement.
- Oui, Lacosta, confirmai-je, sentant un regard désapprobateur me tomber dessus. Ce n'est pas très loin d'ici, n'est-ce pas ?
- Pour aller à Lacosta, il faut chercher des conducteurs sur la place aux poissons. Vous trouverez sûrement quelqu'un pour vous y emmener demain, mais...
- Très bien, merci beaucoup, fis-je en hochant la tête aussi poliment que possible, tentant d'ignorer le mépris dont je faisais l'objet.
- … Vous m'avez l'air bien jeune pour aller là-bas… fit-elle à mi-voix.
- Qu'est-ce que vous dites ? demandai-je en me penchant vers elle.-
- Vous ne devriez pas aller là-bas, chuchota-t-elle d'un ton mi-indigné, mi-apeuré. Ce n'est pas raisonnable.
- Pourquoi ?
- Je suis désolée jeune homme, les horaires sont les horaires, je dois fermer ce guichet ! coupa-t-elle d'une voix claire alors qu'elle s'était redressée sur son siège. Je ne peux pas vous aider davantage.
Je m'écartai et la vit descendre vivement le store d'une main un peu nerveuse. Manifestement, elle n'osait pas parler plus en détail. Je jetais un coup d'œil circulaire autour de moi, espérant trouver ce qui la menaçait, mais personne n'attira mon attention parmi les rares passants.
Dans quoi je me suis embarqué, encore ? pensai-je en arpentant l'allée principale, appréciant les bourrasques rafraîchissantes qui rendaient la lourdeur parfumée de l'air supportable en se faufilant dans mes cheveux et mon manteau.
J'avais pu lire le dossier de mission durant la longue journée passée dans le train, mais je ne me sentais pas bien avancé pour autant. Quel genre de ville était Lacosta ? Je n'avais jamais eu l'occasion d'y aller. Bien qu'elle appartienne à la région Est, elle était tellement excentrée et mal desservie que j'avais préféré passer par la ligne Sud. Je n'en avais entendu que de vagues échos, mi-méprisants, mi-envieux, et les nombreux meurtres qui m'amenaient ici ne me disaient rien qui vaille.
Je trouvai facilement la place des poissons, nommée ainsi à cause de la large basque ou d'énormes carpes en pierre crachaient des jets d'eau à la propreté discutable. A part une bande de gamins qui y trempaient les pieds en discutant, et quelques passants, il n'y avait personne. Je m'avançai vers la fontaine pour profiter de son atmosphère rafraîchissante, et avisai un homme d'une trentaine d'années, qui semblait attendre quelqu'un, une valise à ses pieds. La peau tannée par le soleil, il avait des mains comme des battoirs et portait une tenue rustique qui montrait clairement son statut de travailleur manuel. Je lui fis un petit signe et m'approchai pour entamer la discussion.
- Bonsoir… Vous sauriez comment on va à Lacosta ?
- Ah, c'est marrant que tu demandes ça, p'tit gars, c'est justement là que je vais.
- QUI EST-CE QUE VOUS TRAITEZ DE NABOT GRAND COMME UN GRAIN DE RIZ ?
- Houla, j'ai jamais dit ça ! fit l'homme avec un mouvement de recul. J'me permets pas !
- Je ne le permets pas non plus, grommelai-je, les joues rouges, cherchant à retrouver mon calme malgré mon mécontentement.
- Hé bien, avec qui tu parles, Andreas ? fit une voix juste derrière moi.
- Je n'en sais rien.
- Edward Elric, répondis-je en guise de présentation.
- Edward Elric, c'est pas le nom du Fullmetal Alchemist, là ?
- Oui, c'est moi.
Les deux hommes me fixèrent en se frottant le menton avec la même expression dubitative. J'entendais comme s'ils le disaient à haute voix " Le Fullmetal Alchemist ? Mais c'est un gamin en fait ! »
- Sérieusement ? fit le plus jeune des deux, celui qui venait d'arriver. Mais si vous faites partie de l'armée, vous venez pour fermer les maisons closes ?
- Tu parles, jamais l'armée ne ferait ça, s'esclaffa l'autre avec une grande baffe sur l'épaule. Il y a bien trop de militaires qui viennent là-bas, ils n'oseraient pas fermer un seul établissement. Je m'appelle Andreas, au fait, et lui, c'est mon petit frère, Cid, fit l'homme en me tendant la main. Du coup, tu disais que tu voulais aller à Lacosta… On a trouvé une carriole pour nous emmener là-bas, il nous reste une place, si tu veux voyager avec nous.
- Ça m'intéresserait, oui, répondis-je, sentant que bavard comme ils étaient, je pourrais leur soutirer facilement des informations. Le départ est prévu quand ?
- Demain matin seulement, plus personne n'a prévu de partir aujourd'hui. Apparemment, la route est dangereuse de nuit, avec les éboulis… Du coup nous avons prévu d'aller à un hôtel à proximité. Tu veux te joindre à nous ?
- Pourquoi pas ? fis-je en bénissant intérieurement la proposition. Je ne connais pas du tout la ville, alors…
- Mangeons ensemble, alors ! On pourrait te laisser une place dans notre chambre, il y a un lit d'appoint.
- C'est gentil, mais je préfère faire chambre à part, bafouillai-je, sentant un frisson me traverser à l'idée de partager une chambre avec des inconnus.
Je n'ose pas imaginer la situation ce que ça donnerait si j'acceptais la proposition, pensai-je en retenant une grimace angoissée. A cet instant là, l'absence d'Al se fit sentir de manière cuisante. Si seulement il était là... Je me rendis compte que durant ces trois années où il était enfermé dans son armure, perpétuellement en éveil, j'avais pu toujours dormir sur mes deux oreilles ; mais cette époque était maintenant révolue.
- En voila un qui est bien timide pour aller à Lacosta ! fit l'aîné en allongeant claque amicale dans mon dos, me faisant tituber sur le coup de la surprise. Tu ne vas quand même pas faire chambre à part avec les filles, hein ?
- Avec les filles ?
- T'es pas un peu niais, toi ? Pourquoi aller à Lacosta, si c'est pas pour passer du bon temps avec des jolies filles ?
- Il y a le casino, aussi, fit remarquer le cadet. Tous les jeux d'argent du monde sont à Lacosta.
Des filles et des jeux… C'est donc ce genre de ville, pensai-je avec un sourire forcé. Dans ce cas, je comprends mieux pourquoi le Colonel Mustang m'a explicitement déconseillé d'être accompagné par Al.
Je suivis le duo qui s'était insensiblement mis en marche vers l'auberge en parlant fort et riant beaucoup, leur confirmant un peu fébrilement que je venais pour les casinos. Une fois à table, ils me vantèrent les bars à filles, leurs cheveux roux, leurs yeux de biche, puis le temps et les chopes de bières passant, ils détaillèrent davantage leurs cuisses, leurs seins, leurs fesses… et même leur sexe.
Au bout d'un moment, je me contentai de les écouter, effaré, gardant le nez dans ma bière que je sirotais le plus lentement possible en espérant qu'on ne voit pas trop la rougeur de mes joues et mon malaise pourtant évident.
- Oh, et cette fille, comment elle s'appelait, déjà ?
- Manon, non ?
- Manon, c'était la brunette, de la branlette espagnole. Enfin, je crois, mais j'étais tellement bourré, je me souviens pas vraiment. Non, je te parle de la blonde.
- Ah, la fille avec les cheveux jusqu'aux hanches ?
- Ouais, c'est ça.
- Je crois qu'elle s'appelait Fanny. C'est vrai qu'elle était canon, elle avait un beau sourire, et puis un de ces culs... Et celle-là, elle savait sacrément bien se servir de sa bouche.
A cette réplique, je ne pus m'empêcher de recracher mon verre. Je voulais bien faire semblant de trouver ça normal, mais les bornes avaient des limites, et ils étaient partis loin derrière les collines du sens moral pour se noyer dans l'océan du vice. Je reposai mon verre, prêt à me lancer dans une diatribe sur la dignité humaine, mais en voyant leurs yeux troublés par l'alcool et leur expression goguenarde, je me sentis soudainement intimidé, sentant à quel point c'était vain de le leur faire remarquer. Si je faisais ça, j'allais, au mieux, essuyer un franc fou rire, au pire, attirer leur méfiance.
- Et pour faire le grand aigle, c'était quelque chose aussi !
- Et sa touffe blonde et bouclée... Si seulement toutes les filles avaient une chatte pareille !
- Mais, la prostitution, c'est pas censé être interdit ? tentai-je d'une voix hésitante, masquant un léger tremblement. Il y a eu une loi à ce sujet en 1904, non ?
- Mais tout ce qui est interdit se fait à Lacosta mon gars ! On n'est pas à Central, où les messieurs font semblant de bien se tenir ! Là-bas les gens savent vivre.
- Et l'armée ne fait rien contre ça ? marmonnai-je, redoutant la réponse.
- L'armée visite les bordels, comme tout le monde ! répliqua l'aîné avec un grand sourire.
Colonel, je vous hais, profondément et pour l'éternité. Cette mission de merde, vous allez la payer très, très cher quand je seras de retour à Central City.
Face à une réponse pareille, que pouvais-je dire ? Je retournai à mon verre de bière, tandis que les deux frères embrayaient sur les soldats et leurs mœurs discutables.
En les écoutant parler, la honte se diffusait en moi comme un filet d'encre dans un verre d'eau. Non seulement, ces hommes-là se payaient des prostituées, et en parlaient fièrement, mais en plus de nombreux soldats de l'armée en faisaient autant, et ce n'était pas les moins obscènes, d'après leurs dires. Je ne pus pas m'empêcher de me demander furtivement si ceux que je connaissais, Havoc, Mustang, et les autres, étaient déjà allés voir des put... prostituées. J'en ressentis un profond dégoût même si je fis tout pour chasser cette question sans chercher de réponse, et surtout, surtout, sans me figurer la scène
Il faut voir le côté positif, j'en apprends beaucoup sur Lacosta. Grâce à eux, je sais à quoi m'attendre, sur l'ambiance de la ville, je connais vaguement la réputation des différents quartiers, quelques noms de casinos, de bordels, aussi, les noms des rues où ils se trouvent.
C'est quand même étrange qu'ils ne parlent pas des meurtres et des disparitions... Est-ce qu'ils le savent au moins ?
Me plonger dans ces réflexions avait au moins le mérite de me détacher de leurs paroles quand elles me tordaient trop l'estomac. Je tâchais d'avoir l'air fasciné par la conversation, tout en sélectionnant les informations qu'ils me transmettaient sans le savoir. C'est l'œil vague, un peu attaqué par l'abus de bières, que je les écoutais tandis qu'ils me racontaient fièrement leurs différents séjours. Clients fidèles depuis plusieurs années, ils venaient chaque année de Rush Valley où ils dépensaient leurs économies de maréchaux-ferrants pour s'offrir quelques plaisirs que les femmes rechignaient habituellement à leur offrir.
En les écoutant parler, je comprenais pourquoi.
Il était déjà tard quand ils finirent par se décider à aller se coucher, se levant en titubant de la table pour gagner leur chambre. Je me levai moi aussi, gagné par la nausée que provoquaient un peu trop d'alcool et un peu trop peu à manger, mais surtout baignant dans un malaise indéfinissable, et demandai le chemin pour ma propre chambre.
La pièce était petite, simplement meublée d'un lit, d'une chaise et d'une table où reposait un miroir piqueté d'humidité, un broc à eau et une vasque. Tout, des planches de bois mal dégauchies des murs aux meubles, était subtilement de guingois. Le matelas déformé par les ans n'avait rien de prometteur, mais pour une nuit, il allait faire l'affaire. Il faudrait bien, de toute façon. Je jetai mon manteau sur le dossier de la chaise, y posai mon sac à bandoulière, et refermai la porte.
- Merde...Il n'y a pas de verrou, pestai-je en constatant que la porte était tout aussi rustique que le reste de la pièce.
Déjà que la conversation des deux gars m'avait dégoûté, le manque de confort et d'intimité des lieux me perturba davantage. Le temps d'un éclair, ma décision de reporter le changement des bandages qui couvraient mon torse s'imposa sans retour. Tant pis pour la sueur et la crasse accumulée, tant pis pour mes blessures pas encore parfaitement cicatrisées, je ne me sentais pas en sécurité ici. Et puis, ce n'était pas comme si j'avais réellement mal. Je pourrais faire avec, le temps d'une nuit. Je me rendis compte que je tremblais légèrement.
Me maudissant intérieurement pour ma faiblesse, je tirai la chaise jusque sous la porte pour bloquer au mieux l'ouverture de la poignée, poussai mon sac pour prendre sa place, dos à la porte. En l'ouvrant, l'odeur chaude du cuir qui sentait encore le cheval me sauta au visage, me rappelant des souvenirs flous de mon enfance à Resembool, comme celui du poil plat et raide des percherons sous mes mains d'enfant.
Depuis l'accident du cinquième laboratoire, je ne pouvais que constater que mon odorat s'était affûté de manière notable. Ça m'intriguait, mais avec qui pouvais-je parler d'une chose pareille ? Et en même temps, ce genre de réflexions était si anodin et vain quand on pensait aux autres bouleversements que j'avais vécu, que j'avais presque honte d'y prêter la moindre attention.
Enfin, cela n'avait aucune importance. Avant toute chose, je devais me concentrer sur la mission qu'on m'avait donnée. Je ressortis le dossier bleu uni et l'ouvrit. Le logo de l'armée couvrait toute la première page de la liasse de papier. Je feuilletai les différentes annotations : plaintes contre X, tapage nocturne, meurtres, disparitions, viols et menaces de mort s'entassaient en désordre sans que je puisse comprendre pleinement l'ampleur de la mission qui me tombait dessus. Certaines plaintes étaient vieilles de deux ou trois ans, d'autres très récentes, la plupart des documents étaient bourrés de lacunes, mais j'avais eu suffisamment de temps dans le train pour lire l'intégralité du dossier deux ou trois fois. Le dossier pêchait aussi par son manque cruel de photos des scènes de crime. Je me sentais comme si on m'avait donné un puzzle dont on avait jeté la moitié des pièces. Non, pour être honnête, je me sentais comme si mon m'avait donné un puzzle dont on avait jeté la moitié des pièces et auquel on avait ajouté des fragments d'un jeu différent.
De manière logique, je n'avais pas pu en tirer grand chose comme conclusions, si ce n'est que les informations données laissaient voir une escalade de la violence notable depuis un an et demi, et que parmi les disparitions recensées jusqu'à aujourd'hui, je pouvais dénombrer pas moins de neuf jeunes femmes. En plus de cela, un corps avait été retrouvé dans les maquis adjacents à la ville, difficilement identifiable étant donné l'ancienneté de la mort. Une prostituée nommée Fanny Wilder avait été abattue de plusieurs balles alors qu'elle courait presque nue en pleine rue. Je me demandai avec un pincement au cœur si c'était d'elle dont avaient parlé les deux hommes durant le repas. Toutes ces femmes avaient sûrement des points communs, mais mis à part qu'elles avaient toutes moins de la trentaine, je n'en voyais aucun.
Je relevai la tête de ma lecture pour chasser la chair de poule qui s'installait dans ma nuque malgré la douceur de la nuit d'été. Je pris deux inspirations profondes, tentant de rester calme face à ce qui s'annonçait être la mission la plus difficile depuis mon entrée dans l'armée. D'autant plus difficile que j'allais devoir l'affronter... seul.
Je m'affalai sur le lit, puis me recroquevillai en position fœtale, complètement accablé. J'étais tenté d'appeler Alphonse, mais dans la situation où j'étais, je savais bien qu'il ne pourrait m'être d'aucune aide ; d'autant plus que les discussions que nous avions eu récemment me laissaient encore plus démoralisé qu'avant deux fois sur trois. Il me manquait terriblement, mais avant même d'arriver à Lacosta, je comprenais déjà pourquoi le Colonel m'avait donné des ordres aussi explicites. Déjà que la conversation m'avait choquée, mon frère, avec la naïveté d'un enfant de dix ans, aurait été profondément traumatisé par la soirée. Je n'aurais pas su quoi faire en sa présence. Et même si je brûlais d'envie de l'appeler, je m'interdis de le faire : tel que j'étais maintenant, pétri de dégoût et d'angoisse, je n'y gagnerais rien d'autre qu'à l'inquiéter inutilement. Non, je l'appellerais, bien sûr... mais plus tard.
Malgré tout, j'avais envie de parler à quelqu'un. Cracher un peu ma colère et me changer les idées.
Je devrais peut-être appeler Mustang pour lui faire savoir à quel point je le hais. Ça ne servirait à rien, mais au moins ça me défoulerait.
