On est lundi ! Et qui dit lundi dit nouveau chapitre (et celui-là, j'ai cru comprendre que vous l'attendiez ! ;) )
Je vais tâcher d'être brève pour les traditionnelles petites annonces de début de chapitre, mais j'ai quand même quelques infos à partager :
- J'ai mis à jour la playlist de Bras de fer, gant de velours, vous pouvez la retrouver ici : www. youtube playlist?list=PL7xbS9Cs04ybFcFcEW3itYzqRjiBxVHNi
Je voulais mettre un morceau par chapitre mais certains m'évoquent plusieurs chansons et je n'avais aucune idée pour d'autres... A l'image de l'ambiance changeante de cette fanfic, la playlist est donc très chaotique XD. J'espère tout de même que vous l'apprécierez et qu'elle vous donnera un nouveau regard sur cette histoire. De nouveaux morceaux apparaîtront au fil de la publication et je la remanierai sans doute pour la compléter à fil de l'inspiration.
- La campagne Ulule de Stray cat est imminente (elle commencera le 18 août et durera jusqu'au 25 septembre). Ce sera l'occasion d'acheter la version papier de mon lightnovel yaoi. Il s'agit cette fois d'un projet original, abondamment illustré, avec des scènes + 18 et une ambiance plutôt mélancolique. Si vous voulez en découvrir plus sur mes projets personnels, ça sera une bonne occasion ! ;) Vous pouvez déjà vous inscrire à la Newsletter ici, pour être sûrs de ne rien louper : fr. ulule stray-cat/coming-soon/ (le lien est aussi en bio)
Voilà, c'est tout, maintenant je vous laisse découvrir la réponse à cette fameuse question : Quand quel état vont-ils retrouver Ed/Angie ?
Edit : J'ajoute un WARNING, parce que ce chapitre est particulièrement rude (level "même moi je me sentais mal en l'écrivant"). J'en profite pour dire que, si vous ne l'aviez pas encore remarqué, la fic prend un tournant beaucoup plus sombre et que vous avez intérêt à préparer vos petits cœurs, parce que par la suite, il y aura de la violence, des combats, des morts et de graves blessures. Voilà. (Je vous devine en train de flipper derrière vos écrans... bah vous avez raison. Au moins vous êtes prévenus ^^°)
Chapitre 67 : à bout de souffle - 2 (Jean)
Le trajet se passa dans un silence de mort, masqué par pluie qui tambourinait la tôle de la camionnette et la sirène de la camionnette qui permit à Hawkeye de longer le tram sans s'arrêter à un seul feu rouge, fonçant, le visage fermé. À côté d'elle, Mustang était pâle comme la mort, et Hayles, assise entre Breda et moi, regardait devant elle avec le regard résolu de quelqu'un qui s'apprêtait à se battre pour sauver une vie dans quelques minutes. Seule une question vint rompre le silence.
- La surveillance de l'usine… ? demanda Breda d'un ton hésitant.
- Fuery et Falman sont restés au standard. Ils peuvent nous contacter par radio si besoin, fit Mustang en levant une main tenant l'objet.
Je hochai la tête. Heureusement que nous étions assez nombreux pour nous disperser sans laisser l'affaire complètement à l'abandon. J'avais confiance en mes collègues, ils sauraient se débrouiller.
Je m'inquiétais beaucoup plus pour Edward.
18 h 44.
Jamais je n'avais compté les minutes comme ça.
Hawkeye bifurqua à droite, longeant les docks, tandis que Mustang fouillait des yeux, puis désigna le portail de fer, resté grand ouvert. Le véhicule s'engouffra sur le terrain gravillonné, et des flaques d'eau jaillirent en éclaboussures de part et d'autres, explosions orangées sous la lumière glauque des réverbères derrière nous. Bientôt, on ne vit plus rien qu'une succession de gigantesques hangars, boîtes de métal entre lesquelles on entrevoyait le fleuve gonflé par la crue. Nous étions proches de la zone inondable et cela se sentait.
Le quartier des docks n'était pas éclairé, et bientôt, il n'y eut plus d'autres lumières que celles des phares devant nous, transperçant la pluie nocturne comme une lame de couteau.
- Bon sang, où est ce Hall 9 ? pesta Hawkeye.
- Il doit être vers l'extrémité du terrain, souffla Hayles. Il y a une dizaine de halls de chaque côté, si je me souviens bien.
Je me retournai pour attraper une lampe parmi les outils qui bringuebalaient dans le coffre, et la jetai à Breda qui l'alluma pour éclairer les bâtiment à notre droite.
- Hall 3… On est encore loin.
Hawkeye appuya sur l'accélérateur, et le moteur vrombit sous nos pieds. Elle aussi devait être terrifiée par la situation… pourtant elle parvenait à garder son calme. J'avais croisé les doigts pour m'empêcher de trembler, et Hayles avait les larmes aux yeux. Vraiment, il n'y avait rien de pire que l'attente.
- Hall 7… On y est presque !
La voiture ralentit, et arriva juste devant la porte du Hall 9. Elle s'arrêta devant la large porte à deux battants de métal, et en levant les yeux, je découvris une massive chaîne fermant les portes, bloquée par le cadenas le plus gros que j'avais jamais vu.
- Les salauds, souffla Breda.
Je sortis hors de la voiture, courant pour attraper une pince coupe boulon que Mustang me prit des mains, courant déjà devant l'obstacle. La pluie torrentielle me coulait dans les yeux, me glaçant et m'empêchant presque de voir où j'allais tandis que je le rejoignais. Il forçait pour briser le cadenas, trop épais pour qu'il arrive à le couper malgré l'efficacité de l'outil, et je vis ses mains trembler de douleur
-Vous êtes blessé, laissez-moi faire, ordonnai-je.
Je viens derrière lui et lui pris l'outil des mains sans lui laisser le choix, puis serrai de toute mes forces sans sentir le métal céder pour autant.
- Bordel ! Breda, Hayles ! Venez nous aider !
Breda lâcha la lampe qui tomba au sol et il poussa un côté tandis que Hayles venait à son tour, talonnée par Hawkeye. Alors que nous étions tous les quatre en train de nous arc-bouter sur la pince que l'on sentait ployer, à la limite de sa résistance, la radio grésilla, abandonnée sur le siège ouvert.
- Général ! On a une fusillade à la porte 3 !
- Merde ! pesta Hawkeye.
Peut-être fut-ce d'entendre la mauvaise nouvelle qui nous donna un accès de rage, mais le cadenas céda finalement. Poussant un soupir, tout le monde lâcha l'outil qui tomba sur le pied de Breda, lui faisant lâcher une bordée de jurons sous le coup de la douleur, tandis que Mustang tentait de démêler le tout à gestes maladroits et rageurs. À la lumière des phares, je voyais que ses pansements se teintaient de rouge, signe que ses plaies s'étaient rouvertes.
- Général, la fusillade ! s'exclama Hawkeye.
- Occupez-vous en ! ordonna-t-il sans douceur, le visage déformé par la rage.
Pendant que Hayles nous éclairait avec la lampe qu'elle avait ramassée, je l'aidai de mon mieux à tirer les lourdes chaînes qui pesaient et se coinçaient sans cesse dans les poignées de la porte, tandis que Hawkeye remontait dans la voiture pour répondre.
- Allô, Falman ? Que ce passe-t-il ?
-Un camion est passé en force en tirant sur l'équipe 2. On a des hommes à terre !
-Lancez les unités 4 et 5 à leur poursuite, appelez l'hôpital de la gare pour évacuer les blessés, voyez s'il ya des membres formés aux premiers soins pour leur porter secours.
- Ok, j'envoie les unités 4 et 5 en renfort. L'unité mobile est déjà à leur poursuite, le camion est toujours en vue. Je vais appeler l'hôpital de la gare pour qu'ils nous envoient des ambulances.
- Ok, gardez bien contact avec les équipes mobiles. Ne les laissez surtout pas filer.
- Ok. Et vous ?
- On entre dans le Hall, je vous tiens au courant. Concentrez-vous sur le camion en fuite.
En effet, tandis qu'elle répondait ça, Mustang et moi tirions vers nous les immenses portes métalliques qui s'ouvraient sur une obscurité pleine d'échos, un fragment de monde horrifique, tandis que Hayles entrait en courant, arme au poing, silhouette minuscule au milieu de ce bâtiment titanesque, balayant les murs lointains de sa lampe en quête d'Angie.
Nous touchions au but. J'avais le souffle court, les larmes aux yeux, et ce n'était pas à cause de l'effort. Parce qu'une pensait horrible me trouait les entrailles. Nous touchions au but… sauf si Edward n'était pas derrière cette porte. Sauf si Harfang nous avait mené en bateau. Vu la fusillade qui arrivait pendant notre absence, cet appel avait tout d'un traquenard. Nous pourrions aussi bien nous faire tuer ici de quelques balles dans la tête. Le hangar pouvait aussi bien être vide. Et Edward…
- Là ! s'exclama-t-elle ! Je la vois ! À l'autre bout du bâtiment !
Tout le monde se précipita dans la voiture et Hawkeye repartit avant même que les portières soient fermées, roulant à l'intérieur même du bâtiment vide. Un virage à droite, et je vis à mon tour Angie, éclairée plein phares.
Ou plutôt, je vis la gigantesque silhouette d'une chouette blanche aux ailes déployées, peinte à même le mur à grands coups de pinceaux, et son corps inanimé, suspendu par les poignets à des chaînes, à deux ou trois mètres au-dessus du sol. J'espérais la voir se débattre, mais alors que la camionnette s'approchait, roulant sur des gravats, le moteur résonnant dans le hall vide comme un tonnerre grondant à flanc de montagne, elle ne bougea pas d'un pouce.
Étions-nous arrivés trop tard ?
Je ne voulais pas le croire.
Je levai les yeux, tandis que le morbide spectacle se détaillait à la lumière blafarde des phares fonçant vers elle. Ses jambes pendaient, les pieds légèrement en contrebas d'un rebord trop étroit pour pouvoir vraiment s'y appuyer, ses bras étaient levés en un Y au croisement duquel sa tête avait basculé en avant. Les mots de Falman me revinrent en tête. Une quinzaine de minutes ? Nous étions largement au delà, elle avait eu le temps de mourir deux fois déjà. Du sang avait coulé de sa tête sur sa poitrine et son épaule droite, et elle ne bougeait plus.
Je n'arrivais plus à respirer. J'espérais tellement voir Angie lutter contre ses chaînes en hurlant avec la férocité d'un lion. Pas à voir son corps abandonné comme ça. Nous avions perdu ? Elle était morte ? Elle et Edward, ils étaient morts ?
- Il faut la décrocher de là ! s'exclama Hayles.
- À cette hauteur ? demanda Breda.
- On montera sur la camionnette, soufflai-je.
Je déglutis tandis que Hawkeye manoeuvrait pour coller la camionnette au mur, et j'ouvris la porte pour escalader le toit et me retrouver face à Angie, bouleversé de voir ce petit corps inanimé. Elle était morte ? Je posai une main sur son visage glacé sans sentir de pouls à sa gorge, et quelqu'un braqua la lampe sur son visage blanc comme un linge. Je serrai la mâchoire les larmes aux yeux. Je refusais de croire que c'était vraiment arrivé.
- Havoc ! La pince, vite ! s'exclama Hayles en me tendant l'outil, tandis que Mustang grimpait à son tour, imité par Breda qui nous suivait avec beaucoup moins d'habileté.
Hawkeye nous éclairait de son mieux, mais la lampe, tremblotant comme un feu follet, disait tout de son état. En voyant le corps d'Angie, je sentais que nous étions arrivés trop tard. Malgré cela, je levai mes bras tremblants pour caler la pince sur un des maillons qui la retenait suspendue, entrevoyant Roy la prendre par les aisselles pour la soutenir.
- Angie ! Tiens bon ! Fait un signe, n'importe quoi ! On est là, on est arrivés !
- J'installe le matériel ! Descendez-la aussi vite que possible.
Je forçai sur la pince et sentis le métal céder, et recommençai une deuxième fois pour couper complètement le maillon, déchiré d'entendre Mustang lui parler en vain d'une voix mêlée de larmes. Le bras gauche retomba mollement, se balançant légèrement, et je tendis la pince à Breda qui en fit autant de l'autre côté, le visage fermé comme jamais tandis que notre supérieur serrait Angie dans ses bras en sanglotant comme un enfant, la suppliant de tenir bon, de ne pas mourir.
Quand il prenait ses grands airs, je m'étais souvent demandé s'il était seulement capable de ressentir de l'émotion, mais maintenant que j'étais témoin de sa détresse, je regrettais de m'être posé la question. Il était à vif, son désespoir tellement palpable qu'il était douloureux de se tenir à ses côtés. J'avais envie de vomir.
Le deuxième bras d'Angie fut libéré et Mustang se retourna, son précieux fardeau dans les bras, dévoilant une autre traînée de sang sur le large poitrail de la chouette peinte en guise de signature, pour se pencher vers Hawkeyes et Hayles en bas, qui réceptionnèrent le corps d'Angie à bout de bras avant de l'allonger sur le brancard posé à même le sol.
- Elle… n'a plus de pouls… Elle est glacée… bredouilla-t-il, encore à genoux, en état de choc. Elle… Elle…
Je tournai la tête vers Breda pour laisser éclater mon désarroi, mais je ne croisai pas son regard. Il était en train de fixer le mur, les yeux exorbités.
Juste devant lui, là où se trouvait sa main menottée, des traces de sang formant des cercles maladroits, incomplets.
Des tentatives de cercles de transmutation.
En voyant cela, deux coups s'abattirent sur moi presque simultanément. En une fraction de seconde, je sentis sa lutte, son combat, son désespoir avant qu'Ed ne perde conscience dans ce hangar plongé dans l'obscurité. Et quand Breda se retourna vers moi, que je vis son regard, sa bouche ouverte sous le choc, je sus qu'il avait compris.
- Bordel… C'est…
Je fis aussitôt deux pas vers lui pour le bâillonner. Mustang était juste à côté, et s'il entendait ça, maintenant, il ne s'en remettrait pas. De l'autre bras, j'effaçai cette preuve, salissant mon revers d'uniforme trempé, échangeant avec mon ami des regards allant du mur à lui, puis au Général complètement effondré. J'avais l'intuition confuse que s'il apprenait ça à ce moment précis, il serait capable d'attraper une arme pour se tirer une balle dans la tête. Je ne savais pas pourquoi je me disais ça, mais cette idée me terrorisait trop pour que je lui donne la moindre chance de se réaliser.
Breda continuait à me regarder de ces yeux exorbités mais sembla comprendre qu'il devait garder le silence. Je cessai de le bâillonner et laissai mes bras retomber mollement.
Je contemplai la scène en silence, immobile comme chassé de moi-même. Breda et moi, debout sur la camionnette, surmontés par une chouette blanche qui nous menaçait de ses ailes déployées, le corps maculé de sang. Les chaînes pendant au mur, Mustang effondré… et Hayles et Hawkeye, à genoux au milieux des déchets et de la boue, s'activant pour tenter l'impossible. Nous étions tous trempés jusqu'à l'os, de l'eau glacée me coulait dans le dos, me faisant trembler encore plus sans que je le remarque vraiment.
Je me sentis écrasé par le désespoir, incapable d'imaginer ce que nous pourrions faire après ça, après cet échec. Après sa disparition. Je n'entendais plus rien, je ne sentais plus rien, comme si mon cerveau s'était éteint.
Nous étions arrivés trop tard.
Trop.
Tard.
- HAVOC !
Je sursautai, entendant la voix de Hayles, et compris qu'elle avait dû m'appeler plusieurs fois pour crier ainsi.
- On a besoin de votre aide ! Descendez de là !
Je me secouai, revenant à la réalité. Ce qu'elles faisaient ne servait sans doute à rien, mais il fallait essayer quand même. Parce que c'était notre seul espoir. Je sautai à bas de la voiture, et les rejoignis, me baissant vers elles pour les aider sans savoir comment. Hayles faisait un massage cardiaque tandis que Hawkeye tenait à la main un masque, de l'autre une pompe. Les fameux masques à oxygène. Pouvaient-elles faire quelque chose pour la sauver ?
- Regardez comment je fais, ordonna Hayles d'une voix entrecoupée par une respiration rapide. J'ai besoin que vous me remplaciez, son cœur ne repart pas, Il faut tenter une piqûre d'adrénaline.
Je la regardai appuyer fort et vite sur la poitrine d'Angie, dont elle avait déchiré le corsage pour faire le massage cardiaque. Elle compta jusqu'à quinze, puis elle s'arrêta, laissant Hawkeye redonner de l'oxygène à Angie.
- À vous.
Je l'imitai de mon mieux tandis qu'elle m'observait.
- Gardez les bras tendus et utilisez tout votre poids. Ce ne sont pas des pompes, vous êtes en train de remplacer son coeur pour alimenter son cerveau et ses organes en oxygène. Voilà, comme ça. Gardez le rythme, ne vous arrêtez pas.
Je continuai à masser, prenant mes marques, regardant avec angoisse son visage trop pâle, ses lunettes tordues dont un verre s'était brisé, le sang qui avait coulé de son nez, de sa tempe, et remarquai que le lobe de son oreille droite était déchiré et avait trempé son épaule de sang. Comme si on lui avait arrachée sa boucle d'oreille. Était-ce de là que venait ce cri ? Sous mes doigts, sa peau était glacée.
Elle avait vraiment l'air morte.
Pourtant, Hayles prépara sa seringue, le visage emmuré dans une expression de concentration sérieuse qui ne lui ressemblait pas. Elle tremblait, pourtant, et pris une grande inspiration avant de planter l'aiguille dans le bras d'Angie et d'y injecter le produit.
-Et si ça ne marche pas ? souffla Hawkeye.
- Si ça ne marche pas, on réessaiera, répondit-elle. Continuez.
Les secondes s'écoulèrent, interminables, puis la brunette posa une main sur mon épaule, me faisant signe d'arrêter, et posa la tête sur sa poitrine. Tout le monde retint son souffle, attendant le verdict.
- Son cœur est reparti murmura-t-elle.
- Quoi ?
- Son cœur est reparti, répéta-t-elle plus fort.
Je me sentis à deux doigts d'éclater en sanglots et entendis le fracas des deux autres qui descendaient hâtivement de la voiture pour se précipiter à nos côtés.
Plus surprenant encore, je vis Hawkeye tendre le bras pour attraper la nuque de Hayles et l'attirer vers elle vers elle, l'embrassant passionnément. Je clignai des yeux deux ou trois fois, stupéfait par son geste et perturbé d'être à proximité immédiate de la scène, puis Hayles, après être restée immobile quelques secondes, ferma les yeux, souriant à travers son baiser. Elle s'écarta ensuite avec un sourire gêné pour se reporter sur sa tâche. Elle était écarlate, et à sa place, je l'aurai été aussi.
- Continuez à lui donner de l'oxygène avec l'autre masque. Elle en a grandement besoin.
Hawkeye hocha la tête et se remit à la tâche, les joues rosissantes, tandis que je la regardais, éberlué. Je n'aurais jamais imaginé être témoin d'un geste pareil, ça ne lui ressemblait vraiment pas d'être aussi impulsive.
Bon, je savais que Hayles en pinçait pour elle, et je me demandais s'il s'était passé quelque chose entre elles, mais de là à…
Bon, je n'ai plus à me poser la question, au moins, pensai-je.
- Elle est vivante ? demanda Mustang d'une voix tremblante, indifférent à ce qui se venait de se dérouler sous ses yeux.
En réponse à cela, la brunette pris sa main et la posa sur le cou d'Angie, ses doigts à la base de la mâchoire. Je l'imitai, de l'autre côté, et sentis son pouls. Faible, irrégulier, mais un pouls quand même. J'étais tellement soulagé que j'en avais envie de rire.
- Il ne faut pas se réjouir trop vite, souffla Hayles, elle a encore besoin de soins. On ne sait pas combien de temps elle est restée dans cet état, et vu ses blessures, elle a peut-être des lésions au cerveau. Elle a perdu beaucoup de sang et est en hypothermie. Je ne peux pas vous dire quelles seront ses séquelles, mais… pour l'instant, elle est vivante.
Nous étions tous autour de ce petit miracle, et j'étais incapable de savoir si j'avais envie de rire ou de pleurer.
- Couvrons-là, il faut la réchauffer maintenant, souffla Hayles.
Je hochai la tête et l'aidai à la soulever pour que Hayles puisse glisser des couvertures en dessous d'elle pour l'isoler et la réchauffer. Derrière nous, la radio grésillait, signe que Falman essayait de nous joindre dans l'indifférence générale. Hawkeye finit par s'en rendre compte et se leva, me laissant la relayer pour alimenter Angie en oxygène à gestes lents. En face de moi, Mustang était resté agenouillé à ses côtés, une main posé sur sa joue dans un geste d'une tendresse qui ne laissait aucun doute.
Il était fou d'elle.
Et il ne savait pas.
Je poussai un soupir tremblant et continuai, écoutant d'une oreille distraite la discussion d'Hawkeye et Falman qui échangeaient des nouvelles. La camionnette était toujours en cours de poursuite, mais l'armée était en train de fermer les routes, et c'était une question de minutes avant qu'ils soient arrêtés. Un deuxième soldat avait succombé à ses blessures… Ces informations me traversaient sans m'atteindre, incapable que j'étais de penser à autre chose qu'à ce petit corps inconscient que j'avais sous les yeux. Inconscient mais vivant.
- Général ? Vous pouvez venir ?
Mustang se leva d'une démarche incertaine, rejoignant Hawkeye.
- Le camion est encore en cours de recherche, on a deux soldats morts sur les bras… souffla-t-elle.
- Le camion ?
- L'usine JEB ! rappela-t-elle d'un ton mi-agacé, mi-inquiet.
Je sentis un mouvement sous ma main, baissai les yeux, et vit le visage d'Angie s'animer. Une crispation à peine perceptible, une hésitation, puis elle ouvrit péniblement les yeux.
- Elle est réveillée ! m'exclamai-je.
Hawkeye renonça à continuer la conversation, Mustang étant aussitôt revenu s'agenouiller aux côtés d'Angie, lui prenant la main, laissant entrevoir un poignet ensanglanté. Ce sang qu'elle avait utilisé pour tenter de s'évader par alchimie.
- Angie, ça va ? Angie ? Tu m'entends ?
Pendant quelques secondes, elle resta là, les yeux embués voguant alentour sans réellement voir, puis elle leva maladroitement la main, dans un geste avorté pour retirer son masque, et je le soulevai pour qu'elle puisse parler. Sur sa joue, une traînée de sang marquait l'empreinte d'une main qui l'avait empoignée, pour lui faire tourner la tête, sans doute. Cette marque semblait immense sur ce visage adolescent.
- R…y ?
Elle avait un mince filet, rauque, faible, à peine un souffle. Mais elle parvenait à parler. Mon supérieur, agenouillé, s'était penché sur elle, le dos voûté, et enveloppait la rescapée de toute son attention. Il fallait retenir son souffle pour l'entendre.
- Je suis là.
- Je s… d…solée. Tout ç… c… ma f…te… J'…ais dû…
- Chuuut, souffla Mustang, caressant son front pour rabattre ses cheveux en arrière d'un geste rassurant.
- Angie, comment tu te sens ? demanda Hayles d'une voix douce, s'asseyant à côté de moi.
- … C'…st… pas le pie…, souffla-t-elle avec une expression qui nous amena un sourire.
Sa voix était à peine audible, les consonnes étouffées par l'épuisement, mais je devinais son intonation d'adolescent grognon et c'était un soulagement.
- J'imagine… Tu as failli mourir, fis-je remarquer.
- …Haoc ?
- Oui, répondis-je en comprenant que c'était à moi qu'il parlait.
- …iza… est là ?
- Oui, répondit-elle d'un peu plus loin.
- Angie, on est quel jour ? demanda Hayles d'un ton sérieux.
- … Sam…di… 13… ?
La militaire hocha la tête, rassurée par la réponse, puis leva sa lampe pour éclairer son autre main, montrant trois doigts.
- J'ai combien de doigts ?
- Je… e sais pas...
La joie que nous avions à l'entendre parler de nouveau fut tout-à-coup ternie par l'inquiétude.
- Comment ça, tu ne sais pas ?
- Je… vois pas… avoua-t-elle. …uste des mouv…ments, des… omb…
Un silence de mort tomba à cette annonce. Je comprenais maintenant d'où venait ce regard flou qui allait et venait sans jamais se poser. Hayles avait beau avoir tenté de nous avertir, je n'étais pas prêt à affronter cette idée. Edward, aveugle ? Avec les coups qu'il s'était pris à la tête, avec sa période d'inconscience, on pouvait se douter qu'il était blessé, mais… même celle qui nous avait annoncé ce risque semblait estomaquée.
- On va t'emmener à l'hôpital, fit Hawkeye d'un ton aussi rassurant que possible, ils vont t'examiner. Je ne pourrai pas t'accompagner, il faut qu'on reste ici pour relever les indices, mais Havoc va s'occuper de toi, d'accord ?
Elle hocha la tête comme un enfant sage, toujours avec ce regard mouvant et flou, et je sentis mon cœur se serrer. Même après l'attaque du passage Floriane, je ne l'avais jamais vu aussi vulnérable. Si je m'étais demandé un instant pourquoi on m'avait désigné, la réponse était évidente : j'étais le mieux placé pour retrouver les personnes qui l'avaient soigné la dernière fois, qui avaient son dossier, qui connaissait ses particularités. Il fallait les retrouver pour préserver son secret, c'étaient les seuls qui étaient dignes de confiance.
- Je l'accompagne, souffla Mustang.
- Non, Général, vous retournez au QG de surveillance de JEB. Secourir Angie n'est plus de notre ressort et nous avons une fusillade et un camion en fuite sous notre responsabilité. Falman est complètement dépassé par les événements, il a besoin de votre aide.
Il leva les yeux vers le Colonel avec un regard à faire détaler un lion, mais, je le devinai, Hawkeye, debout derrière moi resterait stoïque, parce qu'elle savait que ce qu'elle disait était la bonne chose à faire et qu'elle était comme ça. Malgré son expression assassine, ce fut lui qui céda la premier. Il se pencha vers notre blessée et souffla d'une voix basse, douce mais distante.
- Je reviendrai te voir dès que possible. Il faut qu'on parle.
À ses mots, Angie ferma les yeux et hocha la tête avec une expression crispée, comme si elle se retenait d'éclater en sanglots. Que s'était-il passé entre eux, je n'en savais rien, mais il était évident que je n'en apprendrais pas plus aujourd'hui. Mustang se leva avec une expression fermée. Mon regard tomba sur ses mains couvertes de bandages, teintés de rouge par des plaies qui ne voulaient pas cesser de saigner. Ce n'était sans doute qu'un aperçu de son état intérieur. Un instant, je me demandai dans quel état je me serais senti si une chose pareille était arrivée à Roxane par ma faute, et je me bénis de n'être rien de plus qu'un clampin peu influent.
- Bien. Hawkeye et les autres, restez enquêter, Havoc, vous me déposerez au pont du boulevard en allant à l'hôpital, je finirais en trolley, l'usine n'est pas très loin. Gardez la radio, on sait jamais, en cas de problème.
Hawkeye hocha la tête, tenant la radio.
- Breda, file-moi un coup de main, demandai-je.
Mon ami, encore sous le choc des événements et de sa prise de conscience, n'avait pas pipé un mot. Il hocha la tête, me jetant un regard perdu, et m'aida à soulever le brancard pour installer Angie sur la banquette arrière, avec toutes les précautions possibles, la regardant d'un air incrédule.
Ce n'était pas discret.
- Colonel, il me faudrait une paire de bras pour continuer à alimenter Angie en oxygène pendant le trajet… Breda peut venir avec moi ?
- Breda ? fit-elle en tournant vers moi un regard surpris, avant de voir l'expression du militaire bedonnant et de deviner la véritable raison de ma demande. Oui, faites ça.
- Merci.
- Falman ? Havoc et Breda s'occupent d'Angie, ils sont sur le point de partir, Ils déposeront le Général à l'arrêt de trolley le plus proche. Vous pouvez envoyer une voiture pour aller le chercher directement à l'arrêt Industries dans dix minutes. Si vous pouvez demander au QG de nous envoyer du renfort pour l'enquête, on est Hall 9, au fond du hangar. On aura besoin d'un appareil photo avec pied, d'éclairage supplémentaire, et de quoi relever les indices et empreintes. Transmettez l'information quand vous pouvez, le camion en fuite reste la priorité… Oui, elle est en vie. Mais c'était juste.
Je vis Hawkeye jeter un coup d'oeil vers nous en répondant à sa question. Je réalisai que je la laissai seule avec Hayles, du moins jusqu'à l'arrivée du renfort. et songeai avec un petit sourire qu'elles allaient sûrement avoir des choses à se dire. Au moins un élément positif dans cet enchaînement de catastrophes.
- Bon courage ! fis-je avant de claquer la porte et de manoeuvrer la voiture.
Hayles nous regarda partir avec un geste de la main, et après un dernier coup d'oeil, je roulai hors de ce hangar où j'avais vécu quelques unes des pires minutes de ma vie.
J'accélérai sur l'esplanade vide des docks, bien décidé à ne pas traîner. Entre la surveillance de l'usine et l'état inquiétant d'Angie, je n'étais pas tranquille. Je n'allais pas non plus foncer à tombeau ouvert, mais une appréhension sourde me tenaillait, la peur que son incapacité à nous voir cache quelque chose de plus grave. Mustang se retournait sans cesse, comme pour vérifier qu'elle ne s'était pas évaporée, et à l'arrière, Breda lui avait remis le masque à oxygène et surveillait son état pendant que je me concentrais sur la route.
Il ne fallut pas longtemps pour arriver au pont, et je me garai en double file le temps que Mustang descende de voiture avec une expression d'appréhension, puis je redémarrai tandis qu'il partait en courant vers le trolley qui arrivait. Après un coup d'oeil dans le rétro, je tournai à droite, m'engageant sur le pont.
- On ne va pas à l'hôpital de la gare ? s'étonna Breda. Il est plus proche…
- Non, on va à l'hôpital de la Croix Nivert. Hey, Ed c'était quoi le nom des infirmières qui s'étaient occupées de toi la dernière fois ? Il y avait le docteur Ross, Daisy, et… ?
- Jean ! pesta faiblement Angie à travers son masque.
- Ne cherche pas, Breda a compris.
- Euh, compris, c'est vite dit… souffla mon ami. Edward, c'est vraiment toi ?
- … Oui… céda-t-il à contrecoeur.
- Comment… depuis quand… Que… Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?!
- … Comment tu as… deviné ?
- Des cercles de transmutations tracé avec ton propre sang, c'est pratiquement ta signature, souffla le militaire en se renfonçant sur son siège.
- Roy… les a vus ?
- Non, répondis-je, sentant toute la fébrilité glissée dans sa question. Je les ai effacés avec ma manche dès que je m'en suis rendu compte. Bon, il reste quand même des traces, mais… pas assez pour reconnaître ce que tu as essayé de faire, je pense.
Ed poussa un soupir, soulagé, et je me concentrai de nouveau sur la route, me perdant un peu dans les ruelles tortueuses du quartier de l'horloge avant de retrouver les avenues bien orthogonales des alentours du QG. Derrière moi, le silence retomba, ce qui n'avait rien de rassurant. Est-ce qu'elle était en train de perdre conscience de nouveau ? Je tâchai de me concentrer sur la route, sachant que Breda était à ses côtés et la surveillait. Cette discussion me laissait une impression étrange, comme si, après avoir frôlé la mort, et maintenant qu'il était seul avec nous, Angie était soudainement pleinement redevenue Edward.
Je comprenais l'incrédulité de Breda, j'avais vu la même, des mois auparavant. Et j'avais dû vivre avec cette idée en étant conscient de ce fait à chaque instant passé avec Angie. Lui se prenait en pleine tête le choc et la rétrospective de tous les événements depuis notre première venue au Cabaret Bigarré.
- Mais… Edward… Tu es une fille ? souffla-t-il.
Il n'aurait sans doute jamais pensé en arriver à poser cette question. Malgré mes inquiétudes, je me sentis sourire devant l'absurdité de la situation.
- C'est… compliqué, murmura-t-il d'une voix qui avait retrouvé un peu de corps. Mais… techniquement, on peut dire ça.
- Mais, depuis quand… ?
- Depuis… août dernier… Quand j'ai… forcé l'entrée… du cinquième laboratoire, j'ai eu… un accident d'alchimie.
- C'est possible, ça ?
- J'en suis… la preuve vivante, soupira Edward d'une voix rauque.
- Mais du coup… avant, tu étais bien un homme ?
- Laisse-le respirer un peu, Breda, tu as vu comme il est amoché ? En plus, je suis jaloux, moi, quand j'ai découvert le pot-aux-roses, j'ai écopé d'une menace de mort, et toi, tu peux lui faire un interrogatoire détaillé ? !
À ce souvenir, Edward eut un rire qui se mua en toux, et Breda se pencha sur lui, inquiet. L'adolescent retrouva finalement son souffle et lança simplement :
- Dans mon état… je ne serais pas crédible… si je le menaçais de mort…
Son autodérision me rassurait un peu, même si sa voix était toujours aussi frêle et que l'on sentait qu'il luttait pour ne pas perdre connaissance. Heureusement que nous arrivions sur le parking des urgences. Il était temps que des professionnels s'occupent de lui. C'était déjà un miracle qu'il soit resté parmi nous. Bon, le miracle s'appelait Maïwenn Hayles et n'avait pas fini de recevoir de remerciements de la part de l'équipe. Je levai les yeux vers le feu rouge en soupirant. Ce trajet paraissait si long.
- Tu as une trace de sang sur la joue avec la marque du pouce de ton agresseur, annonça Breda d'une voix rassurante. Ne bouge pas, le temps que je la relève pour l'enquête, d'accord ?
- D'accord.
Le feu repassa au vert et je me garai juste devant la porte des urgences et sortis, tandis que Breda ouvrait la porte de son côté. Un infirmier en train de faire une pause cigarette se tourna vers nous, inquiet de voir arriver une camionnette de l'armée.
- On a une blessée. Elle a reçu des coups et a été crucifiée. Elle est restée inconsciente pendant une durée indéterminée, mais notre collègue a réussi à la réanimer. Elle a quand même besoin de soins, elle… ne voit plus, apparemment, expliquai-je en ouvrant la porte arrière. Si elle pouvait être prise en charge par des personnes qu'elle a déjà vue… Elle a déjà été soignée par le docteur Ross…
- On est aux urgences, et vu ce que vous me dites, il vaut mieux qu'elle soit examinée par le premier médecin disponible, fit l'homme en blouse blanche, nous aidant à sortir le brancard en l'évaluant du regard.
Nous entrâmes tous les deux tandis que Breda claquait la porte de la camionnette à la hâte, refermant derrière nous.
- Angie, c'était quoi, le nom des infirmières qui t'avaient prise en charge la dernière fois ? demandai-je, en suivant à pas vifs
- Daisy et Joyce.
- S'il vous plaît, c'est important, faites-les venir.
L'homme annonça notre arrivée à son collègue de l'accueil, posa l'avant du brancard sur une table roulante et se retourna vers moi.
- L'important, c'est qu'elle soit soignée, non ? Si vous voulez vraiment choisir le personnel médical, il faut aller chez un médecin traitant, et on n'a pas le temps pour ça. Je vous l'ai dit, on est au service d'urgences ici.
Je posai l'autre côté du brancard à mon tour et l'affrontai du regard. Si je le laissais faire, la couverture d'Edward risquait de sauter, et c'était quelque chose de tellement grave et risqué que je n'arrivais même pas à en imaginer toutes les retombées. Je ne comptais pas le laisser faire si facilement.
- Le docteur Greytan est disponible, annonça la standardiste. Je l'appelle.
- Non, répondis-je d'un ton buté.
- Vous vous fichez de moi ?
- Qu'est-ce qui se passe ? intervint une voix énergique.
Je tournai la tête vers celle qui venait de parler, une infirmière, grande, brune.
- Depuis quand on se dispute sur le lit d'un blessé au lieu de le soigner ? s'indigna-t-elle en s'approchant.
- Il réclame qu'elle soit soignée par le Docteur Ross, alors qu'il est occupé avec un patient, se défendit l'infirmier, qui n'en menait néanmoins pas large.
- Vous avez conscience que ce n'est pas parce que vous faites partie de l'armée que vous avez tous les passe-droit ? Imaginez le chaos que ce serait si…
Je regardai avec attention la femme qui s'adressait à moi, les sourcils froncés, et eus le sentiment de la reconnaître.
- Vous êtes bien Joyce ?
- … Vous connaissez mon prénom ? fit-elle en fronçant les sourcils.
- On s'est déjà vus, quand je l'ai amenée la dernière fois. Elle a été soignée par le Docteur Ross, Daisy et vous.
- Je ne vois pas qui… commença-t-elle avant de baisser les yeux vers Angie et de se figer.
Elle resta un instant stupéfaite, puis attrapa ses deux poignets, comme pour prendre son pouls. Angie rouvrit les yeux en sursaut à ce contact, ses grands yeux dorés si peu courants, et Joyce resta la bouche bée.
Puis elle releva les yeux vers moi et articula "Floriane" sans prononcer le mot, pour ne pas être entendue de son collègue.
Je hochai la tête en guise de réponse. Elle avait compris. Elle l'avait reconnue.
- Cornel, prévenez le Docteur Ross de venir aussi vite que possible.
- Je… quoi ?!
- Vous m'avez bien entendu. Je la prends en charge dès maintenant pour les premiers examens, mais je le veux sur le pont dès qu'il est disponible pour un diagnostic complet ! Dites-lui que c'est un cas de force majeure.
L'infirmier en resta comme deux ronds de flanc, outré qu'on lui donne tort, jusqu'à ce que son regard courroucé le sorte de sa stupéfaction et qu'il parte en courant. Joyce se pencha sur Angie.
- Ne t'inquiète pas, ton secret sera préservé, chuchota-t-elle. Sous quel nom je remplis ton dossier pour aujourd'hui ?
- Bérangère Ladeuil, répondit-t-elle dans un souffle.
- Je vais prendre les choses en main, ne vous inquiétez pas. Venez avec moi.
- Havoc, m'interpella Breda. Je vais peut-être vous laisser, et rejoindre Mustang… tu as l'air d'avoir la situation en main, je ne suis plus très utile ici, et… je m'inquiète pour lui.
- Je te comprends. Vas-y.
Je hochai la tête, et il repartit vers l'entrée, tandis que je suivais Joyce qui avait empoigné le brancard pour le pousser dans le couloir, poussant un soupir soulagé. Angie était aussi en sécurité qu'on pouvait l'espérer à l'heure actuelle.
- Allô ? C'est Havoc, je viens vous donner des nouvelles, si les autres ne l'ont pas fait.
-Vous avez retrouvé Angie ?! s'exclama la voix nouée d'Andy à l'autre bout du fil.
Il était vingt heures passées, cela faisait plus de deux heures qu'elle avait disparu, deux heures qu'ils attendaient d'avoir de ses nouvelles. J'avais honte de les avoir laissés dans l'incertitude, mais je n'avais pas su penser à autre chose que la retrouver et la soigner.
- Oui… on l'a retrouvée.
- Comment elle va ?
- Elle va… bien. À peu près bien, bredouillai-je.
J'entendis un immense soupir à l'autre bout du fil.
- Ils l'ont retrouvée, elle est en vie !
- Je suis à l'hôpital, là, je sors de la consultation. J'étais resté pour leur dire tout ce que je savais sur les événements. Elle a été bien amochée… ils l'ont assommée, rouée de coups, et crucifiée. Elle a perdu conscience et elle… a fait un arrêt cardiaque, mais Hayles a réussi à la réanimer, et… Bref, vu tout ce qu'elle a subit aujourd'hui, elle s'en sort bien… des plaies et contusions pour l'essentiel, et… un problème plus grave.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il d'une voix grave.
- Une cécité cérébrale post-traumatique, répondis-je avec application, utilisant un vocabulaire qui n'était pas le mien. Elle s'est fait assommer lors de l'enlèvement, et du coup, elle a une commotion qui a… merde, je ne sais plus comment expliquer ça, avouai-je en bredouillant. Je suis pas médecin. Mais en gros, elle ne voit plus grand chose, à part des zones plus claires et plus sombres, et les mouvements.
- Quoi ?! Tu veux dire qu'elle… elle est devenue aveugle ? souffla Andy.
- Ce n'est pas forcément définitif… apparemment, il est possible que ça se résorbe si c'est juste du sang ou un petit œdème, mais… pour l'instant, on n'est sûr de rien. Même si le médecin a été plutôt rassurant, on n'a pas d'autre choix que d'attendre pour voir comment ça évolue.
- Merde… Elle le prend comment ?
- Honnêtement, là, Elle est encore sous le choc et confuse, et surtout épuisée… Il faudra qu'on l'interroge pour enquêter sur son enlèvement, mais pour l'instant, il faut déjà qu'elle se repose et qu'elle retrouve ses esprits… Moralement, ça a l'air d'aller… mais je ne sais pas si elle réalise complètement les conséquences pour l'instant. Il faut dire, quand on voit ce à quoi elle a échappé…
- J'espère vraiment que ses blessures seront réversibles.
- Moi aussi, oui.
Il y eut un silence pesant. Je n'avais pas grand-chose en commun avec Andy, mais son inquiétude était sincère, et cela suffisait à le comprendre.
- Je vais pas tarder, je dois appeler les autres pour les tenir au courant. Merci de nous avoir aidés à la retrouver en tout cas.
- Comme si on pouvait faire autrement ! C'était la moindre des choses. On pourra lui rendre visite ?
- Je vous en dirai plus demain, pour l'instant on va la laisser tranquille, soupirai-je.
- Oui, il faut qu'elle se remette. Et… vous savez qui a fait ça ?
Je restai hésitant, tandis que l'immense chouettes blanche peinte sur le mur s'imposait à mon esprit. Si je savais qui avait fait ça, je serais à deux doigts d'aller chez lui pour lui tirer une balle dans la tête… Mais Harfang restait un nom sans visage, une ombre insaisissable…
- On soupçonne la personne sur laquelle on enquête actuellement, mais on n'a pas encore trouvé sa véritable identité.
- J'espère que vous allez le coffrer et lui faire la peau, souffla le danseur.
Je sentis dans ses mots une rage froide qui faisait écho à la mienne. Maintenant que la peur refluait, restait l'envie de venger Angie. Si Harfang avait fait ça pour détourner l'attention de l'usine JEB, il allait le payer très cher. Il avait touché de trop près à Mustang, celui-ci allait remuer ciel et terre pour le retrouver et s'occuper personnellement de son cas… Et je l'aiderais par tous les moyens possibles.
- On y compte bien.
