Nouveau lundi, nouveau chapitre ! J'ai pas réussi à attendre 18 h ^^° Ma fin de chapitre était un peu traître la dernière fois... mais d'un autre côté, vous devez commencer à avoir l'habitude, avec moi, non ?

J'allais dire "j'ai pas grand-chose à dire cette fois-ci" mais oubliez ça, parce que BRAS DE FER A ATTEINT LES 400 REVIEWS ! C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi c'est un beau symbole, et ça me rappelle que si j'arrive à continuer à dérouler le fil de cette immense histoire, c'est parce que vous êtes fidèles au rendez-vous, chapitre après chapitre mois après mois, depuis plusieurs années pour certains parmi vous... Donc, j'ai envie de fêter ça avec vous et de vous dire un grand, GRAND MERCI ! ^^

Ah, et (ça n'a pas grand-chose à voir) il y aura bientôt des défis BD en temps limité : les 12 h de la BD le samedi 20 novembre, et les 23 h de la BD le weekend suivant. Si je suis inspirée par le thème, et suffisamment en forme, je participerai peut-être . Comme ça, ça me donnera l'occasion de me remettre au dessin avec une histoire courte. Si je le fais, je le dirai sur les réseaux sociaux et je posterai le résultat sur le site de Mangadraft !

Sur ce, je me tais et vous souhaite une bonne lecture ! ^^


Chapitre 77 : La débâcle — 2 (Riza)

— On l'a vue nulle part, s'exclama Natacha en dévalant les escaliers

— Attendez, vous croyez qu'elle s'est fait enlever ? s'étrangla Roxane.

— Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais c'est clairement inquiétant qu'on ne la retrouve pas.

— Mais quand même, enlevée à l'intérieur même du Cabaret, on s'en serait rendu compte s'il y avait eu une effraction. On était ensemble dans la cuisine, vers sept heures du matin, et après, elle a dit qu'elle allait dans sa chambre… On l'aurait entendu si elle s'était fait agresser, non ? Il y aurait eu des traces, du bruit, quelque chose ! Non ? demanda Lily-Rose avec un trémolo de panique dans la voix.

Je me faisais à peu près la même réflexion, réfléchissant intensément et essayant de retrouver une logique à la situation. Il n'aurait pas été impossible d'enlever quelqu'un discrètement, en usant d'alchimie et en assommant la personne pour la faire taire. Mais je doutais qu'Angie se fasse avoir deux fois de suite. Et les Homonculus n'étaient pas vraiment un trésor de délicatesse. Bien sûr, sa disparition juste après celle de son frère et Winry avait de quoi inquiéter, mais il aurait fallu plus de discrétion de la part des Homonculus que ce à quoi ils nous avaient habitués. Malgré tout, son absence m'inquiétait terriblement.

— Ou alors, elle est partie quelque part de son plein gré ? suggéra Roxane.

— Ça ne me rassure pas vraiment, soupira Havoc.

— Pourquoi elle aurait fait ça ? demanda Clara. À sa place, je n'aurais pas envie de sortir seule après ce qui lui est arrivé…

— Dites… demandai-je à Lily-Rose. Elle a bien lu le journal avant de quitter la pièce en disant qu'elle allait dans sa chambre ?

— Elle a juste dit « Je remonte. », elle n'a pas précisé, mais en général, quand on dit ça c'est qu'on va dans nos chambres.

— Je peux voir le journal ? demandai-je en tendant la main.

La costumière me le tendit et je le posai sur la table pour le feuilleter, parcourant les pages d'un œil rapide pour chercher une information bien précise. Les gendarmes avaient dû batailler avec les badauds, alors…

Là!

Je me penchai sur un modeste encart parmi les faits divers qui confirmait mes craintes.

«Double meurtre et disparition dans le quartier nord.

Les sergents Gordon et Flint, militaires en mission à Central, ont été retrouvés morts cette nuit dans la rue des charrues. Les habitants ont rapporté qu'ils avaient entendu des bruits de lutte et des coups de feu. L'entrée de la boucherie au rez-de-chaussée de l'immeuble a été forcée et contient des traces de luttes. Les deux personnes qu'ils avaient sous leur garde, Alphonse Elric (frère du Fullmetal Alchemist, toujours recherché par l'armée) et Winry Rockbell, sont portées disparues. »

Ce n'était que quelques lignes en petits caractères, glissées entre d'autres faits divers, et n'importe qui d'autre serait passé dessus sans attention particulière… mais Edward avait dû imploser en lisant ces mots.

Je repliai le journal en 4 sur la demi-page où était inscrit l'encart et le tendis à Havoc qui comprit aussitôt. Roxane, elle blêmit avec un temps de retard.

— Comment ils ont fait ? lâcha le militaire incrédule.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Aïna.

— Le journal parle d'un événement qui a eu lieu dans la nuit… Comment c'est possible qu'ils soient informés plus vite que l'armée ?

— Il y a toujourrrs des pigistes à l'affut d'affairrres crroustillantes, commenta la rouquine, peu étonnée. Ils ont dû ajouter l'encarrrt aux faits diverrs juste avant de lancer les rrrotatives…

— On n'a pas le temps pour ce genre de questions, coupai-je d'un ton sec. Il faut que je voie la chambre d'Angie.

Cette fois-ci, Neil ne chercha pas à me contredire, et après avoir ordonné à Black Hayatte de rester ici je montai d'un pas vif les escaliers, menée par Roxane qui poussa la porte, me laissant entrer.

La pièce était meublée à l'ancienne, avec une grande armoire restée ouverte et un lit à baldaquin dont les draps avaient été jetés par terre. Je parcourais la pièce du regard, entre livres empilés, linge sale, notes et journaux épars.

— Quel chaos…

— Ça, ça n'est pas inhabituel, commenta Roxane.

Je commençai à fouiller les lieux, mon cerveau tournant à plein régime. Edward savait que son frère et Winry avaient disparu, et l'idée avait dû le mettre dans tous ses états. Mais dans ce cas, il aurait dû nous contacter, Mustang et moi. Enfin, non, pas Mustang, vu tout ce tout qui s'était passé, mais moi… Pourquoi ne m'avait-il pas appelée ?

Ne me dites pas qu'il m'en veut à ce point de n'avoir rien dit à propos de la mort des parents de Winry… ce serait d'une stupidité sans nom de sa part.

Je fronçai les sourcils, rageant de me dire que c'était stupide, mais probable. Après tout, il restait un gamin, impulsif et colérique, et s'attaquer à son frère était la pire chose imaginable. Pour autant, je ne l'imaginais pas partir en coup de vent affronter les Homonculus seul. Quelle que puisse être sa rage, il savait qu'il ne ferait pas le poids. De toute façon, il n'aurait même pas su où aller.

Ou savait-il quelque chose que j'ignorais ?

— À quelle heure l'avez-vous vu pour la dernière fois ? demandai-je encore une fois à Lily-Rose qui nous avait suivis et fouillait à nos côtés.

— Je dirai sept heures et quart…

— C'est tôt… il a eu le temps de se passer beaucoup de choses depuis.

Je me figeai, me souvenant d'un détail auquel j'aurai dû accorder plus d'attention tout à l'heure. Wolf nous avait parlé d'une militaire qui voulait entrer sur la scène de crime. Sur le coup, je n'y avais pas vraiment réfléchi, mais…

Je me redressai.

— Continuez à fouiller. Il faudrait que je vérifie quelque chose. Où est la chambre de Hayles ?

Lily Rose me regarda avec perplexité, mais accepta de m'y mener. Je négligeai le désordre ambiant pour ouvrir l'armoire en grand. On y trouvait quelques robes, davantage de vestes et manteaux, mais c'était ce qui manquait qui m'intéressait.

— Combien d'uniformes a-t-elle ? demandai-je en fouillant les tiroirs.

— Elle en a trois… C'est la norme, non ?

— Tout à fait. Alors, en admettant qu'elle en ai un sur le dos et que le second soit au sale… Où est le troisième ?

— … Vous croyez qu'Angie aurait pu faire une chose pareille ?

— Rien n'est à exclure.

— Je vais vérifier à la buanderie.

— Je retourne dans la chambre d'Angie.

La costumière disparut dans l'escalier avec un froissement de volants et de châles, tandis que je retournai vers la chambre d'Angie à pas vif. Le couloir de l'étage était ouvert par une série d'arches qui laissaient passer les courants d'air et la lumière de la coupole éclairant les tentures protégeant la grande salle en contrebas, et j'aurais pu admirer le tout si je n'étais pas en train d'empiler les suppositions désagréables.

Alphonse et Winry avaient été attaqués par les Homonculus, et on ne pouvait actuellement pas savoir s'ils avaient réussi à leur échapper ou non. Angie avait disparu après avoir appris leur disparition, et je la soupçonnais d'avoir décidé d'enquêter seule, quitte à voler un des uniformes de Hayles. Pourquoi ? Dans quel but ? Quelque chose m'échappait dans sa décision, comme si elle savait quelque chose que j'ignorais. S'il était agit d'un ennemi normal, je pouvais encore l'imaginer décider de foncer tête baissée, mais contre les Homonculus… Non ça serait suicidaire.

— Hawkeye ! s'exclama Havoc en se retrouvant nez à nez avec moi sur le seuil de la chambre d'Angie. On a trouvé ça dans ses affaires !

À ces mots il me tendit une enveloppe de petite taille. Je baissai les yeux et l'ouvris, y trouvant un papier à encart de l'armée et… une boucle d'oreille qui tomba lourdement dans la paume de ma main. Je la regardais, abasourdie.

— Qu'est-ce qu'elle fait là ? Elle devait être sous clé, dans notre bureau !

— Je pense que c'est la deuxième, annonça Roxane d'une voix lugubre. Quelqu'un a dû lui rendre la boucle d'oreille qu'on lui avait arrachée le jour de l'enlèvement, je ne sais pas quand, mais…

— Comment est-ce que c'est possible ? demandai-je en regardant la carte, fronçant les sourcils.

«En vous remerciant de votre aide dans la résolution de l'enquête, et en vous souhaitant un bon rétablissement.»

C'était deux lignes dactylographiées sur un papier à en-tête de l'armée. L'ensemble était impersonnel, anonyme, et pourtant, j'y reconnus immédiatement la patte de notre ennemi.

— Il y a quelque chose auquel j'ai repensé. Vendredi dernier, quand on était venus au QG… fit Roxane. Quand on est reparties, j'avais discuté avec elle, lui racontant que Jean m'avait expliqué comment et travaillé et montré les preuves.

— Havoc, vous avez montré les preuves à une civile ?! m'indignai-je.

— Colonel, écoutez ce qu'elle a à dire avant de me passer un savon.

— Quand je lui ai dit qu'il m'avait montré la boucle d'oreille qu'elle avait au moment de l'enlèvement, elle a fait demi-tour avec un air très sérieux. Elle voulait vous parler.

— De ça ? demandai-je d'un ton sec, levant le bijou que je tenais entre le pouce et l'index. Ça aurait été la moindre des choses.

— Ne me regardez pas comme ça, je n'étais pas au courant, moi ! s'indigna la rouquine en voyant mon regard. Si j'avais su, je vous aurai aussitôt prévenus.

— Le fait est qu'elle ne nous a rien dit.

— Le fait est que la situation ne s'y prêtait vraiment pas, vous vous souvenez ?

Roxane me fixait de ses yeux bleu-vert, les sourcils courbés par une colère protectrice. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle se rebiffe comme ça et prenne la défense d'Angie qui était pourtant en train d'enchaîner les pires décisions. Pourtant, je le savais, l'arrivée tapageuse de Winry et la révélation qui s'en était suivie avaient été un choc pour tout le monde. En vérité, il s'était passé tellement de choses ces derniers temps qu'un oubli n'aurait pas été étonnant… Même si je m'attendais à mieux de la part d'Edward.

— Je suis désolée de vous répondre sèchement, et je me doute que vous vous inquiétez au moins autant que moi pour elle. Mais si on veut la retrouver, il faut la comprendre.

Je hochai la tête, un peu étourdie par ce mélange de choc, de colère et d'horreur. Je n'avais pas l'habitude d'être dépassée à ce point par la situation.

Mais il ne fallait pas se laisser abattre pour autant.

— Je crains qu'elle ait volé un uniforme à Hayles.

— Quoi ?!

— Tout à l'heure, sur la scène du crime, l'un des gendarmes a dit qu'une militaire avait insisté pour voir la scène de crime, mais qu'ils n'avaient pas accepté faute de grade.

— Vous pensez que c'était elle ?

— D'après vous, qu'est-ce que vous auriez fait à sa place ?

— Je vous aurai appelée, répondit Havoc.

— Non, elle avait trop de rancune envers vous et Mustang, commenta Roxane. Elle aura voulu en savoir plus par elle-même. Elle doit être dans un tel état de rage que protéger son identité doit être le cadet de ses soucis.

— Elle se met en danger en faisant ça, elle nous met tous en danger. Il faut qu'on la retrouve au plus vite !

— Oui !

— Cette lettre. Depuis quand elle l'a ?

— Je ne sais pas.

— Havoc, Roxane, continuez à fouiller au cas où on trouverait un autre indice. Je vais demander aux autres s'ils ont vu passer cette lettre, ça nous permettra d'en savoir plus à son sujet. Après ça, j'appellerai Mustang pour savoir où il en est du côté de la scène de crime.

— À vos ordres ! répondit Havoc.

Roxane hocha la tête et je repartis dans le couloir pour descendre dans la pièce principale. J'y retrouvai Lily-Rose qui confirma mes craintes en m'annonçant qu'elle n'avait retrouvé qu'un de ses uniformes dans la buanderie et je levai bien haut l'enveloppe beige que je tenais à la main.

— On a retrouvé cette lettre dans sa chambre, qui a sans doute un lien avec sa disparition. Est-ce que quelqu'un saurait quand et comment elle l'a eue ?

— Moi, ça me dit quelque chose, fit Aïna en levant la main.

Je m'approchai à pas vifs et la lui montrai pour qu'elle la voie de plus près.

— Oui, c'est ça… ça date de la soirrrée du dimanche 21, quand on a fêté son rretourrr. Un militairrre est passé à l'entrrrée et l'a déposée.

— Un militaire ? À quoi il ressemblait ? demandai-je à brûle-pourpoint.

Aïna haussa les épaules avec un air désolé.

— Je ne saurrrais pas vous dire, il était… moyen. Ni grrrand ni petit, cheveux brrruns, pas de signe parrrticulier…

Je me mis à réfléchir à toute vitesse, comme si j'étais emporté par un vélo en pleine descente, effrayé de ne pas pouvoir freiner. L'arrestation de Greenhouse avait eu lieu le 19. Et même si j'avais envie d'espérer le contraire, plus j'y pensais, plus ça faisait sens. Ces affaires que l'on n'arrivait pas à faire remonter à Greenhouse alors que nous avions accès à toutes ses possessions. Le sentiment confus que quelque chose ne collait pas durant les interrogatoires. Le manque d'intérêt qu'il manifestait à l'égard d'Angie.

Je restai foudroyé par cette crise de conscience, cette évidence brutale et vertigineuse.

Greenhouse n'était pas le véritable Harfang. D'une manière ou d'une autre, l'homme qui se cachait derrière l'emblème d'une chouette blanche était parvenu à nous berner, à faire baisser notre garde en croyant avoir conclu l'affaire. Greenhouse était un bouc émissaire parfait, et nous étions tellement heureux d'avoir trouvé un coupable que nous avions cru ce que nous voulions croire.

Je n'avais jamais vécu d'arnaque d'une telle ampleur, mais maintenant que j'avais cette certitude, elle me frappait comme une évidence. C'était cela qui m'avait mise mal à l'aise durant mes interrogatoires : ce sentiment de décalage, l'intuition confuse que la personne qui se tenait devant nous n'avait pas l'intelligence et l'habileté d'échapper aussi systématiquement à l'ennemi.

J'aurais dû me fier à mes intuitions.

— Havoc, on va au QG, tout de suite. Ah, il faut qu'on prévienne Mustang, soufflai-je, me figeant à quelques pas de la porte.

Je fis signe à Roxane d'approcher pour lui demander à mi-voix en lui tenant un coin de feuille avec un numéro.

— Vous pourrez appeler à la boucherie Andrews, rue des charrues ?

— Oui, qui dois-je contacter ?

— Mustang et son équipe y sont présents dans le cadre d'une enquête… Prévenez-les qu'on a plus urgent que cette affaire.

— Le prévenir de… la disparition d'Angie ? La lettre ?

— Oui. On s'est fait balader. Le véritable Harfang est toujours en liberté.

— QUOI ?! s'étrangla Havoc. Comment vous pouvez en être aussi sûre ?

Je fronçais les sourcils. Son exclamation avait attiré l'attention des autres qui allaient être tentés de poser des questions dangereuses pour la couverture d'Angie.

— À cause de cette lettre, et pour beaucoup d'autres raisons. Mais on a un autre problème.

Je pris une grande inspiration.

— Roxane, vous disiez qu'il fallait que je me mette à la place d'Angie pour la retrouver, alors voilà ce que je pense : si elle a disparu, c'est parce qu'elle l'a compris aussi que Greenhouse n'était pas le véritable Harfang, et elle a décidé de le débusquer par ses propres moyens.

— QUOI ?! Mais c'est du suicide !

— Oui, répondis-je sèchement. C'est pour ça qu'il faut qu'on la retrouve avant qu'elle n'y arrive.


Le trolley avait eu la délicatesse d'arriver juste à temps pour qu'on puisse s'y engouffrer et faire le trajet jusqu'au QG en reprenant notre souffle, Havoc et moi. Son regard brillait de panique tandis qu'il se laissait tomber sur le siège à côté de moi, et même Black Hayatte qui se tortillait entre nous avait senti ma nervosité. Je lui caressai la tête, lui soufflant d'arrêter de bouger, ce qu'il fit au bout de quelques instants.

— Vous l'avez vraiment bien dressé, commenta Havoc.

— À la dure.

Il me jeta un coup d'œil, pas dupe. J'avais beau être sévère, il devait deviner à quel point j'étais attachée à Black Hayatte. Je n'avais pas envie d'en parler et ce n'était de toute façon pas le moment.

— Bon, profitons de ces quelques minutes de répit pour faire le point. Qu'est-ce qu'on sait ?

— Si je résume. Al et Winry ont été attaqué par on sait qui, on ne sait pas s'ils ont réussi à s'évader ou non. S'ils sont captifs, la couverture d'Angie est en grand danger.

— Angie a reçu la boucle d'oreille le 21, soit deux jours après l'arrestation de Greenhouse. Elle a dû croire que c'était de la part de Mustang, ou quelque chose comme ça. Ce n'est que le 25, quand elle est venue au QG, qu'elle a compris que ce n'était pas la boucle d'oreille retrouvée par les militaires, mais l'autre. On est sûrs qu'elle n'a pas été volée puisque vous l'avez vu bien après la réception.

— Donc, Harfang a décidé de lui faire savoir qu'il était toujours libre ? Je ne comprends pas, il se compromettait en faisant ça.

— Je pense qu'il était convaincu qu'Angie ne nous en parlerait pas. D'ailleurs, elle ne nous l'a pas dit.

— Tout de même, c'est risqué. Qu'est-ce qu'il comptait y gagner ?

— Angie est un pion sur l'échiquier. S'attaquer à elle, c'est s'attaquer à Mustang. Imaginez, pour une personne aussi manipulatrice qu'Harfang, avoir le pouvoir de manière durable sur un Général plein d'avenir.

— Mais il n'avait pas prévu que Mustang rejette Angie.

— Et il n'avait pas prévu que sa famille se fasse attaquer. Et c'est là que les choses se corsent.

— Oui.

Le trolley désert s'arrêta et nous descendîmes tous les trois sur l'esplanade menant au QG. Le temps était sinistre, les nuages d'un gris lourd écrasant la place couverte de neige sale et à moitié fondue.

— Elle est sans doute convaincue que c'est lui qui est derrière tout ça et la connaissant, elle sera prête à tout risquer pour sauver Al et Winry. Si elle avait pu voir la scène de crime de ses yeux et les traces de combat, elle aurait su que c'était les Homonculus, mais…

— L'inspecteur Wolf lui a interdit l'entrée et elle a dû se contenter des rumeurs et de ce qu'elle a entrevu depuis l'extérieur de la boutique.

— Mais comment espère-t-elle trouver seule l'identité d'un ennemi que l'on traque en vain depuis des mois ?

— J'ai une hypothèse, mais elle n'est vraiment, vraiment pas plaisante.

Je saluai machinalement le militaire à l'accueil qui bâillait d'ennui. Il se redressa en voyant Black Hayatte sur mes talons, mais renonça à faire la morale au Colonel que j'étais devenue et nous laissa passer sans insister. Être gradé avait du bon, mais son laxiste me confortait dans mes craintes. Les couloirs étaient pratiquement déserts en ce dimanche matin, à part quelques standardistes et des travailleurs acharnés, tout le monde était en congé. En temps normal, j'en aurais fait autant, mais là, ce contexte ne nous arrangeait pas du tout.

— C'est quoi, votre hypothèse déplaisante ? insista Havoc qui courait presque à mes côtés.

— … Ça.

Il se figea en voyant la porte que je désignai, fronçant les sourcils. Ce n'est que quand elle s'ouvrit sans résistance qu'il réalisa qu'elle était restée entrebâillée. Il ouvrit alors une bouche horrifiée.

— Bordel de merde.

— Alchimie, soufflai-je en me penchant sur la poignée, reconnaissant les aberrations que Mustang m'avait montrées tout à l'heure, bien plus petites que celles présentes sur les lieux du combat.

— Il a complètement déconné, là…

J'entrai dans la pièce pour voir l'ampleur des dégâts. Certains dossiers avaient été tirés de leur pile, les tiroirs et portes ouvertes, mais le chaos restait moins grand que ce qu'on aurait pu prédire connaissant l'adolescent.

— Il a forcé les tiroirs et les armoires… constata-t-il, la mine défaite.

— Quand on en est à voler un uniforme et rentrer par effraction dans un bureau du QG, forcer des tiroirs et fouiller des dossiers confidentiels devient un détail, fis-je remarquer en poussant la porte ouverte du bureau de Mustang, espérant malgré moi y retrouver la silhouette de l'adolescent assis au milieu de la mer de documents.

Malheureusement, notre catastrophe ambulante était déjà repartie. Où ? C'était à nous de le découvrir. Je le savais, c'était ici que se trouvaient les informations essentielles à l'enquête. Seulement… la pièce était tout sauf rangée à la base, et si Mustang avait été pris de folie avec son organisation peu orthodoxe, le passage d'Edward n'avait rien arrangé.

— On est censé savoir ou il est passé à partir de… ça ? lâcha Havoc d'une voix hachée.

— Oui, soupirai-je. Et je ne sais pas comment.

— Oh bon sang, pour une fois que personne ne l'attaquait, ce petit con se met tout seul en danger de mort…

— Gardons la tête froide, dis-je en me penchant sur les documents. Ce matin, Angie était au Cabaret, en train de prendre son petit déjeuner. Elle est remontée aux environs de 7 heures 15. Le temps de se préparer et de partir, on peut supposer qu'elle a dû quitter les lieux à 7 heures 30. Puis, le temps du trajet entre le Cabaret et la scène de crime, puis jusqu'au QG… elle a dû arriver ici, au plus tôt, à 8 h 15, plus probablement vers 8 h 30. Quelle heure est-il ?

— Il est 10 heures 53.

— Comment a-t-elle fait pour comprendre ? murmurai-je en regardant les amas de papier de la pièce.

— Attendez, vous croyez qu'elle a trouvé le coupable en moins de 2 heures 30 ?!

Je hochai la tête, ne l'écoutant déjà plus que d'une oreille.

— Est-ce qu'on est débiles à ce point pour qu'un gamin résolve en si peu de temps une affaire qui nous a occupés des mois entiers ? se lamenta Havoc.

— Si vous n'avez rien de mieux à faire que geindre, taisez-vous et laissez-moi me concentrer, répondis-je sèchement.

L'organisation de Mustang n'avait aucun sens à mes yeux, et si je parvenais à y retrouver les documents, c'était par habitude et pas parce que j'en détectais la structure. Malgré tout, je plongeai de plain-pied dans les dossiers, essayant de trouver instinctivement quoi chercher, comment Edward aurait trouvé la vérité le plus rapidement possible. Mais je ne fonctionnais pas comme ça, et deux heures, c'était moins que le temps qu'il m'aurait fallu seulement pour redonner une logique à ces dossiers et photos éparpillés.

Tout ce qu'il me restait, c'était de fouiller au hasard, dans la pièce et dans ma mémoire, pour me remémorer des indices qui permettraient, parmi les candidats potentiels, de déterminer qui était le véritable Harfang.

À ce moment-là une cavalcade résonna dans le couloir, et le reste de l'équipe déboula bruyamment dans le bureau.

— On a fait aussi vite qu'on a pu après que Roxane nous ai prévenus. Ça fait longtemps que vous êtes là ?

— Quelques minutes, annonça Havoc.

— Vous avez laissé la porte ouverte, commenta Breda.

— Elle a été forcée, répondis-je sans lever les yeux d'un des dossiers à la surface de la pile de désordre.

— … Edward… souffla Mustang.

Je levai la tête en ouvrant des yeux ronds et vis qu'il fixait la serrure avec une expression à la fois sérieuse et bouleversée.

— Quoi ? Vous pensez que le Fullmetal est entré au QG ?! s'exclama Falman. Alors qu'il est recherché par l'armée en plus… ?

— Il en est capable, surtout un dimanche, avec un gardien tellement laxiste qu'il a laissé entrer Black Hayatte sans tiquer, commentai-je d'un ton acide.

En effet, Black Hayatte nous avait suivis jusque dans le bureau et se tenait au milieu de la pièce, à la fois nerveux et content d'avoir autant de compagnie. Fuery lui flatta l'encolure d'un geste affectueux, mais son visage restait préoccupé.

Je réfléchissais à toute vitesse. J'aurais voulu garder l'information secrète, mais Mustang avait été trop vif et lui mentir diminuait nos chances de retrouver l'adolescent avant qu'il ne soit trop tard. Seulement… Dans son empressement, il n'avait fait aucun effort pour démêler Edward d'Angie, au risque que d'autres comprennent sa double identité. La disparition d'Alphonse et Winry l'avait trop bouleversé pour qu'il se préoccupe de ça, mais moi qui venais derrière, j'étais la seule qui pouvait limiter les dégâts. Devais-je jouer cartes sur table dans l'urgence ou laisser une chance à son secret d'être préservé ? Il en allait de sa vie. D'un autre côté, la révélation risquait de bouleverser Mustang au pire moment possible et nous avions besoin de rester concentrés.

— Qu'est-ce qui l'a poussé à venir faire une chose pareille ? souffla-t-il dans un mélange de colère et d'angoisse.

— L'attaque d'Al et Winry, répondis-je. Il pense que le véritable Harfang est encore en liberté et que c'est lui qui les attaqués.

— Pourquoi il ferait ça ? Et comment est-il au courant de l'affaire Harfang ? Ne me dites pas que vous avez raconté toute l'enquête, ou je vais avoir envie de vous étriper, pesta-t-il en entrant dans son bureau.

— Hawkeye est en contact avec Edward ? s'étonna Fuery en ouvrant de grands yeux.

— Quoi ?! s'étrangla Falman.

Les autres ne dirent rien, tandis que j'affrontai le regard furieux de mon supérieur qui devait s'inquiéter autant pour Angie que pour Edward.

— Ce n'est pas la question à laquelle on doit répondre maintenant, corrigeai-je. La vraie urgence, c'est celle-ci : si Greenhouse n'est pas le véritable Harfang, qui est-ce ? Et surtout, comment Edward a pu retrouver son identité ?

— Et Angie ? Vous savez où elle est ? demanda le grand brun, ses yeux noirs abritant une tempête d'inquiétude et de colère.

— Les deux sont liés, répondis-je sobrement. La priorité, c'est d'identifier Harfang.

J'avais la gorge nouée. S'il comprenait avec ça, j'allais essuyer une explosion de colère, devant toute l'équipe et Hayles. Je ne pouvais décemment pas donner plus d'explications devant les autres. Il me fixa d'un œil noir pendant une ou deux secondes, mais détourna les yeux et s'accroupit pour fouiller et trier les dossiers à gestes vifs, le visage tendu.

— Identifier Harfang, hein ?

Je le regardai prendre les papiers et les poser vivement en piles, en jetant certains derrière lui sans la moindre considération, furetant dans la pièce en déplaçant tout de manière beaucoup trop rapide et beaucoup trop illogique à mon sens. Mais à son regard, je voyais qu'il était plus concentré que jamais et personne n'osa l'interrompre.

Une pensée étrange et rassurante me vint.

Si quelqu'un dans cette pièce peut comprendre ce qu'Edward a compris, c'est lui.

Peut-être était-ce un truc d'alchimiste, que leur cerveau était construit différemment du reste de l'humanité, mais… Si Edward avait pu retrouver quoi que ce soit dans ce capharnaüm, c'était peut-être parce qu'ils avaient la même logique.

Je décidai de lui faire confiance, ayant moi-même assez à penser avec le dilemme que je devais résoudre, et refermai la porte derrière lui.

— Colonel… qu'est-ce qu'on fait ? demanda Havoc, les bras ballants.

— Chut. J'y réfléchis, fis-je sèchement.

— Est-ce qu'on doit appeler des unités de renfort ? demanda Falman. Parce qu'un dimanche, ça risque de prendre du temps d'avoir des hommes opérationnels, il faut se décider rapidement.

— Vous voulez aller appeler des militaires pour secourir une personne recherchée par l'armée ?

Falman grimaça, et Hayles se tourna vers nous.

— Vous allez le couvrir ? souffla-t-elle, stupéfaite.

— Bien sûr qu'on va le couvrir, c'est un gosse, répondit Havoc.

— Mais il a désobéi à King Bradley… et il vient d'entrer par effraction dans le QG…

— Parce qu'il espère sauver son frère et son amie d'enfance, coupai-je.

— Mais…

— On ne peut pas se permettre de demander d'aide hors de notre équipe, pas pour la première vague du moins. Par contre, on va avoir besoin d'équipement. Breda, Falman, allez au magasin retirer des armes supplémentaires, des munitions et des gilets pare-balles pour toute l'équipe.

— Bien Colonel !

— Hawkeye, expliquez-moi ce qui se passe ! insista Hayles avec une panique teintée de colère.

Je pris une grande inspiration. Tout ceci était hors de contrôle. Havoc et Breda savaient ce qu'il en était. Mustang avait fait une bavure en parlant aussi franchement de mon lien avec Edward, mais Falman et Fuery avaient une confiance aveugle en nous et avaient choisi de passer au-dessus sans discuter. Hayles, en revanche, nous découvrait complice de celui qui était officiellement un traître.

Est-ce que je pouvais vraiment partager le secret avec elle ? Est-ce que je lui faisais confiance à ce point ?

Ce qui était sûr, c'est que dans son regard noisette, je lisais du reproche, et qu'elle n'était plus si convaincue de devoir me faire confiance. Nous commencions à peine à sortir ensemble qu'elle découvrait ce gigantesque terrain secret, j'avais du mal à lui en vouloir. Mais je me retrouvai dans une situation périlleuse.

Quel crime ai-je commis dans une vie antérieure pour me retrouver avec une situation aussi ingérable sur les bras?

Je me redressai, espérant avoir trouvé une parade, et la pris par l'épaule pour l'amener dans un coin de la pièce et discuter à mi-voix.

— Fais-moi confiance, s'il te plait, Maï.

— Je ne sais pas ce que je dois comprendre… Vous êtes de son côté ? Contre King Bradley ?

— … Oui.

Elle me regarda d'un air choqué. Découvrir que sa petite amie et ses collègues complotaient plus ou moins ouvertement contre le dirigeant du pays avait de quoi la désarçonner.

— Je ne peux pas rentrer dans les détails maintenant, mais… King Bradley est loin d'être aussi respectable qu'il voudrait le faire croire.

— Je dois avouer que sa politique est vraiment agressive, je ne peux pas dire que je sois d'accord avec toutes ses décisions… mais de là à…

— Nous n'avons rien fait contre lui, fis-je remarquer. Ne nous dénonce pas.

— Je ne veux pas vous dénoncer, je veux juste comprendre ! fit-elle plus fort.

— D'accord. Je te promets de t'expliquer la vérité. Toute la vérité. Mais pas ici et maintenant. C'est trop compliqué pour ça, et on n'a pas le temps. D'ici là je te demande de me faire confiance, et de nous aider.

— Et Angie ? Elle a disparu, mais vous préférez chercher un terroriste plutôt qu'elle, alors qu'elle a déjà failli mourir à cause de Harfang ?

— Les deux sont liés.

— Encore cette phrase.

— Et Edward n'est pas un terroriste.

Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais semblait ne pas savoir quoi dire. Ce n'était pas qu'elle soit militaire dans l'âme, mais cette découverte provoquait quand même chez elle un conflit de loyauté.

— Tu as conscience que je prends un risque énorme en te parlant de ça ? Franchement, il est bien plus grand que celui auquel tu t'engages en m'aidant le temps qu'on résolve l'enquête. Je ne te demande pas de me croire aveuglément, juste de mettre ça de côté le temps de les retrouver.

Elle se mordit les lèvres et me regarda par en dessous, se mordant les joues, visiblement tiraillée et contrariée.

— Je te promets que c'est la meilleure chose à faire pour retrouver Angie, soufflai-je.

À ces derniers mots, elle s'avoua vaincue et hocha la tête.

— OK. Je ne dirai rien aux autres équipes.

— Merci. Crois-moi, je t'embrasserais s'il n'y avait pas les autres.

— Ça ne me dérange pas qu'il y ait les autres, fit-elle avec un sourire en coin.

Je pouffai de rire sous l'effet du soulagement et de sa remarque, et Mustang sorti brutalement du bureau, jetant la porte contre le mur.

— C'est Sen Uang !

— Sen Uang serait le véritable Harfang ? m'étonnai-je. Comment pouvez-vous en être sûr ?

— Je n'en suis pas absolument sûr, mais c'est en tout cas la conclusion à laquelle est arrivé Edward, annonça le Général en donnant une petite tape du dos de la main au dossier qu'il avait rapporté. Les papiers qui ont été le plus retournés le concernaient, et le dossier que j'avais fait sur lui est incomplet. Il manque sa photo, sa fiche de coordonnées, et une page du plan de Central a été arrachée… elle correspond à la zone où il habite.

— Vous êtes sûr qu'ils n'ont pas juste été perdus dans la masse ? demanda Fuery

— Je sais quand même comment est organisé mon bureau, lâcha sèchement Mustang.

Vous êtes bien le seul…

— Où sont Breda et Falman ? reprit le Général. Il faut qu'on parte au plus vite !

— Partis chercher de l'équipement, répondis-je.

À ce moment-là, le téléphone sonna. Mustang se précipita pour décrocher et écouta.

— Bien. On arrive. On sait où on doit aller.

Il raccrocha et se tourna vers nous.

— Ils ont l'équipement et nous ont donné rendez-vous au garage pour emprunter une camionnette. On y va.


Dans le fourgon, l'ambiance était lourde. J'étais assise entre Breda qui conduisait et Mustang qui tenait les papiers en fixant les dossiers comme pour en extraire une information par magie, se maudissant sans doute autant que moi de ne pas avoir su percer l'écran de fumée de Harfang plus tôt. À l'arrière, le reste de l'équipe se préparait à un possible assaut, enfilant leurs gilets pare-balles et chargeant leurs munitions. Je jetai un coup d'œil à Hayles, assise à côté d'Havoc, l'inquiétude marquant son visage.

Je la comprenais. En réalité, nous avions beau foncer, nous n'avions aucune idée de ce qui nous attendait.

— Général, vous devriez vous équiper aussi, fis-je remarquer en déboutonnant ma veste pour enfiler mon propre gilet.

— Sen Uang… J'aurais dû le suspecter davantage… Cet homme est remarquablement intelligent, il a réussi à construire un véritable empire financier à partir de presque rien. Et il était là lors de ma soirée de promotion…

Je bouclai les attaches et ajustai le gilet. Ce geste fit monter mon appréhension, me faisant réaliser que nous allions véritablement au combat. Avant notre départ, Mustang avait ordonné de préparer une deuxième vague destinée à nous rejoindre vingt minutes après, au cas où la situation dégénère. Protéger le secret d'Edward, oui, mais pas au prix de l'équipe tout entière.

— Comment ai-je pu me laisser borner aussi lamentablement ? pesta le grand brun en froissant les feuilles.

— Nous étions tous à bout, c'était un tel soulagement pour tout le monde de résoudre cette affaire qu'on en est venus à manquer de discernement… C'est humain.

— Je ne peux pas accepter l'idée qu'il m'ait manipulé avec autant de facilité, encore moins qu'il se serve de mon entourage pour détourner mon attention.

— Général, insistai-je en lui tendant son gilet pare-balles.

Il soupira et jeta le dossier sur la plage du fourgon avant de retirer sa veste tandis que je renfilais la mienne. Porter cette protection pesait lourd, donnait chaud et limitait les mouvements. Seulement, cela nous sauverait peut-être la vie.

— Je vais avoir besoin d'être guidé à partir de maintenant, commenta Breda.

— J'arrive, répondis-je en dépliant la carte de la ville.

Mustang avait marqué d'une croix notre destination, et après un coup d'œil à la rue que nous empruntions, je nous resituai pour guider Breda sur le reste du trajet. Le manoir de Sen Uang était assez loin du QG, un peu excentré à l'Est de Central. Les transports en commun n'allaient pas si loin, et Edward avait sans doute continué le trajet à pieds. Une bonne nouvelle pour nous. À la vitesse où nous allions, nous le rattraperions peut-être avant qu'il ne soit trop tard. Je le souhaitais de toutes mes forces. Les images me venaient, celles du manoir saccagé par l'alchimie, celles du corps inanimé d'Angie, d'Edward… Si c'était le cas, je n'aurais pas d'autres choix que d'assumer la situation, mais je savais que c'était au-delà des forces de Mustang. En regardant son visage creusé par la peur et la colère, je sentais qu'il s'inquiétait pour Edward autant que pour Angie. À raison.

— Je suis désolée, Général.

— Pourquoi dites-vous ça ?

— Je ne sais pas ce que nous allons trouver en arrivant, répondis-je dans un accès d'honnêteté. Mais il se peut que vous m'en vouliez terriblement.

— À cause d'Angie ?

— Oui.

— Vous pensez qu'elle est en danger aussi ?

— J'en suis certaine.

Il me lança un regard inquiet et je détournai les yeux, échangeant accidentellement un coup d'œil à Breda qui se renfrogna. Edward, Angie… Si l'un mourait, nous allions devoir annoncer à Mustang la disparition de l'autre. Lui dire la vérité. Il serait doublement effondré si c'était le cas.

Edward, je t'en prie, ne fais pas plus de conneries que tu n'en as déjà fait, reste en vie… priai-je intérieurement en annonçant machinalement la direction à suivre à Breda. Je ne veux vraiment, vraiment pas annoncer ta mort en double à Mustang.

La route que nous prenions traçait une saignée dans la forêt, et les arbres nus étendaient leurs branches noueuses au-dessus de nous, comme pour griffer le ciel gris. Tandis que le fourgon filait à toute vitesse, je tâchai de me rassurer. En étant à pied, et même en courant à toute vitesse, Edward ne serait pas arrivé trop longtemps avant nous. Peut-être même allions-nous le rattraper sur le chemin. Je ne pouvais pas expliquer ces estimations de timing à Mustang sans parler de la disparition d'Angie, mais à défaut de pouvoir la partager, cette idée me réconfortait un peu.

Le fourgon arriva juste devant les grilles de la propriété de Sen Uang sans doubler de petite silhouette aux cheveux blonds, et cette déception me laissa l'estomac noué. Je levai les yeux vers le manoir à la façade blanche, percée de multiples fenêtres. Une résidence de bon goût et bien entretenue, sans doute rachetée à un aristocrate désargenté ou gagnée lors un mariage stratégique. Nous n'avions vu Edward nulle part… Avait-il coupé par les bois ou était-il déjà à l'intérieur ? En tout cas, le bâtiment était toujours debout.

Breda se gara le long de la grille et Mustang descendit du fourgon, tombant nez à nez avec des gardiens peu amicaux.

— Pourquoi vous êtes là ?

— Une personne a disparu, on a de bonnes raisons de croire qu'elle est venue ici.

— On n'a vu passer personne ce matin, grommela l'un des deux après un échange de regards.

— Essayez de réfléchir, vous êtes sûre de ne pas avoir vu une jeune fille portant des lunettes, la vingtaine au plus, qui vous aurait suppliée d'entrer ? demandai-je en sortant à mon tour, un revolver braqué sur chacun d'entre eux.

Mustang se retourna vers moi en m'entendant évoquer Angie, tandis que les gardiens sortaient leur arme, me visant en retour. Cela ne m'empêcha pas de continuer à approcher.

— Vous êtes bien équipés pour de simples gardiens. Votre patron aurait-il quelque chose à se reprocher ?

— Il a surtout trop d'argent au goût des autres, répondit l'un d'eux, un grand brun dont les sourcils épais étaient si froncés que je voyais à peine ses yeux.

— Je vous déconseille de tirer sur un militaire, fit remarquer Havoc en sortant du fourgon en le visant lui aussi, surtout sur elle. Déjà, elle vous descendra avant, et quand bien même ce ne serait pas le cas, vous auriez de gros, GROS problèmes.

— Je vous ai posé une question, je vous conseille d'y répondre, fis-je en les fixant d'un œil noir, insistant sur le deuxième, qui n'avait pas encore parlé.

Il semblait moins assuré que son collègue… si je lui faisais assez peur, il pourrait avouer. Je le fixai en plissant les yeux, resserrant légèrement ma prise sur l'arme qui le visait, et il céda.

— Je l'ai vu ! cria-t-il d'une voix éraillée.

— Quoi ? s'exclama Mustang.

— La fille ! Elle est arrivée ici et je l'ai fait rentrer sur ordre du patron.

L'homme leva les mains en tremblant et Mustang l'empoigna avant de lui tordre les mains pour le menotter tandis qu'il tremblait de tous ses membres. Derrière son expression fermée, je sentais la panique qui avait étreint le Général à l'idée que ce soit Angie et pas Edward qui se s'était jetée dans la gorge du loup.

— Connor, espèce de fiotte, pesta son acolyte entre ses dents.

— N'insistez pas, lui lançai-je. Vous n'avez plus rien à perdre à part votre vie. Vous pensez que votre patron mérite ce sacrifice ?

— Quand est-ce qu'elle est arrivée ? demanda Mustang en serrant le col de l'homme menotté, au risque de l'étrangler.

— Je sais pas ! Ça fait pas très longtemps, il y a un quart d'heure au maximum.

— Allez, ne nous faites pas perdre de temps, je ne tiens pas à vous tuer, fis-je en avançant vers l'homme.

Je le voyais trembler, pris par le dilemme de savoir s'il devait résister ou non, mais il finit par céder et leva les mains à son tour. Je le désarmai et l'attachai à son tour, passant la chaîne derrière un barreau de la grille et dans les menottes de son collège pour les empêcher tous les deux de fuir.

Mustang s'était déjà précipité dans l'allée gravillonnée, son arme à la main, ne laissant pas d'autre choix à Havoc, Breda et Falman que de courir à sa suite. Je remarquai un mouvement sur la façade du coin de l'œil et vis un homme armé se tenir à la fenêtre.

— À COUVERT ! hurlai-je.

Mustang bondit de côté et le coup de feu fit jaillir une gerbe de graviers là où il se tenait un instant auparavant. Je m'étais aussitôt plaquée contre les piliers du portail et j'étais soulagée de voir que Fuery et Hayles en avaient fait de même. Je sortis de ma cachette le temps de tirer, abattant sans hésiter l'homme qui avait tiré par la fenêtre, et en vis que d'autres arrivaient.

— Fuery, premier étage, troisième fenêtre en partant de la gauche. Hayles ! Troisième étage, fenêtre du milieu ! Tâchez d'abattre ces deux-là pour couvrir l'équipe, je me charge du reste.

Les deux hochèrent la tête et je sentis mon estomac se nouer en entendant des coups de feu. L'allée était bordée d'arbres et j'espérais que nos collègues avaient eu le temps de se réfugier derrière leur tronc.

— Trois, deux, un ! criai-je par-dessus le raffut des tirs.

Dans un même geste, nous nous penchâmes tous les trois pour répliquer. Dans les trois secondes que je m'étais autorisée, j'abattis deux hommes, en repérai deux autres, et vis les quatre silhouettes bleu roi plaquées contre les arbres. Breda se tenait le bras, mais ne semblait pas grièvement blessé.

— Cible abattue, Colonel !

— Cible abattue, annonça Hayles d'une voix blanche.

— Fuery, troisième étage, cinquième et sixième fenêtre ! Hayles, Troisième étage, deuxième fenêtre en partant de la droite, et si vous pouvez, deuxième étage, quatrième fenêtre en partant de la droite ! À mon signal. Trois, deux, un…

Nous repartîmes à l'assaut, le sifflement des balles déchirant l'air à grands cris. Mustang regardait vers nous et je criai vers lui en articulant exagérément.

— ALLEZ-Y, ON VOUS COUVRE ! FUERY, HAYLES, TIREZ SUR TOUT CE QUE VOUS POUVEZ !

Le Général hocha la tête, fit signe à Breda qui acquiesça à son tour. Tandis qu'ils sortirent de leur cachette, j'abattais l'ennemi méthodiquement, tandis que les deux autres arrosaient copieusement la façade de tirs, moins pour faire mouche que pour les obliger à se mettre à l'abri. Ainsi, les quatre militaires parvinrent à atteindre la porte qu'ils enfoncèrent après quelques coups de feu.

— On les rejoint ! annonçai-je en constatant qu'il n'y avait plus grand-monde debout dans les étages. Soyez prudents ! ajoutai-je.

Ni l'un ni l'autre n'avaient une grosse expérience du combat, et s'ils obéissaient à mes ordres, l'un et l'autre étaient blêmes. Fuery, avec ses talents de bricolages, avait plus souvent travaillé aux communications que sur le terrain, quant à Hayles… C'était la deuxième fois qu'elle montait à l'assaut, la première étant le jour où le Front de l'Est avait tenté de prendre possession du QG.

Je n'avais pas le temps de me sentir coupable de l'emmener dans le chaos, à la porte résonnaient des coups de feu. De loin, je vis Havoc tomber à terre et blêmis. Mustang se redressa et tira trois coups de feu avant de le trainer en arrière.

Je vis deux hommes armés courir dans le couloir et sortis du couvert des arbres pour les abattre à vue.

Ne pas y penser.

Ne surtout pas y penser.

Ne pas laisser sa main trembler.

La voie était libre, alors je m'engouffrai vers la porte et rejoignis Mustang tandis que Hayles se précipitait à genoux aux côtés de Havoc, cherchant où il avait été touché. Je me sentis infiniment soulagée en le voyant se redresser avec une grimace de douleur, se tenant les côtes. La brunette prit sa main pour le forcer à nous laisser voir. Le coup avait déchiré son uniforme et s'était logé dans son gilet pare-balles.

— C'est utile, ces conneries, grogna-t-il.

Hayles poussa un petit cri et je soupirai de soulagement avant de me tourner vers Mustang en rechargeant mon arme.

— Faites attention à vous, souffla Havoc, c'est du gros calibre qu'ils ont. Même avec un gilet, ça fait pas du bien…

— Hayles, restez avec lui et couvrez-nous pour la suite.

— Ça va aller, souffla Havoc en tendant une main pour que je l'aide à me relever. Il vaut mieux que ce soit Fuery qui reste en arrière avec elle. Ces deux-là ont fait du bon travail.

— Soit. On y va !

Je fonçai aux côtés des autres, esquivant les corps inanimés à nos pieds pour courir vers l'escalier. Chacun pointait son arme vers les portes, couvrant les lieux. Je vis une porte s'ouvrir et m'arrêtai à tirer, mais me figeai quand je vis que c'était une simple servante qui lâcha son seau à charbon dont le contenu roula au sol et leva aussitôt les mains en se prostrant. Je serrai les dents. Bien sûr, il ne pouvait pas y avoir que des gros bras.

— Où est ton patron ? tonna Mustang.

Elle ne répondit pas, et je compris. Une simple civile n'aurait pas traversé négligemment une pièce ou une fusillade venait d'avoir lieu. Nous étions tout sauf discrets, et une personne saine d'esprit ne serait jamais entrée ici. À moins que…

— Colonel. Elle doit être sourde.

— Je m'en occupe, annonça Havoc, baissant son arme sans la ranger pour autant.

Il s'approcha avec prudente et lui fit signe. Elle redressa la tête et le regarda avec un visage marqué par la terreur, et enchaîna quelques gestes hésitant tout en parlant, articulant exagérément.

— On cherche le… patron. Guide-nous jusqu'à lui et tout ira bien.

Elle le regarda avec une peur mêlée de surprise, puis hocha la tête en déglutissant. Elle signa à son tour des gestes qui devaient avoir du sens pour elle et il lui tendit la main pour l'aider à se relever. Elle tenait à peine sur ses jambes et Havoc la soutenait plus qu'il l'empêchait de s'enfuir, tandis que l'équipe le regardait avec étonnement.

— Vous n'avez jamais discuté avec Ray quand vous étiez au Cabaret ? Il est très sympa, fit le blond avec un sourire qui n'effaçait pas la gravité de la situation.

La jeune fille titubait, mais désigna quand même d'une main tremblante l'escalier en fer à cheval et nous reprîmes notre course vers les marches. Un homme en costume noir arriva en courant, et tira vers nous, mais je l'abattis avant qu'il ne touche l'un d'entre nous, provoquant un glapissement d'horreur chez la jeune fille.

Elle nous désigna un couloir et les hommes nous tirèrent dessus, sans scrupule pour l'employée qui hurla de peur tandis que Fuery la tira en arrière pour la protéger des balles qui déchiquetaient l'angle du mur derrière lequel nous nous étions réfugiés. Des tirs arrivèrent du palier face à nous, séparé par le vide du hall d'entrée.

— Fuery, Hawkeye, occupez-vous d'eux ! Hayles, avec moi.

Je me tournai vers lui, prête à m'indigner, mais en vérité, nous n'avions pas trop le choix. Je me concentrai sur les tirs qui venaient de l'autre côté du couloir. Après le massacre qui avait précédé, les hommes encore en vie se couvraient davantage, et nous qui étions exposés, n'avions plus d'autre choix que d'arroser le couloir de tirs continus pour les empêcher de nous viser à leur tour.

— Fuery, je recharge ! annonçai-je en joignant le geste à la parole.

— Colonel ! Je suis à court ! s'exclama le petit brun.

Mon cœur fit une embardée. Nous étions quatre à découvert, sans compter la servante qui n'avait rien demandé et restait prostrée contre la commode, les mains crispées sur la tête. L'ennemi pouvait abattre n'importe lequel d'entre nous. Dont Hayles.

Je levai le bras et pris une grande inspiration en voyant que les deux hommes étaient déjà sortis de leur cachette. Et puis, dans cet instant suspendu entre l'inspiration et l'expiration, je lâchai deux balles qui atteignirent toutes deux leur but. Les deux silhouettes tombèrent à terre.

Pas le temps d'être soulagée.

— Fuery, vous les surveillez. Je vais prêter main-forte aux autres.

Il hocha la tête en rechargeant mon arme tandis que je courais pour rejoindre les autres.

— On ne peut pas dire qu'on ait été discrets, siffla Mustang entre ses dents. J'ai très peur pour Angie.

— Sen Uang ne la tuera qu'en dernière extrémité, elle a plus de valeur vivante.

— C'est censé me rassurer ?

— Hayles, laissez-moi la place ! m'exclamai-je.

La jeune militaire obéit et se laissa tomber le long du mur tandis que je martelai le couloir de tirs rapides et appliqués, pis fis signe aux autres de me suivre. J'avançai rapidement, ayant repéré que les hommes protégeaient une porte en particulier, dont je fis sauter la serrure d'un coup de feu avant de me mettre à couvert. Moins prudent. Mustang l'ouvrit à coup de pied en braquant son arme à l'intérieur de la pièce avant de se figer.

— Je vous attendais, souffla une voix doucereuse.

D'ici, je ne voyais pas ce qui se passait, en revanche, j'étais aux premières loges pour voir le visage de Mustang se décomposer.

— Lâchez là ! s'exclama-t-il en raffermissant la prise sur son arme

— Pas question. Après tout, cette douce enfant est venue me voir de son plein gré, je ne vois pas pourquoi je m'en séparerais aussi facilement.

Angie était là. Il la tenait en otage. Évidemment. Si elle s'en sortait en vie, je me jurai de l'étrangler de mes propres mains.

Je sentis mon souffle trembler et secouai la tête. Il ne fallait pas que je me laisse attaquer par la panique, mes tirs perdraient en précision. Seulement, l'effort de la course et de la fusillade commençait à se faire sentir, tout comme le poids de mon gilet pare-balles.

Concentre-toi, concentre-toi… Il y a une seule chose qui compte. Ce que tu vas faire à partir de maintenant.

— Lâchez votre arme, Général, vous voir me viser me rend nerveux, et vous ne voudriez pas que le coup parte, n'est-ce pas ? Ce serait dommage d'exploser un si joli minois. Vous me direz, ce ne serait pas la première fois que vous verriez mourir une belle blonde chère à votre cœur.

Mustang serra les dents pour contenir sa fureur, mais impuissant, finit par poser son arme d'une main tremblante avant de lever les deux mains. Sur son visage, on lisait la haine à l'état pur.

— Je dois avouer que j'ai été pris au dépourvu aujourd'hui. C'est rare, donc je ne peux pas m'empêcher de trouver ça satisfaisant. Mais je ne compte pas perdre pour autant. Donc, vous allez gentiment me laisser partir.

— Hors de question. De toute façon, des renforts ne devraient pas tarder à arriver. Vous ne pourrez pas vous enfuir.

— En effet, souffla l'homme d'une voix doucereuse. Les renforts ne vont pas tarder.

Je sentis mes entrailles bondir en comprenant, mais quand la porte d'en face s'ouvrit brutalement, il était déjà trop tard. Quatre gardes du corps nous tenaient en joue. Je levais les yeux vers Mustang et poussai un soupir las en comprenant l'ordre silencieux qu'il me donnait avant de poser mes deux pistolets au sol, sentant d'ici les canons dirigés vers moi.

La bonne nouvelle, c'était que Edward, Angie, était en vie. La mauvaise nouvelle c'est que nous étions en train de perdre la partie face à Sen Uang. La tête penchée en avant, écrasée par le poids de l'échec, je jetai un coup d'œil en coin au couloir où étaient restés Fuery et Hayles et croisai le regard brûlant de celle-ci. Voir qu'elle croyait encore en moi me redonna de l'espoir. Je hochai la tête imperceptiblement.

C'était maintenant ou jamais. Je savais que Mustang ne ferait rien qui ne fasse courir le moindre risque à Angie. S'il y avait quelqu'un qui pouvait encore agir, c'était moi.

Je pris une grande inspiration, profonde, bien visible. Je sentais encore le regard de Hayles sur moi.

Trois.

— Bien, écartez-vous, que je puisse passer. C'est une pitié que je doive partir, j'aurais plein de choses passionnantes à vous raconter, vous savez ? Vous n'imaginez pas à quel point on peut trahir facilement…

Une seconde inspiration, et tandis que l'air remplissait mes poumons, une sérénité puissante envahissait mon esprit, effaçant tout le superflu. Je levai les yeux vers Mustang, qui marchait à reculons, le regard rivé à l'intérieur de la pièce. Posée à cheval sur le seuil, son arme abandonnée.

Il suffisait d'une balle.

Deux.

— Mais ce qui est amusant, dans votre cas, c'est de penser que vous vous êtes trahis vous-mêmes.

Je pris une troisième inspiration, plus profonde encore que les deux autres alors que l'un des hommes empoignait les poignets de Mustang pour l'entraver, le forçant à se pencher. À ce moment-là seulement, il croisa mon regard, et en comprenant ce que j'allais faire, une lueur de panique pure se refléta dans ses yeux.

Un.

Alors qu'un autre des hommes s'apprêtait à me menotter moi aussi, je le frappai d'un coup de coude dans l'entrejambe avant de me jeter sur l'arme abandonnée sur le pas de la porte sans égard pour tout le reste. Durant mon geste, deux coups de feu traversèrent le couloir, déchirant le silence tendu de la pièce. J'entendis deux corps s'effondrer et devinai que Mustang se débattait, mais n'accordai pas un regard à ce qui se passait derrière moi.

Tout ce qui comptait, c'était que dans ce bureau luxueux, notre ennemi tenait en joue Angie. J'entrevis la surprise envahir ses traits lourds, les yeux agrandis de peur d'Angie, le pistolet dont le canon était logé sous la mâchoire de la blonde qui avait crispé ses mains sur l'avant-bras de son ennemi.

Et je tirai.

Le coup de feu partit se planter entre les deux yeux de l'homme stupéfait, et comme dans un rêve, je le vis basculer, tomber en arrière et s'effondrer au sol, la tête se cognant contre son bureau dans un craquement sinistre. Mon pouls avait résonné dans mes oreilles tandis que j'avais vu la main qui tenait son arme se relâcher, l'autre bras peser sur Angie qui tituba, manquant d'être entraînée dans sa chute.

Elle était saine et sauve.

J'entendais des bruits de lutte derrière moi, et me retournai pour porter secours à Mustang qui tâchait de prendre le dessus sur l'ennemi malgré ses mains entravées. Je maîtrisai l'homme et le menottai, puis libérai mon supérieur avant de me retourner vers la pièce. La silhouette de Sen Uang, affalée sur le dos, aux pieds son bureau, restait immobile. Angie, elle, me regarda avec de grands yeux et lâcha une profonde expiration, se laissant couler au sol, les jambes coupées par le soulagement.

Je soupirai, laissant retomber mes épaules tendues par le combat.

J'avais réussi.

J'en étais là de mes réflexions qu'une main m'empoigna et la voix de Mustang résonna à mes oreilles, emprunte de colère.

— Qu'est-ce qui vous a pris ?! cria-t-il en me tirant par le col pour me forcer à le regarder en face, à voir son visage déformé par l'excès d'émotions. Vous auriez pu la tuer ! Vous auriez pu tous nous faire tuer ! Imaginez, si vous aviez raté votre coup !

— Vous devriez savoir que ce n'est pas mon genre de rater un tir, répondis-je d'une voix impassible, plantant mon regard dans le sien.

Après quelques secondes de silence furieux, il me relâcha et s'appuya contre le chambranle du bureau, tournant le dos à la scène pour reprendre sa respiration et sa contenance. Il tremblait de tous ses membres et je ne m'en étonnais pas. J'avais beau dire, j'étais loin d'être aussi confiante que je le prétendais ; mais le moment était mal choisi pour le laisser voir. Rien ne me garantissait de réussir en réalité… mais c'était fait, et je lui avais au moins épargné de devoir revivre la cauchemardesque course-poursuite qui avait coûté la vie à Mila, six ans auparavant.

Au moins, cette affaire était terminée.

— En tout cas, cette fois, Harfang ne devrait plus nous causer de problèmes, commentai-je en me redressant. Hayles, Fuery, vous avez fait du bon travail, lançai-je en direction du couloir ou je les voyais arriver.

La brunette s'était précipitée vers nous et je n'eus pas le temps de reprendre mon souffle qu'elle se jeta sur moi pour me serrer dans ses bras en tremblant. D'abord surprise, je m'autorisai un soupir soulagé, lui tapotant le dos.

— Angie, ça va ? Il ne t'a rien fait ? demanda Fuery tout en menottant l'un des deux gardiens survivants qui avait bien du mal à se remettre du coup que je lui avais infligé.

— Ça va, croassa-t-elle. Plus de peur que de mal.

Mustang lui tournait le dos, hors de vue. Après son éclat de colère, s'était appuyé contre le mur et semblait près de s'effondrer sous l'effet du soulagement. Je le comprenais, et pourtant, pour ma part, c'était une colère bien plus profonde que celle qui l'avait poussé à me crier dessus qui bouillait dans mes veines. Je posai doucement les mains sur les épaules de Hayles pour la forcer à me lâcher et entrai dans la pièce ou se trouvait Angie qui s'était relevée et contemplait le cadavre de son ravisseur d'un air hébété. L'homme en costume blanc était affalé dans une mare grandissante de sang, son arme encore à la main. Elle se retourna en me voyant arriver à grands pas et leva vers moi un regard contrit.

Je la giflai de toutes mes forces. Elle tituba en arrière tandis que je lui annonçai d'une voix calme, mais glaciale.

— Je te préviens, c'est la dernière fois que je viens réparer tes conneries. Je n'en peux plus de ton inconséquence et de ton égoïsme. Il serait temps que tu te rendes compte à quel point tu as mis tout le monde en danger. Tu m'as dit que tu assumerais les conséquences de tes actes… Je crois que c'est le moment de t'y mettre. Parce si tu tiens à ce point à mourir, la prochaine fois je renonce à t'en empêcher.

Elle me regarda de ses grands yeux dorés, brouillés par le choc, les restes de peur et l'angoisse profonde de se rendre compte qu'elle venait de perdre une alliée.

— Débrouille-toi seule à partir de maintenant, j'ai déjà assez de problèmes à gérer, répondis-je avant de me retourner pour faire face au carnage que nous avions semé sur notre passage.

L'assaut était terminé, mais notre travail, lui, ne faisait que débuter, et j'en étais usée d'avance. La perspective de devoir, une fois encore, sauver la couverture d'Angie allait me rendre la tâche inextricable et c'était une bonne raison de lui en vouloir. J'étais tellement en rage que j'aurais presque été tentée de la laisser être identifiée et arrêtée si Mustang n'avait pas été là ; mais je savais bien que je ne pouvais pas faire ça ; ce serait une catastrophe à tous les niveaux, surtout maintenant que notre équipe était impliquée jusqu'au cou.

Bon.

Maintenant, il nous faut un plan.