Hey !
Et voilà un chapitre un peu plus long que les autres ! (Et c'est loin d'être le pire, franchement). C'était aussi un des plus chouettes à écrire. Vous allez vite découvrir pourquoi.
Aussi, je précise, mais il y aura pas mal de validisme (discrimination tournant autour du handicape) dans l'histoire. Je vais ajouter ça à la première page, mais je préviens quand même ici, vu qu'on en trouve dans le chapitre.
Merci à Lae pour sa review sous le chapitre précédent !
Bonne lecture !
Un petit prince attentionné
.
– Donne, je m'en occupe.
Neku regarde son assiette, puis la main de Joshua, tendue vers lui.
– J'peux débarrasser tout seul.
– Tu peux. Mais tu conviendras qu'avec une atèle, tu seras plus embêté que moi.
C'est juste une assiette et deux pauvres couverts, c'est bon. Si l'autre s'imagine qu'il n'est même plus capable de s'occuper de ça tout seul… Sa pitié, il s'en passera.
– C'est bon.
– Oh Neku par pitié, tu veux bien arrêter de faire l'enfant ? Qu'est-ce que tu t'imagines ? Que je vais jouer au frisbee avec ? Rassure-toi, je déteste toujours autant le sport.
Et il est toujours aussi chiant !
Merde. Si ça lui tient autant à cœur qu'il la prenne, cette assiette. Hanekoma a jeté les cartons, il n'y a rien d'autre à faire. Bien. Il aura gagné une pizza, tout en échappant aux corvées ménagères, il ne va pas s'en plaindre. Pour une fois que Joshua est serviable, en plus.
Neku n'est pas dupe, il se doute qu'il y a anguille sous roche. Mais il n'a pas envie de batailler.
– Comme tu veux.
Il soupire, se relève alors que l'autre récupère son assiette sale. Sans se plaindre de la sauce qui vient maculer ses doigts. Allez. Ça lui arrache la gueule, mais il n'a toujours pas envie de jouer le rôle du méchant, alors il desserre les lèvres et il crache le petit mot adapté à la situation.
– Merci.
– Eh bien. C'est à ce point dur à dire, ou c'est la pizza qui t'a laissé un arrière goût en bouche ?
– Mm.
– Rassure-moi, ils n'ont pas gardé ta langue à l'hôpital ?
– Très drôle.
Il le laisse s'éloigner, assiette en main. Et puisqu'il n'a plus rien à faire ici, il s'en retourne dans leur chambre. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur qu'il se souvient de son troisième camarade.
Camarade qui n'est visiblement pas dans son lit. Tiens. Il jette un coup d'œil vers la salle de bain, mais la lumière est éteinte et la porte entrouverte. Aucune trace de Riku. Et franchement, il n'a pas la force d'aller prévenir Hanekoma. Bah, il a dû aller passer la soirée dans la chambre de Sora. Joshua l'a lui-même dit, dès que les surveillants ont le dos tourné, ça file dans les couloirs.
Quoi que. Il a aussi précisé que Riku ronflait de tout son saoul. Il a menti, alors ? Ça ne l'étonnerait pas.
Mm, il n'a pas pris sa douche hier. Est-ce que ça craint de la sauter aujourd'hui ? Il est tard, et il a franchement la flemme. D'un autre côté, il a dû transpirer, pour le peu de ski qu'il a fait. Et il a l'impression de s'être imprégné de cette horrible odeur aseptisée qui hantait l'hôpital.
Oh, et puis merde. Un peu d'eau chaude, ça lui fera du bien. Alors il entre dans la salle de bain. Et il essaie de ne pas se rappeler ce qui a eu lieu ici, il y a vingt-quatre heures.
Trop tard.
Pourquoi est-ce qu'il a pensé à ça ? Seigneur. Il espère au moins que les deux crétins ont nettoyé derrière eux. Neku baisse la tête, zieute la tuyauterie. Il n'y a pas de truc blanc gluant sur le lavabo, hein ? Est-ce que c'est là qu'ils ont… Ah !
Il soupire, se déshabille en vitesse et file sous l'eau après avoir maladroitement couvert son attèle d'un sac en plastique. Manquerait plus qu'il l'abîme, tiens.
Quand il ressort, sa peau encore chaude sous son pyjama, Joshua est allongé sur son lit. Son propre lit. Il ne dort pas, mais Neku a espoir de pouvoir terminer la journée sans…
– C'est bon, la salle de bain est libre ?
… lui adresser la parole.
– Oui.
Raté.
– T'es toujours pas douché ?
– Non.
Il plaisante, là ? Genre, il n'a pas eu le temps de se laver alors qu'il a passé la journée ici ? Bon, non, pas la journée, mais quand même, il est rentré tôt. C'est pas possible, il le fait exprès.
– J'ai eu un léger contretemps.
– Genre, t'as dû rentrer y a cinq heures.
– D'accord, pas si léger, je le reconnais. Un contretemps conséquent.
Putain. A tous les coups, il a encore fait des trucs avec Riku. Avec une chambre de libre, ils n'allaient pas se priver, hein ? Oh, et puis merde, c'est leur problème. Il espère seulement que ça ne va pas lui retomber dessus.
Ils n'ont pas fait ça dans son lit, au moins ?
– Et je suppose que c'est pour ça qu'on est que deux ce soir ? il râle en s'effondrant sur son matelas.
– Oh ? Absolument pas. Pourquoi cette idée ?
Il est sérieux, là ?
– A ton avis ?
– Mon avis, Neku, c'est que je ne comprends pas où tu veux venir, ni pourquoi tu es de si mauvaise humeur.
Et il ose lui sortir ça en se regardant les ongles ? Mais quel culot.
– Fais pas genre.
– Je ne fais pas genre.
Et il soupire. Longuement. Cette diva.
– J'étais inquiet pour toi, tu sais ? J'ai tout entendu, quand Uzuki est allée prévenir Sanae pour ta mauvaise chute. Je me suis fait un sang d'encre.
– J'y crois, Neku ironise.
– Vraiment ?
– Non.
Il a surtout dû faire des galipettes toute la soirée, bienheureux d'avoir la chambre pour lui tout seul avec Riku. Et maintenant qu'il y pense, il imagine et merde, il n'avait vraiment pas envie de passer la soirée avec ce genre d'images dans le crâne.
Il se tourne, enfonce sa tête dans l'oreiller mou. Et soudain, un poids vient peser sur son matelas.
– Pourquoi est-ce à ce point invraisemblable pour toi que je puisse m'inquiéter à ton sujet ?
Parce que c'est un petit con égoïste qui passe sa vie à se peindre les ongles, peut-être ? Oh, et un menteur. Il ne se pencherait pas sur son cas, s'il n'avait pas quelque chose à en tirer. Mais ça, Neku ne peut pas le lui dire aussi cash. Encore une fois, il passerait pour le méchant.
– C'est pas ton genre.
– Ah bon ? Et c'est quoi, mon genre ?
Neku se tourne. Ok. Il ne pourra pas dire qu'il n'a pas essayé. Joshua le cherche, là.
– Le genre qui s'envoie en l'air en plein voyage scolaire alors que les autres élèves essaient de dormir, peut-être ?
– Oh, ça.
Le rouquin s'appuie sur sa main pour se redresser. La mauvaise. La douleur traverse son membre, cogne au cœur de sa paume. Il jure.
– Fais attention. Tu n'es pas censé utiliser ta-
– Ta gueule.
Putain ! Cette saloperie lui fait mal, maintenant. Et, il n'en serait pas là si Joshua lui avait simplement foutu la paix, comme il le souhaitait.
– J'insiste Neku, mais tu t'es fait une fracture. Si tu ne veux pas qu'elle s'élargisse-
– Je sais. Tu crois que je l'ai fait exprès ?
– Sait-on jamais ? Les gens ont tendance à forcer au-delà de leur capacité. Surtout quand ils ne devraient pas le faire.
– Tu peux parler.
Monsieur Le sport ça fait mal. C'est pas lui qui risque de se fouler une cheville, ça c'est sûr.
– Oui, je peux. Et si je peux aussi me permettre de te donner un conseil, évite de faire comme moi. Attends que cette fracture se remette sagement.
Mais il n'a même pas saisi l'ironie dans ses propos, le petit… Et puis merde, il n'a pas envie de débattre avec Joshua. Il s'adosse contre le mur, ramène ses jambes contre lui, et il serre les dents en attendant que la douleur passe. Ça va se calmer tout seul.
– Mais, par rapport à ce que tu viens de dire…
Le bourge fait passer ses gambettes sur son lit. Bon, apparemment, il n'a pas prévu de dégager.
– Je ne vois pas en quoi le fait d'avoir couché avec Riku devrait m'empêcher de me soucier de toi. Ce ne sont pas deux démarches incompatibles, tu sais.
– Quand on se soucie de quelqu'un, on évite de lui imposer ce genre de truc.
– Eh bien, me semble-t-il que quand nous sommes entrés dans la salle de bain, tu dormais. Et tu avais ton casque sur les oreilles.
Ok. Là, Neku redresse la tête, et il lui balance son regard le plus mauvais. Traits plissés, dents serrées. Il ne prend même pas la peine de répondre. Si Joshua ne réalise pas lui-même l'idiotie profonde de ses paroles, alors il peut bien s'en retourner crever sur son propre pieu.
– Quoi ?
Toujours pas de réponse. Et s'il ne fasse pas genre de ne pas comprendre. Il est loin d'être stupide - quand il veut.
Le silence prend toute la place entre eux, avale les secondes qui s'égrainent. Joshua fait galoper ses doigts sur le bord du drap. Il soupire.
Baisse les yeux.
– Bon. Je reconnais que c'était peut-être malvenu.
– Malvenu ?
Non. Péter en plein silence pendant un repas de famille, c'est malvenu. Ça…
– D'accord. C'était déplacé.
– Le mot est faible.
Et pour une fois, l'autre ne réplique pas. Wow. Il a eu le dernier mot. Avec Joshua. Ça ne doit pas arriver souvent, ça. Ça le détend un peu. Est-ce ça veut dire qu'il reconnaît qu'il a tort ? C'est possible, ça ?
– J'éviterais de réitérer l'expérience, si ça te gêne.
– Je préfèrerais, oui.
Si ça le gêne. A l'entendre, on croirait qu'il parle d'un désaccord, ou d'un yaourt périmé laissé dans le frigo. Il n'imagine pas le malaise que c'était, hein ?
– Mais j'insiste. Concernant Riku, son absence n'a rien à voir avec cette histoire.
– Et il est où alors ?
– C'est une excellente question. Dont je me soucie bien peu, à vrai dire. Un colocataire en moins, ça fait plus de place pour les deux autres, non ?
Pas faux. Mais quand même, Neku a du mal à croire qu'il n'a rien à voir avec cette histoire.
– Il t'a rien dit ?
– Rien du tout. Tu conviendras que Riku n'est pas quelqu'un de bien bavard, de toute façon.
Certes. Et Neku non plus, s'il devait quitter la chambre, il ne préviendrait sans doute pas ses colocataires. A la limite, il leur demanderait juste de ne pas cafter aux profs, et encore. Ça pourrait motiver Joshua à faire l'exacte inverse.
– T'as dit à Hanekoma qu'il ronflait, il souligne.
– Certes, mais je n'ai pas dit qu'il ronflait maintenant.
Monsieur a réponse à tout, apparemment. Enfin. Il espère juste qu'il ne rentrera pas au milieu de la nuit. Neku a le sommeil léger - et il a déjà bien assez été perturbé.
– Tu devrais mettre de la glace sur ton pouce, Joshua reprend.
– Nan, ça va.
– Ça endormira la douleur. Et sincèrement, elle ne passera pas tout seule. Tu sais où Sanae a rangé tes anti douleurs ?
– C'est lui qui les garde, Neku soupire. Et sérieux, t'en fais pas pour ça, c'est rien.
– Neku, Neku, on ne donne jamais autant de raisons aux gens de s'inquiéter que quand on leur dit de ne pas le faire. Comment veux-tu que je ne me soucie pas de quelqu'un qui ne prend pas soin de lui ?
Cette réponse est… Étonnamment logique. Presque bienveillante. Qu'est-ce que ça cache ?
– Et où est-ce que tu veux que je trouve de la glace ?
– Ça, je m'en occupe.
Sur ces mots, le garçon balance ses jambes de l'autre côté du lit. Ses petits pieds retrouvent le sol froid et il se lève, l'air de rien. Il ne va pas sortir maintenant, si ? Pas - encore - en pyjama ? Uzuki va lui tomber dessus, s'il la croise.
– Il y en a sûrement dans les cuisines.
– Il est 23h.
– Et ? Les congélateurs fonctionnent toute la nuit.
Bon, très bien. De toute façon, si Joshua se fait prendre, ce sera son problème.
Neku le laisse filer, puis il se ramasse sur son lit. Il attrape son casque, remonte la couverture sur ses jambes, et il se cale contre son oreiller alors que Paramore sonne à ses tempes.
Bon. Joshua a reconnu qu'il avait merdé. Et avec le recul, Neku reconnaît, lui, qu'il est étonné. Il ne le pensait pas capable de ce genre de remise en question. Bon, il ne s'est pas excusé. Pas franchement. Mais c'est déjà bien, non ? S'ils arrivent à communiquer, alors le séjour ne sera peut-être pas si désagréable.
Bon, ça reste Joshua. Mais comme Beat l'a dit, Joshua, c'est toujours mieux que Hayner.
Et Neku ne veut plus jamais avoir à faire à des gens comme Hayner.
Il zieute son téléphone. Pas de messages. Parce qu'il n'a pas répondu à ceux de ses potes. Il hésite. Mais ça le gave d'avance, de taper avec un seul pouce. Et l'autre tire encore. Il devrait peut-être demander à Hanekoma de lui donner ses anti-douleurs. La sensation glisse entre ses muscles, pulse et l'agace. C'est-
Une main, sur son épaule. Il sursaute et se tourne.
– Tout doux. C'est juste moi.
– T'es flippant, 'tain.
Joshua lui sourit.
– Je t'ai appelé, mais tu avais ton casque sur les oreilles.
Ah, ouais. Bon, pour cette fois, il laisse couler. Il regarde l'autre qui pose son cul sur la couette sans rien dire. Entre ses mains blanches, un petit paquet bleu se dévoile.
– Tiens. Mets ça autour de ton pouce, ça devrait calmer la douleur.
– Ah.
Il a vraiment trouvé de la glace, alors. Et c'est même mieux qu'un paquet de glaçons dans un gant. Neku se demande comment est-ce qu'il a dégoté cette pochette.
– Quand on est poli, on dit merci.
– Ouais, merci, il marmonne.
Il n'a pas envie d'être redevable envers Joshua. Mais le fait est qu'il apprécie son attention, là.
– Avec plaisir.
S'il pouvait ronronner, nul doute que Joshua ferait un boucan d'enfer. Il a l'air beaucoup trop content. Il ne va pas lui demander un service en retour, au moins ? C'est qu'il en serait capable. Si ça se trouve, il veut juste acheter son silence au sujet de Riku.
Bah, Neku n'ira pas cafter aux profs, de toute façon. Et pour ce qui est de Shiki, c'est trop tard. Puis toute commère qu'elle soit, ce qu'elle sait, elle ne le répète qu'à ses amis.
– Si tu n'y vois pas d'inconvénient, je m'en vais faire un tour dans la salle de bain..
– Comme tu veux.
Le chaton se relève.
– Je préfère ne pas fermer la porte à clef. Je compte sur toi pour ne pas en profiter, il roucoule.
– T'as rêvé, là.
Il l'entend rire d'ici, malgré la porte. Qu'il ne verrouille effectivement pas. Genre. Ce n'est pas une invitation, au moins ? Neku soupire, avant d'enfiler son casque.
Ce mec est irrécupérable.
Mais au moins, il n'est pas méchant.
Ça commence à s'arranger entre eux. A voir comment se déroulera leur première sortie ensemble ?
A demain !
