Hey !
Et voilà le chapitre du jour, plus en avance que jamais. C'est pas le plus joyeux pour Neku, maiiis c'est la tempête avant le fluff, disons ?
Merci à Lae pour sa review !
Bonne lecture !
Les souvenirs comme un filet
.
– Vous auriez pas vu Vanitas hier ?
Neku redresse la tête et zieute Beat, incertain.
– On aurait dû ?
– Il était pas dans la chambre hier.
– Vous avez prévenu les profs ? Shiki demande.
– Bah non. C'est Vanitas, quoi.
Donc, Vanitas n'était pas là hier soir. Et Riku non plus. Bon. Il ne sait pas quoi penser de ça mais, dans le doute, il préfère ne pas parler de son autre colocataire. Ça va jaser, sinon.
Puis le concerné est assis à la table en face. Si Shike se tourne brusquement pour lui poser la question, il ne saura plus où se mettre.
Mais s'il voit juste, et que les deux zigotos sont revenus ensemble… Est-ce que Vanitas est au courant, pour Joshua ? Il espère que ça ne lui attirera pas d'ennuis.
Enfin non, il s'en fout. Bon, pas complètement. Vanitas est une vraie teigne. Il ne souhaite à personne de se retrouver dans son viseur. Il devrait peut-être le prévenir ?
– T'as passé la soirée avec Sho alors ? Shiki enchaîne.
– M'en parle pas meuf.
Wow. Neku n'avait pas anticipé ça, mais… Seul avec Sho, quoi. Un cours de maths en continu. Personne ne mérite ça.
Il baisse la tête vers son assiette, pioche vaguement dans sa purée à l'eau. De la main gauche.
– Et toi, Beat enchaine, est-ce que Riku et Joshua ont encore… 'fin, tu vois ?
Shiki ne dit rien, mais son regard brillant suffit.
– Nan.
– Non non ? Ou non…
– Il s'est rien passé ?
– Du tout.
– Mais du coup, tu crois qu'ils sont ensemble ?
– J'pense pas.
L'idée lui déplait. Surtout maintenant que Joshua… N'a pas été si désagréable que ça. Et puis de toute façon, vu l'absence remarquée des deux zigotos, leur rupture n'a pas des masses duré. Juste le temps de consommer ailleurs.
– Remarque, Riri a dû capter que c'était pas un bon plan, le p'tit prince. Trop cher en cadeaux, Beat lâche.
– Il est riche, Shiki rappelle.
– Trop casse-couille surtout. Même s'il se gêne pas pour les tripoter.
Neku sursaute, alors que Shoka laisse tomber son plateau près de lui. D'accord, tout le monde a décidé de lui faire faire une crise cardiaque aujourd'hui ? C'est un concours ?
– Salut les naze. Alors, paraît que tu t'es éclaté la main ?
– T'étais là pour voir, Neku marmonne.
– Ouais. Et franchement, tu t'es tellement rétamé la gueule.
– Merci pour ton soutien.
– J't'aurais aidé à te relever si l'ambulance était pas arrivée avant moi.
Il sourit malgré lui, abandonne sa purée et passe à la maigre saucisse qui attend devant lui.
– Alors, ta soirée avec la princesse ?
– Calme.
– Jure, il a pas recommencé ses galipettes ?
– ll s'est tenu à carreaux.
Soudain, Neku est pris d'un doute. Il regarde autour de lui en vitesse. Mais non, aucune trace de Joshua. La queue disparaît derrière la porte, il n'est sans doute pas arrivé.
– Eh bah. Riku a pas dû kiffer tant que ça.
Et sur cette phrase, la demoiselle donne un grand coup de croc dans son friand. Avant de tirer une grimace. Ouais, Neku a fini le sien et clairement, il n'en fait pas une rareté. Mais bon. Si la bouffe est dégueu à la cantine, pas de raison pour qu'elle soit meilleure ici.
– Et pour ta main, il a dit quoi ? Shiki poursuit.
Oh, ça. Neku hausse les épaules.
– Rien. Il dormait déjà quand je suis arrivé, il ment.
Et comme il parle de lui, le concerné apparaît. Plus exactement, il entre dans la pièce. Vêtu d'un chandail blanc qu'il n'a sans doute pas trouvé au rayon homme, et…
– Wow, Shiki siffle. On peut dire ce qu'on veut, mais il gère en maquillage.
Neku comprend pourquoi Joshua a disparu dans la salle de bain ce matin. Un bleu scintillant étalé sur ses paupières, souligné d'un trait sombre, le jeune homme promène son regard sur le reste de la pièce. Le blessé détourne le sien, de justesse. Wow. C'est… C'est simple, mais ça lui va foutrement bien. Il doit au moins lui reconnaître ça, au Joshua. Il sait se mettre en valeur.
Mais à la table voisine, ça glousse. Les messes basses glissent, et Neku n'a pas besoin d'écouter pour comprendre ce qui se dit.
Il ramène ses mains contre lui.
Ce n'est pas de lui qu'on rit, il sait. Mais ça ne change rien.
– Eh, DJ ?
Il regarde son dessert, sans appétit.
– Mm ?
– Ça va ?
– T'inquiète.
– Qu'est-ce tu nous fais, là ?
Il a envie de partir.
– C'est juste ma main.
La douleur s'est calmée, et Hanekoma lui a filé ses médocs ce matin. Mais ça, ils ne peuvent pas le savoir.
– C'est l'intello qui te fait cet effet ? Shoka s'étonne.
– Nan, c'est bon.
– Tu veux sortir ? Shiki demande.
Elle pose une main toute douce sur son bras, et Neku se souvient de celle de Joshua, ce matin. De sa voix basse, presque inquiète. Loin du timbre doucereux qu'il lui connaît. Il zieute vers la table d'Hayner, mais c'est au-dessus de ses forces, là. Ça bloque. Une boule qui monte le long de sa gorge.
– Ouais.
– Je t'accompagne. J'ai fini, de toute façon.
Il n'a ni la force ni l'envie de refuser, alors il la laisse rassembler leur repas sur le plateau. Elle embrasse Eri, puis ils s'éclipsent hors de la pièce, dans la chambre des filles. Techniquement, les garçons n'ont pas le droit de traverser ce couloir, mais puisque personne n'est là pour surveiller...
– Tu veux en parler ? sa pote demande alors qu'il s'assoit.
– C'est rien.
Et Neku sait bien qu'il est grillé. On ne dit pas c'est rien si c'est vrai. Mais il ne sait pas comment dire ce qu'il a, là. Comment parler d'un truc qui date autant, et qui remonte parfois. Il le sait, en se réveillant, que ce serait une journée pourrie.
– Et en vrai ?
Il se cale sur le lit de sa pote, hausse les épaules.
– C'est juste…
Hayner n'est pas pareil il sait. Et ça ne sera plus jamais comme avant. Si quelqu'un s'aventurait à l'emmerder, Beat irait sans doute le chopper par la peau du cul. Et quand il gueule, il n'y va pas de main morte. D'une certaine manière, Neku a obtenu un statu d'intouchable qui lui convient parfaitement.
Alors pourquoi ça lui tord le ventre, d'entendre des gens rire dans les couloirs ?
– Je pensais à Seifer.
– Oh.
Shiki attrape sa main. Ses doigts ne sont pas doux. Elle aime le travail manuel qui abîme ses paluches, et la couture lui a épaissi la peau. Mais le contact le rassure. Il croise leurs phalanges pour garder sa paume pressée contre la sienne.
– Tu sais pourquoi ?
– Mm. J'ai fait des cauchemars, cette nuit.
– Je vois.
Ça ne lui arrive pas si souvent. Mais c'est là, parfois, et ça lui tombe dessus comme une enclume.
Bêtement, Neku pensait qu'une fois l'autre con dégagé, il serait enfin tranquille. Mais non.
– Des fois, j'ai l'impression que c'est pas fini, il commence.
Il baisse les yeux sur la couette.
– Genre il est plus là, je sais, mais juste…
L'angoisse, les souvenirs. La honte. Ça, ça ne l'a pas quitté. Ça glisse entre ses doigts pour mieux lui coller à la peau, et il ne sait pas quoi en faire.
– C'est normal.
La voix de Shiki passe comme un baume sur sa peau.
– C'est le genre de chose qui reste, Neku. Même si c'est fini.
Elle caresse ses doigts des siens. Cherche son regard, même s'il s'obstine à l'éviter. Il ne veut pas lire sur son visage le spectacle qu'il donne.
– Il faut du temps pour se défaire de ça. Ça laisse des automatismes.
– Ouais. J'sais.
Ils en ont déjà parlé. Les blessures, le temps, tout ça. Comme les coupures qui cisaillent la peau, le temps de cicatrisation et les traces qui restent. Neku sait. Le temps toujours, la seule solution. Le temps qui passe forge, transforme, et ce qu'il a traversé a effacé le Neku qui est entré au collège. Mais le savoir ne rend pas la chose moins douloureuse.
– Laisse-toi du temps. C'est ok si tu te sens mal, d'acc ? Et si t'as besoin de parler. De chialer, ou si tu fais des cauchemars. Y a rien dont tu dois avoir honte.
Si. Il a honte de n'avoir rien fait. Honte pour toutes les fois où il a baissé la tête sans répliquer, accepté en silence les mots qu'on lui jetait. Il a honte d'avoir été victime, juste victime, incapable de se défendre.
Il a subi. Et chaque fois qu'il y pense, il a envie de disparaître.
– D'accord ?
Il hoche la tête.
– Tu veux rester ici ?
– Ça va aller.
– Sûr ?
Non. S'il revient maintenant, les autres vont poser des questions. Et il n'a pas envie d'y répondre. Il voudrait juste effacer ce qui a eu lieu, toute cette journée, de la mémoire des autres. Revenir comme si de rien était, son malheur tassé dans un coin de sa tête. Rien n'aurait existé, et ce serait parfait.
Malheureusement, ce n'est pas possible.
– On peut rester encore un peu ?
Question rhétorique.
– Bien sûr. T'auras qu'à filer quand on sera tous dans les bus.
Elle a compris, évidemment. Comme toujours. Shiki est vive d'esprit. Une sorte d'intelligence qui lie cœur et cerveaux, tendre et redoutable. C'est ce qui en fait une amie fidèle, mais il ne doute pas qu'elle pourrait être redoutable, si elle décidait un jour de se mettre à détester quelqu'un.
– Merci.
Elle s'installe contre lui sur le lit, et lui, il trouve son épaule et le contact rassurant de ses cheveux qui lui chatouillent la joue.
Tout ne va pas si bien. Mais il a connu pire. C'est juste une mauvaise journée, un mauvais séjour peut-être, mais ça va passer.
Et voilà. A demain, pour un chapitre plus joyeux !
