Hey !

Ok, on est sur la moitié du calendrier. Bien bien. Ça passe trop vite. Et les chapitres seront sans doute de plus en plus longs. Et je dois me bouger le cul pour écrire la fin. Mais sinon tout va bien.

Bonne lecture !


A l'amour comme à la guerre

.

– On est pas censées entrer là.

Olette n'a pas tort. D'une, Hanekoma leur a bien dit de rester dans les limites du village. Et ce champ, bien qu'il soit juste en face de la boulangerie, est de l'autre côté de la route. De deux… Eh bien, s'il y a une clôture ici, ce n'est sans doute pas pour rien.

– Ça va, c'est pas comme si on s'éloignait vraiment.

Mais Eri a l'air décidé. Et si elle partage bien un point commun avec Shiki, c'est cette détermination qui la pousse inexorablement vers les plus mauvaises idées.

De toute façon, Neku a décidé que ce n'était pas son problème. C'est plus simple comme ça. Il regarde la rouquine abandonner son fauteuil pour passer entre les fils de la clôture électriques, un bâton à la main, puis il reporte son attention sur le Joshua installé près de lui.

– Tu ne les rejoins pas ? le concerné demande, curieux.

– Nan.

La marche l'a fatigué. Et puis, cette neige profonde où elles enfoncent leurs jambes, ça ne lui fait pas envie. Il va finir avec le pantalon trempé. En plein hiver, non merci.

– Tu n'es pas très sportif.

Oh, celui-là…

– C'est l'hôpital qui se fout d'la charité.

– Oh, je t'ai déjà expliqué que ce n'était pas de mon ressort, Neku.

Oui, oui. Pas de sport, sauf si ça veut dire baiser avec Riku. Il a bien compris. D'ailleurs, il se demande si le gris sera là ce soir, où s'il s'éclipsera encore. Et la nuit dernière ? Il l'a passée avec Vanitas ? Ouais, sûrement. Est-ce que Joshua est au courant de quelque chose ?

– Mais effectivement, je ne suis pas un grand amateur d'activité physique. Encore que, tout dépend de l'activité en question.

D'accord, si même lui ne peut pas s'empêcher de faire la remarque…

– Donc, si tu n'apprécies pas le sport, qu'est-ce que tu fais de ton temps libre ? le garçon enchaîne.

– Des trucs.

– Je m'attendais à une réponse plus précise, je t'avoue.

Et Neku n'a rien à lui répondre. Ce qu'il aime ? Pourquoi ça intéresse Joshua, d'abord ?

Oh, zut. Pour une fois qu'il n'est pas trop casse-couille, il ne va pas le remballer. Ce serait mauvais de sa part - et mauvais, Josh ne l'est pas. Pas de ce qu'il a pu en voir. Merde. Il se sent méchant d'être si franc avec lui, maintenant.

– La musique.

– Oh ! Tu en joues ?

Il secoue la tête.

– J'en écoute. Souvent.

– C'est vrai que tu as tout le temps ton casque sur les oreilles.

Ou alors il pourrait l'envoyer chier. Et lui enfoncer un bloc de neige dans la gorge. Joshua doit le lire sur son visage, d'ailleurs, parce qu'il poursuit.

– Ce n'est pas un reproche. Je trouve simplement le constat amusant. Tu es dans ton monde.

– Ah.

Il doit le prendre comment ?

– C'est intriguant.

Bien. Il sait d'autant moins quoi lui répondre.

– Genre, tu fais attention à ça.

– Bien sûr.

– Mais pourquoi ?

– Pourquoi je fais attention à ce genre de détail, ou à toi en particulier ?

Oh non, ça devient gênant. Il va rougir, là. Il pourra toujours jeter la faute sur le froid, en témoigne la pointe carmin de son nez, mais… Et l'autre là, pourquoi il le regarde comme ça ? Avec son sourire en coin, son visage avachi au creux de sa main. Ça fait tanguer ses cheveux, et… oh, on dirait presque qu'il le drague. C'est fort possible. Merde.

Il doit faire comme si de rien était.

– Laisse tomber.

Et ça le fait rire. Neku ne sait même pas s'il doit se sentir vexé. Il n'a pas l'air de se moquer, c'est juste… Ça sort de sa bouche, et puis voilà.

– Et toi ? il tente. T'aimes quoi ?

– Ça t'intéresse vraiment ?

Il le traverse. Avec ses yeux. Deux trucs mauves qui passent en lui et Neku doit inspirer un coup. Ok, tout va bien.

– Ouais.

– Pourquoi ?

Mais merde, il ne peut pas juste répondre aux questions qu'on lui pose ? C'est quoi ces détours qu'il prend ? Ça l'amuse ?

Oui, bien sûr que ça l'amuse, c'est Joshua.

– Par curiosité.

– C'est bien la première fois que tu en fais preuve.

Neku commence à reconsidérer cette histoire de neige dans la gorge.

– Mais si ça t'intéresse, j'aime aussi la musique. Je joue du piano.

– Ah ?

Ça ne le surprend même pas. Ça colle avec son image de petit riche. Il le voit bien, assis derrière l'instrument, ses longs doigts brisés au-dessus des touches. Le visage fermé, attentif, et la musique pliée à sa volonté.

Là, c'est le moment où il réalise qu'il connaît bien les expressions de Joshua. Trop bien.

– Oui. Mais ce n'est pas mon instrument préféré, pour être honnête. C'est un choix de mon père.

Ah ?

– Pourquoi ?

– Très bonne question. Je suppose que ça rend bien, d'avoir un fils qui joue du piano. Ça impressionne les invités.

Les invités. Il dit ça tout sourire, mais il y a comme une fausse note. Du cynisme ? Il ne sait pas comment le prendre. Est-ce qu'il essaie de lui faire comprendre quelque chose ?

Faute de trouver quoi dire, Neku baisse les yeux vers le peu de neige à ses pieds. Son père, donc. C'est sûrement le type qui le dépose à l'école. Celui qu'il a déjà aperçu derrière la vitre de la bagnole, avec son regard droit et franc.

Et vu comme Joshua en parle, il ne le porte pas dans son cœur.

– Et tu joues du classique, alors ?

– J'ai commencé avec ça. Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus.

– T'aimes quoi, alors ?

– Disons que j'ai des goûts plus populaires qu'il n'y paraît.

Populaire ? Clairement, ça ne colle pas avec l'image du bonhomme.

– Donne un exemple.

– Lady Gaga, ou Avril Lavigne.

Son regard s'allume.

– Britney, aussi !

Oh. Ah, oui. Dur d'y croire. Il ne l'imagine clairement pas… Et si c'était une blague ?

– Tu déconnes ?

– Si je voulais te faire rire, Neku, je crois que je m'y prendrais autrement.

Pas faux. Donc, il dit vrai. Et ce n'est pas si incroyable, à voir son maquillage et ses rires perchés, mais de l'entendre en parler avec tant de naturel, ça le secoue. Remarque, Joshua n'a jamais prétendu qu'il n'aimait que le classique et les grands noms de la musique française. Ça, c'est Neku qui l'a imaginé tout seul.

– Et toi, qu'est-ce que tu écoutes ?

La liste est longue, et les genres sont variés. Mais Neku n'a pas le temps de répondre, qu'un énorme congèle lui tombe en plein entre les pieds. Il sursaute.

– 'tain !

– On dirait que ça vient de là, Joshua commente en désignant le toit.

– Merci, il répond, blasé.

Il l'entend glousser, ce petit con. Oh, là, il lui chauffe les nerfs.

– Avec plaisir.

– C'était pas sincère.

– Tu m'en vois profondément blessé.

Et là, une merveilleuse idée lui vient à l'esprit. Dans un geste purement instinctif, Neku plonge sa main dans le morceau de congèle qui vient de glisser. Et il en étale un morceau sur la joue de Joshua. Comme ça.

Ah. Là, il ne sourit plus.

Même, il pousse un petit cri du plus bel effet.

– Neku !

– Pas fait exprès, il ironise.

– Tu vas me faire croire que ta main a bougé toute seule, c'est ça ?

– On dirait.

Le petit bourge écarquille les yeux. Il lui sort sa plus belle moue offusquée, avant d'essuyer sa pauvre joue rouge et froide. Il rabat son écharpe autour de son cou, se constitue un air fier alors qu'il se détourne et, cette fois, c'est autour de Neku de glousser. Oh, la princesse est vexée ? Quel dommage.

– Et ça t'amuse ?

– J'ai l'air amusé ?

Sans doute, puisqu'il l'est. Au dépend de ce pauvre Joshua qui se lève, avec ce qu'il lui reste de dignité.

Non loin, Olette et Eri s'approchent et secouent chacune leur tenue pleine de neige. La seconde abandonne son morceau de bois et regagne son fauteuil, frictionne ses bras. Elle enfouit ses mains sur les mailles épaisses de son écharpe. Si elles ont terminé leur petit tour, ils vont pouvoir-

Une boule de neige s'étale sur sa joue.

Là. Comme ça.

– Désolé. J'ai glissé.

Joshua le regarde, tout sourire. Ses doigts encore trempés de glace fondue. L'œil pétillant.

Ok. Là, il est mort.

– C'est ça, ouais.

– Il t'en reste encore sur la joue.

Il ferait mieux de s'inquiéter de la sienne. Parce que Neku se penche aussitôt pour attraper la neige à ses pieds - pas la plus blanche, qui plus est. Mais quand il se redresse, l'autre galope déjà loin. Vers le champ blanc.

S'il croit qu'il va s'en tirer comme ça, il se fout le doigt dans l'œil.

– Genre ! Reviens !

– J'apprécie ta délicate attention, mais je ne m'approcherai pas tant que tu n'auras pas reposée cette neige là où tu l'as trouvée.

– Dans tes rêves.

– Allons, Neku. Nous savons tous les deux que tu es un garçon raisonnable. Tu vas gentiment déposer cette boule, et-

Merde. Il l'a raté de peu. L'autre a de meilleurs réflexes qu'il n'y paraît. Tant mieux. Ça rend la partie plus amusante.

– Attention, Joshua le prévient. Tu pourrais le regretter.

– Je prends le risque.

Le petit prince fait un pas en arrière.

– Je connais des gens haut placés.

– Tant mieux pour toi.

Nullement effrayé par la menace, Neku attrape un morceau de neige au cœur de sa paume. Il fait rouler la matière froide, la tasse et s'approche comme l'autre recule, à son rythme. Oh, Joshua peut bien geindre, lui aussi, il a le regard allumé.

– Tu tiens vraiment à tâcher ton casier judiciaire ?

Non. Mais tâcher son joli manteau, en revanche...

Neku lève la main. Et cette fois, le projectile atteint sa cible. La neige éclate contre l'épaule d'un Joshua outré, qui s'empresse aussitôt de lui rendre la pareille. Les rôles soudains inversés, c'est à son tour de galoper vers les ruelles du village. Et Joshua peut bien lui sortir toutes les excuses du monde, quand c'est pour le poursuivre, il sait courir.

Quand ils se laissent tomber sur la place du village, le cul sur la pierre froide de la fontaine, ils ont les cheveux perlés de cristaux blancs. Sa tignasse mêlée de neige, Joshua a des allures de prince de l'hiver.

– Tu es irrécupérable.

Il en a même le caractère présomptueux.

– N'empêche, t'as perdu.

– Je n'ai rien perdu du tout. Il n'y a pas de gagnant à ces jeux-là.

– T'as pris cinq tirs et moi trois. T'as perdu, point.

– Parce que tu tiens les comptes ?

Oh, mais il n'arrête jamais de casser les couilles des gens, lui ? D'accord, ça le fait rire. Rire sincèrement, du fond de sa gorge, comme l'autre plisse les yeux sur une moue méprisante. Mais quand même. Il a l'air ridicule, là, avec ses lèvres serrées. Bleuies par le froid, au contraire de ses joues rouges. Ses mains aussi, d'ailleurs, prennent des couleurs d'hiver. Sa peau tire sur le violet de ses yeux. Il le voit retirer ses gants pour réchauffer ses doigts contre sa bouche, et…

Et c'est bizarre à penser, mais ça lui saute aux yeux, soudain. Comme Joshua s'accorde si bien avec le paysage. Blanc sur blanc. Délicat et digne.

– Oh et, Neku ?

Le corps encore gonflé d'excitation, le rouquin se redresse.

– Quoi ?

– Ça te va bien, de sourire comme ça. Tu devrais essayer plus souvent.

Il guette la prochaine-

Oh.

Oh
D'accord. Il déglutit. Inspire.

– Ah.

– Dans ces cas-là, la réponse adaptée, c'est merci.

Oui, sans doute. Mais il y a un truc qui vient d'éclater à l'intérieur de lui, et il ne se sent plus capable d'aligner deux mots de manière cohérente.


Aaah, ça fait du bien de poster du fluff, mon dieu. J'espère que ça vous aura plu !

A demain !