Surprise ! Eh oui, me revoilà.

Non je n'abandonne pas l'histoire, je continuerai à poster bon gré, mal gré, jusqu'à la fin. J'essayerai de poster plus souvent des chapitres plus courts pour éviter les longs moments d'attente. Je m'excuse pour cette absence et vous laisse profiter du chapitre. Vous me direz ce que vous en pensez.

A bientôt !


Chapitre 13 : Fragrance salvatrice

- Malfoy.

Draco fronça les sourcils, mais garda les yeux fermés.

- Peut-être que je devrais te laisser.

- On en a déjà parlé.

Le Serpentard garda le dos tourné, face au mur, la tête posée sur son bras replié. Il ne s'était même pas glissé sous la couette, contrairement à Potter qui s'était agité pendant plusieurs minutes avant de briser le silence. Le froid de l'hiver semblait s'être insinué dans la chambre en réponse à la solitude de Draco. Il se recroquevilla sur lui-même en tentant d'ignorer la douleur lancinante de son cœur. A chaque fois que Potter ouvrait la bouche, c'était encore plus douloureux. Le Gryffondor était allongé quelques centimètres derrière lui, mais Draco avait l'impression qu'il était hors d'atteinte. Il ravala le sanglot qui menaçait d'émerger et serra si fort les paupières qu'il commença à voir des points blancs. Il avait tellement mal.

- Je te mets mal à l'aise, insista Potter, tu ne t'es même pas changé.

- Ça n'a pas d'importance. Dors.

Draco savait que ses mots étaient presque inaudibles, mais il craignait que les tremblements de sa voix ne le trahissent. Il peina à retenir le trop plein d'émotions qui lui obstruait la gorge, il avait l'impression d'étouffer. Allait-il s'en remettre un jour ? Parviendrait-il à digérer le rejet auquel il venait de faire face ? C'était la première fois qu'il se déclarait, qu'il se mettait volontairement dans une position aussi vulnérable. Une part de lui regrettait amèrement sa décision, mais une autre part était presque soulagée. Il avait gardé ses sentiments comme un secret honteux qu'il aurait emporté dans la tombe. Il avait nié jusqu'au dernier moment, mettant son ressenti sur le compte de la libido. Comme si c'était mieux. Comme s'il aurait pu être aussi proche, aussi intime avec une autre personne que Potter. Cela aurait dû être évident pour lui. Draco avait aimé coucher avec lui, et au-delà du physique, il s'était entiché de la personne dans son entièreté. Et désormais Potter savait.

Draco n'avait jamais expérimenté de pareilles sensations en présence d'une autre personne. Habituellement en contrôle, maîtrisant parfaitement ses émotions, ses expressions, ses paroles et son comportement, il perdait tous ses moyens en compagnie de Potter. C'était comme si, juste par sa présence, juste par son attention, il enflammait toutes les fibres de son être. Si bien que même en ces temps d'après-guerre où ses jours étaient rythmés par les persécutions physiques et verbales, la culpabilité et la repentance, Potter parvenait à animer une passion en lui que Draco pensait éteinte par les cruautés qu'il avait dû accomplir. Potter le maintenait éveillé, il le maintenait en vie. Chaque jour, Draco s'était langui de sa présence, de ses regards, de son attention. Il avait beau se fourvoyer en prétendant l'indifférence, et l'agacement, il ne pouvait s'empêcher de le chercher des yeux, de le repérer dans la foule, de reconnaître le son de sa voix, de remarquer ses sourires, de vouloir remonter ses lunettes sur son nez, de glisser sa main dans ses cheveux en bataille, et de sentir son odeur réconfortante. Il ne pouvait pas lui résister. Six années de rivalité, d'hostilité tangible, rongé par la jalousie de ne pas avoir ne fût-ce qu'un dixième de son courage, de sa bienveillance, et de sa résilience face au danger, pour finalement tomber sous son charme. Draco trouva la situation ironique. Depuis tout ce temps, ce n'était pas sa célébrité qu'il enviait, mais c'était l'attention que Potter accordait aux autres qu'il désirait. Il souhaitait occuper ses pensées autant qu'il occupait les siennes.

Il n'était pas si différent de ses groupies finalement, alors pourquoi aurait-il un traitement de faveur ? Parce qu'ils avaient couché ensemble ? Parce qu'il lui permettait de s'endormir le soir ? Draco avait secrètement espéré que oui, qu'ils avaient finalement développé un lien spécial, quelque chose d'unique et de précieux. Honnêtement, Draco ne savait pas ce qui les différenciaient d'un véritable couple, ils se comportaient comme des amants, dans les moments de tendresses, comme lors des disputes. S'avouer ses sentiments devenaient presque une simple formalité pour concrétiser ce qu'ils avaient déjà.

Grand mal en avait fait à Draco de se méprendre sur la nature de leur relation si particulière, qui n'était que le résultat d'une commodité, d'un arrangement pratique entre deux camarades de chambres agités par les hormones. Le Gryffondor lui avait assuré qu'il n'avait jamais voulu lui donner de faux espoirs, il aimait passer du temps avec Draco. Mais pas assez pour tomber amoureux. Potter n'était pas « à l'aise avec les relations entre hommes », parce qu'à l'instar d'une pipe, nourrir des sentiments pour un autre homme était inconcevable pour lui.

- Je ne peux pas dormir comme ça justement.

Draco se retint de justesse de répondre de manière cinglante. C'était lui qui venait d'essuyer un rejet humiliant, donc c'était lui qui était censé ne pas pouvoir fermer l'œil. Mais bien sûr, Potter ne pouvait pas lui laisser ce privilège.

- Je dois être près de toi pour m'endormir…

- Ce n'est pas assez humiliant pour moi ?

Le Serpentard serrait les poings si forts qu'il enfonça ses ongles dans sa paume. Il était à bout, en colère contre lui-même. Il avait si peu d'amour-propre qu'il s'entêtait à garder Potter auprès de lui, même après avoir été repoussé. L'idée même que Potter se glissât dans un autre lit que le sien était insupportable. Même avec la certitude qu'il ne retirerait rien de cette relation, à part de la déception et de la frustration à n'en plus finir, il n'était pas encore prêt à tirer un trait sur leur relation. Si Potter ne passait pas la nuit auprès de lui, il irait se faire bercer par d'autres bras, par des femmes avec qui tout était plus simple, avec qui les relations sexuelles étaient plus aisantes, avec qui la naissance de sentiments étaient concevables. Rien que de se l'imaginer fut physiquement douloureux pour Draco. Il était sûr que si l'occasion se présentait, si une femme parvenait à le satisfaire davantage, et à le faire s'endormir sans sexe, Potter le délaisserait en un battement de cil. Après tout, leur arrangement ne tenait qu'au fait que pour le moment, Draco semblait mystérieusement suspendre les effets de sa malédiction.

Mais qu'est-ce qui garantissait que ce fut toujours le cas ? Qu'adviendrait-il de lui lorsque la malédiction se serait brisée, s'ils parvenaient à extraire de Draco ce qui permettait à Potter de s'endormir sans sexe ? Toutes ces questions dont il ne connaissait pas ou ne voulait pas connaître la réponse menaient à la même conclusion : cette liaison était éphémère.

- Écoute Malfoy, comme je l'ai dit, je peux m'en aller. Je comprends tout à fait que tu n'aies pas envie de voir ma tête-

- Pourquoi tu m'as demandé ça ?

Finalement tout était de la faute de Potter. S'il n'avait pas posé cette foutue question rien de tout cela ne serait arrivé. Pas de malaise, pas de rejet, pas douleur, juste des spéculations, des fantasmes et de l'espoir.

- A quoi tu t'attendais ? Continua Draco, sans lui laisser le temps de répondre. Tu penses vraiment que je t'aurais dit non ? Même si… Même si j'avais menti tu l'aurais deviné quand même.

Le Serpentard ne voulait pas en reparler, il avait l'impression d'enfoncer un poignard dans une blessure suintante. Pourtant il ne pouvait s'en empêcher. Il fallait que tout sortît, ou il allait exploser.

Malgré la tension, il ne haussa pas le ton.

- Comment-

- Ça risque de t'étonner, mais je ne suis pas du genre à coucher avec le premier venu. C'était la première fois que j'embrassais un autre gars, la première fois que je prenais une bite dans le cul, la première fois que je suçais une queue, putain de merde.

- Je ne t'ai pas forcé, tu le voulais aussi-

- Bien sûr que je le voulais. J'en avais envie à chaque fois. C'est bien ça le problème. Je suis un putain de Mangemort, Potter. Bien sûr que je vais m'enticher de la première personne qui me montre un tant soit peu d'affection. Je suis un paria, le seul contact que j'ai avec les gens c'est lorsque je me fais tabasser. Je suis humain, merde, alors évidemment que je vais finir par ressentir quelque chose.

- Ce n'est pas de l'amour alors, c'est juste de l'attachement ! Tu ne peux pas aimer quelqu'un juste à cause du physique. Tes sentiments sont influencés !

Un simple attachement ? Impossible, c'était un terme trop faible pour qualifier l'étendu de ce qu'il ressentait. Mais voilà que Potter se permettait de juger ses sentiments sans même les accepter, estimant sûrement qu'ils n'étaient pas assez authentiques pour être considérés comme de l'amour ! Draco se retourna sur Potter pour le foudroyer du regard dans l'obscurité.

- Ne prétends pas savoir mieux que moi ce que je ressens ! Si tu ne voulais pas que ça arrive, il ne fallait pas me toucher tout le temps. Pourquoi ces caresses, pourquoi toute cette affection ? On n'est pas un putain de couple !

Face à ses mots, Potter avait l'air complètement déconcerté. Comme Draco s'y attendait, le Gryffondor n'avait pas la moindre idée de l'effet qu'il lui faisait. Il agissait sans réfléchir, de manière compulsive, simplement parce qu'il le pouvait. Lorsqu'il était mis face aux faits accomplis, il jouait les innocents en prenant Draco pour un fou. Oui bien sûr, Draco était en pleins délire, et avait tiré toutes ces conclusions de son chapeau.

- D'accord, d'accord, répondit Potter en levant les mains devant lui dans un signe d'apaisement, je ne te toucherai plus dans ce cas-

- Je ne te demande pas d'arrêter !

- Qu'est-ce que tu veux de moi alors, Malfoy ?

L'exaspération derrière ses mots était évidente. Leur discussion n'avait pas plus de sens que leur situation : L'horrible Mangemort qui s'était amouraché du noble Héro. Tout était contradictoire. Ils étaient si différents. Ils n'avaient littéralement rien en commun. Ses deux meilleurs amis le détestaient et Potter ne lui adressait quasiment jamais la parole en dehors de la chambre. Comme si Draco était son secret honteux. Un égarement dans son parcours de vie, une souillure pour sa réputation. Malgré tout, le Serpentard s'entêtait à porter le blâme sur Potter pour la naissance de ses sentiments, de ses illusions. Les termes de la relation étaient pourtant clairs depuis le début. Draco s'était emballé. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.

Malgré l'obscurité, il parvint à discerner le Gryffondor allongé sur le dos, sous la couette et fixant le plafond. Il se trouvait à quelques centimètres de Draco, mais ce dernier garda ses mains le long de son corps. Avait-il encore la prétention de pouvoir le toucher de manière désinvolte ? Le malaise résultant de sa déclaration avait quelque peu tendu leur connivence. Rien ne serait plus jamais comme avant.

- Tout est toujours compliqué avec toi.

Potter tourna la tête vers lui sans répondre. Même dans l'obscurité, Draco craignait d'affronter son regard. Il garda résolument ses yeux sur sa poitrine. Sa poitrine contre laquelle il s'était endormi. Sa poitrine sur laquelle il avait pu écouter son cœur, dont les battements ne résonnaient pas pour lui.

- Malfoy, je ne peux pas sortir avec toi.

Ça, Draco l'avait bien compris. Il dut fermer les yeux un instant pour accuser le coup. Potter s'installa sur le flanc pour lui faire face. Il gardait aussi ses mains pour lui, laissant un espace entre eux. Un espace infranchissable. Draco se recroquevilla sur lui-même et creusa davantage le fossé qui les séparait.

- Ce n'est pas juste parce que je suis un homme, n'est-ce pas ? C'est parce que je suis un Mangemort que tu ne veux pas de moi. Si ça avait été Finnigan ou Thomas tu n'aurais pas hésité. Ou mieux encore, si Delcourt était parvenue à te satisfaire autant que moi, vous seriez sans doute déjà mariés-

- Tu divagues complètement, coupa Potter sur un ton dur, ressaisis-toi ! Tout ça, c'est à cause de la malédiction, tu ne m'aimes pas vraiment. C'est notre proximité qui te rends confus.

- Je te dis que je sais ce que je ressens. Laisse-moi au moins ça !

Visiblement excédé par l'entêtement de Draco, Potter saisit le Serpentard par les épaules pour l'inciter à le regarder dans les yeux. Trop surpris pour se détourner, Draco ne se débattit pas. Il était trop préoccupé par le désarroi qu'il lisait dans le regard du Gryffondor. C'était comme si Potter avait besoin que ce fût une méprise. Il ne supportait pas l'idée que ce fût réellement ce que Draco ressentait.

- Est-ce que tu t'entends ? Ça n'a pas de sens. Tu ne me connais même pas.

- Tu réalises que ça fait huit ans qu'on fréquente la même école ?

Potter ne semblait pas se rendre compte qu'il était inclus dans la majorité des souvenirs de Draco depuis l'âge de onze ans. Le Serpentard ne se souvenait même plus de sa vie pré-Potter. Alors comment diable pouvait-il ne pas le connaître ?

- Quelques coucheries et une rivalité infantile exacerbée ne veut pas dire que tu me connais. On n'a jamais été amis. Il y a des choses sur moi que tu ne soupçonnes même pas.

Oh. Voilà que Potter lui servait le fameux « ce n'est pas ta faute, mais la mienne ». Draco commençait presque à être lassé. Potter utilisait sûrement cette technique pour repousser sa horde de fans en folie. Le Serpentard fut vexé d'en être assimilé. Lui qui pensait partager quelque chose de spécial avec lui. Chaque mot qui sortait de la bouche du Gryffondor était plus blessant que le précédent. Que cherchait-il à faire en réduisant sa déclaration à une lubie ? Pourquoi s'entêtait-il autant ? Comme si le rejeter ne suffisait pas, il fallait que Potter s'acharnât à le convaincre que ce qu'il avait sur le cœur n'était qu'une illusion. Comment osait-il lui enlever ce qui lui était de plus inhérent ? Draco se sentait honteux, vulnérable, et blessé aussi. Toutefois, il était sûr de ce qu'il ressentait. Potter ne lui enlèverait pas ça.

- Tu peux dire ce que tu veux Potter, mais je sais au fond de moi que je t'aime-

- Tais-toi, tu ne sais pas ce que tu dis ! S'écria soudainement le Gryffondor en plaquant sa main sur la bouche de Draco qui se débattit.

- Hmmph- qu'est-ce qui te prends ? J'ai simplement dit que-

- Et moi je t'ai dit de te taire, tu ne peux pas m'aimer-

Furieux, Draco pinça douloureusement le dos de sa main pour la retirer.

- Même si tu ne veux pas l'accepter, j'ai le droit de le dire autant que je veux !

- Arrête ! Se plaignit Potter en tentant de lui couvrir de nouveau la bouche.

Draco saisit son poignet qu'il bloqua sous son aisselle. Potter se débattit avec son autre main, mais le Serpentard parvint à la maintenir à distance de ses lèvres en entrelaçant leurs doigts.

- Je t'aime Potter, tu m'entends ? Je t'aime.

Le Serpentard avait beau réagir de manière impulsive face à la dénégation manifeste de son camarade de chambre, cela ne l'empêcha pas de se sentir embarrassé. Il n'avait jamais prononcé ces mots à hautes voix auparavant, ni même à l'attention de sa propre mère. C'était si étrange, si inconnu, si peu familier. Le blocage de départ s'était envolé, les mots s'échappaient librement de sa bouche, sans que ce ne fut assez. Il avait besoin de le dire encore plus, encore plus fort.

Potter secoua la tête et enfonça son visage dans l'oreiller, comme pour échapper à ses déclarations. Malgré la gêne manifeste du Gryffondor, Draco décida d'insister. Il se rapprocha de lui et saisit son visage entre ses deux mains pour plonger son regard dans le sien.

- Je t'aime, répéta-t-il.

- Ce n'est pas moi que tu aimes, mais c'est l'image que je représente. Je ne suis pas un héro, je ne suis pas parfait.

- Tu n'as pas besoin d'être parfait.

- Tu vas finir par être déçu. Je suis juste un gars comme les autres.

- Je t'aime comme tu es.

- Arrête de dire ça !

Sous ses mains, Draco sentit la mâchoire du sorcier se crisper. Potter semblait brisé, et impuissant. Draco fit des mouvements circulaires sur ses joues, jusqu'à ce qu'il se détendît de nouveau. Pendant quelques instants, le Serpentard s'exécuta et resta silencieux. Les respirations finirent par s'apaiser puis se synchroniser. Les mains de Potter finirent par joindre celles de Draco, sans pour autant les retirer. Avec hésitation, le blond glissa ses doigts sur ses pommettes, puis son front, avant de masser légèrement ses sourcils jusqu'à ce que le froncement s'en allât. Il rangea ensuite quelques mèches brunes derrière son oreille avant de saisir la main de Potter dans la sienne.

Une part de lui se sentait égoïste d'imposer inlassablement ses sentiments à quelqu'un qui en souffrait. Draco avait sans doute assez de rejets pour toute une vie, mais une autre part de lui s'obstinait à vouloir comprendre pourquoi Potter tenait tant à annihiler ses sentiments pour lui, comme s'il n'en valait pas la peine. C'était peut-être à cause de son côté cruel hérité de sa famille que Draco se déclara une nouvelle fois.

- Je t'aime.

- J'ai peur d'aimer un autre homme. Ce n'est pas ce que je suis.

Draco se reconnaissait dans les angoisses de Potter, et dans sa tourmente. Il posa son front contre le sien et répéta inlassablement les mêmes mots, comme une certitude sur laquelle ils pourraient s'appuyer quoi qu'il arrivât. Homosexuel ou pas, ça ne changerait rien à ce qu'il éprouvait pour lui.

- Je ne sais pas pourquoi je te veux tout le temps près de moi, confia-t-il sur un ton désespéré.

Potter passa ses bras autour de ses épaules, et enfouit son visage dans le creux de son cou. Il prit une grande inspiration et Draco posa un baiser au sommet de sa tête.

- Je t'aime, Harry.

- Je ne peux pas aimer un autre homme.

Le Serpentard ferma ses yeux, interrompant le flot de larmes qui s'écoulait depuis un moment déjà. Des sentiments aigre-doux l'envahissaient. Ses mots durs et tranquilles lui déchiraient le cœur à petit feu. Toutefois, Draco eut la vive impression que c'était tout ce qu'il pourrait recevoir de lui. Rien de plus, rien de moins. Des rencontres plus fructueuses l'attendaient sûrement en dehors du château, mais à cet instant, Draco était si désespéré qu'il préféra se contenter de ce que Potter voulait bien lui donner.


Draco commençait à peine à somnoler lorsqu'il se sentit glisser hors du lit. Il n'eût pas le temps de se retenir et tomba lourdement sur le sol. Complètement sonné, il se redressa en massant l'arrière de sa tête. Il plissa les yeux dans l'obscurité en se demandant comment il avait pu tomber de son lit alors qu'il avait pour habitude de dormir du côté du mur. Il constata rapidement que Potter n'allait pas tarder à le rejoindre sur le parquet. Il remarqua par la même occasion que le lit était penché vers lui, faisant glisser toute la literie et le matelas vers le sol. Draco tenta tant bien que mal de ralentir la chute de son camarade de classe. Heureusement pour lui, la couette et les coussins parvinrent à amortir l'impact. Pour autant, ils n'étaient pas sortis d'affaire. Le grincement du lit qui se balançait dans les aires signala à Draco l'urgence de la situation.

Potter était en train de faire une nouvelle crise, la malédiction se décharnait. Comment était-ce possible ? Le Gryffondor s'était pourtant endormi à ses côtés pourtant, comme la veille. Draco inspecta le sorcier pour trouver ce qui avait bien pu causer un nouveau chaos. L'obscurité ne facilitait pas la tâche, d'autant plus qu'il n'avait pas sa baguette sous la main. Des souvenirs de la dernière nuit de cauchemar défilèrent dans son esprit et il fut parcouru d'effroi. Si prendre Potter dans ses bras n'était plus la solution, comment allait-il pouvoir s'échapper de ce bourbier, cette fois-ci ?

Enroulé dans la couette épaisse de Draco, Potter n'avait pas bronché. Il s'était effondré sur le sol de tout son poids pourtant. Draco tenta vainement de le réveiller en le secouant, mais il n'obtint aucune réaction en retour. Encore une fois, il devait se débrouiller seul. Il espéra trouver un moyen d'arranger la situation avant que Potter n'entrât dans sa phase de transe. Le Serpentard eut des frissons en se rappelant de ses yeux vides et du son affreux qui s'échappait de sa bouche. Pour le moment, le Gryffondor demeurait impassible, tellement que Draco dû s'assurer à deux reprises qu'il respirait bien. A l'instar de la précédente manifestation, son visage était brûlant, et suait tellement que ses cheveux étaient plaqués sur son front.

- Potter, Potter, réveille-toi, tu m'entends ? Tenta-t-il vainement.

Il n'eût évidement aucune réponse. Il avait pourtant eu l'espoir que comme Potter n'était pas tombé d'épuisement comme la fois précédente, il aurait plus de facilité à reprendre conscience. Apparemment, non, une fois l'endormissement enclenché, il n'y avait pas de retour en arrière. Ce fut à ce moment qu'il se rendit compte que le bruit saccadé qu'il entendait depuis plusieurs minutes n'était autre que sa propre respiration paniquée. Il tenta de se calmer en listant ses options, mais arriva rapidement à la conclusion que sans sa baguette, il ne lui restait plus que la fuite. Non, non, il n'était plus le lâche qu'il avait été. Il ne pouvait certainement pas laisser Potter se tuer par accident, sinon la fuite serait synonyme de mort. Granger prendrait un malin plaisir à l'achever de manière lente et douloureuse, tout en prenant soin de brouiller les pistes, si bien que Draco lui-même aurait des doutes quant à l'implication de la sorcière.

La première chose à faire était de mettre Potter en sécurité. Il jeta un œil à son lit qui se rapprochait du plafond et en conclut qu'il valait mieux pour tous les deux que le meuble ne leur retombât pas dessus. Il tira le Gryffondor par les pieds pour l'éloigner de la zone à risque. Dans sa tâche, Potter se cogna conte un coin du mur : son bras, protégé par l'épaisseur de la couette s'en sortirait sans hématome, tant l'impact fut minime, pourtant cette action bénigne agit comme un catalyseur.

Le lit se fracassa contre le plafond, si bien que les colonnes se brisèrent, envoyant des éclats de bois dans toute la pièce. Draco laissa échapper un cri de surprise lorsqu'un énorme morceau aiguisé comme un pieux s'implanta dans le parquet à quelques centimètres de sa jambe. Il resta en état de choc quelques secondes, les mains tremblantes, en imaginant ce à quoi il venait d'échapper. Le fragment aurait pu toucher son artère fémorale et le laisser saigner jusqu'à la mort.

Il fut sortit de sa torpeur en apercevant du coin de l'œil son bureau s'agiter à son tour. Tous les meubles de la pièce semblaient prendre vie, avec plus de violence que la dernière fois. Ce qui restait de son lit finit par retomber sur le sol, tandis que la couche de Potter se déplaça à son tour. Les coffres contenant leurs vêtements respectifs s'ouvrirent et se refermèrent à répétition, joignant le vacarme assourdissant de la pièce qui n'arrangeait rien à la panique de Draco. Les fenêtres s'ouvrirent soudainement, en arrachant les rideaux. La lumière de la lune pénétra dans la chambre en même temps que la bourrasque hivernale qui retourna tout sur son passage. Acculé dans un angle de la chambre, avec Potter derrière lui, le Serpentard observa impuissant la destruction qui se déroulait devant lui.

Il fallait fuir et en vitesse.

Évitant de justesse une commotion en esquivant un manuel qui frôla son visage, Draco décida de progresser sur les genoux. Il plaça les tibias de Potter sous ses aisselles et le traîna dans sa progression lente, mais sure, vers la porte. Cette fois-ci, il ne se soucia pas de savoir si le Gryffondor se cognait contre le mobilier, mais s'arrêta à plusieurs reprises pour le protéger de quelques projectiles assez costaux. Après avoir reçu sa chaise de bureau dans le dos, Draco tâtonna le parquet, en inspectant le sol du mieux qu'il put à la recherche d'une baguette, ou d'un quelconque moyen de se mettre à l'abri. Malheureusement, il ne récolta que des échardes et des égratignures.

- Aller ! Putain de merde, jura-t-il lorsque la couette dans la quelle Potter était enroulée se coinça contre le pieds du bureau.

Il se retourna complètement sur le Gryffondor en l'insultant de tous les noms. Même inconscient, il fallait toujours qu'il lui rendît la vie difficile. Comme si une putain de malédiction déchaînée n'était pas assez. Draco tira de toute ses forces sur la couette en tentant de la libérer du bureau qui s'entêta à rester immobile. Le fracas assourdissant autour de lui ne l'aida pas à garder son calme, si bien qu'il continuât à tirer vainement, manquant de se claquer un muscle. Il tenta ensuite de soulever la table, sans grand résultat. Il en conclut alors qu'il fallait se débarrasser de la couette, un effort qui allait prendre du temps. Il se pencha sur Potter, et souleva sa tête pour le redresser et trouver l'autre pan de la couette dans laquelle il était enroulé.

Soudain, Potter ouvrit les yeux. Le regard vide et luisant s'accompagna de l'expiration continue et lugubre qui donna des frissons de terreurs à Draco. Ce dernier fut prit d'une brusque envie de prendre ses jambes à son cou. Il se contenta d'étouffer un cri d'horreur et de calmer ses tremblements. L'agitation autour d'eux s'intensifiait, mais Draco n'entendait plus que les battements de son cœur affolé qui menaçait de sortir de sa poitrine. Le visage de Potter n'était qu'à quelques centimètres du sien, si bien que le son que le Gryffondor émettait si près de son oreille, faisaient trembler ses os. Draco reçut des parchemins en pleine figures, fut frappé à la tête par des pairs de chaussures, mais il tint bon. En se penchant davantage, il parvint à tirer le pan de la couette qui permit de libérer le Gryffondor.

Soudain, Draco sentit les bras de Potter s'enrouler autour de ses épaules. Simultanément, le sorcier inconscient enfouit son visage contre la gorge de Draco et prit une grande inspiration. L'agitation ne cessa pas pour autant, mais Draco remarqua un léger ralentissement des mouvements. Certains objets retombèrent sur le sol. Etait-ce d'avoir Draco près de lui qui calmait la malédiction ? Potter s'était pourtant endormi, les bras enlacés autour de lui, comme la veille. Que manquait-il pour interrompre la malédiction ? Qu'est-ce qui avait changé depuis la veille ? Etait-ce à cause de sa déclaration inopinée ? Les sentiments du Serpentard avaient-ils atténuer ses effets tranquillisants à l'encontre de la malédiction ? Non, ça n'avait pas de sens. Pourquoi son amour pour le Gryffondor aurait un quelconque impact sur une malédiction aussi puissante ? Ce n'était pas réciproque. Draco ne représentait rien de plus pour Potter qu'une relation sans lendemain. Il n'était pas plus spécial que ses précédents arrangements, encore moins depuis que ses propriétés soporifiques avaient disparues.

Draco fut sorti de sa détresse intérieure par le fracas de son coffre qui percuta le sol. L'ensemble de son contenu sur déversa sur le parquet. Le couvercle céda sous l'impact et cogna Draco à la tempe. La douleur qui jaillit l'étourdit quelques instants, piégé dans les bras de Potter, il ne parvint pas à vérifier s'il saignait. Il était désorienté, tout vacillait autour de lui. Des points blancs obstruaient sa vision, il n'entendait plus rien, à par les battements de son cœur affolé qui résonnaient dans ses tempes, et les inspirations incessantes de Potter contre son cou-

Oh.

Ce n'était pas des inspirations. Non, il s'agissait d'inhalations. Voilà pourquoi le Gryffondor se collait à lui, il avait besoin de l'odeur de Draco. Toutefois, cela n'avait pas l'air d'aussi bien fonctionner que la vieille. Quelle était l'odeur qui parvenait à le calmer dans ce cas ? Il fallait qu'il trouvât rapidement, car même si le chaos s'était légèrement calmé, il ne s'était pas arrêté pour autant. La tempe de Draco le faisait souffrir, et Potter manquait presque de l'étrangler, mais le Serpentard se força à réfléchir et vite. Quelle odeur cherchait-t-il ? Draco ne portait pas de parfum. Il avait toujours la même odeur, car il se douchait chaque jour avec ses produits à base de baies de Sureau.

Il se souvint alors qu'il ne s'était pas lavé, ce soir-là. Il était allé directement se coucher, sans même prendre la peine de se changer. Sa dernière douche datait du jour précédent, donc l'odeur de baies de Sureau avait eu le temps de s'estomper ! Draco aperçut alors son gel pour le corps quelques mètres devant lui. La bouteille ne s'était pas brisée grâce au sort de renforcement qu'il y avait appliqué quelques jours auparavant. Il parvint tant bien que mal à étirer son bras assez loin pour l'atteindre et vida sans hésitation le peu qui restait sur Potter.

L'effet fut instantané.

Toute agitation s'interrompit brusquement, et chaque meuble, chaque livre, chaque vêtement, chaque literie revint à sa place, intact. Le coffre de Draco fut réparé et ses affaires réintroduites à l'intérieur, de même pour son lit en baldaquin qui retrouva ses colonnes, son matelas et ses draps. Les fenêtres dont les vitres s'étaient brisées retrouvèrent leur forme originelle avant de se refermer dans un claquement, couvert par le grincement des chaises et des bureaux qui reprirent leur position de départ. Bientôt le calme revint, seulement dérangé par les halètements de Draco dont les mains ne cessaient de trembler.

Le Serpentard jeta un dernier coup d'œil autour de lui pour s'assurer que tout était bien retourné dans l'ordre. Sa chambre était de nouveau dans sa disposition habituelle. Tout était comme avant. Tout sauf les deux camarades de chambres, allongés l'un sur l'autre, sur le sol, près d'une bouteille vide de gel lavant pour le corps aux baies de Sureau. Draco se tourna vers Potter, toujours inconscient, mais endormi cette fois. Le Gryffondor émettait des petits ronflements sereins comme pour souligner le retour à la normal.

Draco se rendit alors compte qu'il n'était plus piégé dans son étreinte. Il se redressa doucement en dévisageant le visage de Potter aspergé de liquide savonneux. Sa tête était orientée vers la flaque qui s'était formée près de lui, comme s'il voulait se rapprocher le plus possible de la source. Visiblement, Potter n'avait plus besoin de lui. Il n'avait jamais eu besoin de lui.

Seulement de la baie de Sureau.


Potter était allongé sur le flanc, dos à Draco, quand il finit par se réveiller. Le Serpentard l'observa se frotter les yeux, passer les mains dans ses cheveux, se retourner sur le dos et s'étirer. Le Gryffondor finit par le remarquer. Draco était assis, adossé au cadre du lit et avec les genoux amenés contre son torse. Il n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Potter se redressa et copia sa posture. Il regarda tout sauf Draco, semblant gêné par la situation.

- Euh...bien dormi ?

- Comme un loir, répliqua Draco sans pouvoir contrôler le sarcasme de son ton.

Potter baissa les yeux sur ses doigts dont il tripota les ongles. Malgré le malaise flagrant du sorcier tout juste réveillé, Draco ne put s'empêcher de le dévisager silencieusement. Il observa ses mèches folles, ses yeux fatigués, la marque du sommeil sur sa joue, et la naissance du duvet au-dessus de ses lèvres sèches et légèrement gercées. Sous la lumière du jour, il était encore plus beau.

- Merci hier, dit soudainement le Gryffondor, de m'avoir laissé dormir près de toi, même après ce qui s'est passé hier...

- N'en parlons plus, interrompit Draco en agitant la main, faisons comme si rien de s'était passé, pour qu'il n'y ait pas de malaise.

Rompre leur arrangement était la dernière chose dont Draco avait besoin, à cet instant. Surtout après s'être rendu compte que ses jours auprès de Potter étaient comptés. Une petite part de lui avait espéré que le chaos de la veille ait fait oublier à Potter tous les événements de la soirée. Pourraient-ils retrouver la relation qu'ils avaient avant sa déclaration ? Ils devraient prétendre qu'il n'y avait rien au-delà du physique, que Draco ne nourrissait pas d'espérances vis-à-vis d'une relation claire et assumée, et qu'ils acceptaient l'un comme l'autre que cette entente s'arrêterait lorsque Potter n'aurait plus besoin de Draco. Lorsque Potter parviendrait enfin à dormir seul-

- Comment je suis censé ignorer ça ? Répliqua le Gryffondor, sidéré, en se tournant vers lui.

Il ne portait pas ses lunettes et Draco peina à soutenir son regard intense. Il n'était jamais dans la demi-mesure. Il entreprenait tout avec hardiesse, comme si sa vie en dépendait. Même s'il s'agissait de défendre l'intérêt d'un sale Mangemort qui s'était humilié à croire en l'existence d'une possible réciprocité dans leur relation. Alors que tout ce que Draco désirait était de le garder jalousement auprès de lui.

- Fais-le c'est tout.

- Malfoy-

- S'il te plaît, fais-le, insista Draco dont la voix fébrile trahit le désespoir qu'il ressentait. Ce sera plus simple pour notre arrangement.

Potter se frotta le visage manifestement embêté par la situation. Pour un Gryffondor aussi vertueux que lui, même ses intérêts devant le bien-être de quelqu'un d'autre n'était pas chose commune, pas même lorsque sa vie en dépendant. De plus, dans leur cas précis, Potter savait aussi bien que lui que ce n'était pas la bonne décision. Arrangement ou non, les choses étaient vouées à se compliquer entre eux. C'était dans leur nature. Potter mit quelques temps à répondre, semblant peser le pour et le contre d'une tel compromis. Il finit par soupirer bruyamment et retirer la couette. Il balança ses jambes sur le bord du lit, dos à Draco, et prit sa tête dans ses mains. Quand il le vit secouer la tête, Draco manqua de mordre sa lèvre inférieure jusqu'au sang.

- Je ne sais pas, je ne pense pas-

- Tu ne peux pas dormir sans moi.

Draco sentit la bile remonter dans sa bouche en même temps que le mensonge franchit ses lèvres. Heureusement pour lui, Potter ne vit pas son expression coupable. Le dos du Gryffondor se tendit avant de s'affaisser. Draco s'approcha de lui et après une légère hésitation, il l'enlaça par derrière, et posa sa tête sur son épaule. Son cœur s'accéléra lorsqu'il sentit les épaules de Potter se détendre. Il semblait toujours réceptif à l'affection de Draco. Le serait-il autant s'il savait que le Serpentard, à la hauteur de la réputation de sa Maison, profitait honteusement de sa détresse pour le garder dans l'ignorance, pour le garder auprès de lui ? Draco avait besoin de lui, il avait besoin de leur lien, de leur intimité, de leur exclusivité. Il n'était pas prêt à renoncer à tout cela. Il craignait même de s'imaginer ce que deviendrait sa vie, après. Il n'y avait personne pour lui en dehors de leur chambre, il finirait ses jours à moisir au Manoir délabré avec sa mère qui pleurerait le destin funeste de son père. Il avait besoin de profiter de sa présence tant qu'il en avait encore l'occasion. Avant que tout ne lui fût arraché, de nouveau.

Finalement, Granger n'avait pas tort de se méfier de lui. Il était une mauvaise personne, et il le resterait à vie. C'était une tare incurable chez les Malfoy, inscrite dans leur gènes, inscrite dans leur nom.

- Je n'ai pas besoin de ta pitié, chuchota-t-il en ignorant les remords qui lui rongeaient l'estomac. Alors arrête de t'en vouloir, Harry.

Draco sentit la main de Potter se poser sur les siennes. Pensant un instant qu'il s'apprêtait à se dégager de l'étreinte, le Serpentard déposa des petits baisers sur son oreille, puis sur la naissance de sa mâchoire. Le Gryffondor finit par tourner la tête vers lui. Sans ses lunettes, il ne devait sûrement pas voir grand-chose du visage de Draco. Ses yeux étaient légèrement de travers, cherchant à adapter sa vision d'aussi près.

Draco avait beau réfléchir, il n'y avait rien chez lui qui ne l'attirait pas. Il posa un baiser sur son nez pour commencer, puis sa joue, comme pour demander la permission de continuer.

Potter ne tarda pas à baiser ses lèvres.