Hey !

Et voilà le chapitre 15. Vraiment, ça passe trop vite. En plus, ça veut dire que dans dix jours, Noël est là. (et j'ai pas fini de préparer mes cadeaux, mon dieu)

Merci à Lae pour sa review sous l'OS précédent !

Bonne lecture !

En l'absence de courage

.

– Alors ?

Deux paires d'yeux avides lui tombent brusquement dessus. Neku soupire.

– Y s'est rien passé de spécial.

– Rien ? Shiki insiste.

– Rien. On a juste marché dans un village. Et on a pris un chocolat chaud.

– Eri m'a déjà raconté ça.

– Bah tu sais tout.

Il baisse les yeux vers son assiette pleine de lentilles. Pas son plat préféré, franchement, mais il faudra qu'il s'en contente. Et qu'il se gave de pain, pour ne pas avoir faim cette nuit. Le pain, c'est toujours bon.

– Paraît que t'es resté avec Joshua ?

Et merde. Il aurait dû s'en douter, de ça. Un couple de commères ne passe jamais à côté d'une telle information. Et Neku a beau aimer Shiki de tout son cœur, il n'a pas des masses envie de lui parler de Joshua, là. Elle pourrait mal interpréter les choses. Ou capter un truc qu'il n'a pas envie de capter. Elle est trop maline sa pote, c'est pas bon.

– On a discuté un peu.

– Genre, tu parles avec le petit prince maintenant ? Beat s'exclame.

Neku rougit.

– Pas si fort !

– Oups. Déso.

Le rouquin regarde autour de lui. A sa droite, il aperçoit un Hayner trop occupé à roter pour se préoccuper de leur conversation. Les autres élèves ne semblent pas plus intéressés par ce qu'ils viennent d'entendre. Et Joshua…
Joshua est assis à l'autre bout de la pièce, son plateau face à lui. Installé à côté d'une magnifique vitre, il surveille son portable.

La chaise près de lui est vide.

– Il participe aussi aux sorties. J'suis obligé de lui parler.

– Merde. Il casse pas trop les couilles ?

– Bah.

Neku enfourne une fourchetée de lentilles. Il n'a pas envie de cracher dans le dos de Joshua. A vrai dire, il n'a pas du tout envie de parler de lui. Et en même temps, il voudrait. Les côtés chouette du petit bourge, il a envie de les partager. Puis c'est vrai qu'il a passé une bonne journée, la meilleure depuis le début du séjour.

Ça lui fait bizarre. Leur discussion était cool, et il ne sait pas quoi en penser.

– En vrai ça va.

Beat ouvre deux yeux ronds.

– Sérieux ?

– Il est pas chiant tout le temps non plus, hein.

– Il faut des pauses, Shora ironise.

Elle épluche une pomme à l'arrache.

– Vous avez parlé de Riku ? Shiki enchaîne.

– Vite fait.

– Et ?

– Il sait pas non plus où il est passé.

L'air de rien, Neku regarde derrière ses potes. Joshua coupe un morceau de son pain. Il croise les jambes, les décroise aussitôt. Toutes fines, ses gambettes. Il n'est pas bien grand, mais elles n'en ont pas l'air moins longues. Le tissu qui les recouvre efface leur forme. Pour une fois, le garçon a privilégié le confort à l'esthétique.

– Y a pas à s'poser la question, si Van était pas là non plus, Shoka fait remarquer.

Il checke régulièrement son téléphone, mais Neku ne le voit pas écrire de messages. Est-ce qu'il regarde un truc ? Ou alors, il fait ça pour passer le temps. Il connaît la technique. Quand on a pas d'ami, on s'occupe comme on peut. Peut-être qu'il fait défiler les actus sur Twitter. Est-ce qu'il a Twitter, d'ailleurs ? Il faudrait qu'il cherche. Juste par curiosité. Qu'est-ce que Joshua posterait sur ses réseaux sociaux ? Des photos de lui, sans doute. Quand on a sa gueule, on peut se faire plaisir.

Ah, ce n'est pas le moment de penser à ça !

Mais quand même, le pauvre. Il est seul au milieu d'une mare d'élèves, à tripoter un écran en avalant ses lentilles. Il a beau sourire, il avait l'air plus à l'aise quand il tapait la discute avec Eri, cet après-midi.

– Mais t'as passé la soirée avec Sho du coup ?

Shiki percute comme elle s'exclame, et se tourne vers Beat. Parfait. C'est le changement de sujet qu'il lui fallait. Neku fait genre de s'intéresser à la question.

– Ouais, Beat marmonne.

– Raconte !

– Raconter quoi ?

Allez savoir. Il va devoir trouver, parce que Shoka redresse aussitôt la tête.

– Chaud. T'as pas trop eu l'impression de suivre un cours de maths ?

– Un cours de maths, j'aurais eu les explications avec.

– Pas faux.

Le skateur triture sa bouffe. Il inspire comme quand il hésite à dire une connerie. Puis il croise les bras sur la table.

Ok. Il va dire un truc sérieux.

– En vrai, j'crois y a de la logique dans son truc.

– Ça, ça reste à prouver, Shoka lâche.

– Non mais vraiment. Genre la dernière fois il parlait de zeptogramme et j'ai cherché sur internet, et en vrai c'est nombre hyper négatif. Enfin, j'ai pas tout compris mais genre, c'est logique comme insulte, tu vois.

– S'tu le dis.

Neku s'étonne plus de l'effort de Beat que de la signification cachée des paroles de Sho. Sans doute, oui, que ça fait sens pour lui. Mais franchement, même après une prépa spé maths, il n'est pas sûr de pouvoir tenir une conversation avec ce gars.

– Et son trip sur les déchets, on a une explication ? Shoka enchaine.

Un coup d'œil vers l'autre bout de la pièce, et tout le monde peut observer le concerné en train d'écraser des canettes de coca. Le pire, c'est encore la minutie qu'il accorde au geste. Il les plie délicatement. Et quand il a terminé, il prend une photo. Au même moment, le portable de Beat vibre.

– Toujours pas, le blond lâche en zieutant l'écran.

Neku contemple son assiette enfin vide. Il sauve ce qu'il reste, avale son morceau de pain. Devant lui, Joshua n'a pas bien avancé. Il s'est étalé contre son dossier, n'en reste pas moins distingué. Il a dû abandonner l'idée de finir ses lentilles, parce qu'il vient d'attraper son dessert. Sa cuillère dans une main, il porte un morceau de mousse au chocolat à ses lèvres, se penche à peine pour le happer.

Et toujours, personne en face de lui. Ni à côté. Il n'y a que son reflet net dans la vitre, et ses doigts qui tapent sur son portable.

Ça a toujours été comme ça, maintenant qu'il y pense. D'autant que Joshua ne mange jamais à la cantine. Avant, Neku s'en moquait.

Maintenant, il a envie d'aller s'asseoir près de lui.

– Quatre paquets ? Shoka tique. Mais il fait quoi avec toutes ces pailles ?

Il devrait l'inviter, peut-être ? Il y a encore de la place à leur table. Il aurait juste à agiter la main dans sa direction pour attirer son attention. Bon, Beat ne l'apprécie pas des masses, et il ne sait pas ce que les deux autres en penserait. Au moins, si Eri était là… Mais elle a préféré manger dans sa chambre.

Ce serait l'occasion de leur prouver que Joshua peut se montrer agréable, quand il veut. Et puis, s'il aime les fringues, il va s'entendre avec Shiki. Clairement.

Quoi que, si ça se trouve, il préfère rester seul. Ça ne le dérangeait pas tant Neku, au collègue. Il avait du mal à s'entendre avec les autres. La solitude était confortable. Familière. Les gens, pour lui, c'était juste du bruit et de l'angoisse. Des mots à aligner, un jeu à jouer jusqu'à ce qu'on lui rende sa tranquillité.

Il hésite. Tombe le nez vers sa propre mousse au chocolat.

– Et c'est quoi son tripe avec les Cosinus ?

– Ça j'ai pas encore décrypté.

Puis il entend Hayner. Son rire bref, sa voix couverte par le brouhaha ambiant. Son regard qui perce à travers la pièce, que Joshua ignore, digne.

Pas besoin d'entendre ce qu'il balance à Pence pour capter que ça n'a rien de sympathique. Neku baisse les yeux. Il attrape son pot de mousse, déchire l'opercule et plonge sa cuillère, alors que, non loin, Joshua racle la sienne.

Bah. C'est trop tard pour l'inviter à manger avec eux, de toute façon. Ils ont tous fini, et ils vont bientôt retourner dans leur chambre. Puis ils sont entre potes. Il n'aimerait pas, lui, si Shoka ramenait quelqu'un sans prévenir. Ce sera pour une autre fois. Une fois où, il l'espère, Hayner ne sera pas dans le coin.

Neku termine son repas en vitesse. Quand il relève la tête, quelques minutes plus tard, la place de Joshua est vide. Plus de plateau.

Mais il lui reste cette honte brûlante qui le pousse à baisser les yeux.

La prochaine fois, il jure dans le vent. La prochaine fois, il lui fait signe.

Voilà voilà. Aah, j'ai trop hâte de poster le chapitre de demain. C'est un des plus chouettes, j'espère qu'il vous plaira.

A demain !