Hey !
Je poste à la va vite dans le métro avant le boulot, mais bonne lecture !
(Et encore merci à Lae pour les reviews. Des coeurs sur toi)
Promesse ratée
.
Puisqu'il faut bien que la journée se termine, le soleil décline derrière la vitre. Bientôt, les bus arrivent, et Neku retrouve quelques visages familiers à la tignasse pleine de neige. Le sourire inépuisable de Shiki, qui s'en va trouver une place entre les bras d'Eri, n'est pas pour l'aider dans ses propres questionnements. Il les envie.
Il regarde Joshua, qui s'efface dans le couloir. Ça lui serre le cœur et, en même temps, ça le soulage. Il n'aurait pas su quoi dire, si le garçon l'avait abordé devant son groupe de potes.
– Alors DJ !
Beat lui offre une grande tape dans le dos.
– Z'avez fait quoi aujourd'hui ? Sortie dans un village paumé du fin fond de la montagne ?
– Nan, on a juste regardé un film.
– Sérieux ? C'était cool, au moins ?
– Plutôt sympa.
Le blond agite sa tignasse, et fait s'envoler partout une flopée de flocons qui trouvent leur place sur le parquet.
– Et ça parlait de quoi ?
– Bah, c'était une histoire d'amour.
Qu'il a déjà oubliée. Pas que l'histoire ne lui plaisait pas, mais sa concentration allait plutôt vers la tête bouclée posée près de lui. Tête bouclée nettement plus intéressée par les images qui défilaient à l'écran.
Près d'eux, Eri et Shiki échangent des messes basses. Il croit sentir un regard mais, quand il se tourne, elles sont en train de consulter leur téléphone.
– Eh, nanogramme.
Tiens, Sho qui s'approche. Neku plisse les yeux. Ce n'est pas l'insulte qu'il utilise habituellement, si ? Est-ce que c'est une insulte, d'ailleurs ? Beat a parlé de nombre négatif. Ce n'est sans doute pas un compliment.
– Quoi, t'as pas digéré ta défaite ?
Ah, apparemment, ça s'est chauffé sur les pistes. Neku s'en doutait, ces deux-là sont infoutus de se tenir sans une pièce sans se bouffer le museau, alors dans un cadre compétitif… Il espèce que ça ne finira pas trop mal pour eux.
– On a juste passé les exercices. Prépare toi pour le résultat final.
– Ouais, bah le résultat pour toi, ce sera zéro.
Le rouquin les laisse à leur discussion. Ça l'étonne déjà assez, de voir que son pote comprend ce que l'autre essaie de dire. A moins qu'il ne fasse juste bien semblant. Dans tous les cas, il s'éclipse et file prendre une douche dans sa chambre. Étonnamment, Joshua ne s'y trouve pas.
L'eau chaude le détend, mais elle n'a pas l'effet escompté. Ses idées ne sont pas plus claires quand il sort, et il flotte toujours dans cette nébuleuse , confortable et angoissante. Il a passé une bonne journée. Vraiment. Et Joshua n'y est pas étranger. Maintenant, il regrette tout ce qu'il a pu dire dans son dos. Pas qu'il se soit ouvertement moqué de lui, mais… Il l'a peut-être jugé trop facilement. Est-ce qu'il doit en parler avec le reste du groupe ?
Il ne veut pas le regarder manger tout seul ce soir.
Sauf que s'il commence à le draguer en public, ça ne va pas le faire. Shiki va sauter comme une pile surchargée, Beat posera d'horribles questions gênantes dont tout le monde profitera, et Shoka… Shoka sera peut-être bien le seul être humain décent de la table. Ce serait sans doute plus simple si Eri venait manger avec eux, mais le bruit des cantines l'épuise. Pas sur qu'elle les rejoigne, ce soir.
Allez. De toute façon, le sujet viendra de lui-même. Puis le voyage est bientôt fini, alors…
Neku jette un coup d'œil dans la chambre, toujours vide. Il attrape ses fringues, s'habille et s'en va rejoindre ses camarades dans la longue file d'attente qui précède le repas.
– Wow ! Elle est genre… wow.
Penché sur le portable de Shoka, Beat cligne des yeux.
– Mais c'est Ayano, non ? Shiki demande. C'est pas elle qui trainait avec Kaie et Tsugumi l'an dernier ?
– Si, Shoka confirme.
– Elle fait peur. Enfin pas… Tu vois c'que je veux dire, quoi, Beat se reprend.
– Elle est impressionnante, mais franchement elle est cool.
Neku s'avance.
– Yo.
– Mec ! Tu veux voir la go de Shoka ?
Oh, donc c'est d'elle qu'ils parlent. Curieux, le lycéen jette un coup d'œil vers le portable qu'on lui tend, et tombe sur une photo familière. Ayano. Il se souvient, elle fumait parfois devant le portail du lycée, avec d'autres gars dont il a oublié le nom. Des Terminales qui ont passé le bac l'an dernier.
– Vous étiez ensemble ? il demande, curieux.
– Pas l'an dernier. Ça fait genre deux mois.
– D'acc.
Il comprend pourquoi elle n'aime pas trop en parler. Les rumeurs vont vite, et les gens sont indiscrets. N'empêche, elle a fait fort. De mémoire, Ayano accumulait les déclarations. Il ne savait pas qu'elle avait un penchant pour les meufs, d'ailleurs. Il a toujours pensé qu'elle finirait avec Shiba. Ils s'entendaient plutôt bien.
– Lâche !
Le cri vient du couloir. Tout le monde se retourne en identifiant la voir d'Eri.
– Eh c'est bon, j'voulais juste aider.
– Tu touches pas mon fauteuil comme ça !
– Ça va-
– Non va ça pas. Tu touches pas point, la prochaine fois je te roule dessus.
Celle d'Hayner s'élève aussi, honteuse, et le blond ne tarde pas à apparaitre près de la jeune femme qui pousse rageusement ses roues. Shiki tique.
– Y a un problème ?
– C'est bon.
Eri a beau dire, elle a des restes de colère dans la voix. Elle se cale près d'eux, met les freins.
– Il t'emmerde ? elle insiste.
– Il a choppé les poignets pour me pousser.
Beat croise les bras, prêt à choper l'autre skateur qui s'éloigne.
– Lui…
– Laisse. Je veux juste avoir la paix.
– T'es sûre ?
– Oui.
Neku plonge les mains dans ses poches. Ce n'est pas la première fois que ça arrive, et encore moins la dernière. Mais ça saoul toujours, quand les gens font ça. Enfin, si elle veut changer de sujet, il ne va pas forcer.
Ça converse joyeusement quelques minutes, avant qu'Eri et Shiki ne commencent à faire la queue pour la bouffe. Le reste du groupe va pour les suivre, tant qu'il n'y a pas trop de monde.
– Neku ?
Mais ils sont interrompus.
Oh.
Neku déglutit. Il reconnaît la voix légère de Joshua. Cette interrogation suspendue. Il peut même deviner son expression - et ça, ça veut dire qu'il l'a observé plus qu'il ne le croyait - mais c'est celle d'Hayner qui l'attrape, là. Ce truc qui pétille dans ses yeux, alors qu'il s'attardent sur le nouveau venu.
Il déglutit.
Sûrement que son camarade de chambre vient d'arriver pour participer au repas. Mais Neku ne se tourne pas pour le regarder.
– Neku ! il appelle plus fort.
Non. Les gens vont l'entendre.
– Eh gars, j'crois qu'y a Queenie qui t'appelle, Beat fait remarquer.
– J'sais.
Il reste quand même tourné.
– Eh ! Le maquillage c'est pour les meufs, gars !
La voix sort de la foule, et Neku sait bien à qui elle s'adresse. Il sait aussi qu'il devrait redresser la tête, dire quelque chose. Mais il garde les mains au fond de ses poches.
– Il s'est passé un truc ? son poste insiste en le voyant qui se ratatine.
– Non, c'est bon.
– Tu m'dis hein, si t'as un souci avec lui.
– Parlez pas de lui comme ça alors qu'il s'approche, Shoka fait remarquer.
Oh non. Neku redresse la tête, zieute dans le reflet de la vitre et constate qu'elle dit vrai. Habillé d'un cache-cœur bordeau aux manches tombantes, son trait d'eye liner retracé, le garçon s'avance vers lui. Son sourire moins assuré qu'à l'accoutumé, il n'en attire pas moins l'attention des gens autour d'eux. Les élèves abandonnent leur repas pour leur donner quelques coups d'œil.
Comme un aimant, Joshua s'avance sans se soucier des gens qui le regardent.
Et soudain, sa main tombe sur son bras.
– Ça fait deux fois que je t'appelle. je vais finir par croire que tu le fais exprès, tu sais ? il lance, avant de se tourner vers ses potes. Bonsoir.
Neku se détache brusquement. L'angelot ouvre des yeux étonnés. Il ramène ses doigts contre lui.
– Yo, Beat balbutie.
Shoka relève la tête de son téléphone. Zieute le Joshua sans lui répondre, passe à Neku, paumée.
Il inspire. Ça s'emballe.
– Qu'est-ce que tu veux.
Le problème, ce n'est pas juste Beat et Shoka. Ce sont tous les regards qu'il sent, et celui d'Hayner qu'il capte, au loin. Les mots échangés qui glissent autour des assiettes. Tous ces serpents. De moindre conversation, sans doute. Des propos qui ne le concernent pas. Mais ses mains sont moites.
– Eh bien, te parler. Je ne crois pas que ce soit au-dessus de tes capacités, je me trompe ?
– J'suis occupé.
– A faire la queue, je constate.
Son cœur cogne dans ses tempes et dans ses poings, se liquéfie et coule le long de sa nuque. Tête tournée, il ignore Joshua pour mieux oublier le monde autour d'eux, les messes basses et les pensées qu'il imagine. Joshua est devant lui. Lui parle.
Les gens le voient. Ils vont l'associer à lui.
Tout le mal qu'ils pensent de Joshua, ils…
Et Joshua, justement, plisse les yeux.
– On discutait.
– Je m'en doute. C'est une activité que je suis tout à fait apte à partager, au demeurant.
– Ouais mais nan.
Il voit ses doigts glisser autour de ses bras fins, qu'il croise. Comme de petites serres.
– Eh bien eh bien.
Il en enroule un autour de ses boucles.
– Je peux savoir ce que je t'ai fait, Neku ?
– T'es lourd, c'est tout.
– Lourd ?
– Tu saoules là, fous-moi la paix.
Ses sourcils s'arquent sur une expression qu'il aurait aimé ne jamais contempler.
– Je peux savoir pourquoi ?
Parce que tout arrogant qu'il soit, irritant, insupportable, avec sa voix pleine de ronrons et ses coups de pieds sous la table, Joshua n'est pas mauvais. Et cette tête qu'il fait, là, sa surprise pleine de fissure, elle n'est pas feinte. Il ne comprend pas.
Bien sûr qu'il ne comprend pas. Et Neku ne peut pas lui expliquer. La dernière fois qu'il a parlé de lui, ce n'était pas en bien, et les deux personnes qui l'accompagnent n'ont pas une plus haute opinion de sa personne.
– T'as pas compris que tu gênais ? Beat tranche sec.
Il étend son long bras pour ramener Neku contre lui.
– Laisse-le mec. Il a pas envie de voir ta gueule, c'est tout.
Il y a une heure à peine, il cherchait ses doigts à l'autre bout de la table, le ventre plein d'un coton léger.
Et maintenant, il n'y a plus qu'une chose, horrible chose qui compte.
Il ne veut pas que l'attention et les moqueries qu'on jette à Joshua dévident sur lui.
– Il ne me semble pas t'avoir adressé la parole, Joshua réplique.
Ses lèvres se serrent. Et toujours, ses doigts trop fins attrapent le rebord lâche de sa manche. Sa peau blanche sur un tissu carminé, qu'il a le courage de porter sans s'inquiéter des mecs qui le reluquent à l'autre bout de la salle.
– Bah ça vaut quand même.
Ses yeux qui se plissent et-Non.
Il ne plisse pas les yeux. Pas seulement. Neku la connait, cette expression fermée. La barrière brusquement imposé entre lui et le reste du monde. Sa gorge qui roule, et son torse qui se soulève sous une grande goulée d'air. Le décalage entre ses gestes et la réponse qui tarde.
– Oh.
Sa voix qui dérape.
– Je vois.
Se reprend aussitôt.
Son sourire qui n'est pas son sourire, ses yeux qui ne suivent pas. Cette pauvre boucle qu'il malmène.
– Bon, tu dégages ou tu t'enracines ? Beat reprend, irrité.
– Il semblerait que je ne sois pas le bienvenu. Je ne vous dérange pas plus longtemps, alors.
Il se recule, et pour la première fois, c'est lui qui détourne le regard en premier.
– Je ne voudrais pas m'imposer.
– Bah force pas et laisse-nous.
Et Neku l'imite, parce qu'il ne veut définitivement pas voir ça. Joshua blessé. Le bruit de ses pas alors qu'il s'éloigne dans le couloir, sans plus s'inquiéter de son repas. L'ombre de son pantalon dans son champ de vision.
– Bah purée, il est bouché le p'tit prince ! le blond s'exclame.
– Ouais, il est chelou surtout. Qu'est-ce qui lui prend ? Shoka s'étonne.
– Rien, Neku tranche. Il est lourd, c'est tout.
– Il est tout le temps comme ça ?
– C'est Josh.
Josh. Il ne l'a jamais appelé comme ça. Pas en face. Pas dans son dos.
– Y saoule le bourge, elle râle, avant s'en retourner à son téléphone.
– Tout le monde lui passe tout, Beat lâche.
Non. C'est faux. Neku se mord la lèvre.
– Ouais, enfin les gens sont pas trop cool avec lui, aussi.
– Quels gens ? Hayner ? Il faut chier tout le monde, c'est pas pour autant qu'on se croit tout permis.
Ce n'est pas ce qu'il voulait dire, mais ce qu'il voulait dire, il ne peut pas l'expliquer. Et comme la vie reprend son cours dans la salle, il se presse un peu plus contre son pote.
C'est pire, quand Beat décide de lui rendre son étreinte. Parce qu'il sait qu'il ne la mérite pas. Qu'il ne mérite rien de tout ce qu'on lui donne, là. Tout ce que Joshua n'a pas.
Il voit les gens qui gloussent, ne peut qu'espérer qu'ils ne se moquent pas du type qu'il vient de jeter en public.
– T'inquiète. Encore deux nuits à tenir et c'est bon.
Deux jours. Dans la même chambre que Joshua. Deux nuits tout près de lui, et pourtant si loin, le temps étiré par la gêne.
Non. Ça va être horrible.
Il faut qu'il rattrape ce qu'il vient de faire.
– C'était un rateau, tu crois ? il entend à la table la plus proche.
Le froid gagne ses membres. Il se détache de Beat, ignore son regard compatissant et attrape un plateau sans faire attention à Shiki qui revient vers eux, accompagnée d'Eri.
Ses mains tremblent, il sent. Il met ça sur le compte du froid bizarre qui le gagne.
Et il essaie d'oublier que, quelque part dans le chalet, loin de la foule terrifiante, il y a un Joshua seul qui n'a pas pris son repas.
Et voilà. Tristesse et drama. Snif. (En vrai j'aurais pu faire pire mais bouh, ça me fait mal pour Josh chaton.)
A demain !
