Hey !

Et voilà la confrontation tant attendue. Est-ce que Neku va rentrer chez lui avec son pauvre petit cœur en miette ? (Vous avez déjà la réponse à cette question, mais voilà)

Merci à Lae pour sa review sous le chapitre précédent !

Bonne lecture !

Le tout pour le tout

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Allez. Il est juste là, assis sur son coussin. à démêler sa guirlande. Il ne le regarde même pas. Neku a juste à s'avancer. Personne ne dira rien, s'il s'installe face à lui. Au pire, il risque quoi ? Joshua le rembarre, il ramasse son cœur brisé et il va aider Eri et Olette avec les décos dans le couloir. Ce n'est pas comme s'il pouvait, genre mourir. Il sera juste horriblement stressé. Mais ça, il connaît.

Merde, il transpire déjà. Si ça se trouve, Josh va le sentir. Il aurait dû prendre son déo dans sa valise.

Neku inspire.

Il faut qu'il y aille. Si Joshua ne veut pas de lui, il le lui fera savoir, et il n'aura plus qu'à partir. Ce sera horrible, mais s'il n'essaie pas, il le regrettera toute sa vie.

Ou au moins un long moment.

Alors il s'avance. Les jambes molles comme un tas de boue, mais il le fait. Pas après pas. Jusqu'à se tenir devant lui, aussi près qu'il est socialement acceptable de l'être.

Joshua ne relève pas la tête. Est-ce qu'il l'a entendu ?

– Eh ?

– Mm.

Apparemment, oui.

Bien. Il a déjà envie de partir.

Neku regarde autour de lui. Au fond de la pièce, Sanae s'occupe des banderoles sur le comptoir. Il attrape une tasse de café qui fume près de lui, boit sans relever les yeux, concentré. C'est le seul possible spectateur du désastre qui s'annonce.

Est-ce qu'il doit abandonner maintenant ?

– Salut.

– Bonjour.

Joshua ne le regarde même pas. C'est une manière de lui faire comprendre qu'il veut rester seul ? A moins qu'il ait seulement peur de relever les yeux. C'est horrible, Neku ne sait pas s'il doit le laisser. Peut-être que Joshua veut le voir insister ? Qu'il fasse un effort, pour tous ceux qu'il n'a pas fait. Il le mérite bien, mais si sa présence ne sert qu'à l'importuner…

Neku ne comprend rien à la subtilité des interactions sociales. Ces trucs tout en sous-entendus qu'il faut interpréter. C'est une autre langue, et il ne la parle pas.

– Je peux t'aider ?

– Je suis capable de démêler une guirlande tout seul.

Bon. Le message est clair là, non ? Il n'a pas sa place ici. Joshua n'a pas envie de supporter sa tronche, et à sa place, il ressentait sans doute la même chose.

– Mais il en reste deux à préparer, si tu as du temps à perdre.

Son coeur fait un bon. Il voit la main de Joshua s'éloigner de son dur labeur pour désigner le carton près de lui, d'où pendent des décorations en pagaille.

Oh. Est-ce que ça veut dire qu'il lui laisse une chance ?

Incertain, Neku se penche et farfouille dans le contenant avant d'en tirer une autre guirlande. Une électrique, pleine de petites ampoules. Les câbles sont tout emmêlés. Au moins, ça l'occupera un moment.

– Je peux m'installer là ?

– Fais comme tu veux.

Toujours, Joshua garde la tête baissée. Ses petits doigts déroulent habilement les nœuds de sa guirlande, rapides et efficaces. Il a l'air imperturbable, mais Neku devine à son dos courbé qu'il n'est pas à l'aise. Ses épaules sont trop proches, ses gestes trop francs. Il se presse.

Bon. S'il veut lui parler, c'est maintenant.

– Je…

Il ne peut pas lancer ça de but en blanc, si ? C'est trop franc. Oh, merde, Neku est tellement nul pour ça. Dire les bonnes choses au bon moment, faire la conversation. Mais ce serait tellement gênant de parler pour parler, là. Balancer sur la pluie et le beau temps pour combler ce vide qui s'étire. Il y avait une justesse entre eux, Neku ne veut pas faire semblant juste pour…

Pourquoi ? Repousser l'inévitable ? Fuir, comme il l'a fait hier ?

Non. C'est maintenant ou jamais, alors il faut qu'il se lance.

– J'suis désolé pour hier.

Une toute petite phrase. Minuscule, comparée à la boule qui lui obstrue l'estomac. Et en retour, rien. Juste le silence de Joshua, ses mèches qui tremblent à peine alors qu'il penche la tête.

Il porte un pull simple, aujourd'hui. Blanc, sans doute confortable et chaud. Il est beau, mais son apparence n'est pas aussi soignée qu'à l'accoutumée. Est-ce que c'est une manière de montrer qu'il ne va pas bien ? A quoi Joshua ressemble, quand il est déprimé ? Ses ongles sont toujours colorés, mais le verni a commencé à s'écailler. Il ne l'a pas refait. Et Neku doute qu'il se soit maquillé.

– C'était vraiment nul de ma part.

C'est peu de le dire. Mais montrer qu'il en a conscience, c'est déjà un premier pas ?

Joshua ne lui répond pas plus. Il se concentre sur sa guirlande. Il l'entend, au moins ? Oui, bien sûr. Il ne lui aurait pas répondu tout à l'heure, sinon.

– Je voulais pas…

Quoi ? Le blesser. C'est tellement plat. Heureusement qu'il ne voulait pas le blesser. Ç'aurait été horrible. Gratuit, impardonnable. Et Neku n'est pas comme ça. C'est bien sa seule consolation dans cette histoire. La mince ligne entre lui et les types comme Seifer.

Seifer.

Il y pense, et il déglutit. Si ce mec avait connu Joshua, nul doute que son lycée se serait mal passé. Quoique, le petit prince a du répondant. Il ne se laisse pas faire. Oh, Neku ne veut pas imaginer ça.

– C'était pas contre toi.

– Oh. Et c'était contre qui, alors ?

C'est terrible. Joshua ressemble à un chaton qui se défend. Il feule et, en même temps, il reste replié sur lui-même. Caché. Il pourrait griffer, mais ce ne serait pas tant la plaie que le geste qui blesserait.

Ça lui donne envie de le prendre dans ses bras, sauf qu'il ne peut définitivement pas faire ça maintenant.

– J'sais pas.

Il voudrait lui raconter l'avant, le collègue, lui dire que la peur est restée chez lui et qu'il ne sait pas quoi en faire. Mais il est venu s'excuser auprès de Joshua, pas lui raconter sa vie. La dernière chose qu'il doit vouloir entendre, ce sont ses justifications.

– Je sais que les autres sont pas… très cools avec toi.

Et là, il a intérêt à rebondir vite, parce qu'il est en train de creuser sa tombe.

– J'ai eu peur que… 'fin, que les gens-

– Tu n'as pas envie de te retrouver dans ma situation.

Oui. Et de l'entendre dans la bouche de Joshua, il a envie de s'enterrer dans un trou. Ce n'est pas juste la douleur qu'il perçoit, là, mais une déception fade. Une émotion qu'il aurait aimé ne jamais avoir suscitée chez lui.

Il ne sait pas ce qui se passe dans sa tête, mais il sent que ça n'a rien de joyeux.

– Ouais.

Les épaules de l'angelot s'affaissent. Un instant, ses mains s'arrêtent. Il caresse le rebord de sa guirlande pleine de paillettes. Son torse se gonfle, et doucement, il reprend son travail.

Neku paierait cher pour savoir quelles pensées lui traversent la tête en cet instant et, en même temps, il sait que ça lui briserait le cœur. A sa place, il se sentirait sans doute minable de s'entendre dire ça. Mais minable, c'est bien le dernier mot qui lui vient à l'esprit quand il pense à Joshua. Il voudrait le lui dire. C'est si dur à formuler.

– C'est pas ce que je pense de toi.

Il serre sa propre guirlande.

– C'que les gens disent. C'est juste stupide.

– Tu n'es pas obligé de faire semblant, tu sais. Je ne suis pas en sucre, je m'en remettrai.

– Je fais pas semblant.

Entre ses doigts, les nœuds trop serrés glissent.

– J'suis désolé de t'avoir jeté comme ça.

– J'avais compris.

Il a l'impression de tourner en rond, incapable de lâcher prise. De dire ce qui compte vraiment, là. La seule chose à laquelle il devrait penser.

– Je sais que c'est pas cool d'être mis à l'écart comme ça.

– Oh, vraiment ?

– Oui. Vraiment.

Il l'a connu.

Encore, les mains de Joshua s'arrêtent. Il croit qu'il va relever la tête, mais il n'en est rien.

– Je dis pas que je comprend ce que ça fait de… 'fin, d'être toi tous les jours. Mais avant de rencontrer Shiki et Beat, j'étais toujours dans mon coin. Y a des gens qui en ont profité.

Ce n'est pas le bon terme. Mais c'est encore dur de s'ouvrir là-dessus. Il n'en parle jamais. Et le dire à Joshua comme ça, ça lui fout la trouille. S'il le jette, ça va faire sacrément mal. Il déglutit.

– Je sais qu'y a pas de raisons, mais j'ai toujours peur que ça recommence.

Il y en a plein, des Seifers. Et sans en arriver là, Neku ne peut pas traverser un couloir sans que son estomac ne se noue au son des rires qui l'entourent. Il flippe à l'idée d'être à l'origine de ces gloussements. Il sait que ça n'a pas de sens, qu'il se met mal pour rien à toujours angoisser, mais c'est là.

Et médire de Joshua pour s'éviter sa solitude, c'était tellement facile. Il n'avait jamais réalisé, jusqu'à présent, comme toutes ces petites pics le mettaient à l'abri. Au détriment de quelqu'un d'autre.

– C'est pas une excuse. Mais j'ai flippé, et… je pensais pas ce que j'ai dit. T'es pas lourd.

Ce silence. C'est tellement flippant. Il ne sait pas si Joshua va pleurer, rire, ou l'inviter à aller se faire un lavement à la sauce piquante.

– J'aime passer du temps avec toi, il ajoute, très vite.

Voilà. C'est dit.

Et Joshua lâche sa guirlande. Les fils attendent à ses pieds, immobiles, sans qu'il n'y plonge à nouveau les doigts. Et maintenant que Neku y fait attention, il remarque que la longue ligne est limpide. Il a fini de la démêler. Depuis un moment, sans doute.

Ses épaules se pressent autour de son cou, tout fin. Retombent. Il appuie ses mains sur ses jambes croisées. Il redresse la tête.

Et son regard. Wow. Neku inspire.

Joshua surveille autour de lui avant de se relever le plus naturellement du monde. Pour mieux lui tourner le dos.

Oh non. Il ne va pas partir maintenant hein ? Ça ne peut pas se finir comme ça. Il a vraiment essayé là, et s'il Joshua se barre, s'il a à ce point tout foiré, il…

– Viens.

Joshua s'éloigne sans le regarder. Il trace à l'autre bout de la pièce, pousse la porte vitrée qui les sépare de l'extérieur, et Neku se redresse précipitamment. Il s'emmêle les pieds, s'appuie sur le sol, se lève et trotte derrière lui alors qu'un vent glacé lui saute à la gueule. Ok. Son sweat XL ne va clairement pas suffire là, il se les gèle. Seigneur, il va bleuir sur place s'il ne rentre pas immédiatement récupérer un manteau. Il y a un reste de neige par terre et- merde, il est en chaussette. Pourquoi est-ce qu'il n'a pas réfléchi avant de pousser la vitre ?

La vitre, Joshua la referme derrière lui, sans trembler.

– Faut que j'aille chercher un truc, Neku geint.

– Bien sûr. Une fois qu'on aura fini de parler.

– Il gèle.

– Oh, c'est sûr qu'il fera sans doute beaucoup plus chaud dans le lit où tu dormiras tout seul cette nuit.

Oh le petit… Merde. C'est vrai qu'il est insupportable. Neku avait oublié.

Ok, il est rancunier. Un défaut de plus qu'il ajoute au reste de la liste. Au moins cette fois, c'est mérité.

– Ok ok.

Il va mourir, mais soit. Au moins, il aura tout tenté pour se faire pardonner. Quitte à y perdre un ou deux orteils gelés.

– Je t'écoute.

Joshua le zieute de haut en bas, bras croisés. Sans trembler. Merdre, comment est-ce qu'il fait ? Il ne peut pas ne pas avoir froid. Ce type n'est pas humain. On ne lui fera pas croire que son truc en laine est à ce point chaud.

– Je ne suis pas une petite chose qu'on cache dans un tiroir.

– D'acc, je-

– Laisse-moi finir.

Il frissonne à peine. C'est quoi son secret ?

– Si tu viens me faire de joli discours pour m'envoyer paître à chaque fois que je t'approche devant tes chers amis, tu peux partir maintenant.

– Non. Je-

– Je sais très bien ce qu'on dit de moi dans mon dos. Je ne suis pas à ce point stupide, Neku.

Son nom, sur ce ton sec. Il se tait.

– Seulement, je préfèrerais que les rares personnes qui prétendent m'aimer ne participent pas à ces conversations. Je ne pense pas que ce soit trop demandé ?

– Non.

– Que tes camarades ne m'apprécient pas, c'est une chose.

Joshua serre ses petits poings.

– C'est pas qu'ils t'apprécient pas. Ils ont juste… Pas eu l'occasion d'apprendre à te connaître.

– Oh, je suis sûr que Beat serait ravi de tenir une conversation avec Le petit prince.

D'accord. Pour Beat, il faudra peut-être un peu plus de temps. Mais si Joshua accepte de lui montrer des bons côtés - et de se convertir à l'anarchisme, accessoirement - il y a moyen qu'il change d'avis. Au moins qu'il lui parle.

– Au pire, y a pas besoin qu'il t'apprécie pour qu'on traine ensemble.

Traîner, ce n'est pas le mot qu'il comptait utiliser. Mais l'autre reste au fond de sa gorge. Trop gamin, trop franc. Il ne peut pas le dire. Pas comme ça.

Neku n'a jamais demandé ça à personne.

– Et qu'est-ce que tu feras, quand tu en auras marre de l'entendre se plaindre de moi ?

– Il se plaindra pas.

Pas trop.

– Alors ça, je me permets d'en douter.

– J'leur ai dit que ça saoulait, d'entendre des gens casser du sucre sur ton dos.

Joshua hausse un sourcil. Cette fois, il a vraiment l'air surpris.

– Ah ?

– Ouais.

Et il compte sur ses potes pour se tenir à carreaux. Pour Shiki, nul doute qu'elle fera attention. Eri, il ne se pose même pas la question. Même, il s'estime heureux qu'elle n'ait pas assisté à ce terrible drame qui a eu lieu hier soir. Et les autres, il ne sont pas méchants.

Puis, ça ferait du bien à Joshua, d'avoir des amis.

– Bien.

Bon. S'il lui dit tout ça, ça veut dire qu'il lui laisse une autre chance, hein ? Il aura l'occasion de se rattraper ? Neku espère, si fort. Il ne veut pas ruiner ce lien précieux qu'il a senti entre eux

Son regard incertain scrute le visage fermé de Joshua. Il déglutit. Ses pieds sont gelés, le froid lui griffe la peau et il meurt d'envie de rentrer se terrer sous une couverture, mais s'il y a une chance, une minuscule petite chance qu'il lui pardonne…

– J'suis vraiment désolé.

– Mm.

Son cœur tambourine. Mais c'est peut-être un moyen comme un autre que son corps a trouvé, pour compenser la perte brutale de degrés qui s'opère.

– Je devrais pouvoir passer outre cette mésaventure.

Neku ouvre grand ses mirettes pleines d'espoirs.

– A une condition.

N'importe quoi.

– D'acc.

Et enfin, la bouche de Joshua s'étire sur un long sourire satisfait.

– J'ai besoin d'un cavalier pour la soirée qui s'annonce.

Il est prêt à tout pour que Joshua lui-

Hein ? Un cavalier ? Il cligne des yeux. Le froid a dû lui monter au cerveau.

– Hein ?

– A toi de voir si le jeu en vaut la chandelle.

– C'est une boum Josh. Pas un bal de fin d'année.

– Rassure-toi, j'avais compris tout seul.

Neku ramasse ses bras tremblant autour de son torse. Il peut presque sentir ses orteils se détacher du reste de son pied.

– Y a pas de couples ou quoi.

– Rien ne l'interdit.

Seigneur. Il est sérieux. Il est sérieusement sérieux, et…

Oh merde, il a trop froid. Pas le temps de protester ou quoi. Au pire, qu'est-ce qu'il risque ? Il va débarquer en tenant la main de Joshua, les gens vont s'imaginer des choses, ils auront sans doute raison et puis voilà. Ils n'auront plus qu'à manger des petits fours planqués dans les escaliers du couloir des mecs.

– Ok, c'est bon.

– J'ai ta parole ?

– Ouais ouais, on peut rentrer maintenant ?

Le diablotin sourit grand, la main posée sur la poignée de la porte vitrée. Le vent agite ses bouclettes de prince.

Il ne tremble pas mais n'empêche qu'il a le bout du nez rouge, le gars.

– Tu n'imagines pas comme tu me fais plaisir, Neku.

Oui, sans doute, mais là il se les pelle, alors il se précipite à l'intérieur à peine la porte poussée. L'autre le suit de son pas léger, sa peau gelée colorée d'un bleu mauve qui s'accorde sans doute à merveille avec la neige du paysage.

Super, maintenant qu'il est au chaud, il peut pleinement réaliser ce qui vient de se passer. Joshua lui sourit. Genre, pour de vrai. Avec ses yeux qui pétillent. Oh. Oh seigneur. Il ne lui en veut plus. Plus ouvertement, en tout cas. Oh.

Neku éprouve de plein fouet le soulagement qui lui tombe dessus.

Il n'a pas tout foiré.

Est-ce que ça veut dire qu'ils sont, genre, ensemble ? Il n'ose pas le demander. Mais le sourire de Joshua, c'est bien ce que ça veut dire, non ? Oh.

– Il nous reste des guirlandes à installer, le garçon ronronne.

Neku veut bien accrocher toutes les décos de Noël du monde, si peut le faire avec lui.

Eeeeet voilà. Maintenant ils ont deux chapitres pour faire des choses mignonnes. On a passé le pire.

(Et il me reste qu'un chapitre à écrire, si c'est pas beau ça.)

A demain !