Disclaimer : les personnages du monde de Harry Potter sont la propriété exclusive de J.K. Rowling.
Anhura Snowerskin, Lydie Snowerskin, Hyppolite Snowerskin, Pinkie, Victor Jumble sont la propriété exclusive de ZeLittleBear.
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-3-
Un caractère de cochon.
Lorsque Anhura se réveilla le lendemain matin et se regarda dans le miroir de sa salle de bains, elle se trouva encore plus pâle que d'habitude. Elle avait eu un sommeil agité; elle était plus angoissée que jamais; elle avait l'impression que sa tête était compressée comme les vieilles carcasses de voitures moldues, que l'on transformait en cubes une fois qu'elles ne servaient plus à rien. Elle se rendit à la Grande Salle dans un état second, ne prenant même pas garde au chemin qu'elle empruntait pour y arriver. Seul le bruit des conversations qu'elle entendit en ouvrant la porte située derrière la table des professeurs la ramena un peu à la réalité. Elle s'assit lourdement sur la première chaise vide qui se présentait à elle, et posa un regard absent sur son bol de céréales. Quelques longues secondes plus tard, elle leva les yeux pour contempler l'immense salle remplie d'élèves.
Des enfants. Un millier d'enfants. Et elle allait devoir tous les affronter cette semaine. Elle n'avait jamais compris les enfants, même lorsqu'elle en était une, et les enfants ne l'avaient jamais comprise non plus. Elle n'avait jamais eu les mêmes centres d'intérêt, ni la même façon de raisonner. A Poudlard, tout le monde l'appelait "la vieille", parce qu'elle n'aimait pas les jeux, ni les farces, ni les sujets de conversation qui passionnaient si souvent les adolescents. Elle ne lisait pas de magazines "branchés", se fichait complètement du beau chanteur en vogue de l'époque dont toutes les jeunes sorcières étaient folles, et pour couronner le tout, elle portait des lunettes pour lire. Au début,elle avait fait des efforts pour paraître "normale" et essayer de se faire des amis, mais c'était peine perdue, elle et eux vivaient dans deux mondes totalement différents. Heureusement, Hagrid l'invitait souvent à boire le thé dans sa cabane, où ils discutaient de choses et d'autres, parfois graves, parfois drôles, parfois banales. Il la retirait temporairement de sa solitude, qui la faisait amèrement souffrir. Depuis, elle avait appris à apprivoiser cette solitude; elle était même devenue sa meilleure amie, car les moments où elle se trouvait seule étaient finalement ceux où personne ne pouvait la juger.
"Tu ne manges pas?"
Anhura sursauta. Elle n'avait pas vu que le professeur Jumble, pourtant vêtu d'une robe de sorcier rose vif, s'était assis à côté d'elle.
"Ah, euh… Si, si… Je pensais juste à quelque chose," bredouilla-t-elle maladroitement en prenant sa petite cuillère.
"Magnifique journée, n'est-ce pas?" demanda-t-il en levant les yeux au plafond magique dans lequel le soleil brillait abondamment. Il était tellement enjoué que sa phrase ressemblait plus à un cri qu'à une question.
"Oui, splendide," répliqua Anhura au professeur, qui était loin de se douter que sa réponse n'était que pure ironie – elle n'était pas d'humeur à s'extasier devant une grosse étoile qu'elle voyait quasiment tous les jours depuis sa naissance.
Elle avala difficilement une cuillérée de céréales. Comme elle sentait que son estomac n'était pas du tout prêt à en recevoir une deuxième, elle respira profondément, et jeta un coup d'oeil aux autres professeurs. Ils semblaient tous être dans leur état normal. Etait-elle vraiment la seule à s'inquiéter pour le premier jour de classe? Cela l'aurait peut-être réconfortée de voir qu'une autre personne avait aussi le trac. Mais non. Tout le monde discutait tranquillement ou riait.
Elle se leva subitement pour sortir de la salle; elle n'avait pas faim, de toute façon. Même si les cours ne débutaient que vingt minutes plus tard, elle monta au premier étage, ouvrit sa salle de classe et y entra. Elle s'assit à son bureau avec un lourd soupir. Pour Dumbledore. Fais-le pour Dumbledore. Il te fait confiance, tu ne dois pas le décevoir, se dit-elle intérieurement en triturant de nervosité un malheureux bout de parchemin qui traînait sur son bureau. Son regard se posa sur la fenêtre. Je pourrais "accidentellement" tomber par la fenêtre. Je me blesserais suffisamment pour aller à l'infirmerie et reporter le cours. Elle réalisa quelques secondes après à quel point ce qu'elle venait de penser était stupide, et se traita mentalement de "grosse lâche".
Elle ouvrit le cahier à couverture de cuir qui contenait les listes d'appel des élèves, à la recherche des septième année de Gryffondor, par lesquels elle commencerait, les doigts tremblant à chaque page qu'elle tournait. Arrivée à la bonne liste, ses yeux se posèrent très brièvement sur les noms des élèves, puis elle se cacha le visage dans ses mains, comme pour se persuader que tous ces élèves n'existaient pas vraiment, qu'ils n'allaient pas s'asseoir en face d'elle d'ici quelques minutes et qu'ils n'allaient pas l'écouter parler. Elle demeura ainsi jusqu'a la sonnerie de la cloche, qui retentit excessivement tôt, selon elle.
Elle se leva, sortit de la salle et vit que ses élèves étaient déjà en rang.
"Entrez!" leur dit-elle, en essayant de paraître aussi peu angoissée que ses collègues.
Elle retourna s'asseoir à son bureau pendant que tous s'installaient, plus nerveuse que jamais. Quand tout le monde sembla prêt, elle fit l'appel en faisant de son mieux pour que sa peur ne s'entende pas dans sa voix, et en prenant le temps de bien lire mentalement chaque nom avant de le prononcer afin de ne pas en estropier un seul. Lorsqu'elle eut terminé, elle balaya la classe du regard, vit que tous ses apprentis sorciers avaient les yeux rivés sur elle, attendant sagement qu'elle commence son cours, et se dit que l'heure de sa mort avait sonné.
"Bien…" dit-elle en regardant d'un air absent la baguette magique qu'elle tripotait dans ses doigts.
Quand elle leva à nouveau les yeux vers eux, elle constata qu'ils étaient toujours en train de la regarder.
"Avant de commencer, je… j'aimerais faire quelques petites précisions sur le programme de cette année."
Elle déglutina avec difficulté. Elle avait tenté, pendant qu'elle parlait, d'écouter sa propre voix. Apparemment, elle n'était pas plus aiguë ou plus tendue qu'à l'ordinaire, ce qui était déjà un bon point. Elle inspira profondément et se força à se calmer.
"Au mois de Juin, vous devrez passer votre examen final," continua-t-elle en regardant alternativement sa baguette et ses élèves. "Vous serez donc supposés tout savoir sur la Défense contre les Forces du Mal, ou presque, puisque après, plus personne ne sera là pour vous l'enseigner… à moins que vous ne décidiez de devenir Aurors, auquel cas il vous faudra encore trois ans d'apprentissage de la discipline."
Miracle. Elle avait réussi à prononcer deux phrases sans bafouiller. Elle se félicita intérieurement avant de poursuivre.
"Cette année, nous nous pencherons plus particulièrement sur…"
Elle s'interrompit brutalement lorsqu'elle entendit quelqu'un chuchoter. Elle chercha activement des yeux qui était en train de parler, et repéra au dernier rang deux garçons en pleine conversation, ignorant complètement ce qu'elle leur expliquait. Une rancune brûlante, pesante, naquit en elle. Elle faisait tout pour bien s'exprimer, et eux ne l'écoutaient pas. C'était un manque de respect total, le même manque de respect qu'avaient les adolescents à son égard lorsqu'elle était encore étudiante, et elle en était profondément contrariée.
Elle posa très lentement sa baguette magique sur son bureau et croisa les bras, regardant fixement les jeunes sorciers. Ils ne s'étaient pas aperçus qu'elle avait cessé de parler et qu'elle les observait, jusqu'à ce qu'une fille qui était assise au banc précédent se retourne et leur fasse signe de se taire. Ils interrompirent leur conversation et daignèrent enfin la regarder, une expression à la fois innocente et insolente sur leurs visages. Anhura resta silencieuse, les bras croisés, ne sachant pas ce qu'elle devait leur dire. Son cours avait plus ou moins bien commencé, et ils avaient tout gâché; elle avait envie de fondre en larmes et d'exploser de rage en même temps.
"Au prochain mot, c'est la porte."
Elle avait parlé posément et lentement, à mi-voix, en fixant intensément les deux coupables. Ceux-ci hochèrent légèrement la tête, l'air plutôt inquiets. Une ambiance glaciale régnait à présent dans la classe; Anhura fut elle-même très surprise par ce qu'elle venait de prononcer, car elle n'avait jamais eu l'intention de formuler ces mots. Elle demeura cependant muette pendant encore plusieurs secondes, toujours aussi vexée, puis reprit calmement ce qu'elle était en train d'expliquer.
"Donc, je disais que cette année, nous étudierons surtout les créatures et les sorts les plus dangereux, comme les dragons, les Détraqueurs, les basilics, ou les sortilèges impardonnables, dont nous ne verrons que la théorie puisque la pratique, même sur des insectes, en est formellement interdite."
Heureuse d'avoir enfin terminé sa phrase, elle posa son dos au fond de sa chaise.
"Voilà. Des questions?"
Elle attendit, mais personne n'osa bouger. Ils avaient tous les yeux baissés sur leurs rouleaux de parchemin. Anhura, qui s'étonna de leur réaction, commença un peu à paniquer, en se demandant si elle n'avait pas été trop sévère tout à l'heure.
"Sûrs?" encouragea-t-elle en essayant d'adopter un ton plus doux.
Un garçon roux leva la main au troisième rang.
"Oui? George Weasley, c'est bien ça?" dit-elle en jetant un bref coup d'oeil à la liste d'appel.
"Oui. J'ai un problème avec ma baguette, vous pourriez venir voir?"
Elle descendit de l'estrade où était son bureau, se dirigeant vers George. Arrivée à son banc, elle allait prendre la baguette qui était posée devant lui, mais le regard malicieux et le petit sourire en coin qu'affichaient George et son frère jumeau l'interpellèrent. Elle interrompit son geste, et regarda George.
"Prends-la."
"Quoi?" demanda George, surpris.
"Je voudrais que tu essaies ta baguette. Prends-la."
"Mais…"
Il jeta un coup d'oeil à son frère et regarda Anhura, comme pour mesurer la chance qu'il avait de la faire changer d'avis. Il soupira et se résigna à prendre sa baguette.
Pop.
La baguette se changea immédiatement en une souris en caoutchouc, qui émit un petit couinement en sautant des mains de George. Toute la classe éclata de rire devant sa ruse ratée. Anhura esquissa un très faible sourire à la vue du visage déçu du jeune sorcier.
"Méfiance est le maître-mot de toute la discipline," lui expliqua-t-elle sobrement tout en le remerciant au fond d'elle d'avoir détendu ses camarades. Puis elle déclara à tout sa classe en regagnant son bureau, "Bon, si plus personne n'a de questions, nous pouvons commencer le cours."
Sa leçon sur les dragons de Roumanie se déroula plutôt bien. Elle avait eu parfois un peu de mal à s'exprimer, ce qui l'avait replongée momentanément dans son angoisse, mais les élèves n'eurent aucune réaction à ses bafouillages, ou du moins, extérieurement. Pour les autres cours de la journée et des jours suivants, elle était toujours aussi mal à l'aise de se retrouver face à ses apprentis sorciers; néanmoins, ceux-ci étaient dans l'ensemble assez disciplinés.
Le jeudi soir, après un léger repas dans la Grande Salle, elle monta au troisième étage et caressa le chaton du tableau, qui était en train de se faire les griffes sur les bords du cadre. Une fois dans sa chambre, elle prit une plume et un parchemin, avant de s'installer à son bureau; cela faisait seulement cinq jours qu'elle était partie, mais son père devait s'inquiéter pour elle. Elle réfléchit, puis commença à rédiger une lettre.
'Cher papa,
Je t'écris pour avoir des nouvelles et pour t'en donner. Je suis bien arrivée à Poudlard, tu ne peux pas t'imaginer à quel point j'étais heureuse de revoir le château! Les professeurs m'ont bien accueillie, et maintenant, les cours ont commencé. Mes leçons se déroulent plus ou moins bien. Hier, C'était ma pire journée. En dernière heure, j'avais cours avec des Serpentard de cinquième année, et un élève, dénommé Drago Malefoy, a été singulièrement insolent, si bien que j'ai retiré vingt-cinq points à leur maison'
Elle s'arrêta un instant, repensant à la leçon de la veille. Ce Malefoy n'avait pas cessé une seconde de faire des remarques désobligeantes à voix haute sur elle, et de déconcentrer toute la classe qui au bout du compte n'écoutait plus un traître mot de ce qu'elle leur disait, attendant tous le moment où ce prétentieux Malefoy allait lancer sa prochaine pique. Les menaces qu'elle avait proférées n'ayant pas été suffisantes pour le faire taire, elle s'était promise de le renvoyer véritablement du cours à la moindre nouvelle remarque, mais heureusement pour lui, la sonnerie de la fin de l'heure avait retenti immédiatement après.
Malefoy… Ce nom et ce visage lui disaient quelque chose depuis le début, mais maintenant qu'elle pouvait réfléchir calmement, elle était persuadée de le connaître. Elle se sentit subitement bizarre. Très bizarre. Elle ressentit des fourmillements dans sa tête. Le décor autour d'elle se mit à tourner, et elle avait chaud. Elle ferma les yeux et plaqua une main contre son front, le coude appuyé sur son bureau. Son esprit s'était littéralement vidé, plus aucune pensée ne pouvait le traverser. Elle prit de grandes inspirations; elle resta ainsi, sans faire le moindre geste pendant plusieurs minutes. Elle finit par rouvrir les yeux, et essaya de se secouer un peu. A quoi pensait-elle déjà? Ah oui, Malefoy… Un frisson lui parcourut le dos. Fatiguée, légèrement troublée par ce malaise, elle regarda sa lettre inachevée, et la continua.
'Ce nom ne te dit rien? Je suis sûre de l'avoir déjà vu ou entendu quelque part, mais je n'arrive pas à le situer.'
Elle marqua une pause, leva les yeux vers la fenêtre pour contempler quelques secondes la pleine lune; puis elle reprit.
'Aujourd'hui, cependant, mes leçons se sont vraiment bien passées. Cet après-midi, j'avais cours avec des Gryffondor de cinquième année, et les élèves étaient très agréables. Harry Potter en fait partie. J'ai été stupéfaite de voir à quel point il ressemblait à son père, tu sais, James, je vous en avais souvent parlé, à toi et maman. L'une de ses amies, Hermione Granger, est une élève parfaite. Elle a répondu à toutes les questions que j'ai posées à propos des formules utilisées en duel. Une véritable encyclopédie vivante. A la fin de l'heure, les Gryffondor avaient gagné vingt-cinq points grâce à sa participation.
J'espère que tu vas bien et que tout se passe comme il faut avec la librairie. Ne t'inquiète pas pour moi, même si j'avais beaucoup d'appréhension avant de partir, je me sens vraiment bien ici. Prends soin de toi.
Je t'embrasse,
Anhura.'
Elle relut sa lettre, la plia et la rangea dans une enveloppe sur laquelle elle écrivit l'adresse. Une fois dans son lit, après s'être rendue à la volière et avoir attaché sa lettre à la patte d'un vieux hibou qui s'était aussitôt envolé dans le ciel obscur, elle se rendit compte à quel point son léger étourdissement l'avait assommée; elle se rassura en se disant qu'une bonne nuit de sommeil la remettrait sur pieds. Elle détendit ses muscles, enfonça sa tête dans son oreiller moelleux, savourant avec un plaisir intense le calme de la nuit.
Depuis son arrivée à Poudlard, elle se fatiguait beaucoup plus vite que lorsqu'elle travaillait à la librairie. Etre enseignant demandait beaucoup d'énergie, qu'elle soit physique ou psychologique. Dès le premier jour, Anhura avait compris qu'il valait mieux se montrer assez dure et exigeante avec les élèves pour se faire respecter, comme elle l'avait fait accidentellement à son tout premier cours, quitte à se qu'ils se fassent une fausse idée de qui elle était réellement. Il aurait suffi qu'ils détectent la moindre faiblesse dans son caractère pour que les cours deviennent un vrai chaos. Elle comprenait à présent pourquoi le professeur McGonagall était si différente dans la vie de tous les jours. Lorsqu'elle était encore une apprentie sorcière, Anhura n'aurait jamais imaginé que Mrs McGonagall était si gentille, mais les quelques jours qu'elle venait de passer à Poudlard avaient suffi à lui montrer à quel point elle avait tort. Elle portait en fait une sorte de masque, qui la rendait sévère et intransigeante, et heureusement, car si les élèves avaient découvert sa vraie personnalité, les leçons de Métamorphose auraient mal tourné.
Sur cette pensée, Anhura se retourna dans son lit, poussa un grand soupir et s'endormit profondément.
Le samedi matin de son troisième week-end à Poudlard, alors
qu'elle était en train de parcourir le Guide des potions incontournables en Défense, confortablement installée dans l'un des fauteuils de son salon, Anhura leva les yeux en entendant des coups frappés à sa fenêtre. C'était un hibou. Elle alla lui ouvrir; le gros oiseau vola jusqu'à la table pour s'y poser, lui tendant gracieusement la patte à laquelle était accroché un petit morceau de papier. Intriguée, Anhura le décrocha et lut:
'Chère Anhura,
Que dirais-tu de venir me voir, aujourd'hui, vers quatre heures? J'aimerais bien savoir comment se passe ta nouvelle vie de professeur.
Hagrid.'
Elle sourit. Cela la détendrait de discuter avec Hagrid. Elle n'avait pas eu le temps de lui rendre visite depuis qu'il était venu lui parler dans son bureau, et elle avait hâte de le revoir. Elle alla chercher une plume pour griffonner au dos du papier :
'Avec grand plaisir, Hagrid. A tout à l'heure.'
Elle le plia et l'attacha à la patte du hibou qui attendait sagement. Celui-ci venait à peine de partir qu'un autre hibou entra par la fenêtre restée ouverte. Elle le reconnut immédiatement : c'était celui qu'elle avait emprunté à la volière pour envoyer une lettre à son père.
"Enfin!" murmura-t-elle, tandis qu'elle décrochait le courrier de la patte du vieil oiseau, qui s'envola aussitôt au-dehors.
Elle ferma la fenêtre, se rassit dans son fauteuil, réajusta ses lunettes sur son nez et déplia la lettre.
'Ma petite Anhura,
Je suis heureux de voir que tu te sens bien là-bas. Tu verras, je suis sûr que d'ici quelque temps, tu seras plus à l'aise dans ton nouveau métier. J'ai beau chercher, le nom de Malefoy ne me dit absolument rien. Je me fais sans doute un peu vieux. Mais tu vois, je t'ai toujours dit qu'il ne fallait rien attendre d'un Serpentard. Ils sont tous mauvais.'
Anhura hocha la tête d'un air réprobateur. Elle n'avait jamais vraiment aimé les Serpentard non plus, mais sa haine pour eux n'était pas aussi violente que celle de ses parents. Il fallait admettre qu'au fil des siècles, la maison de Serpentard avait accueilli beaucoup d'élèves qui étaient devenus ultérieurement de très grands sorciers, qu'ils soient chercheurs, écrivains, théoriciens ou inventeurs.
'Ici, tout se passe bien. La librairie a toujours beaucoup de clients, ou du moins, assez pour pouvoir vivre convenablement. La prochaine fois que tu m'écris, choisis un autre hibou, car celui-ci ne m'aime pas beaucoup. Il s'est perché sur le dossier de ma chaise et n'arrête pas de me mordre l'oreille pendant que je t'écris.
Je t'embrasse bien fort. Continue de me donner des nouvelles, quand tu en as le temps. A bientôt!
Ton papa.'
Particulièrement heureuse d'avoir reçu des nouvelles de deux des personnes qu'elle appréciait le plus au monde, elle s'étira et regarda l'heure à la pendule située à côté de sa bibliothèque. Onze heures et quart. Encore quinze minutes, et le déjeuner serait servi. Elle se rappela soudain sa dernière discussion avec Hagrid. Il avait eu un comportement très étrange, à un moment donné. Elle devrait éclaircir cela aujourd'hui, car elle n'aimait pas du tout les cachotteries.
Après s'être levée, avoir rangé son livre dans la bibliothèque et posé ses lunettes sur la table, elle était sur le point de descendre dans la Grande Salle; mais subitement, elle s'immobilisa. Elle se sentit très bizarre. Tout autour d'elle devint trouble; de très désagréables fourmillements firent irruption dans sa tête. Elle eut l'impression que ses oreilles s'étaient bouchées, elle n'entendait plus aucun bruit. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Sourde, aveugle, apeurée, elle chercha des mains un endroit où s'appuyer, et trouva le rebord en pierres de la fenêtre. Elle se sentait respirer vite et fort, mais elle n'entendait pas son souffle. Elle n'arrivait plus à penser, plus rien n'habitait son esprit. Soudain, des images s'imposèrent violemment à elle. Elle ne pouvait rien faire d'autre que de penser à ces images…
Un rat passe à côté de moi. Sans doute Peter, qui vient d'avertir Sirius. Voldemort est à présent debout, au centre de la pièce. Trois Mangemorts masqués, vêtus de noir, sont alignés devant lui. Impossible de savoir qui ils sont. Le Lord est encore plus effrayant que d'habitude. Sa peau est grisâtre, ses yeux rouge vif habités de démence et de folie, et il leur parle d'une voix encore plus aiguë et glaciale qu'à l'ordinaire.
"Il est temps pour moi d'élire l'un d'entre vous pour recevoir mon âme, si par malheur il arrivait que ce vieux fou de Dumbledore parvienne à me vaincre. Ainsi, quel que soit le sort qu'il utilisera sur moi, je ne mourrai pas, mais je vivrai sous une forme immatérielle dans le corps de celui que j'aurai désigné pour être mon protecteur. Je vous ai déjà expliqué comment faire pour me redonner naissance si cela se produit. Seulement, je n'arrive pas à décider lequel d'entre vous est le plus digne d'avoir ce privilège."
Il a fini de parler. Il va s'asseoir dans le gros fauteuil de cuir noir. Il a l'air de réfléchir.
Le décor autour d'Anhura devint plus net. Elle se sentait un peu mieux, mais ses mains et ses jambes tremblaient de fatigue. Elle avait froid, des frissons lui parcouraient le corps. Elle s'assit sur une chaise et se frotta les yeux, inquiète. Pourquoi venait-elle de s'imaginer une chose pareille? Ce qu'elle venait de voir et d'entendre n'avait absolument aucun sens. Elle ne savait même pas à quoi ressemblait Voldemort, et voilà qu'elle se mettait à le penser avec la peau grise et les yeux rouges. C'était un véritable délire. Et ce malaise était plutôt… impressionnant. Heureusement pour elle, il n'était pas survenu pendant le déjeuner, dans la Grande Salle, car elle aurait eu beaucoup de mal à l'expliquer à ses collègues.
Assommée, elle se leva avec difficulté, se rendit dans la salle de bains et se rafraîchit le visage avec de l'eau glacée. Les images semblaient moins réelles à présent, un peu comme un cauchemar qui réveille brusquement en pleine nuit parce qu'il est criant de vérité, mais qui s'évanouit au fur et à mesure que l'on prend conscience de sa facticité. Anhura songea d'ailleurs que son étourdissement était dû à un manque de sommeil, qu'elle avait dû s'assoupir à moitié et faire un rêve idiot. Comme elle finit par se convaincre que c'était la bonne explication, elle décida de ne plus y penser.
Elle se dirigea dans le salon et se plaça devant le mur, qui s'ouvrit pour la laisser passer. Une fois arrivée dans la Grande Salle, elle s'installa entre les professeurs McGonagall et Flitwick; une minute après, elle était en train de remplir son assiette de la nourriture qui venait d'apparaître dans les plats en or, écoutant Mrs McGonagall qui discutait avec Albus Dumbledore.
"Qu'avez-vous décidé pour le concours d'Halloween?" demanda-t-elle.
"Eh bien, je trouve que c'est une excellente initiative. Si cela les amuse, je ne vois pas pourquoi je refuserais."
Anhura sentit sa curiosité la titiller.
"Un concours?" demanda-t-elle timidement, un peu gênée de s'interposer dans leur conversation.
"Oui," dit joyeusement Dumbledore, d'une voix pourtant affaiblie et voilée par la vieillesse. "Des élèves m'ont demandé l'autorisation d'organiser le concours du déguisement le plus répugnant ou effrayant, le soir d'Halloween, après le festin. Je trouve que cela mettrait un peu plus d'ambiance, qu'en penses-tu?"
"Oui, certainement." Elle n'aimait pas du tout les concours ni les jeux, mais elle pouvait très bien comprendre que cela plaise aux élèves.
Elle perçut soudain une ombre passer derrière elle. C'était Severus Snape, qui s'arrêta à côté de Dumbledore et qui lui murmura quelques mots. Ses traits étaient toujours aussi durs, et son regard toujours aussi froid, mais on pouvait malgré tout deviner que quelque chose le préoccupait. Dans le bourdonnement des conversations, Anhura ne parvint qu'à saisir partiellement la réponse du directeur.
"… après le repas dans mon bureau, Severus." Il avait parlé d'une voix basse et grave, son visage était devenu soucieux. Snape acquiesça d'un signe de tête, et alla s'asseoir plus loin; McGonagall et Dumbledore s'échangèrent un regard par lequel ils semblèrent se comprendre parfaitement. Ils se remirent à manger sans plus prononcer le moindre mot. Anhura fit de même, se posant d'abord des dizaines de questions sur ce qui venait d'avoir lieu, puis abandonnant finalement ses interrogations au bout de cinq minutes en se disant qu'elle ne trouverait jamais de réponse et que, de toute façon, cela ne la regardait pas.
Après le déjeuner, elle se rendit dans son bureau pour préparer les cours de la semaine qui allait venir, et vers seize heures, alors qu'elle descendait les immenses escaliers de marbre, elle entendit des cris provenant du hall d'entrée. En pressant un peu le pas, elle pouvait à présent comprendre ce qui se disait.
"VA TE FAIRE VOIR, MALEFOY!"
"VA FAIRE LA MANCHE, WEASLEY!"
Arrivée au bas de l'escalier, elle aperçut un petit groupe d'élèves. Il y avait Harry Potter et ses deux amis, Hermione Granger et Ronald Weasley, et Drago Malefoy, lui-même accompagné de ses deux gros copains aux allures de gorilles. Ils avaient tous l'air furieux, et des insultes se répercutaient dans tout le château. Au moment même où elle avait commencé à s'approcher d'eux, le professeur Snape apparut en haut des escaliers qui menaient aux sous-sols et se dirigea vers les élèves. Anhura resta en retrait, à quelques mètres d'eux.
"Que se passe-t-il, ici?" demanda Snape d'une voix particulièrement calme, mais menaçante.
"Malefoy a essayé de lancer un sort sur Harry!" s'exclama Ronald, hors de lui.
"Il a insulté mon père," dit Malefoy qui s'était soudainement calmé. Il regardait Harry avec une expression de triomphe sur son visage, un petit sourire en coin.
Snape eut un rictus, et se tourna vers Harry.
"Eh bien, Potter, on étale sa brillante culture?"
Ses yeux noirs étincelaient. Anhura n'aurait pas su dire s'ils exprimaient de la haine ou du dégoût; elle en conclut que cela devait être les deux. Harry le regardait fixement, sur un air de défi, ses yeux vert émeraude animés d'une grande colère, ce à quoi Snape répondit par un mince et mauvais sourire.
"Je retire vingt points à Gryffondor," dit-il avec une méchante satisfaction dans la voix.
"QUOI?" s'insurgea Ronald. "VOUS ETES FOU!"
"Encore vingt points de moins pour Gryffondor," répliqua Snape très calmement.
Malefoy et ses deux amis ricanèrent. Anhura trouva le comportement de Snape vraiment injuste, et décida de venir à la rescousse des trois Gryffondor.
"Excusez-moi…"
Tout le monde se tourna vers elle. Personne ne semblait avoir remarqué sa présence, depuis tout à l'heure.
"Vous ne trouvez pas que les Serpentard méritent aussi de perdre des points?" demanda-t-elle à Snape, très posément. "Il me semble que jeter un sort est au moins aussi grave que d'insulter quelqu'un."
Il resta silencieux pendant quelques secondes, la regardant droit dans les yeux, d'une manière qui aurait pu vouloir dire : "comment osez-vous me reprocher ma façon de faire la loi dans cette école?"
"Monsieur Potter a-t-il l'air blessé?" demanda-t-il d'un ton doucereux.
"Non, mais…"
"Alors, la question est close."
Il s'en alla, sa cape noire flottant derrière lui. Les trois Serpentard éclatèrent de rire et descendirent aux sous-sols. Anhura était stupéfaite.
"Ca alors," dit-elle lentement à voix basse, le regard fixé sur l'escalier où Snape avait disparu, "c'est le comble de la mauvaise foi…"
"Il est toujours comme ça," grogna Harry.
"Vraiment?"
"Oui," répondit Hermione d'un ton didactique, "il essaie toujours de trouver une excuse pour retirer des points à Gryffondor et en donner à Serpentard."
"Ouais," dit Ronald, furieux, "et il chouchoute Malefoy!"
"Et il me déteste," dit Harry.
"Ah oui?" demanda Anhura, ne sachant plus qui regarder dans cet enchaînement de protestations.
"Oui, c'est vrai," dit Hermione. "Il le persécute depuis la première année."
"Mais… Pour quelle raison?" interrogea Anhura, déconcertée.
"Aucune," répondirent en choeur les jeunes sorciers.
Tout en continuant de discuter, ils se rendirent tous les quatre dans le parc, où un timide soleil d'automne couvrait leur peau d'une fragile chaleur, et où une légère brise faisait de temps à autre virevolter les feuilles rougeâtres tombées des arbres.
"Malefoy est issu d'une famille très riche," expliqua Harry, "et il se moque sans arrêt de Ron parce que sa famille n'est… n'est pas très aisée," continua-t-il en lançant un regard gêné à Ronald.
"Dis carrément pauvre," marmonna Ronald dont les joues étaient devenues rouge vif. "C'est la vérité, de toute façon."
"Tout à l'heure, il s'est encore moqué de lui et s'est vanté de son père, comme d'habitude. Il est très fier de lui car il est haut placé dans le Ministère de la Magie. Alors moi, je lui ai simplement dit que son père avait dû payer bien cher pour qu'ils acceptent de lui donner ce poste, et là, il a sorti sa baguette et m'a lancé un sort, mais il a mal visé et n'a touché que le mur."
"Dommage que je n'avais pas la mienne," grogna Ronald.
"Tu te serais attiré encore plus d'ennuis," répliqua Anhura, en marchant les yeux baissés sur la pelouse, l'air pensif. "Ne faites plus attention à lui, il finira bien par se lasser."
"C'est ce que je n'arrête pas de leur dire," lança Hermione d'un air un peu hautain.
"Mais je ne parviens toujours pas à comprendre pourquoi le professeur Snape l'encense," continua Anhura, les sourcil froncés. "Et pourquoi il s'en prend à toi, Harry."
"Laissez tomber, professeur," dit celui-ci. "Ca fait cinq ans qu'on est ici, et on n'a toujours pas compris non plus."
"Snape est parfois très méchant," poursuivit Ronald qui s'était un peu calmé. "Il paraît même que c'est un expert en Magie Noire."
"En Magie Noire?" répéta-t-elle avec étonnement en levant les yeux vers Ronald, se demandant si elle avait bien entendu.
"Oui. Et selon les rumeurs, il…"
Hermione lui donna un grand coup de coude pour le faire taire, le regardant sévèrement. Apparemment, Ronald avait envie de vider son sac et de se servir de tout ce qu'il savait sur les mauvais penchants de Snape pour se défouler. Le fait que Hermione ne veuille pas qu'il continue devait sûrement signifier qu'il allait dire quelque chose d'important.
"Et selon les rumeurs, il…?" insista Anhura.
"Eh bien… Euh…"
Ronald baissa les yeux.
"Ecoutez," dit Anhura en essayant d'apaiser le ton de sa voix en dépit du malaise qu'elle ressentait face à des adolescents, "si vous savez quelque chose de grave, il vaut mieux que vous me le disiez, vous ne croyez pas?"
Les trois jeunes sorciers se lancèrent des regards communicatifs, dans une brève et muette concertation.
"Il paraît que… enfin… qu'il ferait vraiment… n'importe quoi pour avoir le poste de professeur de Défense contre les Forces du Mal," lança Harry avec hésitation.
Anhura resta silencieuse quelques secondes, les mains croisées dans le dos, en pleine réflexion.
"Qui vous a dit ça?" interrogea-t-elle très calmement.
"Personne en particulier," répondit Harry. "C'est…"
"C'est un bruit qui court," coupa Hermione, agacée. "Ce ne sont que des rumeurs, professeur, rien de plus."
"Oui," dit Anhura, l'air perplexe, après encore un instant de silence. "Apprenez toujours à vous méfier des rumeurs. Elles ne sont jamais vraiment fondées, vous savez."
Que Snape privilégie Malefoy et s'en prenne à Harry, elle voulait bien le croire, elle en avait eu la preuve dans le hall d'entrée. Qu'il s'y connaisse en Magie Noire, cela restait à vérifier. Et même si c'était vrai, cela ne voudrait finalement rien dire. Anhura elle-même avait quelques notions en Magie Noire, c'était très utile pour apprendre à se défendre. C'était sa mère qui lui avait inculqué quelques connaissances en la matière. Du moment que Snape ne s'en servait pas, il n'y avait pas de quoi l'accuser; être expert en Magie Noire ne signifiait pas forcément la pratiquer. Mais de là à ce qu'il soit prêt à tout pour avoir son poste… Cela ne tenait pas debout, pensa Anhura. D'abord parce qu'il n'y avait aucune raison de lui refuser le poste s'il tenait vraiment à l'avoir, à part un manque de compétences pour la discipline, ce dont elle doutait fort. D'après ce que lui avait rapporté Mrs McGonagall, cela faisait déjà quatorze ans qu'il enseignait à Poudlard, et il serait étonnant que Dumbledore lui ait refusé ce poste quatorze ans de suite. Enfin, Anhura savait très bien que l'on ne devenait pas maître des Potions par hasard. Ce n'était pas un métier que l'on exerçait simplement pour gagner sa vie, il fallait être passionné par la discipline, qui était d'ailleurs la plus subtile et la plus exigeante de toutes… même s'il était difficile d'imaginer Snape passionné par quoi que ce soit.
"Les années précédentes, il était toujours mauvais avec les nouveaux professeurs de Défense," protesta Ron.
"Pour l'instant, il n'a pas été plus désagréable avec moi qu'avec les autres professeurs, Ronald. Je verrai bien avec le temps."
Elle s'aperçut subitement qu'avec tous ces événements, elle avait complètement oublié son rendez-vous avec Hagrid.
"Excusez-moi," dit-elle, "je dois vous laisser. Bon après-midi à tous les trois." Elle finit sa phrase avec un très léger sourire.
"Merci professeur, vous aussi!" répondirent les élèves.
Elle se dirigea vers la cabane de Hagrid, située près de la Forêt Interdite, sa cape se soulevant au gré du vent. Lorsqu'elle frappa à la porte, des aboiements féroces provenant de l'intérieur se firent entendre. Anhura frémit. Elle connaissait Hagrid par coeur, et savait qu'il avait une profonde adoration pour toutes les créatures particulièrement horribles et dangereuses.
"Bonjour, toi!" s'exclama-t-il joyeusement quand il ouvrit la porte, un grand sourire fissurant sa barbe hirsute.
"Bonjour, Hagrid," répondit-elle en baissant les yeux sur le gros chien marron qui était apparu à ses côtés, les babines pendantes.
"Je te présente Crockdur! Crockdur, dis bonjour à Anhura!"
Le chien s'avança et posa sa truffe contre la main d'Anhura en salivant abondamment. Celle-ci lui gratta amicalement les oreilles, soulagée de constater que Hagrid avait choisi un animal apparemment normal, pour une fois.
"Entre, j'ai déjà préparé le thé et les biscuits. Tu en a mis du temps, dis-moi!"
"Oui, excuse-moi Hagrid, j'ai été retardée," dit-elle en prenant place à table, en face d'une tasse.
Tandis que Hagrid lui versait le thé, elle lui relata ce qui venait de se passer.
"Sale gamin," conclut-il en grimaçant. "Depuis sa première année à Poudlard, il fait tout pour que Ron, Hermione et Harry aient des ennuis."
"Il n'est pas mieux en classe, je t'assure," dit Anhura d'un ton sobre, après avoir bu une gorgée.
Elle osa prendre le risque de goûter aux biscuits, avec néanmoins une certaine appréhension. Une seconde plus tard, elle trouva sa peur justifiée : ils étaient aussi durs que dans ses souvenirs. Elle mâcha douloureusement, se demandant qui du biscuit ou de ses dents allait se briser en premier, tout en ne pouvant s'empêcher d'éprouver une certaine tendresse à l'égard des vaines tentatives culinaires de Hagrid, qui y mettait toujours beaucoup de coeur et de bonne volonté.
"Au fait, raconte-moi, comment ça se passe, en classe? Tu te débrouilles?"
"Oui, ça peut aller…" répondit-elle le regard dans le vide. Ce n'étaient pas les cours qui occupaient ses pensées à l'instant présent; un autre sujet la tracassait et elle ressentait réellement le besoin d'en parler; elle devait éclaircir le comportement qu'avait eu Hagrid la dernière fois.
"Hagrid," dit-elle doucement en posant sa tasse, "j'ai une question à te poser."
Il posa également sa tasse et la regarda avec attention.
"Vas-y," dit-il avec un soupçon d'interrogation dans sa voix.
Elle resta silencieuse quelques instants, en tripotant nerveusement son pendentif.
"Tu crois que Dumbledore m'aurait engagée pour une raison particulière?" finit-elle par demander très sérieusement en regardant Hagrid droit dans les yeux. Elle savait qu'il ne pourrait pas lui mentir. La complicité qui s'était installée entre eux pendant toutes ces années lui permettait de reconnaître le moindre signe de malaise chez lui.
Le visage de Hagrid s'assombrit, puis il dit avec perplexité, "Je ne sais pas. Tout ce que je peux t'affirmer, c'est que ce n'est pas un hasard si tu l'as rencontré cet été. Avant même la fin de l'année scolaire, il semblait déjà avoir une idée bien précise sur la personne qu'il voulait engager pour la rentrée suivante. Je me souviens que pendant cette période-là, il avait l'air plutôt inquiet."
"Inquiet," répéta-t-elle à mi-voix, comme pour mieux en comprendre la raison.
"Oui. D'ailleurs, d'habitude, il fait passer une annonce dans la Gazette du Sorcier pour recruter les nouveaux professeurs. Mais cette année, il ne l'a pas fait."
"Etrange," finit par murmurer Anhura après un moment de réflexion. "Mais Hagrid… Tu ne crois pas que si Dumbledore attendait quelque chose de moi, il me l'aurait demandé?"
Hagrid soupira, plongé lui aussi dans ses pensées, le regard absent.
"Oui… Tu as sans doute raison, Anhura," dit-il avec un maigre enthousiasme, essayant de se convaincre lui-même de ce qu'il disait. "Sans doute."
Ils restèrent plusieurs minutes sans parler, buvant le thé dans une ambiance animée seulement des ronflements de Crockdur, couché aux pieds de Hagrid.
"Tu as l'air fatiguée, tu sais," dit-il d'un ton paternel en examinant le visage d'Anhura.
Subitement alarmée par ce qu'il venait de dire, elle se mit à réfléchir très rapidement à ce qu'elle devait répondre. Elle ne s'était toujours pas remise du malaise qu'elle avait eu le matin, elle se sentait légèrement fiévreuse et faible, elle ne pouvait pas le cacher. Mais pouvait-elle lui raconter son rêve… éveillé qu'elle avait fait?
"Oui," admit-elle avec un demi-sourire, "les enfants sont épuisants. Je n'ai pas l'habitude d'un métier comme celui-ci."
Il pouffa de rire.
"Ne t'en fais pas," répliqua-t-il, "tu vas…"
Il s'arrêta subitement de parler, et Anhura savait pourquoi. Un énorme grognement sauvage venait de retentir dans un coin de la cabane, mais l'imposante carrure de Hagrid l'empêchait de voir ce qui s'y trouvait. Elle commença à tirer sa baguette de sa poche, prête à réagir, et Hagrid se tourna vers la source du bruit.
"Ah!" s'exclama-t-il joyeusement. "Il est réveillé!"
"Il…veillé?" balbutia Anhura en haussant légèrement les sourcils, la main toujours sur sa baguette.
"Viens voir," lança-t-il avec bonne humeur en se levant.
Ils se dirigèrent au fond de la cabane, où se trouvait, sous la fenêtre, une basse et large cage de fer.
"Anhura, je te présente Pinky!" annonça-t-il fièrement en s'accroupissant.
Elle s'agenouilla également et regarda avec intérêt à travers les barreaux, curieuse de savoir qui répondait au joli nom de "Pinky". Ce qu'elle y vit la figea d'horreur. Pinky était un petit cochon. Soit. Mais un petit cochon avec d'horribles yeux rouges, de gigantesques dents qui débordaient de tous les côtés de sa mâchoire, une grosse touffe de poils entre les oreilles, sans oublier le filet de bave qui pendait constamment à son menton. Il la scruta avec méfiance, ses petits yeux humides pleins de férocité, et il poussa brusquement un nouveau et puissant grognement, proche d'un rugissement, qui fit vivement sursauter Anhura.
"Enchantée, Pinky," dit-elle d'une voix tremblotante, tout en le maudissant de lui avoir fait frôler la crise cardiaque.
"Il est mignon, hein?" demanda Hagrid en regardant son cochon avec une infinie tendresse, tel une mère devant son nouveau-né.
"Hagrid," dit Anhura d'une voix plus aiguë que d'ordinaire, son coeur tambourinant toujours aussi violemment dans sa poitrine, "je t'ai déjà dit que nous n'avions pas la même définition de mignon, tous les deux."
"Tu verras," assura-t-il avec un grand sourire, les yeux brillants, "je suis sûr que tu finiras par l'adorer. Je l'ai acheté hier, dans une animalerie à Pré-au-Lard. C'est une espèce très rare, il vient de France. Je suis passé devant et je n'ai pas su résister." Il finit sa phrase avec une voix pleine d'émotion, ses yeux remplis d'admiration posés sur Pinky.
"Et… il se nourrit de quoi?" demanda Anhura, qui faisait de son mieux pour trouver un quelconque intérêt à cette créature immonde.
"Justement, c'est l'heure de son repas!" s'exclama vivement Hagrid en se relevant. Il alla de l'autre côté de la pièce, laissant Anhura seule devant la cage, celle-ci surveillant intensément le moindre mouvement de Pinky, et revint immédiatement avec un énorme morceau de viande crue, qui faisait deux fois la taille du cochon. Il ouvrit une grande trappe située sur le dessus de la cage et lâcha la nourriture. Elle n'eut pas le temps d'atteindre le sol : Pinky l'avait déjà dévorée, à la stupéfaction d'Anhura. Elle n'avait même pas vu la viande entrer dans sa bouche. Elle avait simplement entendu deux ou trois claquements de mâchoires féroces et vu quelques morceaux de nourriture gicler, et tout avait déjà disparu. Horrifiée, elle se leva et recula d'un bon pas de la cage de Pinky, se promettant intérieurement de ne jamais plus bouger un bras ou une jambe devant lui.
"Dès demain, je vais lui construire un enclos, pour qu'il ait plus de place et qu'il puisse se dégourdir les pattes," déclara Hagrid, pendant que Pinky, qui avait glissé son groin en-dehors de la cage, entre deux barreaux, salivait avec abondance sur ses chaussures.
Anhura sourit faiblement. Hagrid était vraiment spécial. Mais c'était finalement l'une des raisons pour lesquelles elle l'appréciait.
"Fais-le solide," conseilla-t-elle avec une tendre résignation. "Bien, bien solide."
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Note de l'auteur : dans deux semaines, vous découvrirez qu'Anhura n'aime vraiment pas les Malefoy. Une haine absolument normale ? Pas si sûr…
Si vous souhaitez écrire à Anhura, lui parler de quelque chose ou lui poser des questions, écrivez votre message dans les reviews (en laissant votre adresse e-mail). Je lui transmettrai votre message par l'intermédiaire de mon hibou – elle ne connaît pas Internet ni même l'informatique – et je vous retournerai sa réponse. Elle sera sûrement très surprise, elle ne sait pas que sa propre histoire est racontée dans le monde des Moldus
