Note : Un gros merci à tous pour vos reviews ! Ne vous en faites pas, je posterai la fanfiction en entier, il n'y a aucun doute à avoir. Elle est déjà entièrement écrite de toute façon ! Voici donc la suite de l'histoire, qui se trouve également sur le site SecretsHp.
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Dans l'ambiance d'Halloween.
Le jeudi 31 Octobre, Anhura finissait sa journée avec les Gryffondor de cinquième année, qui entrèrent dans la classe pleins d'enthousiasme, certains parlant avec excitation du concours qui aurait lieu le soir même, d'autres entourant Harry et le félicitant inlassablement pour le formidable match de Quidditch qui avait pourtant eu lieu le samedi précédent, où Gryffondor avait battu Serdaigle 270 à 20, grâce à l'incroyable habileté dont avait fait preuve Harry pour attraper le vif d'or. Anhura n'avait jamais vraiment été intéressée par le Quidditch, mais elle devait admettre que Harry était étonnant sur son balai, tout comme l'avait été son père, James. Mais contrairement à son père, qui n'avait jamais l'air fatigué d'entendre les compliments de ses admirateurs, Harry semblait plutôt las d'être le centre d'intérêt de la classe, ou même d'une bonne partie de l'école, bien qu'il accorde à ses camarades quelques sourires polis. De son bureau, elle observait également Ron, qui s'installait à sa place, et qui, étonnamment, n'affichait pas son habituelle expression de bonne humeur sur son visage. Il avait l'air contrarié et dégoûté, et lançait des regards mauvais à Dean Thomas et Seamus Finnigan, qui continuaient de poser des questions à Harry tandis que celui-ci s'asseyait entre Ron et Hermione et sortait sa baguette de son sac.
Une minute plus tard, tout le monde était assis à sa place et attendait que la leçon commence. Malgré ses deux mois d'expérience en tant que professeur, Anhura détestait toujours autant ce moment où le silence total régnait dans la salle de classe et devait être rompu par sa propre voix.
"A partir d'aujourd'hui," commença-t-elle calmement et plutôt froidement, "et pendant plusieurs semaines, nous étudierons la défense contre les paradoxymes, ainsi que leur nature, leurs fonctions et leurs caractéristiques. Quelqu'un peut-il me dire ce qu'est un paradoxyme?"
Comme elle s'y attendait, la main d'Hermione Granger fut aussitôt propulsée dans les airs, et personne d'autre ne se manifesta.
"Oui, Hermione?" dit-elle en se levant de sa chaise et en faisant quelques pas en avant sur l'estrade.
Hermione baissa le bras et répondit avec une grande satisfaction, visiblement soulagée de pourvoir partager ses connaissances avec son professeur.
"Les paradoxymes sont des phénomènes physiques de même nature que les feux follets, qui provoquent une angoisse insurmontable à cause de leur aspect calme et paisible."
Toute la classe la regardait comme si elle venait de parler une langue étrangère et indéchiffrable.
"Exactement," fit Anhura sans sourire. "Cinq points pour Gryffondor. Les paradoxymes font effectivement partie des quelques rares phénomènes naturels qui constituent un danger pour notre psychisme," expliqua-t-elle à ses apprentis sorciers qui semblaient toujours aussi confus. "Ils apparaissent sous la forme de deux billes de lumière bleuâtre qui se tiennent à une cinquantaine de centimètres l'une de l'autre, et qui tournoient très lentement dans les airs. Ils sont d'un calme et d'une sérénité insupportable pour les êtres humains, qui sont immédiatement saisis d'une angoisse si intense qu'ils en restent paralysés s'ils ne luttent pas contre elle dès le moment où elle survient."
Anhura remarqua que certains élèves s'échangèrent des regards affolés.
"Quinze minutes suffisent pour que le système mental de la personne soit définitivement détruit," ajouta-t-elle en souriant légèrement en dépit de la gravité de sa phrase, anticipant déjà la réaction des élèves. Elle s'interrompit un instant et les scruta du haut de son estrade, attendant que l'un d'entre eux se manifeste. Ce fut Seamus Finnigan qui se décida le premier à prendre la parole.
"Et vous… vous allez nous en montrer, de ces paradoxymes?" demanda-t-il, le visage blanc comme un linge.
"Bien sûr," dit-elle le plus sérieusement possible. "Dès que j'aurai fini les explications, nous passerons à la pratique."
Ils devinrent tous livides, et Anhura devina dans leurs yeux qu'ils pensaient tous la même chose : qu'elle était complètement folle et sadique, d'autant plus qu'ils avaient certainement mal interprété son sourire lors de la phrase précédente.
"On les trouve le plus souvent dans des endroits frais et humides," continua-t-elle calmement, "surtout dans des forêts profondes ou des cimetières isolés et abandonnés."
Neville Londubat frémit, et Ron se tassa un peu plus sur son banc. Elle songea avec amusement qu'ils devaient tous croire à présent qu'elle aimait particulièrement fréquenter ce genre d'endroit, ou qu'elle avait même une maison de vacances dans le cimetière le plus sinistre de tout le Royaume-Uni.
"Contrairement à une créature en chair et en os, les paradoxymes ne meurent jamais. La formule que je vais vous apprendre les fait seulement faiblir en leur retirant momentanément leur luminosité. Une fois en état de faiblesse, vous avez de plusieurs minutes à plusieurs heures, selon la puissance de votre sort, pour vous en éloigner, ou bien pour vous l'approprier grâce à une autre formule et l'enfermer dans une boîte conçue spécialement pour eux, comme celle-ci."
Elle saisit une petite boîte plate, circulaire et métallique sur son bureau et la montra à toute la classe.
"Il peut ainsi devenir une arme précieuse si on le libère contre un mage noir par exemple, qui sera déstabilisé, voire paralysé s'il n'a pas appris à se défendre contre un paradoxyme, ce qui reste cependant assez peu probable. Voilà, voyons maintenant de quoi vous êtes capables."
Heureuse d'avoir fini la partie orale de la leçon, elle descendit de l'estrade et se plaça entre les deux rangées d'élèves, portant dans sa main droite sa baguette magique, et dans sa main gauche la petite boîte, que les jeunes sorciers regardaient avec terreur.
"Comme les phénomènes physiques sont beaucoup plus abstraits que de simples sortilèges ou des créatures, il est plus difficile d'apprendre à se défendre contre eux, et c'est pourquoi cette leçon va durer sur plusieurs semaines. Aujourd'hui, je vous demanderai simplement d'essayer de lutter contre votre angoisse et de garder l'esprit clair et le contrôle de vous-même. Je ne libèrerai le paradoxyme que pendant trente secondes, il ne vous causera donc aucun dommage durable. Vous êtes prêts?"
Personne ne répondit. Anhura eut un petit rire étouffé.
"Détendez-vous, vous ne faites qu'empirer votre vulnérabilité. Allez, à trois… Un… Deux… Trois!"
D'une légère pression entre son pouce et son index, elle ouvrit la boîte métallique, d'où s'échappèrent deux petites sphères bleutées, tournoyant très lentement en décrivant un cercle, avec une insolente tranquillité. Bien que le ciel que l'on apercevait à travers les fenêtres soit clair et ensoleillé, la salle était plongée dans une totale obscurité; le paradoxyme captait toute luminosité autour de lui, si bien qu'il n'était plus que la seule source de lumière dans toute la classe; Anhura ne voyait même pas le boute de ses propres doigts. Dès qu'elle ressentit la pression caractéristique dans son crâne, l'accélération de son rythme cardiaque et respiratoire, et le raidissement de ses bras et ses jambes, elle ferma les paupières à moitié, commanda de toutes ses forces à son coeur de se calmer, se poussa à respirer à un rythme exagérément lent, et s'imagina chez elle, au coin du feu, lisant confortablement installée dans son fauteuil son roman favori, et buvant un délicieux chocolat chaud tandis que la neige tombait abondamment au-dehors. Le comble de la relaxation pour elle. Elle sentit ses muscles se détendre, et une sensation de confort envahir son esprit. Elle ouvrit les yeux, tout en continuant de se figurer le chocolat chaud descendre le long de son tube digestif, et pouvait à présent faire face au paradoxyme sans grande difficulté. Se doutant que les trente secondes étaient bientôt écoulées, elle retroussa un peu les grandes manches de sa robe de sorcière, pointa sa baguette et s'écria : "Viccit metus!"
Dans un souffle, un jet de lumière rouge traversa la distance entre elle et le paradoxyme. La salle de classe retrouva immédiatement sa luminosité habituelle, et les sphères du paradoxyme furent réduites à deux minuscules nuages de fumée gris foncé, tournoyant toujours dans les airs, mais sans plus aucune force angoissante. Anhura s'approcha d'eux, dessina avec sa baguette un huit suivi d'un trait horizontal; la fumée vint de coller au bout de sa baguette, qu'elle tapota deux ou trois fois sur le rebord de la boîte, qui récupéra instantanément le paradoxyme et se referma par elle-même.
Elle jeta un coup d'oeil à ses élèves. Ils étaient tous figés, les yeux fixes, grands ouverts, excepté Hermione, Harry et Ronald, qui avaient l'air exténués, mais parfaitement conscients.
"Félicitations," leur dit-elle en souriant presque, "vous êtes les seuls à vous en être sortis correctement."
Harry et Hermione sourirent, et Ron sembla complètement abasourdi par le fait d'avoir réussi.
"Je vous donne quand même un peu de potion relaxante," poursuivit-elle en faisant apparaître trois gobelets et en s'emparant de la fiole qui se trouvait sur son bureau. "Et ce serait très gentil de votre part si vous m'aidiez à en donner au reste de la classe." Elle finit sa phrase avec une nuance de déception dans la voix en regardant à nouveau les autres élèves complètement paralysés d'angoisse. Pour un jour d'Halloween, je n'aurais pas pu faire mieux.
L'heure du festin approchait lorsqu'Anhura se rendit à la Grande Salle déjà bondée de monde, et décorée spécialement pour l'occasion : des citrouilles lumineuses remplaçaient les bougies qui flottaient habituellement au-dessus des tables, des centaines de chauves-souris en papier voletaient au plafond comme l'auraient fait de vraies chauves-souris, des têtes de mort creuses étaient posées sur les tables et servaient de récipients à bonbons, et des guirlandes de toiles d'araignées ornaient les murs, parfois accompagnées de véritables araignées.
Après avoir vérifié que sa chaise n'en était pas également décorée, Anhura s'assit à sa place désormais habituelle, c'est-à-dire l'avant-dernière place, au bout de la table des professeurs. Elle avait choisi ce siège car, au début de l'année, c'était la toute dernière place si l'on ne comptait pas le siège vide qui terminait la table, et comme elle n'avait pas envie de discuter avec les autres enseignants, elle s'était dit que c'était l'endroit idéal pour manger en paix et parler le moins possible. Mais depuis quelque temps, Severus Snape venait s'asseoir à côté d'elle, ayant manifestement envie lui aussi d'éviter toute conversation, ce qui ne changeait finalement rien à sa tranquillité, puisqu'il était effectivement aussi silencieux que la chaise qui était restée vide pendant plusieurs semaines – et ce n'était pas Anhura qui allait le déranger par sa loquacité. Ils restaient ainsi sans prononcer le moindre mot durant chaque repas, appréciant chacun de son côté le soulagement de ne pas avoir à faire l'effort d'endurer une discussion.
Au moment même où Snape venait justement de s'installer, une abondante nourriture était apparue dans les plats, au grand bonheur d'Anhura qui, même si elle n'était pas habituellement une grande mangeuse, adorait satisfaire excessivement son estomac les jours de grandes occasions – ce qui était le seul signe extérieur indiquant qu'Anhura faisait la fête.
Lorsque tout le monde eut fini de manger trois quarts d'heure plus tard, Fred Weasley vint demander quelque chose à Dumbledore, qui acquiesça d'un signe de tête. Celui-ci se leva de son imposant fauteuil, et tout le monde dans la salle se tut instantanément.
"Le festin est terminé!" déclara-t-il, les yeux pétillant d'enthousiasme. "J'espère que tout le monde a eu de quoi satisfaire ses papilles. Il est temps à présent de se divertir, et pour cela, je laisse la parole à votre camarade Fred Weasley, qui a eu la bonne idée d'organiser ce concours."Il se rassit, et Fred, qui était resté devant la table des professeurs, s'adressa à son tour à la salle, un grand sourire aux lèvres.
"D'abord, je pense que vous devriez tous applaudir notre directeur qui a eu la gentillesse de nous laisser organiser ce concours," déclara-t-il d'un air qui se voulait solennel.
Tous les élèves applaudirent bruyamment, et certains crièrent même de joyeux "Vive Dumbledore!" au fond de la salle.
"Je vais vous rappeler le principe du jeu, qui est très simple," reprit-il après que les acclamations se furent évanouies. "Les participants viendront tour à tour nous présenter leur déguisement. Lorsque tout le monde sera passé, vous devrez élire celui qui, selon vous, porte le costume le plus effrayant, hideux, dégoûtant, répugnant, en écrivant son nom sur le parchemin ensorcelé qui se trouve sur cette petite table et qui absorbera instantanément le nom que vous aurez inscrit." Il désigna la table et le parchemin en question, qui se situaient juste au-dessous de la place d'Anhura. "A la fin des votes, celui-ci calculera lui-même le nombre de fois que chaque nom a été inscrit, et nous dévoilera qui aura eu le plus de voix. Le gagnant aura le droit de faire porter son costume à la personne de son choix demain, durant toute la journée. Compris? Alors, c'est parti! J'appelle… Arthur Dongrey!"
Tout le monde se tourna vers la grande porte qui donnait sur le hall d'entrée, face à la table des professeurs. Une silhouette apparut; on commença à entendre tout au fond de la salle des expressions de dégoût. Au fur et à mesure que le garçon avançait, les cris se répandaient dans toute la salle. Quand il fut enfin arrivé devant la table des professeurs, Anhura fut surprise de voir à quel point il était répugnant : sa peau était verte, gluante, et pleine de furoncles. Un oeil était fermé, tandis qu'un autre sortait de son orbite. Il n'avait presque pas de cheveux, et de longues griffes terminaient ses doigts. Ce fut pire encore lorsqu'il sourit : seules trois ou quatre dents jaunes étaient plantées de travers, dans ses gencives. Anhura commença à regretter d'avoir autant mangé. Ce monstre n'avait plus rien à voir avec l'élève de Poufsouffle de septième année qu'elle connaissait.
"Jenny Longwair!" appela Fred.
Une nouvelle silhouette apparut et traversa la salle. Ce déguisement n'était pas plus ragoûtant que le précédent : il s'agissait d'une momie dont les bandelettes étaient pleines de sang, et qui dégageait une odeur abominable. Elle avançait lentement en titubant, ses yeux jaune vif grands ouverts. Une fois arrivée aux côtés de son concurrent, Fred appela un autre nom.
"Maureen McMiller!"
Maureen, elle, avait choisi de se présenter avec une hache lui traversant le crâne, du sang dégoulinant d'un oeil entrouvert, un bras en moins et une jambe de bois, provoquant de nombreux murmures mi-amusés, mi-dégoûtés parmi les professeurs. Une dizaine d'autres participants défilèrent, tous plus horribles les uns que les autres, puis Fred appela le dernier candidat.
"George Weasley!"
Il entra dans la salle, et les élèves les plus proches de la porte éclatèrent de rire. En moins de dix secondes, la moitié de la Grande Salle était hilare, ce qui intrigua intensément Anhura, qui était curieuse de savoir ce qui les mettait dans un tel état alors que ce n'était pas le but du concours. Lorsque George fut assez près pour qu'elle puisse voir plus précisément son costume, elle n'en crut pas ses yeux. Il portait une perruque de cheveux noirs, raides et exagérément gras tombant sur ses épaules, une robe de sorcier et une cape noires, ainsi qu'un faux gros nez crochu. Il avait osé. Il avait eu l'audace de se déguiser en Severus Snape pour le concours du costume le plus répugnant.
Anhura ne comprenait pas du tout en quoi c'était drôle. Elle trouvait cela cruel et méchant, et n'avait absolument pas envie de rire. Quand elle regarda les autres professeurs, elle fut stupéfaite de constater que tous riaient aux larmes, exceptés Dumbledore et McGonagall, qui semblaient indécis sur la façon dont ils devaient réagir; la cerise sur le gâteau était le rire aigu et perçant de Gobe-Planche qui couvrait tous les autres. Anhura était aussi dégoûtée qu'à la vue du costume d'Arthur Dongrey quelques minutes auparavant, mais pas de la même manière : elle ressentait une sorte de crampe à son coeur et son estomac, comme s'ils avaient beaucoup de mal à digérer l'énorme quantité de peine, d'indignation et de révolte qu'elle venait d'avaler d'un seul coup.
Elle jeta un coup d'oeil furtif à Snape. Celui-ci ne bougeait pas. Son visage affichait strictement la même expression que d'habitude, il n'avait l'air ni amusé, ni furieux, ni triste. Rien. Aucun sentiment ne passait dans ses yeux perçants et glacials. Il restait impassible, inatteignable. Anhura remarqua qu'il était malgré tout un peu plus pâle que d'habitude, et qu'il serrait dans sa main droite une serviette en papier restée sur la table.
La salle ne s'était pas encore calmée, les rires résonnaient dans tous les sens. Anhura sentit la colère l'envahir. Même si elle n'aimait pas beaucoup Snape, et même s'il était froid, sarcastique, injuste avec les élèves et ami avec Malefoy, il ne méritait pas une telle humiliation. Elle se demandait comment il pouvait rester si calme; elle supposa que dès son prochain cours avec des Gryffondor, il leur retirerait cent points d'un coup. Mais pour une fois, elle trouverait cela presque normal.
Tandis qu'elle prenait une profonde inspiration pour se détendre un peu, Fred reprit enfin la parole et le silence revint.
"Il est temps de voter!" déclara-t-il. "Venez faire la queue pour inscrire le nom de celui que vous avez préféré!"
Les élèves se levèrent, s'alignèrent devant la table où se trouvait le parchemin, et inscrivaient tour à tour leur vote, l'encre disparaissant entièrement du parchemin à chaque nouveau nom écrit. Il ne manquerait plus que George soit le vainqueur, pensa Anhura, à nouveau furieuse, déchiquetant nerveusement le bout de pain qu'il lui restait tout en posant les yeux sur l'un ou l'autre des élèves qui faisaient la queue devant elle. Elle regarda Snape une nouvelle fois : il était toujours aussi imperturbable. Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée à Poudlard, elle avait envie de lui parler, mais elle ne savait pas vraiment quoi lui dire, et elle avait peur de ne faire que remuer le couteau dans la plaie. Et puis, comme Snape ne l'aimait pas non plus, il y avait de sérieux risques pour qu'il l'envoie balader. Elle but une gorgée d'eau froide et se résigna à regarder les enfants voter.
Dix minutes plus tard, les élèves étaient de nouveau assis, mais Snape venait de se lever et de partir par la petite porte derrière la table des professeurs. Fred prit le parchemin et se tourna vers ses camarades.
"Et le gagnant est…"
Anhura se pencha légèrement pour scruter le parchemin. Après deux brèves secondes, lorsqu'elle vit un nom s'inscrire en gros, au milieu de la page, elle retint involontairement son souffle.
"Arthur Dongrey!" s'exclama Fred joyeusement.
Elle laissa l'air sortir de ses poumons, soulagée, pendant que tout le monde applaudissait.
"Arthur, tu dois choisir le pauvre élève qui devra porter ton déguisement demain, du matin jusqu'au soir."
"Je choisis Sylvia Cornbell," dit Arthur gaiement en découvrant ses quelques horribles dents.
L'élève concernée poussa un cri depuis la table des Serdaigle et se cacha le visage dans ses mains, en riant. Toute la salle applaudit à nouveau, mais Anhura était légèrement préoccupée par le siège vide à côté d'elle, et ne partageait pas l'amusement collectif qui régnait à ce moment-là. Après un bref instant d'hésitation, elle se leva, disparut à son tour derrière la petite porte, traversa l'étroite pièce et le long couloir qui débouchait sur le hall d'entrée, à la recherche de Snape, mais il n'était pas là. Elle descendit alors les escaliers qui menaient aux sous-sols. Sentant le froid et l'humidité pénétrer dans son corps jusqu'à ses os malgré la chaude cape qu'elle portait, elle pressa le pas, l'esprit vide, ne sachant pas vraiment ce qu'elle ferait une fois qu'elle aurait trouvé son collègue. Au bout d'une minute, elle l'aperçut enfin, marchant à grand pas, à mi-chemin dans un sombre couloir.
"Severus!"
Il s'arrêta et se retourna; Anhura le rejoignit. Il la regardait froidement et durement, ce qui la surprit aussi fortement que lors de leur première rencontre : elle était habituée à ce qu'on la regarde comme si elle était une chose insignifiante, mais pas comme une ennemie jurée. Intimidée, elle hésita à parler, avant de demander finalement d'une voix mal assurée, "Ca va?"
Il sembla analyser sa phrase quelques instants, ses yeux rencontrant alternativement l'oeil droit et l'oeil gauche d'Anhura, comme pour essayer d'y trouver quelques informations supplémentaires.
"Pourquoi me demandez-vous cela?" répliqua-t-il sèchement.
Elle baissa les yeux et fixa une dalle quelque part derrière Snape, s'interrogeant sur ce qu'elle devait répondre, plutôt étonnée par la rudesse de son collègue.
"C'est… euh…" Elle leva les yeux vers lui, essayant de gagner confiance en elle. "A propos du concours, tout à l'heure," dit-elle d'une voix sans émotion, ses yeux plantés dans ceux de Snape, décidée à ne plus se laisser intimider.
"Je me fiche éperdument de ces imbéciles," déclara-t-il avec calme.
Bizarrement, Anhura sentit chez lui une attitude accusatrice, comme s'il s'estimait plus insulté par son comportement que par celui de Fred et George. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais la referma aussitôt et réfléchit, indécise. Soit elle le traitait de menteur, et il serait furieux; soit elle lui rétorquait que ce n'était pas la peine de lui en vouloir car elle n'y était pour rien, et il serait furieux; soit elle continuait de parler du concours, et il serait furieux.
"J'ai trouvé cela absolument affligeant," dit-elle très sérieusement et doucement, les sourcils légèrement froncés, "je n'avais pas du tout envie de rire."
Elle attendait avec appréhension l'explosion de colère, mais elle ne vint pas. Elle crut voir plutôt, pendant un très court instant, une expression interrogative sur son visage, comme s'il n'avait pas l'habitude que quelqu'un lui continue de lui répondre aussi calmement, mais en une fraction de seconde, il avait repris son regard glacial; le Snape de la seconde d'avant semblait n'avoir jamais existé.
"Je sais, j'ai vu," répliqua-t-il froidement. "Mais je n'ai strictement rien à faire de votre pitié."
Cette fois, elle sentit une réelle rancune en lui, sans parvenir à déterminer si elle lui était adressée. Il lui tourna brusquement le dos et disparut dans les sombres couloirs, laissant Anhura seule au beau milieu des sous-sols.
Ce n'est pas de la pitié, songea-t-elle sombrement. Seulement, je sais ce que l'on ressent quand on est humilié en public.
Elle remonta lentement vers le hall d'entrée, avec l'impression d'avoir un très lourd poids dans son estomac. Le comportement des élèves ce soir – et même des professeurs – avait été inadmissible. Elle était sûre que si la même scène s'était produite devant seulement une dizaine de personnes, aucune d'entre elles n'aurait osé réagir, de peur que Snape ne s'en prenne à elles. Mais là, ils avaient profité de leur très grand nombre pour ne pas cacher leur envie de rire, sachant parfaitement que Snape était impuissant face à un millier de personnes. Il n'avait pas l'air du genre à se soucier du jugement des autres, mais personne ne pouvait rester insensible à une telle humiliation publique.
Anhura en avait souvent été victime pendant ses sept années d'études. Elle se souvenait notamment de la fois où ses camarades de classe avaient jeté un sort sur sa penderie dans les dortoirs de telle sorte que toutes ses robes produisaient une odeur infecte et grossière, et portaient l'inscription : 'Je suis sénile et incontinente' dans le dos. Elle pensait aussi aux nombreux croche-pattes qu'on lui avait faits dans les couloirs ou les escaliers, ou à la stupide chanson que les élèves avaient inventée et se mettaient à entonner avec méchanceté dès qu'ils la voyaient : Snowerskin la mémé, passe son temps à tricoter, réajuster son dentier, Snowerskin la retraitée! au grand amusement de leurs spectateurs. Et chaque année, ses camarades racontaient aux nouveaux arrivants des histoires farfelues à son sujet, si bien que tout le monde finissait par l'éviter, craignant sans doute une sorte de contagion. Le plus blessant pour elle était le plaisir que tous prenaient à lui faire du mal, la joie qu'ils exprimaient en la harcelant moralement, en la ridiculisant; dans ces moments-là, elle aurait donné n'importe quoi pour que quelqu'un la soutienne, mais jamais personne n'avait fait ce geste. C'était la raison pour laquelle elle avait suivi Snape dans les sous-sols.
"Ca va, Anhura?" demanda Dumbledore avec un regard analytique, tandis qu'ils montaient côte à côte les grands escaliers de marbre parmi une foule d'élèves.
"Oui, bien sûr," mentit Anhura d'une voix faussement enthousiaste, ses yeux posés sur les marches.
Dumbledore n'ajouta rien, mais elle sentit qu'il continuait de la regarder.
"Bonne nuit professeur," dit-elle, toujours sans croiser son regard, lorsqu'ils furent arrivés au troisième étage.
"Bonne nuit, Anhura," dit-il d'une voix douce et tranquille.
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Note : Anhura en apprendra-t-elle plus sur les malaises qu'elle a eus récemment ? Vous le saurez dans quinze jours…
Si vous souhaitez dire quelque chose à Anhura, écrivez votre petit mot dans les reviews en laissant votre adresse e-mail, je vous transmettrai le parchemin contenant sa réponse…
