Note : Voici le nouveau chapitre de la fanfiction du site ici sous sa version texte.

Vous pouvez interagir avec Anhura : si vous souhaitez lui parler, lui poser des questions ou autre, mettez votre message dans les reviews. Je lui transmettrai votre message et vous enverrai sa réponse écrite sur parchemin (il faut donc laisser votre adresse e-mail dans la review).

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Bonne année, professeur Snape!

Ces questions, Anhura se les posa plus d'une centaine de fois, tout au long du mois de Décembre. Elle consacrait son temps libre à la recherche d'informations susceptibles de l'éclairer dans les ouvrages de la bibliothèque de Poudlard, mais les seuls livres qui abordaient en détail le sujet des rêves, des hallucinations ou des visions chez les sorciers étaient ceux de Divination, et la simple idée d'avoir peut-être un point commun avec Mrs Trelawney lui donnait la chair de poule et lui faisait promettre de ne plus jamais s'arrêter devant les étagères qu'ils occupaient. Elle passait ses soirées à cogiter, assise dans son salon près d'un rassurant feu de cheminée; cependant, ces moments de réflexion ne lui apportaient jamais de réponse satisfaisante, et elle finissait toujours par s'abandonner à une contemplation vide, sans émotions, des innocents flocons de neige qui passaient avec douceur et lenteur devant la fenêtre, profitant autant que possible de leurs derniers instants de liberté avant de se poser définitivement sur l'épaisse couche blanche qui couvrait déjà Poudlard et ses environs depuis plusieurs semaines.

Elle n'avait pas parlé de ses malaises à Hagrid, ni à son père, qui était loin d'elle et qui se serait trop inquiété pour elle. Elle avait eu beaucoup de mal à lui faire comprendre qu'elle préférait rester à Poudlard pour les vacances de Noël; elle lui répétait, dans ses lettres, qu'elle aurait beaucoup de travail pendant les vacances, qu'elle aurait à préparer ses cours du deuxième trimestre, et qu'il n'était pas prudent de transplaner sur une aussi longue distance dans une période agitée comme celle-ci, où la plupart des sorciers rendaient visite à leurs familles ou faisaient leurs achats aux quatre coins de l'Angleterre par ce moyen de transport, surtout avec les tempêtes de neige que subissait le pays en ce moment, ce qui était vrai. Les accidents les plus terribles de transplanage avaient toujours lieu à la fin de l'année, et il n'était pas rare de lire dans la Gazette que des sorciers s'étaient retrouvés avec des jambes qui n'étaient pas les leurs, ou bien qu'ils partageaient un buste pour deux têtes, quatre bras et quatre jambes, à cause de la saturation de l'air par les nombreux déplacements de sorciers, le vent et la neige. Mais la réelle raison pour laquelle Anhura ne souhaitait pas passer les fêtes avec son père, était qu'elle craignait perdre conscience devant lui et gâcher son Noël et les six mois de l'année suivante, pendant lesquels il ne la verrait plus et se demanderait sans cesse si elle était en bonne santé. Cela lui brisait le coeur de savoir qu'il passerait les fêtes seul, et s'en sentait terriblement coupable, d'autant plus qu'il lui manquait beaucoup; mais tant qu'elle ne savait pas à quoi étaient dus ses moments d'absence, elle ne pouvait pas prendre le risque.

L'ambiance qui régnait à Poudlard une semaine avant Noël la consola un peu. Elle avait aidé les professeurs Flitwick et McGonagall à décorer la Grande Salle, plaçant les guirlandes et les figurines scintillantes sur les immenses sapins qu'avait installés Hagrid à l'intérieur, et cherchant tous ensemble des sortilèges utiles pour habiller les murs, les tables et les chaises, pendant que des elfes de maisons s'occupaient du reste du château et déposaient de superbes statues de glace dans le hall d'entrée, représentant les quatre fondateurs de Poudlard, Godric Gryffondor, Elga Poufsouffle, Salazar Serpentard et Rowena Serdaigle. Elle s'était également rendue à Pré-au-Lard pour s'adonner à son activité favorite, en-dehors de la lecture : acheter des cadeaux. Elle adorait passer des heures à essayer de trouver le meilleur moyen de toucher la personne concernée, de lui faire plaisir, de deviner quelles étaient ses envies, ses besoins. Pour elle, rien n'était plus apaisant que de porter toute son attention sur une personne spécialement et de se demander comment elle pourrait la rendre heureuse.

Ainsi, elle avait acheté à son père deux robes de sorciers bien chaudes, car elle savait que les siennes étaient anciennes et usées et qu'il n'avait pas pu investir beaucoup d'argent dans les vêtements depuis de nombreuses années. L'achat du cadeau de Hagrid avait été toutefois beaucoup moins simple. Trois semaines auparavant, celui-ci lui avait avoué être triste de laisser Pinky dehors dans son enclos par un froid si vif, qui risquait de lui abîmer "sa peau délicate". Un soir où Hagrid était parti faire la tournée de la Forêt Interdite, elle était donc allée prendre les mesures de Pinky, munie d'un mètre ensorcelé pour qu'elle n'ait pas à s'en approcher et à risquer de perdre un bras, et qu'il aille lui-même faire les mesures nécessaires; elle était ensuite allée dans une boutique de vêtements sorciers et moldus sur mesure pour y commander un pull-over rouge – elle était sûre que Hagrid apprécierait le fait que le pull de Pinky soit assorti à ses yeux. Ce fut lorsqu'elle demanda à ce qu'il y ait quatre petites manches de trente centimètres sur la partie ventrale du pull-over qu'elle rencontra les plus grosses difficultés. Les boutiquiers essayaient de la convaincre que ses mesures étaient fausses, et que deux manches un peu plus grandes au niveau des épaules étaient largement suffisantes. Mais Anhura leur répéta une bonne vingtaine de fois, très calmement, qu'elle ne s'était pas trompée, et depuis, même s'ils avaient finalement accepté de le lui tricoter, ils s'étaient mis à leur parler très lentement et avec des gestes, la considérant apparemment comme quelqu'un d'assez perturbé.

Ce fut de bonne heure, et en sursaut, que se réveilla Anhura le matin de Noël : un ululement venait de retentir quelque part dans sa chambre, ou dans un rêve, elle ne savait pas exactement. Elle resta un moment sans bouger, enfouie sous ses lourdes couvertures, émergeant avec difficulté de son sommeil interrompu; puis, très lentement, elle posa ses mains sur son visage, et se frotta sans énergie les joues et les yeux. Le soleil au-dehors commençait à peine à éclaircir le ciel de ses premiers rayons, et on entendait le vent violent et glacial s'abattre contre les vitres de la fenêtre.

Un nouvel ululement brisa le calme qui régnait dans la pièce. Anhura se redressa légèrement, et posa ses yeux embués sur les formes imprécises et inhabituelles qui se trouvaient au pied de son lit. Là, était posée une cage, dans laquelle un hibou noir aux grands yeux dorés la regardait, d'un air curieux et impatient. Un petit paquet avec un ruban était également déposé sur le sol. A présent aussi réveillée que si elle venait de recevoir un seau d'eau glacée sur la tête, elle sortit de son lit, détacha hâtivement la carte qui était accrochée à la cage, et lut :

'Joyeux Noël, ma fille!

J'ai pensé que tu préfèrerais avoir ton propre hibou plutôt que d'emprunter sans arrêt ceux de l'école. L'animalier m'a dit que celui-ci était le plus intuitif de tous ceux qu'il possédait. Et puis, il pourra te tenir compagnie.

Je t'embrasse bien fort,

Ton papa.'

Elle relut une fois la carte, un grand sourire illuminant son visage; puis elle s'empara de la cage, la posa sur son lit et s'assit à côté. Aussitôt qu'elle l'eut ouverte, le hibou s'envola pour aller se percher sur la chaise de son bureau, secouant ses épaisses plumes et fixant intensément Anhura de ses magnifiques yeux couleur or. Elle souriait encore et observait celui-ci avec tendresse; c'était vraiment un très beau cadeau; seulement, son père avait dû dépenser son peu d'économies pour le lui offrir, et cette idée ne lui plaisait guère. Avant de se laisser envahir par une vague de culpabilité, elle détourna son regard de l'oiseau et se baissa pour prendre le paquet resté au sol. Un autre mot y était accroché, cette fois marqué d'une écriture irrégulière et maladroite, qu'Anhura connaissait bien.

'J'espère que tu les aimes toujours… Joyeux Noël!

Hagrid.'

Intriguée, elle ôta le ruban, déchira le papier et ouvrit la boîte. A la vue de ce qu'elle contenait, elle eut un petit rire : c'était son péché mignon, les bonbons au caramel dont elle avait toujours raffolé. Elle sentit une vive émotion l'envahir, un mélange de bonheur et de bien-être : son père et Hagrid avaient pensé à elle. Frissonnant de froid dans sa chemise de nuit, elle posa le paquet, saisit sa baguette magique qui était posée sur sa table de nuit, et d'un petit mouvement alluma un feu dans la cheminée de la chambre.

Le hibou déploya ses ailes et traversa la courte distance qui le séparait d'Anhura, lui laissant tout juste le temps de lever son bras à l'horizontale, par réflexe, pour qu'il puisse s'y poser. Les griffes de l'oiseau lui piquaient la peau, à travers la manche de sa chemise, mais elle n'en tint pas compte et le caressa doucement entre ses aigrettes de plumes.

"Coucou, toi," dit-elle en souriant. "Alors, je suppose que je vais devoir te trouver un nom?"

Pour toute réponse, il cligna des yeux et tourna sa tête en direction de la fenêtre, sensible au bruit que causait le vent contre les vitres. Anhura continuait de le caresser, réfléchissant, avec toute l'énergie qu'elle pouvait posséder après une nuit inachevée, au nom qu'elle pourrait lui donner.

"Que penses-tu de… Newt, comme l'auteur, Newt Scamander?"

Il retourna brusquement sa tête vers Anhura, puis eut l'air de s'intéresser à la boîte de caramels posée à côté d'elle. N'ayant toujours pas décidé si elle avait fait le bon choix, elle fit un deuxième essai.

"Newt?"

L'oiseau la regarda fixement avant de pousser un ululement mécontent, au grand amusement d'Anhura.

"D'accord, d'accord, ne t'énerve pas… Pourquoi pas… Devlin, comme Devlin Whitehorn, l'inventeur? Devlin?"

Il lui lança un regard sévère, qui ressemblait un peu à celui de McGonagall pendant ses cours, et eut un bruit agacé qui la fit beaucoup rire.

"Cornélius? Gilderoy? Salazar? Lucius?"

Le hibou s'envola pour se poser à nouveau sur le dossier de la chaise, et lui tourna le dos.

"Je plaisantais, vieux grincheux!" lança-t-elle, toujours en souriant. "Si tu ne m'avais pas réveillée à l'aube, j'aurais eu moins de mal à réfléchir!"

L'animal ne bougeant pas, elle se leva, le rejoignit et lui caressa gentiment la tête.

"Allez," dit-elle avec douceur, "on va essayer de te trouver un joli nom, rien que pour toi, d'accord? Voyons…" Elle l'examina attentivement pendant un long moment. "Tes plumes sont noires comme la nuit," constata-t-elle à voix basse pour s'aider à penser, "et tes yeux ressemblent à deux gros soleils." Elle fronça légèrement les sourcils. "Deux en un. Quand le jour et la nuit fusionnent-ils?"

Elle regarda en silence, à travers la fenêtre, le faible soleil matinal et hivernal apparaître derrière l'une des montagnes qui entouraient Poudlard, avant de poser à nouveau ses yeux sur son hibou, le visage lumineux.

"Je sais," murmura-t-elle. "Une éclipse. Tu aimerais t'appeler Eclipse?"

Elle avait insisté sur le dernier mot pour le faire réagir. Il cligna des yeux, émit un son joyeux et mordilla avec ferveur le premier doigt d'Anhura qui se présentait à lui.

"Ca doit vouloir dire oui," dit-elle en secouant sa main pour évacuer la douleur. "Eh bien, je te souhaite la bienvenue, Eclipse." Elle esquissa un faible sourire. "Bienvenue dans ma chambre et dans ma vie."

Six jours plus tard, vers vingt heures, elle était assise à une table en plein milieu de la Grande Salle, à gauche de Hagrid, à droite de Harry en face de Mrs Chourave, en train d'entamer les plats qui avaient été préparés pour le réveillon du nouvel an, également en compagnie des professeurs Flitwick, McGonagall, Snape, Dumbledore, et de Ron. Tous les autres enseignants et élèves étaient rentrés chez eux depuis le début des vacances, ce qui permettait à Anhura de déguster paisiblement les mets, en l'absence de Bibine et Gobe-Planche, qui adoraient la regarder de travers, ou de Malefoy, qui, même si, contrairement à ce qu'elle craignait, ne s'était pas empiré depuis qu'elle avait giflé son père – elle supposa que Lucius avait été trop humilié ce jour-là pour le rapporter à son fils –, aurait sans doute fait en sorte de gâcher discrètement sa soirée sous le nez de Dumbledore, ou bien celle de Ronald et Harry. Au lieu de cela, elle discutait tranquillement avec Hagrid, qui lui disait à quel point Pinky était heureux avec son nouveau pull, pendant qu'elle imaginait le cochon bavant et poussant des grognements féroces dont lui seul avait le secret pour exprimer sa joie.

Après un long et copieux repas animé par les histoires drôles du professeur Flitwick ou de grandes conversations sur divers sujets, il restait environ une heure et demie avant que l'horloge ne sonne les coups de minuit. Harry et Ron, qui avaient poussé leurs couverts en bout de table, jouaient aux cartes, tandis que les professeurs continuaient de bavarder paisiblement en grignotant des friandises. Anhura, elle, écoutait patiemment une Mrs Chourave écarlate qui lui racontait sa jeunesse avec beaucoup d'enthousiasme et de gaîté, les nombreux verres de vin qu'elle avait bus n'étant sûrement pas étrangers à sa bonne humeur. Soudain, Snape se leva.

"Excusez-moi, mais je crois que je vais me cou…"

"Il en est hors de question, Severus," coupa Dumbledore, dont la barbe, qu'il avait ornée de milliers de paillettes pour l'occasion, scintillait à la lueur des bougies flottantes. "Chaque année vous trouvez un moyen pour vous éclipser avant minuit. Je vous interdis de partir d'ici." Il avait parlé sur un ton ferme, mais son visage exprimait beaucoup d'amusement.

"Et si, malgré tout, je refusais cette charmante proposition?" demanda Snape sarcastiquement, manifestement très frustré que son plan ne se déroule pas comme il le souhaitait.

Tout le monde autour de la table regardait à présent Dumbledore, attendant avec excitation la réponse de celui-ci, qui avait repris un air sérieux.

"Eh bien, si vous refusez," répondit-il lentement, "nous accrocherons du gui à l'entrée de votre chambre, et nous y attendrons tous que vous en sortiez pour pouvoir vous souhaiter gaiement et affectueusement la bonne année. Nous patienterons des heures et même des jours s'il le faut. N'est-ce pas?" dit-il en s'adressant aux personnes qui l'entouraient.

Tous les enseignants acquiescèrent en hochant vivement la tête. Il scruta Snape à travers les verres de ses lunettes, les yeux pétillant d'ingéniosité, un grand sourire aux lèvres. Ce dernier, qui était resté debout, regardant fixement le directeur, eut l'air analyser profondément la situation. Une personne ordinaire aurait trouvé plutôt sympathique et agréable que tout le monde ait envie de lui souhaiter chaleureusement la bonne année; mais Snape, lui, semblait considérer que c'était la pire des atrocités.

"Vous n'êtes pas sérieux," lança-t-il enfin sur un ton quasi-affirmatif.

Dumbledore émit un petit rire avant de répliquer, "On parie?" avec l'air enjoué d'un enfant. Snape, les yeux toujours rivés sur le directeur, sembla calculer la probabilité que celui-ci soit assez fou pour mettre ses menaces à exécution. La conclusion ne tarda pas à venir.

"Bien!" siffla-t-il en regagnant sa place, furieux de devoir céder au chantage du vieux sorcier.

Tout le monde éclata de rire, et même Anhura ne pouvait pas s'empêcher de sourire en voyant le visage extrêmement contrarié de son pauvre collègue. Harry se mit la main devant la bouche, et Ron, maintenant aussi rouge que Mrs Chourave, cachait son visage derrière l'éventail de cartes qu'il tenait, pris d'un fou rire.

"Un chocolat?" demanda tranquillement Dumbledore en tendant une petite boîte à Severus.

"Non merci," répondit Snape entre ses dents, les yeux encore remplis de rage.

Les nouveaux éclats de rire n'arrangeant rien à sa mauvaise humeur, le professeur McGonagall estima préférable de relancer la conversation sur un autre sujet. La fin de soirée se déroula ainsi un peu plus calmement; Anhura, peu habituée à veiller, avait hâte que minuit sonne pour pouvoir enfin se reposer. Ses souhaits ne mirent pas longtemps à se réaliser, puisque quelques minutes plus tard, tout le monde avait les yeux rivés sur l'immense pendule située au fond de la Grande Salle. Tous, sauf Snape et Anhura – elle avait horreur de cela – firent en choeur le compte à rebours.

"CINQ! QUATRE! TROIS! DEUX! UN… BONNE ANNEE!"

Les professeurs et les élèves se levèrent pour se faire la bise. Hagrid fut le premier à embrasser Anhura, sa grosse barbe hirsute lui picotant horriblement les joues.

"Bonne année ma petite!" dit-il en la serrant, ou plutôt en la broyant, dans ses bras.

"Bonne année Hagrid," répondit-elle, le sourire aux lèvres, en priant le Ciel que tous ses os soient encore intacts malgré la douleur qu'elle ressentait. "Qu'elle t'apporte tout le bonheur que tu mérites."

Ce fut ensuite le tour de Mrs McGonagall, du professeur Flitwick, du professeur Chourave, de Harry, de Ronald, puis de Dumbledore.

"Bonne année, Anhura," dit-il doucement. "Pleine d'amour et de bonheur."

"Bonne année, professeur," répondit-elle en souriant.

"Je suis sûr qu'elle te sera très enrichissante," ajouta Dumbledore les yeux brillants.

"Vraiment?" Anhura le regarda un peu intriguée.

"Oui. Vraiment."

Son visage était d'abord devenu grave, puis un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Il lui tapota gentiment l'épaule avant d'aller souhaiter la bonne année au professeur Flitwick.

Anhura resta quelques instants sans bouger, essayant de comprendre ce que tout ceci signifiait. Décidément, Dumbledore savait quelque chose qu'elle ignorait, et cela l'inquiétait. Elle se secoua mentalement, se dit qu'il ne valait mieux pas commencer l'année par des pensées négatives; elle chercha plutôt des yeux qui elle n'avait pas encore embrassé. Son regard croisa celui de Snape, qui se tenait à l'écart, et qui en cet instant avait la tête de quelqu'un qu'il ne fallait surtout pas contrarier si l'on tenait à rester en vie. Anhura étouffa un petit rire. Entre deux embrassades, elle avait pu apercevoir tout à l'heure que les enseignants s'en étaient donnés à coeur joie lorsque leur tour était venu de lui souhaiter la bonne année. S'échangeant des regards complices, ils avaient profité de la situation pour se venger de tout ce qu'il leur faisait subir au quotidien et lui faire plus de bises qu'il n'en fallait, Snape haïssant visiblement toute marque d'affection qui lui était destinée. Elle avait pu voir entre autres le professeur McGonagall qui l'avait embrassé au moins six ou sept fois avant que celui-ci ne s'énerve, et le professeur Chourave qui lui avait donné un gros et bruyant bisou de grand-mère sur sa joue droite, qu'il essuya ensuite frénétiquement avec le revers de sa manche.

Anhura s'avança vers Severus, dont le visage exprimait colère et appréhension. Lorsqu'elle arriva devant lui, elle n'avait toujours pas décidé si oui ou non elle allait elle aussi l'embêter un peu.

"Bonne année, Severus," dit-elle gentiment sans bouger.

"Bonne année, Snowerskin," répondit-il sur un ton qui aurait été plus adéquat à une phrase comme "Un pas de plus et c'est fini pour vous." Il s'attendait apparemment à ce que sa torture ne soit pas encore terminée. Elle en conclut qu'il avait assez souffert pour aujourd'hui, et que ce n'était pas la peine de l'achever; il n'y avait de toute façon pas assez de familiarité entre eux pour oser l'ennuyer comme l'avaient fait les autres enseignants. Elle se contenta donc de lui sourire; puis, en voyant ses traits se détendre un peu, extrêmement amusée à l'idée de lui avoir fait peur par un simple "Bonne année", son sourire se transforma en un rire chaleureux qu'elle laissa échapper malgré elle.

"Estimez-vous chanceux que Victor ne soit pas là," ajouta-t-elle en se rappelant la bise dégoûtante qu'avait reçu McGonagall en début d'année.

La regardant froidement dans les yeux, il paraissait se demander comment il devait réagir. Etonnamment, son regard commença à s'illuminer de reflets rieurs, signifiant qu'il devait trouver cela plutôt drôle; mais il s'efforça aussitôt de reprendre une attitude sévère et dure. Quelle étrange personne, songea Anhura. C'est à se demander s'il s'est, une seule fois dans sa vie, donné l'autorisation d'être heureux… ou même s'il en avait seulement eu l'occasion.

A quelques mètres d'eux se tenaient Harry et Ronald, qui observaient leur maître des Potions avec inquiétude. Ils s'échangèrent un regard entendu et avancèrent lentement vers lui.

"Bonne année, professeur Snape," lança courageusement Harry qui s'était efforcé de parler avec sympathie – sans pour autant être allé jusqu'à lui sourire.

"Bonne année, professeur," marmonna Ron en regardant ses chaussures.

Anhura était prête à parier que la seule raison qui les poussait à lui souhaiter la bonne année était de ne pas lui donner une bonne excuse pour retirer des points à Gryffondor. Elle jeta un coup d'oeil curieux à son collègue, se demandant s'il allait être aussi diplomate que ses élèves. Le regard de haine qu'il lança à Harry la refroidit littéralement, et elle était franchement étonnée que ce dernier n'ait pas dévié les yeux un seul instant de son professeur.

"Eh bien, je suppose qu'elle le sera une fois que j'aurai quitté cet endroit," rétorqua Snape qui semblait profondément dégoûté par tant de politesse.

Il partit et disparut au-delà des portes de la Grande Salle, sans ajouter un mot. Harry, Ron et Anhura fixaient en silence la sortie de la salle, les deux premiers avec colère, la dernière avec frustration.

"Je crois que cela voulait dire bonne nuit," dit Dumbledore d'un air badin en se glissant entre Harry et Anhura.

"Vous me ferez signe quand ils sortiront un dictionnaire Anglais/Snape, parce que je crois que j'ai encore des difficultés avec la traduction," répliqua Ron d'un ton sinistre.

Tout le monde rit.

"On ferait mieux d'aller se coucher," déclara Harry. "Merci pour cette belle soirée, professeur."

"Mais de rien, Harry, de rien," répondit paisiblement Dumbledore, les yeux brillant de sagesse et de sérénité.

"Je vais en faire autant," dit Anhura qui était à présent exténuée. "Harry a raison, c'était une très belle soirée, professeur, merci beaucoup."

"Je suis heureux que tu te sentes bien parmi nous, Anhura," répondit-il d'une voix douce. "Bonne nuit à tous les trois, faites de beaux rêves."

"Bonne nuit professeur!" s'exclamèrent-ils en choeur.

Après avoir dit au revoir à tout le monde – excepté à Mrs Chourave qui s'était profondément endormie sur une chaise, en ronflant allègrement –, les trois sorciers grimpèrent les grands escaliers de marbre. Tandis qu'ils montaient les étages, Anhura sentait chez ses élèves, qui osaient à peine parler, un mélange de gêne et de nervosité. Ils n'étaient pas aussi à l'aise que lorsqu'ils se trouvaient en compagnie de Hagrid ou de Dumbledore, ce qui était parfaitement normal : elle n'avait pas leur chaleur ni leur sympathie. S'ils savaient que j'ai aussi peur d'eux qu'eux de moi, pensa-t-elle au moment où elle se réfugia sous ses confortables couvertures; ce après quoi elle s'abandonna à son premier sommeil de l'année, lourd et profond.

Le samedi 13 Janvier, elle était dans son bureau, en train d'essayer de trouver de nouveaux sujets de dissertation pour les Poufsouffle de sixième année, un plume à la main et un parchemin vide devant elle, en manque d'inspiration. Elle leva les yeux de sa contrariante page vierge lorsqu'elle crut entendre quelques timides coups frappés à la porte.

"Entrez!" dit-elle, sans vraiment savoir si elle parlait à quelqu'un de réel ou au fantôme de son imagination.

La porte s'ouvrit doucement, pour laisser apparaître le visage couvert de taches de rousseur, à l'expression inquiète, de Ronald Weasley.

"Bonjour, professeur," dit-il timidement. "Je ne vous dérange pas?"

Surprise, elle retira ses lunettes avant de répondre :

"Non… Non, pas du tout. Viens, assieds-toi."

Ron bredouilla un "merci" et s'assit en face d'Anhura, les joues rouges et le regard fuyant.

"Je voulais juste vous dire que… que je n'ai pas fait exprès d'être absent pour le devoir de jeudi. J'étais vraiment malade, vous savez. J'ai mangé trop de choses depuis Noël…"

Pendant qu'elle l'écoutait parler, elle eut l'étrange impression qu'elle le terrorisait, ou qu'il craignait qu'elle lui fasse du mal parce qu'il avait manqué un cours.

"Je n'ai jamais pensé cela, Ronald," assura-t-elle sobrement. "Je sais bien que tu étais malade."

Ron haussa les sourcils, l'air incrédule.

"Vraiment?"

"Bien sûr," dit-elle avec étonnement. "Pourquoi est-ce que j'aurais pensé une chose pareille?"

"Eh bien…" hésita-t-il. "Fred et George m'avaient dit que vous les aviez surpris en train de préparer un plan pour sécher les cours et que vous étiez en colère, alors je croyais que vous pensiez la même chose pour moi."

"Non, pas du tout." Même si elle avait envie de sourire pour le rassurer, elle n'y parvint pas. "C'est vrai que l'attitude de tes frères m'avait contrariée, ce jour-là," accorda-t-elle tout en pensant qu'elle n'avait tout de même pas été particulièrement menaçante. "Mais je me doute que tu ne ferais pas la même erreur, spécialement pour un jour de devoir."

Avant que Ron n'ait eu le temps de répliquer, elle ajouta :

"En parlant de devoir," – le visage de Ron pâlit subitement – "j'ai été très déçue par tes résultats du trimestre dernier. Peux-tu m'expliquer ce qui s'est passé?"

Elle était consciente qu'elle venait d'adopter un ton plutôt dur, et s'en blâma : elle était toujours aussi tendue face à un élève.

"Je ne sais pas," répondit-il l'air gêné en baissant les yeux. "Je… Je n'ai pas assez travaillé, je suppose."

Hésitant à sortir la phrase qu'elle avait sur le bout de la langue, elle le regarda silencieusement pendant quelques secondes, avant de lui demander, "Aurais-tu des problèmes?" en réussissant, pour une fois, à adoucir sa voix.

Il eut l'air choqué, mais elle ne savait pas si c'était à cause de son inhabituelle empathie ou de la phrase elle-même.

"Oh… Non, je vous jure professeur," dit-il en rougissant à nouveau. "Je vais très bien. Bon," – il se leva – "je vais vous laisser."

"Très bien," dit-elle, sans pour autant être convaincue de ce qu'il venait d'affirmer. "Alors, à jeudi."

Il acquiesça d'un signe de tête et sortit de son bureau sans plus tarder, laissant Anhura perplexe, dans son fauteuil. Apparemment, ses élèves la craignaient vraiment; Ron n'était pas le seul à se sentir nerveux quand elle lui parlait. Mais quelque part, elle en était plutôt fière. Cela lui faisait drôle de se savoir crainte et respectée par la plupart des enfants et des adolescents de Poudlard, alors qu'une vingtaine d'année en arrière c'était tout le contraire qui se passait. Peut-être cherchait-elle inconsciemment, dans sa manière d'enseigner et de se comporter avec ses élèves, un moyen de prendre une revanche sur son passé. Et c'était drôlement bien réussi. Oh, bien sûr, Harry, Ron et Hermione ne s'étaient pas montrés timides avec elle, le jour de leur querelle avec Malefoy et Snape, quelque temps après la rentrée. Mais là ce n'était pas pareil, pensa Anhura en riant intérieurement. Ils avaient besoin de se défouler.

Elle soupira, et consulta sa montre de poche, qui indiqua dix heures moins dix : le match de Quidditch Gryffondor-Serpentard allait bientôt commencer.

Cela faisait bientôt une heure qu'elle regardait les deux équipes s'affronter sous un ciel couvert de nuages orageux. Les Serpentard menaient quatre-vingts à trente, sûrement pas grâce à leur talent, mais plutôt à leur malhonnêteté et leur capacité de tricher sans le moindre remords. Elle s'amusait à observer alternativement le visage calme et méchamment satisfait de Snape, qui était assis sur le rang inférieur au sien, légèrement décalé sur la droite, et celui, furieux et contrarié, du professeur McGonagall, qui se trouvait plus loin, dans la tribune voisine. Victor Jumble, à côté d'Anhura, ne cessait de crier "Allez Gryffondor! Allez Serpentard!" un drapeau pour chacune des équipes dans les mains, et de hurler de joie à chaque nouveau point marqué, quel que soit le gagnant, pendant que les commentaires de l'élève Lee Jordan résonnaient dans tout le stade.

"Angelina Johnson passe le Souafle à Alicia, qui se dirige tout droit vers les goals des Serpentard… Elle évite le Cognard de justesse… Elle s'approche… Elle va marquer! Elle va marquer! ELLE VA… Oh non! Pas de chance, Alicia! Warrington s'est emparé du Souafle… George Weasley frappe le Cognard en direction de Warrington… Warrington passe le Souafle à Montague, le capitaine des Serpentard, qui le rate! Bande de nuls! Haha!" – la voix énervée de McGonagall, installée près de lui, retentit dans les tribunes – "Oui, pardon professeur… Katie Bell a récupéré le Souafle, pendant que Harry Potter fonce tout droit en direction du sol, suivi de près par Malefoy! Vas-y Harry, chope le Vif d'or!"

Mais Harry ne cherchait pas à attraper le Vif d'or, qui n'était d'ailleurs toujours pas apparu depuis le début du match : il s'était posé au sol, les mains plaquées sur sa cicatrice, visiblement douloureuse. Mrs Bibine siffla un temps mort; Anhura se sentit subitement mal, envahie par de nouveaux et forts fourmillements dans sa tête. Regardant furtivement autour d'elle, elle se demanda, paniquée, s'il était préférable de rester assise ou d'essayer d'atteindre la sortie avant que son état ne s'empire, et que tout le monde ne remarque son malaise. Elle n'eut pas vraiment le choix : en une seconde, sa vue avait pâli, et elle eut tout juste le temps d'apercevoir Snape se tenant son avant-bras gauche avant de devenir complètement aveugle. Toujours assise, elle appuya ses coudes sur ses genoux et logea sa tête au creux de ses mains, dans l'espoir d'avoir un meilleur équilibre et de ne pas tomber, pendant que le brouhaha du stade devenait de plus en plus faible, jusqu'à disparaître en totalité. Elle lutta de toutes ses forces pour garder l'esprit clair, en vain : très vite, toutes ses pensées s'évanouirent et laissèrent place à des sons et des images.

Un rat passe à côté de moi. Sans doute Peter, qui vient d'avertir Sirius. Voldemort est à présent debout, au centre de la pièce. Trois Mangemorts masqués, vêtus de noir, sont alignés devant lui. Impossible de savoir qui ils sont. Le Lord est encore plus effrayant que d'habitude. Sa peau est grisâtre, ses yeux rouge vif habités de démence et de folie, et il leur parle d'une voix encore plus aiguë et glaciale qu'à l'ordinaire.

"Il est temps pour moi d'élire l'un d'entre vous pour recevoir mon âme, si par malheur il arrivait que ce vieux fou de Dumbledore parvienne à me vaincre. Ainsi, quel que soit le sort qu'il utilisera sur moi, je ne mourrai pas, mais je vivrai sous une forme immatérielle dans le corps de celui que j'aurai désigné pour être mon protecteur. Je vous ai déjà expliqué comment faire pour me redonner naissance si cela se produit. Seulement, je n'arrive pas à décider lequel d'entre vous est le plus digne d'avoir ce privilège."

Il a fini de parler. Il va s'asseoir dans le gros fauteuil de cuir noir. Il a l'air de réfléchir.

"Choisissez-moi."

Je me décale un peu sur la gauche pour voir qui vient de parler. C'est Sirius, qui est assis par terre, dans un coin au fond de la cabane. Il a l'air encore plus fatigué que les autres jours. Voldemort se retourne, se lève et marche lentement vers lui, le regard plein de mépris.

"Toi? Et pourquoi te choisirais-je?"

"J'ai changé d'avis. En vous écoutant parler depuis plusieurs jours, je me suis dit que mon avenir était de votre côté, et non pas de celui de Dumbledore. J'aimerais devenir un Mangemort."

"Et qu'est-ce qui me le prouve?"

"J'accepte de vous révéler où se cachent les Potter."

Voldemort sourit horriblement. Il parle maintenant très doucement, d'une manière diabolique.

"Alors vas-y, dis-le moi."

"Ils sont à Godric Hollow."

Il fait les cent pas, toujours avec son dégoûtant sourire, et réfléchit.

"Toi!" Il désigne l'un des Mangemorts. "Va immédiatement vérifier si ce qu'il dit est vrai." Il se retourne vers Sirius. "Si tu m'as menti, tu peux t'attendre au pire."

"Je vous dis la vérité."

"Eh bien, si c'est vrai, je te choisirai pour être mon protecteur, en remerciement de cet immense service. Et lorsque nous aurons tué ces Potter, je te ferai Mangemort."

Le bruit des tribunes se répercutait de tous les côtés. Anhura avait toujours les mains plaquées sur son visage. S'apercevant qu'elle était revenue à elle, elle se redressa et vit, à côté d'elle, une grande forme noire, immobile. Snape. Il la regardait avec une déplaisante impatience dans ses yeux, et paraissait nerveux. Anhura fut soulagée de constater qu'aucun autre professeur ne lui prêtait attention; ils étaient tous plongés dans de vives discussions, pendant que les équipes de Quidditch attendaient la décision de Mrs Bibine concernant la reprise du jeu. Elle sentit qu'elle avait de la fièvre, mais pour une fois, elle n'avait pas mal à la tête.

"Venez," dit Snape d'une voix tendue.

L'esprit vidé, elle se leva sur ses jambes encore très faibles pour se diriger avec difficulté vers les escaliers de bois qu'il était déjà en train de descendre.

"Dépêchez-vous!" lança-t-il entre ses dents, lorsqu'il se rendit compte qu'elle ne le suivait pas, ce à quoi elle ne répondit pas afin d'économiser son énergie.

Quand ils furent sortis des tribunes, ils firent silencieusement quelques pas en direction du château, sous les froides gouttes de pluie qui commençaient à tomber; puis Severus s'arrêta, vérifia d'un coup d'oeil que personne d'autre n'était parti du stade et posa son regard sur elle.

"Qu'avez-vous vu?"

Elle ne répondit pas. Comme Dumbledore, il avait l'air de prendre ses hallucinations au sérieux, ce qui signifiait qu'elles étaient peut-être plus importantes que ce qu'elle avait imaginé jusqu'à présent; cette idée lui faisait peur. Elle s'enveloppa dans sa cape, saisie par le froid, et baissa les yeux.

"Alors?" aboya Snape.

Sa mauvaise humeur ne l'atteignit pas vraiment, trop préoccupée pour y prêter attention.

"Severus," dit-elle faiblement, "pourquoi est-ce que je vois toutes ces choses? Qu'est-ce que cela signifie?"

Elle attendit sa réponse avec l'espoir qu'elle soit plutôt réconfortante ou rassurante; cependant, la réplique de Snape fut plutôt sèche, froide et frustrante.

"Je ne sais pas. Et je ne risque pas de le deviner si vous ne me dites pas ce que vous avez vu."

Poussant un soupir de résignation, elle se dit qu'il valait mieux en finir pour pouvoir retourner au château et au sec.

"J'ai vu la même chose que la dernière fois… Vous-Savez-Qui et ses Mangemorts. Mais cette fois, j'ai vu qui lui avait demandé de le choisir pour recevoir son âme. C'était Sirius Black."

Il parut violemment choqué à l'annonce de ces mots; les traits de son visage formèrent une expression de rage, ou de haine.

"Il… Il dit qu'il a changé d'avis et qu'il veut devenir un Mangemort," continua-t-elle, sans vraiment être sûre d'avoir choisi le bon moment. "Et pour le lui prouver, il lui révèle la cachette des Potter, et alors, Vous-Savez-Qui envoie un Mangemort vérifier et lui dit que si c'est vrai, il le fera son protecteur pour le remercier, et qu'une fois qu'il aura tué les Potter, il fera de lui un Mangemort."

Plusieurs longues secondes s'écoulèrent avant que Snape n'ait eu l'air d'avoir digéré toutes les informations. Il semblait faire de son mieux pour maîtriser une gigantesque vague de violentes et amères émotions que lui avaient suscité les révélations d'Anhura, et qui ne demandait qu'à le noyer pour qu'il la laisse s'exprimer. Anhura, qui ne l'avait jamais vu aussi pâle auparavant, se dit que continuer à lui parler serait un acte suicidaire; elle choisit donc de ne plus bouger jusqu'a ce qu'il se sente mieux, dans une prudente tentative de lui faire oublier sa présence au cas où les dangereuses pulsions qui bouillaient en lui prendraient le dessus. Il finit par pousser un nerveux et profond soupir avant de reprendre la parole d'une voix étonnamment basse et calme, quoique sur un ton toujours aussi déplaisant.

"Suivez-moi."

A moitié soulagée, elle l'accompagna en silence jusqu'au château, où ils grimpèrent les longs et fatigants étages. Arrivés devant l'énorme gargouille de pierre, Severus prononça le mot "Chupa Chups", et ils purent ainsi accéder au bureau de Dumbledore.

"Entrez!" fit la voix de celui-ci, après avoir entendu les coups secs de Snape sur la porte.

Son visage paisible et serein s'assombrit d'inquiétude quand il les vit; il tourna immédiatement son regard vers Snape.

"Encore?" dit-il d'un ton grave et préoccupé.

Severus hocha la tête. Anhura les regarda tous les deux alternativement, perdue, anxieuse, sans savoir ce qui se cachait derrière ce "encore" qui leur paraissait significatif. Etait-il supposé vouloir dire qu'elle était réellement malade et que son état de santé s'empirait?

"Et vous?" demanda Dumbledore, toujours à Snape.

"Aussi."

"Et Harry?"

"Il a dû arrêter le match," répondit-il d'un ton amer avec une légère grimace, visiblement contrarié que Dumbledore le mentionne.

Le vieux sorcier hocha lentement la tête, et posa ses yeux brillants sur Anhura.

"As-tu vu quelque chose de nouveau, aujourd'hui?"

"Oui," dit-elle, et une nouvelle vague d'angoisse accéléra les battements de son coeur.

Elle était fatiguée et avait envie de se reposer, mais elle sentait que les images qui avaient défilé dans sa tête étaient bien plus que de simples délires. Elle raconta à nouveau comment Black avait décidé de soutenir Voldemort et de lui révéler la cachette des Potter, et comment Voldemort souhaitait le récompenser en le choisissant pour être son protecteur et en le faisant Mangemort. Quand elle eut fini, Dumbledore avait un air méditatif, et le visage sombre.

"Voilà pourquoi les Détraqueurs ne lui font aucun effet," dit-il à voix basse, plus pour lui-même que pour les deux professeurs.

"Pardon?" demanda-t-elle avec hésitation.

"Après quatorze ans d'emprisonnement à Azkaban, Sirius Black a toujours l'esprit vif et clair, en dépit des Détraqueurs qui entourent sa cellule," expliqua-t-il en levant une nouvelle fois les yeux vers elle. "Ils étaient au service de Voldemort quand il avait encore toute sa puissance, et bien entendu, ils n'ont jamais eu d'effet sur lui, ou du moins, pas le même effet qu'ils peuvent avoir sur la plupart des sorciers. Etre affecté par des Détraqueurs suppose être capable d'avoir des sentiments, et je ne t'apprendrai rien en te disant que Voldemort n'en avait pas beaucoup. Si Sirius Black est possédé par son âme, il est normal qu'il soit insensible à tous les Détraqueurs qui gardent sa cellule. Je suis même convaincu que leur présence ne fait que renforcer sa puissance."

"S… Sa puissance?" répéta doucement Anhura, qui se sentait de plus en plus fiévreuse et qui faisait tout son possible pour calmer ses palpitations.

"Oui," dit calmement Dumbledore. "Celle de Voldemort. Le fait d'être entouré de créatures malsaines qui détruisent la vie des gens ne peut que l'aider à revenir."

Elle jeta un coup d'oeil furtif à son collègue, qui n'avait plus rien dit et qui était à présent encore plus livide que lorsqu'elle lui avait raconté ses visions.

"Vous-Savez-Qui est de retour?" dit-elle dans un murmure, complètement incrédule.

Elle n'avait pas envie d'entendre sa crainte se confirmer, mais l'air sombre de Dumbledore était déjà une réponse.

"Il n'est jamais parti," corrigea-t-il d'une voix basse et calme. "Il était toujours présent, dans le corps de Sirius Black d'après ce que l'on sait maintenant grâce à toi, et son pouvoir semble s'être accru considérablement depuis quelques mois. Je vais devoir avertir le Ministère que des mesures urgentes doivent être prises, notamment retirer ces Détraqueurs le plus vite possible."

Anhura resta immobile, faisant de son mieux pour ne pas paniquer, le visage inexpressif. Dumbledore s'était donc basé sur ce qu'elle avait vu la fois précédente et ce jour-même pour tirer de telles conclusions. Comment pouvait-il être sûr que ces images étaient la stricte vérité? Après tout, il y avait peut-être une chance pour que Voldemort ne possède pas réellement le corps de Sirius Black, et que ce dernier résiste aux Détraqueurs pour une autre raison.

"Alors," dit-elle très calmement, toujours plongée dans ses réflexions, "vous croyez que tout ce que je vois quand j'ai ces malaises s'est passé dans la réalité?"

Dumbledore la regarda fixement durant plusieurs secondes avant de répondre.

"Oui. J'en suis certain."

Se demandant si Snape aussi en était sûr, elle tourna la tête vers lui, mais l'expression légèrement perplexe et dubitative qui habitait ses yeux lui indiqua qu'il ne comprenait pas non plus pourquoi Dumbledore était si confiant dans ses visions.

"Mais… Pourquoi?"

Dumbledore baissa les yeux pendant un long moment, paraissant chercher la solution à un sérieux dilemme; puis il la regarda à nouveau, le visage grave, avant de soupirer.

"Anhura," dit-il d'une voix douce, "viens t'asseoir, je dois te parler."

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Note : la suite dans deux semaines…