Notes : Merci Perfect Day pour ta fidélité !

Voici un chapitre plein de révélations…

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-8-

Quand Voldemort prend ses marques…

Une désagréable sensation lui contracta l'estomac : cette phrase ne présageait jamais rien de bon.

"Severus, s'il vous plaît," ajouta Dumbledore, "j'aimerais lui parler seul à seul."

Snape ne bougea pas, semblant estimer que lui aussi était en droit d'écouter ce qu'il avait à dire.

"S'il vous plaît, Severus," répéta Dumbledore avec une nuance d'impatience dans la voix. "C'est très important."

Le visage de Snape se fronça de frustration. Il tourna les talons et quitta le bureau en fermant bruyamment la porte, ce que les anciens directeurs et directrices de Poudlard n'apprécièrent guère : des grognements de protestations ou des murmures indignés s'élevèrent des cadres accrochés sur les murs.

"Viens t'asseoir, Anhura," insista doucement Dumbledore, alors qu'elle le regardait avec inquiétude.

Elle s'installa en silence face à lui, sans le quitter des yeux.

"J'espérais ne pas avoir à te le dire si vite," commença-t-il lentement, "mais je n'ai pas le droit de te laisser dans l'ignorance de ce que sont ces images, ces sons et ces pensées qui t'envahissent de temps à autre."

Elle demeura silencieuse, les mains serrées au bout des accoudoirs de son fauteuil.

"Anhura," reprit Dumbledore, "sais-tu quel était le métier de ta mère?"

Un violent choc traversa son corps de haut en bas. Elle ne s'attendait pas du tout à ce qu'il mentionne sa mère.

"Oui," dit-elle, surprise par cette question évidente. "C'était une Auror."

Il l'examina attentivement, comme pour calculer quelle était la meilleure façon de poursuivre.

"Oui," acquiesça-t-il d'une voix douce. "Mais vois-tu, durant les deux dernières années de sa vie, elle n'était pas qu'une Auror."

Anhura retint involontairement son souffle, déstabilisée.

"Ah?" fit-elle d'une voix qu'elle s'efforçait d'être normale, mais qui sonnait faux.

"Non," dit Dumbledore d'un ton très calme. "Elle était aussi une espionne."

"Une… quoi?" demanda posément Anhura, pourtant choquée, après quelques secondes de silence.

"Une espionne," répéta Dumbledore. "Elle faisait partie d'une société secrète que j'avais créée pour lutter contre Voldemort, à cette époque, qui s'appelait l'Ordre du Phénix, et qui comptait de nombreux sorciers volontaires dans ce difficile combat. Ta mère y travaillait en tant qu'espion, comme quelques autres sorciers qui en faisaient partie."

Elle avala avec difficulté chaque mot qu'elle venait d'entendre, et se sentit sévèrement pâlir.

"Non, ce n'est pas vrai," assura-t-elle à voix basse, essayant de contrôler sa nervosité. "C'est impossible, professeur… Pendant un an, elle m'a enseigné la Défense contre les Forces du Mal, pour ma formation d'Auror… Je l'aurais su… Je m'en serais aperçue…"

Mais Dumbledore ne répondit pas, et elle dut se rendre à l'évidence qu'il y avait de fortes chances pour que ce soit vrai. Elle baissa les yeux, envahie de centaines de questions qui tourbillonnaient dans sa tête, perdue, et ne comprenant pas quel rapport tout ceci avait avec ses hallucinations.

"Veux-tu savoir comment elle espionnait?" finit-il par demander.

Elle acquiesça d'un signe de tête.

"C'était un Animagus."

Un nouveau choc secoua violemment son esprit. Sa mère, un Animagus? Elle ne l'avait pourtant jamais vue se transformer en animal. Jamais."

"Un… Animagus?"

"Oui," dit Dumbledore.

"Mais je n'en savais rien… Et mon père non plus… Enfin, je crois…"

"Je sais," assura-t-il d'une voix douce. "Elle a appris à en devenir un spécialement pour l'Ordre du Phénix, car nous manquions d'espions. Ta mère était quelqu'un d'incroyablement dévoué et intelligent, qui était prête à tout pour lutter contre Voldemort et ses alliés. Ils avaient un repère dans une vaste forêt, dans une cabane, et nous avions pensé qu'un animal dans une forêt pouvait difficilement se faire repérer. Elle allait donc les écouter et les observer sous sa forme animale, et venait nous rapporter les informations qu'elle obtenait."

Anhura était subjuguée. En cinq minutes, elle venait de découvrir un aspect de sa mère qu'elle n'avait jamais connu.

"Et… Quel animal était-elle?" demanda-t-elle pour ne pas que Dumbledore remarque l'agitation que ces révélations avaient causée en elle.

"Un renard," lui indiqua-t-il en souriant faiblement. "C'était une chance pour nous que sa forme Animagus soit précisément celle d'un animal de forêt."

Elle hocha la tête, et chercha rapidement une nouvelle question pour éviter de penser à quoi que ce soit.

"Mais qu'est-ce que cela à voir avec mes visions?"

Dumbledore prit une profonde inspiration avant de répondre.

"Te souviens-tu où elle était allée, la dernière fois que tu l'as vue?"

Sa gorge se serra. Elle ne supportait pas d'entendre ces mots qui lui rappelaient que sa mère n'était plus là.

"Eh bien…" fit-elle en essayant d'adopter un ton neutre. "Elle nous avait dit qu'elle partait pour une mission qui risquait de durer plusieurs jours… A la recherche d'un petit groupe de mages noirs qui s'amusaient à torturer et terrifier des Moldus, je crois… Et c'est au bout de cinq jours que mon père et moi avons appris que… qu'elle…"

Impossible de continuer. Elle n'avait jamais parlé de la mort de sa mère, et elle ne pouvait plus faire semblant de ne pas être touchée. C'était la première fois depuis de nombreuses années qu'elle se sentait aussi mal; Dumbledore l'avait sûrement remarqué, car il attendit qu'elle lève à nouveau les yeux vers lui, une minute plus tard, pour poursuivre la conversation.

"En fait, elle était allée à nouveau espionner pour nous," dit-il doucement. "C'était une période cruciale dans notre combat, et nous avions besoin d'un maximum d'informations sur les plans que préparaient Voldemort et ses Mangemorts. Elle s'était portée volontaire pour rester sur place dans la forêt pendant plusieurs jours pour en apprendre le plus possible, avant de revenir nous communiquer tout ce qu'elle avait vu et entendu."

Il marqua une pause, examina le visage pâle d'Anhura, et reprit.

"Seulement, le troisième jour de son départ, l'un des Mangemorts qui se réunissaient dans la cabane l'avait repérée, sous sa forme renard, en train de les regarder à travers un trou entre les pierres d'un mur. Elle a eu le temps de se réfugier dans la forêt, mais elle savait qu'à partir de ce moment-là, les espionner serait beaucoup plus risqué pour elle."

Il poussa un profond soupir.

"Mais elle était têtue. Au lieu d'abandonner sa mission et de revenir nous voir avec les informations qu'elle avait réussi à obtenir, à la tombée de la nuit, elle est rentrée chez vous."

"Chez nous?" répéta Anhura d'une voix plus aiguë que ce qu'elle aurait souhaité.

"Oui, pendant que vous dormiez, ton père et toi. Et elle a profité de ton profond sommeil pour se servir du sortilège de Mémoire héréditaire."

Très bien. Encore quelque chose qu'elle ne savait pas. Très bien.

"Qu'est-ce que c'est?" demanda-t-elle en ayant de plus en plus de mal à contrôler ses nerfs.

"C'est un très ancien sortilège que les espions utilisaient il y a de cela plusieurs siècles. Il s'agit de transmettre tous ses souvenirs concernant la personne espionnée à son enfant dans le cas où l'on viendrait à mourir, pour qu'il puisse prendre la relève. A partir de l'instant où l'espion a appliqué ce sortilège sur son enfant, il existe une sorte de lien entre eux, qui fait que tout ce que mémorise l'espion jusqu'à sa mort entre également dans la mémoire de son enfant. Ces souvenirs ne sont accessibles pour le fils ou la fille que lorsque leur parent espion meurt, et à condition que la personne sur laquelle portaient ces souvenirs soit encore en vie. Sinon, ils ne peuvent pas se rappeler ce qu'a vu et ce que leur a transmis leur père ou leur mère."

Il fallut un long moment à Anhura pour réussir à formuler quelques mots au milieu du désordre qui régnait dans sa tête.

"Et c'est ce qu'a fait maman?" demanda-t-elle d'une voix tremblante.

"Oui, Anhura. Tu as en toi les souvenirs des deux ans d'espionnage de ta mère, ainsi que ceux des deux jours qui ont suivi l'instant où elle est venue te voir dans ton sommeil et où elle t'a lancé ce sort, pendant lesquels vous avez été liées et elle t'a transmis tout ce qu'elle apprenait sur les plans de Voldemort et ses Mangemorts. Parce qu'après être repartie de chez vous, elle est retournée dans la forêt pour en savoir encore plus."

Les yeux de Dumbledore habituellement pleins de vie se voilèrent de fadeur et de morosité.

"Cette décision a été sa plus grosse erreur," murmura-t-il tristement.

Anhura baissa la tête, quelques mèches de ses cheveux bouclés tombèrent sur son visage. Elle avait à présent une main serrée nerveusement par-dessus l'autre, et se forçait à respirer très lentement et à essayer de desserrer sa gorge, qui devenait de plus en plus sèche, se demandant ce qu'elle avait fait pour mériter une matinée aussi épouvantable.

"Je suis désolé, Anhura," dit-il encore d'une voix triste. "Veux-tu que nous remettions cette conversation à une autre fois?"

Elle leva ses yeux vers ceux, inquiets et compatissants, du vieux sorcier.

"Non… Non, je vais bien," mentit-elle d'une voix tendue. "Je veux comprendre… Alors, ce que je vois et ce que je pense, ce sont en fait les souvenirs de ma mère?"

Dumbledore acquiesça d'un signe de tête.

"Mais pourquoi me viennent-ils maintenant? Cela fait quatorze ans que ma mère n'est plus là."

"Là est tout le problème," dit-il d'un air soucieux. "Comme je te l'ai déjà dit, le sortilège de Mémoire héréditaire est basé, entre autres, sur la vie, ou la mort de la personne espionnée. Soit il fonctionne, soit il ne fonctionne pas. Mais il n'a jamais été conçu avec l'idée que la personne puisse être à moitié en vie, sous une forme inerte dans le corps de quelqu'un d'autre. Je suppose que tes souvenirs ne reviennent que lorsque Voldemort manifeste son existence en reprenant un peu de sa puissance, manifestement grâce à la quantité de Détraqueurs qui a été placée pour surveiller Sirius Black. Il semblerait que ce n'est qu'à partir du moment où ces mesures on été prises qu'il a commencé à se manifester, tout comme ton premier souvenir, qui remonte au mois de Mai dernier, d'après ce que tu as dit à Severus. C'est pourquoi tes souvenirs fonctionnent anormalement."

"Et… Comment devraient-ils fonctionner, en temps normal?"

"Théoriquement, si Voldemort était complètement en vie, tu devrais y avoir accès aussi facilement qu'à tes propres souvenirs, comme si tu avais toi-même vécu ce qu'à vécu ta mère, et tu devrais donc pourvoir te rappeler le moment que tu souhaites. Mais avec ce petit imprévu, il semblerait que les souvenirs te reviennent de façon violente et aléatoire. Ils s'imposent à toi sans que tu le veuilles, et sans que tu puisses choisir quel instant tu aimerais te remémorer."

Elle hocha la tête, puis demanda, "C'est aussi pour cette raison que je me sens mal à chaque fois que j'ai ces… souvenirs?"

"Certainement," répondit Dumbledore. "Ton corps ne doit pas supporter toutes ces manifestations violentes. Le sortilège de Mémoire héréditaire est très puissant, et il n'est pas fait pour être concentré sur quelques secondes de ta vie. Il devrait être soit présent en toi de façon continue, soit totalement absent."

Elle hocha lentement la tête une nouvelle fois, sans toutefois parvenir à décider si elle était soulagée ou encore plus angoissée de connaître enfin la raison de ses malaises.

"Au moi de Mai dernier, nous avons également senti les premières manifestations de la remontée en puissance de Voldemort. Je dois t'avouer que c'est pour cette raison que j'ai choisi de t'engager, en plus de tes compétences. Toi seule portes les informations que ta mère a obtenues pendant les cinq derniers jours de sa vie, et j'avais pensé que si Voldemort revenait, ta présence auprès de nous pourrait être très précieuse."

Regardant fixement Dumbledore, elle ne savait pas comment elle devait réagir face à cette nouvelle révélation. Elle préféra alors éviter de répondre en s'intéressant à un autre sujet.

"Comment avez-vous su que Vous-Savez-Qui reprenait de la puissance?"

Une légère expression de satisfaction et de soulagement traversa le visage du vieux sorcier; il répliqua "Par plusieurs indices. Par la cicatrice de Harry, qui s'est mise à lui faire anormalement mal pour la première fois, ce fameux jour du mois de Mai, et qui depuis ce jour-là, se met à brûler à chaque manifestation de Voldemort. Et également par d'autres… moyens."

Cette correspondance entre Harry et Voldemort rappela à Anhura le geste étrange que faisait Snape, au même moment où elle commençait à se sentir mal.

"Est-ce que Severus est en quelque sorte… connecté à Vous-Savez-Qui, comme Harry et moi? Je l'ai vu plusieurs fois se toucher le bras, avant de perdre conscience."

Les yeux de Dumbledore se mirent à briller étrangement ; il hésita un long moment avant de reprendre la parole.

"Seul Severus peut prendre la décision de te répondre, Anhura. Je ne peux pas me permettre de te le dire à sa place. Tu peux essayer de le lui en parler, si tu le souhaites."

"D'accord," dit-elle à voix basse, en imaginant déjà avec appréhension l'instant où elle lui poserait la question et où il l'enverrait balader en lui disant que ce ne sont pas ses affaires.

"A ce propos," fit Dumbledore avec prudence, "m'autorises-tu à lui révéler la cause de tes visions, s'il m'interroge?"

N'ayant vraiment pas envie de peser le pour et le contre pour l'instant, elle lâcha un vague "Oui."

"Très bien," dit doucement Dumbledore. "Et à Minerva, également? Elle s'est posée beaucoup de questions à ton sujet, la dernière fois."

"Oui, bien sûr."

Le vieux sorcier esquissa un sourire.

"Je te promets qu'ils ne répèteront rien. Tout ceci restera entre nous quatre."

Elle fit un petit signe de tête, trop fatiguée et triste pour avoir encore la force de répondre. Dumbledore l'examina attentivement en silence, puis il ouvrit un tiroir et en sortit une feuille de parchemin pliée.

"Je pense que c'est à toi de posséder ceci, à présent," dit-il faiblement en la lui tendant.

Intriguée, elle fronça légèrement les sourcils en s'emparant du bout de papier, et le déplia. Elle eut un nouveau choc en reconnaissant l'écriture si particulière qui le remplissait : celle de sa mère. Elle leva les yeux vers Dumbledore, qui paraissait également éprouvé par la conversation qui venait d'avoir lieu, puis les posa de nouveau sur le parchemin, se forçant à rester calme.

'Albus,

Je suis chez moi pour un court instant et j'en profite pour vous écrire rapidement ce message avant de partir. Aujourd'hui, un Mangemort m'a repérée pendant que j'espionnais sa conversation avec un autre Mangemort. J'ai eu le temps de m'enfuir dans la forêt avant qu'il ne réagisse, mais à partir de maintenant, il sera beaucoup plus difficile pour moi de continuer à les observer en toute sécurité à travers le trou de la cabane. C'est pourtant le seul moyen d'entendre ce qu'ils disent. J'ai appris une quantité d'informations considérable pendant ces trois premiers jours, et je suis sûre que j'en apprendrai encore les jours suivants, mais ce dont je suis moins sûre, c'est de ne pas me faire attraper quand je les espionnerai à nouveau.

J'ai de trop précieuses et nombreuses informations à vous communiquer pour vous les écrire maintenant. Cependant, si je suis rentrée chez moi cette nuit, c'est justement pour qu'elles soient saines et sauves, et pour cela, je viens de jeter le sortilège de Mémoire héréditaire sur ma fille, pendant son sommeil. S'il vous plaît, s'il m'arrive quoi que ce soit et que vous êtes obligé de tout lui avouer, dites-lui de ma part que je suis sincèrement désolée de lui mettre un tel poids sur les épaules, et que je ne l'aurais pas fait si je ne la pensais pas capable d'assumer une telle responsabilité. Et dites-lui également que c'est son droit de ne pas me pardonner pour ce que je lui ai fait. Mais dites-lui surtout que je l'aime.

A bientôt j'espère,

Lydie.'

Les mains d'Anhura tremblaient comme elles ne l'avaient jamais fait auparavant. Elle avait fini de lire, mais gardait les yeux posés sur le morceau de parchemin, incapable de regarder à nouveau Dumbledore. Elle déglutina avec difficulté, luttant de toute ses forces contre les larmes qui demandaient à sortir, espérant que tout ce qu'elle venait de vivre n'était qu'un cauchemar et qu'elle allait se réveiller d'une seconde à l'autre; mais après une minute d'attente, elle était toujours là, dans le bureau de Dumbledore, la lettre de sa mère entre les mains, ainsi que la douleur en elle qui n'avait cessé de s'amplifier depuis le début de la conversation.

Elle plia le parchemin avec nervosité.

"Est-ce que je peux m'en aller?" demanda-t-elle dans un murmure, sans lever les yeux.

"Bien sûr, Anhura," dit tristement Dumbledore. "Vas-y."

Elle n'avait pas écouté la réponse, mais elle se leva et se dirigea rapidement vers la porte, les doigts serrés sur le mot de sa mère. Après qu'elle eut descendu les escaliers, la gargouille pivota lentement pour la laisser sortir dans les couloirs, où McGonagall et Snape attendaient, discutant à voix basse. Ils s'arrêtèrent subitement de parler en la voyant; McGonagall était sur le point de venir à sa rencontre. Cependant, Anhura leur lança un bref coup d'œil et força un sourire avant de baisser la tête et de passer rapidement devant eux sans leur adresser la parole. Son unique objectif à présent était de s'enfermer dans sa chambre aussi bien que dans le silence.

Elle passa quatre jours seule, ne sortant de ses appartements que pour donner ses cours, ne parlant à personne et n'empruntant que de temps à autre un peu de nourriture aux cuisines. Ce ne fut pas avant jeudi matin qu'elle se sentit prête à prendre à nouveau ses repas dans la Grande Salle et à supporter le bourdonnement des conversations heureuses et insouciantes des élèves et des enseignants. Quand elle entra par la petite porte et qu'elle se dirigea vers sa place habituelle, elle fut surprise de voir que Snape était toujours assis en bout de table, laissant le siège d'Anhura vide, au lieu de s'être rapproché du restant des professeurs. Elle s'assit silencieusement, en songeant qu'il n'y avait finalement pas de quoi s'étonner, étant donné que son but était de toute façon d'éviter le plus possible les contacts avec les autres. Celui-ci ignora complètement sa présence, comme d'habitude; à sa gauche, le professeur Sinistra lisait la Gazette du Sorcier, comme d'habitude; en face d'elle, les élèves recevaient leur courrier par les centaines de hiboux entrés dans la salle, comme d'habitude; et sous son nez, les plats en or étaient pleins de toasts, d'oeufs au plat ou de céréales, comme d'habitude. Personne ne semblait s'être soucié de son absence; tant mieux. Elle n'avait pas envie d'en expliquer la raison. L'idée de pouvoir reprendre une vie normale la réconforta, et c'était avec le coeur un peu plus léger qu'elle allait se verser du jus de citrouille dans son gobelet quand ses yeux se posèrent sur le titre en caractères gras qui figurait sur la première page de la Gazette : "SIRIUS BLACK CONDAMNE AU BAISER".

Discrètement, elle essaya de lire les premières lignes de l'article : "Le Ministre de la Magie décide de soumettre le criminel Sirius Black au baiser de la mort le 20 Mars prochain. Sirius Black est coupable du meurtre d'une dizaines de Moldus et d'un sorcier, Peter Pettigrow, quatorze ans auparavant."

Sans oublier les Potter, pensa-t-elle avec dégoût. C'était sans aucun doute grâce, ou à cause d'elle, que Cornélius Fudge avait pris cette décision. Dumbledore avait dit qu'il le préviendrait des conséquences des Détraqueurs devant la cellule de Black. Elle ne parvenait cependant pas à savoir si c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle. Black avait certainement commis des actes terribles, mais le ministre ne l'aurait pas condamné au baiser s'il n'avais pas appris qu'il était possédé par l'âme de Voldemort, et elle ne pouvait pas s'empêcher de s'en sentir un peu coupable, d'autant plus que rien ne prouvait qu'un baiser de Détraqueur pouvait arrêter la montée en puissance de Voldemort.

"… pichet?"

Elle réalisa soudainement que Snape venait de lui parler.

"Pardon?"

"Je vous demandais," dit Snape d'un ton calme et irrité, "si vous comptiez un jour lâcher ce pichet."

"Oh, euh… Oui, excusez-moi," bredouilla-t-elle.

Elle remplit plutôt son bol de céréales et de lait, et commença à manger tout en réfléchissant. Elle s'était posé la question, durant les derniers jours qui s'étaient écoulés, s'il était vraiment nécessaire pour elle de demander à Severus ce qu'il avait sur le bras et s'il était lui aussi lié à Voldemort; elle en avait conclu que c'était peut-être une question trop personnelle, à en croire le comportement qu'avait eu Dumbledore à ce sujet. Mais maintenant qu'il était à côté d'elle, en train de prendre son petit déjeuner, elle se dit qu'elle avait peut-être eu tort de redouter une réaction violente de sa part, et qu'après tout il n'était pas obligé de lui répondre s'il n'en avait pas envie. De plus, elle ressentait réellement le besoin de le lui en parler. Cet après-midi, pendant mon heure de libre, s'encouragea-t-elle intérieurement, après avoir jeté un coup d'oeil furtif et dubitatif au visage froid et revêche de son collègue.

Le moment en question arriva vite, et c'était avec appréhension qu'Anhura parcourait les sombres et humides sous-sols aux allures de labyrinthe, après une leçon avec des Serdaigle de première année, à la recherche du bureau de Snape, en espérant qu'il s'y trouve et qu'il ne soit pas occupé à concocter une potion qui demandait du calme et de la concentration. Lorsqu'elle atteignit, trop rapidement selon elle, la sinistre porte, elle prit une grande inspiration, puis frappa quelques coups.

Elle l'ouvrit lorsqu'elle entendit la voix de Snape lui dire d'entrer. La première vision qu'elle eut de la pièce en y pénétrant fut assez choquante : la salle était grande et sinistre, le seuil détail quelque peu réconfortant étant le feu de cheminée qui crépitait allègrement; des centaines de fioles, de pots en verre et d'autres récipients pleins de liquides colorés ou d'insectes morts remplissaient les étagères. Bien qu'il soit en sous-sol, le bureau comportait une petite fenêtre en ogive; mais elle ne suffisait pas à éclairer la pièce.

Snape, qui était assis à son bureau, une plume à la main, penché sur un parchemin, leva les yeux vers elle; puis il demanda, sur un ton qui était tout sauf accueillant, "Que voulez-vous?"

"J'aimerais vous parler," répondit Anhura en essayant de ne pas montrer sa gêne. "Si vous avez du temps."

Il la regarda quelques instants sans rien dire, manifestement partagé entre deux solutions : la mettre à la porte ou la laisser parler, ce qui n'aida pas Anhura à se sentir plus à l'aise.

"Asseyez-vous," finit-il par ordonner d'un air plutôt agacé.

"Merci," dit Anhura en prenant place dans un fauteuil en cuir, face à lui.

Comme il se tut à nouveau, les yeux toujours fixés sur elle, elle décida de commencer à exposer la raison de sa visite, en s'encourageant intérieurement et en s'ordonnant de paraître le plus calme et le plus sûr d'elle possible.

"D'abord, j'aimerais savoir... Est-ce que Dumbledore vous a expliqué pour" – elle prit une courte pause – "ma mère, et ses souvenirs?"

"Oui, en effet," répondit lentement Snape avec une nuance d'interrogation dans sa voix.

"Bien. Alors voilà. Quand Dumbledore m'a dit que ses souvenirs m'apparaissaient lorsque Vous-Savez-Qui gagnait en puissance, et que la cicatrice de Harry lui faisait mal à ce moment précis, je me suis rappelé que je vous avais vu plusieurs fois vous tenir le bras gauche au moment même où j'avais ces souvenirs…"

Elle s'interrompit en voyant son regard devenir instantanément glacial.

"Et?" insista-t-il avec calme.

"Et," continua Anhura qui commençait à sentir que tout ne se déroulerait pas aussi bien que ce qu'elle aurait souhaité, "je me demandais ce qu'il y avait sur votre bras, et si cela avait aussi un lien avec Vous-Savez-Qui… Comme la cicatrice de Harry…"

Elle s'arrêta une nouvelle fois, le regardant avec appréhension. Le peu de couleurs qu'il avait sur les joues disparut, et son regard devint plus dur que jamais. Anhura respira profondément et tenta de se détendre, tout en regrettant subitement d'être venue dans cet endroit.

"Pourquoi souhaitez-vous savoir cela?" demanda-t-il encore plus calmement, ce qui, selon elle, ne présageait rien de bon.

Elle réfléchit un instant à ce qu'elle allait bien pouvoir répondre. Comme elle n'avait aucune réelle et bonne raison, elle se résigna à lui dire tout bêtement la vérité.

"Par simple curiosité. Je… Je voulais juste vous connaître un peu mieux."

Le regard de Snape devint aussi tranchant, pointu et menaçant qu'une lame de sabre finement aiguisée. Très lentement, il posa sa plume dans l'encrier sans quitter Anhura des yeux.

"Et si moi je n'avais pas envie que vous me connaissiez mieux?" répliqua-t-il d'un ton glacial.

"Oh, vous faites comme vous l'entendez. C'était simplement quelque chose qui m'intriguait, c'est tout."

Malgré la politesse qu'elle avait employée, elle était alarmée par la tournure anormale que prenait la conversation.

"Bien, je vais vous laisser," ajouta-t-elle nerveusement en se levant.

"Restez ici!" ordonna sèchement Snape.

N'ayant pas du tout envie de le contrarier, elle se rassit immédiatement.

"Vous souhaitez mieux me connaître," reprit-il d'une voix basse et menaçante. "Très bien."

Ses yeux se remplirent d'une lueur assassine, totalement inappropriée à la situation, et en cela plutôt dérangeante. Un très long silence s'installa, après quoi il déclara sur le même ton, "Ce que j'ai sur le bras a effectivement un lien avec le Seigneur des Ténèbres. Vous n'avez réellement aucune idée de ce que cela pourrait être?"

Son scepticisme surprit un peu Anhura.

"Non," dit-elle.

Les yeux du sorcier flamboyèrent avec démence. Un sourire traversa son visage; il se leva et contourna son bureau pour se rapprocher d'elle. Un signal d'alerte résonnant dans sa tête, elle préféra se lever aussi.

"Quelle très touchante innocence. Je crains devoir malheureusement gâcher votre petit monde paisible."

C'était très étrange. Pendant qu'il parlait, le calme et la voix délicate qu'il essayait de garder semblaient lui échapper de plus en plus, comme de l'eau filant entre ses doigts.

"On ne la voit pas très bien aujourd'hui, mais je suppose que vous pourrez tout de même en distinguer les traits essentiels," dit-il dans un quasi-murmure en retroussant sa manche, tout en ne la quittant toujours pas une seule seconde des yeux.

Il exposa son avant-bras gauche sous le regard d'Anhura, qui le considéra attentivement. On pouvait voir une légère tache rosâtre se dessiner sur sa peau. En la détaillant d'un peu plus près, elle put s'apercevoir que la tache formait une tête de mort avec des mâchoires entrouvertes, d'où sortait une longue trace ondulée… un serpent. Son coeur fit un bond dans sa poitrine, mais elle n'en laissa rien paraître.

"La Marque des Ténèbres," constata-t-elle d'un ton neutre, à mi-voix.

"Exactement," siffla Severus en retirant brusquement son bras. "La Marque des Ténèbres. Chaque Mangemort en avait une. C'était une façon pour le Seigneur des Ténèbres de nous montrer sa reconnaissance, et pour nous de lui prouver notre fidélité. Lorsqu'il voulait que nous nous réunissions, il touchait la Marque de l'un d'entre nous, et nous transplanions immédiatement en sentant notre bras nous brûler. A l'époque, la tache était rouge en permanence. Mais à présent, il semblerait qu'elle rougisse et brûle à chaque fois que le Seigneur des Ténèbres reprend un peu plus de puissance, tout comme vous et vos souvenirs, ou Potter et sa cicatrice."

Tout au long de son explication, il avait tenté de garder le contrôle de lui-même, mais Anhura se rendit compte très facilement qu'il était extrêmement nerveux et qu'il allait exploser d'une seconde à l'autre, même si elle savait pertinemment qu'il avait toujours été tempéré dans ses réactions. Elle essaya d'assimiler tout ce qu'il venait de révéler sans paniquer. Snape était un Mangemort. Très bien. Elle était dans des sous-sols, seule et sans baguette magique, dans le bureau d'un Mangemort au bord de la crise de nerfs. Quelle ironie pour un professeur de Défense contre les Forces du Mal.

Les mots de Severus se répercutaient encore dans sa tête; et étrangement, elle n'avait plus peur. Elle ne parvenait pas à croire à ce qu'elle venait d'entendre, et elle pensa un instant que tout ceci n'était qu'une blague, un moyen pour lui de tester sa naïveté. Vraiment, elle était prête à trouver n'importe quelle explication plutôt que de penser que Snape était un Mangemort. C'était impossible. D'accord, il était parfois cruel avec les élèves. D'accord, quasiment tout le monde à Poudlard le craignait et le détestait. D'accord, il était devenu le directeur des Serpentard alors qu'il avait fait ses études à Gryffondor. Mais il n'était pas un Mangemort.

Elle posa un nouveau regard perplexe sur le bras à présent recouvert de l'étoffe noire de la robe de son collègue.

"VOUS M'AVEZ ENTENDU?" hurla-t-il, hors de lui, la faisant vivement sursauter. "VOLDEMORT ETAIT MON MAITRE! J'ETAIS SON SERVITEUR!"

Ses yeux s'illuminèrent d'une fureur qu'il n'avait encore jamais montrée jusqu'à ce jour. Anhura, affolée, espéra que les flammes qu'elle y vit n'étaient que le reflet du feu de cheminée.

"Severus, calm…"

"QUOI?" coupa-t-il. "VOUS VOUS ATTENDIEZ A UNE BLESSURE HEROIQUE, DANS UNE LUTTE ACHARNEE CONTRE LES FORCES DU MAL? EH BIEN NON! NAVRE DE VOUS DECEVOIR!"

Il la fixa intensément, et elle ne répondit rien : elle n'était plus en état de réfléchir à ce qu'elle pourrait lui dire pour le calmer. Il se dirigea soudainement vers la porte et l'ouvrit avec violence.

"Fichez-moi le camp," commanda-t-il sèchement.

"Mais je…"

"DEHORS!"

Elle baissa les yeux et se résolut à sortir, se disant que c'était peut-être la meilleure chose à faire, finalement. Lorsqu'elle fut de l'autre côté de la porte, Snape la regarda avec haine.

"Vous vouliez me connaître," dit-il à voix basse. "J'espère que vous êtes satisfaite."

Il claqua brutalement la porte. Anhura resta quelques minutes sans bouger, secouée par ce qui venait de se passer, avec en elle le sentiment d'avoir réveillé un volcan éteint depuis plusieurs millions d'années. Elle se remit ensuite lentement en marche, avec la vague idée de se rendre déjà dans la salle de classe et de s'occuper l'esprit en lisant les copies d'élèves qu'il lui restait à corriger, voulant à tout prix éviter de penser à son entretien avec Snape et se laisser convaincre qu'il n'avait jamais eu lieu. Dans le hall d'entrée, elle croisa Dumbledore, qui lui adressa un sourire et s'arrêta pour lui parler.

"Comment te sens-tu, Anhura?" demanda-t-il, l'air préoccupé.

"Bien," mentit-elle en regardant par terre.

Souhaitant éviter toute discussion à propos de sa mère, elle chercha rapidement un autre sujet.

"Vous êtes au courant, pour Sirius Black?"

"Oui," répondit sombrement Dumbledore. "C'est entièrement de ma faute, j'aurais dû prévoir que Cornélius réagirait mal à la présence de Lord Voldemort dans le corps de l'un des prisonniers. Je lui avais simplement conseillé de retirer les Détraqueurs, mais il souhaite éviter tout risque de progression, en condamnant Sirius Black au baiser et en faisant croire à la population que ce n'est qu'en punition de ses crimes."

Anhura sentit dans sa voix un soupçon de déception et de dégoût.

"Mais le baiser d'un Détraqueur peut-il vraiment anéantir… Vous-Savez-Qui une fois pour toutes?"

"Non, justement. A mon avis, seule l'âme de Sirius Black risque d'être touchée. Un Détraqueur ne se nourrirait pas d'une âme comme la sienne. La condamnation de Sirius Black ne servira à rien."

"Vous pourriez peut-être essayer d'expliquer cela au Ministre?" suggéra timidement Anhura.

"J'ai passé la matinée à en discuter avec lui," dit Dumbledore avec lassitude. "Mais quand il s'agit de Voldemort, rien ne peut le raisonner. Non seulement à cause de la peur qu'il en a, mais aussi parce qu'il tient à sa réputation auprès des sorciers, et si l'on venait à apprendre que Voldemort se trouve à Azkaban et que tout ce qu'a fait le Ministre, c'est de déplacer les Détraqueurs, ce serait très mauvais pour son image, tu comprends?"

Elle hocha la tête. Elle ressentait à présent le besoin d'être seule, et n'avait plus du tout envie de discuter.

"Je vais vous laisser, professeur. A bientôt." Elle essaya de sourire, mais savait que sa prétendue bonne humeur n'était vraiment pas convaincante.

"D'accord, à bientôt," répondit Dumbledore, en lui lançant un regard perplexe et analytique.

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Notes : attention, le prochain chapitre sera diffusé exceptionnellement dans une semaine !

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A la semaine prochaine !