Bonjour !
Heero + Duo + Heero. Triste.
Il fallait que je le fasse, celui-là :
Verre brisé
Ma vie s'étale à mes pieds.
C'est une de nos plus jolies photos. Nous sommes à Venise, sur la Place Saint Marc, entourés de pigeons. Nous rions, comme un volatile se plait dans tes cheveux, avide de nourriture. Des passants nous regardent en souriant, attendris, alors que le Soleil d'été brille et réchauffe les cœurs.
A l'emplacement du mien, une marque d'impact fait naître cinq fissures qui s'étendent le long de cette image bénie. Le verre morcelé s'est éparpillé tout autour, formant comme un halo entourant une icône sacrée sur le parquet de notre salon.
Tu as jeté le cadre, il s'est brisé en mille morceaux d'amour.
Est-ce que ce temps où nous pensions que nous serions heureux pour toujours est terminé ? Est-ce que la page est tournée à jamais ?
Pourquoi le ton a-t-il monté, cette fois ? Qu'a-t-on fait de travers ? N'est-ce pas trop facile de dire que nous n'étions pas faits pour vivre ensemble ?
Il aura fallu que le verre se brise pour que je commence à réaliser.
C'est comme si les morceaux formaient des mots implicites, et pourtant si évidents.
« Est-ce que tu m'aimes ? » J'ai l'impression qu'ils me hurlent cette question désespérée, signe de fin d'amour.
L'angoisse me prend au ventre. Je ne veux pas que tout finisse. Je veux continuer à te voir en fermant les yeux chaque soir et en les ouvrant chaque matin. Je veux te préparer des petits déjeuners au lit, te voir lever les yeux au ciel en souriant légèrement, te prendre dans mes bras pour un oui pour un non.
Est-ce que je t'aime ? La réponse est pourtant là, ancrée en moi.
Pourquoi est-ce que j'ai oublié tout ça ?
Tu es là, tremblotant, plus beau que jamais alors que je suis en train de te perdre. Tes yeux marins se sont perdus dans l'océan et je sens un vent froid souffler vicieusement, t'emportant loin de moi. Je vois que tu es malheureux, que tu n'en peux plus. Tes épaules sont tendues, comme pour retenir les spasmes accompagnant les larmes que tu t'empêches de verser.
Je me sens misérable, méprisable. J'ai oublié de t'aimer.
Mes épaules se secouent, et avant que je réalise que je suis en train de pleurer, je suis à genoux, à la limite du désespoir.
« Ne pars pas… » Je me demande si tu m'as compris. Je n'ai pas l'habitude de pleurer, je ne sais plus comment faire pour respirer. Ma supplication se perd dans un flot de sanglots.
Tes pas résonnent sur le parquet, quelque part à côté de moi, s'éloignant. Ma vie est suspendue à leur écho.
Et puis comme dans un rêve, ils reviennent, et je sens tes bras autour de moi. Tu pleures aussi. Tu t'accroches à moi de toutes tes forces, et je suffoque sous le poids.
« Plus jamais… »
Non, plus jamais, Heero. Plus jamais.
Le verre ne se brisera plus jamais. J'en prendrai soin comme de ma vie.
« Je ne veux plus jamais te revoir. »
Et sans un mot de plus, tu me laisses là, sur le sol, pantelant. J'ai cru tu me pardonnais, mais peut-être ne le peux-tu plus.
Je ne voudrais pas pouvoir, mais je comprends. Je t'ai trop fait souffrir.
L'appartement me semble si vide, brusquement. L'essentiel vient de s'échapper en prenant ses jambes à son coup, et je continue de sangloter vainement au milieu de cet appartement dénudé, seul devant l'imposante cheminée, devant le feu mourrant, si semblable à notre amour.
Dans un sursaut de volonté, je me relève et saisis le soufflet, puis m'acharne à faire revivre les flammes éteintes.
Tout est à refaire. De la même façon que je porte de nouveaux morceaux de bois aux cendres, je te volerai à nouveau ton cœur, coûte que coûte.
Tout est à refaire, et je me sens d'attaque pour recoller les morceaux. Tu as toujours fait partie de ma vie, cette vie qui n'a commencé qu'après la guerre, je ne peux l'imaginer avec ton absence.
Je suis à toi et te ferai à nouveau mien. Tes yeux, les traits si fins de ton visage, tes épaules larges, ton torse si bien dessiné, ta peau légèrement bronzée, tes sourires précieux, tout ça me manque déjà alors que tu n'es parti que depuis une heure à présent.
Je n'abandonnerai pas.
Avec précaution, je ramasse la photo, coincée sous le verre tranchant. Un éclat de verre me rentre en plein milieu de ma paume, et le sang coule sur notre image heureuse. Heureusement il s'efface sur le papier plastifié avant que je ne cède à la panique.
Le jour viendra où nous la regarderons en souriant et en pensant à ce jour malheureux où nous avions failli être séparés pour toujours.
Comme tu le dis souvent « Daijoubu dakara ». Je suis sûr que tout rentrera dans l'ordre, je ne dois pas écouter les larmes qui n'en finissent plus de couler sur mes joues.
Je pose doucement la photo sur la table, et regarde les fleurs que tu as apportées ce matin. Le bouquet est superbe, multicolore mais composé d'une seule variété de fleurs.
Un mot est attaché à une tige : « immortelles ». Je ferme les yeux douloureusement. Tu t'intéresses un peu au langage des fleurs, et je sais ce que les immortelles signifient : Je te fais souffrir.
« Pardon… » j'implore, même si tu n'es pas là pour m'entendre, pour prendre pitié. « Pardon… » Mes sanglots m'arrachent la poitrine, je vois trouble.
« Pardon… »
« Pardon… »
Pardon… et c'est peut-être le mot le plus difficile sur cette Terre.
Fin.
Remarquez que j'ai réussi à sauvegarder la dernière touche d'espoir ! lol
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