Chapitre VI/
- AAAAAAH ! Yoshiki, tu ressembles à une fille !
- C'est ça l'idée Taji…
Pour leur premier concert au Tokyo Dome, le groupe arborait des costumes et des coiffures encore plus délirantes qu'à l'accoutumée. Yoshiki, lui, s'était carrément transformé en femme : ses cheveux colorés en blond lui arrivaient jusqu'à la taille et avaient été joliment bouclés avec un fer à friser. Il portait deux immenses colliers de perles sur un chemisier de dentelles noir et blanches et- provocation à l'époque !- ses longues jambes étaient moulées dans des bas-résilles ! Son maquillage abondant lui donnait l'apparence d'une diva au visage parfait.
Hide et Pata adoptaient une prudente réserve sachant très bien que le chef était susceptible, surtout avant un concert, et que de toutes manières, ils s'étaient habitués à ses idées bizarres. Taji, moins discret, détaillait sans vergogne Yoshiki de la tête aux pieds :
- Si je ne te connaissais pas, je te draguerais !
- Et je t'aurais envoyé bouler ! répondit Yoshiki.
Taji ria et retourna finir son maquillage. Yoshiki s'assit devant le miroir pour essayer de calmer sa nervosité.
C'était la première qu'un groupe de rock japonais remplissait le Tokyo Dome. Ce concert allait leur faire franchir une étape cruciale sur le chemin de la gloire et, pour la première fois, Yoshiki mourait de peur à l'idée que ça ne se passe pas comme prévu.
Toshi, qui n'avait rien dit jusque-là, comprit les doutes de Yoshiki rien qu'en l'observant. Pendant que Taji bavardait bruyamment avec les deux autres, Toshi vint se pencher à l'oreille de Yoshiki pour lui chuchoter :
- Tout va bien se passer…Nous n'avons jamais été aussi au point alors détends-toi. C'est notre jour de gloire !
Yoshiki leva les yeux vers lui et le remercia d'un regard. Il n'y avait que Toshi pour le rassurer comme ça d'une seule parole.
Le lendemain, Yoshiki quelqu'un frapper à la porte de son appartement. Il alla ouvrir et eut la surprise de trouver Toshi, visiblement dans un état de grande nervosité :
- Toshi ! Tu as l'air bizarre, il s'est passé quelque chose ?
Il le fit entrer dans le salon et nota que les cernes de Toshi étaient encore plus prononcés que d'habitude comme s'il n'avait pas dormi de la nuit.
- Ta femme t'a fait une scène ? demanda Yoshiki en s'asseyant dans un fauteuil en face de Toshi.
Il pensait à leur fuite de la maison de Toshi la veille. Mais ce dernier secoua la tête :
- Pas plus que d'habitude, répondit le chanteur en jouant avec ses doigts.
Puis il leva la tête vers Yoshiki :
- Je voulais te parler seul à seul. J'ai des choses à te dire que je ne pouvais pas dire devant Heath.
- Ah oui ? fit Yoshiki intrigué. Qu'est-ce que c'est ?
Mais Toshi avait l'air vraiment mal à l'aise à l'idée de parler. Finalement, il se décida :
- Je….je n'ai pas dit toute la vérité hier, à propos de la façon dont Ketsuya m'a forcé à rester dans la secte.
Yoshiki sentit l'angoisse monter en lui car il s'attendait à quelque chose d'encore plus horrible que ce que Toshi leur avait raconté la veille.
- Toshi, tu me fais peur là. Qu'est-ce qui se passe bon sang ?
- Il y a une raison fondamentale pour laquelle j'ai eu tant de problèmes avec Kaori. J'aurais dû t'en parler avant mais je croyais que tu me détestais…
Comme incapable de rester immobile, il se leva et fit quelques pas au hasard, les bras croisés sur sa poitrine :
- Comme je te l'ai dit, j'ai cru être amoureux de Kaori au début sinon, je n'aurais jamais commis cette stupidité de l'épouser. Mais avec le temps, j'ai compris que je m'étais trompé. Qu'il y avait quelque chose d'autre que j'avais toujours refusé de voir. Au fond, ça me ressemble bien : je ne me comprends pas moi-même et je fais toujours les mauvais choix.
Yoshiki ne voyait pas du tout où il voulait en venir et attendit la suite avec impatience. Toshi poursuivit avec hésitation et ne le regardait pas :
- J'avais ce sentiment en moi…. Mais j'ai voulu me voiler la face. Je n'ai pas fait marche arrière même ce jour où je t'ai vu si malheureux par ma faute, même alors que ça me faisait mal également. Ce n'est qu'après qu'on a perdu quelque chose qu'on se rend compte de sa vraie valeur. Moi… j'ai ouvert les yeux trop tard.
Yoshiki ne bougeait pas. On aurait cru que Toshi parlait tout seul puisqu'il s'obstinait à ne pas le regarder. Il avait les mains crispées sur ses bras comme pour contenir une forte émotion. Le volume de sa voix baissa d'un ton :
- La vérité c'est que…je t'aimais. Bien plus que l'on aime son meilleur ami ou son frère. J'étais amoureux de toi et quand j'ai compris ça, j'étais marié, j'avais brisé X-Japan et toi, tu étais parti loin d'ici…
Un lourd silence s'établit. Yoshiki se sentit envahi par une émotion qu'il n'avait pas connue depuis très longtemps : une vague puissante et irrésistible de pure joie. Est-ce que c'était réel ? Est-ce qu'en fait, le jour ne s'était pas levé et qu'il était encore en train de rêver de son lit ? Il fixait toujours Toshi qui semblait cloué sur place, dos à lui.
- Je suis désolé…dit le chanteur d'une voix alterée. Mais tu devais le savoir. Kaori n'a jamais cessé de te vouer à tous les diables et ça me rendait fou puisque j'avais compris à quel point j'avais été mystifié par elle. Un jour, dans un moment de fureur, j'ai fini par lui sortir que je t'aimais, que je regrettais de l'avoir épousée et que je voulais divorcer. Ce fut le début de la fin… Elle n'a pas supporté l'idée que je ne lui sois plus soumis. Sans moi à ces ordres, ç'en était fini de sa belle vie. En plus, j'avais menacé de raconter publiquement ce qu'il se passait dans la secte alors elle a prit peur. Elle m'a dénoncé à Ketsuya et lui a parlé de toi. Ils ont trouvé un moyen ignoble de me faire rester.
Yoshiki se mit debout et s'approcha lentement de Toshi. Il ne le toucha pas mais resta là tout près de lui :
- Quoi ? murmura Yoshiki.
- Ils ont dit que… si je ne leur obéissais pas, ils s'en prendraient à toi. Ils pouvaient te faire tuer et faire passer ça pour un accident. Tu vois, ce n'est pas moi qui suis menacé, c'est toi ! Ils ont trouvé le plus efficace des chantages car je n'aurais jamais supporté que tu sois tué par ma faute…
Yoshiki ne s'aperçut qu'à ce moment-là qu'une larme roulait sur sa joue mais ce n'était pas parce qu'il avait peur.
Soudain, Toshi se tourna face à lui, le prit par la nuque et l'attira contre lui. Il lui murmura à l'oreille d'une voix rendue si rauque par le désespoir qu'elle en était méconnaissable :
- C'est pour ça que je ne voulais pas te voir… Je voulais te tenir le plus loin possible de tout ça.
Yoshiki l'entoura de ses bras, le cœur au bord de l'explosion. La menace qui pesait sur lui n'avait pas la moindre importance à ses yeux. Ce qui comptait, c'était que Toshi l'aimait au point d'avoir enduré cinq ans de calvaire pour lui sauver la vie. On ne pouvait pas trouver plus belle preuve d'amour. Du coup, il se reprocha sa propre conduite. Lui n'était qu'un imbécile qui n'avait rien vu alors que Toshi était le plus courageux.
- Toshi….murmura-t-il en le serrant dans des bras comme s'il n'allait plus jamais le lâcher. Tu as fait tout ça pour moi…Comme toujours…Je m'en veux de ne pas avoir cherché à comprendre plus tôt.
D'une main, il releva la tête de Toshi et contempla son visage épuisé. Il n'aurait sûrement pas tenu cette vie plus longtemps. Il lui posa la main sur la joue :
- Tu as bien fait de me dire tout ça. Masaya ne fait pas peur du tout. Aucune menace ne m'empêchera jamais de te sortir de là.
- Yoshiki…commença Toshi.
Mais Yoshiki l'interrompit d'un doigt sur ses lèvres :
- Je t'aime. Depuis des années. Depuis même avant que tu ne rencontres ta femme. Je n'ai jamais eu le courage de t'en parler…
Il posa son front contre celui du chanteur :
- Dire qu'on s'est fait souffrir pendant si longtemps pour rien…
Toshi ferma les yeux et un bref sanglot lui échappa. Il s'accrocha à Yoshiki comme s'il avait peur de tomber :
- J'en peux plus de tout ça…gémit-il.
- Chhhhtt… ce sera bientôt fini, je te le jure.
Yoshiki sentait bien à quel point Toshi était à cran. Avec toute la douceur dont il était capable, il passa ses doigts dans les cheveux soyeux du chanteur et caressa sa nuque, lentement du bout des doigts. Leurs visages étaient si près que leurs nez se frôlaient et qu'il sentait le souffle de Toshi sur ses lèvres. Il avait calqué sa respiration sur la sienne, insensible à tout ce qui n'était pas lui, à son corps pressé contre le sien, à son odeur qu'il connaissait déjà avant de savoir parler correctement. Yoshiki posa ses lèvres sur son front, descendit le long de son nez puis sur sa joue en baisers papillons qui firent frissonner Toshi. C'est lui qui fit le pas suivant en l'embrassant avec une ardeur d'assoiffé qui donna l'impression à Yoshiki d'exploser de l'intérieur. D'un seul coup, toute la somme de leurs peines s'envola balayé par ce baiser qui les emporta.
Un voyage hors de la réalité… Deux corps qui s'attendaient et se rencontrent enfin, s'apprennent, se mélange et enfin s'unissent dans une ascension fulgurante. La fièvre, les soupirs, le froissement des draps, les mains qui se joignent dans l'extase. Le vertige….
Et au retour du voyage, un chuchotement dans l'air :
- Aishiteru…
- Vous êtres trop beaux comme ça, tous les deux.
- T'as tout vu !
- Hé ! Y'a pas écrit « voyeur » sur ma figure ! Rassure-toi, je suis parti quand vous êtes allés dans ta chambre.
- Ha ! Ha ! Ha ! Ne te vexe pas, je sais que je peux te faire confiance. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureux….
- C'est génial pour vous. Maintenant, j'espère que vous trouverez un moyen de sortir Toshi de la secte sans trop de dégâts. Et toi, fais attention surtout.
- Ne t'inquiètes pas. Rien ne m'arrêtera plus désormais.
- Je m'en doutais !...Oh, Toshi dort en souriant, c'est trop mignon ! Allez, je vais vous laisser dormir.
- Merci Hide…
