Rappel pour les noms :
Taikôbô : Taigong
Wang
Fugen : Puxian
Genshi Tenson : Yuanshi le vénérable
Dakki
: Daji
paopei : baobei
Les persos ne m'appartiennent toujours pas, et il n'y a toujours pas de vrais spoilers (ça commence au prochain chapitre)
"Il vient de me proposer de partir." dit Taikôbô. Il y a de l'excitation dans sa voix, mais aussi de la crainte.
Fugen sait que son ami attend cela depuis longtemps. Il peut comprendre son appréhension, pourtant. Accepter que le sort du monde des humains repose sur ses épaules n'est pas facile.
Accepter de faire la guerre n'est pas un poids qu'un immortel peut porter avec le coeur léger. Bien sûr, leurs adversaires directs ne mourront pas vraiment, c'est le projet Hôshin, mais qu'en est-il de ceux qui seront entraînés dans ce conflit ? Rien n'est prévu pour accueillir leurs âmes.
Fugen ne le pourrait pas, il en est sûr. Il pourrait mourir pour protéger quelqu'un, il ne pense pas pouvoir tuer. Il pourrait mentir et tromper un temps, sans doute, mais il ne sait pas jusqu'où il irait avant de s'effondrer.
"Penses-tu que je dois y aller ?" demanda Taikôbô, une boule d'anxiété audible dans sa gorge. Tout était décidé depuis le début, mais ils n'en ont parlé qu'à mots couverts jusqu'à maintenant. "Penses-tu que je ne risques pas de faire des bêtises ? Je te demande, parce que tu es un vieux sage, après tout." continue le dôshi, essayant de paraître décontracté. "Bien plus que moi. Ou que GenshiTenson, enfin en ce qui concerne la partie sage, bien sûr. Nyehehe."
Fugen ne croit pas vraiment que Taikôbô ait besoin de son approbation. Qui serait-il s'il lui faisait des reproches ?
Taikôbô est capable non seulement de décider qu'il vaut mieux quelques souffrances créées de ses mains que les immenses tourments qu'impose Dakki, dans lesquels il n'a pas de responsabilité. Il est capable d'agir en conséquence, sacrifiant la paix qu'apporte le sentiment de ne pas altérer le flux du monde.
Taikôbô est bien plus sage que lui.
"Oui, il faut que tu partes." dit Fugen, et ce qui rend ces mots difficiles à prononcer n'est pas une hésitation. Ce n'est en aucun cas un doute dans la noblesse du but de Taikôbô, ni dans ses capacités à l'atteindre. Si quelqu'un peut changer ce monde, c'est lui.
Non, c'est tout simplement parce que même s'il sait que Taikôbô est celui qui aura la force d'agir pour changer le monde, quitte à se salir les mains, il sait aussi qu'il sentira le poids de ses actes. Pour le monde, les mensonges et les querelles dont il se rendront responsable créeront une nouvelle aube, il le sait, il a une confiance infinie en lui. Mais si cette lumière touchera le monde, elle ne guérira pas forcément son ami de ses regrets.
Et cela le rend triste de sacrifier ainsi la paix du coeur de son ami à la paix du monde des hommes, de lui accorder son accord pour cette mission dont il reviendra changé, à tout jamais.
Cela le rend triste qu'ils soient tous les deux incapables de vraiment comprendre la vraie sagesse, qui est celle qui est utile aux autres.
Mais Taikôbô en est plus proche de lui, et qui serait-il s'il lui refusait ce droit de partir la chercher ?
Même si cela doit l'éloigner de lui.
Même si cela doit détruire la paix de leur coeur à tous les deux.
"Je sais que la façon dont tu changeras ce monde sera la meilleure." dit-il, et Taikôbô ronronne de satisfaction. "Quand c'est toi qui le dis, ça a l'air vrai. Merci pour tout. Je m'en souviendrai quand j'irai voler des pêches."
"Si tu penses à moi à chaque fois que tu en manges, tu ne risques pas de m'oublier !" rit Fugen.
"He he, pas seulement quand je mangerai des pêches, je te rassure !"
Taikôbô semble déjà se sentir mieux que quand il est venu le voir, réellement mieux, et Fugen s'émerveille de cela.
"Quand j'aurai l'impression que mon travail est dur, je penserai à toi en train de faire des marathons de méditation, et je me sentirai mieux. Et si c'est vraiment dur, je penserai à toi en train de faire des marathons de méditation... et cela m'énervera tellement que tu te tournes les pouces, que ça me réveillera, j'y compte bien ! Et toi ?"
Fugen n'a pas préparé sa réponse, pourtant elle lui semble naturelle.
"Toujours. A chaque instant de méditation, je me dirai que ce que je fais est juste et sage, mais que ce ne sera jamais aussi utile que ce que fait la toute petite image de moi que j'ai laissé en toi, Bô-chan."
Taikôbô rit nerveusement. "Je pense que ça peut suffire. Je vais lui dire que j'accepte. Il aura bien un ou deux cadeaux pour moi, hum, peut-être une paopei, qui sait ?"
Fugen se demande un instant ce que ferait Taikôbô s'il lui faisait l'autre réponse, s'il lui demandait de rester.
Mais il sait très bien ce que valent ses raisons, à quel point elles sont stupides, à quel point son ami ne les écouterait même pas parce qu'elles ne touchent pas le sort du monde. Lui-même a honte de ses propres pensées. J'ai peur de ne plus jamais te revoir. J'ai peur que tu sois différent. Ne pars pas.
Vraiment, Taikôbô est bien plus sage que lui.
