Rappel pour les noms :
Taikôbô : Taigong Wang
Fugen : Puxian
Dakki : Daji
Suppu : Sibu
Bunchu : Wenzhong
Kunlun : Konron

Les persos ne m'appartiennent toujours pas, cette version est à Ryu Fujisaki. Spoilers tome 16 !


Le plus horrible dans les cauchemars n'est pas qu'il y arrive des choses abominables. Après tout, celles qui arrivent dans la vraie vie peuvent être encore bien pire. Non, toute la cruauté des cauchemars vient de ce qu'on ne peut rien, absolument rien y faire.

Taikôbô a été forcé de tuer de sa main un des princes de la dynastie Yin. C'était horrible, mais ce n'avait rien d'un cauchemar. Il avait tout fait pour l'éviter, et il avait finalement pris sa décision seul.

Mais parfois, les cauchemars envahissent la réalité. Sa famille se fait tuer, et il se retrouve seul. Dakki fait tuer devant lui des innocents, juste pour le torturer. Ce sont des choses qui lui sont arrivées. Ce sont des choses qu'il a revécues dans des cauchemars, de trop nombreuses fois, justement parce qu'elles sont faites de la même texture.

Il regarde. Il est impuissant. Toute son astuce et toute sa volonté de faire quelque chose ne lui serviront à rien. Il ne peut même pas essayer.

La mort de Fugen est le pire cauchemar de tous.

Il aurait fait n'importe quoi pour l'éviter. Il aurait même, peut-être bien, sacrifié les autres. Mais finalement ce n'est pas son plan qui a été appliqué, et rien, absolument rien, n'est en son contrôle alors qu'il observe l'explosion qui les engloutit, très lentement, refusant de lui laisser voir la fin de l'horreur.

Il sait ce que Fugen pense. "Nous avons choisi. Nous ne voulons pas de pitié. Mais tu as le droit d'être triste." Même ses sentiments lui sont imposés de l'extérieur - parce qu'il ne peut pas faire autrement que d'obéir à sa dernière volonté.

C'est dans un cauchemar qu'il ne s'enfuit pas, qu'il se prépare à la mort. c'est dans le même cauchemar qu'il réalise qu'il est encore en vie, que Suppu l'a protégé.

Et une voix dans sa tête résonne, lui répète : tu peux te réveiller, il est facile de te réveiller. Si tu vas affronter Bunchu maintenant, tu n'y survivras pas, le houshindai te capturera, et tu sortiras de ce cauchemar-là.

Il lui est arrivé d'entendre ce genre de voix dans de vrais cauchemars, il lui est arrivé de fuir et de retrouver avec soulagement son lit en désordre et sa petite chambre, abandonnant derrière lui les pans de ténèbres et les mondes de cruauté absurde.

Mais il sait bien que ce n'est pas la même chose d'abandonner ceux qui restent et d'abandonner les ombres sans consistance de ses rêves. Il sait bien qu'ici, ses devoirs sont réels, et que Fugen aurait voulu qu'il continue, qu'il est mort pour qu'il puisse continuer.

Taikôbô a cherché son approbation, toujours.

Il aimerait se dire qu'il l'a, sans limites, que Fugen lui a montré qu'il serait toujours avec lui, mais s'il ne peut pas voir son sourire, il ne sait pas jusqu'à quel point il peut y croire.

Il se demande encore ce qu'il fait là. S'il peut jouer un rôle dans ce qui se passe. S'il peut gagner. S'il peut faire encore quelque chose pour sauver le monde céleste, plutôt que de rejoindre Fugen. Après tout, il veut le revoir, mais ce serait trop dur si ce n'était que pour lui dire qu'il a échoué, que son sacrifice n'a servi à rien, n'est-ce pas ?

Non, il a encore des choses à faire.

Toujours perdu, comme dans un rêve, il se dirige vers les monts Kunlun. Il essaie de prévoir. Il essaie de penser à autre chose que d'affronter Bunchu en duel pour mourir. Il le doit.

Ce cauchemar qui l'entoure à l'inconvénient tragique d'être suffisamment réel pour le retenir dans sa toile.

Il a un monde, un vrai monde, à protéger.

Il ne se réveille pas.