John était allongé sur une des digues, le regard perdu dans l'immensité de la voûte stellaire. Il créait ses propres constellations, ici un jumper, là un ZPM, plus loin un drône et… Teyla !
- Je ne vous dérange pas colonel ?
Sheppard se redressa brusquement, l'athosienne était arrivée sans faire le moindre bruit.
- Non, bien sur que non. J'étais en train de… rêvasser.
- Dite plutôt que vous ne trouvez pas le sommeil.
- Ça marche aussi dans ce sens, reconnu-t-il.
Teyla s'assit à ses côtés.
- C'est beau n'est-ce pas ? dit-elle dans un souffle.
- Oui, je crois que je ne m'en lasserais jamais.
Ils se turent, bercés par le doux roulis de la mer.
- Il vous manque aussi ?
- Oui… Ce gosse n'a jamais décroché plus de dix mots avec moi et pourtant… On s'attache vite. Même McKay est affecté par son enlèvement.
- McKay ? répéta Teyla, il n'en donne pourtant pas l'impression.
- Il n'aime pas trop les enfants mais je crois bien qu'ils ne supportent pas qu'on leur fasse du mal. Et on peut pas dire que Scott fasse dans la dentelle.
Nouveau silence, brisé par le fracas des vagues. Au seul bruit on devinait le ballet d'écume. John se coucha à nouveau.
- Il peut être n'importe où, c'est tellement grand…
- Nous le retrouverons colonel.
- A temps j'espère, vous avez vu cette immensité ! M'étonne pas que les Anciens soient partis, on ne peut pas surveiller tout ça en même temps.
- Mais ils ne sont pas tous partis…
- Chaya, je sais… Mais vraiment c'est une exception, elle n'avait pas le choix. Vous pensez que les Anciens ont déjà fait comme nous, ajouta-t-il après une pause.
- Comme nous ?
- Oui, s'asseoir et regarder le ciel, sans penser à toute leur technologie.
- Sûrement, au début. En temps de guerre on a un peu moins de temps.
- Nous sommes en guerre.
- Mais les Wraiths croient cette cité détruite colonel Sheppard.
- Un point pour vous… Je me demande comment ils ont vécu les assauts répétés des Wraiths…
- Dans la crainte.
John tourna la tête. Dans sa position il ne voyait que le dos de Teyla.
- Comment vous savez ça vous ? demanda-t-il
- Ce n'est qu'une déduction.
- Mouais… Bon, il commence à faire un peu frais… Je rentre à l'intérieur, vous venez ?
- Non, pas maintenant.
- Comme vous voulez, bonne nuit.
Le colonel s'éloigna et jeta un coup d'œil à sa montre, le cœur serré à la pensée de Yuann. Plus de deux heures du matin, c'est ce qu'on appelle une belle insomnie. Il passa le sas et se retrouva dans un couloir faiblement éclairé, le téléporteur n'était pas très loin. Il s'engouffra à l'intérieur et posa son doigt sur l'écran, pressé de trouver son lit et le sommeil. Seulement rien ne se passa. Il appuya, une fois, deux fois, trois… Toujours rien. Allons ! Ils ont pas coupé le courant quand même ! Pourtant, malgré ses tentatives répétées la machine refusait tout simplement de se mettre en marche. Il jura et sorti, cette partie de la cité ne lui était guère familière, et rentrer à pied aller lui prendre une bonne demi-heure, le temps de se perdre.
Il marchait depuis plusieurs minutes lorsqu'un croisement s'offrit à lui, droite, gauche ? Va pour la gauche mais que prendre au prochain ? Droite ? Et ainsi, de couloirs en couloirs, le colonel s'enfonçait dans la cité. Il dut bientôt admettre la vérité : il était complètement perdu. Faudra demander à imprimer des petits guides… Il hésita et poussa une porte qui donnait sur une petite salle. Celle-ci s'illumina entièrement lorsqu'il y pénétra. Le colonel l'examina avec curiosité, c'était bien la première fois qu'il y mettait les pieds. Au centre trônait un fauteuil, semblable à celui qui contrôlait les drônes. Peut-être qu'il pourrait se téléporter à partir d'ici, qui sait ? Sans plus attendre Sheppard s'installa et ferma les yeux. Et une pichenette de concentration…
- Le bouclier va lâcher ! Nous devons évacuer au plus vite !
L'homme tapa du poing sur la table pour donner plus de force à ses paroles. Ses interlocuteurs sursautèrent et l'un d'eux répliqua d'un ton sec :
- Nous ne pouvons pas, si nous ouvrons la porte vers une autre galaxie le bouclier cède immédiatement, seuls quelques-uns uns d'entre nous auront le temps de s'enfuir.
- Alors vous préférez tous nous sacrifier alors que certains peuvent être sauvés ?
- Nous avons juré de défendre la cité jusqu'à la fin, déclara un autre.
- La défendre ? reprit l'homme. Mais nous nous terrons ! Où est la défense ? Où sont nos vaisseaux ?
- Malik ! Tu oses remettre en question nos tactiques !
- Vos tactiques ! Si seulement il y en avait…
- Et toi Malik ? Es-tu si peureux pour vouloir passer la porte ?
- Mon fils est encore sur cette cité.
Les visages se figèrent.
- Ton fils est encore là ?
- Oui.
- Il devrait être avec sa mère ! Sa place n'est pas sur Atlantis !
- Le laisser avec sa mère c'est le condamner à mort ! Les Wraiths récoltent trop souvent sur sa planète.
- Tu y réfléchiras à deux fois avant de choisir une femme parmi les sauvages de Varsec, ironisa un homme avec un rictus mauvais.
- Cessez d'être aussi hautain ! Parce qu'ils ne maîtrisent pas notre technologie ils nous sont inférieurs ? Mon fils est un ancien ! Il a le droit à la protection de la Terre !
- Ton fils est un bâtard Malik (1)! Maintenant laisse-nous !
- Toyar, tes propos sont révoltants. Ne l'écoute pas, ajouta l'homme à l'intention de Malik. Je te promets de trouver une solution pour ton fils, maintenant laisse-nous.
Malik ouvrit la bouche mais se ravisa. Il pinça les lèvres et tourna les talons.
Dans les couloirs c'était l'agitation. Des anciens courraient dans tous les sens. A travers les fenêtres on apercevait les innombrables tirs de l'ennemi, s'écrasant sur le bouclier. Malik ne s'attarda pas, il filait dans les couloirs, bousculant la plupart des personnes qu'il croisait. Son fils, un bâtard ? Non, juste son fils, fruit d'un amour quasi défendu. Il continuait son chemin, au fur et à mesure le bruit s'étouffait. Le cœur de la cité, les entrailles d'Atlantis. Malik vérifia que personne ne l'avait suivi et s'engouffra dans une pièce.
- Yuann, c'est moi bonhomme.
Une petite tête apparut. Bientôt le corps suivi. Malik serra son fils tout contre son cœur, passa une main dans les cheveux ébouriffés et planta ses yeux dans les iris noisette.
- Yuann, on va se cacher. Tu comprends ? C'est un jeu, on doit se cacher…
- Oui papa.
- Allez viens.
Il le prit dans ses bras et sorti avec précaution. Les alentours étaient déserts. Une course contre son ombre débuta, il dévalait des escaliers en montait d'autres. L'enfant ne bougeait pas, rassuré par la présence paternelle. Malik finit par s'arrêter devant un sas lumineux, il le franchit et prit soin de le verrouiller derrière lui.
- Regarde Yuann, on va se cacher là. Tu vois ?
Il désignait des caissons, incrustés dans le mur. Le petit garçon répondit d'une voix fluette :
- Oui papa.
L'homme allongea son fils dans le premier caisson, une étrange lueur dansait au fond de ses yeux. Il sortit une petite seringue d'une poche de sa tunique. L'idée lui paraissait délicieusement folle. Il ne pouvait pas disparaître ainsi, cela éveillerait les soupçons. Mais il ne pouvait abandonner la chair de sa chair de cette manière. Lui transmettre l'héritage, lui donner de la valeur aux yeux de sa race. Il introduisit doucement l'aiguille dans une veine saillante, au creux du coude. L'enfant gémit mais se laissa faire.
- Tu s'ras en sécurité ici, marmonnait-il, te trouv'rons pas. Peuvent toujours immerger la cité, c'est solide ces trucs là… N'ai pas peur bonhomme, n'ai pas peur…
- J'ai pas peur papa.
Malik eu un triste sourire. Il passa sa main devant un voyant et regarda la cloison blanche se refermer lentement, avalant le visage de son fils. (2) Il s'apprêta à partir mais un vague sentiment d'oubli l'arrêta. Il manquait quelque chose : qui saurait retrouver Yuann lorsque tout sera terminé. Il réfléchit et l'idée s'imposa d'elle-même. Laisser une trace ! Oui, se connecter, donner les derniers souvenirs et continuer à les envoyer jusqu'à la fin. L'homme s'élança en direction d'une petite salle. Le fauteuil semblait lui tendre les bras…
Maintenant la deuxième partie de son plan… Il reprit son chemin en sens inverse, faisant un arrêt à l'armurerie. Prendre des armes et des couvertures. Et ? Des cousins feront l'affaire. La porte des étoiles. Ses jambes n'avaient pas l'habitude d'un tel travail, ses muscles brûlaient. Mais il fallait tenir, pour son fils. Les autres le regardaient passer avec un étrange paquet dans les bras. La salle de contrôle, enfin. D'une décharge il abattit le premier garde et se précipita sur le panneau de commande. Premier chevron, deuxième… Plus vite ! Les Anciens restaient sans rien faire, abasourdis par l'attitude d'un de leur meilleur pilote. L'alerte fut cependant donnée et Toyar arriva, arme au poing.
- Malik ! Lâche ton fils !
Ça marche ! L'euphorie de la réussite le gagnait.
- Jamais ! Plutôt mourir !
- Dans ce cas…
Toyar ajusta son angle de tir. Malik réagit au quart de tour, se baissa et descendit l'escalier. Le vortex lui tendait les bras.
- Malik, ne fait pas ça.
Mais l'homme n'écoutait plus. Il fit passer les couvertures à travers la porte, la silhouette bossue d'un fils absent de la salle. A présent la suite lui importait bien peu, son stratagème avait fonctionné. Toyar pressa la détente. Un bruit mou résonna, l'impact. Un autre, plus lourd. La rencontre du corps et du sol en une danse macabre.
- L'imbécile… Ce n'était même pas la bonne adresse.
John ouvrit les yeux.
- Oh merde…
(1) ce passage peut en laisser certains perplexes, donc je vais m'expliquer. Les Anciens ont toujours été "détachés" des problèmes humains, sans se considérer à 100 supérieurs ils étaient quand même sûrs de leurs pouvoir. Alors oui, un de leur premier commandement peut ressembler à "avec humilité tu te comporteras blablabla" mais divers peuples les ont décrits comme assez... arrogants. Sans pour autant faire de généralité je pense que trouver des racistes parmi ce peuple est tout à fait possible, je n'ai pas approfondi la situation de la planète Varsec mais on est en droit de supposer une avancée technologique quasi nulle, des croyances "débiles" aux yeux des Anciens... Raison pour laquelle Toyar se montre si cru dans ses propos et que les autres se contentent de le rappeller à l'ordre du bout des lèvres.
(2) lorsque j'ai écris cette fic je n'avais pas vu l'épisode "Le grand sommeil", donc le vieillissement on oublie, mes caissons de stase gardent les gens tel quel ;-)
Voilà, j'espère que ça vous a plu ;-)
