Voila, les choses vont commencer à partir un peu en cacahuétes XD merci à Tenbra, Sephi et phoenix pour leurs encouragements, j'espère que la suite vous plaira tout autant. Bonne lecture !
(je pense qu'il n'est pas nécessaire de préciser que les personnages ne m'appartiennent toujours pas ?)
Chapitre 2 : Visages perdus
Temple du Bélier – 1h40
Cette nuit avait pourtant débuté comme les autres. Depuis deux semaines maintenant qu'ils étaient ressuscités, aucun danger potentiel ne s'était présenté à eux. Comment auraient-ils pu songer… que ce danger viendrait d'Elles ?
La souffrance atroce qui se répandit soudain dans les jambes de Mü comme un feu hurlant le tira de son sommeil en lui arrachant un gémissement. L'Atlante, la vision encore trouble, les gestes encore tremblant de fatigue et de douleur se redressa sur ses mains. Ça brûle ! C'est en train de me brûler ! pensa-t-il aussitôt. Pourtant ses yeux s'habituant lentement à l'obscurité ne distinguèrent aucune flamme, rien qui puisse provoquer pareil mal. Une décharge sembla remonter dans ses membres inférieurs, lui arrachant un nouveau cri et un spasme qui le fit se plier en avant. Il enfoui son visage dans son oreiller, espérant piteusement que cela pourrait calmer ses souffrances, mais rien n'y fit. Ses bras ne parvenaient pas à bouger pour soulever le drap afin qu'il puisse voir ce qui arrivait à ses jambes. Sa première idée fut celle d'une morsure de rat, bien qu'il n'ait jamais vu un seul de ces rongeurs au Sanctuaire. Puis il songea aux scorpions qu'élevait Milo pendant un temps. Peut-être l'un d'entre eux s'était-il introduit dans son temple. Non, c'était autre chose. Trop douloureux. Le Tibétain se cambra à nouveau lorsqu'une nouvelle décharge prit naissance dans son crâne. Ses tempes semblèrent se déchirer sous l'effet d'une pression terrible. Son crâne allait exploser. Je vais… mourir ? se demanda-t-il avec effroi. Mais très vite il n'y pensa plus, la souffrance le rappela à la réalité, très pénible réalité. Parmi ses propres cris de douleur et le son de tambours assourdissant qui frappait l'intérieur de son crâne, il put soudain entendre d'autres hurlements. Au prix d'un effort surhumain, il parvint à reconnaître la voix de Dokho, déformée par la souffrance, puis une autre, venant de plus loin, mais nettement perceptible tout de même : celle de Shura. Le Bélier ne pu réprimer le goût amer et désagréable qui remonta rapidement dans sa gorge et vomi tout ce qu'il put sur le bord de son lit. Tout devenait flou. Il entendit de nouvelles voix se mêler aux autres, la plus proche étant celle qu'il connaissait si bien, de son voisin du temple du Taureau. Saga aussi, puis Aphrodite.
Son esprit dérivait. Il n'en pouvait plus. Bientôt la douleur l'enveloppa comme pour l'engloutir et Mü ne sentit plus ses jambes, juste une brûlure invisible. Il ne sentit plus son visage, ni ses mains assemblées sur son front pour contenir le mal, seulement un froid glacial et déchirant. Enfin, ses cris se turent. Il perdit connaissance.
Aéroport d'Athènes – 12h15
Hyoga était mal à l'aise dans le grand aéroport. Les gens allaient et venaient autour de lui dans un mouvement continu et leurs voix formaient un bourdonnement incessant. Décidément cette ambiance ne lui plaisait pas. Pourtant la tension qui l'habitait n'était pas seulement due au malaise qu'il éprouvait en présence d'un foule si grande, mais elle provenait surtout de ce message urgent qu'il avait reçu du Sanctuaire lui demandant de revenir au plus vite. Il avait un mauvais pressentiment et il espérait que les autres arrivent au plus vite. Il fut soulagé de voir Shiryu se détacher d'un groupe de jeunes filles pour venir vers lui d'un pas rapide, presque en courant. Les adolescentes parurent plus que déçues de voir leur proie s'enfuir ainsi, mais leurs sourires réapparurent lorsqu'elles virent le jeune homme blond vers qui il se dirigeait. Le Cygne serra les dents, voyant les ennuis arriver en même temps que les folles furieuses qui se lancèrent à la suite du Dragon pour les rejoindre tous les deux. Le Russe ne prit pas le temps de réfléchir et agrippa Shiryu par la taille lorsqu'il se trouva assez près de lui, avant de lancer un regard froid aux groupies. Celles-ci furent à nouveau prises d'une grande déception et finirent par se disperser. Hyoga soupira de soulagement en lâchant le jeune homme aux longs cheveux noirs qui lui souffla un remerciement, non sans lancer des regards gênés à toutes les personnes qui s'étaient arrêtées pour observer le couple. Un rire fort retentit derrière eux, un rire qu'ils connaissaient bien. Les deux chevaliers se retournèrent pour faire face à Shun et Ikky. Le premier courut vers eux avec un grand sourire, trop heureux de les retrouver. Le deuxième ne cachait pas son hilarité. Tandis qu'Andromède serrait chaleureusement la main de ses amis, le Phénix posa une main compréhensive sur l'épaule du Cygne.
« Très bon réflexe, bien joué ! C'est officiel ? »
Shiryu rougit légèrement et Hyoga repoussa la main de Ikky en grognant. A cet instant, Shun leur fit tourner la tête en indiquant le dernier chevalier qui venait d'arriver. Seiya semblait complètement perdu dans cette foule et lançait des regards désespérés de tous les côtés. De plus, son urne qu'il portait sur les épaules attirait toute l'attention des voyageurs. Andromède fit de grand signe à son ami pour qu'il puisse enfin les repérer et Pégase s'élança dans leur direction.
« Ouf ! J'ai bien cru qu'on ne se reverrait jamais » souffla-t-il en arrivant près d'eux. Les quatre autres chevaliers s'emparèrent de leurs armures et sortirent rapidement de l'aéroport pour rejoindre une voiture qui les attendait. L'un des hommes en noir de la Fondation était au volant.
« Qu'est-ce qui se passe au Sanctuaire ? » s'empressa de demander Hyoga, inquiet pour son maître. L'homme haussa les épaules. Il leur répondit qu'il n'en savait rien du tout, qu'apparemment il s'était produit un événement classé secret défense. Cette nouvelle ne fit que raviver les craintes et les cinq chevaliers de Bronze décidèrent de parler des camps qu'ils avaient visité pour passer le temps et cacher leur tension.
« Si vous aviez vu ce bazar ! » s'extasiait Seiya en riant. « Les apprentis étaient complètement perdus ! Ils avaient démoli la moitié des bâtiments grâce à leurs entraînements non suivis ! Heureusement que Marine est restée avec eux sinon je sais pas dans quel état on aurait retrouvé le camp dans quelques semaines. »
La voiture s'arrêta enfin à quelques kilomètres du dernier petit village avant le Sanctuaire.
« Je vais pas plus loin » lâcha l'homme en noir en leur faisant signe de sortir. Les cinq adolescents s'exécutèrent et suivirent des yeux le véhicule qui repartait dans la direction opposée.
« Toujours aussi aimable » maugréa Seiya. Les autres ne lui répondirent pas. Ils partirent rapidement pour rejoindre le Sanctuaire au plus vite. Il leur avait fallu deux jours pour pouvoir rentrer à Athènes et ils espéraient que rien ne se soit produit de dramatique depuis. Ils coururent sur les sentiers de terre entourés de rochers imposants pour enfin arriver en vue des arènes. Bientôt la Maison du Bélier se dressa devant eux. Chacun d'eux déposa son urne à ses pieds et fit appel à son armure. Une fois son armure endossée, Seiya s'avança et tourna la tête vers ses compagnons. Ils acquiescèrent. Le chevalier de Pégase laissa alors son cosmos se déployer lentement sur la surface du temple, attendant une réponse favorable à leur approche. Celle-ci se fit attendre, mais Seiya sentit avec soulagement l'énergie de Mü se présenter à lui. Ils pouvaient entrer. Néanmoins, quelque chose lui parut étrange dans le cosmos du chevalier d'Or, quelque chose avait changé. C'était comme si… une aura noire était mêlée à celle, immaculée du Tibétain, pour former un cosmos chaotique, qu'on ne savait ni bon ni mauvais, ni calme ni énervé. Tous se lancèrent des regards entendus, ils avaient eu la même impression. Ils étaient prêts à se montrer prudent. Il s'avancèrent enfin sur les marches de pierre et atteignirent sans encombres, et en silence l'entrée du premier temple. Ils hésitèrent un instant, puis se décidèrent à entrer en sentant la présence du Bélier non loin. Lorsqu'ils le virent enfin, la stupeur et la crainte les clouèrent sur place.
Ce ne fut pas moins le fauteuil roulant au métal gris et luisant que le teint livide du chevalier qui les inquiéta. Shun s'apprêtait à lui demander ce qui lui était arrivé mais il ne put prononcer un mot lorsque son regard se figea sur les tempes déchirées de l'Atlante. Deux sortes de petites extrémités anguleuses et noirâtres s'échappaient des plaies presque totalement refermées. Les yeux d'un bleu fatigué du Tibétain firent le tour du groupe, puis il tenta un sourire pour les rassurer. Ikky s'avança en dépassant Seiya qui gardait son attention fixée sur le drap blanc qui couvrait les jambes du Bélier.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda le Phénix d'une voix sombre. Mü haussa lentement les épaules ; tout dans la lenteur de ses gestes dévoilait la fatigue qui l'assaillait. Il baissa la tête, comme pour chercher ses mots, et chacun des cinq chevaliers se rapprocha pour montrer qu'ils étaient parfaitement attentifs.
« Comment vous dire… nous ne savons pas vraiment nous même… Nos armures ont disparues. »
A ces mots, les visages se raidirent.
« Mais… c'est impossible » marmonna Hyoga. « Où… ? » Il se tut en voyant le Bélier pointer son doigt vers son front avec un sourire triste.
« Ici je crois… » murmura-t-il. Shiryu s'approcha pour observer de plus près les pointes d'ébène de chaque côté du crâne de Mü. Cela ressemblait parfaitement à…
« Des cornes ? » prononça-t-il, abasourdi. Le Tibétain hocha la tête et fit une grimace.
« Je crois qu'elles n'ont pas fini de pousser hélas… »
Consternation. Seiya, chez qui l'effet de surprise avait cessé d'opérer, prit un air qui se voulait sérieux.
« En gros… tu as absorbé ton armure ?
Si c'est le cas, je crois que c'est plutôt l'inverse, répondit le Bélier. Parfois j'ai l'impression qu'elle me dirige mieux que je n'ai jamais pu le faire.
Mais… il s'est passé quelque chose ? interrogea Shiryu. Et est-ce que les autres… ? »
Mü baissa aussitôt la tête en entendant la question tant redoutée.
« C'est arrivé à tous les chevaliers d'Or, dit-il finalement. Je suis désolé Shiryu mais Dokho est dans un état… plus étrange que le mien, et je ne pense pas que tu pourras le voir. »
La crainte passa dans les yeux noirs du Dragon. Mü redressa la tête et son regard se durci. Tout son être sembla se calmer soudain pour augmenter la prestance du Tibétain. Le Bélier, sans aucun doute, songèrent amèrement les cinq chevaliers.
« Vous devez continuer, reprit la voix maintenant sereine mais ferme de l'homme aux cheveux lavande. Athéna vous attend, ne tardez pas. Et ne vous arrêtez dans aucun temple. Leurs gardiens pourraient bien se montrer violents. Ne tentez pas de vous approcher du Taureau, du Capricorne ou du Poissons. »
Sur ce, l'être portant le nom de Mü salua poliment le groupe. Ses mains se posèrent sur les côtés de son fauteuil et il s'éloigna pour rejoindre l'intérieur sombre de son temple.
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Les cinq chevaliers étaient encore sous le choc et l'image du Bélier, assis dans son fauteuil roulant, ses yeux bleu ciel dévoilant une sérénité infinie mais aussi une grande force. Ils ne savaient pas s'ils devaient trouver cet être simplement impressionnant, ou même effrayant. Ils stoppèrent leur marche en même temps en arrivant devant la Maison du Taureau. Mü les avait mis en garde, est-ce qu'ils pouvaient tout de même passer sans crainte ? Bien sûr, ils avaient déjà vaincu Aldébaran en combat singulier, et leur force avait augmenté depuis, mais que faire s'ils se trouvaient face à une créature tout aussi calme et à la puissance indéfinie comme le Bélier ? Ils se lancèrent des regards interrogateurs, puis finirent par acquiescer d'un même geste. Ils entrèrent en marchant à un rythme régulier mais rapide, n'ayant pas envie de s'attarder dans cet endroit où pesait une aura oppressante, qui semblait vouloir tout broyer sur son passage. Un sentiment de profonde douleur flottait sur l'air souillé par une poussière épaisse qui s'échappait des murs et du plafond en créant une nappe de brouillard dans le grand hall. Ils entendirent des coups forts et répétés, quelque part au fond du temple, mais n'y firent pas attention, se contentant d'avancer en gardant leur rythme. Il franchirent la deuxième Maison sans encombres. Le soleil haut et cuisant les ramena à la réalité et il reprirent leur marche jusqu'au temple suivant. A peine furent-ils entrés que Kanon se présenta devant eux. Il était livide lui aussi, mais rien à voir avec Mü, simplement une grande lassitude. Il les salua et leur sourit, heureux qu'ils soient enfin arrivés.
« Athéna vous attend, nous pensions que vous mettriez plus de temps…, dit-il.
- Kanon, tu n'es pas… ? » commença Seiya.
L'ex-Marina secoua la tête.
« Non, moi je n'ai rien (il se retourna et désigna une porte du menton) Mais Saga ne va pas bien. J'ai l'impression de le revoir il y a quelques années de ça… »
Ils baissèrent la tête ; bien sûr, l'esprit des Gémeaux. Kanon leur fit signe de continuer, sans rien dire de plus et retourna au chevet de son frère. Les cinq chevaliers franchirent ensuite le temple du Cancer sans difficulté. Aucune aura n'y planait. Seule l'odeur écœurante de marrée les ralenti quelque peu, ainsi que la vue des masques mortuaires, beaucoup moins nombreux qu'auparavant, et dont certains apparaissaient et disparaissaient imperceptiblement, comme des illusions. Ils traversèrent ensuite le temple du Lion dans lequel régnait un cosmos lourd de tristesse et de souffrance. Shun et Seiya furent tentés de s'arrêter mais les autres les poussèrent en avant. La Maison de la Vierge, tout comme celle du Cancer, leur paru vide, ainsi que celle de la Balance. Shiryu ne lança qu'un bref regard en arrière après qu'ils l'aient dépassé. Ils entrèrent dans le temple du Scorpion, et furent aussitôt encerclés par un cosmos froid et agressif. Ils furent bien obligés de s'arrêter lorsqu'une voix les interpella. Shun sentit son pouls s'accélérer et ses cheveux se dresser sur sa nuque en entendant la voix d'outre tombe de l'homme nommé Milo.
« Qu'est-ce que vous faites dans mon temple ? »
Tous cinq se retournèrent vers le Grec à demi dissimulé dans l'ombre de ses colonnes. Ikky, devançant ses compagnons, s'avança légèrement pour répondre :
« Nous devons rejoindre le palais du Pope, la déesse nous a demandé. (il hésita) Nous avons besoin de ton autorisation pour passer ? »
Le scorpion lâcha un « hum » amusé. Il pencha légèrement la tête en avant, dévoilant sa bouche et son menton caché par une sorte d'écharpe en tissu noir.
« Vous pouvez passer si c'est la déesse qui vous demande » répondit-il comme s'il n'était pas concerné. Les cinq chevaliers prirent la peine de le saluer respectueusement avant de tourner les talons et poursuivre leur route, sentant le regard pesant du Grec sur leur dos jusqu'à ce qu'ils sortent du temple.
La Maison du Sagittaire se trouvait vide elle aussi. Les chevaliers de Bronze franchirent rapidement celle du Capricorne où résonnaient des murmures sourds, parfois implorants, parfois menaçants, bien qu'aucun d'eux ne parvienne à comprendre ce qu'ils pouvaient bien signifier. Le temple du Verseau : vide. Celui des Poissons, comme celui du Capricorne fut traversé en vitesse, bien que le cosmos présent ne se montrât pas agressif, juste serein, et même léthargique. Ils arrivèrent enfin au palais du Grand Pope, à bout de souffle.
Palais du Grand Pope – 16h50
Dès qu'ils entrèrent, six regards se posèrent sur eux avec insistance. Jabu, les bras croisés, les fixait de son air supérieur, lançant parfois quelques regards nerveux à Sion, avant de se reconcentrer sur le sol. A ses côtés se tenait Ban, son regard morose perdu dans les sombres tréfonds de la grande salle, attendant, comme toujours, dans le plus grand silence. Face à eux, à droite de l'entrée, un grand homme les observait de son regard froid de reptile ; il avait des cheveux d'argent plaqué vers l'arrière de son crâne, des yeux cobalt et cerclés de cernes gris, et portait une armure d'Argent aux épaules et aux poignets surmontés de longues griffes effilées. Un peu plus loin se tenait un autre chevalier d'Argent, une femme. Son masque luisant laissait apparaître de longs cheveux d'un noir d'ébène, et son armure semblait légère comme le vent. Enfin, près du trône se tenait Sion qui semblait lui aussi éreinté, et à ses côtés, Shaka. La vision de ce dernier eut beau choquer quatre des cinq chevaliers, le côté dramatique de la scène fut troublé par Seiya et son :
« Shaka ? T'as de la poitrine ! »
Ses quatre compagnons se jetèrent sur lui pour le faire taire. Hydri sursauta tant la remarque le déconcerta et Jabu lança un regard visant à traiter d'abruti fini le chevalier de Pégase. Shaka se contenta de froncer légèrement les sourcils, ses paupières toujours closes. Il apaisa rapidement la honte qui montait en lui et garda son visage impassible. Il savait néanmoins que ses vêtements destinés à un corps masculin ne faisaient qu'accentuer ses nouvelles formes. Sion soupira.
« Je pense que vous avez tous compris notre problème. Je vous remercie d'être venu si vite. »
Les cinq chevaliers saluèrent, Ikky menaçant toujours Seiya du poing pour que celui-ci contienne un peu mieux ses rires étouffés. Jabu tapait impatiemment du pied. L'ancien Bélier continua sur sa lancée :
« Athéna est partie depuis 24h sur l'Olympe pour demander des explications à ses congénères. Nous ne savons pas encore quand elle reviendra, et pour l'heure, nous avons des affaires bien plus urgentes à régler.
- Exact, lança soudain le chevalier de la Licorne. Et nous perdons du temps en bavardage !
- Nous ne pouvons rien faire tant qu'Aioros ne sera pas revenu, reprit Sion d'une voix toujours calme. Il ne devrait plus tarder… »
A cet instant, les larges portes s'ouvrirent et tous se retournèrent pour faire face à Camus. Les yeux de Hyoga s'emplirent de tristesse et de crainte ; son maître paraissait tout ce qu'il y avait de plus normal, mais peut-être son esprit avait-il subi des séquelles ? Le chevalier du Cygne l'observa de haut en bas mais ne remarqua rien d'inquiétant, seuls les gants sombres qui ornaient les mains du Verseau attirèrent réellement son attention. Camus s'avança vers le centre de l'assemblée. Il jeta un bref coup d'œil à son ancien élève puis se tourna vers Sion.
« Il arrive » furent les seules paroles du Français. L'Atlante hocha la tête. Camus en profita pour glisser un faible sourire à Hyoga. Le Cygne le lui rendit. Quelques instants plus tard, Aioros entrait. Cette fois-ci, ce fut l'émerveillement qui prit place sur les visages de Seiya et de Shun en voyant le corps musclé au pelage brun et aux sabots noirs s'avancer dans la pièce. Un corps de centaure, comme était souvent représenté le Sagittaire, et muni d'une paire d'ailes blanches aux reflets dorés. Le torse humain noblement dressé sur les larges épaules du quadrupède le faisait mesurer au moins deux mètres vingt de haut, suffisant pour en impressionner plus d'un. Aioros tourna la tête vers son nouveau public et parut plus que gêné. Il tenta de les ignorer tout d'abord pour s'incliner respectueusement face à Sion en lui annonçant qu'il pensait l'avoir retrouvé. Jabu s'imposa aussitôt en disant qu'il ne fallait plus traîner, et l'Atlante était d'accord. Il se tourna une nouvelle fois vers les cinq autres chevaliers de Bronze.
« Nous cherchons deux chevaliers d'Or. Nachi, Geki et Ichi sont déjà sur les traces de l'un d'entre eux. Shiryu et Seiya, je veux que vous les rejoigniez dans la forêt du nord, vous ne devriez pas avoir trop de mal à les trouver. Jabu, Ban, Shun et Ikky, vous accompagnerez Aioros. Hyoga, nous avons besoin de toi ici. »
Tous les chevaliers acquiescèrent. Les sept concernés saluèrent. Néanmoins, juste avant de sortir, Seiya prit un air pensif et se retourna vers Shaka.
« Tu devrais peut-être porter un masque non ? »
Mais le chevalier de Pégase se tut et partit au pas de course en voyant les yeux de la Vierge s'ouvrir sur des pupilles rétractées et cerclées d'iris glaciales.
Olympe – Hors du temps
Tous les dieux présents se turent devant l'aura froide et menaçante que libéra soudain Athéna. Plusieurs d'entre eux détournèrent les yeux en murmurant quelques paroles à leurs voisins. Zeus toussota en jetant un coup d'œil à sa femme, assise à côté de lui et qui observait froidement la jeune déesse, comme pour la mettre au défi de soutenir son regard. Le dieu des dieux leva soudain la main pour faire taire tout murmure et attirer l'attention. Ses yeux d'un gris orageux se posèrent sur Athéna.
« Aucun de nous ne sait ce qui a bien pu se passer avec tes chevaliers. Les dieux ne sont pas à la base de cette… malédiction.
- Qu'aurions-nous à faire de quelques mortels ? ricana Arès.
- Si l'un d'entre nous était à l'origine de tes problèmes nous serions au courant, ajouta Apollon pour calmer les esprits.
- Et d'où vient cette malédiction si elle n'est pas divine ? riposta Athéna. Les humains ne sont pas capables de produire de telles choses. Et ils n'ont aucun pouvoir sur les armures !
- Vraiment ? »
Tous se turent à nouveau en se tournant vers Hadés qui leur offrit un sourire arrogant. Athéna fronça les sourcils. Poséidon s'avança d'un air gêné.
« Ce que veut dire Hadés, c'est que tu sembles oublier que ce sont des humains qui sont à la base de ces armures. Donc logiquement, le problème doit venir de là…
- Voilà une bonne chose de réglée, les coupa Aphrodite qui n'aimait pas s'occuper des affaires qui ne la concernait pas.
- Désolé Athéna, mais nous ne pouvons rien pour toi » ajouta Zeus tandis Hera affichait un sourire satisfait.
La déesse de la sagesse se concentra pour garder son calme. Elle salua l'assemblée et lança, avant de se retourner :
« Très bien, je tenterai par tous les moyens de découvrir ce qui a engendré cette malédiction (son regard se posa sur le dieu des dieux) mais si la base du problème se trouve ici, je veux que le responsable le paye. »
Le dieu de la foudre hocha la tête, et Athéna tourna les talons pour rejoindre le Sanctuaire.
Forêt du nord – 17h30
Seiya avançait en grognant et se frayant difficilement un passage à travers l'épaisse végétation. A ses côtés, Shiryu se concentrait pour tenter de percevoir le cosmos des trois autres chevaliers de Bronze.
« Mission facile, mon œil ! s'énerva Seiya. Comment est-ce qu'on va les retrouver dans cette forêt ? Elle est immense ! »
Le Dragon ne répondit pas, toujours occupé à tenter de repérer leurs compagnons. Mais rien n'y faisait, Seiya avait raison, ils ne pourraient pas les retrouver dans ces conditions. Shiryu soupira en même temps que le chevalier de Pégase et tous deux s'arrêtèrent. Ils étaient au centre d'une petite clairière où les rayons du soleil parvenaient à percer à travers l'épaisse ramure des arbres anciens. Seiya proposa une pause que le Dragon accepta de bon cœur. Ils s'assirent sur un tronc renversé et attendirent quelques instants en silence. Shiryu ferma les yeux et leva son visage vers le ciel pour profiter de la chaleur agréable du soleil de Grèce. Son esprit dériva vers son maître. D'après Aioros, il se trouvait à l'infirmerie du Sanctuaire, et personne n'avait le droit d'aller le voir. Son état ne lui permettait aucune visite. Le Dragon serra les dents, se promettant qu'il trouverait le moyen d'arracher ces armures du corps des chevaliers d'Or. De n'importe quelle façon, il mettrait fin aux souffrances qui les habitaient. Il se calma en se concentrant sur l'air doux et chaud. Inutile de s'énerver, ça ne servirait à rien. Tout comme Sion et les autres, il fallait qu'il garde son sang froid et qu'il réfléchisse méthodiquement. Qu'est-ce qui avait entraîné ces sortes de fusions, de mutation… Comment dire… cette « malédiction » ! voilà le mot. C'était là la véritable question qu'il devait se poser.
« Hé ! Viens là le chien ! Allez approche ! »
Les exclamations de Seiya sortirent Shiryu de ses pensées et il rouvrit les yeux pour les poser rapidement sur l'énorme canidé qui s'était arrêté devant eux, les fixant de ses yeux vairons aux pupilles fixes. Le Dragon sentit son pouls s'accélérer et bloqua sa respiration. Pégase, quant à lui, s'avançait en souriant, une main tendue en avant pour caresser l'animal dont les crocs démesurés commençaient à apparaître. Shiryu se leva, tremblant légèrement et réussi à atteindre son ami et a poser sa main sur son épaule avant qu'il ne se soit trop avancé.
« Seiya… ce n'est pas un chien… » lâcha le Dragon dans un souffle. Le garçon aux cheveux bruns tourna vers lui un regard intrigué. Puis il se retourna vers l'animal qui s'était mis à gronder sourdement en dévoilant sa dentition de nacre. Le pelage noir et hérissé du canidé qui se dressait avec colère sur ses muscles puissants finit par faire prendre conscience au chevalier qu'il s'était trompé.
« Non en effet, c'est pas un chien » marmonna Seiya en reculant maintenant, Shiryu toujours accroché à lui sans lâcher le molosse des yeux.
« C'est un loup, mais il est énorme » ajouta le Dragon. A ces mots, Pégase sembla se rendre compte de quelque chose, ses yeux s'écarquillèrent de surprise, puis se mirent à briller comme s'il allait pleurer.
« Oh non ! C'est Nachi ! »
Shiryu s'arrêta net en observant son compagnon comme s'il était fou, se demandant si Seiya avait vraiment compris la situation. Mais avant qu'il n'ait pu lui apporter son raisonnement, le garçon s'était déjà précipité vers le loup pour le réconforter. A cet instant, une ombre sortit des fourrés pour venir s'accrocher à l'encolure du canidé.
« Enfin ! Je t'ai cherché partout ! » s'écria Nachi, tout sourire, en caressant la large tête de l'animal qui ravala ses crocs et aboya docilement. Seiya s'arrêta net dans sa course, observant d'un air incrédule le chevalier du Loup qui enlaçait le monstre en lui disant qu'il devait aller moins vite pour ne pas semer tout le monde. Shiryu posa une main sur son front d'un air apitoyé et s'avança vers Seiya, encore bouche bée.
« On t'a pourtant expliqué que les chevalier d'Or étaient les seuls touchés… »
Un nouveau bruit retentit dans les fourrés et bientôt Geki apparut, suivi de Ichi qui semblait à bout de souffle et qui dut aller s'accrocher au bras de l'Ours pour ne pas tomber de fatigue. Celui-ci ne sembla même pas s'en apercevoir et tourna la tête vers les deux chevaliers avant de leur sourire.
« Tiens ! Qu'est-ce que vous faites là ? Vous cherchez la petite bête vous aussi ?
- Sion nous a demandé de vous rejoindre pour vous prêter main forte, les informa Shiryu.
- Tant mieux, lança Nachi qui venait de perdre le sourire attendri qu'il réservait à son compagnon à quatre pattes. Même à trois je ne sais pas si on aurait fait le poids. »
Geki hocha la tête, son visage se durcissant.
« On sait pas vraiment à quoi s'attendre, mais on a déjà retrouvé des tas de carcasses d'animaux dépecés et des arbres arrachés comme de vulgaires allumettes, dit l'Ours en pointant du menton le tronc sur lequel s'étaient assis auparavant le Dragon et Pégase (ceux-ci frémirent en observant l'arbre mort).
- Il n'est plus très loin, ajouta Nachi. Orthros est de plus en plus énervé.
- De toute façon, même sans ton chien on n'aurait aucun mal à le suivre à l'odeur » grogna le chevalier de l'Hydre en grimaçant.
Seiya hocha la tête, prêt à affronter tout ce qui se présenterait à lui. Shiryu se demanda simplement si les trois chevaliers étaient vraiment aveugles au point de croire que l'animal de compagnie de Nachi n'était qu'un chien.
Un cri retentit soudain, non loin d'ici. Un cri aigu et implorant. Un cri humain. Orthros dressa les oreilles et se mit à grogner avant de partir dans une course effrénée en direction du bruit. Nachi se redressa d'un bond et se lança à la poursuite du loup. Geki leur cria de se dépêcher et les deux chevaliers s'élancèrent à la suite de leurs compagnons.
Sud du village de Silao – 17h40
Shun était aux anges. Ikky quant à lui, avait hâte de descendre. Moi qui m'étais promis de ne jamais monter sur une de ces bestioles, songea amèrement le Phénix qui avait une peur panique des chevaux. Aioros se posa enfin. Ses ailes dorées fouettèrent l'air un instant puis il soupira de soulagement, heureux d'avoir réussi son atterrissage. Les quatre chevaliers descendirent de son dos, Ikky encore tremblant, Ban complètement vert à cause du mal de l'air et Jabu rageant en marmonnant qu'il aurait besoin la prochaine fois d'un escabeau pour descendre sans se fouler la cheville.
« Vous allez bien ? » demanda le Sagittaire d'un air inquiet.
Tous hochèrent la tête. Aioros sourit.
« Tant mieux. Vous savez, je ne suis pas encore bien habitué à emprunter la voie des airs. Je m'écrase presque à chaque fois » ajouta-t-il en riant nerveusement. Cette remarque, loin d'amuser les quatre chevaliers, les fit avaler difficilement leur salive, à l'exception de Shun qui s'était empressé d'assurer au Sagittaire que son vol était parfait.
Très vite, ils se mirent en route vers l'endroit où Aioros avait aperçut celui qu'ils cherchaient. Le Sagittaire ne dit plus rien, tandis qu'ils s'avançaient dans une forêt aux arbres suffisamment parsemés pour que les rayons du soleil viennent jaunir une herbe pauvre en surface. Le sol était vallonné et couvert de cailloux tranchants sur lesquels ils trébuchèrent plusieurs fois. Le centaure repensa à la créature monstrueuse qui s'était présentée à lui, feulant sourdement à son approche. Il baissa la tête, sa gorge se noua et ses poumons lui semblèrent soudain manquer d'oxygène. Son frère ne l'avait pas laissé s'approcher, même lorsqu'il lui avait assuré vouloir l'aider. Et maintenant, ils étaient cinq, et prêts à combattre pour le ramener de gré ou de force au Sanctuaire. Là-bas, Aioros savait ce qui attendait le chevalier du Lion, mais il préférait ne pas y songer. Tout comme le deuxième chevalier manquant et le Poissons qui s'était montré incontrôlable, son frère serait drogué par les médecins du Sanctuaire pour rester dans un état léthargique afin de ne plus représenter aucun danger.
Infirmerie du Sanctuaire – 17h20
Hyoga entra à la suite de son maître dans la chambre à la lumière tamisée. Il fut surpris de voir la couleur des murs, d'un jaune non agressif, et les rideaux orange clair presque transparents qui offraient une sensation de sérénité absolue. Camus se tourna vers lui tandis que le Cygne laissait son regard glisser sur toute la surface de la pièce. Le Verseau sourit.
« Cette couleur est parfaite pour calmer l'esprit. »
Hyoga tourna la tête vers lui et acquiesça. Le Français perdit son sourire. Il s'avança jusqu'au lit dressé au fond de la pièce, près de la fenêtre où résonnait doucement la mélodie de quelques oiseaux. L'adolescent s'approcha à son tour et sursauta en découvrant Dokho, allongé et parfaitement calme. Ses paupières closes et sa respiration régulière lui apprirent qu'il dormait paisiblement. Pendant que Hyoga observait le chevalier de la Balance sans comprendre, Camus s'affaira sur la table qui bordait le lit et se retourna finalement vers son compagnon, une seringue à la main. Le jeune Japonais posa alors ses yeux bleu gris sur les mains gantées de son maître. Sa question les concernant lui brûlait les lèvres mais il ne dit rien, attendant que le Verseau ait fini ses soins et retire l'aiguille du bras du chevalier de la Balance. Lorsque ce fut fait, Camus alla déposer la seringue sur une autre table et se tourna vers son disciple pour lui expliquer :
« On ne sait pas pourquoi, mais chacun de nous retrouve sa forme et ses pouvoirs normaux lorsqu'il s'endort. L'esprit de nos armures doit s'endormir en même temps, ça parait logique. Toutefois, comme tu t'en doutes, certaines d'entre elles n'ont aucune envie d'abandonner le pouvoir qui leur est donné maintenant qu'elles possèdent un corps et quelques chevaliers d'Or sont forcés à rester éveillé, ce qui explique leur état de fatigue. Normalement, on ne drogue que ceux qui se montrent violents et incontrôlables, mais Dokho souffrait physiquement en permanence, il a donc fallut le maintenir dans le sommeil. »
Hyoga écouta toute l'explication du Verseau avec la plus grande attention. Il se sentit désolé pour le maître de Shiryu et pour le Dragon lui-même. Néanmoins, une chose l'étonnait.
« Et vous maître ? Vous n'avez… pas changé… » fit-il remarquer en fixant les gants noirs du Français. Celui-ci sourit légèrement à nouveau.
« C'est parce que j'ai réussi à obtenir une trêve. Je suis en accord avec mon armure, je peux donc vivre à peu près comme avant.
- Et ces gants ? »
Camus fixa ses mains disparaissant sous le tissu sombre. Il retira l'un des deux obstacles à son toucher, s'approcha du plateau repas sagement posé sur un chariot, contre un mur de pièce, et empoigna le verre d'eau. Celui-ci, verre et liquide, fut instantanément changé en glace. Le Verseau lâcha l'objet qui alla s'écraser au sol dans un million de petits éclats brillants comme des diamants. Puis il enfila à nouveau son gant.
« Je ne maîtrise pas ce pouvoir » avoua-t-il finalement et se retournant vers le jeune homme aux cheveux blonds. Hyoga acquiesça en silence, contemplant encore les morceaux éparpillés qui commençaient déjà à former une mare glacée en fondant. Camus reprit :
« Finalement, nos pouvoirs ont augmentés. Shaka ne paye pas de mine, mais ses méditations le conduisent apparemment là où il n'avait jamais pu aller auparavant, et tous ses pouvoirs psychiques ont été décuplés.
- En effet » marmonna Hyoga qui se retenait néanmoins de se laisser aller à un fou rire. Le Verseau s'en aperçut bien vite et sourit à nouveau. Lorsque le Cygne réussi à se calmer, il demanda :
« Mais tous les chevaliers qui ne se trouvent pas dans ce bâtiment sont donc en accord avec leur armure ? »
Camus fronça les sourcils et baissa les yeux.
« Non. Les deux chevaliers qui ont quitté le Sanctuaire seront endormis dès qu'ils reviendront. C'est aussi déjà le cas du chevalier des Poissons. Il est devenu fou de rage et ivre de violence et a tué plusieurs gardes.
- Pourquoi n'est-il pas ici ? »
Le Français se gratta la nuque d'un air ennuyé.
« Il était impossible de le déplacer pour le cas où il se serait réveillé, il lui fallait un point d'eau à proximité. Shaka s'occupe de ses piqûres toutes les trois heures. Normalement… Shura et Aldébaran devaient eux aussi finir dans cet état, mais Mü et moi avons réussi à convaincre Sion d'attendre encore un peu. Je pense qu'ils sont en plein combat avec leurs armures et ils ont peut-être une chance d'entrer eux aussi en accord avec eux même.
- Mais… dans ce cas pourquoi ne pas laisser leur chance aux autres chevaliers ? Même s'ils sont violents…
- C'est injuste, je sais, mais si nous n'agissons pas ainsi c'est tous les autres qui se retrouveraient en danger. »
Hyoga se tut. Son maître avait raison, c'était bien trop dangereux, il l'avait compris en voyant le Bélier pour la première fois. Son regard glissa à nouveau sur Dokho qui semblait si serein. Puis la voix de Camus le tira à nouveau de ses pensées pour lui demander de l'aider à certaines taches auprès des chevaliers encore éveillés. Le Cygne acquiesça en souriant, répondant qu'il serait ravi de les aider de quelque façon que ce soit. Le Verseau attendit que son élève quitte la pièce pour laisser son visage afficher à nouveau la froideur qui le définissait. Il lui avait menti et il s'en voulait. Il n'avait jamais été en accord avec lui-même, mais contrairement à beaucoup d'autres, il avait su s'entretenir longuement avec son armure. Elle l'aiderait. Elle le lui avait promis. Il ne ressentait en elle aucune violence, aucune animosité, elle était prête à l'aider et c'était un soulagement pour lui. Celle de Milo avait conclu un pacte avec le Grec : il devait arriver tout seul à se retrouver, à obtenir enfin le calme tant désiré en lui-même, à évincer tout ce qui risquait de le détourner un jour de sa voie de chevalier. Alors elle l'accepterait en tant que tel et lui rendrait les commandes de son corps. Le Français sentit son cœur se serrer en imaginant son compagnon combattre à tout instant au plus profond de son être pour mériter de reprendre le contrôle de son propre corps.
Forêt du nord – 17h32
Ils arrivèrent trop tard, sans doute de quelques secondes, mais le corps maintenant inerte qui vint s'écraser devant eux avait arrêté de hurler peu de temps avant qu'ils ne pénètrent enfin dans la clairière beaucoup plus grande que la précédente et traversée d'une rivière. La jeune fille était totalement disloquée et choyait sur le sol dans une position improbable pour un corps ayant été pourvu d'articulations. Un peu au-dessus de son bassin, une longue marque rougeâtre barrait son ventre là où la tenaille s'était refermée pour la soulever à plusieurs reprises avant de la frapper contre tout obstacle rencontré. Les cinq chevaliers s'étaient figés, et observaient avec horreur la créature monstrueuse qui les fixait de ses yeux sans vie formés de deux billes bleu marine. Son corps imposant aux contours arachnoïdes était encore orné, ça et là de quelques morceaux de tissu déchiré. Un gargouillement écœurant s'échappait de sa gueule béante ornée de plusieurs rangées de dents, comme un avertissement. Avant qu'aucun d'eux n'ait pu bouger, Orthros, qui n'avait cessé d'aboyer depuis qu'ils étaient entrés dans la clairière, se rua soudain sur le monstre. Nachi poussa un cri de protestation en voulant se lancer à sa poursuite mais Geki le rattrapa brusquement et fermement par les épaules. Le Loup eut beau se débattre avec force, il ne put se détacher de l'emprise de son ami et assista sans défense à la scène durant laquelle son compagnon à quatre pattes fut comme fauché par l'une des pinces énormes de la créature avant d'être frappé violemment contre terre, puis renvoyé vers eux. Le grand chien poussa un faible gémissement au premier choc, puis atterrit durement devant Nachi lorsque l'étau d'acier le libéra. Celui-ci se délivra alors des bras de Geki pour courir au chevet de son animal. Seiya et Shiryu semblèrent alors reprendre conscience en voyant les yeux inexpressifs du monstre se fixer sur l'adolescent accroupi près du loup.
« Nachi ! Reviens ! » cria le chevalier de l'Hydre au bord de la panique. Mais déjà, leur adversaire à l'allure de crabe gigantesque laissa échapper une sorte de rugissement long et grave avant de se précipiter vers sa nouvelle proie. Les adolescents sentirent tous la nausée et la migraine les envahir lorsqu'ils furent frappés par l'odeur atroce de marée et de pourriture qui émanait du corps du monstre à moitié cuirassé. Le Dragon réagit le premier et courut lui aussi vers la bête pour la devancer et protéger le Loup. Il venait de dépasser le garçon et le grand chien quand Seiya se reprit à son tour et s'élança lui aussi, bien vite suivit de Geki et Ichi, vers la créature de presque trois mètres. Shiryu déclencha son attaque lorsqu'il arriva au niveau de la mâchoire du monstre.
« Rozan Shô Ryû Ha ! »
Le coup percuta de plein fouet la gueule dentée du crustacé géant dans un bruit d'os rompus. Le jeune homme aux cheveux noirs recula aussitôt tant la violence du choc l'avait ébranlé lui-même. Le monstrueux crabe émit un grincement sec tandis que ses triples mâchoires s'ouvraient et se refermaient dans le vide. Shiryu sentit ses compagnons arriver à son niveau, il se retourna un court instant pour leur crier :
« Il faut qu'on l'attaque à plusieurs tant qu'il est freiné dans sa course ! »
Il n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit qu'une sorte de long fouet vint le frapper avec une force explosive, tailladant son ventre dans toute sa largeur. Seiya stoppa avec effroi en voyant le corps de son ami voler sur plusieurs mètres. L'Ours et l'Hydre en profitèrent pour attaquer de front le monstre qui semblait aussi vif qu'imposant. Le poing de l'Ours, accompagné d'un hurlement de colère, frappa verticalement le crâne du crustacé qui frôla le sol en s'abaissant sous la puissance du choc, tandis que les griffes de l'Hydre, qui avait sauté sur le dos du monstre, transpercèrent sa carapace avant d'y rester prisonnières. Le chevalier fut stupéfait de voir les pointes de métal tomber aussitôt ; elles avaient traversé à peine un centimètre de cette peau rigide. Un bruit siffla à ses oreilles et Ichi s'éloigna d'un bond rapide pour éviter l'une des longues antennes fines qui avaient frappé le Dragon.
« Ce n'est pas la peine ! » gémit-il. « Mon poison ne lui fera rien ! »
L'Ours se recula à son tour pour laisser Seiya exécuter son « Pegasus Ryu Sei Ken » et vint se placer près de l'Hydre. Il grimaça en sentant la douleur s'insinuer dans son bras, celui qui avait frappé son ennemi. Tout son membre était engourdi comme s'il avait percuté une surface aussi solide… que celle d'une armure d'Or. Geki grogna en entendant l'Hydre qui n'avait pas fini ses plaintes.
« Dans ce cas t'as qu'à l'occuper pendant qu'on s'acharne sur lui » lui grogna-t-il soudain, en jetant un coup d'œil en arrière pour voir si le Loup et le Dragon étaient prêts à combattre. Shiryu s'était relevé et revenait vers eux en se tenant le ventre, mais il semblait déterminé malgré la souffrance qui se lisait sur son visage. Nachi avait emmené Orthros à l'abri et était maintenant tout à fait apte à s'engager dans la lutte, s'avançant vers ses compagnons d'un pas sûr. Le Loup avait repris cette expression que l'Ours connaissait si bien, un visage fermé et un regard froid et profond cachant un esprit d'analyse qui l'avait toujours impressionné.
« T'es marrant ! Toujours le meilleur rôle pour moi ! » se plaignit encore Ichi en observant Pégase revenir lui aussi, presque à bout de souffle.
« Est-ce qu'on ne pourrait pas essayer… de lui parler ? » demanda soudain Shiryu qui était revenu à leur niveau. L'Ours, le Loup et l'Hydre l'observèrent longuement.
« Je ne crois pas » répondit enfin Geki en grimaçant. « Tu sais, on a vu de quoi étaient capables ceux qui ne savent plus se contrôler, et je pense que le mieux à faire ce serait de le mettre hors d'état de nuire pour pouvoir le ramener au Sanctuaire. »
Le Dragon acquiesça en baissant les yeux. Seiya les rejoignit enfin en soufflant bruyamment.
« Mes coups ne lui font rien ! » beugla-t-il. « Sa carapace est trop épaisse ! »
Le monstre fixa à nouveau les deux billes océan qui formaient son regard sur le groupe d'adolescents. Sa lourde plainte grave recommença, signe qu'il allait repasser à l'attaque.
« Attention ! » prévint Shiryu en s'écartant, très vite suivi des autres. La bête fonça dans un bruit monstrueux, telle une trombe écumante. Il freina sa course à l'endroit même où les cinq chevaliers s'étaient trouvé moins d'une seconde plus tôt et l'une de ses antennes se détendit soudain pour venir frapper l'Ours de plein fouet, l'envoyant au sol. Nachi revint aussitôt vers lui pour l'aider mais l'une des pinces énormes du homard le devança et se referma sur Geki qui poussa un cri de douleur et de surprise. Ichi et Shiryu foncèrent vers le bras du monstre pour le frapper avec force afin de le faire lâcher prise, mais ils comprirent bien vite que la cuirasse du crustacé était la plus épaisse à cet endroit, ainsi que sur son crâne. L'étau se souleva donc, emportant le chevalier qui se débattait comme un fou et tentait de desserrer les pinces qui l'emprisonnaient en lui écrasant l'abdomen. Seiya renouvela son « Pegasus Ryu Sei Ken » vers le visage du monstre en espérant amèrement que cela suffise à détourner son attention, mais rien n'y fit. C'est alors qu'un rugissement assourdissant s'échappa de la gueule béante du crustacé. L'étau ne lâcha pas prise mais dut desserrer son étreinte car Geki, grâce à sa force colossale, réussi enfin à s'en extirper avec quelques jurons et son bras droit hors d'usage. Nachi réapparut près des pattes de l'animal cuirassé, son visage et son armure teintés d'un liquide pourpre ; un sang qui n'était pas le sien, mais bien celui du monstre. Il savait ! Il avait découvert son point faible ! Il voulut crier quelque chose aux autres mais le gigantesque homard ne lui en laissa pas l'occasion ; d'un geste si rapide que personne n'eut le temps de le distinguer, l'une des pattes rigides surmontés d'une griffe noirâtre transperça le Loup au niveau du ventre, lui arrachant un cri étouffé par une gerbe de sang de la même couleur que celui qui luisait auparavant sur son torse.
Sud du village de Silao – 18h00
L'attaque fut soudaine et inattendue. Les chaînes d'Andromède ne repérèrent que trop tard l'énorme fauve qui eut le temps de faucher Ikky et Jabu. Les deux chevaliers allèrent s'écraser de chaque côté du groupe contre le premier arbre qui voulut bien les réceptionner. Aioros réagit aussitôt en libérant une flèche dorée qui se planta entre les pattes de la bête, la stoppant vivement dans son carnage à peine entamé. Le monstre s'arrêta net en fixant le projectile qui l'avait manqué de peu. Le pelage fin, semblable à des fils d'or recouvrant son corps de félin humanoïde se hérissa, tandis que ses mâchoires s'écartaient légèrement pour laisser apparaître ses deux rangées de crocs meurtriers. Le fauve leva vers le Sagittaire ses yeux safran brillant d'une lueur carnassière. Ban et Shun s'empressèrent de venir se placer près du Grec et se mirent en position de combat.
« Aiolia… » murmura avec peine le centaure. « Désolé mais nous devons te ramener coûte que coûte. »
Il banda à nouveau son arc formé de cosmos, baignant dans une lumière dorée. Shun cherchait son frère des yeux tout en essayant de ne pas perdre de vue l'énorme fauve qui grondait en s'avançant à nouveau. Ban restait silencieux, son regard déterminé fixé sur leur adversaire. Le Lion se redressa sur ses larges pattes arrière, le dos courbé, son pelage se hérissant en signe d'avertissement. Puis soudain, il repartit, chargeant les trois chevaliers dans un rugissement tonitruant. Son choix s'était arrêté sur le plus jeune, celui qui à son goût semblait le plus faible. Une proie facile. Shun eut le temps de créer une barrière de ses chaînes avant que les griffes imposantes ne le déchirent. Mais à sa grande surprise, le poing du Lion entra en contact avec le sol, déchargeant une explosion d'énergie crépitante que Aioros reconnut aussitôt : le « Lightning bolt ». La pression augmenta en flèche autour du jeune garçon aux cheveux vert qui crut un instant que son corps allait partir en lambeaux.
« Lionnet Bomber !
- Ligntning Arrow ! »
Une centaine de flèches de cosmos partirent à une vitesse foudroyante vers l'animal qui esquiva tout aussi vivement en sautant, libérant ainsi le chevalier d'Andromède. Ban profita de la position du Lion pour lui envoyer son attaque directement dans les airs sans qu'il puisse l'esquiver. A peine son poing eut-il frôlé la mâchoire entrouverte de la bête qu'une explosion les repoussa tous les deux dans un cortège de flammes. Le Lionnet atterrit sur ses jambes. Le Lion en fit de même, puis se servit aussitôt de la force de sa chute pour se propulser vers le Sagittaire qui, à nouveau, faisait naître un arc entre ses mains. A cet instant, Aioros aurait pu mettre fin au combat ; si l'hésitation n'avait pas ralentis son geste. Les griffes de la bête s'abattirent dans une traînée d'éclairs crépitants.
Temple des Gémeaux – 17h50
Les cris déchirants qui emplissaient maintenant le temple, se répercutant contre les surfaces glaciales des murs de pierre ou de marbre, ces cris devenaient insoutenables. Hyoga, ne pouvant plus tenir, porta vivement ses mains à ses oreilles dans l'espoir d'échapper à la mélodie atroce de ces hurlements de douleur. Ses yeux gris restaient néanmoins rivés sur le spectacle terrifiant qui se déroulait devant lui, sans qu'il puisse en détourner le regard. Kanon avait de plus en plus de mal à maintenir son frère immobile, toutes ses paroles rassurantes n'y faisaient rien, et le Cygne avait même la certitude que Saga n'entendait plus rien à présent. Camus, toujours muet, mais dont les gestes hésitants et quelque peu maladroits trahissaient la tension qui l'habitait, plongeait une seringue dans un liquide translucide destiné à calmer le Gémeaux. « Cette quantité devrait pouvoir l'assommer pendant deux bonnes heures. » avait dit le Verseau, mais aucun de ses deux compagnons, ni son élève, ni l'ex-Marina n'avaient semblé l'entendre parmi les cris du jeune homme allongé dont les longs cheveux, comme le corps, poissés de sueur et d'angoisse, s'étalaient, se contorsionnaient, et luttaient contre la douleur. Tout son corps témoignait de sa lutte violente pour repousser le mal bien présent sur son visage pâle, déformé par une souffrance incessante et ressortant sur l'entendue de sa chevelure océan. Chevelure qui, comme par un effet d'optique, semblait prendre tantôt des teintes marines, tantôt celles d'un ciel orageux.
« Saga ! Calme-toi ! C'est moi ! Kanon ! SAGA ! »
Le jeune frère dut pour toute réponse essuyer un coup de poing brutal qui l'atteignit à l'épaule droite. L'ex-Marina ne recula pas et resserra son emprise sur le corps de son aîné, s'appuyant de tout son corps sur celui, fou de rage, de Saga. L'homme dont le combat interne était invisible à la vue de tous n'en devint que plus violent. Les coups commencèrent à pleuvoir avec sauvagerie. Camus, qui venait de terminer la préparation du remède aphrodisiaque, se précipita pour porter mains forte à Kanon, laissant échapper la seringue qui tomba au sol mais resta, par chance, intacte. Voyant cela, Hyoga accourut aussi, abandonnant son ouïe à l'agressivité des hurlements. Déjà le sang nappait le bas du visage du Gémeaux, s'échappant de son nez, de sa bouche, comme la raison s'extirpant de son esprit. Le liquide pourpre et odorant commença à s'écouler de ses oreilles et ses cris redoublèrent. Ses coups, néanmoins, cessèrent instantanément et le jeune homme aux cheveux marins agrippa son visage ensanglanté de ses mains très vite souillées de cette abjecte couleur rouge. Camus en profita pour ramasser la seringue tandis que Kanon continuait à appeler son frère et que Hyoga observait avec terreur les doigts de Saga se refermer sur son visage, sur son esprit meurtri. Ses ongles s'enfoncèrent rapidement dans la chair de son front, puis commencèrent à se recourber, à s'arracher de ses mains comme s'ils avaient rencontré un obstacle trop résistant pour eux. Le Verseau mit fin à l'horreur en plantant avec vitesse et précision l'aiguille dans le bras replié de l'ancien traître. Le liquide transparent s'écoula, se mêlant à celui, d'un rouge brillant, qui coulait dans les veines du Gémeaux. Celui-ci hurla encore, durant plusieurs secondes qui leurs parurent interminables, puis sa voix s'éteignit. Ses bras retombèrent, emportant ses mains qui libérèrent enfin son visage dont la couleur immaculée disparaissait maintenant sous une mer noirâtre qui coagulait déjà.
Le Cygne et le Verseau franchirent l'entrée du temple des Gémeaux dans un silence sépulcral. Hyoga marchait la tête basse, encore sous le choc de ce à quoi il avait assisté : la souffrance qui déchirait Saga, mais aussi les larmes horrifiées qui s'étaient mises à couler sans retenue sur les joues échauffées du marina. Comment pourrait-il imaginer ce qu'il ressentait ? Le jeune homme russe essaya de s'imaginer la façon dont il aurait réagi si ce mal avait atteint l'un de ses demi-frères avec qui il avait partagé tant de choses, tant de moments douloureux. Il n'était pas sûr d'avoir eut la force, dans ce cas, d'agir comme l'avait fait Kanon. Peut-être serait-il resté simplement pétrifié devant le visage de la Douleur. La voix de son maître, plus douce qu'à l'accoutumé, l'arracha à ses pensées :
« Tu n'es pas obligé de me suivre dans le temple suivant… »
Hyoga releva la tête pour poser son regard bleu gris dans celui du Verseau.
« Je voudrais… vous être utile maître… Pas seulement à vous, mais aussi aux autres. »
Cette requête parut surprendre le chevalier des glaces qui resta silencieux. Mais il parvint finalement à laisser apparaître un faible sourire. Il n'avait pas le droit de vouloir empêcher son élève de venir en aide aux autres. Ce fut donc d'un pas sûr qu'ils se dirigèrent tous deux vers le temple qui se dressait un peu plus bas, celui du Taureau duquel s'échappait un cosmos agressif et dangereux, destiné à mettre en garde quiconque oserait s'approcher du maître des lieux.
Forêt du nord – 17h40
Nachi chancela sur quelques mètres, ses mains fermement accrochées à son ventre ouvert, puis il chuta. Geki le rattrapa avant qu'il ne touche le sol, le saisissant délicatement par les épaules malgré la panique qui l'habitait.
« Nachi ! Est-ce que tu m'entends ? »
Le autres n'attendirent pas la réponse improbable du Loup dont les iris noirs venaient de disparaître sous ses paupières. Ils s'élancèrent tous les trois dans la direction du monstre, plus déterminés que jamais à faire cesser ce massacre par tous les moyens.
« Pegasus Ryu Sei Ken !
- Rozan Shô Ryû Ha !
- Lac Holts' Song ! »
Les innombrables coups de Pégase ricochèrent à nouveau sur la carapace indestructible du crustacé. L'attaque de Shiryu n'eut pas plus d'effet. Ichi, suite à son invocation, déclencha un ouragan de vents hurlants et griffants qui emplirent la clairière comme des centaines de serpents. Le crabe monstrueux laissa échapper une plainte en sentant son corps se soulever lentement, comme arraché au sol. Ses longues pattes fines ornées de griffes noirâtres se débattirent un instant, puis la mélodie plaintive de sa voix changea. Un hurlement bestial qui semblait irréel dans la gueule du crustacé retentit avec fureur. Le chevalier de l'Hydre ne put s'empêcher de stopper son attaque en entendant ce cri qui résonnait de façon si humaine à ses oreilles. La bête retomba, parcourant en sens inverse le faible mètre sur lequel elle s'était élevée. Son poids imposant défigura la surface tranquille de la clairière dans un bruit terrible. Seiya et Shiryu rejoignirent Ichi pour faire face à la créature dont les yeux brillaient comme une mer déchaînée. Ses mâchoires s'élargirent dans une mimique qui suggérait la colère. Shiryu fut secoué d'un hoquet de terreur ; ce monstre semblait humain, tellement humain…
« Les articulations au niveau des pattes ! »
Les trois chevaliers se retournèrent, laissant le temps au crabe géant de se préparer pour une nouvelle charge. Geki, portant Nachi sur son dos leur cria à nouveau :
« C'est là qu'il faut attaquer ! A la base des pattes ! »
Les trois adolescents acquiescèrent puis se retournèrent juste à temps pour éviter de se faire écraser par le crustacé géant. Seiya fut le plus rapide. A peine eut-il esquivé qu'il se précipita à nouveau vers le crabe. Shiryu et Ichi s'en aperçurent et tentèrent d'attirer sur eux l'attention de leur adversaire. Les griffes de l'Hydre jaillirent pour venir ricocher contre son crâne robuste et le poings du dragon s'abattit sur la pince que le monstre avait eu le temps de replier devant lui. Le jeune chevalier de Pégase profita de l'ouverture pour passer entre les pattes tranchantes de l'animal. Il repéra aussitôt le liquide rougeâtre qui s'écoulait à partir de la base de l'une d'elle. Là où Nachi l'a frappé ! triompha-t-il. Et sans perdre un instant, il acheva de détruire cette partie sensibilisée d'un coup précis et dévastateur.
« Pegasus Sui Sei Ken ! »
L'attaque fit littéralement voler en morceaux le membre cuirassé du crabe géant qui laissa échapper un rugissement de surprise et de douleur. Un flot sanglant prit place là où sa deuxième « jambe » gauche s'était trouvée quelques secondes plus tôt.
J'ai… réussi ? Est-ce qu'il…
Mais les pensées du jeune homme brun ne purent aller plus loin. Fou de rage, de douleur et de vengeance, le monstre ouvrait déjà une gueule béante en se tournant vers Seiya. Celui-ci crut entendre des plaintes mêlées de différentes voix, comme une mélodie funeste s'échappant du nuage violacé et puant la mort qui s'écoulait des mâchoires désarticulées de la bête. Une voix siffla douloureusement à ses oreilles, comme le son strident d'une craie contre un tableau : « Seki shi ki mei kai ha ! ».
Tuer ! Le tuer ! La douleur est trop grande ! Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je brûle comme ça ? Pourquoi… mon corps se désagrège ? C'est de leur faute ! A tous ! C'est donc ainsi que vous me voyez ? C'est votre vision ! votre poison à vous ! C'est vous qui m'avez rendu comme ça ! Alors tous ! vous allez mourir ! Je vous tuerez ! Puisque c'est ce que vous attendez de moi ! Je vous tuerez !
Ichi avait été fauché par l'une des grandes antennes du monstre mais il était parvenu à se réceptionner sans trop de mal. Shiryu et Geki s'étaient précipités vers la bête, espérant de tout cœur qu'ils puissent être assez rapides. A ce moment, un son retentit, le son clair d'un tintement cristallin. Comme celui d'un bijou. La créature se figea. Un court instant, mais ce fut bien suffisant aux deux chevaliers pour déclencher leurs attaques :
« Bear's Impact !
- Rozan Shô Ryû Ha ! »
L'Ours asséna un nouveau coup vertical, destiné plus à faire rater sa cible au crabe qu'à le blesser réellement. Mais Shiryu profita du moment où la bête, surprise et incapable de réagir pour une raison inconnue, frôlait le sol sous la pression de l'attaque de Geki, pour déclencher à son tour son coup avec une précision mortelle : juste sous la mâchoire du monstre qui, sous l'emprise des deux pressions, explosa.
Seiya sortit enfin de son état léthargique pour voir le monstre reculer en chancelant. La fumée violacée avait disparue, il n'y avait plus que la créature et son long râle emprunt de souffrance. Elle s'effondra. Ses yeux cobalt disparurent sous une fine membrane.
« Seiya est-ce que ça va ? »
Le chevalier de Pégase tourna la tête vers Shiryu et poussa un soupir exagérément bruyant.
« Ouf ! Je l'ai échappé belle ! Heureusement que vous étiez là ! »
Non… c'était quoi ce son ? Pourquoi… est-ce que je ne pouvais plus rien faire ? J'étais paralysé… C'était ta façon de me rappeler à l'ordre, c'est ça ? Pourquoi ! De quoi te mêles-tu ! Tu n'avais pas à t'interposer ! C'est toi qui as investi mon corps et l'a transformé en cette chose répugnante ! Tu n'as pas le droit ! Pas…
Seiya cessa de sourire en voyant le visage de Shiryu se durcir. Le Dragon, tout comme les trois autres chevaliers de Bronze (Geki était reparti chercher Nachi qui avait repris connaissance et le supportait maintenant en retenant le bras du Loup sur ses épaules) observait le corps inerte et baigné de sang du monstre. Le jeune homme brun fixa lui aussi son attention sur la bête et son regard s'emplit de stupeur lorsqu'il la vit changer. Sa taille diminua rapidement. Le sang commença à s'écouler plus lentement de ses plaies. Bien vite, la créature pris forme humaine. Son visage reprit ses traits d'origine. Seiya le reconnut aussitôt. Il semblait dormir profondément, même si le long filet pourpre qui s'écoulait de ses lèvres venait ternir cette douce image, quelques restes de vêtements le protégeaient encore, sa jambe gauche était très abimée. Le jeune japonais semblait perdu, il tourna la tête vers Shiryu et comprit enfin qu'il était le seul… à ne comprendre qu'à présent.
Sud du village de Silao – 18h10
« Ho Yoku Ten Shô !
- Unicorn Gallop ! »
La vague d'éclair ne fit que frôler le Sagittaire alors que le Lion était projeté à plusieurs mètres par les attaques combinées de Ikky et Jabu. Mais la bête se releva aussitôt, prête à repasser à l'attaque. Ikky rejoignit Aioros qui fixait toujours son frère, tandis que les trois autres chevaliers venaient à leur tour se regrouper autour d'eux.
« Il faut l'immobiliser, lança le Phénix. Ban et Jabu sont rapides, ils peuvent obliger le Lion à suivre une trajectoire non aléatoire. Shun, tu pourras alors le capturer et je me chargerais de le mettre KO. »
Le jeune chevalier d'Andromède hocha la tête d'un air résigné. Ikky se tourna vers les deux autres Bronzes qui acquiescèrent à leur tour. Puis il fit face au Sagittaire dont les yeux bruns emplis d'amertume étaient rivés au sol.
« On s'occupe de tout », lui dit-il enfin.
Le fauve chargea à nouveau, emplissant l'air qui l'entourait d'une pression étouffante et laissant derrière lui un sillon lumineux et crépitant. Ban et Jabu s'élancèrent dans un même cri de rage, préparant chacun leur attaque offensive la plus puissante.
« Explosive Sledgehammer !
- Drill Horn ! »
Les deux attaques percutèrent le sol avec violence. Le Lion rugit à nouveau en esquivant tant bien que mal les deux explosions dégageant flammes et morceaux de roche noircie. Sa trajectoire se précisa et Shun en profita. Ikky vit les chaînes de son frère partirent en direction de la bête et se précipita à leur suite. Les yeux bruns du demi fauve s'écarquillèrent lorsque le métal froid et dure vint l'emprisonner, bloquant tous ses membres, s'enroulant autour de son flanc. Il ne pouvait plus rien faire. La peur passa dans son regard. A cet instant, le Phénix apparu devant lui.
« Hô Ô Gen Ma Ken ! »
Un bref rayon partit de son poing pour se loger directement dans le crâne du monstre. Celui-ci se figea, le regard vitreux, les mâchoires à demi ouvertes. Soudain, son corps fut pris de soubresauts violents. Ses convulsions firent se resserrer les chaînes d'Andromède qui peinait à retenir le monstrueux animal.
« Je n'y arrive pas, gémit Shun qui était attiré vers le Lion en même temps que ses chaînes. Il est trop fort ! »
Jabu et Ban vinrent agripper les deux chaînes pour l'aider à tirer mais rien n'y fit. La bête sautait, ruait, griffait en poussant des cris d'une voix mi humaine mi animale. Ikky serra les dents ; il était pourtant certain que son attaque mettrait le Lion au tapis, mais au lieu de ça, elle l'avait rendu complètement fou. Le Japonais sentit soudain une présence près de lui. Il tourna la tête pour faire face à Aioros, un arc de lumière tendu entre ses mains. Son regard résolu était fixé sur le tourbillon de rage et de fureur qui se démenait entres les chaînes. Une flèche dorée apparut, visant le monstre.
« Attends Aioros ! Ce n'est pas la peine ! » cria Ikky.
Mais alors qu'il croyait déjà voir la flèche partir, celle-ci s'abaissa. Le visage du Sagittaire se détendit soudain, même si sa grande tristesse restait visible. A quelques mètres, le Lion venait de s'effondrer.
