Ca n'aurait pas du se passer ainsi… C'était censé être une simple mission de routine ! Alors pourquoi le sol était couvert de sang, de son sang ? Pourquoi son cœur de capitaine sanguinaire lui faisait si mal ? Pourquoi la forme affaissée au sol ne respirait plus ? Tant de pourquoi, et jamais aucune réponse… Zaraki Kenpachi ferma les yeux et hurla à la mort, sous la pluie diluvienne.
Quelques semaines auparavant : le capitaine de la onzième division, Zaraki Kenpachi, et sa lieutenant Yachiru s'apprêtaient à accueillir les nouveaux venus dans leur division. Comme d'habitude, il devait s'agir d'une bande de brutes assoiffées de combat à la coiffure bizarre. Et Zaraki s'ennuyait déjà à cette idée. La petite fille aux cheveux roses juchée sur son épaule avait au contraire l'air de bien s'amuser.
- Ken-chan, dépêches toi ! On va être en retard ! Va plus vite !
Le cruel capitaine grogna pour toute réponse. Il se fichait royalement d'arriver en retard, ces nuls attendraient bien deux minutes de plus, ils n'en mourraient pas.
Quinze minutes plus tard, après s'être perdus une bonne vingtaine de fois dans la Seireitei, les deux arrivèrent enfin aux quartiers de la onzième division, où les attendaient en rang une dizaine de Shinigami. L'un était un homme au crâne rasé nommé Ikkaku, un autre une sorte de bellâtre répondant au nom de Yumichika. Ils saluèrent leur capitaine lorsqu'ils le virent arriver.
- Yo, répondit Zaraki. Alors c'est ça les nouvelles recrues ?
Il observa les nouveaux vite fait, puis reporta son attention sur Ikkaku.
- Tu leur montres leurs quartiers, Yumichika s'occupe de leur passer les missions.
- Capitaine, intervint Yumichika. Je crois que vous devriez faire plus attention à ces nouveaux… Regardez, là, au bout.
Le capitaine suivit du regard la direction indiquée par son subalterne. Yachiru siffla d'admiration.
- Ouah, une fille ! Ken-chan, t'as vu ?
- Ouais… C'est bien la première fois qu'un élément féminin s'incruste dans la onzième division.
La jeune femme en question n'était pas très grande, des cheveux noirs attachés en queue de cheval, de grands yeux noirs vide d'émotion. Elle était plutôt mignonne, mais il y avait quelque chose d'inquiétant qui semblait se dégager d'elle. Son Zanpakuto, ceint du côté droit, était rangé dans un fourreau décoré joliment. Pourtant, lorsqu'on y regardait de plus près, on pouvait reconnaître un des coins les moins réputés du Rukongai, coin que connaissait parfaitement Zaraki Kenpachi pour y avoir vécu.
- Elle s'appelle Yue, pas de nom de famille, dit Ikkaku. Apparemment, elle vient du…
- Rukongai, acheva Kenpachi. Je le vois à son fourreau.
Le capitaine s'approcha de la jeune femme. Tous les nouveaux s'inclinaient sur son passage, à la fois impressionnés et terrifiés. Seule Yue resta impassible. Elle salua son nouveau capitaine, puis se remit droite, le regard perdu dans le vide. Kenpachi resta debout devant elle un long moment, puis il lui fit signe de le suivre.
- Toi, viens avec moi.
Yachiru sautilla de joie.
- Tu vas rester avec Ken-chan et Yachiru ! Tu vas voir c'est génial ici !
Et tous les nouveaux de regarder la lieutenant, éberlués. Elle appelait le terrible capitaine Zaraki Kenpachi… Ken-chan ?
Assis à son bureau, Yachiru sur une chaise à côté de lui, Zaraki lisait des rapports de mission. Dans un coin de la pièce, Yue s'occupait de trier la paperasse sans un mot. Zaraki l'observait parfois à la dérobée, intrigué par cette femme silencieuse.
Elle se leva et lui apporta plusieurs dossiers classés et parfaitement organisés.
- J'ai fini, dit elle dans un souffle, évitant de regarder son capitaine.
- Il lui prit les papiers des mains et y jeta un coup d'œil.
- C'est parfait… merci, finit il par dire avec un sourire. T'as qu'à aller te reposer maintenant.
Elle s'inclina légèrement, mais resta debout devant le bureau. Yachiru sauta de sa chaise et prit la jeune femme par la main.
- Viens, on va jouer dehors tant que Ken-chan travaille !
- C'est si rare, rit Yumichika qui venait d'entrer dans le bureau pour chercher les dossiers.
- Ta gueule, lui lança Zaraki en le fusillant du regard. La vie est faite pour s'amuser, pas pour s'emmerder avec des bouts de papier.
- Je suis d'accord avec Ken-chan, s'exclama Yachiru en levant la main. Tu viens Yue ?
La jeune femme fut déséquilibrée par le lieutenant. Elle se cogna contre Yumichika qui lâcha les dossiers… Tous les documents s'étalèrent au sol.
- NNNNNOOOOOOOOOOOOOONNNNNNN !
Cri de désespoir de Yumichika, qui observait d'un œil navré la tâche de travail qu'il allait encore devoir accomplir. Yue murmura quelques excuses, que seul Zaraki entendit, puis se baissa et commença à ranger. Ses gestes étaient lents et emplis de douceur et de grâce. Kenpachi soupira. Il se leva de son bureau et passa derrière pour aider Yue et Yumichika à ramasser les papiers.
- Je croyais t'avoir dit d'aller te reposer Yue, la sermonna t il.
- Mais capitaine, j'ai fait tomber les documents, il faut que je les trie à nouveau.
- Laisse nous faire, et va dehors, c'est un ordre. Ca fait une semaine que tu es là et je ne t'ai vu que bosser. Passer trop de temps dans un bureau vous rouille les articulations.
Yue releva la tête et pour la première fois observa son capitaine. Il s'était agenouillé à ses côtés, une liasse de papier dans la main qu'il tentait tant bien que mal d'organiser. Son air concentré arracha un sourire à la jeune femme.
- Merci.
Elle partit, suivant Yachiru toujours surexcitée.
Yumichika regardait Zaraki, un sourire en coin. Celui-ci surprit son regard.
- Quoi ? demanda t il, presque agressif.
- Vous êtes gentil avec elle. Est-ce que vous en pinceriez pour cette jeune demoiselle ? Je ne vous en blâme pas, elle est très jolie. Vous avez bon goût.
- Raconte pas n'importe quoi, râla Zaraki en lui fourrant tous les papiers entre les mains. C'est juste qu'elle me rappelle comment j'étais, autrefois.
Yumichika pleurait (pour de faux) devant tout le travail à faire. Il leva les yeux vers son capitaine, surpris que celui-ci évoque son passé.
Dans le jardin derrière le logement de Yachiru, là où vivait désormais Yue, les deux filles étaient assises dans l'herbe, un énorme goûter étalé sur une nappe devant elles. Lorsque Yue s'était étonnée de la quantité faramineuse de nourriture, Yachiru avait expliqué que c'était pour Ken-chan.
Cela faisait une semaine que Yue avait intégré la onzième division. Déjà, elle s'était liée avec Yachiru, seule autre fille parmi ces brutes. La petite fille était toujours d'humeur joyeuse et pleine d'entrain, tandis que Yue était calme et réservée. Comme l'avaient remarqué Ikkaku, Yumichika et Kenpachi, elle n'était pas dépourvue de sentiments, mais avait tendance à les cacher, déjà trop meurtrie par la vie pour vouloir s'exposer encore. Mais en compagnie de Yachiru, il lui arrivait de sourire franchement, et même de rire.
- Demain, il y a une réunion du club des femmes Shinigami, annonça Yachiru, un grand sourire aux lèvres.
- Qu'est ce que c'est ?
- Une réunion où on parle de tout et n'importe quoi ! S'exclama la petite fille, très enthousiaste. C'est toujours très drôle et on y mange bien ! Même qu'une fois, le capitaine Kurotsuchi a voulu squatter, mais Nanao-chan l'a fait fuir ! Parfois, elle est terrifiante Nanao-chan, plus que Ken-chan !
- Ca existe des gens comme ça ? Songea Yue incrédule.
- Dis, tu le trouves comment Ken-chan ? demanda soudainement Yachiru en regardant son amie dans les yeux
Yue avala de travers. Elle toussa un peu, les larmes lui montant aux yeux.
- C'est quoi cette question ? finit elle par pouvoir dire.
- Et bien je sais pas, je voulais juste savoir, dit Yachiru, un doigt posé sous son menton.
- C'est mon capitaine, je le respecte énormément, voilà… Et toi ?
Yue lui retournait la question pour ne pas avoir à approfondir sa propre réponse. Le regard de Yachiru se fit nostalgique.
- C'est Ken-chan qui m'a sauvé et qui m'a donné mon nom. On était tous les deux du Rukongai, sans famille. On s'est juré de devenir fort ensemble, et maintenant il est capitaine et je suis son lieutenant ! C'est super nan ?
Ayant retrouvée toute sa fougue, Yachiru se jeta sur un beignet pour le dévorer. Yue la regardait s'empiffrer en souriant tendrement. Quelque part, elle ne pouvait pas s'empêcher d'envier son lieutenant. Elle, personne n'était jamais venue à son secours.
