Ceci est un recueil qui rassemble quelques courts textes sur les personnages de ma fanfiction La Fin du Beau et du Vrai. J'en ajouterai sûrement au fur et à mesure et si vous avez des demandes, n'hésitez pas à m'en faire part.


Un jour


La guerre a tué Harold et Willie. Pourtant, il fut un temps où ils étaient vivants. Ils riaient, ils jouaient avec elle. Elle les a touchés de ses mains. Aujourd'hui, il ne reste d'eux que deux télégrammes et deux lettres d'officiers inconnus. Elle aura beau les appeler dans ses moments de tristesse, ils ne viendront pas. Bientôt leurs photographies lui paraîtront irréelles, comme la photographie de papa. Bientôt ce seront de vrais morts. Elle-même, lorsqu'elle sera devenue une grande personne, elle jettera de temps en temps un coup d'œil sur leurs portraits déjà démodés et dira : "C'étaient mes frères". Ils n'auront même pas la réalité d'un vieux jouet, qu'on retrouve dans un placard, plein de poussière et lourd de reproches...

Daphné du Maurier, L'amour dans l'âme


I


— Un jour, chuchote-t-il, je serai...

Il s'interrompt, mordille le bout de sa plume. À douze ans, comment savoir ce que la vie lui réserve ? Il pourrait devenir n'importe quoi. Est-ce le but de ce devoir ? Lui rappeler qu'il doit garder le destin bien en laisse ? Dehors, la neige tombe en flocons serrés, et le vent s'amuse avec. Il sent sa présence avant même de lever les yeux. L'air se comprime légèrement, les murmures des élèves diminuent et Evan Rosier se glisse nonchalamment entre les tables. Il est aussi jeune qu'Isaac, mais contrairement à lui, il y a quelque chose d'ancien dans son regard, quelque chose d'usé, comme s'il avait déjà vécu cette journée un million de fois.

— Toujours sur cette dissertation ?

— Comment suis-je censé savoir ce que je veux faire ? maugrée Isaac.

Rosier penche la tête pour parcourir du regard le parchemin presque vierge.

Un jour...

— Peut-être que tu pourrais écrire ce que tu ne veux pas être.

— C'est stupide.

— Alors, tu n'as qu'à faire comme si tu m'écrivais à moi.

Un jour, je serai quelqu'un de bien.

Quelqu'un de bien, répète pensivement Rosier. Ça ne veut rien dire, tu ne pourras pas être quelqu'un de bien pour tout le monde.

— Et pourquoi pas ?

— Ça ne marche pas comme ça.

Et Isaac songe avec amertume : Pourquoi est-ce que tout le monde ne pourrait pas m'aimer ?

Qu'est-ce que tu as écrit, toi ? demande-t-il plutôt.

— Moi, je peux mettre ce que je veux. Slughorn me mettra la note maximale pour plaire à mon père.

Il a l'air triste en disant cela, alors qu'Isaac l'envie un peu – lui-même doit travailler plus dur, car les Rowle n'ont pas l'aura éblouissante des Rosier. Il n'y a qu'à voir sa sœur, qui erre souvent comme un faon blessé dans les couloirs, qui vient geindre près de lui le soir quand Avery lui a fait une farce. Il l'aime et c'est son rôle de la protéger, mais parfois, il souhaiterait avoir la chance insolente d'Evan, être aussi libre que lui.

— Comme si c'était une mauvaise chose, soupire Isaac.

Evan lui tend tout de même son parchemin d'un geste ennuyé. Il n'y a que deux phrases et Isaac n'est même pas surpris par ce qu'il lit.

Un jour, je ferai oublier le nom de mon père. Et pour toujours, on se souviendra de moi.