Hey !
Dernier chapitre sur les chaleurs d'Allen, après on passera à autre chose ! :)
Il commence en fanfare, mais quant à ce qui va se passer, vous verrez si ce sera la fête ou non XDD. Ne soyez pas surpris, il y a beaucoup d'influence du lien au rendez-vous pour les actions des personnages et du développement par rapport au concept, justement :).
Edit du 01/07/18 : Merci à Ookami97 pour la correction !
Bonne lecture !
Réponse anonyme :
Akane : Merci de ton avis, je suis vraiment contente que mon histoire te plaise et si tu attends la suite ! ^^ J'espère que ça continuera à te plaire :) !
« Putain, Moyashi…, » gémit Kanda.
Entre ses jambes, Allen s'affairait, sa langue léchant son sexe d'une manière que l'alpha trouvait beaucoup trop sensuelle. C'était la deuxième fois depuis hier, le maudit semblait avoir compris que Kanda devenait particulièrement affaibli, refusant de s'avouer faible, face à ce traitement, et il s'en amusait. Le brun voyait qu'il aimait lui faire perdre le contrôle, lui ôter sa fierté. Il ne pouvait pas l'en blâmer, il aimait aussi voir l'oméga perdre pied. C'était tout bonnement grisant. Le plaisir sexuel avait des effets tellement puissants, et en être l'instigateur pouvait être stimulant… L'alpha poussa un nouveau gémissement. Au départ, il avait protesté, ne voulant pas qu'Allen se force à faire ça. Mais le blandin avait argué que ça l'aiderait à se détendre, il avait insisté sur le fait qu'il le faisait de bonne volonté, alors Kanda avait dit oui.
Depuis le réveil, ils étaient tous les deux tendus, de toute façon. Et ça se ressentait dans leurs rapports. Hier soir, quand ils s'étaient couchés, ils n'avaient pas beaucoup parlé, mais se jetaient des coups d'œil en coin, conscient que ce jour était le dernier qu'ils passaient ensemble. La fin. S'étreignant, échangeant leurs odeurs, ils avaient été contraints d'y penser. Ils agissaient donc comme ces derniers temps, mais sachant que c'était la dernière fois, le ressenti était plus bizarre. Les dilemmes de la veille n'étaient pas totalement écartés. Allen ne paraissait plus autant sur le point de perdre le contrôle qu'il ne l'avait été ces deux derniers jours, et Kanda recommençait à pouvoir se maîtriser. Cela constituait une amélioration à ses yeux, si ce n'était pas total. Être avec son foutu oméga, ça faisait un moment qu'il ne le niait plus car Moyashi l'était définitivement malgré eux, cesserait de se répercuter sur lui quand ce serait vraiment fini, si l'on jouait sur les mots.
Leur dernier putain de jour ensemble. Tout comme Allen, Kanda n'arrivait presque pas à y croire. Il avait hâte de conclure toute cette merde, mais il y avait un autre sentiment, qu'il aurait bien aimé pouvoir ignorer facilement.
La matinée n'était pas tout à fait finie, et ils venaient à peine de finir de déjeuner quand la crise avait frappé Allen, puis lui. Kanda n'était toujours pas en rut, mais ça n'empêchait pas les symptômes de correspondre avec cet état. Il était, cependant, sûr qu'il n'y couperait pas après les chaleurs de l'oméga, s'il ne sombrait pas d'ici ce soir. Ce serait quand même con, il fallait le dire. Et Kanda refusait de mêler Allen à ses ruts. Il doutait qu'il parviendrait à se calmer, tant que sa volonté serait assez forte. Comme il l'avait promis, s'il fallait se contenir pour protéger l'oméga, il saurait le faire.
Le corps de Kanda tressauta. Son membre venait d'être pris en bouche entièrement. Il devait faire un effort pour garder la face, et il allait bientôt atteindre l'extase.
« Hé, Moyashi, tu devrais… » il siffla entre ses dents, « merde, j'vais… Arrête-toi. »
Sa main essayait de lui reculer la tête, mais l'oméga raffermit son emprise sur les hanches de Kanda. Ce dernier comprit. Le con comptait… Il essaya de retarder son éjaculation, se préparant à gueuler sur Allen avant qu'il n'aille jusqu'au bout de sa connerie. Il ne put rien y faire. Le plaisir de l'orgasme l'envahit, monta brutalement en lui et le submergea. Il sentit son corps rendre les armes avant lui, et son contrôle lui échappa. Il se répandit dans la bouche de l'oméga, tout en se mordant la lèvre, la tête légèrement renversée et les yeux mi-clos. Un éclair de surprise passa dans les yeux d'Allen, il recula précipitamment sa tête, la bouche remplie à ras-bord. Kanda aurait pu trouver ça érotique. Au moment de jouir, c'était cette image qui l'avait stimulé, l'oméga avalant son sperme. En revanche, ce dernier avait visiblement du mal vu la quantité, et il luttait pour ne pas s'étouffer, une grimace dégoûtée alors qu'il essuyait du revers de poignet ce qui avait coulé le long de ses lèvres.
L'alpha gronda, se dressant pour empoigner l'épaule de l'oméga.
« Crache. »
Allen agita la tête. Il rouvrit la bouche, et Kanda vit qu'il avait déjà avalé. Un haut-le-cœur pencha son corps vers l'avant. Le brun le tint en place. Quel petit con.
« Pourquoi est-ce que t'as fait ça, abruti ?! »
L'oméga se racla la gorge.
« Comme toi l'autre fois. Je voulais… voir quel goût ça avait. » Sa voix était gênée. « Ce n'est pas la première fois, et je n'osais pas. Donc… voilà. Puis, ça doit être moins frustrant pour toi, non ? »
Il lui sourit. Kanda secoua la tête à son tour.
« Je m'en fous d'être frustré, va pas t'étouffer pour ça.
—Je voulais le faire, d'accord ? J'étais curieux.
—Satisfait ? »
Kanda était ironique, si bien qu'Allen fut forcé d'avoir une moue agacée.
« Pas tellement. Tu es vachement amer, et c'est vraiment… beaucoup.
—Tu le savais, ça. La prochaine fois, t'éviteras de le faire si c'est pour t'étouffer. Tu veux de l'eau ? »
Le blandin hocha la tête, aussi, l'alpha lui apporta un verre. Un silence flotta entre les deux jeunes hommes. Allen se tourna finalement vers Kanda.
« J'ai quel goût, moi ? Je veux dire, » ajouta-t-il face à l'air interloqué de Kanda, « tu l'as fait pour moi plusieurs fois. C'est aussi… bizarre ?
—C'est un peu dégueulasse. Mais t'es sucré, en arrière-goût.
—Pourquoi tu le fais, si ça ne te plaît pas ? »
Allen fronçait les sourcils. Kanda soupira.
« Le lien. Ça me donne envie de te faire jouir d'une traite.
—Pareil pour moi.
—Ben recommence pas si ça t'étouffe.
—Je voulais juste essayer, Bakanda. Mais c'est aussi parce que je n'ai pas l'habitude. »
Et ce n'était pas en une journée qu'il allait la prendre. Ce n'était pas comme s'il allait renouveler cette expérience avec Kanda, encore moins avec quelqu'un d'autre, après aujourd'hui. Allen se sentait toujours gêné par cette conversation. Le brun dut le sentir, puisque son rictus taquin se ramena au galop.
« T'es sucré derrière aussi, tu sais, Moyashi. »
Allen rougit furieusement, mais répondit avec nonchalance.
« Je sais, tu me l'avais dit.
—À choisir, j'préfère, c'était pas trop dégueu. Le refaire me gênerait pas. »
À ces mots, Allen ressentit un violent frisson dans le bas-ventre à l'idée de recommencer ça. Il fallait dire que ça ne lui avait, comme tout le reste, franchement pas déplu. Néanmoins, les paroles directes de Kanda le gênaient.
« On-on verra alors.»
Un rire moqueur haussa les épaules de son homologue. Il coula un regard sarcastique sur lui.
« Avoue que tu mouilles rien que d'y penser. »
Les yeux agrandis de surprise et les joues en feu, l'oméga sentit son sang ne faire qu'un tour. Il protesta, outré :
« T'es qu'un pervers, Bakanda ! »
Ce dernier rit à nouveau, clairement amusé. Allen aimait le voir rire et afficher une expression humaine plutôt que sa neutralité constante exacerbée, mais il n'aimait pas que ce soit à ses dépens.
« J'étais sûr que ça allait te choquer, Baka Moyashi.
—C'est vraiment pas drôle ! rugit Allen. Tu m'énerves. »
Kanda ricanait encore, se foutant gentiment de sa pomme. Acceptant la plaisanterie sans le montrer, Allen soupira, tournant son corps jusqu'à se pencher au bord du lit pour rattraper les draps qui en étaient tombés. Avant qu'il ne commence à remonter, sans qu'il ne puisse comprendre, il ressentit un léger coup à l'arrière de ses fesses, et un doux bruit de claque. Il se retourna, le visage rouge et bougon, furieux, vers Kanda. L'imbécile venait de lui mettre une tape, et il était toujours en train de se marrer !
« Bakanda, hurla Allen, qu'est-ce qui te prend ?!
—Je t'avais dit que je te mettrais une fessée si tu faisais l'idiot.
—Je ne faisais pas l'idiot, » souffla l'oméga, s'agaçant, « j'étais simplement…
—Emporté par tes chaleurs ? Tu faisais l'idiot. »
Allen se mordit la lèvre, toujours irrité.
« T'as pas intérêt à recommencer ça. »
Kanda eut un rictus.
« Sinon quoi ?
—J'vais me venger.
—Ben venge-toi. »
Allen fondit alors sur Kanda, qui se débattit, et, n'ayant pas d'autre option, il lui mordit l'épaule. Pas fort, pas de quoi faire une marque, mais de quoi le pincer, puisque l'alpha siffla entre ses dents, visiblement surpris.
« Mais t'es taré, espèce de sauvage ?!
—Tu peux parler ! » Puis, l'oméga eut un sourire. « Maintenant on est quitte, je me suis vengé pour la fessée.
—Tu veux jouer à ça ? »
Rictus moqueur, l'alpha l'attrapa par les hanches et le plaqua sous lui, ses mains commençant à chatouiller ses flancs. Pris par un tiraillement infernal et une sensation de chatouillis violente, Allen se tordit, essayant de s'extirper tout en ricanant malgré lui. Il contractait les abdos, voulant se retenir, mais c'était difficile.
« Arrête, Bakanda, c'est pas drôle !
—Essaie de te dégager, Baka Moyashi.
—Allez, sérieusement, arrête ! »
Kanda obéit. Allen se dégagea. Il reprit sa respiration, une main sur le cœur. Il lui jetait un regard fâché.
« T'as abusé, pour la fessée, Bakanda.
—C'est qu'une petite tape, tu vas pas mourir. Et tu m'as bien mordu. »
Piqué au vif, Allen croisa les bras, boudant, et regardant ailleurs.
« C'est toi qu'as commencé. »
Moyashi pouvait être de mauvaise foi, quand il le voulait. Kanda le saisit encore et le força à s'allonger, recommençant à le chatouiller. Allen se débattait et protestait, de mauvaise grâce, mais il finit par rire aux éclats. Le rictus de Kanda fondait en amusement, il n'y pouvait rien. Allen tenta de le chatouiller, fut déçu en voyant que ça n'avait pas d'effet. Cela dura un moment, l'alpha voyant que le petit con appréciait tout ça. Quand ils s'arrêtèrent, Allen était à moitié sur les genoux de Kanda, sa tête en travers de ses cuisses, tandis que l'alpha cherchait encore à l'asticoter. Ils étaient toujours aussi nus qu'au premier jour, et pour une rare fois, Allen s'en fichait.
« Tu es encore sous influence de mes phéromones pour agir comme ça, hein, Bakanda ?
—Tch, » cette répartie immature montrait son envie de nier, mais son impuissance frustrée. « Ouais, mais j'me contrôle. Elles sont partout et encore plus nombreuses qu'avant. Pourtant, tu te contrôles aussi.
—Oui, » acquiesça Allen. « Je ne veux plus perdre le contrôle comme hier, et je pense que j'arrive à mieux le gérer. »
Kanda eut une sorte de sourire. Fugace, si bien qu'Allen crut l'avoir rêvé, mais il semblait doux.
« C'est bien. Culpabilise pas. Moi aussi, j'tiens pu à te plaquer comme un clebs' en rut.
—Je sais que tu n'étais pas toi-même lors de ces moments.
—Pareil pour toi. T'as pas voulu me le dire l'autre fois, mais j'sais que j'ai dû te faire flipper, en plus. »
Allen nia d'un mouvement de menton.
« Non. Bon, un peu… Mais je sais que tu ne m'aurais pas fait de mal. Même quand tu perds le contrôle, tu sembles vouloir ma permission, alors tout va bien. »
L'oméga sourit. L'alpha se mit à lui caresser les cheveux. Ses mains se perdaient dans la tignasse blanche lors des fellations que son propriétaire lui administraient, mais là... Ce geste le faisait chier. Il n'aimait pas être emporté par la tendresse, mais comme Allen appréciait et que ses odeurs s'en amélioraient, Kanda en était lui aussi apaisé. C'était fou comme il avait besoin d'affection. L'alpha ignorait si c'était vraiment dû à ses chaleurs, ou si c'était quelque part en lui et qu'il le négligeait. Ayant connaissance de son passé, s'il ne jugeait pas, le brun était capable de faire l'addition, ça devait être un peu des deux. Il continuait ses caresses, l'oméga soupirant de bien-être, toujours tout sourire. Il finit par se relever.
« Je vais aller me brosser les dents, tu peux m'aider à marcher jusqu'à la salle de bain ?
—Tu peux pas y aller tout seul ? J'croyais que tu marchais mieux ? »
Embarrassé, Allen se gratta l'arrière du crâne. Puis, son corps se pencha, avec une apparente difficulté, et il posa ses deux mains aux niveaux de ses chevilles, tentant de s'étirer.
« J'ai mal aux jambes depuis que je me suis levé. »
Kanda souffla, un sourcil haussé.
« Tu veux surtout que je m'occupe de toi.
—Bien sûr que non, » protesta Allen, fronçant les sourcils, « j'ai vraiment mal aux jambes, Bakanda. Je me débrouillerai, si tu ne veux pas.
—Non, c'est la dernière fois, alors profite. »
Une vague odeur négative lui sauta au nez, pour s'enfuir immédiatement au milieu d'autres plus saines. Kanda ne sut si ce qu'il avait insinué le vexait, ou si c'était autre chose.
« Je ne compte pas profiter, Bakanda. Je vais me débrouiller. Tu veux bien qu'on se sente, après ?
—J't'y emmène, et après on se sent. »
S'il lui avait dit ça, c'était surtout pour le taquiner, aussi, il acceptait. Ayant compris que l'oméga n'aimait pas être porté, Kanda le hissa à moitié contre son bassin, l'aidant comme une béquille. Vrai que ses jambes tremblaient. Sûrement les muscles qui fatiguaient de retravailler en ayant peu de force dans l'état de chaleurs. Kanda n'aurait jamais pensé qu'elles affaiblissaient un oméga à ce point. En aidant Allen à se maintenir debout devant le lavabo, Kanda le laissa se nettoyer, pensant qu'il le ferait également quand l'oméga aurait terminé. Ses mains tenaient ses hanches, les doigts s'enfonçant dans la peau nue. Il se collait à son corps… Kanda devait avouer que le corps de l'oméga l'excitait, encore plus avec cette bonne odeur qu'il dégageait. Il n'avait qu'à penser que son bassin était proche de ses fesses rebondies – il l'avait senti en le claquant, et déjà constaté – pour éveiller sa queue. Bon dieu.
Allen s'affairait, son regard croisant le sien dans le reflet du miroir. Ils ressemblaient à un couple. Lui, l'alpha aidant son oméga en chaleurs, et Allen, acceptant de montrer sa faiblesse en se reposant sur lui. C'était tellement bizarre. En remarquant que son reflet les fixait, l'oméga rougit et fit mine de se reconcentrer. Kanda ne savait pas à quoi il pensait. Peut-être s'était-il fait la même réflexion que lui. Ça l'emmerdait toujours de trouver ses réactions attendrissantes. Le blandin tangua. Kanda raffermit son emprise. Sa peau était douce. Même avec ça, il fallait qu'il trouve encore quelque chose à rajouter. Le lien en fautif. Les phéromones se libéraient, les hormones criaient grâce et tout leur tapait sur la gueule. Seulement, ce n'était pas seulement ça. Kanda n'aimait pas être paumé comme ça, indécis entre des contradictions et des concessions qu'il n'aimait pas faire et qui n'avaient aucun lieu d'être.
L'oméga terminait, et se rinça la bouche.
« J'vais le faire aussi, tu vas prendre ta douche ? »
Allen acquiesça. Il voulut avancer seul, mais trébucha dangereusement vers l'avant. Sur un ricanement moqueur, Kanda le stabilisa et l'aida à pénétrer dans la cabine de douche. Allen eut l'air de tenir sur ses jambes, aussi, Kanda tira le rideau, le prévenant qu'il restait à côté. L'alpha avait fini par ramener ses affaires de toilettes dans la chambre du blandin, et voir leurs deux brosses à dents côte à côte dans un verre renforçait l'image clichée du couple qu'ils étaient, en plus, supposés former. Avec leur lien, ils auraient dû le faire. Si Allen lui inspirait des pensées fort peu catholiques depuis ses chaleurs, le lien était sacré dans la religion. Deux êtres étaient liés car la volonté divine l'avait voulue. Deux êtres se déliaient pour la même raison. Kanda se foutait de ça, mais étant dans une organisation religieuse, il était au courant de la manière dont l'Église considérait le lien. Entre deux liés, le désir n'était même pas considéré comme un péché. La bienséance aurait voulu qu'ils consomment leur lien, pour qu'il devienne totalement effectif, et qu'il l'épouse ensuite. Qu'il lui fasse endosser son odeur, puis son nom.
Ils étaient tous les deux mineurs, Allen avait seize ans, Kanda dix-neuf, cependant une fois liés, deux êtres étaient considérés apte à un mariage, quand bien même la majorité civile n'était techniquement qu'à vingt-et-un ans. Cela sauf dans les cas, rarissimes, de déclenchement très précoces, où il fallait que les liés soient âgés de quinze ans.
Quand le brun pensait à ça, il se disait que ce n'était qu'une immense connerie. Il ne pouvait qu'avoir hâte que leur lien parte, et chiait volontiers à la gueule de la soi-disant volonté divine, puisse-t-elle aller se faire foutre, amen. Ça, ou ce que d'autres appelaient le destin, ne lui avait jamais fait de cadeau, de toute façon. Un instinct basique lui soufflait qu'elle ne lui en ferait sans doute jamais.
Une fois que Kanda en eut terminé à son tour avec son hygiène dentaire, il resta dans la salle de bain, comme il l'avait dit à Allen, le temps que celui-ci ne sorte de la douche. Il faudrait qu'il prenne aussi la sienne. Il entendit le blandin jurer et un bruit mat contre le mur, signe qu'il manquait de glisser. En pensée furtive, il envisagea de se glisser aux côtés de l'oméga, mais ça aurait été serré. Puis, finalement, il décida de le proposer :
« Hé, Moyashi, tu m'fais de la place ?
—Quoi ? »
Le ton désarçonné du blandin le fit sourire.
« J'vais me chercher une serviette et j'viens avec toi. Ça ira plus vite et ça t'évitera de tomber. On est plus à ça près, nan ?
—D-D'accord… »
Cette fois-ci, c'était de la gêne, qui était perceptible dans sa voix. Kanda eut un rictus. Au moment il ouvrit le rideau pour se glisser avec Allen, se faisant bien vite trempé, il rencontra son visage rougi et vit ses jambes tremblantes. Jambes tremblantes à cause de l'effort de ses muscles, naturellement. Son rictus ne le quitta pas. Allen fit mine de se reconcentrer tandis que Kanda attrapait à son tour de quoi se laver. Leurs corps se côtoyaient de près et se cognaient un peu avec les mouvements, mais ça allait. Le brun s'amusait de la gêne de l'oméga, qui s'accrut lorsqu'il posa une main sur sa hanche en le voyant tanguer. Allen le regardait, pupilles agitées, avec l'eau qui coulait le long de leurs corps.
« Fais gaffe, » fut la seule parole de Kanda.
Allen acquiesça, les joues toujours aussi rosées. L'alpha souffla :
« Arrête d'être gêné comme ça. On est à poils depuis ce matin, et on se voit à poil tout le temps. T'as aucune raison d'être si pudique, bordel.
—Je sais ! » râla l'oméga. « Mais ça n'empêche pas que c'est gênant de prendre une douche ensemble.
—Si tu veux que je sorte…
—Non, mais je n'y suis pour rien si ça me gêne, Bakanda. Ça va passer. »
Ils continuèrent de se nettoyer, essayant d'échanger leur place dans le petit espace pour être celui qui profiterait du jet d'eau, tout en se savonnant à tour de rôle. L'alpha voulait bien avouer qu'être nu l'un devant l'autre sans faire quelque chose de sexuel avait un aspect gênant, pour ne pas dire érotique quand il pensait à leur position précédente, lui derrière Allen devant le lavabo. Sa gêne à lui se situait simplement à un autre niveau que celle de l'Anglais.
Lorsque Kanda passa lentement ses mains dans ses cheveux pour évacuer les résidus de savon qui s'y trouvaient, un son exclamatif retentit derrière lui. Surpris, et fermant un œil à cause du savon qui menaçait d'y couler, Kanda tourna la tête, l'œil restant se posant sur Allen. L'oméga semblait choqué.
« Je l'ai jamais remarqué, mais tes cheveux sont tellement longs qu'ils vont jusqu'à tes fesses. »
Kanda ricana, ne pouvant résister à la tentation de l'embarrasser.
« Tu mates ? »
Ni une ni deux, Allen s'empourprait encore :
« Je regardais tes cheveux, Bakanda ! » Puis, perfidement. « T'as vraiment l'air d'un idiot avec un œil fermé et l'autre à moitié ouvert.
—Tch. Tu peux parler, t'es rouge comme une tomate. » Ignorant le 'va te faire, c'est de ta faute !' qui fusa, l'alpha se retourna et ramena ses cheveux sur son torse, qu'il tordit entre ses mains pour faire partir un dernier restant de savon. « Continue à te rincer l'œil, Moyashi. »
Allen lui donna un léger coup dans le dos, ricanant lui aussi.
« Comme si y avait de quoi se rincer l'œil, imbécile.
—Tu m'as dit que je te plaisais, hier. »
Un hoquet de surprise et un soupir agacé suivirent. Allen ne se démonta pourtant pas.
« Ton visage, peut-être. Mais j'ai jamais dit que je regardais le reste.
—Alors ça te plaît pas ? »
Kanda pivota dans sa direction, de sorte à ce qu'ils se fassent face. Le blandin se mordit l'intérieur de la joue, renfrogné. Son regard fut éloquent, mais sa bouche asséna :
« J'ai vu mieux. »
Il laissait de côté son embarras pour sa fierté, signe qu'il commençait à se détendre. Le Japonais apprécia cela. Il rétorqua :
« Ouais, mais tu bandes. »
Allen baissa les yeux sur son érection, et lui tourna précipitamment le dos.
« C'est pas ce que tu crois ! C'est mes chaleurs ! Puis la tienne n'est pas parfaitement au repos non plus, hein ! Je dois en conclure que tu te rinces l'œil aussi ?
—Tch. C'est les phéromones. »
Le blandin se glissa le long du mur, Kanda faisant le tour pour passer derrière lui. Ils se faisaient à nouveau face.
« T'es de mauvaise foi, Bakanda, » dit Allen avec aplomb, regardant son membre qui paraissait grossir à vue d'œil.
Le brun fit de même avec le sien.
« Toi aussi. »
Ils s'attiraient, ils l'avaient réalisé un bon nombre de fois, ça ne servait plus à rien de le nier. Kanda décida que c'en était assez. Il coupa l'eau. Si proche du maudit, il l'acculait contre la paroi de la douche. L'oméga posa ses mains sur son torse. Kanda hésita. Il se sentit rougir, s'en agaçant.
« T'as envie, Baka Moyashi… ? »
Ils venaient à peine de se soulager et étaient dans cette douche pour se nettoyer, mais la tension sexuelle était palpable. Ce n'était pas la première fois qu'une crise les frappait peu de temps après la précédente, mais cette fois, c'était très rapide. Enfin, pour la énième fois, il n'y avait rien d'étonnant à cela en fin de cycle de chaleurs. Allen fut celui qui entama le premier geste. Il tendit la main vers le sexe l'alpha, et le saisit à la base. Il effectua une lente montée qui fit soupirer Kanda entre ses dents. La réponse semblait claire. L'alpha imita donc l'oméga. Ils procédèrent ainsi quelques instants, des soupirs ponctuant le trajet de leurs mains. Doucement, il poussa l'oméga à ôter sa main, et colla leurs deux érections dans la sienne. L'oméga hoqueta quand sa main s'agita. Il coula un regard sur leurs deux pénis, rougissant furieusement. L'un contre l'autre, l'écart de taille, qui n'était pas très grand, était cependant visible. Comme elle n'était pas en sa faveur, Allen en était piqueté dans sa fierté masculine. Kanda s'en aperçut.
« Si ça t'gêne, r'garde pas.
—Je m'en fiche. » Allen planta son regard dans le sien, regard qui vacilla avec un nouveau mouvement de bras de Kanda. « Tu crois qu'on devrait faire ça ici ?
—On se rincera. » Puis. « Si tu veux pas, on arrête.
—Je sais, j'ai envie. C'est juste que je tiens à peine debout, et on est à l'étroit… C'est ça qui est gênant, » avouait-il.
Kanda eut un rictus neutre.
« J'te soutiendrai. C'est pour ça que je suis là. »
Cette phrase eut un écho plus profond chez l'oméga. Car elle n'était pas vraie de cette seule façon.
Allen hocha alors la tête. C'était, après tout, mieux de se finir maintenant que de retourner au lit pour ce faire, surtout pour se resalir. Bientôt, le bassin de l'alpha se mût contre le sien, Allen se soutenant aux hanches de Kanda, s'abandonnant au plaisir, de même que Kanda semblait peiner à retenir le sien. S'il avait pu, le blandin aurait aimé accélérer la cadence, joindre sa main à la sienne ou remuer les hanches. Ce faisant, il savait qu'il aurait pu lui faire perdre contenance. C'était ce qu'il aimait. Néanmoins, en être réduit à apprécier son propre tourment, si c'était frustrant, avait un côté agréable. Se mordant la lèvre, Allen finit quand même par risquer un mouvement de bassin, Kanda lâchant un râle, ne l'ayant pas vu venir.
Le blandin se sentit taquin, il sourit. L'ignorant, Kanda continuant ses caresses, agacé de s'être laissé aller. Il cherchait, à son tour, à lui faire perdre la face. Si Allen ne se laissa pas faire, luttant comme il le pouvait, l'exercice finit par devenir stimulant, et par accroître leurs excitations. Quelques secondes plus tard, ils avaient joui, leurs semences maculant leurs ventres et leurs cuisses. La chaleur dans leurs joues et dans leurs corps étaient à son comble. Ils haletaient, frémissants l'un contre l'autre. L'alpha refit couler l'eau. Ils terminèrent de se laver sans plus d'incident.
« Tu ne vas pas t'entraîner ? » demanda Allen une fois qu'ils furent sortis de la douche, se séchant après s'être assis sur le cabinet de toilette.
L'alpha avait commencé à s'habiller. Aussi, au lieu des vêtements qu'il avait enfilés pour sortir leur chercher de quoi manger, il le voyait remettre son pyjama.
« Pas maintenant. J'suis vraiment fatigué à cause du lien. J'irai plus tard dans l'après-midi, si j'ai pas la flemme. J'aurai tout le temps après, t'façon. »
Le kendoka ayant la flemme de s'entraîner, vu comme il était mordu de combats et de sa Mugen, c'était en effet plutôt rare. Allen eut un pincement au cœur en pensant au lendemain, mais il acquiesça.
« Ok. »
Il se refusait de penser que, peut-être, Kanda invoquait sa flemme pour masquer le fait qu'il voulait rester avec lui. Il ne voulait pas sonner trop présomptueux ou imbu de sa personne, mais il aurait, quelque part, aimé que ce soit le cas. Parce qu'il appréciait Kanda, il désirait, au fond, que ce soit réciproque.
Ils se retournèrent dans la chambre une fois habillés, et se couchèrent côte sur l'un des lits, celui près du mur de la salle de bain comme Allen peinait à marcher. A partir de là, ils connaissaient leurs options, ils pouvaient lire tranquillement, ou jouer ensemble. L'oméga espéra bien sûr la deuxième option. S'il n'avait pas envie de profiter de Kanda, il voulait, en revanche, apprécier au maximum leurs derniers instants ensemble, parce qu'il lui manquerait, bon dieu. Il le savait. Il s'était attaché, beaucoup plus qu'il ne l'aurait dû, et le fait que leur amitié arrive bientôt à son terme… Il ne le voulait pas, s'il avait dû être honnête.
Faisant fi de ces pensées qui lui mettaient le cafard, voulant éviter que ça se ressente dans son odeur et que Kanda s'en aperçoive, Allen feignit un sourire joyeux.
« Ça te dit qu'on joue ensemble, Bakanda ?
—Ouais, si tu veux.
—Un poker ou un autre genre de jeux ?
—Je m'en fous, c'toi qui vois. »
Allen trancha pour un poker et se leva pour aller chercher les cartes. Ils ne firent qu'une partie, sachant de toute façon qu'il allait gagner et que Kanda allait perdre et s'énerver s'ils y jouaient des heures durant. Ils s'amusèrent à quelques jeux de mots, stimulations intellectuelles qui n'étaient pas désagréables. Cela dura de la fin de matinée jusqu'à une bonne partie de l'après-midi, avant qu'ils ne décident d'entamer un autre jeu de carte. Comme à chaque fois, Allen s'amusait aux côtés de l'alpha. Il voyait que Kanda prenait plaisir aux jeux, sans quoi, ça n'aurait pas duré si longtemps. Le seul regret qui l'habitait, c'était qu'avec ce temps qui passait bien trop vite, celui qui leur restait ensemble s'amoindrissait. Allen n'arrivait pas à ne pas y penser. Il se demandait ce que Kanda en pensait, mais savait qu'il ne pouvait pas en discuter avec lui. Ça aurait montré son attachement, et ce simple fait aurait buté Kanda.
Ils terminèrent de jouer, le maudit étant fatigué, l'épéiste semblant l'être aussi. Allen demanda à ce qu'ils se sentent, Kanda acceptant. Le silence s'installa. Les rires mi-taquins, mi-mesquins étaient envolés, de même que ces piques qu'ils n'avaient pas arrêté de se lancer. Allen se serra contre Kanda, ne pouvant s'empêcher de penser à demain, de penser qu'il allait partir. Il n'aurait plus besoin de lui, de son côté. Mais ça ne voulait résolument pas dire qu'il n'aurait pas envie qu'il soit à ses côtés. Le brun remarqua sa crispation :
« Ça va pas ? Tu commences à puer. »
L'Anglais déglutit difficilement.
« J'ai mal au ventre, » mentit-il.
Directement, Kanda alla poser sa main sur son ventre, Allen sursautant au contact. Ça lui faisait toujours cet effet. Le brun fronça les sourcils :
« On dirait que ça va. J'te sens pas tendu.
—C'est que c'est pas grave, tu peux enlever ta main. »
L'alpha soupira.
« Si y a quelque chose qui va pas, tu me le dis. »
Allen secoua la tête. Il ne pouvait pas lui dire, pas ça. C'était trop. Bien plus que ce que voulait entendre Kanda, et ce que lui avait envie de déclarer.
« Ça va, Bakanda. » Il se força à sourire. « Tu sais, je te l'ai déjà dit, » fit-il à la place, « mais tu es vraiment une bonne personne, et je suis content que ça se soit passé comme ça. »
Car, et c'était bien là qu'était son tourment, avec un certain choc car il n'y aurait jamais cru, Allen le réalisait… Connaître Kanda ainsi, devenir intime avec lui… Il aurait pu tout à fait en tomber amoureux. Et il sentait, avec horreur, qu'il aurait pu commencer à le faire, si les choses avaient été autres, si la vie leur en avait laissé l'occasion. Il ne tombait pas encore amoureux, ça aurait été grotesque à ce stade, mais Kanda lui semblait être un bon alpha. Comme ils étaient liés, il aurait vraiment voulu pouvoir l'aimer. Le lien le lui commandait, ses instincts. Depuis le début, s'il l'avait refoulé et avait refusé de l'envisager ainsi. Néanmoins, à cet instant, ce n'était plus le lien, une entité étrangère à sa conscience qui le lui soufflait. C'était lui. C'était dans son cœur, qu'il ressentait cet attachement pour Kanda. Ça lui faisait mal de penser que demain, tout serait fini.
« Tu ne sais rien de moi. »
Allen coupa court à ses pensées, peiné par cette affirmation. C'était vrai. Il sourit encore.
« Alors tu veux bien m'apprendre, Kanda ? »
L'épéiste ne répondit pas mais bougea. Son corps passa à moitié au-dessus de celui d'Allen, enlevant à celui-ci le loisir de se mouvoir, le temps que son bras attrape la couverture en boule au pied du lit. Il les couvrit tous les deux.
« Dors, imbécile. Je reste encore dix minutes et je vais m'entraîner. »
Allen fit la moue, sachant qu'il venait de se prendre un beau vent, et avança timidement son corps contre celui de Kanda.
« Je veux m'endormir dans tes bras. »
Le Japonais grogna.
« J't'ai déjà dit que t'étais capricieux, Moyashi. Tu recommences. »
Cette fois-ci, le plus petit rit alors que Kanda refermait ses bras autour de lui, l'étreignant.
« Pardon.
—T'es pas désolé. »
Allen se contenta de frotter son visage contre le torse de Kanda. Non, pour ça, il ne l'était pas.
« Je te ferai dire que tu m'avais dit de profiter, comme c'est la dernière fois, faut savoir.
—Tch. Baka Moyashi. »
Allen pouffa en réponse, se fichant de l'insulte. Il y eut de nouveau un silence. Allen décida qu'il n'arriverait pas à dormir. Sa tête chauffait encore. Peut-être trop.
« Dis, Bakanda, j'peux te demander un truc idiot ?
—Je t'ai pas dit de dormir ?
—J'ai pas envie tout de suite. Je peux, ou pas ? »
Le kendoka haussa les épaules contre lui. Allen prit une inspiration. Ça faisait vraiment débile de poser cette question-là, mais une vague curiosité demeurait. Ils avaient appris à se connaître, dans une situation certes étrange et empreinte de malaise. Si ce n'était pas la vérité, qu'ils étaient influencés, Allen voulait savoir ce que Kanda pensait de cette facette de lui. S'il était toujours un abruti qu'il détestait, ou s'il… S'il y aurait peut-être une chance qu'il puisse l'apprécier. Allen ne s'imaginait en aucun cas qu'ils pourraient construire une relation amoureuse, si l'amitié n'était même pas possible. Mais il espérait qu'avec le temps, peut-être beaucoup de temps, en arriver au moins à une amitié serait à entrevoir, un jour. Il avala sa salive sans un bruit.
« Qu'est-ce que tu penses de moi ? »
Les sourcils du beau Japonais se froncèrent.
« Pourquoi tu me demandes ça ?
—Comme ça. » Au regard de Kanda, Allen sut que ça ne suffirait pas, et il se mordit la lèvre. « Tu as découvert beaucoup de choses de moi, très intimes. Je me suis beaucoup laissé aller devant toi. Demain, on ne se parlera plus. Tu vas l'emporter avec toi, et si je ne te le demande pas maintenant, je ne saurai peut-être jamais les conclusions que tu en as tiré. Je suppose que je suis curieux, » il l'avouait, et ses autres arguments n'étaient pas faux.
Le brun eut l'air de considérer ses paroles.
« Par rapport à quoi ? Tu t'inquiètes encore d'être faible ? On a pas arrêté d'en parler.
—Non, c'est pas ça, » l'oméga secouait la tête. « Juste… En général.
—J'vois pas à quoi sert cette question, mais bon, puisque tu y tiens, Moyashi. »
Les yeux et les oreilles bien ouverts, Allen était attentif à ses paroles à venir.
« On a décidé qu'on ne s'adresserait plus la parole. Mais si jamais on s'engueulait, j'aurais du mal à te prendre au sérieux au début, vu le nombre de fois où t'as chialé dans mes bras et où t'as demandé des câlins.
—Enfoiré, » rougit Allen, « c'est à cause de mes chaleurs, c'est pas pour mon plaisir… !
—T'es horriblement chiant. J'ai jamais vu une personne aussi chiante que toi. Mais je m'habitue un peu, je suppose que tu me soûles moins.
—Euh… quoi ? »
Allen déglutit, ne sachant que comprendre. Quant à lui, Kanda se giflait mentalement pour avoir dit ça. Étant quelqu'un qui jouissait d'un contrôle absolu de lui-même et n'aimait jamais y déroger, bien sûr qu'il n'était pas le genre de con à laisser échapper des phrases en pensant tout haut. Kanda était aussi quelqu'un de franc. Trop, peut-être. Sur le coup, même pour lui-même, il l'avait trop été. Maintenant qu'il avait dit ça, il ne pouvait plus se dégager. Allen ajouta :
« Enfin, Kanda… Tu… Tu commencerais à apprécier ma compagnie ?
—Pas tellement. De toute façon, ça changera rien. »
Il se rétractait. Allen serra les poings.
« Kanda, je ne te comprends pas, parfois.
—Tch.
—Sinon, je tiens à dire que je ne m'inquiète plus d'être faible. Je n'ai rien à prouver à personne, juste à moi-même… Et je sais que j'y arriverai le moment venu. Tout comme toi, le moment venu, tu verras que tu es une bonne personne.
—Tu es déterminé, » notait Kanda, satisfait. « Si seulement tu l'étais pas aussi pour des conneries. »
Allen ne baissa pas les yeux. Il était un peu fâché. Kanda eut un rictus. Avant qu'il ne s'en rende compte, ses doigts vinrent entremêler les mèches blanches des cheveux d'Allen, afin de le rasséréner. Il le caressait, ce n'était même pas la première fois. Crispé, Kanda avait envie de lutter contre cette pulsion. Plus les secondes se passaient, plus il était blasé. Il n'était pas du genre à initier de contacts de lui-même. Quand il le faisait, c'étaient les phéromones et le lien qui le poussaient à ça, ou la panique de Moyashi qui le décidait à être doux. Dans ce contexte, ce n'était pourtant pas ça… Une part de lui en avait envie. Il ignorait pourquoi. Mais ça ne le dérangeait pas autant que ça aurait dû. Le Moyashi appréciait cela, et pour sa part, il ne jugeait pas ça si désagréable. Peut-être en avait-il pris l'habitude fâcheuse ? À force d'être collé à lui pendant vingt-quatre heures plusieurs jours d'affilés, de s'être martelé le cerveau qu'il en avait besoin, les habitudes se prenaient vite. Kanda n'arrivait plus à chasser la tendresse. Ça lui donnait à la fois envie de le découper en tranches, mais aussi de… faire ça.
L'alpha ne savait toujours pas où ils allaient avec tout ça. Il gardait la hâte que ce soit fini pour être tranquille. Mais ce n'était pas la première fois qu'il s'en rendait compte, et ça le faisait toujours aussi chier. Ce qu'il avait voulu éviter se produisait. Ce semblant de complicité qui se créait entre lui et Allen lui plaisait, bien qu'il s'acharne à ne pas le voir comme ça. Les échanges avec autrui, sans qu'ils lui aient manqué, ne lui apparaissaient définitivement pas désagréables. Surtout que cet autrui était le Moyashi.
Le blandin, loin de ses préoccupations, avança sa lèvre inférieure, faisant la moue. C'était mignon. Putain de mignon.
« Pourquoi me caresser les cheveux comme ça alors que tu viens de me reprocher de dire des conneries, Bakanda ? »
Kanda se réveilla de sa transe. Comme s'il s'était brûlé, il stoppa sa main. Il avait envie de se l'envoyer dans la gueule. Bordel, qu'est-ce qu'il se mettait à penser ? Ça y est, il avait cramé son restant de neurones. Le regret se lut dans les yeux du maudit.
« Bon, finalement, continue, Bakanda. Je vais dormir. »
Bougonnant, Allen se laissa retomber contre son torse, blotti. Il aurait ce qu'il voulait ; il s'endormait dans ses bras.
Quand Kanda revint, Allen se réveilla. Il avait vraiment bien dormi, mais il se sentait… confus. Entre diverses sensations fugaces qui l'irritaient ou le stressaient sans qu'il ne sache pourquoi. L'alpha parut remarquer sa tension, puisqu'il s'assit à côté de lui et lui prit la main. Allen sourit, remarquant que Kanda faisait de plus en plus preuve d'initiative pour leurs contacts. S'apprêtant à lui demander si son entraînement l'avait défoulé, histoire de faire la conversation, il fut coupé par Kanda qui parla le premier :
« J'viens d'aller voir l'infirmière.
—Pourquoi ? » s'étonna le blandin.
Ils n'avaient absolument pas parlé d'aller la voir.
« J'voulais savoir ce qui se passait le dernier jour des chaleurs d'un oméga. »
Allen avala sa salive.
« Oh… Et elle a dit quoi ?
—Tu risques d'avoir mal au ventre, comme tout à l'heure. » Allen baissa les yeux, sachant qu'il avait menti en invoquant une douleur. « Elle a dit que ça dépendait des omégas, pour les crises. Y en a qu'en ont tout le temps, d'autres juste une ou deux avant que ça s'arrête. Tu risques d'être crevé, plus sensible, et plus chiant. » Pour cette information, le blandin devinait qu'il s'agissait d'un commentaire personnel du kendoka. Il esquissa un sourire malgré lui. « Elle m'a prévenu que t'aurais sûrement beaucoup besoin de moi jusqu'à demain matin avec le lien. Ça change pas. Mais tu peux aussi ne plus être en chaleurs d'ici ce soir, faut encore attendre. J'le sentirai direct, t'façon. »
Allen eut un pincement au cœur, craignant un instant que Kanda ne veuille partir ce soir s'il ne sentait plus ses phéromones de chaleurs. Ils n'en avaient pas discuté, aussi, il avait supposé qu'il partirait demain matin, mais si ça s'arrêtait net et qu'il ne restait pas plus longtemps, il ne pourrait pas le lui reprocher. L'alpha continua :
« Elle m'a dit de te dire qu'ensuite, tu reviendrais normal petit à petit. Tes hormones seront sûrement un peu à vif jusqu'à la semaine prochaine, c'est ce qu'elle a dit, mais tu auras le contrôle de toi et tu seras peinard. Si t'as un blem, va la voir. »
L'oméga hocha la tête. Il était sincèrement touché que Kanda ait été cherché ces informations pour lui. Il trouvait ça presque adorable. Presque, parce qu'une autre crainte lui soufflait qu'il l'avait fait parce qu'il voulait éviter qu'il aille l'emmerder, lui, s'il y avait quoique ce soit, quand bien même ce n'était en aucun cas ce qu'Allen aurait cherché à faire. En étant réaliste, il y avait sûrement des deux. Il choisit néanmoins d'ignorer cette pensée, qu'il jugeait due à son angoisse, à cause de ses sentiments embrouillés. Il lui fit un nouveau sourire, plus doux.
« Merci. »
Le brun haussa les épaules.
« T'as la dalle ? Tu veux que j'aille chercher à bouffer ? C'est bientôt l'heure du repas. »
Allen allait rétorquer qu'il n'avait pas faim, mais son ventre gargouilla furieusement, montrant le contraire. Il décida que bouder son estomac ne changerait rien au problème. Aussi, il acquiesça. Kanda revint quelques instants plus tard avec un éternel plat de Soba pour lui, et plusieurs plats pour le blandin. Ils mangèrent en silence. Kanda rapporta les plateaux. Leur dernier repas ensemble.
Sachant que c'était aussi le dernier repas qu'il prenait au lit avant un moment, Allen était heureux. Il en avait plus que marre d'être alité, enfermé dans sa chambre, et de ne plus pouvoir se mouvoir. S'il ne rechignait plus à dépendre de l'alpha et avait accepté ce besoin, il n'aurait pas aimé que ça dure éternellement, loin de là. Reprendre son chemin d'exorciste sur une meilleure voie maintenant qu'il s'était vidé l'esprit le comblait de hâte. Il n'avait plus aussi peur. À présent, ce qui restait de l'angoisse était diminué et il pouvait l'ignorer. Le brun avait fait en sorte que ça ne soit pas trop difficile à vivre pour lui, malgré les nombreux points où ils avaient été ébranlés. Il avait eu du bonheur dans son malheur. Ça n'empêchait pas que ses chaleurs l'avaient traumatisé à bien des instants, et il était soulagé qu'elles soient bientôt terminées.
Tout était positif quand il pensait à demain.
Tout, sauf pour ce qu'il avait créé avec Kanda. Même le pire avait du bon, et c'était une réalité parfois bien cruelle.
Ils jouèrent encore. Se taquinèrent encore. Allen se sentait bien. Les crises ne revenaient pas, et il se doutait que ce matin pour le moins… chaud trouvait son explication là-dedans. Bientôt, ses phéromones sentiraient différemment, Kanda le saurait avant lui. Avant qu'il ne s'en rende compte, l'alpha allait partir. Tout cela troublait sa joie, quand bien même il s'acharnait à le repousser. En écho à la réalisation qu'il avait eu précédemment, il savait qu'une part de ses sentiments était influencée, motivée à cause du lien, et il en voulait au lien de lui faire cet effet. Ça ne changeait pas la portion réelle. La portion vraie. Il était encore tortillé entre ces deux courants en lui. Un léger, celui qui était naturel, mais qui pouvait être ébranlé et amplifié par celui plus fort, du lien.
Il fut bientôt tard, et Kanda proposa qu'ils aillent dormir. Le blandin opina une nouvelle fois, définitivement fatigué après tout ça.
« Est-ce que mes phéromones sentent toujours les chaleurs ? » osa-t-il demander après un silence, proche du corps de l'alpha. Ils n'avaient pas encore commencé à se sentir.
Ce dernier prit quelques secondes avant de répondre.
« De moins en moins. C'est pratiquement fini. »
Allen sentit un poids dans son cœur.
« Tu veux partir, donc ? »
Kanda fronça les sourcils. Ça paraissait absurde de le demander, il était au lit avec lui, il avait déjà enfilé son pyjama, mais néanmoins…
« Si mes phéromones se dissipent et que mes chaleurs se terminent, tu peux-
—Je partirai demain. Tu sens mauvais. »
Allen se mordit l'intérieur de la joue.
« Que je sente mauvais ne t'oblige pas à rester, si tu veux partir, fais-le.
—Tu veux que je me casse maintenant ? »
Cette fois, l'oméga se mordit la lèvre. Il ne savait pas comment s'exprimer sans en laisser transparaître trop.
« Pas forcément, mais je ne veux pas que tu te sentes obligé de rester. Si je ne suis plus en chaleurs, tu n'es plus mon alpha, c'est ce qu'on avait dit. »
Il avala sa salive sans bruit, mais avec difficulté. Kanda restait indéchiffrable.
« Ouais. » Allen se tendit. « Je vais quand même rester jusqu'à demain, tu sens encore un peu, et l'infirmière avait dit que tu aurais peut-être besoin de moi. Donc mens pas. Tu veux que je reste ce soir, ou pas ?
—Je veux. »
La réponse avait fusée seule, Allen n'avait pas pu la contrôler. Kanda eut un rictus.
« Très bien. »
Allen se fondit contre lui, et Kanda intensifia l'étreinte. Ainsi l'un contre l'autre, se sentant comme à l'usuel, le blandin s'accrochait à la senteur de l'alpha, si agréable et protectrice. Il en avait encore besoin. Et il ne voulait pas ignorer ce besoin. Timidement, il passa un bras sur le bassin du plus grand. Il ne fut pas repoussé, et se sentit confortable.
« Merci de rester jusqu'à demain… C'est vraiment gentil.
—J'suis pas gentil, Moyashi. Arrête de dire ces conneries-là. »
L'oméga planta son regard dans celui du brun.
« Si, tu l'es. Pourquoi tu refuses toujours de l'admettre ? Pourquoi est-ce que tu te caches derrière ta froideur ? »
Kanda mit une main ferme sur sa hanche. Allen ne baissait pas les yeux.
« J'cache rien.
—Menteur. Tu te caches derrière ta mauvaise attitude et ta brutalité alors que tu peux être autre chose quand tu veux, mais tu refuses de le montrer. Pourquoi, Kanda ? »
Ce dernier ôta alors sa main. Allen se tut, attendant qu'il réagisse.
« Je t'ai déjà dit que tu sais rien de moi.
—C'est vrai, je ne sais pas grand-chose. Mais je vois comment tu agis avec moi. C'est le lien, mais c'est aussi toi. Si tu étais le genre d'alpha violent et méchant, le lien ne t'aurait pas influencé vers ce genre de choses. Tu l'as dit toi-même, plein d'alphas se foutent de la souffrance de leurs omégas, ils les utilisent pour le sexe, c'est tout. Toi non, tu ne t'en fichais pas.
—Ça veut rien dire.
—Si, ça veut tout dire.
—J'me contrôle, c'est tout. »
Allen roula des yeux.
« Peut-être. Mais ne nies pas que tu es gentil.
—Je suis pas gentil, je suis loin d'être gentil, alors dis pas des trucs faux comme ça. »
Encore ce regard dur, qui lui laissait présager qu'il y avait quelque chose. Quelque chose qui lui faisait dire ça. Allen détestait le voir avec ce regard. Il aurait voulu faire fondre la glace, briser ces murs, mais c'était si dur, si difficile.
« J'aime pas quand tu fais ces yeux-là, » livra-t-il franchement.
Kanda eut, cette fois, les yeux ronds. Il ne s'était pas attendu à ça.
« Je ne sais pas pourquoi tu dis ça, Kanda, et pourquoi tu t'en veux, mais on dirait que tu te détestes, quand tu parles de toi comme ça. » Allen élevait la voix, honnête. « Je n'aime pas du tout ça. Je ne veux pas te voir faire ça. »
L'alpha avait les yeux encore plus ronds, si c'était possible, et le choc se répercutait en lui. Allen vit qu'il arrivait, quelque peu, à briser le masque. Pas de beaucoup, mais il entrevoyait ce qu'il y avait derrière. Le blandin soupira, se reprenant :
« Je sais que je n'ai aucun droit de te dire ça, je ne suis pas vraiment ton oméga. Mais je te suis reconnaissant, je n'oublierai pas ce que tu as fait pour moi. Je ne sais pas ce que tu as fait par le passé, et ce qui t'es arrivé, mais s'il te plaît ne dis pas ça, Bakanda. »
Kanda ne se remettait apparemment pas de son choc. Ils se regardèrent en chien de faïence, sans réagir. En s'emballant, Allen savait qu'il venait d'affirmer malgré lui son attachement pour l'alpha. Ce dernier finit par récupérer son visage neutre.
« Je le dis si je veux. Ta gueule et sens-moi. »
Le maudit serra les dents, mais il ne se fit pas prier. Même en sachant qu'il n'aurait pas d'autres occasions, il ne voulait pas rentrer dans de grands débats personnels houleux avec l'alpha ce soir et risquer une dispute. Une part de lui jugeait sa réaction peut-être trop sentimentale, et ça le déroutait d'agir comme ça avec Kanda. Ça n'avait jamais été son genre de la fermer quand il avait des choses à lui dire, la plupart du temps en sachant qu'elles n'allaient pas lui plaire, mais il tenait vraiment à ce qu'ils se quittent en bons termes. Il profita de l'odeur de Kanda, attendant un instant, et, prenant un risque, il se passa la langue sur les lèvres :
« Ça ne pourrait pas te faire de mal, de baisser ta garde de temps en temps, tu sais.
—Qu'est-ce que tu me chies ? »
Kanda commençait à s'irriter. Allen développa sa pensée.
« Je dis simplement que de laisser tomber ta froideur deux minutes te va bien. Tu as été bon avec moi et tu peux l'être, alors… » Il souffla. « Je trouve juste que ça te ferait du bien. Et… » il se mordit le bout de la langue, « accepte une personne à tes côtés, un jour. » Devant le regard médusé du brun, le blandin s'empourpra. « Je ne dis pas que ça doit être moi, je sais très bien ce qu'on a décidé. Mais tu devrais vraiment envisager ça, Kanda. »
L'alpha grogna.
« Écoute, t'as peut-être de bonnes intentions, mais je sais ce que j'fais, et j'ai pas besoin de tes conseils. Je ne peux pas faire ça, je sais très bien pourquoi. Toi non, alors ne parle pas comme ça.
—Est-ce que ça t'es seulement déjà arrivé, d'accepter quelqu'un, pour de vrai ? »
À sa stupeur, Allen revit l'étrange regard, mélange de colère, de tristesse, et de honte chez l'alpha. Il comprit. Il comprit que oui.
« J'veux pas parler de ça. »
Mal à l'aise, l'oméga déglutit. Ne sachant pas quoi faire, il posa simplement une main sur le torse de l'alpha, le caressant au travers du tissu de son pyjama.
« Je… comprends. Je ne veux pas te rappeler des souvenirs douloureux, et excuse mon manque de tact, mais cette personne… » parce qu'il était évident qu'il y en avait une, « tu l'as perdue ?
—Perdue, on peut pas dire ça, » répondit amèrement l'Asiatique, « Mais ouais, elle est morte. »
Allen se sentait encore plus mal à l'aise. Il hésita.
« Je suis bien placé pour savoir que perdre un être cher fait horriblement mal. Mais ne va pas fermer ton cœur à tout le monde pour ça.
—Tu sais rien, putain, » cracha Kanda, en relevant son menton vers lui de l'index, « alors un conseil, tais-toi avant que je m'énerve. Tu m'as parlé de ton passé, de toi, t'en avais envie et besoin, soit. Mais moi j'ferai pas ça, je te l'ai déjà dit.
—Kanda…
—Non, Moyashi. Je veux pas en parler, c'est tout. Ça te regarde pas, tout ça. J'ai mes raisons pour faire ce que je fais. »
L'oméga n'en doutait pas. Sa main bougea sur le torse de l'alpha, continuant des caresses apaisantes. Le brun ne le repoussait pas.
« D'accord, on en parlera pas. Mais je me demande juste quelque chose… Tu l'aimais ? »
Allen n'avait pas pu s'empêcher de demander. Il ne fallait pas se méprendre sur ses intentions, il n'était nullement contrarié ou jaloux. Il était au contraire sincèrement peiné par la tristesse dans le regard de Kanda. Il comprenait que cette personne, qui qu'elle soit, avait énormément comptée pour lui. Au lieu de l'envoyer chier, les perles bleus de l'alpha s'assombrirent encore.
« J'sais pas. On s'en fout, de toute manière. Ça change rien. »
Il semblait si triste… Brisé… Le blandin aurait tellement aimé pouvoir le réparer. Il dressa son corps sur le matelas et déposa un baiser sur la joue de Kanda, se reposant tout de suite après. Le Japonais ne tarda pas à gronder :
« Pourquoi t'as fait ça ?
—T'étais triste.
—J'étais pas triste et j'ai pas besoin de-
—Tu es le Bakanda sans peur et sans reproches, j'ai compris, » fit Allen en s'agaçant, « mais pour ce soir, tu veux pas juste arrêter de faire semblant ?
—C'toi qui m'parle de pas faire semblant ?
—J'ai arrêté, je te ferai dire. »
Et c'était vrai. Sauf pour le fait qu'il refusait d'avouer à Kanda qu'il ne voulait pas que leur amitié s'arrête. C'était, néanmoins, parce qu'il savait que ce n'était pas une chose intelligente à faire. Toutes les vérités n'étaient pas bonnes à dire, et la franchise sur certains sentiments n'était pas toujours à montrer. Ils laissèrent donc tomber cette conversation.
Kanda passa un bras dans son dos, Allen enfouissant son visage contre sa poitrine. Ils passèrent quelques minutes sans parler dans cette position. Les odeurs changeaient, elles n'étaient plus harcelantes, seulement apaisantes. Allen n'avait jamais eu besoin d'être en chaleurs pour aimer l'odeur de Kanda, de toute façon.
« Tu sens vraiment hyper bon, » lâcha le blandin dans un soupir de bien-être.
Kanda inspira son odeur, l'air perplexe.
« T'as une crise ?
—Non, mais tu sens vraiment bon. »
L'Anglais s'accrochait à lui, le kendoka acceptant les démonstrations d'affections. Une certaine chaleur atteignait le bas-ventre de l'oméga, et elle lui semblait si incongrue et si étrange… Ce n'était pas la première fois que Kanda lui faisait de l'effet, mais un tel désir… Il n'était pas motivé par ses chaleurs. L'embarras qu'il ressentit en fut décuplé. Non, ce n'était pas les chaleurs. C'était lui qui commençait à avoir envie de l'alpha. En remuant, leurs deux bassins se rencontrèrent, aussi, Allen réalisa avec de grands yeux qu'il n'était pas le seul. Ce désir se manifestait de façon naturelle. Inutile de dire que ça les perturbait tous les deux dans cette situation, de se désirer sans que ce soit une suggestion, mais leurs corps, leurs consciences qui se voulaient. Le symbiotique toisait le Japonais, celui-ci lui rendant la considération.
Kanda finit par demander :
« Tu veux qu'on fasse quelque chose, Moyashi ? »
Allen se mordit la lèvre.
« Ce n'est pas une crise… C'est juste…
—Je sais. »
Sa voix était lourde de sens. L'oméga rougit. Il remarqua que les joues de Kanda étaient elles aussi un peu plus roses. Ce n'était pas flagrant, mais la rougeur commençait doucement à apparaître. Il hocha la tête.
« Je veux bien. »
Ils se séparèrent pour enlever leurs vêtements. Une fois nus, Kanda se plaça au-dessus d'Allen, ses mains commençant à caresser ses courbes, le blandin faisant de même avec les siennes. Les gestes tendres dont ils avaient pris l'habitude guidés par le lien leur faisaient un effet étrange en cet instant. Quand l'alpha le prit en main, l'oméga étouffa un gémissement léger. Kanda pencha sa bouche jusqu'à son oreille.
« Tu veux qu'on se branle, ou qu'on fasse autre chose ? »
Le blandin frissonna.
« Des caresses… Ça… ça ira. »
Quand ce fut à son tour, Kanda se figea quelques secondes. Le lien leur avait fait tout ressentir en puissance phénoménale, mais à travers une chape distante, de sorte qu'ils savaient lui attribuer les effets constatés. Les sensations naturelles n'étaient pas moins vivifiantes, mais sans la chape, ils étaient décontenancés.
« Tu sens pu les chaleurs, » fit Kanda, tout en le masturbant, Allen se mordant la lèvre en fermant durement les yeux.
Il eut du mal à récupérer son souffle.
« Tes phéromones sont aussi moins fortes, tu n'as plus l'air sur le point d'entrer en rut. »
Sa propre main n'était pas moins active, et les expressions du Japonais montraient bien qu'il aimait ça. C'était comme tout ressentir d'une manière nouvelle, à la fois moins floue, mais très intense, et… plus directe. Ils redevenaient un peu plus eux-mêmes, tout en ne l'étant pas complètement. Ils étaient dans un état bizarre, de transition, leurs consciences et leurs êtres en tremblaient intérieurement. Allen se sentait emporté par le plaisir au fur à mesure que Kanda était emporté. Leurs gémissements rauques, inspirations brusques se faisaient échos. Leurs corps en mouvements, leurs excitations parlaient pour eux. L'oméga était étourdi. C'était donc ça, le véritable désir ? Il avait un aspect fiévreux, contrôlé, qui rendait pourtant l'âme fébrile tout autant qu'elle impactait sur le corps. Difficile de ne pas s'y laisser emporter.
Proche de l'orgasme, l'oméga vint étaler sa main libre sur la nuque de l'alpha, approchant son visage du sien. Kanda soufflait doucement contre sa joue, lui aussi pas loin de rendre les armes.
« Je peux essayer quelque chose, Bakanda ? »
L'alpha lâcha un long soupir lascif entre ses dents.
« Quoi ? »
Allen ne répondit pas.
Après un court moment de doute, il bougea la tête sur le côté, mettant son visage en face de celui du brun, ce dernier perdu dans le plaisir qu'il lui infligeait. Son expression était si adorable… Allen ne pouvait pas nier ce qu'il ressentait, que ce soit le lien ou lui. Une tendresse, une affection certaine qu'il ne pouvait pas ignorer.
Son visage se dressa, lèvres tendues. Il les apposa à celles de Kanda. Sans bouger, sans attenter la moindre action supplémentaire. Juste un contact chaste, en opposition à leurs gestes, et suffisamment appuyé pour être digne d'être un vrai baiser. Kanda se recula en frémissant, le blandin l'ayant gratifié d'un nouveau mouvement de bras, et le fixa comme s'il était fou. Allen se demandait si ce n'était pas le cas. Réalisant ce qu'il venait de faire, réalisant qu'il venait bel et bien d'embrasser Kanda, il se pétrifia. Ses gestes cessèrent, comme ceux de l'épéiste avaient cessés.
« Je…, » tenta Allen, ayant soudainement peur de la réaction de l'autre maintenant que ce qu'il avait fait prenait son poids dans sa conscience, « Kanda, je… »
Il fut coupé pour le moins brutalement. Mais ni par un coup ni par une insulte. Les lèvres de l'alpha venaient de heurter les siennes, avec beaucoup moins de douceur que lui et peu d'adresse.
Sa main se remit à travailler sur son corps, alors, abasourdi, en mimétisme, Allen bougea la sienne. Le baiser s'intensifia, Kanda passant sa langue sur l'entrée de ses lèvres. Allen réagit alors d'instinct, et fit entrer la sienne dans la bouche de l'alpha, répondant à l'invitation muette. Kanda ne réagit pas, paraissant surpris, mais il se détendit et accepta l'intrusion. L'oméga dirigea alors l'échange, Kanda ne paraissant pas s'offusquer d'être mené. Ils se délièrent quelques instants pour reprendre leurs souffles, avant de refondre l'un sur l'autre.
Kanda essaya de diriger l'échange, cette fois. Allen le laissa faire un moment, avant de se battre un peu pour la dominance. Le Japonais céda les armes à son tour, pour finir par les reprendre. Ils jouaient à se laisser gagner à tour de rôle avant d'attaquer une nouvelle fois, d'une détermination et d'un goût égal pour ce jeu.
Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient, et une part d'eux-mêmes en avait parfaitement conscience. S'embrasser comme ça, fiévreusement, presque affectueusement… Ce n'était pas normal. Un effet du lien, de la confusion de leurs esprits qui l'emportait finalement sur le contrôle. Pour le moment, Allen était tellement heureux d'embrasser Kanda qu'il s'en fichait. C'était intense. Il avait déjà entendu des rumeurs sur les contacts physiques entre deux liés, y compris les baisers. Jusqu'à présent, c'était vrai. Tout était intense. Le sexe, les échanges d'odeurs, les embrassades, et ça… Allen adorait la sensation de leurs deux bouches se collant l'une à l'autre, de leurs langues visitant leurs cavités buccales, comme si c'était la chose la plus naturelle pour eux.
Comme si c'était ce qu'ils auraient dû faire il y a longtemps.
L'orgasme le saisit sur cette pensée, la semence de Kanda coulant sur son ventre le faisant sursauter. La sienne souilla leurs deux troncs. Haletants, ils étaient pétrifiés par leurs actes, mais savaient tous deux que se blâmer soi-même ou blâmer l'autre n'y serait pour rien. Rager contre le lien était une habitude facile. Mais que pouvaient-ils faire d'autre ?
Soudain désemparé du conflit en lui, Allen se rendit compte qu'il pleurait. Si ses hormones, qui joueraient naturellement sur ses émotions, risquaient d'être encore à vif après ses chaleurs, il savait qu'il n'avait pas terminé les brusques conflits internes.
Kanda, quant à lui, était plongé dans un profond silence. Il semblait pétrifié, à mi-chemin entre une crispation mortelle et une incompréhension ridicule.
Allen commença à articuler des excuses et bredouiller dans sa barbe inexistante. Il craignait que cette absence de réaction puisse valoir une explosion.
« Je ne voulais pas, Kanda, je te promets que je ne voulais pas, s'il te plaît, ne te fâche pas. »
L'alpha réagit enfin, son regard durcissant.
« J'suis pas fâché. Je l'ai fait aussi.
—Je suis désolé, » répétait Allen, « je suis vraiment… »
Kanda le fit taire en embrassant son front.
« Chut, j'viens de te dire que je l'ai fait aussi, bordel. » Il grommela. « Ça me fait chier, mais c'est le lien. Ça a pas fini de nous emmerder. Calme-toi. Putain, tes odeurs sentent mauvais. Tes hormones sont chiantes, » soupira-t-il. « Va falloir te calmer quand j'serai pu là, j'veux pas sentir cette odeur merdique tout le temps. »
L'oméga pleurait encore, ayant du mal à se remettre de l'afflux émotionnel et à retrouver l'équilibre.
« Tu ne vas pas partir à cause de ce que j'ai fait ? » marmonna-t-il en essuyant ses yeux d'une main tremblotante.
Kanda lâcha un soupir agacé.
« Non, je t'ai dit que je te laisserai pas ce soir, pas tant que tu pueras comme ça. Arrête de chialer, on va prendre une douche, changer les draps et dormir. »
Allen acquiesça.
« Et pour les… » il se rougit, « enfin pour le…
—Il s'est rien passé. On oublie. Le lien nous a fait craquer, on va pas en parler trois ans. »
L'oméga opina encore. Après tout, il n'y avait rien d'autre à dire. Il restait pétrifié de savoir qu'une part de lui avait voulu embrasser Kanda comme s'il était son amant, et il était attristé, énervé contre lui-même tout comme contre le lien pour l'avoir affecté beaucoup plus que ce qu'il aurait cru. Il n'y avait, quand on réfléchissait, rien d'étonnant à cela. Ses chaleurs l'avaient rendu faible physiquement et psychologiquement, les deux conjugués faisaient encore moins bon ménage. Le lien avait naturellement plus d'impact sur un esprit perdu et perturbé. Néanmoins, Allen pensait que c'était cruel. Cruel que le lien ait glissé ces sentiments en lui, ces ébauches du moins. Cruel que maintenant, son être ait envie de les concrétiser. Il avait déjà pensé qu'il les refusait, car il savait différencier ce qu'il ressentait normalement des suggestions du lien. Ça faisait quand même mal, en dépit de ces résolutions.
Au moment de s'endormir, ils se sentirent encore, s'étreignant l'un l'autre avec force. Allen aurait aimé lui parler, mais avec tout ça, il ne savait plus quoi dire ou quoi faire, alors il se contentait de le sentir et d'apprécier son contact. L'alpha faisait de même, ou du moins, participait à l'échange.
Le maudit s'endormit en sachant que le lendemain viendrait bien trop vite.
Kanda se réveilla le premier. Il devait être tôt. Les rideaux de la fenêtre étaient mal tirés et le jour au dehors était encore bas. Il voyait le symbiotique blotti contre lui, emprisonnant l'un de ses bras. Procédant doucement, il se dégagea. Allen ne bougea pas, ne broncha pas.
Kanda préférait partir tant que le blandin dormait. Il n'avait jamais fait d'adieu de sa vie, mais sentait naturellement qu'il n'était pas doué pour ça. Et, n'étant pas idiot, il avait compris. L'oméga s'était attaché à lui, il n'avait pas besoin qu'il le lui dise, tout son comportement la veille l'avait crié. Ça avait été tendu entre eux, même pendant leurs jeux, en sachant que demain… qu'aujourd'hui signifiait son départ. Il s'en voulait également. Il avait rendu le baiser au gamin, avait allégrement participé. La réponse était simple, lui aussi s'était beaucoup plus attaché qu'il ne l'aurait voulu. Il ne pouvait pas changer ce qu'il avait dit et ne reviendrait pas sur sa parole pour autant.
Une part de lui en était attristée tandis que l'autre s'en formalisait.
Le Japonais se leva, s'habilla, et rassembla ses affaires. L'oméga ne bougeait pas, encore endormi, semblant bien heureux. Ses cheveux blancs un peu en bataille encadraient son visage. Il ressemblait à un ange. Kanda était irrité de sa bouille innocente tout aussi fort qu'elle l'attendrissait.
Soupirant, il déposa le petit tas d'affaire sur le bureau du blandin, et s'assit au bord du lit. Allen était paisible. Sachant qu'il ne serait pas vu, Kanda leva une main et la posa sur son crâne. Délicatement, attendant une réaction, craignant que l'oméga ne se réveille. Celui-ci ne le fit pas. Kanda entreprit donc de lui caresser les cheveux, emmêlant à peine les mèches, toujours avec douceur. Allen remua à peine, le faisant reculer, mais ce ne fut que pour serrer Timcanpy, venu se blottir entre eux dans la nuit. Kanda eut un rictus.
Il ôta alors sa main, se levant et reprenant son bien.
« Au revoir, Allen Walker. »
Sans doute la première et la dernière fois qu'il l'appellerait par son prénom. Lui coulant un dernier regard, il grogna.
« Tch. Foutu Moyashi. »
Sur ces simples mots, il ouvrit la porte et partit. Personne n'était dans le couloir, aussi, il resta planté quelques secondes. Il ressentait une pointe de regret. Mais aussi du soulagement. C'était fini, il n'était plus l'alpha de l'oméga, et il était libre.
Allen s'éveilla à son tour, s'étirant entre les draps. Il n'ouvrit pas les yeux tout de suite, profitant encore du sommeil qui l'engourdissait, et commença à tâtonner, à la recherche du corps de Kanda, de qui il voulait se rapprocher. Ne le trouvant pas, il ouvrit les yeux en sursaut et se redressa. L'alpha n'était pas là. Il ne sentait plus son odeur aussi forte, signe qu'il n'était plus dans la chambre.
Cela lui revint alors.
C'était aujourd'hui que Kanda devait partir. Il n'avait pas perdu de temps, et il ne pouvait pas lui en vouloir.
Allen soupira, ressentant malgré lui un certain vide. Il était triste de se dire que c'était définitivement fini. Il l'avait déjà été hier, mais encore plus maintenant que ça devenait effectif.
Les larmes commencèrent à monter.
Il n'avait jamais voulu ressentir cette affection profonde pour le brun. Le lien en avait attisé une partie, leurs expériences en avaient créé une autre. Kanda allait lui manquer, sincèrement. Il avait appris à vraiment bien aimer ce stupide Bakanda. Cette amitié n'avait jamais été viable de toute façon. C'était ce qui était prévu dès le départ. Pour l'heure, Allen en souffrait. Il ne pouvait pas le contrôler, même en se répétant tout ce qu'il savait déjà.
Une larme coula, suivit d'une autre. Elles finirent par déferler, abondantes.
Maudissant une énième fois le lien, le blandin pleura longtemps ce matin-là.
À suivre...
Sooo... Ce premier "final" ? Bon c'est pas la fin, certes, mais c'est quand même la conclusion d'un long cycle narratif au sein de la fiction avec ce chapitre, donc j'ai hâte de vos réactions sur ça x3.
Déjà, ouais, ils n'ont pas couché ensemble x). Je sais que certains vont être déçus mais ça se voit à ce que je mets en scène ici, s'ils l'avaient faits, ils auraient eu de grosses emmerdes, comme ils ne veulent pas (pas encore, ça viendra... un jour ;)) être ensemble. Btw, introduire un lien à la religion et dénoncer la mentalité conservatrice me paraissait logique, car DGM se passe fin 1800, s'il y a quand même des anachronismes dans le manga et que ça ne colle pas trait pour trait à l'époque, il faut bien l'aborder x). Et aussi, j'avoue que je n'accorde pas au lemon une place importante dans mon scénario pour cette partie 1. Y a eu pas mal de scènes de sexes, qui ont servi dans le scénario, certes, mais ça, ce n'était pas nécessaire à ce stade ^^. Évidemment, s'il n'y avait pas eu de conséquence sur leur lien et de contraintes pour eux par la suite, et qu'ils avaient pu être sûrs à 100% du consentement mutuel, ils l'auraient fait. Ce n'était pas le cas, donc techniquement c'est mieux pour eux, on sera d'accord je pense x).
Le thème de la "séparation" est un peu angsty, mais bon, je pense qu'on pouvait s'y attendre x). J'espère que certaines choses du chapitres vous auront fait réagir (dont le baiser, pas involontaire cette fois XD) Notez que c'est Allen qui mène l'échange et Kanda qu'est un peu paumé, j'ai voulu éviter le cliché de "l'alpha/le seme est forcément celui qui sait toujours tout gérer et le uke/l'oméga ne comprend pas ce qui lui arrive" x).
Kanda est parti et se considère libre, s'il a eu un peu de mal, il le nie toujours. Allen, quant à lui, a un peu le cœur brisé pour le moment parce que le pauvre est celui qui a été le plus atteint par les phéromones et qu'il ne sait plus faire le tri dans ses émotions, c'est normal, il faut qu'il se remette x). Le récit progressait sur ça durant les chapitres précédents mais le lien leur a tout deux fait des fortes suggestions en exacerbant leurs sentiments. Quant à la question de ses "vrais" sentiments, disons déjà qu'il est pas vraiment tombé amoureux de Kanda, juste très attaché et perdu. Vous verrez au prochain comment tout ça sera géré :).
J'attends vraiment vos avis sur tout ça ! N'hésitez pas à laisser une petite review :D !
A vendredi prochain pour la suite !
Merci d'avoir lu !
