Heya !
Décidément une semaine c'est trop long X). J'avais hâte de poster ce chapitre, et j'espère qu'il vous plaira ! Ça me fait bizarre d'en être déjà au chap 4, mine de rien, ça passe vite...
Merci à Ookami97 pour la correction :D !
Bonne lecture !
Allen avait horriblement mal dormi. Les traits tirés par le manque de sommeil et les yeux collés, il fut réveillé par Link avec difficulté. L'Allemand avait essayé de lui parler, la veille. Il avait dit qu'il n'approuvait pas la façon dont Luberrier avait traité la situation, mais il avait aussi essayé de le raisonner sur le bien-fondé de l'opération. Même énervé de ce discours un brin moralisateur, ce dont il n'avait absolument pas envie, Allen ne s'était pas défoulé sur Link. Il avait rétorqué qu'il ne voulait pas en parler, son ami avait laissé tomber. L'oméga était perturbé par quelque chose de peut-être plus existentiel que Luberrier.
Les odeurs entre lui et Kanda semblaient circuler plus fort aujourd'hui. Depuis son réveil, la senteur florale, à laquelle il s'était habitué, devenait plus pressante, plus… prestante. Ça redevenait vraiment comme lorsqu'ils n'étaient pas habitués au lien. Quelque chose avait changé. C'était plus puissant. L'attraction démesurée était de retour. Pas qu'elle n'ait jamais vraiment été mesurée, mais Allen perdait pied avec toutes ces sensations. Encore entre les draps, se faisant houspiller par l'adulte qu'il ignorait royalement, l'adolescent frottait ses orteils contre le tissu de la housse, appréciant le confort. À bout de patience, Link lâcha qu'il partait se préparer dans la salle de bain et le somma d'être prêt à y aller quand il aurait fini. Coincé dans son monde, Allen se mit à rougir. Kanda… Non, son odeur… Son odeur l'entourait. Comme une étreinte. Ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas ressenti si forte. Il eut le réflexe de poser les mains sur ses avant-bras, ses membres se croisant sur son torse, essayant de retracer l'embrassade imaginaire, qu'il avait l'impression de ressentir. Il fut gêné, mais aussi apaisé. Un sentiment serein l'enveloppait et dissipait ses peurs.
Perplexe, Allen fut pensif. Que ressentait Kanda de son côté ? Quand il le verrait, il lui poserait la question. Si l'alpha subissait la même chose que lui, cela voudrait-il dire qu'Hevlaska avait réellement stimulé leur lien ? Ou était-ce un renforcement naturel, si leur compatibilité était grande ? Allen se rendait compte qu'ils avaient oublié de lui demander s'ils étaient compatibles en matière d'Innocences, ou si elle parlait de ce qui les unissait, eux. La rougeur s'étendit à tout son corps, intense. C'était un sentiment étrange. Le doux parfum de la plante que sentait Kanda arrêta la montée d'émotion négative, d'angoisse.
Qu'est-ce qui se passait, bon sang ?
Link réapparut, sortant de la salle de bain. Allen n'avait pas toujours bougé, aussi, terminant de s'essuyer le crâne avec une serviette, le plus âgé parla :
« Walker, ça ne va pas ?
—Je sais pas. Je me sens étrange… comme si mon lien avec Kanda était différent. »
L'oméga l'avouait car il était perdu. Il avait confiance en l'adulte pour le renseigner. Link fronça les sourcils.
« Tu crois qu'il se renforce ?
—Je… » Allen hésita à dire ça, mais il le ressentait bel et bien. « Je crois. Je ressens tout plus fort. »
Link hocha la tête, en pleine réflexion.
« C'est sans doute naturel qu'il devienne plus fort, avec ce qui s'est passé hier. Le but était de le stimuler. Ça a fonctionné, visiblement.
—C'est ce que je me disais aussi. »
Le silence retomba. Link s'assit au bord du lit.
« Pour ce que je te disais hier… »
Malgré son ton prudent, Allen fronça les sourcils, irrité. Il ne voulait pas relancer ce sujet.
« Bon dieu, Link, j'ai compris que tu n'avais rien à voir dans les décisions de Luberrier, je sais faire la part des choses ! Mais je n'apprécie pas que tu essaies de me raisonner à chaque fois sur leur bien-fondé ! Je sais qu'il fait ce qu'il croit juste pour la cause des exorcistes. Ce dont il parlait hier, ça m'a vraiment outré, tu ne me le feras pas avaler. Il a quasiment sous-entendu que je devais coucher avec Kanda pour renforcer notre lien ! Ne me dis pas de le voir autrement ! »
Le maudit termina de se récrier et toisa l'Allemand. Il attendait finalement une réponse, ne comprenant pas que Link essaie de rationaliser ça. Il n'arrivait pas à comprendre Luberrier, mais il voulait au moins connaître les motivations de celui qu'il considérait comme un allié. Le blond soupira.
« Il ne disait pas ça comme ça, Walker. Je suis persuadé qu'il pensait surtout en termes de synchronisation et d'entraînement. Bien sûr, il aimerait que votre lien se renforce, mais ne pense pas qu'il irait vous contraindre à quoique ce soit.
—Comment tu veux que je l'interprète différemment ? Tout ce que j'ai compris de son discours c'est 'écartez gentiment les cuisses Walker, soyez un bon oméga et apprenez où est votre place'. Il a rendu Kanda mal à l'aise aussi. KANDA ! »
Link abdiqua à contrecœur. Il pinça les lèvres.
« Je comprends votre malaise à tous les deux, et je ne soutiens pas ce type de pensées. Luberrier est vieux-jeu vis-à-vis de la condition des omégas. Mais n'y faites pas attention, concentrez-vous seulement sur vos entraînements. D'ailleurs, » commença-t-il, « c'est moi qui les superviserai, quand Luberrier m'aura donné le programme, mais je vous laisserai quand même l'occasion de le faire seul à seul avant que ce soit effectif. Et une fois que ce sera mis en place, si vous voulez vous voir sans moi, il n'y aura aucun souci. Je sais que vous en avez besoin. Ta situation est particulière, mais ça fait aussi partie du protocole, de ne pas interférer entre deux liés. Tu vois que ça a quand même des avantages. »
Devant son visage amical, Allen fut obligé de lui sourire.
Tout ça faisait en effet partie des mœurs. Le lien était sacré, personne ne pouvait empêcher deux liés de se fréquenter. Les moments de solitude étaient perçus comme un incontestable droit pour eux. C'était à ce regard que Link les laissait s'entraîner sans surveillance, en plus de sa générosité, mais également à ce regard que Luberrier voulait les exploiter. Leur cas était inhabituel, comme ils ne comptaient pas être un couple. Le blandin avait pleinement conscience que maintenant qu'ils passaient du temps ensemble, les gens devaient penser que Kanda le courtisait. Ce vocabulaire avait toujours semblé vieux jeu à Allen, mais c'était bien la procédure usuelle dans le cadre d'un lien.
D'ordinaire, dès qu'ils se découvraient liés, l'alpha courtisait ainsi l'oméga, durant une période indéfinie, ce qui voulait dire qu'ils ne sortaient pas encore vraiment ensemble, puis, quand l'oméga s'estimait prêt, ils venaient à consommer. La suite, avec le mariage comme obligation, arrivait en général sous une période de six mois après consommation, le temps que les deux liés découvrent leur relation. Le couple arrivait donc après le rapport sexuel. Si les privilèges des statuts avaient été abolis, les pratiques codifiées de la séduction existaient encore. Auparavant, c'était l'alpha qui décidait du moment où la séduction s'arrêtait. À leurs jours, l'oméga était maître de la décision. Ça ne réglait pas le problème des chaleurs et des alphas trop dominateurs. Bien entendu, Kanda et lui étaient loin de faire ça. Allen n'était même pas sûr qu'il aurait voulu s'entretenir à ces préceptes, hypothétiquement, s'ils avaient dû avoir une relation. C'était assez artificiel et peu naturel pour lui. Puis, il ne voyait pas Kanda essayer de le séduire par tous les moyens pendant plusieurs mois. L'imaginer le faisait plus rire qu'autre chose.
Le blandin tira les couvertures et sortit vite du lit. Il avait assez flemmardé. Il se déplaça en direction de l'armoire pour prendre une serviette ainsi que des vêtements.
« Sois prêt dans quinze minutes, Walker ! Je tiens à aller déjeuner, et j'ai des papiers à remplir ! » s'écria avec autorité la voix du secrétaire tandis que l'oméga entrait dans la salle de bain.
Ce dernier soupira. Link était attachant, mais avec son sens exacerbé de la droiture et de la ponctualité, il pouvait être agaçant. Il esquissa un autre sourire, cependant. Derrière son soutien pour Luberrier, il essayait de lui faciliter la tâche. C'était gentil de sa part, il aurait pu être bien plus vache, le blandin n'allait pas l'oublier. C'est pour cette raison qu'il avait de plus en plus confiance en Link.
« Wow, attends, Yû t'a caressé le crâne ?! » s'exclama Lavi.
Allen était avec ses deux amis dans la salle de loisir. Kanda et lui devaient s'entraîner dans l'après-midi. Pendant que Link traitait d'affaires avec Luberrier et Komui, ils parlaient ensemble. L'oméga racontait sa stupéfaction pour l'effet que la synchronisation avec Hevlaska avait eu sur le lien. Il était perdu et avait vraiment besoin d'en parler, ce pourquoi il abordait le sujet avec eux. Les autres avaient aussi voulu en savoir plus sur l'avancée de leur relation. Allen croisa les bras en bougonnant.
« Oui. Mais Lavi, je te l'ai dit, ne sors pas les mêmes stupidités que la dernière fois. Tu me l'as tendu, j'ai vu qu'il n'avait pas aimé, et moi non plus. Je vous ai expliqué que je ne voulais pas mettre de mots sur ce qu'il y a entre nous. Ne vous faites pas d'idées. »
Pour l'instant, du moins. Tant que ça se créait. En dépit de son embarras, il poursuivit :
« Ça risque d'être encore plus étrange maintenant que le lien est plus fort. J'avais l'impression de le sentir ce matin, avec moi, alors qu'il n'était pas dans la pièce. » Allen s'arrêta. Il allait, bien sûr, taire qu'il avait ressenti une étreinte réconfortante, de peur de paraître idiot et de leur donner de fausses idées. « Je n'en ai pas encore parlé avec lui, mais j'avoue que j'ai peur de la façon dont on va réagir tous les deux à cause de ça. C'est suffisamment compliqué comme ça. »
Lenalee hocha la tête, et Lavi fit de même.
« On comprend. Et quand je disais ça, » expliqua le rouquin, « c'était juste pour déconner, je te l'ai dit moi aussi. Toi et Yû gérez votre relation comme vous le voulez. Seulement, ça nous fait plaisir de vous voir vous ouvrir. »
Allen opina, feignant d'être crédible en dépit de son teint cramoisi.
« Ça me fait plaisir aussi, et je suis content que vous me soutenez là-dedans, vraiment. Seulement… C'est super complexe. Je suis un peu perdu, et Luberrier qui s'en mêle… Avec ce qu'il a dit… Je commence à avoir très peur.
—Il n'a aucun scrupule, » cracha Lenalee avec colère. « Mais vous n'avez pas à lui obéir, il n'a aucun droit de disposer de vos vies et de vous forcer à honorer votre lien. »
Lenalee tendit la main et saisit celle d'Allen dans la sienne. Elle partageait sa force, avec une tendresse certaine. Comme lorsque Kanda avait essayé l'avant-veille, l'oméga n'en avait pas nécessairement besoin. Ça lui arrivait d'en désirer encore, l'envie de l'échange d'odeur était montée avec Kanda, mais depuis ses chaleurs, il l'avait déjà pensé, c'était surtout la quiétude qu'il recherchait. Une quiétude que lui apportait l'alpha lors d'un entraînement, via un combat. À cause de la libération des phéromones, de tous les sentiments qui s'y baignaient. C'était bizarre d'être passé à l'inverse. Ou du moins, de ressentir les choses différemment : Allen aurait tantôt cherché la dérision inépuisable de Lavi, la force tendre de Lenalee, la colère d'un affront avec Kanda du temps où le lien n'existait pas entre eux, ou sa tendresse pure pendant ses chaleurs ainsi qu'une verbalisation du problème. Il était, de fait, plus porté sur les contacts directs auparavant, et se satisfaisait davantage de l'indirect en ce moment. Ce n'était donc pas la première fois qu'il se rendait compte de ça. Il ne dépréciait pas pour autant la verbalisation et les contacts. Il y avait des contextes où c'était utile et où ça se justifiait. La situation des chaleurs, son propre état mental, l'avait en effet légitimé. Ça venait sans doute du fait qu'il en avait suffisamment, depuis qu'il avait su s'ouvrir.
Peut-être même qu'à force de passer du temps avec Kanda, son goût pour le calme le contaminait ? Il faillit sourire à ces pensées, le réprimant de justesse.
Il ne dirait pas non à la bienveillance de son amie, de toute manière. C'était un soutien important aussi.
Lavi intervint alors :
« En tout cas, vous êtes soudés, c'est déjà ça de gagné contre Luberrier. Imagine si c'était arrivé avant tes chaleurs, ça aurait été un désastre. »
Le blandin rit jaune. Les insécurités et les craintes qui s'étaient soulevées en lui auraient été décuplées. Il aurait carrément fini en dépression à ce stade, déjà qu'il n'en était pas bien loin. À ces pensées, il était fier de se dire qu'il avait réussi à surmonter ça. Avec de l'aide, mais aussi par lui-même. D'avoir appris à s'ouvrir et à se reposer un peu sur les autres. Ça avait été une expérience horrible, il était obligé de le qualifier chaque fois qu'il y repensait, mais aux conséquences bénéfiques.
Allen finit par soupirer. Il n'avait pas eu besoin de la main de Lenalee, toutefois, toujours d'une façon similaire à ce qui était arrivé avec Kanda, l'envie de sentir une proximité fut bientôt là. Il ne s'en débarrassait pas totalement. Ce n'était pas un mal, après tout.
« Ça vous dérange si je demande un échange d'odeur ? J'irai voir Kanda après. »
Les deux autres secouèrent gentiment la tête. Lenalee demanda :
« Vous avez réessayé, tous les deux ?
—Pas depuis longtemps. » Allen fut encore un peu gêné. « J'ai essayé de lui demander, mais il n'aime pas les câlins. C'est pour ça qu'il m'a caressé le crâne, c'était en contrepartie. »
Il eut un petit rire. Lenalee hocha la tête.
« Kanda changera peut-être d'avis plus tard. »
L'oméga haussa les épaules. Ce n'était pas d'actualité pour le moment, en tout cas.
« Allez, viens-là, Allen, » appela Lavi en tendant les bras. Lenalee les tendit également.
Allen se fit la réflexion qu'ils étaient vraiment adorables avec lui.
Ils étaient tous deux en face de lui sur un canapé, et Allen était sur un fauteuil juste à côté. Il se mit entre eux, au milieu, et ils s'étreignirent tous les trois. Le blandin admettait qu'il adorait ça. La relation de proximité était améliorée entre eux depuis. S'il était un oméga depuis toujours –logiquement, c'était seulement après ses chaleurs qu'il avait compris à quel point ça pouvait être important dans sa condition d'instaurer des marques avec les autres par les odeurs. Il en était encore étonné, étant peu habitué. Il se laissait néanmoins aller, profitant du moment.
Il se dit qu'ils resteraient comme ça encore deux minutes. Ses amis attendaient qu'il commence à les repousser pour se dégager, sachant qu'ils lui avaient affirmé qu'ils appréciaient également de faire ça, Allen voulut ne pas se restreindre. Kanda débarqua soudainement. Allen fut surpris qu'il vienne le chercher, et se sentit comme… coupable qu'il le voit en train d'étreindre Lavi et Lenalee. C'était absurde, mais avec le lien, plus le fait qu'eux ne l'avaient pas fait depuis longtemps, Allen avait un sentiment d'inadéquation inexplicable. Il commença à se redresser, s'apprêtant à demander ce qu'il faisait là, mais Lavi s'exclama joyeusement :
« Yo, Yûuuu, tu veux te joindre à nous ? »
Kanda grogna. Allen offrit un regard noir à Lavi, lequel l'ignora consciencieusement.
« Arrête de m'appeler par mon prénom, Baka Usagi. Moyashi, faut que je t'parle. »
Allen avait certes été surpris, mais il n'était pas stupide. Il arrivait à deviner sans mal pourquoi Kanda se déplaçait, finalement, lui qui détestait venir le premier. Et il avait donc la réponse à sa question tacite. Le regard qu'ils se lancèrent fut éloquent. L'oméga se leva du canapé, adressant un signe à ses deux amis.
« J'y vais, à plus tard ! »
Deux échos lui répondirent. Dans le couloir, Kanda et lui marchaient côte à côte. L'alpha ne dit rien, aussi, Allen présuma qu'il en serait ainsi jusqu'à la salle d'entraînement. Ils en trouvèrent une libre, et Kanda referma la porte sur un froncement de sourcils contrarié.
« Y a une merde avec le lien. »
Alors il avait bien deviné. L'oméga soupira.
« Je le sens aussi, depuis ce matin. C'est vraiment bizarre… Je sais pas comment le décrire. »
Il eut une sensation étrange, comme un vertige dans l'estomac, se rappelant pour la seconde fois depuis tout à l'heure de ce qu'il avait ressenti exactement au réveil. C'était trop déconcertant.
« Tout est plus fort, » rétorqua Kanda. « J'te sentais partout. »
Allen déglutit. Pour condenser, lui aussi avait senti Kanda partout. Littéralement. Il frissonna. Sa bouche était sèche.
« Tu penses que ça a une signification ?
—J'sais pas. Je voulais savoir si ça te faisait la même. »
L'oméga hocha la tête, ne sachant quoi rétorquer. Ils se regardèrent en chien de faïence. Ça leur arrivait souvent d'avoir des silences, de ne pas parler, Kanda étant peu bavard lorsque ce n'était pas nécessaire, mais ce n'était pas la même chose en cet instant. Ils étaient largués.
« Ça risque d'être plus compliqué, maintenant. »
L'alpha venait de parler, surprenant Allen qui peinait à trouver ses mots. C'était un peu simpliste et couru d'avance, mais il n'y avait rien de mieux à dire. Ils le savaient. Allen finit par se jeter à l'eau :
« Tu vas pouvoir le supporter, toi ? »
Il parlait de l'intensité. Si Kanda en parlait, c'est que ça devait le déranger. Ils étaient amis, donc ils n'étaient plus au point de s'alpaguer contre un mur en s'époumonant l'un contre l'autre pour faire « cesser » l'odeur. Ça ne voulait pas dire que ça devenait agréable dans leur situation d'être complètement envahi par la senteur de l'autre.
« Et toi ? »
Allen pinça les lèvres.
« Je sais pas… C'est vraiment fort. Mais on peut rien y faire, je pense qu'on s'y fera, » dit-il d'une voix convaincue. « Comme on s'y est fait au début.
—Ouais, moi aussi. Sois pas si nerveux.
—Facile à dire, Bakanda ! »
Le blandin fronça les sourcils. Cela dit, Kanda était dans la même situation que lui, et il avait tout autant de pression. Ils étaient dans le même bateau. Ou la même merde, pour parler poliment.
Kanda prit un sabre en bambou, sans plus parler et lui en lança un. Habile, Allen l'attrapa. Il avait compris le message. Ils voulaient la même chose en cet instant : se défouler. Deux sourires – rictus presque diabolique pour Kanda, et peut-être aussi pour Allen – dialoguaient pour eux. Ils partageaient la même impatience.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que leur entraînement avait été intense ce jour-là.
Dû aux senteurs foisonnées, l'agglutinement de phéromones dépassait tout ce qu'ils avaient connu jusqu'à présent. Elles agressaient leurs narines. Groggy, déstabilisés, comme drogués, ils s'étaient assis par terre sans prononcer le moindre mot durant au moins dix minutes, essayant, en vain, de reprendre le contrôle. Leurs joues étaient roses, leurs cœurs battaient trop vite. Ils avaient mis du temps pour redevenir suffisamment maître d'eux-mêmes pour s'interroger mutuellement sur ce qu'ils ressentaient. C'était naturel qu'ils finissent par le faire, étant complètement perdus. Kanda avait râlé que ce lien de merde le faisait chier, et Allen devait admettre qu'il rejoignait son avis. Quant à ce qu'ils avaient vraiment ressenti… C'était difficile à décrire, c'était trop profond, et toujours aussi déstabilisant que lors de la synchronisation. Cette fascination avait été là. Puis autre chose. Leurs émotions convergeaient ensemble, jusqu'à se coupler. Allen ne pouvait pas sentir Kanda, mais l'alpha avait dit qu'il ressentait une intrusion dans ses émotions. Lui-même avait été confus sur son ressenti. Quelque chose qu'il ne percevait pas dispersait ses sensations.
Et ça continuerait d'être plus fort, c'était mathématique. Ils n'y comprenaient rien. Le lien était une chose complexe, ce n'était pas étonnant. Ils s'inquiétaient d'autant plus qu'il ne parte pas à cause de ça.
Quelque part, Allen n'était plus autant dérangé par le fait d'être lié à Kanda. Ce qui ne voulait pas dire qu'il espérait le rester. Il se doutait que si le lien disparaissait entre lui et l'épéiste, leur amitié perdurerait encore. Il commençait à connaître Kanda, et de ce qu'il savait sur lui, il n'aurait pas été le genre à se forcer si ce n'était que pour le lien. Il l'appréciait. Ça lui allait très bien comme ça. Donc lien ou pas, ça ne lui importait pas. Dans l'hypothèse où le lien resterait sur le long terme, le blandin présumait qu'il l'accepterait aussi. Peut-être que ce serait plus difficile du côté de Kanda, en revanche, qu'ils soient enchaînés l'un à l'autre. Le point positif était qu'ils n'avaient aucunes obligations concrètes sur le lien tant qu'ils ne consommaient pas. Un mariage aurait été requis. Cependant, Allen s'imaginait qu'en tant qu'exorciste, s'ils venaient à consommer, pendant ses prochaines chaleurs par exemple, ils ne seraient pas forcés à aller plus loin dans les étapes voulues par la société. Luberrier avait peut-être sous-entendu qu'ils devraient consommer pour consolider le lien, mais le blandin ne voyait pas trop ce que ça pourrait lui faire qu'ils soient mariés.
C'était un problème à moitié écarté. Il ne tenait pas non plus à consommer. Il n'avait pas été prêt pendant ses chaleurs, et il ne l'était toujours pas. Lui et Kanda avaient essayé des choses en étant influencés par les phéromones, qu'Allen avait certes trouvées agréables et qu'il ne regrettait aucunement, mais il était bien heureux qu'ils n'aient pas été plus loin. Les prochaines l'inquiétaient. Il se refusait d'y penser, pour le moment. C'était encore loin.
Allen s'inquiétait plutôt des entraînements surveillés à venir, tout comme Kanda.
Ils s'entraînèrent ensemble trois jours de suite. L'oméga finit par chercher la discussion avec Link pour savoir où en était l'avancée du projet de Luberrier. Il n'obtient pas de nouvelle. Puis, ils furent convoqués par Komui et Luberrier. Link les accompagna évidemment. Un programme venait visiblement d'être mis au point.
Luberrier commença par leur poser des questions. Il affirma avoir mis du temps à les rappeler pour les pousser à expérimenter par eux-mêmes les combats, avant qu'ils ne soient encadrés. Il leur avait demandé si des changements s'étaient manifestés maintenant qu'Hevlaska avait stimulé leur lien, si leur maniement de l'Innocence s'en trouvait différent. Kanda et Allen n'avaient pas osé s'attaquer avec leurs Innocences au début, mais la veille, ils avaient tenté le coup. Ça avait été intense, encore une fois, mais d'une manière nouvelle. Ils n'avaient toujours pas su décrire ce qui se passait. Quelque chose s'était passé, en tout cas. Ou commençait à se passer, similairement à leur lien qui se transformait.
Ils le rapportèrent à Luberrier de manière concise. Ils ne lui faisaient pas confiance pour parler franchement. Ils comptaient trouver un moment pour s'entretenir avec Komui, avec qui ils aborderaient plus facilement la question et ses détails. Ils en avaient convenu ensemble avant cet entretien. Luberrier leur annonça ensuite que les entraînements consisteraient, comme ils le faisaient déjà, à continuer de stimuler le lien jusqu'à ce que les Innocences puissent se lier. Apparemment, peu de documents existaient concernant le lien entre les Innocences de deux exorcistes, à part des documents précisant que leurs forces s'accroissaient. Ils ne savaient pas exactement comment y parvenir, mais avant de l'exploiter, il fallait que le lien se solidifie.
Aussi, l'homme les avait prévenus que ça risquait d'être éprouvant et régulier. Mais, évidemment, comme ils restaient des exorcistes et que l'Ordre avait besoin d'eux, ça ne les empêcherait pas de partir en mission. Ils auraient aussi droit à du repos. Néanmoins, Luberrier comptait vraiment sur eux pour devenir une arme puissante. Du repos oui, mais des entraînements intensifs étaient à prévoir. Il avait dit ça d'un ton sévère. Enfin, c'est là qu'Allen avait été sérieusement irrité, tout en leur proposant une pâtisserie, il avait spécifié qu'il allait se permettre une question intime. Il leur avait demandé s'ils ne comptaient toujours pas honorer leur lien, comme il avait appris par Link qu'ils entretenaient une relation platonique.
Leurs réponses avaient fusées. Des non nets. Luberrier n'avait pas insisté. Il avait changé de sujet, ajoutant que les rapports d'entraînements seraient examinés par Komui et lui-même, pour les données scientifiques et pratiques qu'ils contiendraient.
Il les avait libérés. L'entraînement avait lieu le jour-même.
En cet instant, Allen et Kanda marchaient côte à côte, Link et Komui derrière eux. Le Chinois avait insisté pour être présent pour le premier entraînement. Allen était étonné que ce ne soit pas le cas de l'Inspecteur, mais il n'allait pas s'en plaindre. Ils allaient à la recherche d'une salle privée.
« J'ai envie de tuer ce vieux con. »
Kanda jurait dans sa barbe, ne s'adressant probablement pas à lui. Allen l'entendit quand même.
« T'es pas le seul. »
Il lui sourit. Kanda jura de nouveau. Allen était contrarié aussi. Peu importe ce qui se créait entre eux, comment cela resterait-il naturel s'ils étaient mitraillés de phéromones et pressurés par Luberrier pour honorer le lien ? Ils avaient déjà eu du mal à démêler le vrai du faux avec les chaleurs, Allen ne voulait pas qu'ils se retrouvent obligés de faire quoique ce soit pour un intérêt qui n'était même pas le leur, par simple responsabilité. Kanda non plus, à n'en pas douter. Ils ne s'étaient pas vraiment exprimés là-dessus ensemble, mais Allen avait sincèrement peur que Luberrier n'en arrive à ça. Il le voyait venir gros comme une maison. Utiliser leurs responsabilités pour les contraindre à être ensemble, au mépris de leurs sentiments. Bien sûr, Luberrier se fichait qu'ils s'aiment, qu'ils aient envie d'agir véritablement en liés ou non. Ce ne serait rien de plus qu'une alliance arrangée au bon vouloir de l'Ordre.
Allen ne regrettait pas d'être exorciste, c'était le chemin qu'il suivait et une cause qu'il estimait juste. Ceci étant dit, il trouvait déplacé que l'Ordre empiète sur sa vie sentimentale, et que leur lien soit utilisé. Surtout qu'il n'était pas sans savoir, de même que Kanda, que si ça arrivait, ils ne pourraient rien faire. Ils ne devraient que subir.
Le blandin voulait une relation naturelle avec Kanda. C'était pour ça qu'ils s'étaient battus depuis le début : maîtriser de ce qui se passait entre eux. Son cœur se gonflait quand il pensait aux dégâts que tout ça pourrait faire sur leur relation. Il coula un regard anxieux à Kanda, qui lui fut rendu sans anxiété de l'autre côté. Le brun devait en revanche sentir son désarroi. Allen se demandait ce qu'il ressentait, lui. Il ne pouvait pas s'empêcher de regretter de ne pas pouvoir sentir ses émotions de son côté, ou de ne pas pouvoir cacher les siennes. En fait, il s'en serait voulu de mettre Kanda dans l'embarras qui le frappait en sachant qu'il était comme un livre ouvert contre sa volonté.
Ils furent sommés d'aller se changer et d'entrer dans une salle par la suite, sans traîner. Cela fait, alors qu'ils étaient à bonne distance de bras et alignés devant Link, ce dernier prit la parole :
« Échauffez-vous. On passera aux choses sérieuses ensuite. Komui et moi prendrons des notes lors de l'entraînement. La première séance durera au moins deux heures. Si quelque chose d'inhabituel se passe, faites m'en part immédiatement. C'est bien compris ? »
Allen opina, Kanda restant en retrait. Komui parla à son tour :
« Faites tout de même attention à vous. Si l'entraînement puise trop dans vos énergies, que vous vous sentez épuisés, faites une pause. Il ne faudrait pas perturber votre synchronisation. »
Le blond et lui échangèrent un regard. L'Allemand se retourna vers eux, et ne le contredit pas.
« Vous êtes prêts ? » demanda Link.
Les deux jeunes hommes l'étaient. Ils n'avaient pas tellement le choix.
Ils commencèrent par des étirements, et un combat au corps à corps. Ça allait les mettre en condition, puis libérer les phéromones avant le vrai combat. Comme à chaque fois, Allen avait du mal à répondre de ses sens quand les odeurs commençaient à se diffuser. Il arrivait à s'adapter à Kanda, à parer ses coups, à contrer. Mais pas sans une certaine lenteur, causée par un sentiment d'incompréhension, de flottement. Comme si tout était au ralenti. Kanda aussi paraissait frappé par ce sentiment. Ils n'étaient pas au top de leur forme. Link et Komui les observaient. Quand les odeurs devinrent vraiment forte, il sembla à Allen, qui peinait à se concentrer sur autre chose que Kanda et à détacher ses yeux de lui, que Komui essuyait de la buée de ses lunettes. Même eux devaient les sentir, à ce stade. Il en fut ébranlé.
C'était démentiel.
La sensation d'être dans un bain de phéromones lui semblait bien fade en comparaison de ce qui se passait à l'instant. Les suggestions, l'instinct de protection, de possessivité envers Kanda… tout s'intensifiait. La présence des deux adultes le dérangeait franchement. Son instinct désirait qu'il parte. Impossible, ils allaient devoir faire avec. Allen se doutait que s'ils arrivaient à maîtriser ça, ce qui se passait entre eux, et à en tirer un quelconque profit, ils pourraient être un duo fort. Le fait que son Innocence ait muté en épée, qu'elle ait un caractère similaire à Mugen leur facilitait quelque peu l'entraînement. Peut-être que Crown Clown muterait encore. Allen s'interrogeait sur ça, si c'était étrange. La faculté que son Innocence avait à le protéger était incontestable. À chacun de leurs entraînements, elle n'avait pourtant disposé d'aucune barrière devant Mugen, alors que Kanda portant son arme représentait une sérieuse menace. À place, elle aspirait sa force et lui en prêtait également. Assez peu, elle n'y arrivait pas, mais elle essayait. Et c'était un comportement très inhabituel.
C'était comme sentir deux aimants qui s'attiraient et se repoussaient sans jamais s'atteindre.
Peut-être qu'ils arriveraient à briser ce courant de séduction pour un véritable lien. Il était une sorte de protection des deux Innocences, à la réflexion. Allen s'inquiéta de ce qu'il se passerait s'il était anéanti.
Le combat au corps à corps se termina. Ils passèrent aux Innocences. Au moment d'activer la sienne, Allen flancha. Il était déjà lourdement ébranlé par les odeurs, et chuta en avant sous un pic de senteur trop violent. Ça faisait comme un vertige. Il en avait à chaque fois depuis que le lien avait changé. Ils le prenaient depuis le bas-ventre, le secouaient parfois des pieds à la tête. Cette fois, c'était violent. Kanda se crispa légèrement, se jetant en avant pour l'empêcher de tomber.
« Ça va pas, Moyashi ?
—Si, et je suis Allen, Bakanda. »
Il mentait, mais il voulait tenir le coup. Il se dégagea des bras de l'épéiste. Kanda le toisa, ne le croyant visiblement pas. Il paraissait fâché de le voir se forcer. La voix de Komui retentit :
« Si vous avez besoin d'une pause…
—Ça va aller, j'ai juste trébuché. »
En fait, Allen ne savait pas pourquoi il réagissait ainsi. Ils n'avaient même pas encore commencé, et ils tenaient mieux les entraînements d'habitude. Même la veille, ils n'avaient pas eu ce problème. Kanda chuchota doucement, s'avançant :
« Si ça va pas, tu me le dis.
—Je tiens le coup, Kanda. Ne t'inquiète pas. »
Allen lui sourit. Il s'en fut.
Ils s'élancèrent bientôt l'un sur l'autre. Allen lança une attaque, que Kanda contra immédiatement. Tant bien que mal, il répliqua à son tour. La lutte s'engagea. Tenir était dur pour l'oméga, car la stimulation ressentie drainait leurs énergies, puis le leur renvoyait brusquement. Ça ne causait que des fluctuations désarçonnantes. Comme nager à contre-courant, et faire demi-tour constamment. Ils dépensaient doublement leurs forces en tentant de se battre à vide, puis de rattraper la vague de puissance quand elle revenait vers eux. C'était déjà ça, hier. En moins intense. Était-ce un résultat de la fatigue, ou était-ce une autre évolution…
Ils finirent par s'habituer vaguement à la fluctuation et par surfer sur les vagues de puissances. Ça faisait comme une chaleur qui traversait le bras libre d'Allen, son épée porteuse de la même sensation. Kanda se cramponnait solidement à Mugen, visage crispé. Il envoya un coup d'épée vers lui. Le maudit réussit à bloquer le mouvement. Une chaleur vibrait de leurs Innocences, comme de la fumée qui entourait les armes. Allen repoussait le kendoka. La fumée était toujours là. Elle venait de Crown Clown et semblait avancer pour rejoindre Mugen. Link et Komui le voyaient aussi. Link leur fit signe d'attaquer, ce qu'ils firent. Ça n'évoluait pas, mais la fumée qui les entourait ne disparaissait pas. Il sembla vaguement à Allen que Kanda aspirait sa force. En manquait-il ?
Crown Clown ne se défendait toujours pas.
Enfin, le blandin chuta de nouveau. Kanda le suivit peu de temps après, sa force drainée elle aussi. Les Innocences se désactivèrent, Mugen ayant l'apparence d'un simple Katana, l'épée d'Allen redevenant son bras.
Link fit enfin cesser l'entraînement.
« Bien. De ce que j'ai pu voir, Walker et Kanda sont bel et bien en train de se synchroniser. Il semble que le lien des Innocences se crée naturellement, sans qu'on ait besoin de trop le stimuler, comme on l'avait constaté. Vous l'avez senti, vous aussi ?
—Ça faisait comme si on partageait nos forces. Ou plutôt qu'on essayait. On ne faisait que se la prêter alternativement, » expliqua Allen, son expression montrant la difficulté qu'il avait eu à rassembler ses pensées.
Kanda ne fit aucun commentaire, si Allen capta son regard. Il avait l'air d'approuver, et d'être aussi épuisé que lui. Link approuva.
« J'ai vu que vos mouvements étaient synchronisés, et que vous arriviez bien à vous adapter l'un à l'autre. On va continuer ainsi pour les prochaines séances. Par la suite, je pense qu'introduire une stimulation extérieure, pour simuler un véritable combat, serait un plus pour tester les réactions des Innocences, mais c'est encore trop tôt. Komui, quelles sont vos observations ?
—J'ai l'habitude de travailler sur les Innocences, rétorqua le scientifique, et comme vous l'avez constaté, je vois que les deux Innocences sont en convergences. Elles semblent être de plus en plus proches de se lier. Il me faudrait les examiner, si ça ne vous dérange pas. »
Allen hocha la tête. Il avait confiance en Komui. Kanda articula un 'ouais' sec. Le scientifique rehaussa ses lunettes, inhabituellement sérieux :
« Tout va bien ? Vous m'avez l'air proche de vous effondrer. Est-ce que c'est trop pour vous ? Il faut à tout prix nous le dire si c'est le cas. »
Allen jeta un autre regard à Kanda.
« Eh bien… Pour ma part, j'avoue que c'est éprouvant, mais je tiens. Je ne sais pas si j'aurais pu tenir plus longtemps, en revanche. »
Komui regarda Kanda dans l'attente de sa réponse. Ce dernier soupira, mécontent de devoir s'exprimer.
« C'est puissant, ça me fait pareil. »
L'Allemand et le Chinois échangèrent un nouveau regard.
« C'est peut-être parce que vous n'êtes pas encore habitués. Néanmoins, il faudra surveiller ça. Vous pouvez disposer. »
Komui partit.
« Je vais aussi déposer mon rapport, » prévint Link, « tu peux rester là si tu le veux, Walker. Contacte-moi dans une demi-heure pour me dire où te rejoindre. »
Allen acquiesça. Il fixa Kanda, qui était parti s'asseoir à l'autre bout de la salle, et alla vers lui.
« Tu vas bien ?
—Ouais. »
L'oméga se mordit les lèvres.
« C'est vraiment spécial, ce qui se passe avec nos Innocences. Je les ai senties… si proches…
—Moi aussi. »
Le blandin s'assit à ses côtés en se laissant glisser lentement le long du mur. Il soupira, se mordant à nouveau la lèvre inférieure.
« Kanda… ? »
L'alpha tourna la tête vers lui.
« Je suis désolé que le lien nous fasse faire ça. Et que ça te cause tant d'ennui, avec Luberrier…
—Pourquoi tu t'excuses ? » contra sèchement l'autre.
Allen eut un mouvement de recul.
« Ben, je sais que si je n'étais pas l'hôte d'un Noah, on aurait pas autant de pression sur notre lien. Marie et Miranda sont liés et Luberrier s'en fiche, il les laisse vivre leur relation comme ils le veulent. Mais nous…
—C'est pas ta faute, ni de la mienne, » coupa Kanda, « c'est comme c'qu'on disait pendant tes chaleurs, souviens-toi. On est deux là-dedans, on est responsables tous les deux. On s'est déjà promis qu'on ferait face. Alors t'excuse pas. »
L'oméga était quand même contrarié de savoir que c'était à cause de son cas qu'ils se trouvaient dans cette situation. Il se rappelait aussi que Luberrier avait dit que Kanda était particulier. S'il ne savait pas de quoi il s'agissait, vu que Kanda ne voulait rien dire, Allen présumait que ce n'était pas quelque chose d'aussi problématique que pour lui. C'était donc majoritairement de sa faute, car l'Ordre voulait le contrôler. Il ne se voilait pas la face pour autant, Kanda avait raison. Ils étaient responsables à deux de la relation, à présent, et ils ne pouvaient pas s'y déroger. Le maudit avait chaud et sentait surtout que la fatigue qu'il avait contenue le rattrapait. Ils restèrent en silence. Puis, il tendit la main vers l'alpha. Kanda le regarda. C'était comme il y a un mois. Il ne s'attendait pas à ce que l'alpha lui prenne la main, ni qu'il ait un geste.
Ce dernier le fit pourtant. Leurs mains reposèrent l'une sur l'autre, la poigne du brun le soutenant. En cet instant précis, Allen ressentait un véritable besoin de soutien. Ils ne parlèrent pas. Il n'y avait pas besoin de mots dans l'immédiat. Juste de sentir leurs présences, de profiter des phéromones, de se sentir si proche mais à distance respectable. Avec envie, l'oméga s'imagina ce que ce serait d'échanger son odeur avec Kanda dans ces conditions. Ça devrait être fort. Il oublia rapidement ces pensées, le brun parlant :
« Passe me voir demain pour méditer.
—Attends, tu m'invites à méditer avec toi ? » s'étonna le blandin en regardant leurs membres.
Si Kanda l'acceptait, c'était rare qu'il lui demande directement, voire carrément la première fois qu'il le faisait. Le brun lâcha sa main.
« Ouais. Tu sens mauvais, j'vois que tu recommences à te prendre la tête et t'es chiant. Faut que t'apprennes à pas penser. »
L'oméga s'irrita. Il croisa les bras.
« Difficile de pas se prendre la tête dans ces conditions, hein.
—Pour moi aussi, Moyashi, » la voix sèche retentit, et Allen hallucina presque. Kanda qui avouait qu'il se prenait la tête… S'il n'y avait rien d'étonnant à cela en soi – il était un être humain, pas un iceberg – ça choquait quand même. « Justement, reprit ce dernier, faut se maîtriser. Alors tu viens. »
C'était un ordre. Allen grogna :
« Demande plus gentiment, Bakanda, et on verra !
—Tch. »
Kanda n'argumenta pas et s'aida d'un appui au sol pour se relever.
« J'vais aller aux vestiaires, lança-t-il.
—Attends-moi ! »
Ils avaient encore à se changer, et une douche à prendre. Allen préférait la prendre dans sa chambre, dû à sa pudeur, mais s'il n'y avait que Kanda, ça ne l'aurait pas dérangé en prenant un emplacement un peu éloigné. Une heure sous l'eau bien chaude lui changerait les idées. Ils ouvrirent la porte, se retrouvant dans le couloir, et Allen demanda au brun :
« Si on médite ensemble, j'pourrai poser ma tête sur tes genoux, comme la dernière fois ? »
Kanda grinça d'abord, ses épaules se raidirent, puis il se décrispa.
« Si tu restes sage, Moyashi.
—Je suis Allen, Bakanda, et je suis toujours très sage ! »
Un autre 'tch' lui répondit. Allen ricana.
« T'es de mauvaise foi, toi, on dirait.
—En quoi, crétin ? » attaqua le brun.
Allen prit la tête de la marche, juste avant de se retourner pour lui tirer la langue. Ce Bakanda ne se rendait même pas compte de son comportement.
« Oh, comme ça. Et c'est toi le crétin.
—M'emmerde pas avant que je change d'avis.
—Qui aime bien châtie bien. »
Et c'était particulièrement vrai entre eux. Allen était remotivé. Il ne leur restait plus qu'à s'adapter. Ça ne pouvait pas être si terrible.
À suivre...
Chapitre plus long, j'espère que ça vous a plu ! Sinon, les quatre premiers chapitres étaient introducteurs et axés à peu de chose près sur les mêmes choses, mais ça va bouger par la suite :3 ! Attendez-vous à quelque chose de différent sur le prochain, et à de nouveaux éléments ! Je suis toute excitée par la suite x). J'espère vraiment que cette ambiance vous plait pour le moment ! ^^
Reviews ? N'hésitez pas, ça mange pas de pain et ça fait plaisir ! (:
Merci d'avoir lu !
